Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires 9782759808519

Comment passer d’un schéma de principe (toujours très simple) à une installation nucléaire opérationnelle, toujours très

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French Pages 299 [298] Year 2012

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires
 9782759808519

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Introduction à l’ingénierie des installations nucléaires

Georges Sapy

Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-0714-7 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences 2012

Paper reactors, real reactors “An academic reactor or reactor plant almost always has the following basic characteristics: 1) It is simple. 2) It is small. 3) It is cheap. 4) It is light. 5) It can be built very quickly. 6) It is very flexible in purpose. 7) Very little development is required. It will use mostly off-the-shelf components. 8) The reactor is in the study phase. It is not being built now. On the other hand, a practical reactor plant can be distinguished by the following characteristics: 1) It is being built now. 2) It is behind schedule. 3) It is requiring an immense amount of development on apparently trivial terms. Corrosion, in particular, is a problem. 4) It is very expensive. 5) It takes a long time to build because of the engineering development problems. 6) It is large. 7) It is heavy. 8) It is complicated”. Amiral Hyman RICKOVER - Juin 1953 Promoteur de la propulsion nucléaire de la flotte de guerre américaine (Sous-marins et porte-avions), il est aussi à l'origine de la première centrale nucléaire civile de production d'électricité à eau pressurisée des États-Unis.

Cadre organisationnel et réglementaire Les autorisations administratives iii

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Table des matières

Préambule

1

À QUI cet ouvrage s’adresse-t-il ?

3

Introduction

5

L’ingénierie nucléaire est-elle spécifique ? Quelles conséquences sur les compétences et formations requises ? Autres caractéristiques de l’ingénierie nucléaire Principaux « macro-processus » de l’ingénierie nucléaire et plan de l’ouvrage

8 11 13 13

Chapitre 1 • Les installations nucléaires de base (INB)

17

Classement des installations nucléaires en France Panorama des principales INB françaises actuelles Les réacteurs de « Génération III » Les réacteurs de « Génération IV » ITER et les futurs réacteurs de fusion Principaux acteurs de l’ingénierie nucléaire en France Perspectives de l’ingénierie nucléaire à court, moyen et long termes

18 19 23 26 32 34 36

v

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

vi

Principaux concurrents mondiaux pour la fourniture de réacteurs nucléaires de puissance Formations académiques du domaine nucléaire, en France et à l’international

38 41

Chapitre 2 • Cadre organisationnel et réglementaire Les autorisations administratives

45

Bases de la démarche de sûreté, radioprotection, sécurité Bases physiques de la sûreté et radioprotection pour les réacteurs nucléaires Les acteurs de la sûreté nucléaire, radioprotection et sécurité en France La réglementation technique applicable aux INB dans le domaine de la sûreté La réglementation applicable aux INB dans le domaine de la radioprotection La réglementation technique applicable aux INB dans le domaine de la protection contre la malveillance Les procédures d’autorisations administratives des INB Aspects juridiques des activités nucléaires internationales

46 47 48 56 62 64 65 69

Chapitre 3 • L'ingénierie de conception ou d’études

71

Méthodologie d’approche Études de sites Études de génie civil Études d’installation Études de systèmes Spécifications techniques (de travaux, de fournitures et de services) Études transverses multifonctionnelles Autres études transverses Études justificatives Point clé des études de réalisation détaillées : la maîtrise des imbrications entre études et achats

72 74 77 79 85 93 96 103 105

Chapitre 4 • L'ingénierie d'achat

111

Schéma contractuel d’ensemble, lotissement des marchés et contrats Les achats, activité stratégique Ingénierie d’achat « d’avant contrat » : PASSATION des marchés et contrats Ingénierie d’achat « d’après contrat » : MANAGEMENT des marchés et contrats Outils intégrés de gestion des achats

112 127 132 141 147

Chapitre 5 • L’ingénierie de réalisation sur site

149

Tâches techniques en phase de construction et montages Conditions nécessaires à une réalisation sur site Essais de démarrage et mise en service d’une installation nucléaire Imbrication et coordination des tâches : deux points clés des réalisations complexes

150 158 160

106

169

Table des matières

Contrôle de la qualité des réalisations sur site Fonctions non techniques de l’ingénierie de réalisation

172 173

Chapitre 6 • Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

175

Aspects économiques Modes de financement : ingénierie financière Aspects contractuels : ingénierie contractuelle Droit nucléaire international : ingénierie juridique des États Logistique et transports non nucléaires Aspects politiques et poids des opinions publiques

176 177 182 194 203 211

Chapitre 7 • Le management de projet

213

Les grandes phases d’un projet Les grandes fonctions du management de projet Pilotage d’un grand projet nucléaire : un processus régulé en temps réel sous très fortes contraintes… Exigences spécifiques au management des grands projets nucléaires

214 215 234 236

Chapitre 8 • Pour aller plus loin…

239

Éléments de structuration organisationnelle, documentaire et qualité de la démarche ingénierie nucléaire L’ingénierie nucléaire ne se limite pas à la construction de nouvelles installations industrielles… Sources de la performance d’une ingénierie nucléaire

240 244 253

Références

265

Sciences et techniques de base Documents réglementaires et assimilés importants Codes de conception et de construction (RCC) Documents de référence de l’AIEA Autres sources d’information

265 266 266 267 267

Glossaire

269

vii

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Préambule Ce qu’EST cet ouvrage. Ce qu’il N’EST PAS ¾ Commençons par ce qu’il n’est pas : Il va d’abord sans dire que ce n’est pas un « manuel » d’ingénierie et/ou de projet, vastes corpus exhaustifs et très détaillés de documents normatifs (mais généralement assez peu explicatifs) définissant et codifiant l’ensemble des tâches et des règles d’ingénierie et de management de projet, que toute société pratiquant l’ingénierie est amenée à développer pour définir son activité et celle de ses sous-traitants. Rappelons simplement que dans le secteur de l’ingénierie nucléaire, le volume de tels « manuels » peut atteindre celui d’encyclopédies… Le parti a également été pris de ne pas reproduire ici, surtout quand aucune valeur ajoutée n’est apportée, des données de base certes indispensables à connaître, mais qui sont déjà parfaitement documentées par ailleurs (cf. références bibliographiques en fin d’ouvrage) concernant notamment : – L’immense domaine des sciences et techniques spécifiquement mises en œuvre dans l’ingénierie des installations nucléaires (physique nucléaire, neutronique, thermohydraulique, comportement et vieillissement des matériaux sous diverses contraintes (mécaniques, chimiques, irradiation), radiochimie, radioprotection, impact radio-écologique sur l’environnement, etc.). Ou encore le non moins vaste

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

domaine des sciences et techniques générales de l’ingénieur, mises en œuvre dans l’ingénierie de toute grande installation industrielle (Ggénie civil, hydraulique, thermique, mécanique, électromécanique, électricité, contrôle commande, etc.). – Les principes de fonctionnement des différents types d’installations nucléaires. Inutile en effet de les reproduire, éventuellement mal, alors qu’on les trouve, le plus souvent illustrés par des schémas de grande qualité, sur les Sites Internet des grands acteurs français du nucléaire (CEA, AREVA et EDF, pour ne citer que les plus importants, cf. également les références bibliographiques). Les seuls aspects techniques évoqués dans ces pages se limitent donc à quelques principes généraux indispensables à une bonne compréhension des approches méthodologiques mises en œuvre en matière de sûreté-sécurité nucléaire, radioprotection, etc. ainsi que des processus de l’ingénierie nucléaire.

¾ Comment alors définir cet ouvrage ? L’ingénierie, ou « art de l’ingénieur » (cf. également ci-après définitions plus complètes dans l’introduction) présente deux caractéristiques majeures : La première, pour employer le langage des pédagogues, est qu’elle constitue bien davantage une compétence, ou savoir-faire, qu’une connaissance, ou savoir. Même si, à l’évidence, elle ne peut exister sans des savoirs approfondis et nombreux. Mais posséder des savoirs est une chose, être capable de les mettre en œuvre, combiner et orchestrer pour réaliser une installation d’une grande complexité en est une autre. Qui constitue précisément la valeur ajoutée de l’ingénierie. La seconde, surtout quand elle concerne un domaine aussi vaste que celui du nucléaire, est qu’elle ne peut s’exercer que collectivement, aucun esprit humain n’ayant la capacité de maîtriser de manière approfondie la totalité des savoirs et savoirfaire nécessaires. Ces deux caractéristiques font que le savoir-faire de l’ingénierie se transmet principalement par la pratique et l’expérience de terrain (encore dénommé « compagnonnage » ou « on the job training » par les Anglo-saxons), dans le cadre normatif, défini, codifié et contrôlé d’un système qualité. Rien n’interdit cependant d’introduire le domaine, en décrivant et expliquant ses grands objectifs, son contexte réglementaire, la logique de ses processus, leurs enchainements, les différentes tâches à réaliser, les métiers exercés, etc. Ni de proposer une analyse de la complexité des processus organisationnels mis en œuvre, qui impliquent de mobiliser, fédérer et orchestrer des compétences humaines très vastes. Et relèvent du management des organisations complexes. Ce sont là les deux objets de cet ouvrage, qui présente de ce fait deux faces imbriquées : – Une face « objective » car essentiellement descriptive et factuelle, quand il s’agit de décrire et présenter un contexte réglementaire, des processus, des organisations, etc. C’est l’essentiel de l’ouvrage en volume, – Une face nécessairement « subjective », quand il s’agit de commenter et d’analyser les processus et leurs difficultés fréquentes, de suggérer des solutions possibles pour

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Préambule

y faire face et, plus largement, de réfléchir aux conditions de la performance d’une ingénierie. Cette part subjective ne peut en effet s’abstraire de l’expérience personnelle de l’auteur, par nature particulière, limitée et contingente. Enfin, dernière façon de définir ce qu’est cet ouvrage : celui… que l’auteur de ces lignes aurait aimé avoir entre les mains quand il a commencé à travailler dans le domaine ! Il y aurait gagné beaucoup de temps dans la compréhension globale des processus mis en œuvre ! Ce qui introduit le paragraphe qui suit...

À QUI cet ouvrage s’adresse-t-il ? Plusieurs cibles peuvent être identifiées : La principale est celle des étudiants des Grandes Écoles d’Ingénieurs, Instituts ou Universités Scientifiques qui veulent comprendre de manière concrète comment l’ingénierie nucléaire met en œuvre les différentes connaissances qu’ils ont pu acquérir et quels sont les différents métiers qui en résultent. Il s’agit aussi bien d’étudiants engagés dans des cursus de formations nucléaires spécialisées que d’étudiants « généralistes » se destinant à ces métiers, mais dans des fonctions (les plus nombreuses, de l’ordre de 70 % du total en nombre) non spécifiquement nucléaires (cf. introduction ci-après). Une autre cible est constituée par de jeunes ingénieurs « généralistes » et autres diplômés scientifiques récemment entrés dans l’industrie nucléaire à des postes variés, qui par définition n’ont pas d’expérience concrète en ingénierie et veulent accéder à une compréhension plus globale de l’environnement organisationnel dans lequel ils travaillent. Dernière cible potentielle : celle des ingénieurs expérimentés venant d’autres secteurs industriels et qui souhaitent réorienter leur carrière dans ce domaine. De ce point de vue, l’ouvrage aura atteint son but s’il donne au lecteur l’envie d’en savoir plus en… allant exercer l’un des nombreux et passionnants métiers qu’offre l’ingénierie nucléaire !

Les pré-requis pour aborder cet ouvrage dans de bonnes conditions sont relativement peu exigeants : disposer d’une culture générale scientifique suffisante, incluant bien sûr quelques notions de base en physique nucléaire (celle d’une licence scientifique – niveau L – pour fixer les idées). Reste une dernière catégorie de lecteurs potentiels, n’appartenant pas aux cibles cidessus : les praticiens expérimentés du domaine, connaissant donc parfaitement le sujet abordé… C’est la part subjective, donc « discutable » de l’ouvrage qui peut les intéresser. Pour y confronter leur propre expérience, tout aussi… subjective mais nécessairement différente. La confrontation étant source de réflexion… Sachant que cette dernière peut aussi concerner le management des très grands projets industriels non nucléaires, qui présentent beaucoup de points communs (en un peu plus simple cependant…) avec leurs homologues nucléaires. 3

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Introduction Avant d’entrer dans le vif des différents sujets constituant l’ingénierie des installations nucléaires, il n’est sans doute pas inutile d’en préciser les éléments de vocabulaire, ainsi que de resituer cette ingénierie par rapport à d’autres types d’ingénieries, en répondant notamment à des questions telles que : – Qu’est-ce que l’ingénierie ? – L’ingénierie nucléaire est-elle spécifique ? – Si oui, quelles sont les parts respectives entre ingénieries spécifique et non spécifique sur une installation nucléaire ? – Quelles en sont les conséquences en termes de compétences requises et de formations associées ? – Enfin, quelles sont les grandes fonctions de l’ingénierie nucléaire ? Sachant que la réponse à cette question va structurer le plan général de cet ouvrage.

Qu’est-ce que l’ingénierie ? Plusieurs définitions de l’ingénierie existent. Nous en citerons trois : « Activité spécifique de définition, de conception et d’étude d’ouvrages ou d’opérations, de coordination, d’assistance et de contrôle pour la réalisation et la gestion de ceux-ci »,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

« Ensemble des prestations consistant à étudier et faire réaliser un ouvrage ou système d’ouvrages qui requièrent un ensemble de compétences de natures diverses : scientifiques, techniques, environnementales, de gestion, financières, juridiques, etc. et bien sûr managériales », « Ensemble des aspects technologiques, économiques, financiers et humains relatifs à l’étude et à la réalisation d’un projet, qu’il soit industriel, scientifique ou de société ». Il faut bien reconnaître qu’en dépit de leur grande clarté pour des praticiens de l’ingénierie, ces définitions ne sont pas forcément très parlantes, ni très concrètes, pour tous ceux qui ne l’ont jamais pratiquée... C’est que la « substantifique moelle » de l’ingénierie n’est pas très facile à cerner : activité purement intellectuelle, qui ne produit « que du papier » (fut-il sous forme électronique) sa valeur ajoutée n’est pas toujours bien comprise des entités qui lui sont extérieures. Et qui la réduisent parfois par ignorance à… un coût, dont la justification ne serait pas toujours évidente ! C’est aussi que cette activité est victime… d’elle-même : mieux elle est pratiquée, c’est-à-dire plus elle est performante, moins cela se « voit » ! En effet, quand tout va « comme une lettre à la poste », l’art semble facile… Mais que des difficultés surviennent, alors l’ingénierie est la première à être mise en accusation ! Bref, l’ingénierie est une activité à l’image souvent floue et parfois même négative, y compris dans l’esprit de certains dirigeants… Mais combien passionnante pour ceux qui la pratiquent ! Pour deux raisons essentielles : – C’est d’abord une activité créatrice : c’est en effet elle qui rend possible la réalisation de projets complexes dans des conditions environnementales, réglementaires, scientifiques, techniques, économiques, humaines, politiques, etc. bénéfiques pour la société, en réalisant l’indispensable synthèse de toutes les contraintes, – C’est ensuite une activité doublement « collaborative », donc riche de relations humaines variées : - En interne, personne n’ayant la capacité de maîtriser en étendue et profondeur tous les aspects d’un projet complexe, - À l’externe, tout projet complexe s’appuyant sur de très nombreuses compétences extérieures, qu’il faut aller chercher, évaluer, « acheter », puis coordonner, gérer, etc. En un mot, l’ingénierie (ou étymologiquement « art de l’ingénieur »), est fondamentalement une activité d’organisation et de gestion de la complexité s’appuyant sur la coordination de multiples compétences humaines. Dont le but ultime est de… créer ! Par extension, le terme désigne la gestion de situations complexes dans différents domaines. C’est ainsi que l’on parle « d’ingénierie financière », « d’ingénierie juridique », « d’ingénierie de la formation », « d’ingénierie publique », etc. Nous l’utiliserons ici essentiellement dans son acception « ingénierie industrielle » appliquée aux grands ensembles industriels, dont les installations nucléaires constituent

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Introduction

probablement l’archétype en termes de complexité globale (technologique, environnementale, réglementaire, financière, politique, humaine, etc.). On peut dans ce contexte proposer une nouvelle définition de l’ingénierie : « Ensemble des activités permettant de passer des théories et des schémas de principe à la complexité d’une installation réelle respectant des exigences nombreuses et variées en termes de sécurité nucléaire, impact sur l’environnement, exploitabilité, maintenabilité, disponibilité, rentabilité économique, durée de vie, acceptation par le public… dont le résultat constitue un ensemble économiquement et socialement utile ». Ce passage des théories et schémas de principe aux réalisations concrètes relève typiquement de « l’art de l’ingénieur », qui consiste précisément à utiliser et mettre en œuvre des connaissances scientifiques, techniques et technologiques, en les intégrant dans un ensemble plus vaste de contraintes réglementaires, économiques, sociales et humaines. Sachant que la réalisation d’une installation industrielle complexe peut aussi s’assimiler à l’assemblage d’un « Grand Meccano », on peut distinguer trois niveaux complémentaires de mise en œuvre de l’ingénierie : – L’ « ingénierie d’ensemblier » ou « architecture industrielle », mise en œuvre par un « Maître d’Œuvre » ou encore un « Architecte Industriel ». Comme son nom le suggère, elle a pour objet de concevoir et coordonner de manière globale la réalisation du « Grand Meccano », en s’appuyant en tant que de besoin sur les compétences extérieures nécessaires, qui elles-mêmes mettent en œuvre les deux autres types d’ingénierie, à savoir : – L’« ingénierie de détail » ou « ingénierie d’exécution », mise en œuvre par des sousensembliers ou des bureaux d’études spécialisés, conformément aux spécifications du Maître d’Œuvre. Cette ingénierie constitue l’interface entre la conception d’ensemble et la réalisation sur site. C’est elle qui produit les documents dits d’« exécution », directement utilisables sur le site pour réaliser l’installation. Elle concerne plus particulièrement (non exhaustif) les sous-ensembles « passifs » du « Grand Meccano » : contenant (bâtiments) et réseaux de connexion reliant entre eux les équipements et composants « actifs » de ce dernier. – L’« ingénierie incorporée » au sein des équipements et composants dits « actifs » du « Grand Meccano » (nécessitant leur propre ingénierie interne, comme par exemple les pompes, les capteurs, etc.). Cette ingénierie est mise en œuvre par les très nombreux « fournisseurs » (au sens large : équipementiers, sous-ensembliers, etc.) conformément aux spécifications générales du Maître d’Œuvre. Elle recouvre des compétences nombreuses et variées, allant des plus sophistiquées à de plus communes selon la nature, la fonction, les classements (sûreté, qualité, etc.) des équipements et composants concernés. À noter que la notion d’« ingénierie incorporée » (aux produits) oriente vers des fournisseurs ayant des compétences avérées en conception, ce qui exclut les simples

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

« façonniers », dont les compétences se limitent à réaliser selon une conception faite par d’autres (comme cela se faisait naguère dans des pays comme la Chine ou l’URSS, mais qui a disparu depuis longtemps dans les pays industriels occidentaux). En réalité, les frontières entre les trois types d’ingénierie décrits ci-dessus sont mouvantes et dépendent de plusieurs facteurs, notamment : – De l’existence d’un Maître d’Œuvre (ou Architecte Industriel) indépendant des grands fournisseurs d’équipements. Un exemple permet d’illustrer ce point : - Lorsque EDF construit une centrale nucléaire en France en qualité de Maître d’Ouvrage, il en assure lui-même l’architecture industrielle et s’adresse (entre autres fournisseurs) à AREVA NP qui conçoit, fournit, monte et met en service le sous-ensemble fonctionnel majeur que constitue la chaudière nucléaire, - Lorsqu’AREVA NP fournit un îlot nucléaire à un client étranger, il assure en outre généralement l’architecture industrielle complète de cet îlot. On voit donc que les frontières s’adaptent au schéma contractuel imposé par le client (ce sujet sera approfondi dans le chapitre 4). – Du degré de sous-traitance choisi par le Maître d’Œuvre. Ce qui conditionne le volume de l’ingénierie de détail confiée à des bureaux d’études spécialisés et/ou à des sous-ensembliers. Sachant que la sous-traitance relève soit de la nécessité, si la prestation à réaliser n’est pas dans les compétences propres du Maître d’Œuvre, soit de l’opportunité (optimisation technico-économique) le sous-traitant étant souvent plus productif et moins cher, car il s’est spécialisé dans son domaine de compétences, beaucoup plus étroit que celui du Maître d’Œuvre.

L’ingénierie nucléaire est-elle spécifique ? L’ingénierie de toute installation industrielle peut être subdivisée en deux grandes « parts » : – La part dite spécifique, étroitement liée au processus (physique, chimique, etc.) mis en œuvre dans l’installation, – La part dite non spécifique, que l’on retrouve sous des formes très similaires dans n’importe quelle installation industrielle importante (centrales de production d’électricité, raffineries de pétrole, installations de gaz naturel liquéfié, complexes chimiques, etc.). Cette part non spécifique recouvre des : - Technologies largement communes ou similaires (distributions de fluides, distributions électriques, contrôle commande, etc.), - Méthodologies d’ingénierie, pratiques organisationnelles, etc. également très similaires (méthodes d’ingénierie, management des grands projets, etc.). Ce point est essentiel car il « rapproche » une part importante des métiers d’ingénierie, quel que soit le domaine industriel considéré.

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Introduction

L’ingénierie des installations nucléaires s’inscrit tout à fait dans cette logique en y ajoutant quelques spécificités fortes qui seront précisées plus loin. On peut donc là encore distinguer : – L’ingénierie spécifique, qui concerne directement les aspects nucléaires et la maîtrise de leurs conséquences, recouvrant en particulier (non exhaustif) : - L’ingénierie des processus nucléaires mis en œuvre, - La maîtrise de la sûreté nucléaire, - La radioprotection (qui concerne à la fois la protection du personnel et celle des populations environnantes). En fait, il faut plutôt parler d’ingénieries spécifiques en fonction du processus nucléaire concerné dans la mesure où : - Des différences notables existent déjà entre différentes catégories de réacteurs : ainsi, les réacteurs électrogènes de puissance mettent en jeu des puissances neutroniques et donc thermiques considérables, alors que les réacteurs de recherche et/ou d’irradiation, de puissance comparativement beaucoup plus faible, mettent en jeu des flux neutroniques beaucoup plus élevés, qui impliquent d’autres types de difficultés, - Les processus nucléaires mis en jeu sont encore bien plus différents dans les installations autres que les réacteurs, celles notamment des phases amont et aval du cycle du combustible : usines d’enrichissement, de fabrication des éléments combustibles, de retraitement des combustibles usés, etc. où règnent en maîtres la chimie, la télémanipulation pour traiter des matériaux présentant des taux de radioactivité extrêmement élevés, etc. Toutes ces formes d’ingénieries spécifiques ont cependant en commun d’être soumises à la même réglementation, celle des installations nucléaires de base (INB, cf. chapitre 1) et d’obéir notamment à des principes de sécurité nucléaire (terme englobant la sûreté nucléaire, la radioprotection et la protection contre la malveillance, cf. également plus loin) identiques (bien sûr déclinés concrètement de manière adaptée à chaque type d’installation). On notera cependant que si la radioprotection reste spécifique du domaine nucléaire, les démarches de sûreté, nées avec ce dernier, et dans une moindre mesure, de protection contre la malveillance, ont été largement étendues, en tant qu’approches méthodologiques, aux installations industrielles présentant des risques potentiels importants pour l’environnement ou la santé humaine (usines chimiques, certains centres de stockage, etc. classés « SEVESO » pour l’environnement). – L’ingénierie faiblement spécifique ou non spécifique concerne donc tout le reste : bien sûr la partie dite « classique » (non nucléaire) de l’installation, mais aussi une part importante (en volume) de la partie dite nucléaire, pour laquelle les processus mis en œuvre et/ou les exigences de sûreté / radioprotection ont des impacts limités, et n’impliquent pas une expertise nucléaire poussée.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Quelles parts respectives entre ingénieries spécifique et non spécifique ? Nous prendrons l’exemple d’une centrale nucléaire de type REP (réacteur à eau pressurisée, en anglais PWR : Pressurized Water Reactor), dans laquelle on peut distinguer : – Une partie à très forte spécificité nucléaire, recouvrant essentiellement l’ingénierie (non exhaustif) : - De la chaudière nucléaire (qui comprend notamment le cœur nucléaire) et des systèmes électromécaniques et de contrôle commande qui lui sont directement associés, - Des systèmes de manutention / stockage du combustible nucléaire, - Des systèmes de traitements des effluents radioactifs. Les concepteurs de ces parties de l’installation pratiquent à l’évidence une ingénierie hautement spécifique, requérant des compétences approfondies dans les sciences et techniques nucléaires (physique nucléaire, neutronique, thermo-hydraulique, tenue des matériaux sous irradiation, radioprotection, études de sûreté, etc.). – Une ingénierie à spécificité nucléaire allant de « moyenne » à « nulle » pour tout le reste. Il ne faut en effet pas oublier qu’une installation nucléaire est majoritairement constituée (en volume et/ou en masse) de… béton, réseaux de tuyauteries, pompes, échangeurs de chaleur, réservoirs, vannes motorisées, systèmes de ventilation, distributions électriques, etc. dont les conceptions et technologies sont directement dérivées de celles des grandes installations industrielles non nucléaires. Les activités d’ingénierie associées (études de conception et détaillées, achats, construction, etc.) sont de ce fait également peu spécifiques. Ceci est encore plus vrai si l’on s’intéresse aux aspects organisationnels et méthodologiques des processus d’ingénierie, et bien sûr au management global du projet, aux méthodes de contrôle et de gestion, etc. De fait, les différences essentielles par rapport à l’ingénierie classique de grandes installations non nucléaires viennent d’exigences complémentaires et/ou supérieures de qualité (à la fois en termes de contrôles qualité et d’assurance de la qualité). En d’autres termes, les aspects nucléaires interviennent alors comme des éléments de contexte, impliquant des exigences plus élevées dans l’exercice des différents métiers d’ingénierie concernés, mais ne remettant pas en cause les fondamentaux de ces derniers. Un exemple permet d’illustrer cet aspect des choses : celui de la conception des enceintes de confinement des réacteurs, ouvrages de génie civil en béton précontraint de haute technologie, mais qui ont peu à voir avec la physique nucléaire, tout au moins… directement ! L’aspect « nucléaire » de l’ouvrage se traduit dans ce cas par la prise en compte de cas de charges supplémentaires, par des contraintes de qualité beaucoup plus élevées, etc. C’est-à-dire par un métier exercé de manière plus complexe et plus exigeante. Mais, point majeur, la compétence de base reste fondamentalement la même : celle de concepteur de structures de génie civil.

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Introduction

La conclusion est évidemment la même pour ce qui concerne de nombreux autres métiers de l’ingénierie mis en œuvre (mécanique, électricité, etc.). Peut-on, dans ces conditions, quantifier les parts respectives d’ingénierie spécifique et d’ingénierie peu ou non spécifique ? Si l’on prend à nouveau l’exemple d’une centrale de type REP, et que l’on raisonne en volume d’heures d’ingénierie, et étant entendu qu’il ne s’agit là que d’ordres de grandeur indicatifs, on peut probablement considérer que : – L’ingénierie spécifique, requérant des compétences nucléaires approfondies, « pèse » probablement pour moins d’un tiers de l’activité totale, – Par conséquent, l’ingénierie peu ou non spécifique représente plus des deux tiers de l’activité totale et est donc largement majoritaire en volume.

Quelles conséquences sur les compétences et formations requises ? Il résulte de ce qui précède que l’ingénierie des installations nucléaires requiert deux grands types de compétences complémentaires : – Des compétences nucléaires spécifiques et très spécialisées, minoritaires en nombre, mais qui impliquent des formations lourdes dans les domaines considérés (du type « Génie Atomique » dispensé par l’INSTN ou autres formations similaires existantes et à venir, cf. également chapitre 1), – Des compétences en ingénierie générale d’installations industrielles, que l’on peut qualifier de généralistes, majoritaires en nombre, qui requièrent une gamme étendue de formations d’ingénieurs et techniciens, en génie civil, en électromécanique, en électronique et informatique, etc. Cependant, le contexte plus exigeant d’une installation nucléaire implique pour cette dernière catégorie la mise en œuvre de formations / initiations / sensibilisations complémentaires adaptées à chaque métier et centrées sur : - Les notions de base en sûreté / radioprotection / qualité, - La « culture de sûreté » (qui implique la « culture de qualité » mais va bien audelà) et relève bien davantage d’une prise de conscience, d’un état d’esprit et de règles de comportement fondés sur la rigueur intellectuelle, le doute scientifique et la transparence, que de connaissances pures (cf. encadré ci-après).

La « culture de sûreté » 0) Définition (Source AIEA, INSAG 4) « Ensemble des caractéristiques et des attitudes qui, dans les organismes et chez les individus, font que les questions relatives à la sûreté des installations nucléaires bénéficient, en priorité, de l'attention qu'elles méritent en raison de leur importance ». Cet énoncé fait ressortir que la « culture de sûreté » concerne à la fois l’organisation des structures et l’attitude (personnelle et collective) des individus.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

1) Organisation des structures La « culture de sûreté » implique la mise en œuvre d’une politique de sûreté intégrée au système qualité de la structure et comportant en particulier (non exhaustif) : – Une déclaration de politique de sûreté faite par la Direction, – La définition claire des responsabilités respectives en matière de sûreté, complétant de façon explicite la définition des responsabilités respectives dans les autres domaines de l’organisation, – La définition d’une politique de prise en compte et mise en œuvre des leçons de l’expérience (processus dénommé « retour d’expérience ») qui constitue une source irremplaçable d’amélioration de la sûreté, – La mise en place d’un management des hommes reconnaissant de façon transparente et non coercitive les « erreurs humaines » afin de mieux les prévenir (grâce à des actions anticipatives : amélioration des Interfaces Hommes / Machines ou IHM, actions de formation, etc.) ou mitiger (grâce à la remontée et prise en compte immédiates des informations en cas d’erreur commise, etc.). Le dernier point évoqué ci-dessus est l’un des plus difficiles à mettre en œuvre dans la mesure où reconnaître ses erreurs n’est jamais spontané ni facile pour un individu (cela dépend aussi beaucoup de la culture nationale). Il s’agit donc toujours d’une action de longue haleine pour une organisation, fondée sur la délivrance claire et constante des « bons signaux » auprès des individus (notamment, non sanction des erreurs humaines, qu’il convient de distinguer impérativement des fautes). 2) Attitude personnelle et collective des individus La « culture de sûreté » implique également des comportements individuels et collectifs spécifiques tels que : – Considérer que les procédures rationnelles et les bonnes pratiques ne suffisent pas si elles sont seulement appliquées de manière formelle, – Acquérir et conserver « l’habitude de penser en termes de sûreté », notamment caractérisée par : - Une attitude interrogative de remise en question systématique (ai-je bien compris la tâche à accomplir ? Quel rapport a-t-elle avec la sûreté ? Aije les connaissances nécessaires pour m'en acquitter ? Ai-je besoin d'aide ? Quelles sont les leçons de l’expérience dans ce domaine ? etc.), - Une démarche rigoureuse et prudente (quels sont les risques de mon activité ? Quelles pourraient être les conséquences d'une erreur ? Que faut-il faire pour prévenir les erreurs ? etc.), - Une prise de conscience de sa responsabilité individuelle et de celle du groupe (Quelles sont mes responsabilités propres ? Quelles sont celles des autres ? Comment s’articulent-elles ? etc.), - Une attitude de transparence absolue en cas d’erreur commise ou constatée, d’anomalie de toute nature ou de simple doute.

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Ces formations / initiations / sensibilisations complémentaires ont pour point commun d’être relativement légères (en durée, pas en contenu !). Ce d’autant plus qu’elles s’adressent à des personnes disposant déjà d’une formation scientifique et technique réputée solide et de compétences métier, à qui il faut « simplement » (mais c’est alors essentiel !) faire prendre conscience des exigences particulières liées au contexte nucléaire dans lequel elles seront amenées à travailler. Afin qu’elles exercent leur métier en toute connaissance de cause.

Autres caractéristiques de l’ingénierie nucléaire L’ingénierie des installations nucléaires présente en outre le plus souvent les caractéristiques particulières suivantes : – C’est une ingénierie extrêmement lourde (compte tenu de ses nombreuses contraintes), qui s’inscrit donc dans la (longue) durée (la construction de la plupart des grands projets nucléaires s’étend sur près d’une dizaine d’années, entre le début des études préliminaires et la mise en service industriel de l’installation). C’est donc corrélativement une ingénierie nécessairement coûteuse. – C’est une ingénierie à innovation technologique relativement lente (si on la compare à la plupart des autres secteurs industriels, à l’exception toutefois de la construction aéronautique, qui présente également cette caractéristique, pour des raisons similaires, mais à un moindre degré cependant) compte tenu : - Des contraintes de sûreté, qui imposent des validations approfondies des innovations (par codes de calcul, essais de qualification, retour d’expérience en exploitation, etc.) nécessairement longues. En particulier, la mise au point d’un nouveau type de réacteurs se compte en décennies plutôt qu’en années. - De l’importance des investissements financiers et peut-être plus encore des besoins en compétences humaines, longues à former et qui ne peuvent être envisagés que dans la durée.

Principaux « macro-processus » de l’ingénierie nucléaire et plan de l’ouvrage ¾ Domaine d’application : les INB Quel est, tout d’abord, le domaine d’application de l’ingénierie nucléaire ? Comme évoqué plus haut, nous retiendrons les « installations nucléaires de base » ou INB, qui constituent les installations nucléaires majeures. Elles sont définies dans le chapitre 1, avec leurs caractéristiques essentielles. Sont également brièvement évoqués dans ce chapitre les principaux acteurs français du secteur, les perspectives de l’ingénierie nucléaire en France et à l’export, les grands

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concurrents étrangers pour la fourniture de centrales nucléaires électrogènes, ainsi que les principales formations académiques nucléaires. Le « décor général » étant ainsi planté, on peut alors entrer dans le vif du sujet : l’ingénierie de toute nouvelle installation nucléaire, quelle que soit sa nature, peut en effet être subdivisée en six macro-processus principaux, qui font chacun l’objet d’un chapitre spécifique. NB: de fait, c’est l’exemple des centrales électrogènes de la filière REP – qui constituent les installations nucléaires actuellement les plus répandues dans le monde : plus des deux tiers des réacteurs électrogènes – qui sert implicitement de fil conducteur dans la suite de cet ouvrage. Seront ainsi abordés les macro-processus suivants :

¾ Procédures administratives Tout projet nucléaire commence en effet par la préparation des autorisations administratives nécessaires au choix et à la justification, d’abord du site d’implantation de la future installation, ensuite à sa construction proprement dite et enfin à sa mise en service. Et, bien plus tard, à son démantèlement. C’est l’objet d’un travail technico-réglementaire approfondi de préparation, démonstration et justification, régi par la réglementation « sûreté, radioprotection et protection contre la malveillance » dans le cadre de l’Organisation de ces domaines en France (à noter que certains aspects des relations avec les Institutions Internationales à vocation nucléaire, AIEA notamment, sont également évoqués dans ce contexte). Ce sujet est traité dans le chapitre 2, à l’exception des aspects purement techniques relatifs au choix et à la justification des sites, traités dans le chapitre 3.

¾ Ingénierie d’études Il faut ensuite concevoir l’installation, d’abord dans son ensemble, puis ensuite dans le détail, sur la base d’un cahier des charges définissant les performances à atteindre et tenant compte de toutes les exigences et contraintes existantes, notamment dans les domaines « sûreté, radioprotection et protection contre la malveillance ». Cette activité constitue l’ingénierie de conception, encore appelée ingénierie d’études, qui se subdivise elle-même en plusieurs macro-processus (études d’installation, de fonctionnement, de sûreté, de radioprotection, etc.). Ce sont les études de réalisation qui sont décrites ici, dans la mesure où elles constituent de loin la partie la plus complexe en termes de processus d’études, d’interfaces avec le processus d’achat et finalement d’organisation générale. Ce sujet est traité dans le chapitre 3.

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Introduction

¾ Ingénierie d’achat Il faut aussi sélectionner les fournisseurs, entrepreneurs et prestataires de services et procéder aux achats de sous-ensembles, équipements, travaux et services nécessaires, sur la base des spécifications techniques élaborées au stade de l’ingénierie de conception. Cette activité constitue l’ingénierie d’achat, structurée à la fois par le « lotissement » retenu pour les marchés et contrats, dépendant notamment des compétences respectives du donneur d’ordres et des fournisseurs, et par les procédures (notamment européennes) de passation des marchés. Les achats sont par ailleurs au cœur des analyses de risque (la défaillance d’un fournisseur pouvant avoir des conséquences industrielles très importantes). Ce sujet est traité dans le chapitre 4.

¾ Ingénierie de réalisation Il faut ensuite organiser, coordonner, superviser et contrôler l’ensemble des travaux de construction sur le site puis mettre en service de l’installation : réception des équipements et stockage, montage et raccordement in situ, essais de démarrage, mise en service progressive de l’installation et essais d’ensemble, transfert au « Maître d’Ouvrage ». Cette activité constitue l’ingénierie de réalisation sur site. Elle est traitée dans le chapitre 5.

¾ Ingénierie financière, contractuelle, juridique, logistique, etc. Cependant, les activités définies dans les chapitres ci-dessus n’existeraient pas sans compétitivité économique, à laquelle contribuent fortement des financements bien adaptés au caractère extrêmement capitalistique de ces installations (ingénierie financière), ni sans contrats commerciaux intégrant la maîtrise des risques, surtout pour des projets internationaux (ingénierie contractuelle). Par ailleurs, compte tenu du caractère transfrontière des activités nucléaires, la signature de Conventions et/ou de Traités internationaux par les États concernés (ingénierie juridique des états) est une étape indispensable. Et rien ne serait possible non plus sans transports internationaux. Enfin, il ne faut pas négliger les aspects politiques et… l’opinion publique ! Les aspects les plus importants de ces différents domaines sont donc abordés dans le contexte plus général et plus riche des projets internationaux. Ils sont traités dans le chapitre 6.

¾ Le management de projet Il faut enfin « orchestrer » l’ensemble des tâches et processus précédents, c’est-à-dire les planifier, les coordonner, les contrôler, mais aussi anticiper, mitiger et gérer de manière réactive et proactive les risques et aléas de toute nature pouvant survenir, le

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

tout sous la contrainte permanente et très forte des exigences QCD (qualité, coût, délai) du domaine nucléaire. Cette activité intégratrice globale recouvre classiquement le management de projet. Elle est traitée dans le chapitre 7.

¾ Pour aller plus loin… C’est le titre d’un dernier chapitre (chapitre 8) qui permet : – D’une part d’évoquer différents sujets qui n’ont pu être abordés dans les chapitres précédents, en particulier : - La structuration organisationnelle, documentaire et qualité d’une démarche d’ingénierie, - Des catégories ou phases d’ingénierie non abordées de manière détaillée dans les chapitres précédents, qui sont essentiellement centrés sur l’ingénierie « travaux neufs » des installations nucléaires à caractère « industriel ». Méritent d’être également évoquées : l’ingénierie des installations prototypes à vocation R&D, celle des installations en exploitation, enfin celle du démantèlement, transverse à l’ensemble des installations nucléaires. – D’autre part, de proposer des éléments de réflexion relatifs aux bases de la performance d’une ingénierie nucléaire, qui repose sur deux piliers : la maîtrise absolue de la sécurité nucléaire et la compétence en management des grands projets. Outre les chapitres précédents, l’ouvrage comporte aussi classiquement : - Des références bibliographiques, - Un glossaire qui rassemble et définit les termes les plus usités.

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Les installations nucléaires de base (INB)

Ce chapitre de généralités a pour buts essentiels : – D’abord de définir ce que recouvre le terme général d’ingénierie nucléaire, en introduisant son objet principal, à savoir les installations nucléaires de base (ou INB), selon la définition française. Il s’agit en effet des installations nucléaires les plus complexes et importantes, qui requièrent par conséquent la mise en œuvre d’une ingénierie sophistiquée. Sont ainsi présentés : - Les principes de classement des installations nucléaires en France, - Le panorama des principales INB françaises actuelles, comprenant à peu près tous les types d’INB possibles : réacteurs électrogènes de puissance, réacteurs de recherche et/ou d’irradiation, usines du cycle du combustible, centres de stockage de déchets radioactifs, grands accélérateurs de particules, lasers à très haute énergie. – Ensuite d’esquisser les perspectives actuelles et d’avenir de l’ingénierie nucléaire, en France et dans le monde, sur la base du classement des réacteurs nucléaires électrogènes en fonction de différentes « Générations ». Ces réacteurs constituent actuellement, et devraient continuer à constituer, les installations nucléaires les plus répandues (au premier janvier 2011, on en comptait 442 en exploitation et 65 en construction dans le monde).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

On distingue ainsi les réacteurs des différentes « Générations » (et les types d’ingénierie qui leur sont associées) : -

« Génération I » (ingénierie de démantèlement), « Génération II » (ingénierie des installations en exploitation), « Génération III » (ingénierie des nouveaux réacteurs actuels), « Génération IV » et ITER (ingénierie de prototypes, étroitement liée à la R et D).

– Enfin, dernier sujet, d’évoquer plus particulièrement : - Les principaux secteurs d’activité de l’ingénierie nucléaire en France, à court et moyen termes, - Les principaux acteurs de l’ingénierie nucléaire en France, - Les principaux concurrents mondiaux pour la fourniture de réacteurs nucléaires électrogènes, ce qui donne une idée de l’état de la concurrence dans le secteur, - Enfin, les formations académiques dans le domaine du nucléaire, qui connaissent un développement important, en France et à l’International.

Classement des installations nucléaires en France (Source : Loi dite « TSN » du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, et ses décrets d’application) Les installations nucléaires sont formellement classées en trois catégories, qui impliquent des procédures dont les contraintes et exigences croissent bien sûr avec les quantités de substances radioactives qu’elles mettent en œuvre : on distingue ainsi le « petit nucléaire », les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), enfin les installations nucléaires de base (INB). – Le « petit nucléaire » regroupe les installations utilisant des rayonnements ionisants de faible niveau, notamment dans le domaine de la radiologie médicale. Pour ces activités, sont imposés : un régime d'autorisation pour la fabrication, la détention, la distribution, l'importation, l'exportation et l'acheminement des appareils concernés, puis ensuite un contrôle périodique systématique de ces appareils, – Les installations nucléaires classées pour la protection de l'environnement sont des installations mettant en œuvre des quantités « intermédiaires » de substances radioactives, comme les laboratoires de recherche nucléaire, les ateliers « chauds » manipulant des substances radioactives, etc. Elles relèvent de la réglementation générale (non spécifiquement nucléaire) des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), – Les installations nucléaires de base (INB) sont les installations nucléaires fixes majeures, mettant en œuvre des quantités importantes de substances radioactives et/ou des activités radioactives élevées. Elles recouvrent : - Les réacteurs nucléaires fixes (hors réacteurs embarqués), de puissance ou de recherche,

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1. Les installations nucléaires de base (INB)

- Les usines de séparation, fabrication ou transformation de matières radioactives, notamment les usines d'enrichissement et de fabrication de combustibles nucléaires, - Les usines de traitement des combustibles irradiés ou de conditionnement des déchets radioactifs, - Les installations destinées au stockage, dépôt ou utilisation de substances radioactives, y compris les déchets, - Les accélérateurs de particules et les lasers de très grande puissance, - Enfin, des laboratoires, unités de maintenance, ionisateurs, etc. mettant en œuvre des niveaux de radioactivité dépassant les limites de la réglementation des ICPE.

Panorama des principales INB françaises actuelles (En cours de déconstruction, en service, en construction ou en projet)

¾ Les réacteurs électrogènes de puissance Ce sont de très loin les INB les plus répandues. On peut distinguer : – Les INB arrêtées, pour la plupart depuis longtemps, et actuellement en état d’arrêt définitif et/ou en phase de démantèlement : il s’agit des réacteurs « historiques » des filières françaises « Uranium Naturel Graphite Gaz » ou UNGG (9 unités) et « eau lourde » (1 unité), ainsi que du premier réacteur de la filière REP (300 MW). Ils représentent la « Génération I ». Il faut y ajouter les réacteurs de la filière RNR (réacteurs à neutrons rapides) Phénix, également réacteur historique de 250 MW, arrêté en 2009 après une longue carrière et Super Phénix, réacteur de taille industrielle (1200 MW) mis à l’arrêt prématurément pour des raisons largement « non techniques » en 1998. Ils sont les précurseurs, sous réserve cependant d’améliorations majeures de sûreté, d’une voie prometteuse pour les réacteurs de « Génération IV » (cf. ci-après). – Les INB en exploitation : on en compte actuellement 58, appartenant toutes à la filière REP (34 unités du « palier » 900 MW, 20 unités du « palier » 1300 MW et 4 unités du « palier » N4 de 1450 MW), exploitées par Électricité de France. Ces réacteurs représentent la « Génération II ». – Les INB en construction : il s’agit du réacteur de présérie de modèle EPR (European Pressurized Reactor), toujours de technologie REP, actuellement en construction sur le site de Flamanville, pour une mise en service actuellement prévue en 2016. Il appartient à la « Génération III ». Compte tenu de leurs enjeux stratégiques pour l’avenir énergétique, à moyen et long terme, en France et dans le monde, les réacteurs des « Générations III et IV » font ci-après l’objet de développements complémentaires.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

¾ Les réacteurs de recherche et/ou d’irradiation Ils constituent la deuxième population d’INB par le nombre. Début 2011, on en comptait 11 en activité en France, tous exploités par le CEA et une douzaine environ en état d’arrêt définitif. Ces réacteurs, de puissance modeste, sont en revanche pour la plupart conçus pour produire des flux neutroniques très élevés, dans deux buts essentiels : – Produire des isotopes radioactifs utilisés en imagerie médicale et médecine nucléaire pour notamment diagnostiquer ou traiter les cancers, – Faire de la recherche sur les réacteurs de puissance actuels et futurs, dans plusieurs domaines, notamment : - Tester le vieillissement accéléré des matériaux ou des éléments combustibles grâce à leurs flux neutroniques très élevés (qui permettent d’accélérer le temps), - Valider des configurations nouvelles de cœurs de réacteurs nécessitant des expériences de neutronique, valider les codes de calcul correspondants, etc. - Réaliser des études expérimentales approfondies en matière de sûreté (en particulier, comportement d’éléments combustibles en cas de pics de puissance, d’accidents, etc.). Un nouveau réacteur de recherche, le RJH (Réacteur Jules Horowitz), est en construction sur le site de Cadarache, pour une mise en service actuellement prévue en 2014 ou 2015. Réacteur polyvalent aux performances accrues par rapport aux réacteurs actuels (doublement des flux de neutrons rapides et thermiques et du nombre d’expériences menées de front), il fait l’objet d’une coopération européenne et internationale.

¾ Les usines du cycle du combustible Ces INB recouvrent une série d’installations intervenant dans le cycle du combustible nucléaire, de l’amont (avant passage des combustibles dans un réacteur nucléaire) à l’aval (après passage des combustibles dans un réacteur nucléaire). Contrairement aux réacteurs nucléaires de tous types, dont le processus physique fondamental est la réaction en chaîne contrôlée de fission, tout est mis en œuvre dans les installations du cycle du combustible pour absolument éviter tout risque de criticité (qui serait évidemment d’une extrême gravité). De nombreux processus physiques mais surtout chimiques sont en revanche mis en œuvre industriellement : – À l’amont du cycle, et au-delà de la mine, dont le produit fini est le minerai concentré d’uranium naturel sous forme d’oxyde (U3O8) appelé « yellow cake », on trouve des installations successivement destinées à : - Convertir le « yellow cake », solide, en hexafluorure d’uranium (UF6) gazeux, pour permettre son enrichissement, - Enrichir (cf. encadré ci-après) ce composé d’uranium naturel (99,3 % d’U238 / 0,7 % d’U235) en uranium U235 jusqu’à atteindre une teneur : > Généralement comprise entre 3 et 5 % (cf. encadré ci-après) pour les réacteurs de puissance, > De l’ordre de 20 % pour les réacteurs de recherche.

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1. Les installations nucléaires de base (INB)

- Fabriquer les éléments combustibles : une fois enrichi, l’hexafluorure d’uranium (UF6) est transformé en oxyde (UO2) et conditionné sous forme de pastilles. Après frittage (compression et cuisson à haute température), ces pastilles sont introduites dans des tubes en alliage à base de zirconium, qui constituent les « crayons ». Ces « crayons » sont ensuite regroupés par paquets pour former des assemblages combustibles, dans lesquels seront introduites les barres de contrôle qui permettront de maîtriser la réaction en chaîne.

Les procédés d’enrichissement de l’uranium Deux procédés industriels existent actuellement, qui utilisent tous deux la très légère différence de masse atomique entre l’U235 et l’U238 : – La diffusion gazeuse (en voie d’abandon pour des raisons énergétiques et de moindre efficacité) consiste à faire passer, sous l’effet d’une pression très élevée, les différentes molécules d’UF6 à travers des parois poreuses, comportant des milliards de micropores au cm2. Les molécules d’U235 traversent plus rapidement les parois, ce qui permet leur enrichissement relatif à la sortie. L’opération doit être répétée des milliers de fois en cascade, pour obtenir l’enrichissement souhaité. – L’ultracentrifugation consiste à utiliser la force centrifuge pour séparer les différentes molécules d’UF6, compte tenu de leurs masses légèrement différentes. Des milliers de centrifugeuses tournant à très grande vitesse et utilisées en cascade sont nécessaires pour obtenir l’enrichissement souhaité. Ce procédé, plus délicat à mettre en œuvre que la diffusion gazeuse, présente le très grand avantage de consommer considérablement moins d’énergie que cette dernière (environ 50 fois moins !). NB 1 : il existe un troisième procédé, l’enrichissement au laser, encore au stade de la R et D, qui consiste à ioniser sélectivement les atomes d’U235 (les atomes d’U238 restant neutres) mis sous forme de vapeur métallique et à les recueillir sur des plaques polarisées négativement. NB 2 : on peut enfin citer, pour mémoire, la dilution d’U fortement enrichi (> 90 %) provenant du démantèlement des armes atomiques.

Quel que soit le procédé d’enrichissement utilisé, il requiert des installations industrielles extrêmement sophistiquées et de très grande taille. Ce qui vaut aussi pour les usines de retraitement des combustibles usés (cf. ci-dessous) : les coûts d’investissement de ces différentes usines se comparent, en ordre de grandeur, à ceux des centrales nucléaires de grande puissance. Mais elles sont beaucoup plus rares. – À l’aval du cycle, on trouve des installations successivement destinées à : - Retraiter les combustibles usés pour séparer les matières énergétiques réutilisables représentant près de 97 % de la masse totale (96 % d’uranium appauvri et 1 % de plutonium), des produits de fission sans utilité (3 % de la masse) qui seront

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

ensuite vitrifiés (par incorporation à des matrices de verre) et encapsulés (dans des conteneurs étanches en acier inoxydable) en vue de leur stockage à long terme, - Recycler les matières énergétiques pour en faire de nouveaux éléments combustibles (en retrouvant ainsi l’amont du cycle), à savoir : > Des combustibles MOX, contenant un mélange d’oxydes d’uranium naturel ou appauvri (UO2) et de plutonium (PuO2, dont la teneur est d’environ 8 %), > Des combustibles URE, obtenus par ré-enrichissement de l’uranium appauvri récupéré. - Stocker transitoirement les combustibles en attente de retraitement (MOX en particulier) ou des déchets nucléaires de type HAVL (cf. plus loin). La France occupe à cet égard une position éminente (et pratiquement unique dans le monde) dans la mesure où elle maîtrise l’ensemble du cycle du combustible, via AREVA et ses filiales. Elle dispose en particulier : – De l’usine d’enrichissement Georges Besse I d’Eurodif, utilisant la diffusion gazeuse, qui fonctionne depuis 30 ans et fournit près de 25 % de l’uranium enrichi dans le monde. Cette usine est en cours d’arrêt en 2012. Date à laquelle l’usine Georges Besse II prendra le relais en utilisant l’ultracentrifugation. – De l’usine de retraitement de la Hague, la plus importante au monde, qui représente 55 % des capacités mondiales de retraitement des combustibles des réacteurs à eau légère (REP et REB : Réacteurs à Eau Bouillante) et 35 % des capacités mondiales de traitement de l’ensemble des combustibles, tous types de réacteurs confondus.

¾ Les centres de stockage de déchets radioactifs Il existe actuellement deux centres de stockage des déchets radioactifs classés INB, tous deux gérés par l’ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs) : – Le centre « historique » de stockage de la Manche, qui a été exploité pendant 25 ans. Depuis début 2003, il est officiellement entré en phase de surveillance, – Le centre de stockage de l’Aube, entré en exploitation en 1992, qui a pris le relais de celui de la Manche. Comme ce dernier, il est destiné au stockage des déchets radioactifs de faible et moyenne activité à vie courte (cf. encadré). En outre, des études et un programme de recherche sont actuellement en cours dans deux domaines : – Celui des déchets « radifères » et « graphite » (en provenance des réacteurs UNGG pour ces derniers) à faible activité mais longue durée de vie, – Et surtout celui des déchets à haute activité et/ou durée de vie très longue (dits HAVL), qui posent les problèmes les plus difficiles. Ces études et ces recherches, dont les objectifs ont été définis par la loi du 30 décembre 1991, explorent trois directions différentes, et ont donné lieu à la construction d’un laboratoire souterrain en couche argileuse profonde en Meuse/Haute-Marne.

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1. Les installations nucléaires de base (INB)

Encadré : Classification et lieux de stockage des déchets radioactifs (Source : ANDRA et ASN) Durée de vie Activité Très faible activité (TFA) Faible activité (FA) Moyenne activité (MA)

Haute activité (HA)

Courte (Période < 31 ans)

Longue (Période > 31 ans)

Centre de stockage TFA de Morvilliers (Classé ICPE) Centres de stockage de la Manche (La Hague) et de l’Aube (Soulaines) (Classés INB)

Stockage peu profond (Classé INB) Site à définir Études en cours

Stockage profond (Classé INB) Site à définir (loi du 30 décembre 1991) Études en cours

¾ Les grands accélérateurs de particules et les lasers à haute énergie Les accélérateurs de particules sont des installations qui utilisent des champs électromagnétiques intenses pour amener des particules électriquement chargées à des vitesses extrêmement élevées (très proches de celle de la lumière). On peut également citer les lasers à haute énergie. Seuls les grands accélérateurs de particules et les lasers à très forte énergie relèvent de la réglementation des INB. Il s’agit d’installations utilisées pour la recherche fondamentale, appliquée ou militaire, en physique des particules élémentaires, physicochimie des structures atomiques et moléculaires, etc. Compte tenu de l’ampleur des investissements à consentir, ces installations sont le plus souvent supranationales. Elles sont donc également en nombre très limité dans le monde (deux douzaines environ si on se limite aux plus importantes). En France, on citera essentiellement le Cyclotron du GANIL à Caen et deux Synchrotrons, l’ESRF à Grenoble et SOLEIL à Saclay. On peut également citer le LMJ (Laser Méga Joule) en phase finale de construction en 2012 à côté de Bordeaux ainsi que le LHC du CERN à Genève, ce dernier étant le plus puissant collisionneur au monde. Ces installations utilisent des technologies de pointe (comme la supraconductivité) et une partie importante de leur ingénierie relève davantage de la R et D, souvent aux limites de faisabilité du moment, que de l’industrie.

Les réacteurs de « Génération III » Les réacteurs dits de « Génération III » sont conçus pour apporter des améliorations significatives par rapport aux derniers réacteurs entrés en service dans les années 1990, dans trois domaines différents : – La sûreté nucléaire et la radioprotection (réduction des conséquences des accidents graves, en particulier), – L’impact sur l’environnement (réduction importante de la production de déchets solides et des rejets radioactifs liquides et gazeux),

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– La compétitivité économique (réduction du coût du KWh produit). La plupart de ces réacteurs appartiennent à la filière eau légère, pressurisée (REP ou PWR en anglais) ou bouillante (REB ou BWR en anglais). Ils constituent cependant un ensemble plutôt hétérogène en termes de niveaux de sûreté, qui les rend difficilement comparables sans études approfondies. L’appellation « Génération III » n’est donc pas dépourvue de considérations… marketing à l’adresse des clients potentiels ! On trouve en effet : – Des réacteurs dont la conception remonte en fait aux années 1980 : le modèle APWR (filière PWR) de Westinghouse, fondé sur la centrale anglaise de Sizewell B mise en service en 1995, le System 80 + (également filière PWR) initialement développé par Combustion Engineering ou encore le modèle ABWR (filière BWR) conçu par Général Electric, sont comparables au N4 français, – À l’opposé, des réacteurs plus innovants utilisant des systèmes de sûreté et/ou de sauvegarde dits passifs (cf. encadré ci-après), dont la conception bénéficie, sous réserve d’analyses plus approfondies, d’un a priori favorable en termes de sûreté, mais qui n’ont encore aucune référence en exploitation (ce sont pour l’instant des « réacteurs papier »). Les réacteurs utilisant systématiquement des systèmes passifs en conception de base sont les modèles AP 1000 (filière PWR) conçu par Westinghouse et ESBWR (filière BWR) conçu par General Electric. Ils suscitent des interrogations légitimes pour un exploitant (notamment en termes de coût d’investissement et de disponibilité) qui ne pourront être véritablement levées qu’après une première réalisation et un retour d’expérience suffisant. Il faut y ajouter des modèles « mixtes » (à la fois passifs et actifs) tels que le SWR (filière BWR) de SIEMENS (réacteur repris par AREVA-NP) et le modèle VVER AES 92 (filière PWR) conçu par le russe Minatom, devenu Atomenergoprom au sein de l’Agence fédérale de l'énergie atomique russe, Rosatom. – L’EPR se situe entre les deux catégories précédentes : de conception « évoluée » par rapport aux réacteurs précités conçus dans les années 1980, il conserve néanmoins une architecture générale éprouvée : réacteur « évolutionnaire » et non « révolutionnaire », il s’appuie en effet sur le meilleur des conceptions des réacteurs existants les plus récents construits et exploités en France (modèle N4) et en Allemagne (modèle Konvoi), dont il constitue en quelque sorte la synthèse et l’évolution ultime. Il a bénéficié d’un travail considérable de convergence au niveau européen : conçu par FRAMATOME/SIEMENS (actuellement AREVA NP) et EDF, il a fait l’objet d’une revue au fil de l’eau par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et son appui technique (IRSN) et par leurs homologues allemands. Il a par ailleurs pris en compte les spécifications des électriciens européens (UER) et américains (URD). Enfin, c’est certainement le réacteur qui répond le mieux aux critères de sûreté de « Génération III » (cf. encadré ci-après). L’approche est la même pour le futur réacteur ATMEA 1 de « moyenne » puissance (1100 MW, filière REP), en cours de développement par la co-entreprise ATMEA

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1. Les installations nucléaires de base (INB)

créée par AREVA et MITSUBISHI (ses concepteurs ont, début 2010, sollicité une revue formelle de ses options de sûreté par l’ASN, dont les résultats positifs ont été connus début 2012). Ce réacteur est notamment destiné aux réseaux dont la puissance est insuffisante pour supporter un EPR, et a pour vocation d’élargir « par le bas » la gamme de ce dernier.

Les systèmes passifs Tous les réacteurs actuellement en service utilisent majoritairement des systèmes de sûreté et/ou de sauvegarde dits actifs (par exemple, des motopompes électriques pour injecter de l’eau dans le cœur du réacteur). Par définition, ces systèmes sont potentiellement sujets à des défaillances telles que perte de source d’énergie, panne interne ou erreur humaine. Cette utilisation n’est cependant pas exclusive et les réacteurs actuels utilisent déjà quelques systèmes dits passifs, fondés sur des phénomènes physiques naturels, par essence permanents (notamment, la gravité pour faire chuter les barres contrôlant la réactivité du cœur ou pour évacuer la chaleur résiduelle du cœur grâce au phénomène de thermosiphon, dans certaines conditions). Par définition, de tels systèmes dits passifs ne présentent pas les risques de défaillance inhérents aux systèmes actifs. Leur généralisation semble donc de prime abord très intéressante, mais appelle cependant plusieurs remarques : – Même dans les réacteurs dits passifs, il n’est pas toujours possible d’éliminer totalement certains composants actifs. En fait, systèmes actifs et passifs ne s’excluent évidemment pas et coexistent à des degrés divers dans tous les réacteurs. Le caractère actif ou passif d’un réacteur est donc en réalité une question de dosage majoritaire, – Ensuite et surtout, les systèmes actifs ont largement fait leurs preuves en exploitation, grâce à une bonne conception et de bonnes pratiques, telles que notamment : - Des redondances, et pour les systèmes de classification les plus élevés, des diversifications technologiques ou logicielles réduisant les risques de perte totale d’une fonction par mode commun (cf. également chapitre 2), - Des essais périodiques, permettant de s’assurer de la fiabilité des systèmes et matériels, - L’automatisation complète des actions urgentes, permettant d’éliminer les risques d’erreurs humaines durant ces phases, - L’optimisation des interfaces Homme/Machine et la qualité de la formation des opérateurs, permettant de réduire les erreurs humaines. À cet égard, l’EPR (cf. ci-dessous), utilise majoritairement des systèmes actifs. Il dispose de 4 voies redondantes de sûreté (certaines bénéficiant en plus d’une diversification de leur contrôle commande). Il a en outre fait l’objet d’études ergonomiques extrêmement poussées. Ce qui lui confère globalement un très haut niveau de sûreté.

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Les avancées de l’EPR en quelques mots… 1) Sûreté : division par un facteur supérieur à 10 des risques d’accidents graves grâce à : – Une meilleure protection contre les agressions externes, – Une meilleure mitigation des conséquences des accidents graves, – Une conception améliorée (redondances diversifiées, etc.). 2) Environnement : réduction de l’impact environnemental grâce à : – Une meilleure capacité de recyclage du plutonium (possibilité d’utiliser 100 % de combustible MOX au lieu de 30 % dans les réacteurs actuels), – Une diminution des déchets de haute activité (par gestion optimisée des taux de combustion) qui peut atteindre 30 %. 3) Économie : réduction d’au moins 10 % du prix du KWh / N4 grâce à : – Une puissance accrue (1650 MW au lieu de 1450), – Un rendement thermodynamique porté de 34 à 36 %, – Une durée de vie technique portée à 60 ans (au lieu de 40), – Un taux de combustion porté à 60 GWJ/T (au lieu de 45), – Une disponibilité attendue > 90 % (contre 82 %).

Les réacteurs de « Génération IV » Pourquoi investir dans la R et D de réacteurs de fission de « Génération IV », alors que ceux de « Génération III » commencent à peine à être construits ? C’est que, en dépit de l’amélioration de leurs performances, ces derniers souffrent encore de deux points faibles majeurs, qui les handicapent fortement dans une perspective à long terme de développement durable :

• Premier point faible : une mauvaise utilisation de la ressource en uranium Les réacteurs de « Génération III » n’utilisent en effet toujours qu’une très faible part de l’uranium naturel (sa partie naturellement fissile, composée d’uranium 235, soit 0,7 %). Même si l’on y ajoute la récupération du plutonium et de l’uranium appauvri, extraits par retraitement des combustibles usés, et leurs recyclages respectifs dans de nouveaux combustibles (MOX et URE, cf. ci-dessus), l’utilisation globale atteint au mieux 1,3 à 1,4 % de la ressource en uranium. Comment mieux l’utiliser ? En fertilisant l’U238, pour le rendre à son tour fissile. Ce qui reviendrait théoriquement à multiplier par un facteur proche de 100 les réserves actuelles d’uranium. En réalité, il n’est pas possible d’aller aussi loin, mais on peut tabler sur un facteur réaliste de l’ordre de 40 à 50, voire 70 dans le meilleur 26

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des cas, ce qui reste considérable. Et transforme le siècle de réserves prouvées d’uranium (en ordre de grandeur et au rythme de consommation actuel) en… plusieurs millénaires ! À noter qu’un résultat similaire peut également être obtenu avec le thorium, métal deux à trois fois plus abondant que l’uranium dans la croûte terrestre, qui peut lui aussi être rendu fissile par fertilisation (grâce à des cycles mixtes uranium-thorium). Autant dire que l’humanité n’est pas près de manquer de matière fissile… si elle se donne les moyens de mieux utiliser la ressource en uranium ou d’utiliser le thorium ! Ce qui, compte tenu des connaissances technologiques actuelles, est à portée de main de façon certaine, au moins pour certaines des filières envisagées (cf. encadré ciaprès).

• Deuxième point faible : une production trop importante de déchets ultimes Les réacteurs actuels de « Génération II » produisent notamment trop de déchets ultimes à haute activité et vie longue (HAVL) et les réacteurs de « Génération III » n’apportent que des progrès limités sur ce point. Il faut donc aller beaucoup plus loin et l’objectif assigné aux réacteurs de « Génération IV » est de gagner au moins un facteur 10 dans ce domaine, notamment en recyclant in situ les actinides mineurs, comme l’américium, le neptunium et le curium, qui présentent les activités les plus gênantes. • Autres objectifs assignés aux réacteurs de « Génération IV » Ils devront en outre atteindre trois autres objectifs majeurs : Objectif de sûreté

Atteindre un niveau global de sûreté, notamment en termes de résistance aux agressions externes, au moins égal à celui des meilleurs réacteurs de « Génération III » (cf. encadré ci-dessous).

Quels objectifs de sûreté pour la « Génération IV » ? Comment aller plus loin en matière de sûreté ? Les experts du Groupe consultatif français de sûreté – GCFS – ont estimé peu judicieux d’aller bien au-delà du niveau de sûreté réglée atteint par l’EPR, celui-ci étant déjà extrêmement élevé. Aller plus loin dans cette voie pourrait même se révéler contre-productif en cas de complexification excessive des installations, qui pourrait notamment dégrader la sûreté gérée qui dépend essentiellement des facteurs organisationnels et humains (FOH) également dénommés facteurs socioorganisationnels et humains (SOH) abordés dans le chapitre 3.

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Sachant que 85 % environ des incidents ou accidents sont dus à ces facteurs, les progrès de sûreté viendront prioritairement de leur meilleure prise en compte. Va-t-on vers une harmonisation de la sûreté au niveau mondial pour les réacteurs de « Génération IV » ? Une telle harmonisation est en cours au niveau européen : en juillet 2010, WENRA (Western European Nuclear Regulators' Association), composée des 17 responsables des Autorités de sûreté nucléaires d’Europe de l’Ouest, a proposé des objectifs de sûreté communs destinés aux nouveaux réacteurs électronucléaires construits en Europe. Ces objectifs concernent en priorité les réacteurs de « Génération III », mais devraient normalement avoir vocation à s’appliquer à terme aux réacteurs de « Génération IV ». Cohérents avec ceux de l’EPR, ils incluent essentiellement : – La réduction : - Du risque d’accident avec fusion du cœur, - Des rejets radioactifs dans l’environnement, en cas de fusion du cœur. – L’augmentation de la résistance aux chutes d’avion, objectif renforcé suite aux événements du 11 septembre 2001. Peut-on étendre la démarche au reste du monde ? Selon l’actuel Président de l’ASN, une harmonisation n’est souhaitable que si elle résulte d’une démarche volontaire des pays nucléarisés. Sinon, le risque serait grand que des standards mondiaux à caractère contraignant « négociés » au niveau mondial conduisent, pour être acceptables par tous, à une harmonisation de la sûreté… par le bas ! L’accident de Fukushima a relancé les réflexions dans cette voie. Mais aussi confirmé la volonté de certains pays (les États-Unis notamment) de conserver leurs prérogatives régaliennes pleines et entières dans ce domaine…

Objectif de limitation de la prolifération

Ces réacteurs devront être « robustes » au regard des risques de prolifération. Objectif de compétitivité

– Atteindre une bonne compétitivité économique par rapport aux autres sources d’énergie pour la production d’électricité, – Élargir les applications à d’autres usages (production d’hydrogène à partir de hautes températures, notamment). Comment les réflexions et décisions relatives aux réacteurs de « Génération IV » s’organisent-elles ? À l’initiative du DOE (Department Of Energy) américain, une coopération internationale s’est engagée, et ce pour la première fois dans l’histoire à une telle échelle, pour constituer un cadre de réflexion et décision sur les « systèmes nucléaires du futur ».

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Ainsi est né en 2000 le Forum International Génération IV (GIF en anglais), qui, dès l’origine, a regroupé 10 pays : États-Unis, France, Japon, Royaume-Uni, Corée du Sud, Canada, Suisse, etc. sous l’égide de l’AIEA. En 2005, les signataires du traité Euratom se sont joints à ce Forum, également rejoint en 2006 par la Russie et la Chine. Le Forum regroupe ainsi la quasi-totalité des pays nucléaires (à l’exception notable de l’Inde, qui s’en est vue refuser l’entrée car elle n’a pas signé le TNP (traité de non prolifération). Mais, la situation est en train d’évoluer depuis 2010). Ce Forum a sélectionné six filières principales différentes (cf. encadré ci-après) :

Les six filières du programme de recherche « Génération IV » 1) Quatre filières à neutrons rapides (Cycle uranium-plutonium) refroidis par : – Sodium liquide – Plomb liquide (ou eutectique plomb-bismuth) – Eau supercritique (au-delà du point critique : 374 °C / 220 bars) – Hélium 2) Deux filières à neutrons thermiques : – Réacteurs à Très Haute Température (cycle uranium seul) refroidis à l’hélium – Réacteurs refroidis par sels fondus (cycle uranium-thorium)

Le Forum a également établi une répartition des tâches et des règles d’accès aux résultats. À cet égard, il a été convenu que la propriété intellectuelle des résultats de la R et D appartiendrait au pays ou à l’industriel qui l’a menée à bien, ce qui permet aux industriels de participer à la R et D sans en perdre le bénéfice. Ce choix implique cependant que des accords bilatéraux complémentaires soient signés pour bénéficier des résultats obtenus en commun, ou par d’autres pays. Dans ce contexte, la France, représentée par le CEA (associé à AREVA, à EDF et au CNRS) a signé des accords avec les États-Unis, le Japon et la Russie, notamment, ce qui lui ouvre de facto un accès à la quasi-totalité des résultats qui seront obtenus. Par ailleurs, la France se focalise plus particulièrement sur les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium ou au gaz et, à un moindre degré, sur les réacteurs à haute température et la production d’hydrogène.

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NB : il est cependant à noter que les différentes filières envisagées (cf. encadré cidessus) présentent des degrés de maturité très différents. Ainsi, dans la perspective actuelle de construction et mise en service d’un prototype de réacteur de « Génération IV » dans les années 2020 en France (*) pour une utilisation industrielle possible à partir des années 2040, c’est la filière réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium qui offre la maturité de loin la plus grande, compte tenu de l’expérience déjà acquise par la France avec Phénix et Super Phénix. (*) : La loi de programmation du 28 juin 2006 relative à la gestion des matières et déchets radioactifs a fixé au 31 décembre 2020 la mise en service de ce prototype… Dans cette perspective, le réacteur prototype ASTRID (acronyme labellisé par le CEA pour Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration) a été intronisé au printemps 2010. Il s’agit, comme son nom l’indique, d’un réacteur de la filière réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR – Na) de 600 MW, qui devra être conçu pour être aisément extrapolable à la taille industrielle de 1500 MW. Il est prévu qu’il soit construit sur le site de MARCOULE, sur lequel Phénix a fonctionné pendant plus de 35 ans. Bien entendu, des innovations majeures (en termes d’architecture globale, de sûreté, de matériaux, de conversion d’énergie, etc.) seront introduites. Parmi ces dernières, trois avancées en matière de sûreté, visant à éliminer les points faibles des réacteurs refroidis au sodium des générations précédentes, méritent d’être évoquées. Il s’agit : – De l’obtention d’un effet de vide négatif (ou au moins très peu positif) grâce à une conception géométrique, mécanique et neutronique du cœur innovante, qui devra faire l’objet d’essais de validation, les recherches étant encore en cours, – De l’adjonction d’un circuit de refroidissement intermédiaire, permettant d’éviter, en cas de fuite, tout risque de contact entre le sodium et l’eau (contact conduisant à une réaction explosive avec production d’hydrogène), – Dans le même esprit, de la réduction des risques de feu de sodium (consécutifs à un simple contact avec l’air). Les premières échéances annoncées pour le projet sont les suivantes, sous réserve d’une décision politique définitive : – – – – –

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Début des échanges avec l’ASN dès 2010, Avant-projet sommaire finalisé fin 2012, Dossier de sûreté déposé en 2014, Début de construction en 2017, Mise en service au début des années 2020 (la date du 31 décembre 2020 fixée par la loi apparaissant d’ores et déjà comme plus que difficile à respecter dans ce contexte…).

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En tout état de cause, le Forum a ouvert une phase de plusieurs années de R et D, portant sur de nombreux sujets (processus, architecture, combustible, matériaux, analyses de sûreté, etc.) destinés à préparer et/ou accompagner les activités d’ingénierie proprement dites, selon les étapes habituelles (cf. également encadré ci-après) : – D’avant-projet sommaire (APS), – Puis d’avant-projet détaillé (APD), – Et enfin de projet de réalisation (prototype ou tête de série, selon le cas, dans un premier temps, puis éventuellement ensuite réalisation de série).

Les principales étapes habituelles d’un projet Un projet est habituellement structuré selon une suite d’étapes, chacune d’elles permettant d’approfondir les études. On distingue ainsi le plus souvent trois étapes essentielles : 1) L’avant-projet sommaire (APS) Son objet est de définir les principales caractéristiques et performances du projet, en estimer les coûts (d’investissement et de fonctionnement), identifier les éventuels besoins complémentaires en R et D, estimer les moyens à mettre en œuvre, définir les objectifs suivants, etc. 2) L’avant-projet détaillé (APD) Son objet est de valider, approfondir et préciser les résultats de l’APS, notamment les caractéristiques et performances, les coûts, les délais, etc. au travers d’études de base approfondies. Les études d’APD permettent également de lancer les demandes d’autorisations administratives, les premières études de détail et les premières activités d’approvisionnement, au travers des spécifications générales. 3) Le projet de réalisation Son objet est d’organiser et piloter globalement la réalisation du projet, incluant l’ensemble des activités requises : études, achats, construction et mise en service sur site, management de projet, relations avec l’extérieur (autorité de sûreté, etc.). NB : – Les premiers réacteurs de « génération IV » suivront les différentes étapes définies ci-dessus, selon un calendrier qui s’inscrit dans le moyen / long terme, incluant la mise en service de démonstrateurs vers 2020 pour des mises en service réellement industrielles vers 2040, – Par contre, tout projet de réalisation EPR, dont la conception de base est déjà largement définie, commence directement à la phase 3. Il faut cependant prendre en compte un effet tête de série pour la première unité qui sera mise en service dans le monde. Il peut conduire à réévaluer et ajuster certains points, ce qui n’aurait rien d’anormal pour une réalisation aussi complexe. Ensuite, seules des adaptations locales (conditions de site, règlementation et/ou normes locales, etc.) devraient normalement être nécessaires…

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ITER et les futurs réacteurs de fusion Le projet ITER (International Thermonuclear Expérimental Reactor) a pour ambition de démontrer la faisabilité scientifique et technologique de la production d’énergie de fusion (et non plus de fission, comme dans les réacteurs précédemment évoqués). Selon ses promoteurs, l’énergie de fusion offre théoriquement des avantages potentiels considérables (cf. encadré ci-après). Et, bien sûr, comme toutes les autres filières nucléaires, elle est exempte d’émissions de gaz à effet de serre.

Les avantages théoriques intrinsèques des réacteurs de fusion (Source : CEA) 1) Abondance des combustibles : La réaction de fusion retenue pour ITER, la plus facile à maîtriser, est celle du deutérium et du tritium, isotopes de l’hydrogène : – Le deutérium, composant de l’eau lourde, est très abondant (40 mg par litre d’eau de mer) et relativement peu coûteux à extraire (par électrolyse fractionnée, notamment), – Le tritium n’existe pas dans la nature, il faut le fabriquer à partir du lithium, élément également abondant, par bombardement neutronique. 2) Sûreté naturelle : – Faible quantité de combustible présente à tout moment dans le réacteur, – Refroidissement et arrêt spontané de la fusion en cas de perturbation du fonctionnement du réacteur. 3) Déchets limités : – Absence de déchets à vie longue de la réaction de fusion elle-même, – Déchets dits « technologiques » (dus à l’activation des structures par le bombardement neutronique) majoritairement assez peu actifs.

Contrôler la fusion (d’atomes légers) est cependant infiniment plus difficile que contrôler la fission (d’atomes lourds). Il faut en particulier atteindre des températures de l’ordre de 100 millions de degrés, que seules des « parois immatérielles » (obtenues par confinement magnétique ou inertiel) peuvent supporter !

Le principe du confinement magnétique n’est pas nouveau et plusieurs machines expérimentales de ce type (les tokamaks) ont déjà été construites dans le monde, mais leurs performances restent très limitées en termes de couple [Puissance – Durée] qui n’excède pas une quinzaine de MW et quelques… minutes ! (et encore, pas sur la même machine… !).

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ITER est conçu pour changer d’échelle en cumulant une forte puissance (500 MW) et une « longue durée » (de… 6 à 16 minutes). Mais, comme on le voit, on est encore très (très !) loin de la production d’énergie en continu, indispensable pour aboutir un jour à un réacteur électrogène ! Les détracteurs de ce projet émettent ainsi plusieurs critiques, notamment : – Les immenses difficultés technologiques à résoudre. Outre la très difficile maîtrise du plasma déjà évoquée, on ne connait actuellement pas : - De matériaux capables de résister durablement à la colossale énergie des neutrons émis lors de la fusion, pour construire l’enceinte du réacteur, - La manière d’extraire l’énergie de fusion du cœur pour la transformer en électricité… – Le calendrier de mise au point, dont les grandes lignes sont les suivantes : - Mise en service d’ITER dans le courant des années 2020 (au mieux), pour une expérimentation jusque vers 2040, - Ensuite, pour autant que les résultats soient satisfaisants, construction d’une nouvelle machine, toujours expérimentale, mais ayant cette fois des capacités électrogènes, qui pourrait au mieux fonctionner à partir des années 2060 et être exploité jusque vers les années 2080 pour en assurer la mise au point et en tirer toute l’expérience. - Enfin, si l’équation technico-économique de ce prototype électrogène permet de conclure à une compétitivité suffisante de la filière, construction de machines électrogènes industrielles à partir des années 2080. Ce qui apparait finalement bien tard pour espérer satisfaire les besoins d’une humanité qui devrait atteindre le maximum historique de sa population dans les années 2050… – Par ailleurs, ces machines entreront en concurrence avec les autres modes de production d’électricité disponibles à la fin du siècle, en particulier avec les énergies renouvelables… Or, tout laisse à penser que, notamment, l’électricité solaire (photovoltaïque ou thermodynamique) devrait avoir atteint un bon niveau de compétitivité bien avant cette échéance… Dit autrement, il y a de grandes chances pour qu’il soit beaucoup plus économique d’exploiter l’énergie naturelle du soleil que de vouloir recréer sur terre des réactions de fusion similaires à celles qui se produisent à l’intérieur du soleil… Indépendamment des difficultés technologiques considérables citées ci-dessus, il faut être conscient du fait que ce point constitue un danger mortel pour une filière de production d’électricité, qui ne peut exister sur un plan économique que si elle produit une électricité compétitive. Car sinon, on utilise d’autres moyens ! – Enfin, dernière critique : bien sûr, le coût très élevé d’ITER : initialement 10 milliards d’euros, réévalué au double en ordre de grandeur à la mi-2010. Et ce n’est sans doute pas fini…

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En bref, ITER relève d’un véritable pari ! Compte tenu de ses enjeux et de son coût très élevé, il ne pouvait être engagé qu’au travers d’une vaste coopération à l’échelle mondiale. De fait, le projet ITER est le fruit d’une (déjà) longue histoire, commencée au milieu des années 1980 et regroupant, sous les auspices de l’AIEA, quatre partenaires essentiels : États-Unis, Europe, Japon et Russie (URSS à l’époque). Ce qui a permis d’engager une phase d’ingénierie détaillée qui s’est achevée en 2001. La Chine et la Corée du Sud se sont ensuite rattachées au projet en 2003, puis l’Inde les a suivis un peu plus tard. Enfin, le choix du site de Cadarache, entériné par les partenaires en juin 2005, suivi de la signature officielle de l’Accord International ITER, en novembre 2006, ont donné le coup d’envoi du projet, dont la construction doit durer une dizaine d’années et l’exploitation une vingtaine d’années, selon les prévisions initiales. On notera pour terminer que ce projet de R et D ITER présente deux différences majeures avec les projets de R et D « Génération IV » : – Il n’offre aucune garantie de réussite, contrairement à certaines filières de « Génération IV » dont la faisabilité technique à un coût compétitif (garante de la viabilité technico-économique) est actuellement quasi certaine, compte tenu de l’expérience déjà acquise, – Contrairement au cas du Forum International Génération IV (cf. plus haut) tous les partenaires du projet ITER disposeront en commun de la propriété intellectuelle de l’ensemble des résultats obtenus. N’est-ce pas une façon implicite de reconnaitre que l’on est encore très (très !) loin des enjeux industriels, donc commerciaux… ?

Principaux acteurs de l’ingénierie nucléaire en France On peut distinguer : – Les industriels du nucléaire, qui jouent un rôle majeur dans l’ingénierie et/ou la réalisation des grandes installations nucléaires, essentiellement : - EDF (Électricité de France) : Maître d’Ouvrage et exploitant des centrales nucléaires électrogènes en France, est aussi leur Architecte Industriel, - AREVA (et ses filiales) : Industriel du nucléaire, maîtrisant tous les stades du cycle du combustibles, de la mine au retraitement en passant par l’enrichissement, la fabrication du combustible, la conception et la fabrication de chaudières nucléaires de divers types (réacteurs électrogènes, de recherche, embarqués). Peut aussi se positionner en Maître d’Œuvre d’îlots nucléaires complets clés en mains à l’export, - Les « fournisseurs » (Au sens large : Équipementiers, bureaux d’études, constructeurs, entrepreneurs, etc.) : représentent une part importante de l’ingénierie de réalisation : ingénierie « incorporée » dans les équipements, « ingénierie d’exécution », etc. On citera notamment :

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> Les majors du BTP (BOUYGUES, VINCI, EIFFAGE) qui jouent un rôle essentiel dans la réalisation de la phase cruciale que constitue le génie civil des grandes installations nucléaires, > ALSTOM, fournisseur des groupes turboalternateurs (GTA) de grande puissance des centrales électrogènes (ainsi que de nombreux autres équipements de la partie classique), > Un certain nombre de bureaux d’études et de PMI très spécialisés dans les hautes technologies utilisées sur les installations nucléaires. – Les organismes nationaux, assumant des missions particulières, dans lesquelles la R et D occupe une place importante ou majeure, essentiellement : - Le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique, devenu en 2010, compte tenu de ses travaux de recherche depuis plusieurs années, Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives) : Organisme de recherche, Maître d’Ouvrage et exploitant des moyens lourds associés (réacteurs de recherche de divers types, accélérateurs de particules, etc.). Assure le pilotage côté français de la R et D des réacteurs du futur (« Génération IV » et ITER) en partenariat avec les industriels (AREVA et EDF, en particulier), - L’ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs) : Chargée de la gestion à long terme des déchets radioactifs de tous types, incluant la conception et l’exploitation des différents sites de stockage. – Enfin, il faut ajouter à cette liste d’acteurs directs de l’ingénierie, les acteurs indirects, qui ont un rôle de contrôle sur les activités d’ingénierie des premiers : il s’agit de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de ses supports techniques, IRSN et groupes permanents d’experts (GPE), dont les rôles sont détaillés dans le chapitre 2. À noter pour terminer que, suite à la publication du « Rapport ROUSSELY » (du nom de son auteur, ancien Président d’EDF) commandité par les pouvoirs publics en 2010, les rôles respectifs des grands acteurs français cités plus haut ont été précisés afin d’améliorer la compétitivité du nucléaire français à l’export. Dans ce cadre, le « Conseil de politique nucléaire » (cf. chapitre 2) a : – Lors de sa séance de juillet 2010, statué : « S'agissant de l'exportation des centrales nucléaires, les deux entreprises (EDF et AREVA) mettront en place, chaque fois que les besoins des clients le nécessiteront, une organisation s'appuyant sur la compétence d'exploitant et d'architecte-ensemblier d'EDF. Cet accord, à caractère non exclusif, ne remet pas en cause la capacité des deux entreprises à coopérer avec d'autres industriels du secteur », – Lors de sa séance de février 2011, décidé de la création d'un nouveau « Comité stratégique de l'énergie nucléaire ». Présidé par le ministre de l'Industrie, il aura pour mission de « renforcer les relations et les partenariats entre les différents acteurs du secteur ». Le président d’EDF en sera le « numéro deux ». Cela pour souligner que le secteur nucléaire évolue et pas seulement en France, d’ailleurs. Un peu partout dans le monde, des restructurations et coopérations nouvelles sont en train de se constituer (cf. ci-dessous).

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Perspectives de l’ingénierie nucléaire à court, moyen et long termes Ces perspectives, très favorables jusqu’au début 2011, avec le retour en grâce de l’énergie nucléaire dans le monde qui s’était amorcé dans le courant des années 2000, ont été très sérieusement mises à mal par l’accident survenu le 11 mars 2011sur la centrale japonaise de Fukushima Daiichi (située sur la côte Nord-est du Japon) exploitée par Tepco. Rappelons qu’un très fort tremblement de terre (de force 9 sur l’échelle ouverte de Richter) s’est produit ce jour-là, et a provoqué un puissant Tsunami qui a submergé toute la côte Nord-est. La vague a atteint une hauteur de 14 m sur le site de la centrale et l’a totalement submergé (La centrale était conçue pour résister à une hauteur de vague maximale de moins de 6 m…). Cette vague a détruit tous les systèmes d’alimentation en eau et électricité, normaux et de secours, ce qui a conduit à un accident majeur par perte du refroidissement sur 4 réacteurs, avec fusion importante des cœurs, explosions d’hydrogène (de nature chimique) et fort impact radiologique local (négligeable au niveau mondial). Ce n’est pas le lieu ici d’en dire plus sur cet accident (qui constitue un sujet à part entière !) mais il est clair qu’il a modifié la vision que l’on pouvait avoir de l’avenir du nucléaire. Cet impact doit cependant être analysé au cas par cas, en fonction des pays et types d’ingénierie concernés.

• Réalisation de nouvelles installations électrogènes Avant Fukushima, la croissance du marché mondial d’ici à 2030 était estimée à plus de 75 % (passage de 390 GW actuellement à 690 GW). La perspective a été revue à 590 GW, soit une perte estimée à 100 GW (source : interview du Président d’AREVA publiée dans Le Figaro du 13 décembre 2011). Un retard de deux à trois ans dans l’engagement de nouveaux projets est également anticipé. Pour ce qui concerne l’ingénierie française, c’est indéniablement l’EPR qui devrait susciter, malgré Fukushima, la demande la plus importante en compétences, à court et moyen termes (probablement pour les trois décennies à venir). Rappelons que quatre réacteurs EPR sont actuellement en construction dans le monde : Olkiluoto 3 en Finlande (construit par AREVA dans le cadre d’un contrat « clés en mains »), Flamanville 3 dans la Manche (construit sous architecture industrielle d’EDF) et Taishan 1 - 2 en Chine, dans la province du Guangdong (construit par les Chinois, en partenariat avec AREVA, fournisseur de l’îlot nucléaire et EDF, co-investisseur et co-Maître d’Œuvre de l’ensemble). Pour ce qui concerne la suite, deux types de pays doivent être distingués : – Les pays qui ont décidé d’abandonner l’énergie nucléaire à plus ou moins brève échéance : l’Allemagne, imitée par la Suisse à la fin de vie des réacteurs actuels et probablement par la Belgique (à confirmer), auxquels il faut ajouter l’Italie, qui avait en projet la construction de quatre EPR et a tout arrêté en 2011.

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– Les pays qui confirment leur choix de l’énergie nucléaire, même si les projets sont retardés et rendus plus difficiles : le Royaume-Uni, qui a officiellement confirmé son choix, l’Inde, qui devrait le faire, etc. D’autres pays, comme la Finlande, la Suède, la République tchèque, la Pologne etc. sans oublier la Chine, sont aussi des clients potentiels. Dans tous ces cas, s’agissant d’un modèle de réacteur déjà largement étudié et défini (qu’il « suffit » donc d’adapter au site – le cas échéant – et/ou à certaines normes des pays d’accueil), les besoins en compétences concernent surtout l’ingénierie de réalisation de nouvelles unités à caractère industriel, essentiellement à l’export. Comme déjà souligné dans l’introduction, c’est ce type d’ingénierie qui constitue le fil conducteur principal des chapitres suivants (2 à 7 inclus).

• Autres activités d’ingénierie Il s’agit des trois types d’ingénierie suivants, qui font également l’objet de développements complémentaires dans le chapitre 8 : – L’ingénierie des installations prototypes à finalité R et D, qui met en jeu des compétences imbriquant étroitement activités d’ingénierie classiques et processus de R et D. On peut citer dans ce domaine : - Des projets déjà engagés comme le Réacteur de recherche Jules Horowitz (RJH) et le projet ITER, tous deux en cours de construction à Cadarache, - Le projet ASTRID, prototype de « Génération IV », non encore officiellement engagé en 2011. Impact potentiel de Fukushima : nul sur les deux premiers projets. Possible sur l’engagement d’ASTRID… (?) – L’ingénierie du « parc nucléaire » en exploitation, qui concerne notamment les 58 unités de la filière REP des paliers 900 MW, 1300 MW et N4. La prolongation envisagée de leur exploitation au-delà de 30 puis de 40 ans suscite, et continuera de susciter, une très importante activité d’ingénierie. Impact potentiel de Fukushima : une… augmentation très importante d’activité : - Engagée très vite dès après l’accident en 2011, avec la démarche d’évaluation complémentaire de sûreté (ECS) qui a été décidée à la fois par les autorités françaises et européennes (« Stress Tests » au niveau européen), - Qui va se poursuivre en 2012 et dans les années à venir (plusieurs), pour réaliser les améliorations de sûreté qui ont été imposées début 2012 par l’ASN. – Le démantèlement des installations nucléaires mises à l’arrêt définitif, qui met en œuvre des activités d’ingénierie très spécifiques, qui vont représenter un volume important dans les 25 à 30 ans à venir pour démanteler : - La douzaine de réacteurs électrogènes de « Génération I », de différentes filières (UNGG, Eau Lourde, REP, RNR), - À peu près autant d’unités nucléaires diverses (notamment, des réacteurs de recherche du CEA devenus obsolètes).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

En attendant le travail considérable que représentera le démantèlement des 58 réacteurs actuellement en exploitation… Mais ce devrait en principe être pour (beaucoup) plus tard !

Principaux concurrents mondiaux pour la fourniture de réacteurs nucléaires de puissance Nous nous bornerons ici aux réacteurs électrogènes, qui représentent le domaine de très loin le plus concurrentiel. Cette concurrence s’est exacerbée, à partir de la deuxième moitié des années 2000, avec les perspectives offertes par le renouveau du nucléaire dans le monde. L’accident de Fukushima, en réduisant les perspectives globales, devrait encore accentuer cette concurrence, malgré la disparition probable de certains compétiteurs (cf. ci-dessous). Outre la France avec AREVA, qui propose l’EPR et développe avec MHI (cf. plus haut et ci-après) le réacteur ATMEA 1 (gamme des 1000 MW), les principaux pays capables de fournir et exporter des centrales nucléaires sont les suivants : – Le Japon : c’est le pays qui compte actuellement le plus de constructeurs nucléaires, en l’occurrence trois groupes différents : - Hitachi, allié à l’américain General Electric (GE), qui construit des réacteurs de la filière bouillante de « Génération III » à sûreté active (ABWR, 1350MW) et passive (ESBWR, 1550 MW environ, encore dans les cartons, mais en cours de certification aux États-Unis depuis 2010), - Toshiba, qui a racheté Westinghouse dont le produit phare est le réacteur pressurisé de « Génération III » à sécurité passive AP 1000 (1100 MW environ), et est par ailleurs titulaire de la licence GE de l’ABWR, dont il cherche à s’émanciper pour fournir ce type de réacteur aux États-Unis notamment, - Mitsubishi Heavy Industries (MHI), allié à Westinghouse dans le passé, développe actuellement les réacteurs de « Génération III » APWR de 1700 MW et ATMEA 1 (1100 MW environ) en coopération avec AREVA pour ce dernier. Ce pays a manifesté de grandes ambitions en regroupant, en octobre 2010, les principaux acteurs Japonais du nucléaire dans le consortium JINED (pour « Japan International Nuclear Energy Development Co ») afin de mieux se positionner à l’export sur les offres aux pays émergents. Ce consortium réunissait : > Les trois concepteurs / fournisseurs précités (5 % des parts chacun), > Neuf opérateurs nucléaires détenant 75 % des parts, dont les trois plus importants : Tokyo Electric Power Co ou Tepco, Kansai Electric Power Co et Chubu Electric Power Co, détiennent respectivement 20 %, 15 % et 10 % des parts, les six autres en détenant chacun 5 %, > INCJ (pour « Innovation Network of Japan ») Joint Venture entre le gouvernement (METI) et l’industrie, qui détient le solde (soit 10 %) des parts.

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Cependant, l’accident de Fukushima Daiichi a sensiblement modifié la donne : au bord de la faillite, Tepco, l’exploitant de la centrale, s’est retiré du consortium en août 2011. Les autres exploitants nucléaires japonais sont, de leur côté, également très occupés par leurs centrales domestiques. Enfin, le futur du nucléaire au Japon est loin d’être écrit. On peut donc s’interroger sur l’avenir de ce consortium. À suivre, donc… – Les États-Unis : ils n’ont plus qu’un seul fournisseur indépendant, GE, qui travaille avec le japonais Hitachi (cf. ci-dessus) et fait construire l’essentiel des composants au japon. Cependant Westinghouse, bien que racheté par Toshiba (ci-dessus) continue à entretenir des compétences fortes aux États-Unis, en particulier en conception et ingénierie (AP 1000, essentiellement, mais aussi en support de la conception des réacteurs coréens, cf. ci-dessous). – La Corée du Sud : à partir du système CE 80 +, réacteur pressurisé conçu par Combustion Engineering aux États-Unis, les coréens ont développé des réacteurs de nouvelle génération OPR 1000 (1000 MW) et APR 1400 (1400 MW, retenu fin 2009 par les Émirats Arabes Unis après Appel d’Offres). Ces réacteurs, réputés de « Génération III » sont plutôt intermédiaires entre les « Générations II et III ». De fait, les coréens manifestent de grandes ambitions : fin 2011, ils ont annoncé la mise au point pour fin 2012 d’une nouvelle génération de réacteurs « avancés » (sic), ayant pour ambition d’améliorer la sûreté d’un facteur… 100 (!?) et de se dégager de toute dépendance technologique étrangère (américaine, surtout)… – La Russie : son produit le plus compétitif est le pressurisé VVER 1200 (1200 MW environ), conçu par ROSATOM / ATOMENERGOPROM, qui présente une sûreté utilisant la redondance de systèmes actifs et de systèmes passifs. Sous réserve de vérifications, il ne devrait pas être très éloigné des critères de « Génération III ». L’alliance stratégique annoncée de ROSATOM et SIEMENS devait en outre contribuer à crédibiliser ce réacteur sur le marché international, et en faire un concurrent redoutable… Mais SIEMENS s’est définitivement retiré du nucléaire en 2011 (cf. ci-après). Quoi qu’il en soit, et malgré l’accident de Fukushima, ROSATOM continue d’aller de l’avant en annonçant notamment (en juin 2011) la création d’une filiale d’investissement dans des centrales nucléaires à l’étranger, selon un schéma jusqu’ici inédit dans le secteur nucléaire : « BOT » (en anglais), pour « Built, Own, Operate », schéma largement utilisé dans la production thermique à flamme, selon lequel le promoteur du projet « Construit, Possède et Exploite » en se rémunérant sur la vente de courant électrique. – La Chine : elle achète toujours de la technologie à l’étranger (dont l’EPR et l’AP 1000) et sa priorité est, pour l’instant, son immense marché intérieur.

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Elle a notamment développé pour ce dernier le CPR 1000 (gamme des 1000 MW), version modernisée du 900 MW français, que l’on peut considérer comme intermédiaire entre les « Générations II et III » (mais sans doute plus proche de II que de III). Nul doute cependant qu’elle devrait chercher à l’exporter à brève échéance… Elle pourrait d’ailleurs y être aidée par la… France elle-même : dans sa séance de février 2011, le Conseil de politique nucléaire a chargé l'Administrateur Général du CEA de « conduire des négociations avec les autorités chinoises, en vue d'un partenariat global entre la France et la Chine, portant sur l'ensemble des activités nucléaires civiles, y compris la sûreté ». Dans ce cadre, il est notamment prévu de développer en commun un réacteur de « Génération III » de la gamme des 1000 MW, « reposant sur l'expérience réussie des industriels français et chinois dans la construction et l'exploitation de réacteurs de conception commune ». Il s’agit en clair d’un successeur (dénommé ACE 1000) du CPR 1000 actuel, répondant aux critères de sûreté de « Génération III »… Et qui serait a priori licencié en Chine. – L’Allemagne : après sa rupture annoncée avec AREVA en janvier 2009, SIEMENS s’était tourné vers le russe ROSATOM (cf. ci-dessus) pour constituer une alliance stratégique. Cette dernière n’a cependant pas eu le temps de se concrétiser. Entre-temps, l’accident de Fukushima Daiichi a conduit à l’abandon du nucléaire par l’Allemagne. Privé de marché intérieur, SIEMENS a donc décidé, en septembre 2011, de se désengager définitivement de la filière nucléaire (hors fourniture de pièces de rechange et de certains composants). – Le Canada : il a développé la filière originale Candu (fonctionnant à l’eau lourde et l’uranium naturel, ou très légèrement enrichi pour les réacteurs les plus puissants et récents), conçue et construite par AECL. Les réacteurs Candu les plus récents ont une puissance que l’on peut qualifier de « moyenne » (700 à 800 MW), ce qui peut intéresser certains pays. De fait, le Canada en a pas mal exporté. AECL a aussi développé un Advanced Candu (ACR 1000) plus puissant (1200 MW environ), mais le gouvernement canadien a mis en vente AECL en 2009. Et les candidats au rachat ne semblent pas se bousculer… On peut donc s’interroger sur l’avenir de cette filière, qui a perdu en partie son avantage spécifique avec la nécessité d’un (faible) enrichissement de son combustible pour pouvoir atteindre des puissances élevées (de la gamme des 1 000 MW). – Évolution probable du panorama global, pour conclure : il ressort de ce qui précède que l’offre de réacteurs électrogènes est en passe de se concentrer sur un petit nombre de « pays constructeurs » capables de fournir ce type d’installations : seuls devraient vraissemblablement subsister à terme plus ou moins rapproché, outre la France et son EPR (et bientôt l’ATMEA 1) :

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- Les Russes, qui semblent devoir rester seuls après la sortie de Siemens du nucléaire, avec leur produit VVER 1200 modernisé, - Les Américano/Japonais Westinghouse/Toshiba avec leur produit phare AP 1000, récemment certifié aux États-Unis, - Les Coréens (assistés par Westinghouse) avec leurs produits OPR 1000 et APR 1400 puis (seuls ?) avec les futures versions améliorées annoncées de ces derniers, - Enfin, les Américains de GE, associés au Japonais Hitachi, avec leur produit ESBWR (seul produit appartenant à la filière bouillante, tous les autres concurrents étant pressurisés). « Il faut y ajouter, à terme sans doute pas trop lointain, les Chinois (en coopération avec les Français) avec leur futur produit ACE 1000, pour lequel il a été décidé une harmonisation de la conception de base avec celle de l’ATMEA1. Ainsi se dessine, pour la filière pressurisée, l’émergence de quatre grands concurrents (ou alliances concurrentielles) stratégiques à l’export : les russes (probablement destinés à rester seuls), les Américano japonais, les Coréens (avec ou sans les américains) et enfin les Français ou Francs-Chinois selon des formes variables qui restent à définir. » Une remarque, pour terminer : outre la réduction des perspectives du marché qui ne pourra réellement s’apprécier qu’à terme, ou se traduira à tout le moins par un report de certaines décisions, l’accident de Fukushima Daiichi a aussi remis au tout premier rang les préoccupations de sûreté. En conséquence, le niveau de sûreté comparé des différents produits, ainsi que leur capacité à répondre aux exigences post-Fukushima, devrait donc (re)devenir un avantage comparatif majeur…

Formations académiques du domaine nucléaire, en France et à l’international Dans un « Point de vue » publié en 2010 et intitulé : Nucléaire français : le défi du renouvellement des compétences Jean-Louis Ermine (Doyen de la recherche à Télécom École de management) résume remarquablement une situation bien connue des acteurs du nucléaire : « L’industrie nucléaire est une industrie « Knowledge intensive », qui repose sur un capital extrêmement important de connaissances scientifiques, de savoir-faire techniques et de compétences pointues. Avec la renaissance du nucléaire, le départ massif en retraite des travailleurs du nucléaire, le manque de recrutement pendant la période de stagnation, la dissémination des savoirs nucléaires entre les pays, auxquels s’ajoute la désaffection générale des jeunes générations pour la science en général et la science nucléaire en particulier, font que le capital de connaissances de cette industrie est fortement menacé et le renouvellement des compétences est un véritable défi ».

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Ces besoins ne concernent pas uniquement les activités d’ingénierie, mais aussi et surtout les métiers de l’exploitation. Pour fixer les idées, les besoins en formation nécessaires pour satisfaire à la fois la demande due au renouveau du nucléaire et au remplacement des générations qui quitteront le secteur dans les années à venir, ont été estimés à environ un millier d’étudiants par an, français et étrangers compris, toutes activités confondues. L’accident de Fukushima ne modifie pas fondamentalement cette perspective, le renouvellement des compétences étant en tout état de cause indispensable. Il passe, en fait par deux voies tout à fait complémentaires : – Les formations académiques, objet de ce paragraphe, – L’expérience de terrain, tout aussi essentielle, qui sera plus largement évoquée à la fin de l’ouvrage (chapitre 8). Concernant les formations académiques dispensées en France, ou en partenariat avec des pays étrangers, on distinguera dans ce qui suit : – Les formations préexistantes, souvent depuis très longtemps, mais qui ont été amenées à accroitre significativement leurs effectifs pour répondre à la demande, – Les formations nouvellement créées en partenariat : - En France, entre les industriels du secteur et les Grandes Écoles et/ou Universités pour répondre à la croissance des besoins des industriels, - Avec des pays étrangers. NB : Une soixantaine de cursus de formations supérieures dans le nucléaire, soit « cœur de métier » (couvrant un vaste ensemble de sujets), soit « ciblées nucléaire » (limitées à des domaines spécifiques) sont actuellement proposées par les Instituts spécialisés, Grandes Écoles ou Universités. Seul un échantillon représentatif de la palette des formations existantes est rappelé ci-dessous :

• Formations préexistantes de longue date On citera (non exhaustif) : – L'INSTN, acteur historique majeur dans toutes les formations de base en sciences et techniques liées aux applications nucléaires et à l'industrie, partie prenante par ailleurs dans le mastère international « Nuclear Energy » (cf. ci-après), – L'INPG (Grenoble), qui propose également de longue date des formations larges, notamment avec sa filière « Génie énergétique et nucléaire » ou son option « Physique et génie nucléaire », ainsi qu’une option «Énergie nucléaire » destinée à des profils plus généralistes, – L'École des Mines de Nantes, associée à l’Université de Nantes et au CNRS, qui propose un mastère « radioprotection » avec une option « ingénierie des réacteurs nucléaires », ainsi qu’une chaire consacrée aux déchets.

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• Nouvelles formations organisées par les acteurs français On citera en particulier (non exhaustif) : – Parmi les initiatives les plus marquantes, la création, à la rentrée 2009, d’un Mastère International « Nuclear Energy » porté en partenariat par cinq institutions d’enseignement associées : l'INSTN, Centrale-Paris, Supélec, ParisTech, Paris-XI et les grands industriels du nucléaire (EDF, AREVA et GDF SUEZ). Le programme de ce Mastère International couvre un ensemble très large de besoins concernant les filières du nucléaire (conception des installations, exploitation des centrales, cycle du combustible, démantèlement, gestion des déchets, etc.), – Des formations plus ciblées, également ouvertes en 2009, telles que : - Deux chaires ouvertes en « ingénierie nucléaire » et « matériaux du nucléaire », en partenariat entre trois écoles membres de ParisTech (Chimie-Paris, l'Ensta et les Mines) et AREVA, - Un « Mastère spécialisé sureté nucléaire » ouvert en partenariat entre Arts et Métiers ParisTech et EDF. • Formations organisées en partenariat avec des pays étrangers On citera notamment (également non exhaustif) : – La création de l’Institut franco-chinois de l’énergie nucléaire (IFCEN), qui a ouvert ses portes à la rentrée 2010. Localisé dans l’Université Sun Yat Sen de Canton, il est destiné à former « à la française » 100 à 150 ingénieurs chinois par an en génie atomique, pour répondre à la demande croissante de l’industrie chinoise et des entreprises françaises partenaires dans le domaine de l’énergie nucléaire civile. Ses partenaires éducatifs sont : - Pour la partie chinoise, l’Université Sun Yat Sen de Canton, qui a également un campus décentralisé à Zhuhai, - Pour la partie française, le consortium FINUCI (formation d’ingénieurs en nucléaire civil) regroupant : l’INPG (pilote du consortium), l’INSTN, l’École des Mines de Nantes, l’École Nationale Supérieure de Chimie de Paris et l’École Nationale Supérieure de Chimie de Montpellier. – La création de l’European Nuclear Safety Training and Tutoring Institute (ENSTTI) dont les premières formations ont débuté à l’été 2010. Intervenant en aval des formations universitaires ou d’un premier parcours professionnel dans le secteur nucléaire, cet Institut a pour vocation d’offrir des formations courtes appliquées et des stages longs de tutorat pour enseigner les savoir-faire européens de recherche et d’expertise en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

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Cadre organisationnel et réglementaire Les autorisations administratives Ce chapitre, à teneur essentiellement organisationnelle et réglementaire, a pour buts essentiels de présenter, dans le contexte français : – Les principes de la démarche de sûreté / radioprotection / sécurité, – Les différents acteurs de la sûreté nucléaire / radioprotection / sécurité en France, comprenant : - Les Pouvoirs publics, - Les exploitants d’installations nucléaires, - L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et ses supports techniques, - Les autres acteurs participant d’une manière ou d’une autre à la sûreté nucléaire : Maîtres d’Œuvre, concepteurs, constructeurs, fournisseurs de matériels nucléaires, chercheurs du domaine nucléaire. – Les rôles respectifs de ces différents acteurs, – La réglementation technique applicables aux INB en matière de sûreté, de radioprotection et de protection contre la malveillance, comprenant : lois, décrets et Arrêtés ministériels ou interministériels, textes produits par l’ASN, codes et normes élaborés par l’industrie nucléaire française (RCC), normes internationales, etc. constituant in fine un ensemble hiérarchisé de textes, – Les procédures d’autorisations administratives des INB, dont les plus importantes sont :

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- L’Autorisation de CRÉATION et FONCTIONNEMENT de l’INB, qui : > S’appuie sur un certain nombre de documents support majeurs, incluant notamment : une étude d’impact environnemental, un rapport préliminaire de sûreté, une étude de maîtrise des risques, le plan de démantèlement, etc. > Donne lieu à enquête publique, > Relève d’un décret gouvernemental. - L’Autorisation de MISE en SERVICE de l’INB, qui s’appuie aussi sur des justifications approfondies, mais relève de la seule décision de l’ASN. - L’Autorisation de MISE à l’ARRÊT définitif et de DÉMANTELEMENT d’une installation nucléaire de base, qui relève à nouveau d’un décret gouvernemental après avis de l’ASN. Enfin, les aspects juridiques internationaux des activités nucléaires sont simplement introduits ici, sachant qu’ils sont traités de manière plus complète dans le chapitre 6.

Bases de la démarche de sûreté, radioprotection, sécurité Les concepts de base de la sûreté nucléaire, élargis à la sécurité nucléaire, ainsi que ceux de la radioprotection, datent pour l’essentiel des années 1960, même s’ils ont été affinés, précisés et développés au cours du temps jusqu’à nos jours, étant entendu que les progrès sont permanents avec le retour d’expérience et l’évolution des technologies. Quelques définitions préalables s’imposent auparavant (cf. encadrés ci-dessous).

De la sûreté à la sécurité nucléaire en passant par la radioprotection (Source : Autorité de sûreté nucléaire ou ASN) – La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt définitif et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets. – La radioprotection est la protection contre les rayonnements ionisants, c’est-à-dire l’ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par les atteintes portées à l’environnement. – La sécurité nucléaire englobe la sûreté nucléaire et la radioprotection, ainsi que la prévention et la lutte contre les actes de malveillance et les actions de sécurité civile en cas d’accident.

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2. Cadre organisationnel et réglementaire

Sûreté nucléaire et protection contre la malveillance obéissent à des approches à la fois communes et différenciées… – De nombreux points communs : - Un même objectif : protéger les personnes et l’environnement, - Des approches méthodologiques similaires, - Des dispositions à la fois techniques et organisationnelles. – Une différence majeure : transparence contre confidentialité (cf. cidessous) : Sûreté nucléaire

Protection contre la malveillance

Prévention et lutte contre des accidents involontaires

Prévention et lutte contre des actions volontaires

Erreurs humaines

Malveillance/Terrorisme

Transparence

Confidentialité

Culture de sûreté (absence de dimension politique)

Culture de Sécurité (dimension politique)

Bases physiques de la sûreté et radioprotection pour les réacteurs nucléaires Un réacteur nucléaire présente trois types de risques spécifiques : – Le premier est directement lié au phénomène de réaction en chaîne qui doit, en toutes circonstances, être contrôlée au sein du réacteur et rendue physiquement impossible en dehors du réacteur lui-même : piscines de stockage du combustible usé, systèmes de traitement des effluents radioactifs, etc. (ainsi que dans tout autre type d’installation nucléaire), – Le deuxième est lié au fait que même après l’arrêt de la réaction en chaîne, le combustible, contenant des éléments radioactifs qui se désintègrent naturellement, continue à dégager de la chaleur pendant une longue période. C’est la puissance résiduelle, qu’il faut impérativement évacuer sous peine de voir la température monter jusqu’à la fusion du combustible, – Le troisième est lié à la présence de produits radioactifs en grande quantité, dont il faut maîtriser le confinement en toutes circonstances, sachant que : - Des rejets volontaires en exploitation normale peuvent être admis (dans les limites très faibles réglementairement prescrites dans les autorisations de rejets, cf. plus loin), - Tout doit être fait pour limiter d’éventuels rejets non volontaires (c’est-à-dire accidentels).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Il s’ensuit que les bases de la sûreté / radioprotection d’un réacteur nucléaire reposent sur la maîtrise permanente des trois fonctions essentielles suivantes : – Le contrôle de la réaction en chaîne, – Le refroidissement du combustible, – Le confinement des produits radioactifs.

¾ Démarche de sûreté et radioprotection Toute la démarche de sûreté et radioprotection consiste précisément à démontrer que ces objectifs physiques sont respectés en toutes circonstances, sur la base d’une méthodologie rigoureuse reposant sur des principes et pratiques reconnus, dont les principaux éléments sont : – La définition claire des états de l’installation, – La prise en compte systématique de toutes les agressions possibles, externes et internes, sur l’installation, – La réalisation d’une double analyse de sûreté, à la fois déterministe et probabiliste, dont l’objet essentiel est l’identification et l’analyse des incidents et accidents susceptibles de se produire, pour en prévenir les causes, maîtriser les séquences et éviter (ou au moins mitiger) les effets et conséquences, – La mise en œuvre de principes méthodologiques, notamment le principe de défense en profondeur et le critère de défaillance unique.

Les acteurs de la sûreté nucléaire, radioprotection et sécurité en France Il s’agit, comme déjà cité plus haut des : – Pouvoirs publics (Gouvernement et Parlement) auxquels il faut ajouter des instances dédiées jouant un rôle particulier dans le nucléaire, – Exploitants d’installations nucléaires, – Autorités de contrôle du nucléaire : Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et ses supports techniques, IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et GPE (groupes permanents d’experts), – Maîtres d’Œuvre et/ou concepteurs, constructeurs, fournisseurs de matériels nucléaires, chercheurs du domaine nucléaire.

¾ Les Pouvoirs publics Gouvernement et Parlement, conformément à leurs prérogatives régaliennes respectives, jouent évidemment un rôle central dans : – La définition et la structuration de l’Organisation Nationale en matière de sécurité nucléaire (regroupant, comme déjà indiqué, sûreté nucléaire, radioprotection et protection contre la malveillance),

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2. Cadre organisationnel et réglementaire

– L’édiction des principes et objectifs généraux en la matière, au travers des lois, règlements, décrets, arrêtés, etc. Il faut également citer deux instances dédiées au secteur nucléaire (également créées par la loi TSN du 13 juin 2006 qui sera plus longuement évoquée plus loin) :

• Le « Conseil de politique nucléaire » « Il définit les grandes orientations de la politique nucléaire et veille à leur mise en œuvre, notamment en matière d'exportation et de coopération internationale, de politique industrielle, de politiques énergétique, de recherche, de sûreté, de sécurité et de protection de l'environnement ». Présidé par le Président de la République, il comprend le Premier Ministre ainsi que plusieurs autres Ministres (Énergie, Affaires étrangères, Économie, Industrie, Commerce extérieur, Recherche, Défense et Budget), le Chef d'état-major des armées, le Secrétaire Général de la Défense Nationale et l'Administrateur Général du CEA.

• Le « Haut-Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire » (HCTISN) « Instance de débat et de concertation » dont la mission est de « contribuer à l’information du public sur les activités nucléaires, il peut se saisir de toute question relative à la transparence de l’information en matière nucléaire ». Il est composé d’une quarantaine de membres représentatifs des différentes composantes de la société : Parlementaires, responsables d’activités nucléaires, associations de protection de l’environnement, syndicats, personnalités qualifiées, ASN, IRSN, représentants du Gouvernement, etc.

¾ Les exploitants d’installations nucléaires Les exploitants d’installations nucléaires, qui sont aussi généralement les Maîtres d’Ouvrages de ces dernières, sont en première ligne pour assurer la sécurité nucléaire de leurs installations. Les textes fondateurs précités relatifs au nucléaire civil ont en effet, dès l’origine, posé le principe de la responsabilité première de l’exploitant en matière de sûreté nucléaire (étendue ensuite à la radioprotection et à la sécurité nucléaire). C’est en effet l’exploitant qui est réputé connaitre le mieux l’installation, s’être donné les moyens de la maîtriser et est présent en permanence pour agir au mieux dès que possible. Cette dévolution de responsabilité de premier rang est un principe fondateur majeur, qui a été pleinement réaffirmé par la loi TSN et fait tout à fait consensus au niveau international (AIEA). Mais il va de soi que l’exercice de cette responsabilité reconnue aux exploitants doit être strictement :

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Encadrée par une réglementation nucléaire (au sens large) très stricte, – Contrôlée par le « gendarme du nucléaire » qu’est l’ASN, dont le rôle est détaillé ci-dessous.

¾ L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) L’organisation de la sûreté Nucléaire en France a évolué en plusieurs étapes au cours du temps, avant d’arriver à la situation actuelle (cf. encadré ci-dessous) :

L’ASN de 1973 à nos jours 1973 : le contrôle de la sûreté nucléaire relève du Service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN). Il dépend du ministre de l’industrie. La radioprotection est traitée séparément par le SCPRI. 1991 : le SCSIN est transformé en Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN) et crée des implantations régionales. Elle dépend à la fois des ministres de l’Industrie et de l’Environnement. 2002 : la DSIN, avec ses implantations régionales, voit son champ élargi à la Radioprotection et devient la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR). Elle dépend dorénavant à la fois des ministres de l’Industrie, de l’Environnement et de la Santé. 2006 : étape ultime de son évolution : avec la loi TSN, l’ASN prend son statut actuel d’Autorité Administrative Indépendante (cf. ci-dessous).

Que signifie l’indépendance de l’ASN ? En vertu du principe de séparation entre « contrôleur » et « contrôlé », toute Autorité de sûreté, chargée du contrôle de la sûreté nucléaire, doit être totalement indépendante des exploitants nucléaires qu’elle est chargée de contrôler. Mais aussi de tous les autres acteurs opérationnels du nucléaire (industriels, chercheurs, etc.). Enfin, elle ne doit pas être soumise aux pressions politiques... Comment obtenir ce résultat ? La plupart des pays du monde, à l’instar de la France jusqu’en 2006, ont résolu la question en rattachant l’Autorité de sûreté au pouvoir exécutif, sous la tutelle d’un ou plusieurs ministères (Industrie, Environnement, Recherche, etc.). Ce qui est recevable et internationalement reconnu par l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique). Mais il y faut une condition stricte : l’indépendance de facto (puisqu’elle n’est pas de jure) de l’Autorité de sûreté par rapport au pouvoir politique. Ce qui implique un État de droit et un statut protecteur pour les fonctionnaires… C’est le cas de la France et des pays européens. Mais pas de tous les pays du monde…

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2. Cadre organisationnel et réglementaire

Le législateur français a cependant voulu aller plus loin avec la loi TSN, en conférant à l’ASN le statut d’Autorité administrative indépendante, qui la rend indépendante de jure du pouvoir exécutif : elle est ainsi dirigée par un collège de cinq membres (comprenant le Président), tous inamovibles et nommés pour six ans non renouvelables. La loi TSN stipule en outre : « Les membres du collège exercent leurs fonctions en toute impartialité, sans recevoir d’instruction du Gouvernement ni d’aucune autre personne ou institution ». Il est à noter que ce statut est exceptionnel dans le monde, le seul autre cas étant celui de la NRC américaine, qui a d’ailleurs inspiré le choix français. Est-ce à dire que l’ASN ne rend aucun compte ? Non ! En particulier (non exhaustif) : – Elle rend compte au Parlement, conséquence directe de son statut d’Autorité administrative indépendante. Elle établit en particulier un rapport annuel d’Activité qu’elle lui présente (et en transmet une copie au Gouvernement et au Président de la République), – Ses décisions réglementaires à caractère technique (destinées à préciser les règlements plus généraux édictés par le Gouvernement, qu’elle a par ailleurs contribué à élaborer) doivent être homologuées par les ministres compétents. Ainsi, en agissant au nom de l’État aux termes de la loi « TSN », l’ASN s’est vue dotée de très larges pouvoirs de spécification mais aussi d’appréciation et de décision en matière de contrôle de la sûreté nucléaire / Radioprotection en France, comme indiqué dans l’encadré ci-dessous.

Une large gamme de pouvoirs pour l’ASN – Avis (ex : au Gouvernement) et recommandations (ex : en situation de crise), – Injonctions (ex : mise en demeure d’un exploitant de procéder à une modification dans un délai donné, d’améliorer sa pratique, etc. (1), – Sanctions (ex : suspension de travaux, mise à l’arrêt et/ou interdiction de redémarrage d’une installation, etc.), – Édiction de mesures réglementaires à caractère technique, – Pouvoirs d’autorisation (mise en service d’une INB, sachant que la création, la mise à l’arrêt définitif et le démantèlement de cette dernière restent de la compétence du Gouvernement). (1) : le non respect par un exploitant d’une mise en demeure de l’ASN est un délit passible de sanctions pénales et éventuellement administratives.

Il faut ajouter à ces attributions, conformément à la loi « TSN » : - L’information du public en matière de sûreté nucléaire / radioprotection, - Le contrôle de la sécurité des travailleurs sur les installations nucléaires en chantier ou en exploitation.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- Et (en cours) la protection contre la malveillance, ce qui ouvre un nouveau champ de contrôle pour l’ASN (cf. encadré ci-après) :

Les attributions de l’ASN en cours d’élargissement à la protection contre la malveillance et le terrorisme Acquis depuis fin 2008 dans son principe, cet élargissement implique cependant des adaptations législatives et réglementaires ainsi que des redéploiements de moyens humains qui nécessitent de procéder par étapes : dans un premier temps, seules ont été concernées les sources radioactives (utilisées à la fois dans les domaines médical : radiologie, radiothérapie, dentisterie, etc. et industriel : contrôle des soudures, analyse des matériaux, etc.). À l’heure où ces lignes sont écrites (début 2012) l’élargissement aux INB n’est pas encore effectif. Une fois aboutie, cette évolution mettra fin à une « exception française » (que seule la Corée du Sud partage jusqu’à présent avec la France, parmi la quinzaine de grands pays nucléaires). La sécurité nucléaire est en effet déjà intégrée dans les attributions des « Agences de sûreté » de tous les autres pays de ce groupe, conformément d’ailleurs aux préconisations de l’AIEA.

Ces larges attributions et pouvoirs impliquent, d’une part que l’ASN soit elle-même contrôlée, d’autre part qu’elle fonde ses décisions sur la base d’un maximum d’avis compétents émanant d’appuis techniques, d’organismes consultatifs, etc. Ainsi : – L’ASN se soumet volontairement à l’avis de ses pairs dans le monde, au travers d’audits de l’AIEA, dont elle est par ailleurs un membre très actif, et ce de deux manières : - Directement, en se soumettant à des audits IRRS (Integrated Regulatory Review Service) portant sur la manière dont elle met en pratique ses propres missions : réglementation, contrôle, information du public, etc. - Indirectement, en sollicitant des missions OSART (Operational Safety Review Team), missions d’examen approfondi de la sûreté d’installations en exploitation menées par des experts internationaux, qui conduisent à un avis critique indépendant (Toutes les centrales nucléaires françaises ont déjà subi au moins un OSART à ce jour). – L’ASN s’appuie d’autre part sur des compétences et expertises extérieures, détaillées ci-dessous.

¾ Les supports techniques de l’ASN Il s’agit : – De l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), « expert » du nucléaire couvrant l’ensemble des domaines de la radioprotection et de la sûreté, comme sa dénomination l’indique. Il faut y ajouter depuis peu le domaine de la

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2. Cadre organisationnel et réglementaire

protection contre la malveillance et le terrorisme. Il apporte à l’ASN, à sa demande, un appui scientifique et technique permanent et majeur dans ces tous domaines. L’IRSN mène par ailleurs ses propres programmes de recherche afin d’accroître son expertise et est membre d’ETSON (European Technical Safety Organizations’ Network) qui regroupe ses homologues européens. – Des GPE (groupes permanents d’experts). Il en existe quatre, dont l’un est dédié aux réacteurs nucléaires (les trois autres concernant respectivement les usines et laboratoires, les déchets et les transports). Ces GPE rassemblent des membres de différentes origines : représentants de l’Administration et surtout experts des domaines concernés, nommés par l’ASN et recrutés en général sur proposition des Organismes et/ou Industriels ayant des compétences dans ces domaines (Par exemple, l’IRSN, EDF et AREVA proposent des experts pour le GPE réacteurs nucléaires). Mais des experts extérieurs à la sphère nucléaire (par exemple en sûreté/sécurité aéronautique ou industrielle) voire des experts étrangers, peuvent également être nommés en fonction de leurs compétences particulières. Ces experts se réunissent périodiquement, notamment pour examiner les rapports de sûreté des INB à leurs différents stades (préliminaire, provisoire et définitif, cf. plus loin) ou au cas par cas, à la demande de l’ASN.

¾ Pour résumer et conclure sur le rôle de l’ASN et de ses supports Aux termes de la loi TSN, l’ASN s’est vue confier quatre fonctions complémentaires fondamentales, qu’elle exerce en s’appuyant sur des experts techniques : – Une fonction spécificatrice de nature réglementaire ou para réglementaire ayant pour but de définir les objectifs de sûreté et de radioprotection à atteindre (ainsi, à terme, qu’en matière de protection contre la malveillance), Cette fonction recouvre essentiellement la préparation de la Réglementation Technique du domaine nucléaire (promulguée par le Gouvernement) mais aussi l’édiction en propre de décisions réglementaires à caractère technique. Les règles fondamentales de sûreté (ou RFS, cf. plus loin) entrent en particulier dans cette dernière catégorie, – Une fonction de contrôle, ayant notamment pour but de s’assurer de la bonne mise en œuvre, par les exploitants d’installations nucléaires, des objectifs généraux édictés. Cette fonction de contrôle s’exerce selon des formes très diverses. En particulier, durant la phase d’ingénierie d’une INB, par des : - Examens techniques des dossiers justificatifs présentés par les exploitants nucléaires, à commencer bien sûr par les différents stades des rapports de sûreté et des documents support associés. Ces examens peuvent donner lieu, s’ils sont favorables, à la délivrance d’une autorisation, d’un agrément, d’un accord de mise en œuvre, etc. et s’ils sont défavorables, à des demandes de justifications ou études complémentaires, - Réunions techniques, pouvant donner lieu, le cas échéant, à des demandes de l’ASN, auxquelles les exploitants sont évidemment tenus d’apporter des réponses,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- Inspections sur le terrain, durant la construction et les essais de mise en service, donnant lieu, au travers de « Lettres de suite », à des relevés d’écarts et demandes correctives ou complémentaires, le cas échéant. – Enfin, comme déjà souligné, deux autres fonctions majeures sont dorénavant assurées par l’ASN : - L’information du public, renforcée par la loi TSN (dont c’est d’ailleurs l’une des motivations) fondée sur le principe de transparence, dont l’application a été ainsi définie par le président de l’ASN : « Nous prenons une position, nous la publions » - La sécurité des travailleurs sur les sites nucléaires en construction et/ou en exploitation (nouvelle responsabilité auparavant dévolue à l’inspection du travail).

¾ Maîtres d’Œuvre, concepteurs, constructeurs, fournisseurs de matériels nucléaires, chercheurs du domaine nucléaire Leur rôle en matière de sûreté / radioprotection / sécurité est de se conformer aux exigences réglementaires spécifiées en la matière, de proposer des solutions concrètes répondant à ces exigences et d’en apporter les preuves et justifications, y compris le cas échéant par le lancement de programmes de recherche adaptés. Ces preuves et justifications passent notamment par : – L’élaboration des documents règlementaires support (rapport de sûreté, études d’impact environnemental, etc. cf. ci-après) puis leur discussion avec l’ASN et les experts techniques de l’IRSN ou autres, – Tous autres documents particuliers, programmes de calcul ou de recherche, ou autres moyens requis par l’ASN. Ces tâches représentent au total une activité très importante, qui relève de l’ingénierie d’études (cf. chapitre 3) et éventuellement de la R et D, et s’étend sur toute la période de préparation et réalisation du projet nucléaire.

¾ Fonctionnement : des rôles respectifs étroitement imbriqués En définitive, il résulte de ce qui précède que les rôles des différents acteurs de la sûreté et de la radioprotection sont étroitement imbriqués tout au long du processus de préparation, de conception et de construction des INB (pour s’en tenir ici à la phase d’ingénierie initiale, étant bien entendu que le rôle de l’ASN se poursuit tout au long de l’exploitation de l’INB et enfin lors de sa déconstruction). Soulignons à ce propos que l’ASN française a pour pratique de fixer des objectifs et principes généraux, en laissant aux exploitants (avec l’aide des concepteurs / fournisseurs et/ou des Maîtres d’Œuvre) le soin de proposer des solutions concrètes répondant à ces objectifs et principes.

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2. Cadre organisationnel et réglementaire

Ceci conduit à une itération des tâches et responsabilités respectives, illustrée sur l’organigramme des tâches présenté sur le schéma ci-après (Source : ASN) : ASN Définit les objectifs généraux de : • Sûreté nucléaire (RFS, etc.) • Radioprotection

Exploitant nucléaire

Propose des modalités pour atteindre ces objectifs

Vérifie que ces modalités permettent d’atteindre les objectifs fixés et autorise (ou propose les autorisations)

Met en œuvre les dispositions approuvées

Contrôle (inspecte et surveille) la mise en œuvre de ces dispositions et communique sur les résultats

Dans ce même esprit, l’ASN contrôle, valide ou approuve systématiquement les documents de doctrine, de principe et/ou généraux, et par sondage les documents d’exécution, étant entendu que ces derniers : – Sont régis par le système qualité du Maître d’Ouvrage, que l’ASN audite ou fait auditer pour s’assurer de la bonne prise en compte des objectifs généraux, – Peuvent faire l’objet d’inspections de terrain, programmées ou fortuites, de la part de l’ASN ou de ses représentants. Il est cependant important de souligner que ce qui précède décrit la pratique française, qui diffère de celle d’autres Autorités de sûreté dans le monde. Sur notamment deux points majeurs : – Le processus itératif décrit ci-dessus est typiquement français. La plupart des Autorités de sûreté dans le monde, à l’image de la NRC américaine, édictent a priori des règles détaillées, auxquelles les Maîtres d’Ouvrages et concepteurs n’ont plus qu’à se conformer fidèlement, – Le niveau de détail des contrôles réalisés par les différentes Autorités de sûreté est également très variable : par exemple, en Allemagne et surtout en Finlande, les Autorités de sûreté procèdent à un contrôle quasi-exhaustif des documents d’exécution, ce qui introduit des contraintes supplémentaires dans la programmation générale des tâches.

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La réglementation technique applicable aux INB dans le domaine de la sûreté La réglementation technique des INB en matière de sûreté découle en grande partie de conventions internationales ainsi que de normes édictées par l’AIEA, faisant l’objet d’un consensus international. L’AIEA publie notamment des textes de référence, appelés « Normes fondamentales de sûreté », décrivant les principes et pratiques de sûreté que les États peuvent utiliser comme base de leur réglementation nationale. Ces textes n’ont cependant pas de caractère contraignant, chaque État restant responsable de sa propre réglementation en la matière. C’est ce qu’a fait l’État français depuis le début des années 1960, avec l’élaboration progressive d’une Réglementation Technique, continument améliorée au fil du temps. Une telle réglementation technique n’est en tout état de cause pas figée : une refonte complète de la Réglementation Technique Générale applicable aux installations nucléaires de base (INB) a été engagée depuis fin 2008 et devrait voir progressivement le jour à partir de 2012 (cf. plus loin).

¾ La règlementation technique actuelle des INB en matière de sûreté Actuellement (situation prévalant en 2011, dont l’origine est pour l’essentiel antérieure à la loi TSN de 2006), trois types de règles techniques peuvent être distingués (source : ASN) : – Les Arrêtés ministériels ou interministériels, – Les textes produits par l’ASN, – Les codes et normes professionnels élaborés par l’industrie nucléaire française. Ces derniers s’appuient eux-mêmes sur les normes courantes (françaises, européennes ou internationales), qui sont explicitement appelées. Ce qui permet de définir un corpus documentaire applicable complet et structuré de manière hiérarchique. Ces textes, notamment ceux de l’ASN (qui reprennent en grande partie ceux de l’AIEA) contiennent en particulier des approches méthodologiques de sûreté qui sont à la base de toute l’ingénierie nucléaire, à savoir (non exhaustif) :

• Les Arrêtés ministériels ou interministériels Ils concernent essentiellement deux domaines : – L’organisation de la qualité L’Arrêté du 10 août 1984 relatif à la qualité de la conception, de la construction et de l’exploitation des installations nucléaires de base (dit « Arrêté qualité ») définit les dispositions relatives à la qualité que l’exploitant d’une INB doit mettre en œuvre lors de la conception, de la construction et de l’exploitation. Ces exigences concernent notamment (non exhaustif) : 56

2. Cadre organisationnel et réglementaire

- Les méthodes et les compétences, - La correction des écarts et incidents détectés (prise en compte du « retour d’expérience ») débouchant en outre sur des actions préventives, - La traçabilité rigoureuse des résultats obtenus, - La surveillance des prestataires, intégrée dans le système qualité d’ensemble. – La réglementation des équipements nucléaires sous pression Il s’agit ici de la réglementation spécifiquement applicable aux équipements nucléaires sous pression (qui sont donc amenés à confiner des produits radioactifs), différente de la réglementation « classique » des appareils sous pression. Cette réglementation a été refondée par l’Arrêté du 12 décembre 2005 relatif aux équipements sous pression nucléaires (dit « Arrêté ESPN »), qui conjugue les exigences relatives aux aspects pression aux exigences de sûreté, en intégrant les exigences de sûreté dès la conception, selon le principe de défense en profondeur, l’objectif étant de réduire autant qu’il est possible la probabilité d’une défaillance de ces équipements. Concrètement, l’Arrêté ESPN renforce un certain nombre d’exigences, à la fois sous les aspects techniques (conception, construction et exploitation) et sous les aspects organisationnels (données d’entrée, qualification technique, etc.) tout en se rapprochant des pratiques européennes en voie d’unification. L’Arrêté ESPN à vocation à s’appliquer à terme à tous les équipements nucléaires sous pression. Sauf pour ce qui est des aspects exploitation des circuits primaires et secondaires principaux des réacteurs à eau sous pression, qui restent régis par l’Arrêté du 10 novembre 1999.

• Les textes produits par l’ASN On en distingue essentiellement deux types : – Les décisions réglementaires à caractère technique Elles sont prises par l’ASN pour compléter les modalités d’application de Décrets ou Arrêtés pris en matière de sûreté nucléaire ou de radioprotection (sauf ceux qui concernent la médecine du travail). Ces décisions sont soumises à l’homologation des ministres compétents, ce qui leur confère un statut réglementaire. – Les règles fondamentales de sûreté (RFS) et les guides de l’ASN Ces deux types de documents se distinguent par le fait que : - Les RFS imposent des objectifs de sûreté à atteindre et sont juridiquement contraignantes, - Les guides décrivent et recommandent des pratiques que l’ASN juge satisfaisantes pour respecter les objectifs à atteindre, mais ne sont pas juridiquement contraignants. Un Maître d’Ouvrage a donc la possibilité de déroger aux dispositions détaillées d’un guide s’il peut démontrer que les moyens alternatifs qu’il propose permettent d’atteindre ou dépasser les objectifs de sûreté fixés. 57

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Cette pratique présente de fait le grand avantage de permettre des avancées scientifiques et technologiques, tout en garantissant le résultat final en termes d’atteinte des objectifs de sûreté. Il existe actuellement une quarantaine de RFS et autres règles techniques éditées par l’ASN. - Quelques unes, applicables aux réacteurs à eau pressurisée (REP), sont citées à titre d’illustration dans l’encadré ci-après, étant entendu que leur liste exhaustive peut être consultée sur le site Internet de l’ASN (cf. Références).

Quelques RFS et guides, notamment applicables aux REP (Source : site de l’ASN) – RFS et guides méthodologiques : - Utilisation du critère de défaillance unique dans les analyses de sûreté (RFS I.3.a du 5 août 1980) - Développement et utilisation des études probabilistes de sûreté (EPS) (RFS 2002-1 du 28 décembre 2002) – RFS et guides relatifs à la protection contre les agressions externes : - Études géologiques et géotechniques des sites : détermination des caractéristiques des sols et étude du comportement des terrains (RFS I.3.c du 1er août 1985) - Détermination du risque sismique pour la sûreté des INB (RFS 2001-01) - Guide relatif à la prise en compte du risque sismique (Guide/2/01, ex-RFS V.2.g) - Prise en compte des risques liés aux chutes d’avions (RFS I.2. a du 5 août 1980 et RFS I.1.a du 7 octobre 1992) - Prise en compte du risque d’inondation d’origine externe (RFS I.2.e du 12 avril 1984) - Prise en compte des risques liés à l’environnement industriel et aux voies de communications (RFS I.1.b du 7 octobre 1992) – RFS et guides relatifs à la protection contre les agressions internes : - Protection contre l’incendie (RFS I.4.a du 28 février 1985) - Règles générales de protection contre l’incendie (RFS V.2.j du 20 novembre 1988) – RFS et guides relatifs au combustible nucléaire : - Règles générales applicables à la réalisation des assemblages de combustible (RFS V.2.e, révision 2 du 14 décembre 1990) - Détermination de l’activité relâchée hors du combustible à prendre en compte dans les études de sûreté relatives aux accidents (RFS V.1.a du 18 janvier 1982)

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2. Cadre organisationnel et réglementaire

– RFS et guides relatifs aux systèmes et équipements mécaniques ou électriques : - Conception du système d’aspersion de l’enceinte (RFS II.2.2.a, révision 1 du 31 décembre 1985) - Moyens de mesure météorologiques (RFS V.1.b du 10 juin 1982) - Instrumentation sismique (RFS I.3.b du 8 juin 1984) - Exigences à prendre en compte dans la conception, la qualification, la mise en œuvre et l’exploitation des matériels électriques appartenant aux systèmes électriques classés de sûreté (RFS IV.2.b du 31 juillet 1985) - Logiciels des systèmes électriques classés de sûreté (RFS II.4.1.a du 15 mai 2000) – Autres RFS et guides : On peut citer les RFS, guides et/ou décisions de l’ASN dont l’objet est de reconnaître l’acceptabilité globale des règles de conception et de construction (RCC) produites par l’industrie nucléaire française (cf. paragraphe ci-après).

• Les codes et normes élaborés par l’industrie nucléaire française (RCC) L’industrie nucléaire française produit également des règles, plus détaillées que la réglementation technique générale citée ci-dessus, transposant concrètement les exigences correspondantes (de sûreté notamment) en les adaptant aux règles de l’art et aux meilleures pratiques industrielles. Ces « codes industriels » ou règles de conception et de construction (RCC) sont élaborés par les industriels du nucléaire et sous leur responsabilité. NB : néanmoins, la conformité des RCC à la réglementation technique générale est examinée par l’ASN (et ses supports techniques) et fait l’objet d’une acceptation globale, à la date de l’édition concernée (cette acceptation étant officialisée dans une RFS, un guide ou une décision). Ainsi, l’Association française pour les règles de conception, de construction et de surveillance en exploitation des matériels des chaudières électro nucléaires (AFCEN, dont les membres sont EDF et AREVA) a établi un certain nombre de codes, notamment (cf. encadré ci-dessous) :

Les RCC et le RSEM – Règles de conception et de construction du génie civil des îlots nucléaires REP (RCC-G), – Règles de conception et de construction des assemblages de combustible des centrales nucléaires (RCC-C), – Règles de conception et de construction des matériels électriques des îlots nucléaires (RCC-E), – Règles de conception et de construction des matériels mécaniques des îlots nucléaires REP (RCC-M), – Règles de surveillance en exploitation des matériels mécaniques des îlots nucléaires REP (RSEM).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Notons que, dès lors que ces codes ont été acceptés par l’ASN, leurs exigences acquièrent de facto un statut quasi-exécutoire, sauf démonstration que des dispositions alternatives apportent une solution au moins équivalente en termes de sûreté. En tout état de cause, ces codes ont eux aussi vocation à évoluer, notamment en fonction : - De l’évolution de la réglementation amont, - De l’évolution des progrès techniques et pratiques industrielles associées, - Du « retour d’expérience », en particulier en cas d’éventuelles difficultés d’application, etc. Sachant que toute évolution est dûment tracée au travers d’un processus formel de demande et acceptation / refus de modifications, traité dans le cadre du système qualité de l’AFCEN. Notons pour terminer que les RCC sont également dénommés ETC (pour European Technical Code) dans leur version anglaise applicable à l’EPR.

• In fine, un ensemble hiérarchisé de textes Si l’on reprend les différents textes ci-dessus et que l’on y ajoute les normes courantes appelées dans les RCC, on aboutit à la structure documentaire hiérarchisée représentée ci-après.

Lois

Réglementation technique générale * Décrets et Arrêtés (ministériels ou interministériels) * Textes produits par l’ASN (RFS, décisions) + Guides

Codes et normes élaborés par l’industrie nucléaire française * RCC (G, C, E, M) + RSEM Normes courantes appelées (françaises, européennes ou internationales) (NF, EN, CEI, IEEE, etc.) Spécifications techniques de l’installation * Génie civil * Equipements mécaniques 68 et informatiques * Equipements électriques * Combustible

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2. Cadre organisationnel et réglementaire

¾ Refonte de la réglementation technique générale des INB Comme indiqué plus haut, une refonte complète de la réglementation technique générale applicable aux installations nucléaires de base (INB) a été engagée depuis fin 2008 et devrait progressivement voir le jour à partir de 2012, pour répondre à deux grands objectifs : – Parachever, dans le domaine de la réglementation technique, le nouveau cadre juridique créé par la loi TSN de 2006 et ses décrets d’application, notamment le décret no. 2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié, – Harmoniser la nouvelle réglementation technique française avec les critères de sûreté appelés « Niveaux de Référence » (« Reference Levels » en anglais) dans les domaines les plus importants de la sûreté, élaborés par l'association WENRA (Western European Nuclear Regulators Association), regroupant les 17 Autorités de sûreté nucléaire européennes. L’ASN et la DGPRS / SRT (du ministère chargé de l’Écologie) ont, dans ce cadre, officiellement lancé une large consultation, qui s’est échelonnée jusqu’à la fin de 2011. Il est prévu que cette nouvelle réglementation repose sur les bases suivantes :

• (Nouvel) « Arrêté INB » Cet Arrêté à caractère général et couvrant l’ensemble des aspects relatifs à la règlementation technique générale applicable aux INB, fixera les exigences essentielles applicables à l'ensemble des INB pour la protection des personnes et celle de l'environnement, face aux risques d'accident, aux pollutions chroniques ou aux autres nuisances. Il devrait comporter onze titres (cf. encadré ci-après) et sa signature par le Gouvernement est attendue pour début 2012. • (Futures) Décisions à caractère réglementaire de l’ASN Une vingtaine de décisions à caractère réglementaire de l’ASN sont actuellement prévues, qui préciseront les modalités d’application détaillées de cet Arrêté. Ces décisions seront elles-mêmes complétées par des guides de l’ASN. Par ailleurs, concernant les modalités de mise en application de cette nouvelle réglementation technique, il est également prévu qu’elle : – Se substitue, au fur et à mesure de sa mise en place, au dispositif réglementaire actuel (décrit plus haut), ce qui devrait probablement prendre plusieurs années, – S’applique aussi, en principe, aux installations existantes, tout au moins sous les aspects qui le permettent, étant entendu que les conditions d’application, notamment en matière de délais, restent à préciser.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Titres prévus dans le nouvel Arrêté relatif à la réglementation technique générale applicable aux INB (projet) I. Champ de l’Arrêté et définitions générales II. Politique et management de la sûreté III. Maîtrise des risques d’accident IV. Équipements sous pression nucléaires V. Maîtrise des nuisances et de l’impact de l’installation pour le public et l’environnement VI. Gestion et élimination des déchets et des combustibles usés d’une installation nucléaire de base VII. Gestion des situations d’urgence VIII. Information du public IX. Dispositions relatives aux modalités de dépôt auprès des ministres chargés de la sûreté nucléaire et de réception des dossiers de demandes d’autorisation concernant les installations nucléaires de base X. Dispositions particulières applicables à certaines catégories d’INB XI. Dispositions diverses, transitoires et finales

La réglementation applicable aux INB dans le domaine de la radioprotection ¾ Bases de la réglementation actuelle • Une réglementation d’origine internationale La réglementation de la radioprotection est très similaire d’un pays à l’autre dans la mesure où elle s’appuie essentiellement sur des standards internationalement établis. Plusieurs institutions internationales interviennent, entre lesquelles règne un large consensus. Il s’agit de : – L’UNSCEAR, Comité scientifique de l’ONU sur les rayonnements ionisants, qui s’intéresse aux conséquences des rayonnements ionisants sur la population mondiale, – La CIPR, Commission internationale de protection radiologique, qui est une organisation non gouvernementale composée d’experts du monde entier qui publie des Recommandations sur la protection des travailleurs et du public contre les rayonnements ionisants, – L’AIEA, qui émet de son côté des normes de protection contre les rayonnements ionisants, en vue d’harmoniser les pratiques internationales. Ces normes sont cohérentes avec les Recommandations de la CIPR, – L’EURATOM, Communauté européenne de l’énergie atomique, qui édicte ses propres normes, sur la base des recommandations précédentes. Ces normes de base sont actuellement en cours de transformation en Directives (c’est-à-dire lois communautaires) qui, par nature, auront un caractère contraignant pour les États membres. 62

2. Cadre organisationnel et réglementaire

La dernière Directive en ce domaine est la Directive 96/29/EURATOM du 13 mai 1996 qui se fonde pour une large part sur la Recommandation no. 60 de la CIPR de 1991.

• Réglementation nationale récente La Directive précitée a été transposée en droit français par l’Ordonnance no. 2001270 du 28 mars 2001. Plusieurs décrets ont suivi, notamment décret no. 2002 - 460 du 4 avril 2002, décrets no. 2003 - 295 et 2003 - 296 du 31mars 2003, décret no. 2007 - 1570 du 5 novembre 2007, etc.

¾ Les trois principes généraux de la radioprotection (Source : ASN) • Principe de justification Une activité ou intervention nucléaire ne peut être entreprise que si elle est justifiée par les avantages qu’elle procure. • Principe d’optimisation L’exposition des personnes aux rayonnements ionisants doit être maintenue au niveau le plus faible qu’il est raisonnablement possible d’atteindre compte tenu des techniques industriellement disponibles. Ce principe, qui résulte directement de l’hypothèse d’absence de seuil au-dessous duquel les rayonnements ne seraient pas néfastes, est couramment désigné par son acronyme anglais ALARA (As Low As Reasonnably Achievable). • Principe de limitation des doses Sauf exceptions (traitements médicaux ou situation d’urgence radiologique) une personne ne peut être volontairement exposée aux rayonnements ionisants au-delà d’une dose annuelle cumulée fixée par la réglementation (cf. encadré ci-après) :

Doses cumulées annuelles réglementaires Deux catégories de populations sont distinguées : – Le public, pour lequel la dose annuelle cumulée ne doit pas dépasser : 1 mSv/an NB : cette valeur se comprend hors exposition d’origine naturelle (égale à 2,4 mSv/an en moyenne en France) et hors doses reçues pour raisons médicales. – Les travailleurs du nucléaire, qui font l’objet d’une vérification préalable d’aptitude dite DATR (Déclaré Apte aux Travaux sous Rayonnements) puis d’un suivi médical régulier, pour lesquels la dose annuelle cumulée ne doit pas dépasser : 20 mSv/an

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

La réglementation technique applicable aux INB dans le domaine de la protection contre la malveillance La protection contre la malveillance, et ses formes extrêmes, le sabotage et les actes de terrorisme, a pris depuis quelques années une importance accrue, avec la montée des risques terroristes dans le monde. Son approche présente de nombreux points communs avec l’approche de sûreté, sur le plan méthodologique, notamment par : – L’analyse approfondie et systématique des risques, aboutissant notamment à la définition d’une « menace de référence » c’est-à-dire menace définie par les caractéristiques d'agresseurs potentiels et les moyens qu’ils sont susceptibles de mettre en œuvre contre laquelle on décide de se protéger en concevant le système de protection, – Une approche graduée, proportionnée à la réalité des menaces, afin de réagir au bon niveau (exemple : en éliminant les alarmes intempestives possibles, etc.), – L’application du principe de défense en profondeur selon lequel un agresseur doit franchir et/ou contourner plusieurs obstacles successifs, de préférence de nature variée, avant de pouvoir atteindre son objectif, la combinaison de moyens techniques diversifiés et de moyens humains organisés participant aux lignes successives de défense en profondeur. Ce qui conduit notamment à (non exhaustif) : - Dissuader les agresseurs éventuels par des barrières physiques successives et difficilement franchissables, etc. - Détecter toute intrusion par des systèmes de détection d'intrusion, de contrôle des accès, des alarmes adaptées, etc. - Évaluer très rapidement la menace, - Retarder au maximum toute activité malveillante (afin de laisser aux gardiens et/ou aux forces d’intervention extérieures le temps de réagir, etc.). L’approche de la protection contre la malveillance diffère cependant radicalement de l’approche de sûreté sur un point fondamental : alors que la sûreté requiert une transparence générale et absolue, la protection contre la malveillance relève : – D’une partie publique, qui recouvre la réglementation, les principes généraux, les règles générales de conception et de contrôle, etc. telles notamment celles publiées par l’AIEA, – D’une partie hautement confidentielle (cf. encadré ci-après). La raison en est que l’incertitude est partie intégrante de l’efficacité des mesures de prévention et de protection contre la malveillance, dans la mesure où : - Elle est un puissant facteur de dissuasion de passage à l’acte pour les agresseurs potentiels, - Dans l’éventualité d’un passage à l’acte des agresseurs, elle prive ces derniers d’informations susceptibles de les aider à transgresser les mesures de protection.

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2. Cadre organisationnel et réglementaire

La part confidentielle de la protection contre la malveillance Outre les caractéristiques précises de la « menace de référence » elle-même, la confidentialité concerne toutes les informations détaillées relatives aux moyens de contrôle, de détection, de protection et de lutte mis en œuvre, en particulier : nature de ces moyens, dispositions constructives, performances, localisations géographiques, voies d’alimentations électrique, voies de transmission des informations en interne et vers l’extérieur, etc. Cette obligation de confidentialité se traduit concrètement par le classement « Confidentiel – Défense » des activités et documents d’ingénierie concernés à tous les stades (conception, achats, montages et mise en service) qui doivent être traités par des équipes dédiées, dont les membres sont eux-mêmes soumis à des habilitations de sécurité de niveau adéquat pour réaliser ces tâches.

Les procédures d’autorisations administratives des INB Comme déjà souligné plus haut, ces procédures ont été rénovées et unifiées suite au vote de la loi TSN de 2006 : la réglementation des INB relève désormais du Décret « Procédures INB » no 2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié, en application de l’article 36 de la loi TSN. En particulier, les procédures INB sont dorénavant unifiées sur la totalité du cycle de vie d’une INB, allant de son autorisation de création, à sa mise en service, son exploitation, son arrêt définitif et enfin son démantèlement. De manière très globale, l’ASN : – Instruit les demandes d’autorisation majeures (création et démantèlement) qui sont ensuite accordées par le gouvernement, – Accorde directement les autres autorisations (équipements sous pression, mise en service, redémarrage, transport des matières radioactives, etc.), – Fixe les prescriptions détaillées (de sûreté, de rejets radioactifs, etc.). De manière plus détaillée, on trouve ainsi les principales procédures ci-après :

¾ Autorisation de CRÉATION et de FONCTIONNEMENT de l’INB C’est en quelque sorte l’acte de naissance de l’INB. La demande doit en particulier comporter les pièces suivantes (non exhaustif, seuls les principaux documents sont cités) : – – – –

Une étude d’impact environnemental (article 9), Un rapport préliminaire de sûreté (article 10), Une étude de maîtrise des risques (article 11), Le plan de démantèlement (article 37).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Le contenu résumé de ces différentes pièces est précisé ci-après :

• Étude d’impact environnemental Cette étude doit notamment comprendre : – Une analyse de l’état du site et de son environnement avant l’implantation de l’INB projetée (« Point zéro »), – Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents, de l’installation sur l’environnement et en particulier sur la santé, la salubrité et la sécurité publiques, le climat, le voisinage, les paysages, les milieux naturels, la faune, la flore, les productions agricoles, etc. Cette analyse doit tout particulièrement présenter les prélèvements d’eau et les rejets d’effluents liquides envisagés dans le milieu naturel, en précisant leurs caractéristiques détaillées (origine, quantité, traitements utilisés, composition chimique et radioactive, conditions et caractéristiques des rejets, etc.). Elle doit également présenter les rejets d’effluents gazeux envisagés dans l’atmosphère, incluant les retombées d’aérosols et de poussières et le devenir de leurs dépôts. Elle doit encore évaluer l’exposition du public aux rayonnements ionisants du fait de l’INB, en prenant en compte les irradiations directement dues à l’INB et les transferts de radionucléides par les différents vecteurs, incluant les chaînes alimentaires. Elle doit enfin présenter les déchets solides, radioactifs ou non, qui seront produits par l’INB, en précisant leurs caractéristiques (nature, volume, nocivité, modes d’élimination ou de stockage envisagés) : – Par ailleurs, l’analyse doit également indiquer les raisons pour lesquelles le projet a été retenu parmi d’autres options envisageables, – Doivent aussi être précisées les mesures envisagées par l’exploitant pour prévenir, limiter et si possible, compenser les inconvénients de l’INB, – Enfin, un résumé non technique de l’étude d’impact doit être préparé pour faciliter la prise de connaissance par le public. • Rapport préliminaire de sûreté Ce rapport tient lieu d’étude de danger (prévue au code de l’environnement) jusqu’à la mise en service de l’INB. Il doit comporter l’inventaire des risques de toute origine que présente l’INB, les dispositions prises pour les prévenir ou en limiter la probabilité et les conséquences. Il doit particulièrement analyser : – Les accidents pouvant survenir, que leur cause soit d’origine interne ou externe, involontaire ou volontaire (actes de malveillance), – La nature et les effets des accidents éventuels, – Les dispositions envisagées pour prévenir ces accidents et/ou en limiter la probabilité et/ou les effets. 66

2. Cadre organisationnel et réglementaire

Le rapport préliminaire de sûreté doit en particulier justifier que le projet permet d’atteindre, compte tenu de l’état des connaissances, des pratiques et de la vulnérabilité de l’environnement, un niveau de risque aussi bas que possible dans des conditions économiques acceptables. Il doit également comprendre une « étude de dimensionnement du plan d’urgence interne » (PUI) portant sur les accidents nécessitant des mesures de protection à l’intérieur ou à l’extérieur du site. Les scénarios d’accidents et leurs conséquences sur la sûreté des installations et la sécurité des personnes doivent être décrits. Enfin, l’organisation prévue par l’exploitant dans cette hypothèse doit être précisée.

• Étude de maîtrise des risques L’étude de maîtrise des risques doit être présentée sous une forme appropriée à la consultation du public, en particulier la réalisation d’une enquête publique. Elle constitue en quelque sorte un résumé du rapport préliminaire de sûreté, dont elle reprend le contenu dans ses grandes lignes en adaptant la présentation à un large public. S’y ajoute une analyse du retour d’expérience d’installations analogues. Enfin, cette étude doit également comporter un résumé non technique afin de faciliter sa prise de connaissance par le public. • Plan de démantèlement L’obligation de présenter un plan de démantèlement dès la création de l’INB est une nouveauté importante de la loi TSN. Ce plan doit présenter les principes d’ordre méthodologique et les étapes envisagées pour le démantèlement de l’INB, la surveillance ultérieure du site et sa remise en état définitive. • Demande de création, enquête publique, décret d’autorisation L’ensemble documentaire résumé ci-dessus, qui constitue l’essentiel du dossier de demande de création, implique des études multidisciplinaires très approfondies (études environnementales, études d’accidents, analyses de sûreté, etc.) qui représentent un travail considérable, mobilisant des équipes très compétentes et nombreuses. C’est, de ce fait, une tâche qui se retrouve en général sur le chemin critique d’un projet nucléaire. D’autant plus que ce dossier de demande va : – Faire l’objet d’une analyse approfondie par l’ASN, ses supports techniques et tous les (nombreux) services de l’État concernés à un titre ou un autre par le projet, – Être soumis à enquête publique, sous une forme adaptée à la consultation du public (cf. ci-dessus), Ce n’est qu’à l’issue de ce long processus, et pour autant bien sûr qu’il soit jugé satisfaisant, que l’autorisation de création est accordée par décret. Ce dernier précise les conditions dans lesquelles l’autorisation est accordée. 67

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

¾ Autorisation de MISE en SERVICE de l’INB La mise en service de l’INB est l’étape clé qui lui confère définitivement son caractère nucléaire. Elle correspond à la première mise en œuvre, soit de substances radioactives dans l’installation, soit d’un faisceau de particules. Typiquement, pour un réacteur de puissance ou de recherche, c’est l’arrivée sur le site du premier élément combustible qui constitue l’entrée dans la phase d’exploitation nucléaire de l’installation, accompagnée de la prise de la responsabilité correspondante par l’exploitant. Alors que l’Autorisation de création relève des Pouvoirs publics (décret ministériel), cette étape relève des seules prérogatives de l’ASN. Afin d’obtenir l’Autorisation de mise en service, l’exploitant doit envoyer à cette dernière un dossier comportant notamment (non exhaustif) : – Le rapport de sûreté remis à jour (version généralement dite provisoire, sachant que la version dite définitive devra être émise à l’issue des essais de vérification des paramètres de sûreté et de performance, cf. ci-après), – Les règles générales d’exploitation (RGE) que l’exploitant prévoit de mettre en œuvre, – Une étude sur la gestion des déchets de l’installation, indiquant les objectifs de limitation de leur volume et toxicité radiologique, chimique et biologique, – Le plan d’urgence interne (PUI), indiquant les mesures d’organisation, les méthodes d’intervention et les moyens qu’il est prévu de mettre en œuvre en cas de situation d’urgence. Après analyse approfondie des dossiers et éventuelles demandes complémentaires, l’ASN autorise la mise en service de l’INB. Cette autorisation fixe les conditions du processus de démarrage, en particulier le délai dans lequel l’exploitant doit présenter à l’ASN un dossier de fin de démarrage comportant notamment : – Un rapport de synthèse des essais de démarrage, – Un bilan de l’expérience d’exploitation acquise, – Une mise à jour des documents importants : rapport de sûreté, qui passe alors en version dite définitive, règles générales d’exploitation validées par le retour d’expérience d’exploitation, etc. À noter que l’ASN peut à tout moment interrompre le processus de mise en service ou autoriser seulement une mise en service partielle.

¾ Autorisation de MISE à l’ARRÊT définitif et de DÉMANTÈLEMENT de l’INB C’est en quelque sorte le « symétrique » de l’Autorisation de CRÉATION et de FONCTIONNEMENT de l’INB. Comme pour cette dernière, la demande doit notamment comporter les pièces suivantes (non exhaustif, seuls les principaux documents sont cités) :

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2. Cadre organisationnel et réglementaire

– Une étude d’impact appliquée à l’état du site avant le démantèlement et à l’impact des opérations de démantèlement, présentant notamment les modalités envisagées pour l’élimination des déchets de démantèlement, – Une version préliminaire du rapport de sûreté portant sur les opérations de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement, ce rapport tenant également lieu d’étude de danger, – Une étude de maîtrise des risques portant sur les opérations de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement, – Une mise à jour du plan de démantèlement décrivant les étapes envisagées pour le démantèlement et l’état final du site.

¾ Autres procédures administratives Les procédures administratives présentées ci-dessus sont les plus importantes et les plus lourdes. De nombreuses autres procédures sont cependant nécessaires, parmi lesquelles (non exhaustif) : – La procédure d’autorisation ICPE concernant des ouvrages annexes qui ne relèvent pas du classement INB mais sont néanmoins classés pour l’environnement (par exemple, certains ateliers « chauds », bâtiments de stockage de déchets solides conditionnés, etc.), Ce classement requiert une demande d’autorisation comportant notamment, comme pour les INB (non exhaustif) : - Une étude d’impact environnemental, - Une étude de dangers. Les plans et les rubriques de ces différentes études sont très similaires à ceux des documents correspondants des INB. Une enquête publique est également requise, qui est évidemment fusionnée avec celle de l’INB. – Au titre du Code de l’urbanisme, l’obtention de PERMIS de CONSTRUIRE pour les bâtiments des installations INB et ICPE, requérant bien entendu l’intervention obligatoire d’un architecte qui se prononce notamment sur l’insertion visuelle des bâtiments concernés dans le paysage (au niveau des choix architecturaux pour les bâtiments annexes, des codes de couleur des bâtiments, etc.).

Aspects juridiques des activités nucléaires internationales Les activités nucléaires revêtent par nature un caractère transnational : les rejets normaux ou accidentels dans l’environnement ne s’arrêtent pas aux frontières, les transports de matières nucléaires peuvent être nécessaires entre pays, les risques de prolifération sont inhérents à ces technologies, etc. Cette caractéristique, reconnue très tôt par la communauté internationale, a conduit cette dernière à se mettre d’accord sur un certain nombre de règles multilatérales et/

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

ou bilatérales (entre voisins immédiats) pour résoudre ces problématiques, au travers de traités et protocoles internationaux. Du fait de sa position historique de pays nucléarisé, la France est évidemment partie prenante depuis le début à ces traités et protocoles, et la question ne se pose plus quand il s’agit de créer une nouvelle INB sur son sol. En revanche, l’adhésion à ces traités et protocoles est un sujet essentiel à traiter par tout pays nouvel entrant dans l’industrie nucléaire. Les ingénieries amenées à exporter des installations nucléaires dans ces pays ne peuvent donc pas se désintéresser de cette question, abordée de manière détaillée dans le chapitre 6.

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L'ingénierie de conception ou d’études

Rappelons que l’on distingue classiquement trois étapes dans les études d’un projet (cf. également chapitre 1) : – Les études d’avant-projet sommaire (APS) Leur objet est de définir les principales caractéristiques et performances du projet, d’en estimer les coûts (d’investissement puis de fonctionnement), d’identifier les éventuels besoins complémentaires en R et D, d’estimer les moyens à mettre en œuvre, de fixer les grands objectifs, etc. – Les études d’avant-projet détaillé (APD) Leur objet est de valider, approfondir et préciser les résultats préliminaires de l’APS, notamment les caractéristiques et performances, d’établir les spécifications générales de l’installation, de préciser les coûts et les délais, etc. au travers d’études de base approfondies. – Les études de réalisation Leur objet est de réaliser les études détaillées permettant de : - Dimensionner l’installation de manière détaillée (ouvrages, systèmes et composants), - Spécifier techniquement les fournitures, travaux et services nécessaires,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- Produire les plans et autres documents nécessaires à la construction des ouvrages et au montage des matériels, - Produire les documents nécessaires à la mise en service de l’installation (programme et procédures d’essai et de mise en service), - Produire les documents nécessaires à l’exploitation de l’installation (règles et procédures d’exploitation normale, incidentelles et accidentelle, procédures d’essais périodiques, etc.), - Démontrer et justifier auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire le respect des exigences prescrites en matière de sécurité nucléaire, au travers notamment des études de sûreté. C’est dans le cadre des études de réalisation que nous nous plaçons ici, car c’est de très loin le cas le plus complexe, compte tenu : – – – –

Du très grand nombre de tâches à réaliser, De leurs très nombreuses interfaces, De leurs multiples imbrications, Des astreintes calendaires respectives, qui impliquent un processus itératif complexe : les études détaillées nécessitent en effet la connaissance précise des dimensions et caractéristiques réelles des équipements, alors que ces derniers ne sont en général pas encore commandés. Ce qui implique deux types de mesures : - Au stade de l’avant-projet détaillé : prise en compte de mesures provisionnelles, sur la base de l’expérience de projets antérieurs, de pré-consultations, de volumes en attente, etc.), - Au stade des études de détail : intégration des données fournisseur réelles (caractéristiques dimensionnelles et fonctionnelles exactes des équipements approvisionnés, sur lesquels viendront se connecter tuyauteries, câbles, etc.), dès que ces données sont connues au cours du déroulement du processus d’achat décrit au chapitre 4. L’organigramme d’ensemble des études de réalisation d’une installation nucléaire est de ce fait d’une très grande complexité, qui s’apparente à… un casse tête chinois ! Ce processus complexe est schématisé à la fin de ce chapitre. Il est indéniablement à la source de la difficulté majeure des études de réalisation : sa mauvaise maîtrise se traduit immédiatement par des retards et des surcoûts.

Méthodologie d’approche Comment aborder et ensuite maîtriser cette complexité ? C’est, en l’occurrence, la méthode… cartésienne qui s’impose ! Elle recommande en effet : – De « diviser chacune des difficultés en autant de parcelles qu’il est requis pour les mieux résoudre » (phase d’analyse), – Pour ensuite « terminer par des revues si générales que l’on soit assuré de ne rien omettre » (phase de synthèse).

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3. L'ingénierie de conception ou d’études

On ne saurait mieux dire… Mise en application sur une installation nucléaire (ou sur toute installation industrielle complexe, d’ailleurs) : la subdiviser en autant de sous-ensembles fonctionnels qu’il est nécessaire, chacun d’entre eux assurant une ou plusieurs fonction(s) identifiable(s). Ces sous-ensembles fonctionnels (au nombre de 275 environ sur les centrales REP françaises) sont généralement dénommés « systèmes élémentaires » (dénomination utilisée par EDF mais dont le concept est utilisé de manière générale par la plupart des grandes ingénieries nucléaires mondiales). Il va de soi que ces différents systèmes élémentaires sont interconnectés entre eux et possèdent de ce fait de très nombreuses interfaces fonctionnelles et matérielles. On peut à cet égard faire une analogie intéressante avec les systèmes biologiques, en l’occurrence avec ceux du corps humain. Lui aussi a été subdivisé, pour les besoins de son étude, en « systèmes fonctionnels » : système cardio-vasculaire, système respiratoire, système digestif, système musculaire, système nerveux, etc. Tous ces systèmes étant très fortement interconnectés et inter-réagissant, la défaillance de l’un pouvant avoir des conséquences sur certains autres et/ou sur l’ensemble... L’approche fonctionnelle ne suffit cependant pas. En effet : – Les fonctions sont matériellement mises en œuvre par des matériels « actifs » (l’équivalent des organes, dans notre comparaison avec le corps humain) qui doivent être dimensionnés, spécifiés et interconnectés entre eux par des composants « passifs » (tuyauteries, câbles électriques, etc.), – Enfin, ces matériels « actifs » et « passifs » doivent être logés et protégés dans des bâtiments (de la même manière que les organes sont logés et protégés dans les cavités thoraciques, abdominales, etc. du corps humain) qui doivent bien sûr être eux aussi dimensionnés. Ainsi se dessine à grands traits le panorama des études à réaliser, si l’on y ajoute à l’amont les études du site sur lequel sera implantée l’installation. Ce qui définit aussi le plan de ce chapitre, qui traitera successivement des études : – De site, qui permettent de sélectionner puis valider le site retenu sous les aspects sûreté, impact environnemental, économique, etc. – De génie civil, qui permettent de dimensionner et construire les bâtiments, – D’installation, qui permettent d’organiser l’espace et réaliser les montages électromécaniques, – De systèmes, qui permettent de définir le fonctionnement des systèmes, – De spécification (technique) des travaux, fournitures ou services, en liaison avec l’ingénierie d’achat traitée au chapitre 4, – Transverses de différentes natures, mais qui ont en commun un caractère synthétique et/ou multifonctionnel, concernant l’installation dans sa globalité, – Justificatives vis-à-vis de l’Autorité de sûreté nucléaire et autres autorités publiques, qui permettent d’obtenir les différentes autorisations nécessaires (de création, de démarrage, d’exploitation, etc. cf. chapitre 2).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Mais l’ingénierie d’études ne se définit pas seulement par ses tâches. Elle se définit également par : – Les outils (informatiques) mis en œuvre, parmi lesquels il faut distinguer : - Les outils d’ingénierie proprement dits, essentiellement : CAO 3 D pour les études d’installation, programmes de calcul au séisme des tuyauteries, CAO 2 D pour les études systèmes, etc. - Les codes de calcul « scientifiques », permettant notamment de calculer le cœur sous les aspects neutronique, thermo-hydraulique, mécanique, etc. ou encore la diffusion et dilution des effluents gazeux dans l’atmosphère, etc. – Ses produits, c’est-à-dire les documents élaborés, qu’ils soient sous forme électronique ou sous forme papier. Ces derniers sont précisés au cas par cas dans ce qui suit, en fonction des études concernées.

Études de sites Les études de site ont trois objectifs complémentaires : – Sélectionner le ou les site(s) le(s) mieux adapté(s), – Justifier l’acceptabilité du ou des site(s) retenu(s) du point de vue de la sûreté et des impacts environnementaux, – Enfin, élaborer les données d’entrée nécessaires au dimensionnement de l’installation nucléaire qui sera construite sur le ou les site(s) retenu(s).

¾ Sélection des sites possibles Elle se fonde sur un très grand nombre de paramètres, concernant la sûreté, l’environnement, l’économie du projet, etc. Ces paramètres sont cependant d’inégale importance : certains peuvent avoir des conséquences rédhibitoires pour des raisons de sûreté et/ou d’impact sur l’environnement, d’autres peuvent affecter fortement l’économie du projet, alors que d’autres encore interviennent simplement dans le dimensionnement de l’installation, sans impact majeur.

• Critères rédhibitoires pour raisons de sûreté ou d’impact sur l’environnement Quatre critères essentiels peuvent généralement conduire à rejeter un site nucléaire : – Des caractéristiques géophysiques et géotechniques présentant des risques inacceptables, notamment : - Trop grande proximité d’une faille sismiquement active, - Sols aux caractéristiques impropres, présentant des risques particuliers tels que liquéfaction, gonflement, dissolution, etc.

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3. L'ingénierie de conception ou d’études

À noter dans cet ordre d’idées qu’un niveau élevé de séisme n’est en général pas rédhibitoire en lui-même, à condition que les autres paramètres soient satisfaisants. On dispose en effet de solutions technologiques efficaces pour y faire face telles que : - L’utilisation d’un radier commun pour les bâtiments classés, - La mise sur plots élastiques du radier commun, si le simple liaisonnement des radiers ne suffit pas, - L’augmentation des dimensionnements et du niveau de qualification sismique des matériels. – Une trop forte densité de population à proximité immédiate du site (qui rendrait problématique une éventuelle évacuation massive des habitants en cas d’accident grave), – La trop grande proximité d’une installation industrielle à haut risque ou d’un aéroport majeur civil ou militaire, – Des conditions trop défavorables de dilution des effluents gazeux et/ou liquides.

• Critères pouvant avoir un impact économique fort On citera essentiellement (non exhaustif) : – Un niveau de séisme élevé, conduisant à des solutions technologiquement plus coûteuses (cf. ci-dessus), – La mauvaise qualité de la source froide et/ou sa difficulté de mise en œuvre (par exemple, un refroidissement en mer avec des hauts fonds, qui nécessite des canaux ou tuyauteries de rejet très longs pour éviter la recirculation et respecter les contraintes de dilution, peut coûter très cher), – La distance et/ou les difficultés de raccordement aux réseaux électriques extérieurs (liaison principale et liaison auxiliaire de premier secours, ces deux liaisons devant être suffisamment indépendantes), – Les quantités de matériaux à remanier et/ou à transporter pour constituer la plateforme du site, – La construction de nouvelles voies d’accès au site (routes, voies ferrées, quais lourds de débarquement).

¾ Justification de l’acceptabilité du site sous l’aspect sûreté Elle passe par la démonstration de la capacité du site retenu à satisfaire aux exigences des RFS et autres documents relatifs à la prise en compte des agressions externes, en particulier (non exhaustif) : – RFS 2001- 01 : Détermination du risque sismique pour la sûreté des INB – RFS I.3.c : Études géologiques et géotechniques du site : détermination des caractéristiques des sols et étude du comportement des terrains – Guide/2/01 (ex-RFS V.2.g) : Guide relatif à la prise en compte du risque sismique

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– RFS I.2.e : Prise en compte du risque d’inondation d’origine externe – RFS I.1.b : Prise en compte des risques liés à l’environnement industriel et aux voies de communications – RFS I.2 a et RFS I.1.a : Prise en compte des risques liés aux chutes d’avions Ces démonstrations font : - L’objet de revues approfondies et approbation par l’ASN et ses supports techniques (IRSN en particulier), - Partie intégrante du rapport préliminaire de sûreté (rapport spécifique de sûreté de site ou chapitre dédié relatif au site dans le rapport préliminaire de sûreté).

¾ Élaboration des données d’entrée pour le dimensionnement de l’installation La conception et le dimensionnement d’une installation nucléaire requièrent des données d’entrée directement « assimilables » par les concepteurs. Or, la plupart des données de site se présentent à l’origine sous une forme brute (résultats bruts de sondages de sol, statistiques météorologiques, etc.). Il est donc nécessaire de passer de ces données brutes à des données élaborées, par différentes méthodes : traitements statistiques, jugements d’experts, etc. Ce qui constitue en soi une tâche d’ingénierie à part entière, avec la responsabilité d’ingénierie qui y est attachée et qui peut être très grande, dans la mesure où une erreur dans ces transpositions peut remettre en cause le dimensionnement général de l’installation. Quelques exemples peuvent à cet égard être cités à titre d’illustration : – Celui, particulièrement critique, des données de sol, qui proviennent de multiples origines : analyses d’échantillons (« carottes »), essais sismiques in situ, sondages divers plus ou moins profonds, etc. Le passage de ces données brutes aux valeurs des modules élastostatiques et élastodynamiques nécessaires aux concepteurs pour dimensionner ouvrages et matériels résulte d’une combinaison d’analyses scientifiques, d’utilisation de l’expérience et de jugements d’experts. – Autre exemple : celui des données météorologiques brutes, constituées de séries d’enregistrements météorologiques couvrant plusieurs années ou même décennies, qui doivent être retravaillées pour en déduire notamment (non exhaustif) : - Les valeurs des températures et humidités moyennes et extrêmes, qui entrent notamment dans le dimensionnement des bâtiments et des systèmes de ventilation, - Les valeurs des précipitations extrêmes, entrant dans le dimensionnement des réseaux d’évacuation des eaux de surface du site (prévention du risque inondation d’origine externe),

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3. L'ingénierie de conception ou d’études

- Les directions préférentielles des vents (rose des vents) qui conditionnent les études de dilution atmosphérique des rejets d’effluents gazeux, etc.

¾ Outils et produits des études de sites – Les outils mis en œuvre pour réaliser les études de site sont très variés. Il s’agit essentiellement de codes de calcul spécialisés destinés au calcul de (non exhaustif) : - La dilution et la diffusion des effluents gazeux dans l’atmosphère, les retombées sur les sols, leur migration, etc. - L’impact dosimétrique ou radiologique sur les populations locales, - L’étendue de la « tâche thermique » en mer due au rejet d’eau chaude, - Les risques d’ensablement de la prise d’eau en fonction des courants et des matières en suspension. – Les produits se composent également de l’ensemble des rapports d’études sur chacun des sujets spécialisés concernés.

Études de génie civil Deux grandes phases successives peuvent être distinguées : – Les études d’ensemble tridimensionnelles, – Les études détaillées ou d’exécution.

¾ Études d’ensemble tridimensionnelles Ces études sont réalisées sur la base d’une modélisation tridimensionnelle de l’ensemble des bâtiments concernés et font appel à des codes de calcul très sophistiqués, notamment pour ce qui concerne la prise en compte des effets et efforts sismiques ainsi que des caractéristiques du sol sur lequel l’installation doit être fondée (en particulier, modules élastostatiques et élastodynamiques, interaction sol-structure, etc.). Trois objectifs essentiels sont assignés à ces études tridimensionnelles : – Dimensionner globalement les bâtiments, – Déterminer les spectres de plancher, – Quantifier les mouvements relatifs entre bâtiments.

• Dimensionnement global des bâtiments Il doit prendre en compte : – Les différentes combinaisons de torseurs (forces et couples) que ces bâtiments peuvent être amenés à supporter. Si l’on prend l’exemple d’un réacteur REP, il s’agit notamment, outre les poids propres : - Des efforts sismiques, qui peuvent être dimensionnants dans certaines zones,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- Des contraintes accidentelles internes telles que : > Pressions et température maximales dans l’enceinte de confinement (qui peuvent atteindre 5 bars absolus et 150 °C en cas d’accident de dimensionnement), > Réactions des grosses tuyauteries vapeur, primaires ou secondaires, en cas de rupture de ces dernières, - Des contraintes dues aux agressions externes : ébranlements structurels dus aux chutes d’avion, etc. - Des efforts dus au fonctionnement des matériels électromécaniques. Cependant, seuls les efforts importants, supérieurs à une certaine valeur, sont pris en compte à ce stade du dimensionnement global, Les données de sortie sous l’aspect dimensionnement global sont constituées par les valeurs des torseurs statiques équivalents dans les membrures (murs, poutres et planchers) des bâtiments, qui constituent les données d’entrée des études détaillées (cf. ci-après).

• Détermination des spectres de plancher La deuxième donnée de sortie des études tridimensionnelles d’ensemble est constituée par les spectres de plancher aux différents niveaux des bâtiments, qui constituent les interfaces entre bâtiments et équipements électromécaniques en termes de dimensionnement et/ou qualification au séisme, soit par : – Le calcul (pour les équipements mécaniques de grandes dimensions, qui ne peuvent être qualifiés par essais du fait de leur masse et/ou dimensions et se prêtent par ailleurs bien à la modélisation en 3D), – Les essais sur table vibrante (pour les équipements mécaniques complexes de dimensions compatibles et surtout les équipements électriques généralement difficiles à modéliser du fait de leur hétérogénéité structurelle (multiplicité des matériaux métalliques et isolants, en particulier).

• Détermination des mouvements relatifs entre bâtiments La troisième donnée de sortie des études tridimensionnelles d’ensemble est constituée par les mouvements relatifs entre bâtiments (dynamiques, sous l’effet d’un séisme, ou statiques, sous l’effet des tassements à long terme) qui doivent être pris en compte dans la conception des composants d’interfaces électromécaniques entre bâtiments (tuyauteries de liaison, notamment).

¾ Études détaillées ou d’exécution de génie civil Elles recouvrent essentiellement : – L’établissement des notes de calcul détaillées permettant de déterminer le taux de ferraillage nécessaire pour résister aux torseurs statiques équivalents (calculés comme indiqué ci-dessus) s’exerçant dans les membrures (murs, poutres et planchers et leurs jonctions). Ces notes ont également une fonction de justification des dimensionnements,

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3. L'ingénierie de conception ou d’études

– L’établissement des plans dits d’exécution, car ils sont directement utilisés sur le chantier pour construire les ouvrages. Il s’agit des : - Plans de coffrage, définissant la géométrie des murs et planchers des ouvrages, - Plans de ferraillage, définissant les positions et sections des aciers de renfort et, le cas échéant, des câbles de précontrainte et de leurs ancrages. Ils sont directement déduits des notes de calcul ci-dessus. L’élaboration de ces différents plans d’exécution implique à la fois une grande compétence dans le domaine des études de génie civil et des capacités de production documentaire très importantes sous forte contrainte de qualité, car le nombre de plans à produire dans un temps relativement court est très important (plusieurs dizaines de milliers, dans un délai global de l’ordre de 2 ans environ, pour une centrale REP). Ce qui suppose une organisation quasi-industrielle des études et de leur contrôle. Seuls quelques grands bureaux d’études spécialisés dans les études de génie civil sont capables de réaliser ces études sur la place franco-européenne.

Études d’installation On peut distinguer sous ce vocable deux grandes catégories d’activités : – La première, générale, concerne la « gestion de l’espace » à l’intérieur des bâtiments, sous fortes contraintes (cf. ci-après), – La seconde, indissociable de la première, concerne les études détaillées : - D’implantation des matériels individualisés (tels que pompes, réservoirs, échangeurs, etc.), - Des réseaux d’interconnexion électromécaniques (tuyauteries, réseaux de ventilation, réseaux de câbles et leurs supports).

¾ Gestion de l’espace C’est la finalité première des études d’installation, étant entendu que cette gestion n’est pas seulement « géométrique » mais doit également tenir compte de contraintes : – Fonctionnelles, – D’installation.

• Contraintes fonctionnelles On peut distinguer : – Les contraintes fonctionnelles propres aux installations nucléaires, fonction de la nature particulière de ces dernières. Dans le cas d’un réacteur REP, on citera à titre d’exemple : - La prohibition des circuits et risques d’arrivées accidentelles d’eau claire dans le bâtiment du combustible usé, pour éviter tout risque de dilution intempestive de l’eau borée des piscines de stockage, 79

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- La prévention des agressions internes (sectorisation contre les incendies, protections contre les inondations, protection contre les ruptures de tuyauteries à haute énergie, etc.), - Les dispositions de radioprotection (agencements particuliers, utilisation d’écrans et portes biologiques, de systèmes de ventilation / filtration permettant d’éliminer la contamination, etc.). – Les contraintes fonctionnelles à caractère général, applicables à toutes les installations industrielles, concernant par exemple (non exhaustif) : - La hauteur géométrique à l’aspiration des pompes, pour respecter leur NPSH, - Les altitudes respectives de différents composants et circuits pour, par exemple, permettre un fonctionnement en siphon ou thermosiphon, - Les positions des capteurs par rapport aux circuits dont ils mesurent les paramètres pour obtenir des mesures non biaisées.

• Contraintes d’installation Elles portent notamment sur (non exhaustif) : – L’acheminement et la manutention des matériels jusqu’à leur point final d’installation, – La « démontabilité » des matériels, intégrant les facilités de manutention nécessaires et réservant des espaces d’intervention pour la maintenance, – Les conditions d’accès aux matériels respectant les normes de sécurité des travailleurs, – Les voies de circulation à l’intérieur des locaux, permettant d’assurer la sécurité des personnes.

• Outils de gestion de l’espace La difficulté essentielle consiste à concilier toutes les contraintes ci-dessus dans des espaces qui sont le plus souvent restreints dans les installations nucléaires, pour diverses raisons de fond (fonctionnement, radioprotection, optimisation économique, etc.). L’avènement, dans les années 1990, des logiciels de CAO 3 D (conception assistée par ordinateur en 3 dimensions) a beaucoup facilité la tâche des installateurs en leur permettant de réaliser de véritables maquettes virtuelles (ou informatiques) des installations. Parmi les avancées classiques de ces logiciels : – La possibilité de visualiser l’installation en 3 D sous divers angles et d’en extraire immédiatement des plans en 2 D cohérents, – La détection automatique des interférences géométriques entre différents matériels et composants, – La possibilité de partager la maquette informatique avec des sous-traitants ou chargés d’études extérieurs, grâce aux liaisons Internet sécurisées à haut débit. 80

3. L'ingénierie de conception ou d’études

La CAO 3 D est ainsi devenue l’outil d’ingénierie majeur indispensable pour tout « installateur » travaillant sur une installation complexe. Cet outil a cependant complètement modifié les façons de travailler et les organisations associées, compte tenu du nombre très élevé (plusieurs milliers) d’évolutions subies par une « maquette informatique » au fur et à mesure de l’avancement des études. Ce qui implique une organisation et un suivi extrêmement rigoureux et sans failles, sous peine de conduire rapidement à une situation ingérable. Les impacts organisationnels peuvent par exemple porter sur : – La mise en œuvre d’exigences d’assurance de la qualité adaptées au suivi des évolutions et à leur traçabilité, – La nomination d’un gestionnaire de la maquette, seul habilité à valider ses évolutions, – Et, en cas d’échanges de tout ou partie de la maquette avec des partenaires extérieurs (sous-traitants ou chargés d’études) la mise au point de : - Protocoles d’échanges rigoureux et sécurisés (via Internet en particulier), - Conventions multilatérales (entre le donneur d’ordres et tous ses sous-traitants) relatives au respect mutuel de la confidentialité et de la propriété intellectuelle (dans la mesure où la maquette est susceptible de mettre en commun des informations sensibles élaborées par différents partenaires).

¾ Études détaillées d’implantation des matériels Elles consistent à « intégrer » les matériels individualisés dans l’installation générale, en tenant compte : – De leurs caractéristiques géométriques (et autres) propres, ce qui implique en général la connaissance précise des « données fournisseur » détaillées relatives aux matériels concernés (avec les contraintes d’approvisionnement associées que cela comporte cf. plus loin), – Des contraintes d’installation déjà évoquées ci-dessus, – Des interfaces avec, d’une part les structures de génie civil, d’autre part les réseaux mécaniques et électriques d’interconnexion (cf. ci-dessous). Le produit de ces études est constitué par les plans d’implantation des matériels.

¾ Études détaillées des réseaux d’interconnexion Ces études peuvent également être classées dans la rubrique « installation » dans la mesure où elles s’intègrent directement dans la gestion de l’espace et n’ont aucun caractère fonctionnel. Elles concernent les : – Tuyauteries, – Réseaux de ventilation, – Chemins de câbles et déroulage de câbles.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

• Études de tuyauteries Si l’on prend l’exemple d’une centrale REP, les réseaux de tuyauterie sont omniprésents, une part importante d’entre eux étant classée sûreté, donc en particulier calculée au séisme. Sans parler des tuyauteries primaires, qui requièrent des études tout à fait spécifiques réalisées par le concepteur/fournisseur de la chaudière nucléaire, les études des tuyauteries « standard » classées occupent une grande place. Elles requièrent l’usage de codes de calcul spécialisés, capables de combiner les différents cas de charge (poids propre, pression interne, effets thermiques, séisme) et de déterminer les modes propres de déformation des tuyauteries en fonction de leurs caractéristiques mécaniques et de leur supportage. Ces études peuvent être réalisées (cf. également chapitre 4) : – Soit directement par l’architecte industriel de l’installation, qui possède déjà dans sa maquette leurs données géométriques, – Soit par un sous-traitant spécialisé dans ce type de calculs, à qui il faudra bien sûr transférer les données géométriques de la maquette. Cependant, calculer les lignes ne suffit pas. Il faut également procéder au découpage de ces lignes en « tronçons » qui seront préfabriqués par soudage (en usine ou sur site) avant introduction dans les locaux. Ce découpage requiert un savoir faire particulier et relève par ailleurs d’une gestion plutôt laborieuse de type… « Hypermarché » ! Il faut en effet identifier et gérer une très grande quantité de composants élémentaires aux références différentes du fait de la diversité des : - Matériaux mis en œuvre (aciers inox omniprésents de diverses nuances, acier noir, composites, etc.), - Classements RCC-M de différents niveaux, - Couples diamètres / épaisseurs, - Géométries des composants élémentaires (longueurs droites, coudes possédant différents angles, réductions, éléments spéciaux, etc.). Le produit des études de tuyauteries est finalement constitué par : – Les plans de tronçonnage des tuyauteries et les plans de leurs supports, utilisés à la fois pour la préfabrication et pour le montage in situ, – Les nomenclatures associées de composants élémentaires, utilisées pour leur approvisionnement. C’est souvent la gestion de ces dernières qui constitue le point dur de cette activité d’ingénierie. • Études des réseaux de ventilation Les réseaux de ventilation sont également omniprésents dans les installations nucléaires, pour des raisons habituelles de climatisation des locaux abritant des 82

3. L'ingénierie de conception ou d’études

travailleurs permanents et/ou des matériels électroniques sensibles, mais aussi pour des raisons spécifiques de radioprotection. Si bien que les gaines de ventilation vont un peu partout et occupent des espaces (très) conséquents. Leur étude est cependant beaucoup plus simple que celle des tuyauteries, dans la mesure où leur calcul au séisme se limite généralement à celui de leurs supports (en effet, la structure à la fois très rigide et très légère des gaines empêche leurs déformations propres sous séisme). La gestion des quantitatifs associés est proche de celle des tuyauteries, mais également un peu plus simple : il faut toujours procéder au tronçonnage des gaines pour définir leur préfabrication avant introduction dans les locaux, ainsi qu’identifier et gérer les différents composants élémentaires. Mais les références sont beaucoup moins nombreuses, dans la mesure où une grande partie des préfabrications part de tôles en rouleau. Ces études (avec, la plupart du temps, les approvisionnements associés) sont généralement confiées à des sous-traitants spécialisés, travaillant dans l’espace alloué grâce à la maquette informatique. Comme dans le cas des tuyauteries, le produit des études des réseaux de ventilation est constitué par : – Des plans de tronçonnage utilisés pour la préfabrication et le montage in situ, associés aux plans de supports, – Les nomenclatures associées de composants élémentaires, permettant les approvisionnements. Les difficultés les plus fréquentes proviennent ici encore du grand nombre de plans à émettre et de composants à gérer.

• Études des chemins de câbles et de déroulage des câbles Plus encore que les tuyauteries et les gaines de ventilation, les câbles électriques et leurs supports vont partout dans l’installation. La structure des chemins de câbles est cependant de type arborescent, et est très comparable à celle d’un réseau routier comportant des autoroutes, des routes nationales, des routes départementales et même des chemins vicinaux (les terminaisons locales des chemins de câbles). En termes de gestion de l’espace, ce sont surtout les autoroutes principales, car très chargées en câbles et donc très volumineuses et lourdes, qui posent problème. On les trouve en particulier dans les locaux dits « électriques » où convergent par définition une grande partie des liaisons électriques de toutes natures et de toutes tensions (puissance en moyenne et basse tension, contrôle, mesures). Dans ces locaux, la « cohabitation » avec les gaines de ventilation et les tuyauteries d’arrosage de la protection incendie y est donc souvent problématique !

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Les études des chemins de câbles doivent par ailleurs respecter des critères : – Mécaniques : calcul au séisme, qui se résume souvent au dimensionnement des supports sous l’effet combiné des charges gravitaires et sismiques, – Électriques : respect des règles de séparation entre les différentes tablettes de cheminement des câbles de nature électrique différente, qui doivent être séparées par une distance minimale : > Puissance en moyenne tension, > Puissance en basse tension, > Contrôle, > Mesures, qui doivent en outre être munies d’un couvercle pour limiter les perturbations électromagnétiques. – De protection contre l’incendie : les tablettes des voies redondantes de sûreté doivent cheminer dans des locaux et/ou secteurs de feu différents. La préfabrication porte surtout sur les supports, qui peuvent être standardisés, au même titre que les composants des tablettes. La gestion des quantitatifs est quant à elle proche de celle des réseaux de ventilation. Enfin, les études de déroulage et de raccordement des câbles sont très étroitement imbriquées d’une part aux études des chemins de câbles, d’autre part aux études fonctionnelles qui définissent les tenants et les aboutissants. Elles font appel à des logiciels spécialisés permettant d’optimiser et gérer : - Les cheminements des câbles, - Le remplissage des tablettes des chemins de câbles, Tout cela en intégrant simultanément les contraintes de : - Séparation des câbles de nature électrique différente, - Séparation des voies redondantes (protection contre les incendies), - Remplissage maximal des tablettes (pour respecter les dimensionnements sismiques). Au total, ces études sont donc complexes. Couplées avec les approvisionnements associés, elles sont généralement externalisées auprès de sous-traitants spécialisés en IEG (installations électriques générales) travaillant dans l’espace alloué grâce à la maquette informatique. Comme dans le cas des études de tuyauteries et des réseaux de ventilation, le produit de ces études d’IEG est constitué par : – Les plans (généralement standardisés) des chemins de câbles et de leurs supports, utilisés pour la préfabrication et le montage in situ, – Les nomenclatures associées de composants élémentaires, servant à la fois aux approvisionnements et aux montages, – Les « carnets » dits de déroulage et raccordement des câbles, comportant leur cheminement sur les tablettes et l’identification fonctionnelle de leurs tenants et aboutissants.

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Les difficultés les plus fréquentes proviennent, ici encore : – Du (très) grand nombre de plans de chemins de câbles à émettre, – De la gestion de type « hypermarché » des quantitatifs de composants associés, – Et pour ce qui concerne plus particulièrement les études de déroulage des câbles, du nombre extrêmement élevé (plusieurs centaines de milliers) de liaisons câblées dont il faut optimiser le tracé tout en gérant le remplissage des tablettes (cf. ci-dessus). Pour toutes ces raisons, ces études constituent donc très fréquemment un point critique du planning d’ingénierie d’études. Pour conclure ce chapitre sur les études d’installation « nucléaires », on notera que ces dernières utilisent les mêmes méthodes et outils que les autres installations industrielles. Les différences essentielles viennent de : – La plus grande complexité d’une installation nucléaire, – Le fait que l’installation d’une grande partie des équipements se fait, pour des raisons de radioprotection (protection à la fois contre l’irradiation par des murs de protection biologique et contre la contamination de l’air des locaux par des systèmes d’épuration de l’air), dans des « casemates » à la fois exigües et ventilées, ce qui complexifie beaucoup les études.

Études de systèmes On distinguera deux grandes catégories de systèmes : – Première catégorie : les systèmes « cœur de processus », par exemple : - Pour une centrale REP : la fonction production d’énergie de la chaudière nucléaire, - Pour un réacteur de recherche : la fonction production de flux de neutrons par le cœur du réacteur, - Dans les deux cas, on peut y ajouter : > La fonction confinement de l’enceinte, > La fonction stockage du combustible nucléaire (neuf et usé), > Les systèmes centralisés informatisés de contrôle commande. – Deuxième catégorie : les systèmes « serviteurs » ou « auxiliaires », tels que les systèmes de traitement des effluents radioactifs, les distributions électriques, la production et distribution d’eau, etc.

¾ Systèmes « cœur de processus » • Systèmes de la chaudière nucléaire Si l’on reprend l’exemple d’une centrale REP, la chaudière nucléaire et ses systèmes associés appartiennent au cœur du processus de transformation de l’énergie de fission

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

en enthalpie et débit de vapeur apte à être transformée en énergie mécanique dans la turbine, puis ensuite en énergie électrique dans l’alternateur. Un grand nombre de systèmes participent en fait à ce cœur de processus, d’une grande complexité, notamment (non exhaustif) : – Le cœur du réacteur constitué d’assemblages combustibles comportant des enrichissements variables, des « poisons neutroniques » consommables, des barres de contrôle (barres de régulation et barres de sécurité ou d’arrêt de la réaction en chaîne), etc. Et bien sûr les supports mécaniques de ces éléments, les réflecteurs ou écrans neutroniques (structures internes), etc., ainsi que les moyens de mesure associés (flux neutroniques, températures, etc.), – Le système d’évacuation normale de la chaleur du cœur constitué du circuit primaire maintenu sous forte pression par le pressuriseur et les générateurs de vapeur où se fait l’échange de chaleur primaire / secondaire, – Le système de contrôle du volume d’eau primaire et de sa qualité (maintien de sa teneur en acide borique neutrophage, contrôle chimique, purification, etc.), – Les systèmes d’injection d’eau de sécurité prévus pour entrer en service en cas de fuite ou perte de réfrigérant primaire, – Les systèmes de mesure neutroniques et d’autres paramètres critiques du circuit primaire (pression, température, marge vis-à-vis de l’ébullition, etc.), – Le système de contrôle commande de la chaudière, comportant : - Le système de régulation de la puissance neutronique (et donc thermique), - Le système de sécurité du réacteur, apte à amener ce dernier à l’état dit « contrôlé » par des moyens automatiques. L’étude de ces systèmes fait appel aux sciences dures du nucléaire : physique nucléaire, neutronique, thermo hydraulique du cœur, tenue des matériaux sous irradiation, mécanique de la rupture, etc. À ce titre, elle met en œuvre un grand nombre de codes de calcul extrêmement sophistiqués. Seuls quelques grands concepteurs-fournisseurs de chaudières nucléaires (REP ou autres filières) maîtrisent ce type d’études dans le monde, dont bien sûr AREVA en France (pour les réacteurs de puissance, mais aussi les réacteurs de recherche et les réacteurs de propulsion marine).

• Systèmes participant au confinement La fonction confinement constitutive de la troisième barrière (les deux premières : gaine du combustible et enveloppe du circuit primaire étant assurées au niveau de la chaudière nucléaire) n’est pas seulement assurée statiquement par l’enceinte. De nombreux systèmes y participent aussi, notamment : – Le système d’isolement d’enceinte qui commande la fermeture automatique des vannes redondantes équipant les traversées mécaniques de l’enceinte,

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3. L'ingénierie de conception ou d’études

– Le système d’aspersion de l’enceinte qui permet de refroidir l’atmosphère de l’enceinte pour maintenir sa pression à un niveau acceptable en cas d’accident de dimensionnement, – Le système de reprise des fuites éventuelles dans l’espace inter-enceintes (entre enceinte interne et enceinte externe, en cas de double enceinte). – Les systèmes post accidents graves de protection de la fonction confinement (recombineurs d’hydrogène et filtre de dépressurisation). L’étude de ces systèmes fait appel à des sciences plus classiques telles que la mécanique des fluides, la thermodynamique, etc. mais implique également l’usage de codes de calcul spécialisés (pour dimensionner l’aspersion de l’enceinte, par exemple).

• Systèmes liés au stockage du combustible nucléaire Il s’agit du stockage du combustible : – Neuf, qui implique des précautions particulières compte tenu de sa réactivité potentielle élevée (l’enrichissement étant à son maximum) au regard des risques de criticité (notamment en cas d’arrosage intempestif ou de formation de brouillards, consécutifs au fonctionnement de systèmes de lutte contre l’incendie utilisant de l’eau pure). Les combustibles MOX et URE (cf. chapitre 1) impliquent en outre des dispositions particulières de radioprotection. – Usé, qui implique dans tous les cas un stockage intermédiaire sous eau de longue durée (quelques à plusieurs années), dans l’attente d’une décroissance radioactive naturelle suffisante pour autoriser un enlèvement, et qui met en jeu : - Un contrôle de la marge d’anti réactivité, obtenu à la fois par des mesures d’installation (distance suffisante entre éléments combustibles dans les piscines) et un contrôle de la teneur en bore de l’eau, - Des systèmes d’évacuation de la chaleur résiduelle dégagée par les éléments combustibles, - Des systèmes de purification et de contrôle chimique des piscines, - Des systèmes de manutention du combustible comportant : > Le système de chargement / déchargement des éléments combustibles dans le bâtiment réacteur, > Le système de transfert des éléments combustibles entre le bâtiment réacteur et le bâtiment du combustible, > Le système de manutention des éléments combustibles dans le bâtiment du combustible. • Systèmes centralisés informatisés de contrôle commande L’avènement des systèmes centralisés informatisés de contrôle commande a mis la conception les salles de commande informatisées des installations nucléaires au centre des préoccupations d’étude et de sûreté, pour deux raisons principales : – Coté positif : ces technologies permettent des avancées majeures en termes d’ergonomie et d’Interfaces Homme / Machine, donc in fine en termes de sûreté, 87

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– Coté négatif : la qualification des logiciels de sécurité et le nécessaire dialogue entre logiciels de niveau de sécurité différents pose de difficiles problèmes, en particulier d’architecture informatique globale. Conséquence : la maîtrise de ces nouveaux moyens de contrôle commande requiert une mobilisation très importante de compétences de très haut niveau, sans commune mesure avec ce qui était autrefois nécessaire pour concevoir les salles de commande classiques et les systèmes de contrôle commande associés, fonctionnant avec de bons vieux relais électromécaniques… Il n’est donc pas exagéré de dire que ce sujet est devenu un point critique des études de conception.

¾ Systèmes « auxiliaires » ou « serviteurs » Deux sous-ensembles de systèmes peuvent encore être distingués : – Les systèmes propres aux installations nucléaires, que l’on ne trouve que sur ces dernières, – Les systèmes classiques, que l’on peut trouver sur tous types d’installations industrielles et qui ont pour seule particularité sur les installations nucléaires d’être soumis à des exigences fonctionnelles et/ou matérielles plus élevées (quand il s’agit de systèmes classés sûreté). Toujours en prenant l’exemple d’une centrale REP, on peut ainsi citer (non exhaustif) :

• Systèmes « auxiliaires » ou « serviteurs » propres au nucléaire On trouve notamment (non exhaustif) : – Les systèmes de traitement et stockage temporaire des effluents radioactifs, liquides et gazeux. Ces systèmes revêtent une très grande importance car ils permettent d’une part d’assurer la radioprotection interne, d’autre part de maîtriser les rejets dans l’environnement. Ils font appel à différents processus de traitements physiques et chimiques, adaptés aux natures et compositions des effluents à traiter, ce qui donne lieu à la mise en œuvre de plusieurs systèmes différents spécialisés. – Les systèmes de ventilation des locaux contaminables Ces systèmes revêtent également une importance majeure : outre un rôle classique de systèmes de ventilation (évacuation des calories, climatisation des locaux, renouvellement d’air, etc.) ils assurent des fonctions essentielles telles que : confinement dynamique de la contamination (par la maîtrise des dépressions relatives entre locaux, forçant les flux des locaux les moins contaminés vers les locaux les plus contaminés, en particulier maintien en surpression relative de la salle de commande principale), filtration des aérosols radioactifs, piégeage des iodes. 88

3. L'ingénierie de conception ou d’études

Sans oublier l’extraction des fumées en cas d’incendie, qui n’est pas propre aux locaux nucléaires, mais est beaucoup plus complexe à réaliser dans de tels locaux du fait de la présence de matières radioactives qui pourraient être disséminées. – Certains systèmes de manutention Deux d’entre eux jouent un rôle crucial dans les centrales REP : - Le « pont polaire » situé dans l’enceinte de confinement, qui permet de manutentionner les matériels, notamment lourds, à l’intérieur de l’enceinte, - Le système de manutention des « châteaux de plomb » dans le bâtiment du combustible. Ces deux systèmes doivent répondre à des critères de sûreté et de sécurité très particuliers, compte tenu des conséquences potentiellement dévastatrices qu’auraient des chutes de lourdes charges dans le bâtiment réacteur ou celui du combustible (un « château de plomb » pèse plus de 100 tonnes !). Ce qui implique, outre le calcul au séisme de ces systèmes et structures, une conception redondante et des exigences particulières de qualité garantissant une probabilité de chute de charge extrêmement faible, permettant d’en éliminer la prise en compte pratique.

• Systèmes « serviteurs » ou « auxiliaires » classiques Ces systèmes sont très nombreux et on peut distinguer : – Les systèmes de la partie dite « classique », très semblables à ceux des autres grandes installations industrielles, notamment centrales à flamme, – Les systèmes appartenant à l’îlot nucléaire, mais n’ayant fonctionnellement aucun caractère « nucléaire ». Comme déjà souligné plus haut, ils ne diffèrent souvent de leurs homologues des installations industrielles que par un niveau d’exigences plus élevé (redondances, codes de conception, assurance de la qualité, etc.). Pour le reste, leur technologie est le plus souvent très comparable à celle des installations industrielles, ce qui présente deux avantages notables : – Une fiabilisation résultant d’un retour d’expérience d’exploitation très large, provenant d’industries diverses, – Des coûts compétitifs, car résultant de processus industriels amortis sur de plus longues séries. Parmi les systèmes appartenant à l’îlot nucléaire, mais n’ayant par eux-mêmes aucun caractère « nucléaire » on peut citer (non exhaustif) : – Les systèmes internes de production et distribution d’électricité Il s’agit notamment des : - Groupes diesels de secours redondants, de forte puissance sur une centrale REP (de l’ordre de la dizaine de MW sur l’EPR), - Distributions de puissance en moyenne (MT) et basse (BT) tension, y compris les transformateurs MT/BT,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- Sources continues redondantes (différents niveaux de tension) constituées d’ensembles redresseurs-batteries, - Sources alternatives redondantes sans coupure constituées d’ensembles redresseurs-batteries-onduleurs, Ces ensembles sont fonctionnellement très similaires à leurs homologues industriels, à ceci près que leur conception doit prendre en compte : > Les exigences liées au classement sûreté (redondances, séparations, etc.) et sismique (calculs, qualifications), > L’application du RCC-M pour les parties mécaniques (diesels de secours notamment) et du RCC-E pour les parties électriques, > Des exigences de qualité particulières. – Les systèmes de production et distribution des fluides On trouve dans cette catégorie : – La production, le stockage et la distribution d’eau déminéralisée de différents pH, – La production, le stockage et la distribution d’air comprimé de régulation ou de travail, – La production, le stockage et la distribution des gaz industriels (hydrogène, azote d’inertage, etc.). Ces systèmes sont également tout à fait similaires fonctionnellement à ceux des installations industrielles classiques, d’autant plus qu’ils ne sont généralement pas classés sûreté. – Les systèmes de détection des incendies et de lutte contre les incendies Ici encore, les systèmes de détection incendie aussi bien que de lutte contre l’incendie sont très similaires à leurs équivalents industriels, sauf pour ce qui concerne l’application de certaines règles du RCC-E. – Les sources froides secourues et non secourues Comme pour toute installation industrielle, ces systèmes comportent des fonctions classiques de dégrillage, filtration (avec nettoyage automatique) et pompage. Pour ce qui concerne la source froide secourue, les différences de conception sont plus sensibles et concernent notamment : - La redondance des fonctions, - Le classement sismique des structures et matériels, - La réalisation d’analyses complémentaires de sûreté relatives à certains risques particuliers : encrassement des filtres, inondation de la station de pompage, désamorçage des pompes, etc.), - Enfin l’application du RCC-M aux parties mécaniques et du RCC-E aux parties électriques.

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3. L'ingénierie de conception ou d’études

¾ Outils des études de systèmes Au-delà des très nombreux codes de calcul à caractère scientifique évoqués ci-dessus au fil du texte, qui dépendent des processus étudiés, les études de systèmes ont besoin d’outils d’ingénierie propres, en particulier de CAO 2 D (conception assistée par ordinateur à deux dimensions) pour élaborer et gérer les schémas fonctionnels, qui sont de deux types principaux : – Les schémas mécaniques ou schémas fluides (selon dénominations usitées), qui donnent une représentation fonctionnelle globale d’un système élémentaire de nature majoritairement « mécanique », – Les schémas unifilaires qui donnent une représentation fonctionnelle globale des systèmes élémentaires de nature « électrique » (ou de la partie « électrique » des systèmes « mécaniques »). Ces schémas fonctionnels ont une importance clé dans l’ingénierie des systèmes car ils : – En représentent le fonctionnement d’ensemble, – Font figurer tous les matériels munis d’une identification fonctionnelle. Par exemple, dans le cas d’un schéma fluide, les pompes, échangeurs, réservoirs, la robinetterie, les capteurs, etc. appartenant au système élémentaire, – Donnent des indications sur les composants passifs d’interconnexion. Par exemple, toujours dans le cas d’un schéma fluide, dimensions et pression de calcul des tuyauteries d’interconnexion, etc. Tous ces éléments sont gérés par la CAO 2 D, ce qui permet en particulier d’extraire automatiquement des informations telles que les nomenclatures des matériels. Enfin, les outils de CAO les plus sophistiqués permettent de coupler la CAO 3 D et la CAO 2 D, ce qui constitue une aide précieuse pour s’assurer que tout matériel identifié fonctionnellement dans un système élémentaire est bien pris en compte dans l’installation, et vice versa.

¾ Produits des études de systèmes Les études de systèmes sont concrétisées par trois grands types de documents, établis pour chaque système élémentaire : – Le dossier de système élémentaire (ou DSE, dénomination usuelle retenue par exemple par EDF, mais d’utilisation assez générale par la plupart des ingénieries nucléaires), – Les procédures d’essai et de mise en service du système, – Les procédures d’exploitation du système.

• Dossier de système élémentaire (DSE) C’est le produit clé des études de systèmes, qui réunit toutes les informations fonctionnelles du système, ainsi qu’un certain nombre d’autres informations (non fonctionnelles). 91

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

On y trouve typiquement, outre les schémas fluides ou unifilaires déjà évoqués (selon la nature du système) des informations telles que (non exhaustif) : – La ou les fonction(s) du système et sa description détaillée, – Ses bases de dimensionnement, ses principes de fonctionnement, les paramètres physiques importants, etc. – Son rôle pour la sûreté, incluant : - Les classements qui en résultent (niveaux de classement sûreté, séisme, etc.), - Les paramètres du système importants pour la sûreté de l’installation. – Ses interfaces avec les autres systèmes, – Ses principes et schémas de contrôle commande, – Son comportement en fonctionnement normal et perturbé, – Les références des études justificatives (de dimensionnement, de sûreté, etc.), – La nomenclature des matériels qui le constituent. Outre les données fonctionnelles, ces nomenclatures rassemblent également les exigences concernant les matériels du système : codes (RCC ou autres) applicables, matériaux requis, pressions et températures de calcul, etc.

• Procédures d’essai et de mise en service du système Chaque système donne lieu à l’écriture de procédures d’essai / mise en service, conçues de manière à assurer en permanence la sûreté, la sécurité des personnes et l’intégrité des matériels, grâce à une progression graduelle et maîtrisée des phases successives d’essai, comportant notamment des procédures (non exhaustif) : – D’essais « à blanc » (réalisés sans aucun « fluide »), – De vérification des régulations et protections du contrôle commande, – De première mise en fluide, de première mise sous tension électrique de puissance, et de premières rotations des machines tournantes, – De vérifications des paramètres en fonctionnement permanent, – De couplage avec les systèmes en interface, serviteurs ou servis, – De fonctionnement en régime transitoire et/ou perturbé (pertes de sources, en particulier, cf. paragraphe relatif aux études multifonctionnelles, ci-après). • Procédures de conduite du système Chaque système donne également lieu à l’écriture de procédures de conduite couvrant tous les régimes possibles d’exploitation (normale, incidentelle et accidentelle), étant entendu que ces procédures seront ensuite intégrées dans l’ensemble des procédures générales multifonctionnelles (cf. paragraphe relatif aux études multifonctionnelles, ciaprès). De plus, l’informatisation du contrôle commande conduit à l’informatisation des : 92

3. L'ingénierie de conception ou d’études

– Procédures elles-mêmes, au moins pour certaines d’ente elles, – Images de conduite associées (schémas fluides animés affichant en temps réel les valeurs des paramètres physiques), – Fiches d’alarme afférentes identifiant les anomalies de fonctionnement.

Spécifications techniques (de travaux, de fournitures et de services) L’appellation « spécifications techniques » recouvre ici l’ensemble des pièces à caractère technique d’un marché ou d’un contrat de travaux, de fournitures ou de services, les pièces à caractère contractuel et commercial relevant quant à elles de l’ingénierie d’achat, traitée au chapitre 4. On peut donc parler de « dossier de spécifications techniques », comprenant typiquement : – Une ou plusieurs spécification(s) technique(s) propres à un marché ou un contrat particulier, – Des spécifications techniques transverses, que l’on retrouve dans la plupart des marchés ou contrats, – Des spécifications techniques annexes définissant notamment la liste et le contenu des documents attendus du fournisseur. Ces différents documents constituent les produits de cette phase d’études.

¾ Définition standard d’une spécification technique (rappel) On trouve dans la littérature contractuelle la définition très générale suivante, concernant le terme « spécification technique » : « Document définissant les caractéristiques requises d'un produit ou d'un service telles que les niveaux de qualité ou de performance, les propriétés d'emploi, la sécurité, les dimensions. Elle peut comprendre les prescriptions concernant la terminologie, les symboles, l'essai et les méthodes d'essai, l'emballage, le marquage et l'étiquetage. Les exigences peuvent être formulées : – Soit par référence à des normes ou à d’autres documents équivalents, notamment des agréments techniques ou d’autres référentiels techniques élaborés par les organismes de normalisation, – Soit en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles, qui doivent être précises et peuvent inclure des caractéristiques environnementales ».

¾ Particularités des spécifications techniques des installations nucléaires Concernant les spécifications techniques du domaine nucléaire, la spécificité vient évidemment du classement sûreté des structures et matériels, qui implique la prise en compte d’exigences complémentaires particulières, notamment (non exhaustif) :

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Les RFS, l’arrêté ESPN pour les appareils nucléaires sous pression, etc. – Les codes de conception et de construction, en particulier pour les centrales REP : - Le RCC-G pour les ouvrages de génie civil, - Le RCC-M pour les matériels mécaniques, - Le RCC-E pour les matériels électriques, - Le RCC-C pour les éléments combustibles. Ces RCC appellent à leur tour un grand nombre de normes (françaises, européennes et internationales), et contiennent des exigences sur toute la chaîne de conception – construction – fabrication, notamment des exigences concernant (non exhaustif) :

– –





- L’approvisionnement des matières premières ou matériaux de base, - Les procédés de construction ou fabrication selon le cas (par exemple, pour les composants mécaniques, la coulée ou le forgeage, les procédés d’assemblage par soudage, les usinages, etc.), - Les contrôles de fabrication (contrôles métallurgiques non destructifs, etc.), - Les essais de réception en usine (épreuve hydraulique, essais fonctionnels au banc, etc.). La prise en compte du séisme (par le calcul ou par essais de qualification), La prise en compte de conditions environnementales particulièrement sévères (qualification aux conditions accidentelles des matériels électriques, qualification incendie de matériels et éléments structuraux, etc.), Des exigences fonctionnelles qui concernent parfois directement des critères de sûreté (par exemple, temps de démarrage des groupes diesels de secours, temps de fermeture des vannes d’isolement de l’enceinte de confinement, etc.), Et bien sûr des exigences d’assurance de la qualité (par exemple ISO 9001 + Arrêté qualité) qui, pour les pièces mécaniques ayant le classement sûreté et RCC-M le plus élevé, impose une traçabilité complète « de la mine au produit fini ».

¾ Cas particulier des spécifications des éléments combustibles Ces spécifications ont pour base la RFS concernée (cf. chapitre 2) et le RCC-C (règles de conception et de construction des assemblages de combustible des centrales nucléaires). Cependant, à la différence des autres RCC, le RCC-C se limite à l’édiction de règles générales renvoyant à des spécifications techniques détaillées, dont le contenu est notamment fonction du type d'assemblage combustible. De fait, ces spécifications sont étroitement liées : - À la conception neutronique et thermo-hydraulique du cœur, - Aux interfaces géométriques et mécaniques avec les structures internes du réacteur. Seul le concepteur de ce dernier est donc en mesure de les établir.

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3. L'ingénierie de conception ou d’études

NB : Il résulte de cette contrainte que (pour les réacteurs électrogènes REP, tout au moins) la première charge de combustible doit systématiquement être fournie par le fournisseur de la chaudière nucléaire, qui assume de la sorte une responsabilité globale, éliminant notamment les risques d’interface et de performance. Ce n’est qu’ensuite (une fois l’état d’équilibre du cœur atteint, après quelques cycles de rechargement), qu’un changement éventuel de fournisseur de combustible peut s’envisager en limitant les risques.

¾ Spécifications techniques « transverses » Au-delà des spécifications techniques propres à chaque marché ou contrat, d’autres spécifications techniques ont un usage « transverse » (car elles se retrouvent dans la plupart des marchés ou contrats). Elles concernent en particulier (non exhaustif) : – Les conditions d’environnement climatique (et autres) à prendre en compte, à l’extérieur et à l’intérieur des locaux, – La codification, la terminologie, le symbolisme, etc. à utiliser pour les bâtiments, les systèmes, les matériels identifiés fonctionnellement, etc. ainsi que pour les documents, – Le marquage et l’étiquetage des locaux et des matériels, – Les peintures des structures et matériels à appliquer en fonction des besoins (type de peinture, décontaminable ou non, nombre de couches et épaisseurs à poser, codes de couleurs standardisés à respecter, etc.), – Le calorifugeage des matériels et tuyauteries, chaudes et froides, – L'emballage des composants et matériels, en fonction de plusieurs facteurs : nature du matériel emballé, type de transport envisagé (terre, mer ou air), type de stockage intermédiaire sur site avant montage (en plein air, sous hangar abrité, en locaux climatisés), etc.

¾ Spécifications techniques « annexes » : liste et contenu des documents attendus du fournisseur On trouve dans cette rubrique la liste et le contenu des documents à émettre par le fournisseur qui : – Constituent des données d’entrée pour l’ingénierie générale, en particulier : - Les plans d’ensemble et les plans détaillés des matériels fournis (données d’entrée des études d’installation), - Les notices d’installation et de mise en service des matériels fournis, - Les manuels d’exploitation et d’entretien des matériels fournis (données d’entrée des études de systèmes et les procédures générales d’entretien de l’installation), - La liste des pièces de rechange distinguant classiquement les pièces d’usure, les pièces à long délai d’approvisionnement, etc. ainsi que des produits nécessaires au fonctionnement, etc.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Permettent au donneur d’ordres d’exercer un contrôle qualité sur l’activité du fournisseur, notamment : - Un planning détaillé des activités internes du fournisseur, incluant les études, les approvisionnements, les fabrications des matériels, les réceptions en usine, les mises à disposition, etc. - La programmation des points d’arrêt et autres événements clés de ces différentes étapes.

Études transverses multifonctionnelles Entrent dans cette catégorie toutes les études relatives au fonctionnement général normal, incidentel et accidentel de l’installation, ce qui constitue un champ extrêmement vaste et complexe. Nous prendrons ici encore l’exemple d’une centrale REP pour illustrer le propos.

¾ Études de fonctionnement normal Ces études recouvrent tout le domaine du fonctionnement normal :

• Permanent Sont notamment étudiés dans ce cadre (non exhaustif) : – Les paramètres nominaux de fonctionnement, – Les rendements de l’installation à différents niveaux de puissance. Ces études débouchent également sur l’écriture des procédures : – D’essai d’ensemble en régime permanent, qui seront mises en œuvre lors des essais de mise en service de l’installation (cf. chapitre 5), – De conduite normale, couvrant ce type de fonctionnement. • Transitoire Sont notamment étudiés dans ce cadre (non exhaustif) : – La capacité de l‘installation à supporter les conditions dégradées spécifiées de fréquence et/ou de tension du réseau, – Les grands transitoires auxquels l’installation peut être amenée à faire face, en particulier : - Les rampes spécifiées de montée ou descente lente et rapide en puissance, - S’il est spécifié, l’îlotage, c’est-à-dire la capacité de l’installation à continuer à fonctionner de manière stable après déconnection du réseau principal, en autoalimentant de manière autonome ses auxiliaires, - Le déclenchement de la turbine sans arrêt automatique du réacteur. 96

3. L'ingénierie de conception ou d’études

Ces études débouchent également sur l’écriture des procédures : – D’essais, dits de grands transitoires, qui seront réalisés à la fin de la montée en puissance de l’installation (cf. chapitre 5). – De conduite normale, couvrant ce type de situations transitoires.

¾ Études de fonctionnement incidentel Ces études recouvrent : – Les situations incidentelles du domaine de dimensionnement, – Mais également des situations incidentelles hors dimensionnement.

• Situations incidentelles du domaine de dimensionnement Ce domaine recouvre notamment les pertes de sources : – Pertes de sources d’alimentation électrique (non exhaustif) : - Perte simultanée des liaisons (principale et auxiliaire) avec le réseau, qui entraîne le démarrage automatique des groupes diesels de secours, - Pertes successives (mais non simultanées) des différentes voies redondantes d’alimentation de tout ou partie des systèmes de contrôle commande et des actionneurs associés (différentes sources d’alimentation, avec différents niveaux de tension), – Autres pertes de sources (non exhaustif) : - Perte de l’air comprimé de régulation, le cas échéant, - Perte d’une voie redondante de la source froide. Ces études, extrêmement complexes pour ce qui concerne les pertes des sources d’alimentation électrique et de contrôle-commande, ont pour but de s’assurer que ces incidents n’ont pas de conséquences sur la sûreté de l’installation, et ne peuvent en aucun cas dégénérer en initiateurs d’accidents. Mais aussi de vérifier qu’il n’y a pas d’impact négatif sur la disponibilité (absence de bris de matériels, en particulier). La prise en compte de ces situations dégradées résultant de pertes de sources diverses, donne alors lieu à l’écriture de procédures : – D’essai, dites de pertes de sources, qui seront mises en œuvre lors de la mise en service de l’installation (cf. chapitre 5). – De conduite incidentelle, couvrant ce type d’incidents.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

• Prise en compte des incidents hors dimensionnement La nécessité de cette prise en compte est l’une des conséquences directes des études probabilistes de sûreté qui ont mis en évidence les risques de perte totale de certains systèmes de sûreté redondants, notamment par défaillance de cause commune. Ce qui a conduit, sur les centrales REP du programme français, à la mise en œuvre de modifications matérielles et à l’écriture de procédures complémentaires de conduite dites « H » (pour « Hors dimensionnement »). Ces modifications matérielles et procédures complémentaires ont bien sûr été prises en compte dès l’origine lors de la conception de l’EPR.

¾ Études de fonctionnement accidentel Ces études ont une très grande importance et sont au cœur de la démarche de sûreté / radioprotection, introduite dans le chapitre 2. Tous les types d’accidents sont pris en compte, à savoir, dans un ordre croissant de gravité, les : – Accidents de dimensionnement, – Accidents hors dimensionnement et accidents graves. Comme déjà indiqué (cf. chapitre 2), la démarche de sûreté / radioprotection repose, dans le cas des réacteurs nucléaires, sur la maîtrise à tout instant des trois fonctions essentielles que sont : – Le contrôle de la réaction en chaîne, – Le refroidissement du combustible, – Le confinement des produits radioactifs. C’est dire que l’essentiel des études d’accident tourne autour du cœur du réacteur, des systèmes de protection et d’évacuation d’énergie associés et des barrières de confinement.

• Prise en compte déterministe des accidents de dimensionnement Ces études ont de multiples buts : – Définir et quantifier les agressions externes et internes et les défaillances matérielles et humaines pour lesquelles l’installation doit être dimensionnée, au travers d’une démarche déterministe enveloppe (définition et prise en compte des accidents dits de dimensionnement avec des marges enveloppe importantes), – Concevoir les mesures préventives, correctives et de protection pour éviter les accidents, réduire leur probabilité d’occurrence et enfin mitiger leurs conséquences s’ils n’ont pu être évités, – Identifier et quantifier les paramètres physiques qui devront être vérifiés au cours des essais de mise en service pour valider la conception sous l’aspect sûreté, – Élaborer les règles générales d’exploitation (RGE) qui fixent notamment les limites de sûreté à ne pas dépasser lors de l’exploitation (limites de paramètres physiques 98

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à ne pas dépasser, durée maximale admissible d’indisponibilité de systèmes redondants avant arrêt obligatoire, fréquence des essais périodiques, etc.), – Élaborer les procédures de conduite accidentelle permettant à l’exploitant de faire face à ces situations si elles se produisent, – Élaborer le rapport de sûreté, dont les études d’accident constituent une base essentielle en termes de démonstrations et justifications apportées (cf. plus loin).

• Études probabilistes de sûreté Elles viennent compléter et enrichir l’approche déterministe grâce à une démarche totalement différente qui : – Est fondée sur l’identification et l’investigation systématique des scénarios accidentels possibles (liste la plus réaliste possible) intégrant tous les types de défaillances envisageables (techniques, organisationnels et comportementaux, y compris donc les erreurs humaines). – Évalue la probabilité d’occurrence de ces séquences accidentelles, en tenant compte également des probabilités de réussite des systèmes et actions humaines de conduite mis en œuvre pour restaurer les fonctions de sûreté, – Conduit ainsi in fine à une vision quantifiée et réaliste de la sûreté globale d’une installation, permettant en outre d’identifier les séquences présentant les risques les plus élevés, sur lesquelles l’attention doit donc être portée en priorité. • Prise en compte des accidents graves La conception initiale des réacteurs de « Génération II » (cf. chapitre 1) ne prenait pas en compte les accidents graves. Cependant, dès le début des années 1980, des mesures complémentaires destinées à éviter ou au moins limiter les relâchements de produits radioactifs à l'extérieur de l'enceinte de confinement en cas d’accident grave (avec fusion plus ou moins importante du cœur) ont été mises en place. Ces mesures se sont concrétisées à la fois par des modifications matérielles et logicielles, et par l’écriture de procédures complémentaires de conduite dites « U » (pour « Ultimes »). Elles sont intégrées dans la conception de base de l’EPR, qui prend en compte les accidents graves avec fusion du cœur et leurs parades dans son dimensionnement d’origine.

¾ Le « retour d’expérience » (REX) moteur de progrès de la sûreté La prise en compte au niveau de la conception des incidents et accidents de tous types évoquée ci-dessus s’enrichit en permanence du « retour d’expérience », interne et externe (au niveau international dans ce dernier cas). Le concept de « retour d’expérience » n’est pas nouveau. Il est classiquement défini comme « l’ensemble des démarches permettant de tirer méthodiquement les leçons des dysfonctionnements, afin d’en déduire des actions dont la mise en œuvre permet d’améliorer le niveau de sûreté globale des installations industrielles ».

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Il s’alimente en fait à deux sources principales, d’inégale importance : – Les incidents mineurs, relativement fréquents, survenant en exploitation courante, – Les accidents majeurs survenus dans le monde, heureusement rares, mais qui peuvent donner lieu à une remise à plat voire une remise en question de certaines bases de la sûreté et suscitent un « retour d’expérience » de grande ampleur. On citera à ce propos, pour les trois accidents majeurs survenus dans le monde : - Pour l’accident de Three Miles Island (TMI) survenu en 1979, la mise en évidence du poids des erreurs humaines, ce qui a conduit à des améliorations majeures des Interfaces Homme / Machine et plus généralement de l’ergonomie des installations, notamment de la Salle de Commande, ainsi que des procédures de conduite associées, - Pour l’accident de Tchernobyl, survenu en 1986, des conséquences marginales sur nos installations (trop différentes technologiquement) mais en revanche des enseignements en termes d’organisation post-accidentelle et de gestion de crise, - Pour l’accident de Fukushima, suite à la démarche d’évaluation complémentaire de sûreté (ECS ou encore « stress tests ») réalisée en 2011, la demande de l’ASN « d’augmenter dans les meilleurs délais, au-delà des marges de sûreté dont elles disposent déjà, la robustesse des installations face à des situations extrêmes ». NB : Concrètement, il s’agit dans ce dernier cas de doter les installations de moyens leur permettant de faire face à : – Un cumul de phénomènes naturels d’ampleur exceptionnelle et surpassant les phénomènes retenus lors de la conception ou des réexamens de sûreté des installations, – Des situations d’accidents graves consécutives à la perte prolongée des sources électriques ou du refroidissement et pouvant affecter l’ensemble des installations d’un même site (Les référentiels de sûreté reconnus au niveau mondial ne retenant pas jusqu’à présent la simultanéité d’accidents sur plusieurs unités d’un même site). Quelle qu’en soit la source, le « retour d’expérience » se déroule en plusieurs phases successives, résumées dans l’encadré ci-après. Comme on le constate, c’est une démarche d’une grande complexité qui implique à la fois : – Une organisation spécifique dédiée, – La mise en œuvre de compétences multidisciplinaires : - Scientifiques, techniques et technologiques, au sens habituel de ces termes, - Mais aussi aptes à prendre en compte les aspects organisationnels et humains, notamment durant la phase d’analyse approfondie des événements (cf. ci-dessous).

Organisation d’une démarche de « retour d’expérience » On distingue classiquement les phases de : – Collecte des événements anormaux, qui peut être : - Réactive, si la collecte suit une dégradation de sûreté ayant donné lieu à un incident ou a fortiori un accident,

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- Proactive, à un niveau de sophistication supérieur, si la collecte concerne des événements précurseurs ou des signaux faibles de dégradation de la sûreté, – Stockage dans une base de données permettant une extraction et surtout une exploitation ultérieure aisée, – Analyse approfondie des événements anormaux et de leurs conséquences effectives ou potentielles en termes de sûreté, – Décisions d’améliorations éventuelles, pouvant concerner à la fois les aspects : - Purement techniques des installations (matériels, logiciels, etc.) - Non purement techniques, impliquant les organisations et les hommes.

Le « retour d’expérience » implique donc une approche multidisciplinaire qui a été généralisée et a donné lieu au concept de facteurs organisationnels et humains (FOH) encore dénommés facteurs socio-organisationnels et humains (SOH) par exemple par EDF. La démarche FOH/SOH a ainsi pour objectif d’agir conjointement sur l’ensemble des facteurs susceptibles d’avoir une incidence sur la sûreté : conception technique, organisation, aspects documentaires et procéduraux, comportements humains, individuels et collectifs. Cette discipline encore relativement jeune, qui recèle par conséquent des marges de progrès, est née dans le domaine des systèmes complexes (nucléaires ou industriels) ayant déjà atteint un très haut niveau de sûreté – réglée. Ce qui a mis en évidence le poids relatif croissant des « erreurs humaines » (au sens large). Parmi ses éléments fondateurs on peut citer (non exhaustif) : – Dans le domaine industriel (y compris aéronautique et spatial) : les analyses d’accidents majeurs, qui ont montré que la seule appréhension des aspects techniques était insuffisante pour les expliquer, leurs causes profondes se trouvant dans des dysfonctionnements de l’organisation et/ou des processus de décision, – Dans le domaine nucléaire : - L’accident de TMI et le « retour d’expérience » qu’il a induit (cf. plus haut), - L’élaboration, sous l’égide de l’AIEA, du concept de « culture de sûreté » présenté dans l’introduction. Le champ d’application de la démarche FOH/SOH est résumé dans l’encadré ciaprès :

Un vaste champ d’application pour la démarche FOH/SOH On citera des sujets tels que (non exhaustif) : – Les interfaces Homme / Machine, l’ergonomie des installations, l’analyse des situations de travail,

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– La place et les qualités nécessaires des procédures écrites, – La prise en compte des erreurs humaines, individuelles et collectives, – Les compétences individuelles et collectives et leur amélioration par la formation dans différents domaines : - Savoirs et savoir-faire qui fondent la compétence technique, mais aussi : - Sens de l’organisation, savoir-être au sein d’un groupe, - Capacité à se conformer aux règles et procédures, mais aussi : - Capacité à y déroger à bon escient pour maîtriser des situations réelles inédites, impliquant à la fois esprit critique et expertise, – Les organisations, leur fonctionnement, leur adaptation, – L’articulation entre le système qualité et la « culture de sûreté », – La prise en compte et la place du « retour d’expérience » (REX), – La « Culture de sûreté » qui est à la fois une composante nécessaire et un aboutissement majeur recherché de la démarche FOH/SOH.

La démarche FOH/SOH s’appuie donc sur des compétences multidisciplinaires à la fois techniques et humaines (ergonomie, psychologie comportementale, etc.). Parmi ses premières applications, on peut citer la conception de l’EPR, notamment celle de sa salle de commande, mais aussi certaines améliorations de sûreté réalisées sur des unités en exploitation lors des visites décennales.

¾ Intégration logicielle des procédures de conduite La version informatisée des procédures de conduite (normales, incidentelles ou accidentelles, de systèmes et/ou multifonctionnelles) et des documents associés (images de conduite, fiches d’alarme, etc.) doit évidemment faire l’objet d’une intégration logicielle extrêmement rigoureuse dans le système de contrôle commande, assortie de contrôles approfondis et redondants. L’utilisation d’un simulateur d’ingénierie permettant de mettre au point les procédures de conduite avant leur intégration logicielle (élimination des erreurs résiduelles, vérification de la cohérence entre procédures, etc.) facilite grandement ce processus d’intégration. À condition que le simulateur soit prêt suffisamment tôt, ce qui n’est pas toujours acquis sur une installation nouvelle…

¾ Études relatives au simulateur de conduite Rappelons que l’on distingue deux types principaux de simulateurs en ingénierie : – Premier type : les simulateurs d’ingénierie (qui viennent d’être évoqués ci-dessus) qui permettent de simuler le cœur de processus de l’installation (sans les auxiliaires non directement en interface fonctionnel).

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Ces simulateurs sont donc des outils d’aide à la conception, qui permettent notamment de simuler le fonctionnement général de l’installation, les grands transitoires, les situations dégradées, etc. Par contre, l’identité « spatiale » et ergonomique n’est pas recherchée pour ce type de simulateurs, contrairement aux suivants. – Deuxième type : les simulateurs de conduite, qui servent à la formation des opérateurs (et autres personnels) et : - Simulent l’ensemble des fonctions directement mises en œuvre dans la conduite de l’installation, - Reproduisent fidèlement l’environnement géographique et ergonomique de la salle de commande de l’installation concernée, afin de mettre les opérateurs dans la situation la plus réaliste possible. Ces simulateurs de conduite ont tellement bien fait leurs preuves en tant qu’outils de formation des opérateurs qu’il est actuellement inenvisageable de s’en passer. Car ils permettent notamment d’entrainer les opérateurs aux situations incidentelles et accidentelles, ce qui n’est bien sûr pas envisageable sur les installations réelles. Les simulateurs de conduite sont même devenus « réglementairement exigibles » dans certains pays (par exemple, la NRC américaine impose que le simulateur soit opérationnel deux ans avant le chargement en combustible nucléaire de tout nouveau réacteur). NB : il existe également des simulateurs de recherche, qui sont par exemple utilisés par l’IRSN pour simuler finement des phénomènes physiques se produisant dans des conditions accidentelles.

Autres études transverses Bien d’autres études transverses sont menées dans différents domaines. Elles présentent en général un caractère multidisciplinaire, qui permet d’avoir une vision transverse de sujets majeurs en intégrant des points de vue différents et en général complémentaires. Cette approche multidisciplinaire se prête en particulier bien aux revues de conception qui font généralement appel à des experts de différents domaines. Si l’on reste dans le domaine des centrales REP, on peut notamment classer dans cette catégorie d’études (non exhaustif) : – Les études relatives : - Au classement sûreté des systèmes et structures, - À la qualification des matériels aux conditions accidentelles et/ou incendie qui en résulte, – Les analyses transverses globales relatives aux incendies, – Les études d’ensemble de radioprotection.

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¾ Classification sûreté des systèmes et structures et qualification des matériels Ces études se déduisent directement des études de sûreté, en particulier des études d’accident évoquées plus haut. Elles aboutissent : – D’une part à une classification sûreté des systèmes et structures, qui conditionne ensuite l’application des RCC, les dimensionnements au séisme, etc. Cette classification est donc une donnée d’entrée essentielle pour les concepteurs de structures et systèmes, ainsi que pour les spécificateurs de matériels. – D’autre part, à la définition des qualifications requises pour les matériels aux conditions accidentelles et/ou aux incendies.

¾ Analyses globales relatives aux incendies On citera dans ce domaine (non exhaustif) les analyses de vulnérabilité incendie (ayant pour objectif la sûreté) et les analyses de sécurité incendie (ayant pour objectif la sécurité des personnes) qui font appel à des approches à la fois : – « Installation » (analyse de la vulnérabilité au feu des matériels redondants installés dans les différents secteurs de feu afin d’éliminer les modes communs incendie, installation de séparations physiques, etc.), – Fonctionnelles (études des conséquences fonctionnelles de la perte par incendie de systèmes ou matériels, etc.), – Physiques et matérielles (quantification des risques incendie identifiés, moyens de détection précoce des incendies, moyens de lutte contre l’incendie, identification et élimination des risques d’explosion, etc.). Ces analyses globales relatives aux incendies, très complexes, jouent un rôle majeur en termes de sûreté, le risque incendie étant particulièrement redoutable sur les installations nucléaires.

¾ Études d’ensemble de radioprotection Elles portent à la fois sur : – L’identification systématique de l’ensemble des sources d’irradiation et/ou de contamination, – Leur quantification, à la fois locale et en termes de rejets dans l’environnement, – Les mesures préventives et/ou protectrices à mettre en œuvre. Ces études à caractère transverse concernent en particulier (non exhaustif) : – Les moyens existants ou complémentaires de protection contre l’irradiation : analyse des structures existantes et des éventuels chemins de fuite, conception de protections complémentaires (écrans) contre les doses les plus importantes de neutrons et rayons gamma en provenance du cœur en fonctionnement, etc. – L’établissement des plans de zonage radiatif des locaux de l’installation, qui revêtent une importance majeure pour la radioprotection des travailleurs, etc.

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– La protection contre les sources de contamination les plus fréquentes des locaux dues aux fuites (fortuites) de fluides contaminés (liquides ou gazeux), etc. – Le confinement dynamique des locaux permettant de maîtriser les flux d’air dans les locaux potentiellement contaminables, grâce aux systèmes de ventilation (flux allant de l’extérieur vers l’intérieur puis des locaux les moins contaminables vers les plus contaminables, etc.). – Le recueil, recyclage, traitement des effluents contaminés, liquides et gazeux, ainsi que leur stockage avant rejet dans l’environnement, conformément aux limites fixées par la réglementation, etc. – La dispersion, dilution, migration, etc. des rejets de ces effluents liquides et gazeux dans l’environnement et l’évaluation de leur impact radiologique ou sanitaire, etc.

Études justificatives Il s’agit des études indispensables à l’obtention des différentes autorisations qui jalonnent la vie d’un projet nucléaire. Elles s’appuient bien sûr sur l’ensemble des études réalisées par ailleurs, tout particulièrement les études de site, les analyses de sûreté, les études d’accident, les études environnementales, notamment d’impact radiologique, etc. évoquées plus haut, et sont concrétisées dans des documents réglementairement définis en fonction des autorisations administratives requises (cf. chapitre 2). En particulier :

¾ Pour la création de l’INB Trois documents d’étude essentiels sont requis à ce stade (cf. chapitre 2) : – L’étude d’impact environnemental, – Le rapport préliminaire de sûreté, – L’étude de maîtrise des risques, dont le contenu est très largement décliné de celui du rapport préliminaire de sûreté, mais présenté sous une forme adaptée à l’information du public (pour consultations locales, enquête publique, etc.). L’élaboration de ces différents documents représente un travail extrêmement conséquent, nécessitant des moyens humains à la fois très compétents et nombreux, compte tenu de la diversité et de l’étendue des sujets abordés, du caractère approfondi des études concernées, de la nécessaire exhaustivité dans le traitement, etc. Ces documents réglementaires font bien sûr ensuite l’objet de revues approfondies, donc nécessairement longues, de la part de l’Autorité de sûreté nucléaire et de ses supports techniques, IRSN en particulier. Il en résulte que l’élaboration et l’approbation de ces documents constitue très souvent une tâche critique dans le planning global de lancement d’un projet nucléaire.

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¾ Pour la mise en service de l’INB Quatre documents d’étude essentiels sont requis pour obtenir l’autorisation de démarrage (cf. chapitre 2) : – Le rapport de sûreté remis à jour, qui prend alors souvent le nom de rapport provisoire de sûreté à ce stade. Cette mise à jour a pour but d’intégrer les données d’étude les plus récentes, d’attester de la conformité de l’installation aux exigences spécifiées du décret d’autorisation de création, etc. – Les règles générales d’exploitation (RGE, cf. ci-dessus), – Une étude portant sur la gestion des déchets et leur limitation, – Le plan d’urgence interne, qui devra être mis en œuvre en cas d’incident ou d’accident. À la fin de la période d’essais de démarrage, un document d’étude complémentaire doit également être établi : le dossier de fin de démarrage comprenant notamment (non exhaustif) : – Le rapport de synthèse des essais de démarrage, – La mise à jour des documents précédents. À cette occasion, les résultats d’essai concernant la sûreté sont intégrés dans le rapport de sûreté qui prend alors généralement la dénomination de rapport définitif de sûreté. Enfin, au-delà des documents formalisés ci-dessus, et dans le cadre de la revue de conception qu’elle réalise avec ses supports techniques, l’ASN peut être amenée à demander, au cas par cas, des études ou réétudes particulières sur tel ou tel sujet.

Point clé des études de réalisation détaillées : la maîtrise des imbrications entre études et achats Ce processus a déjà été sommairement évoqué en introduction à ce chapitre. Sa complexité résulte du fait qu’une grande installation industrielle utilise un grand nombre de matériels et composants existants (et non pas faits « sur mesure ») qu’il faut par conséquent intégrer à l’installation. NB : il existe cependant quelques exceptions notables à cette contrainte, par exemple les (nombreux) réservoirs de tous types, dont les dimensions sont en général directement définies par l’Architecte Industriel. À l’exception des équipements faits sur mesure, donc, le processus d’ingénierie global implique une imbrication des tâches d’études et des tâches d’achat, représentée sur la figure 3.1 ci-après.

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3. L'ingénierie de conception ou d’études

Études d’avant-projet détaillé (APD) Études d’Installaon générale

Études de fonconnement général

Spécificaons techniques générales

Études de réalisaon détaillées Confirmaon études d’installaon générale

Études de fonconnement et de dimensionnement détaillés des systèmes

Finalisaon des Études Fonconnelles Systèmes

Spécificaons techniques détaillées des équipements

Processus d’Achat

Réalisaon études d’installaon détaillées : * Implantaon des matériels * Études d’interconnexions Électromécaniques ° Tuyauteries ° Réseaux de venlaon ° Réseaux chemins de câbles + câblages * Finions génie civil

Données « Fournisseurs » * Fonconnelles * D’installaon Figure 3.1

Il faut en effet successivement : – Définir le fonctionnement général, puis celui des systèmes, ce qui permet de définir les performances fonctionnelles des équipements, – Établir les spécifications techniques de ces équipements, – Procéder sur ces bases à l’achat de ces équipements, selon le processus décrit au chapitre 4, – Obtenir des fournisseurs sélectionnés les données techniques nécessaires (données fournisseurs) qui sont de deux types : - Les paramètres fonctionnels des équipements, nécessaires pour finaliser les études fonctionnelles des systèmes, incluant : > La finalisation des dossiers de systèmes élémentaires, > L’élaboration des procédures d’essai,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

> L’élaboration des procédures de conduite. - Les données géométriques, de masse, etc. des équipements, nécessaires pour finaliser les études d’installation détaillées incluant : > La finalisation des études d’implantation des matériels eux-mêmes, > Les études d’interconnexions électromécaniques : tuyauteries, réseaux de ventilation, chemins de câbles et câblages. Tous ces échanges sont finalement d’une très grande complexité et subissent fréquemment des aléas techniques et/ou de délai, ce qui les rend difficiles à gérer. La maîtrise de ce processus itératif est donc au cœur de la performance délai et coût des études de réalisation. Bien entendu, ce processus est plus largement englobé dans une boucle de contrôle interne permettant à l’ingénierie d’études concernée de maîtriser la qualité de ses prestations et d’en apporter la preuve, qu’il s’agisse : – Des études internes réalisées en propre, – Des études sous-traitées (cf. également chapitre 4). De plus, tous les produits de sortie du processus d’études relatifs à la sûreté sont susceptibles d’être soumis aux contrôles externes de l’Autorité de sûreté nucléaire et/ou de ses représentants ou supports techniques. On aboutit finalement à deux boucles concentriques de contrôle, schématisées sur la figure 3.2 ci-dessous, la boucle de contrôle interne englobant également le contrôle des délais et des coûts (cf. également chapitre 7 sur ces deux derniers points) : Données d’entrée (cahier des charges + exigences)

(DÉPARTEMENT ÉTUDES) Réalisaon des études Boucle de contrôle INTERNE : * Calculs * Documents * Assurance de la qualité * (Suivi des délais) * (Suivi des coûts)

(AUTORITÉ DE SURETÉ NUCLÉAIRE) Boucle de contrôle portant sur les aspects : * Contrôle qualité * Assurance de la qualité (limité aux études relaves à la sûreté)

FIGURE 3.2 Système de contrôle interne et externe des études.

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Produits de sore : * Documents * Calculs jusficafs

3. L'ingénierie de conception ou d’études

Enfin, concernant plus particulièrement le contrôle des délais, qu’il s’agisse des études internes ou des études sous-traitées, il est classiquement fondé sur : – Les plannings, – Les mesures d’avancement physique, – Les corrélations qui peuvent être faites entre : - D’une part les avancements physiques, - D’autre part des données comme les dépenses d’heures d’ingénierie, les effectifs affectés aux tâches, etc. Ces corrélations permettent en effet de construire des indicateurs de productivité, utilisables à des fins explicatives (pour analyser le passé) ou prospectives, par exemple pour juger de la pertinence de mesures de rattrapage (Cet aspect est plus largement développé dans le chapitre 7).

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L'ingénierie d'achat

Comme pour toute grande réalisation industrielle, les achats nécessaires à la construction d’une installation nucléaire sont structurés par deux éléments majeurs : – Le schéma contractuel d’ensemble, impliquant le Maître d’Ouvrage (MOU) l’Architecte Industriel ou Maître d’Œuvre (MOE) et le (ou les) fournisseur(s), selon le cas (cf. ci-après). Ce schéma conditionne dans une très large mesure la répartition des risques (industriels, financiers, etc.) d’une telle réalisation. – Le lotissement détaillé des marchés et contrats (c’est-à-dire la façon dont les fournitures sont réparties en lots et allouées aux fournisseurs). Cette allocation des lots constitue la « colonne vertébrale » de l’organisation des approvisionnements nécessaires de tous types. Indépendamment de cette structuration générale, les achats revêtent par ailleurs des aspects : – Stratégiques, liés notamment : - Aux risques de défaillance des fournisseurs à court ou moyen terme, et à leur pérennité à plus long terme (concernant l’approvisionnement des pièces de rechange) ce qui peut notamment poser des questions de droit d’usage et de propriété intellectuelle,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- Au poids financier très important des achats dans le coût total d’une installation nucléaire, - À la recherche de la réduction des coûts d’investissement (ainsi que de maintenance ultérieure) au travers de la standardisation et de possibles effets de série, en cas de réalisations multiples, - À la planification des achats, élément clé de la planification générale d’un projet. – Procéduraux, plus ou moins contraignants selon le statut juridique de l’entité Donneuse d’ordres, résultant pour une large part des directives et règlements européens traduits en droit national et comprenant notamment des obligations : - De publicité préalable, des procédures de présélection et d’agrément (ou encore qualification) des fournisseurs, etc. - De traitement équitable des compétiteurs, se traduisant dans des procédures contraignantes de mise en concurrence, de négociation, etc. – Qualité, concernant notamment des tâches comme la surveillance des études et des fabrications en usine, etc. – Logistiques, les achats de matériaux et matériels générant par définition des activités de transport avec leur logistique associée, notamment lors du passage de frontières, etc. Ce dernier sujet n’est cependant pas traité dans ce chapitre, mais dans le chapitre 6 dans un cadre plus général (celui des projets internationaux). Tous les autres sujets cités ci-dessus sont approfondis dans la suite de ce chapitre.

Schéma contractuel d’ensemble, lotissement des marchés et contrats ¾ Généralités • Champ d’application Le schéma contractuel d’ensemble et le lotissement détaillé des marchés et contrats doivent bien entendu prendre en compte de manière exhaustive l’ensemble des achats nécessaires, qui sont de natures très diverses et incluent des : – Matériaux en vrac ou assimilé (par exemple ciment, armatures acier pour béton armé, tubes de faible diamètre non préfabriqués, câbles électriques, etc.), – Matériels passifs fabriqués sur mesure (par exemple réservoirs construits sur site, tuyauteries préfabriquées, etc.), – Équipements et/ou sous-ensembles (ou « packages » en anglais) actifs, remplissant des fonctions spécifiques et dotés de manuels d’exploitation et d’entretien, de garanties de fonctionnement, etc. (par exemple : groupes diesels de secours et leurs auxiliaires, gros engins de manutention, etc.), – Services variés de natures très diverses (études, expertises, inspections, audits, gardiennage et sécurité, propreté, etc.) 112

4. L'ingénierie d'achat

On peut également définir des sous-catégories concernant les achats portant sur des éléments : – Classés sûreté, – Non classés sûreté.

• Parties prenantes d’un schéma contractuel d’ensemble Trois parties prenantes sont systématiquement impliquées dans tout schéma contractuel d’ensemble de réalisation d’une grande installation industrielle (même si certaines d’entre elles peuvent être confondues, comme nous le verrons) : – Le Maître d’Ouvrage (MOU) de l’installation (ou Propriétaire, ou encore « Owner » en anglais), qui commande l’installation, la finance et assume toutes les responsabilités qu’elle implique devant ses autorités nationales de tutelle, – L’Architecte Industriel de l’installation (ou Maître d’Œuvre - MOE - ou encore « Architect Engineer » en anglais), qui prend en charge l’ingénierie générale de l’installation, quel que soit son statut par ailleurs (cf. plus loin), – Le (ou les) fournisseur(s) selon le cas, terme générique englobant le (ou les) contractant(s), sous-contractants ou sous-traitants de divers rangs : ensemblier (fournisseur de l’installation complète « clés en mains »), sous-ensembliers (fournisseurs de sous-ensembles fonctionnels), fournisseurs de composants actifs ou passifs, entreprises de travaux, bureaux d’études, fournisseurs de services divers, etc. Au-delà de ces trois parties prenantes, on peut également trouver dans certains schémas contractuels un Assistant à Maître d’Ouvrage (AMOU) (ou encore « Owner’s Engineer » en anglais) dont le rôle est d’apporter à un Maître d’Ouvrage les compétences dont ce dernier ne dispose pas pour mener à bien un grand projet (compétences techniques, en management de projet, réglementaires, contractuelles, financières, etc.). Les relations contractuelles entre ces différentes entités dépendent du schéma contractuel d’ensemble retenu. Cependant, les relations avec les fournisseurs sont en général à « double entrée » : – L’Architecte Industriel en assure tous les aspects opérationnels (qui font l’objet de ce chapitre), – Le Maître d’Ouvrage s’implique généralement dans toutes les décisions stratégiques et financières (en particulier : choix des fournisseurs à consulter, participation aux phases finales des négociations, choix des fournisseurs attributaires des contrats, etc.), tout au moins pour ce qui concerne les fournisseurs les plus importants.

• Choix du schéma contractuel d’ensemble Ce choix appartient toujours au Maître d’Ouvrage de l’installation. Il revêt un caractère souvent stratégique et dépend par ailleurs de facteurs tels que : – Les compétences propres du Maître d’Ouvrage (qui dépendent elles-mêmes très largement de sa taille et de son expérience préalable dans le domaine), 113

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Les « capacités » du tissu industriel constitué par les Architectes Industriels, fournisseurs et entrepreneurs, aptes à répondre aux besoins exprimés, en tenant compte de leurs compétences et références, de l’état de la concurrence, et étant entendu que, s’agissant d’installations nucléaires, cette expérience doit le plus souvent être appréciée au niveau mondial, – D’éventuelles contraintes de politique industrielle, telles que : - La recherche de la standardisation et d’effets de série, par la duplication la plus fidèle possible d’installations existantes (cf. également plus loin), - Les obligations de localisation d’une partie des fournitures, fréquemment imposées pour les projets internationaux.

¾ Schémas contractuels d’ensemble possibles et lotissement des marchés et contrats associés Nous examinerons dans ce qui suit quatre schémas usuels, couvrant peu ou prou la plupart des cas possibles, à des adaptations mineures près, en distinguant : – Deux schémas totalement opposés, représentant les cas extrêmes possibles que sont : - Le schéma « fournisseur clés en mains » (ou « Turn Key Contract » en anglais, auquel se rattachent les « Engineering, Procurement, Construction Contracts » ou « EPC Contracts », quasi-identiques au précédent à des nuances contractuelles près), - Le schéma « Architecte Industriel intégré au Maître d’Ouvrage », aussi qualifié parfois « d’approche par composants », ce qui ne reflète que très imparfaitement la réalité, comme il apparaitra plus loin. – Deux schémas que l’on peut qualifier d’intermédiaires (entre les deux précédents) qui sont : - Le schéma « avec Maître d’Œuvre » (MOE), voisin du précédent à beaucoup d’égards, la grande différence étant que le MOE est ici extérieur au MOU, - Le schéma « approche par îlots » : îlot nucléaire (IN), îlot classique (IC) et systèmes de site (ou encore « Balance Of Plant » - ou BOP - en anglais) que l’on peut considérer dans une certaine mesure comme un intermédiaire entre le schéma « fournisseur clés en mains » et le schéma « avec Maître d’Œuvre ».

• Schéma « fournisseur clés en mains » C’est le schéma le plus « classique » et le plus souvent choisi par des Maîtres d’Ouvrages dépourvus de compétences particulières. De ce fait, ces derniers : – S’adressent à un « fournisseur clés en mains », qui assume la totalité des tâches nécessaires jusqu’à la fourniture d’une installation prête à assurer sa fonction industrielle et commerciale, incluant par conséquent la fourniture de la première charge de combustible nucléaire, au moins,

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4. L'ingénierie d'achat

– Se font aider dans leur tâche de Maître d’Ouvrage par un Assistant à Maître d’Ouvrage, pour notamment suivre, contrôler et surveiller la prestation du « fournisseur clés en mains » sous les aspects qualité, coût, délais (QCD), contractuels, etc. Le schéma contractuel d’ensemble correspondant est résumé sur la figure 4.1 ci-après : Maître d’Ouvrage (MOU)

Contrat d’AMOU

Contrat « clés en mains » (rang 1)

Assistant à Maître d’Ouvrage (AMOU)

Suivi et contrôle

Fournisseur clés en mains (Fournisseur/Ensemblier de rang 1)

Marchés et contrats d’achat (rang 2)

Sous-contractants (Fournisseurs de rang 2)

FIGURE 4.1 Schéma contractuel clés en mains avec AMOU.

Cependant (à l’exception de certains fournisseurs japonais appartenant à de vastes conglomérats industriels), le « fournisseur clés en mains » n’a en général pas toutes les compétences et/ou capacités nécessaires en études, fabrications ou montages pour couvrir seul l’ensemble de ses obligations contractuelles. Il doit donc : – D’une part s’associer à des partenaires (de rang 1), généralement au travers de consortiums créés pour la circonstance. C’est le cas en France pour AREVA NP, fournisseur d’îlots nucléaires (et du combustible nucléaire associé), qui peut être amené à s’associer à un grand génie-civiliste (BOUYGUES, VINCI, etc.) et à ALSTOM, fournisseur d’îlots classiques et éventuellement du BOP, s’il veut pouvoir présenter une offre « clés en mains ». Ce type de consortium soulève généralement la question, majeure pour le Maître d’Ouvrage, de l’effectivité du caractère conjoint et solidaire des engagements respectifs des partenaires consortiaux. – D’autre part sous-traiter une partie de ses prestations à des sous-contractants (fournisseurs de rang 2). Ce qui implique la définition d’un lotissement adapté des contrats correspondants. Pour conclure sur ce schéma, son intérêt essentiel est d’être bien adapté à certains contrats à l’export, tout particulièrement vers des pays nouveaux entrants dans le nucléaire, donc sans aucune expérience préalable dans ce domaine.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Ses implications majeures sous divers aspects (notamment : répartition des risques, aspects financiers, contractuels, juridiques et politiques) dans un contexte international font l’objet de développements complémentaires dans le chapitre 6.

• Schéma « Architecte Industriel intégré au Maître d’Ouvrage » À l’opposé du schéma « clés en mains », bien adapté à un Maître d’Ouvrage n’ayant pas de compétences particulières, le présent schéma requiert au contraire une très grande compétence en ingénierie d’ensemble, qui n’est : – Accessible qu’à des Maîtres d’Ouvrages de très grande taille et de surface financière importante, capables d’investir durablement dans ce type de compétences et d’assumer directement les risques industriels et financiers, – Rentable que dans le cadre d’un programme de construction continu et conséquent, permettant de faire travailler ses équipes de manière optimale, soit pour construire de nouvelles installations, soit pour réaliser l’ingénierie des installations en exploitation. Ce qui renforce la nécessité d’une taille critique suffisante. De fait, très peu d’électriciens dans le monde ont fait ce choix. Hormis EDF, qui en est l’exemple majeur, il n’y a guère que les groupes GDF-SUEZ (au travers de ses filiales belges ELECTRABEL et TRACTEBEL) et ENEL en Italie, qui ont opté pour ce type de choix stratégique. Pourquoi ? Ce schéma présente en fait deux avantages comparatifs majeurs : – D’abord, grâce à l’intégration avec un exploitant interne, il permet d’optimiser la conception en fonction des besoins réels de ce dernier, – Ensuite, il permet d’optimiser le lotissement des marchés et contrats pour les fournisseurs de rang 1 (cf. figure 4.2 ci-après), tout comme d’ailleurs dans le schéma « Avec Maître d’Œuvre » (cf. figure 4.3 plus loin). Maître d’Ouvrage (MOU) Architecte Industriel intégré

Marchés et contrats d’achat (rang 1)

Chaudière nucléaire + Combusble (1ères charges)

Groupe turboalternateur

Marché de génie civil principal

Autres marchés et contrats

Marchés et contrats d’achat (rang 2)

Sous-contractants (fournisseurs de rang 2)

FIGURE 4.2 Schéma contractuel avec Architecte Industriel intégré au Maître d’Ouvrage.

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4. L'ingénierie d'achat

En fait, trois grandes catégories d’achats peuvent être distinguées dans un lotissement de ce type : – Les achats de sous-ensembles fonctionnels complets (« packages » en anglais), dont les plus importants (la chaudière nucléaire et le groupe turbo-alternateur) jouent un rôle évidemment majeur, – Les marchés de travaux, qui incluent en général les fournitures associées de matériaux et matériels « en vrac » (« bulk » en anglais), – Les achats de composants fonctionnels entrant dans les systèmes. Ce dernier type d’achats est très différent des deux premiers dans la mesure où il est le seul à concerner réellement des composants au sens propre du terme.

¾ Achats de sous-ensembles fonctionnels complets On citera dans cette catégorie (non exhaustif) : – La chaudière nucléaire complète, incluant tous ses systèmes associés, les systèmes de protection réacteur, le contrôle commande de sécurité, etc. Il faut y ajouter la première charge de combustible nucléaire (a minima, sachant que les quelques charges suivantes, jusqu’à l’atteinte de l’équilibre du cœur, sont souvent également incluses), – Le groupe turbo-alternateur et ses systèmes associés (graissage, sécurités, contrôle commande embarqué, etc.), – Les groupes diesels de secours avec tous leurs systèmes associés (systèmes de refroidissement, de régulation de vitesse / puissance, etc.), – Les systèmes de ventilation - conditionnement d’air incluant les matériels actifs (ventilateurs, groupe de froid, etc.) et les réseaux passifs (gaines, filtres, batteries froides ou chaudes, etc.), – Les systèmes de traitement des effluents radioactifs (filtres, pièges à iode, évaporateurs-dégazeurs, etc.). L’approche « achats » concernant ces sous-ensembles fonctionnels consiste à confier à des fournisseurs parfaitement compétents dans leur domaine une prestation globale incluant : études, approvisionnements, fabrications, achats complémentaires, montages et mise en service. En d’autres termes, ces sous-ensembles fonctionnels sont achetés « clés en mains », la responsabilité contractuelle des fournisseurs concernés étant très similaire dans son principe à celle du « fournisseur clés en mains » d’une installation globale. Elle comporte en particulier des engagements de délais, de performances techniques, des garanties matérielles, des pénalités, etc. À ceci près bien évidemment que ces engagements sont limités aux périmètres respectifs de chacun des fournisseurs, à charge pour le Maître d’Ouvrage d’assumer le risque global de construction de l’installation.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Marchés de travaux et fournitures associées

Ces marchés concernent typiquement (non exhaustif) : – Le marché de génie civil principal, qui inclut : - L’approvisionnement de tous les matériaux et composants nécessaires à la réalisation (ciment, agrégats, aciers de renfort, pièces noyées, composants du système de précontrainte, portes, peintures, etc.), - L’approvisionnement de tous les matériels et engins de construction (centrale à béton, grues, etc.), - La construction des ouvrages sur site. Le marché de génie civil principal revêt toujours une importance majeure pour une installation nucléaire, compte tenu de ses difficultés potentielles, de sa (longue) durée, et du fait qu’il conditionne, dans la mesure où il se déroule en premier, toute la suite de la réalisation. – Le marché des tuyauteries auxiliaires (hors tuyauteries fournies dans le cadre de la chaudière nucléaire ou du groupe turbo-alternateur) qui inclut en général : - Les calculs de dimensionnement des lignes et supports, - Les approvisionnements nécessaires, - La préfabrication des lignes et supports, - Les montages sur site, - Les contrôles non destructifs des soudures, les épreuves hydrauliques de réception, etc. – Les marchés d’IEG (et accessoirement IED) qui incluent généralement : - Les études et calculs de dimensionnement des chemins de câbles et de leurs supports, - Les dimensionnements des sections de câbles, - Les études (de cheminement, de déroulage et raccordement des câbles), - Les approvisionnements associés en composants (de chemins de câbles et supports, en câbles électriques, en connecteurs d’extrémité, etc.), - Les montages sur site (chemins de câbles, tirage et raccordements des câbles), - Les vérifications de conformité des liaisons. Dans tous ces cas, l’approche retenue pour ces marchés consiste, comme pour ce qui concerne les sous-ensembles fonctionnels évoqués ci-dessus, à confier à des entrepreneurs compétents une responsabilité globale incluant les études de détail, les approvisionnements, les montages sur site et les contrôles. Achats de composants entrant dans les systèmes

Ces achats portent essentiellement sur les matériels à caractère fonctionnel dont l’ingénierie d’études est directement réalisée par l’Architecte Industriel intégré au Maître d’Ouvrage.

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4. L'ingénierie d'achat

Ils sont donc très différents dans leur approche des deux premiers types d’achats évoqués ci-dessus, dans la mesure où il n’y a pas de fournisseur et/ou entrepreneur intermédiaire. Ils recouvrent typiquement des matériels électromécaniques et électriques munis de repères fonctionnels tels que (non exhaustif) : – Des motopompes ou turbopompes, des échangeurs de chaleur, des réservoirs, etc. – De la robinetterie de divers types (robinets d’arrêt, d’isolement, motorisés ou non, vannes réglantes, etc.) – Des capteurs de différents types (de pression, de débit, de niveau, de température, etc., « tout ou rien » ou de mesure, etc.) – Des tableaux électriques de diverses tensions et types, etc. – Des matériels de contrôle commande (calculateurs et écrans des salles de commande, modules décentralisés, etc.) L’intérêt économique de cette approche d’achat est double car elle permet à la fois : – D’allonger les séries de matériels commandés grâce à la mutualisation des achats nécessaires à un grand nombre de systèmes différents, ce qui permet d’obtenir de meilleurs coûts d’achat unitaires, – De standardiser les matériels approvisionnés, ce qui permet de diminuer à la fois les coûts d’étude, les coûts d’achat, puis ensuite les coûts de stockage de pièces de rechange et les coûts de maintenance.

• Schéma « avec Maître d’Œuvre » Lorsque le Maître d’Ouvrage n’a pas les compétences nécessaires, mais ne souhaite pas pour autant faire appel à un fournisseur « clés en mains » pour des raisons diverses (cf. exemple ci-après), il peut s’appuyer sur un Maître d’Œuvre (MOE) extérieur, selon un schéma de principe résumé sur la figure 4.3 ci-dessous. Maître d’Ouvrage (MOU) Contrat de MOE Maître d’Œuvre (MOE) (Architecte Industriel) Ingénierie d’ensemble

Marchés et Contrats d’achat (rang 1)

Fournisseurs de rang 1 Marchés et contrats d’achat (rang 2) Sous-contractants (Fournisseurs de rang 2)

FIGURE 4.3 Schéma contractuel avec Maître d’Œuvre.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Parmi les raisons majeures pouvant conduire à un tel schéma, on citera la difficulté du Maître d’Ouvrage à définir précisément dès le départ le cahier des charges de l’installation qu’il projette. Le recours à un Maître d’Œuvre est dans cette hypothèse une solution beaucoup plus souple, car elle permet de faire évoluer le cahier des charges en cours de réalisation (dans une certaine mesure, bien entendu) ce dont s’accommode très mal le schéma « clés en mains », beaucoup plus rigide. Ce type de schéma est donc particulièrement bien adapté à la construction d’installations innovantes, telles par exemple que des réacteurs de recherche dont les caractéristiques se situent généralement aux limites des technologies du moment et ne sont donc pas totalement figées à la signature du contrat. Concernant la répartition des risques dans ce type de schéma : – Le Maître d’Œuvre, généralement soumis à une obligation de moyens, a une responsabilité financière limitée (le plus souvent, au montant de son contrat, au maximum). Si le Maître d’Ouvrage est un organisme public, la rémunération du Maître d’Œuvre doit cependant être de type forfaitaire et son contrat doit obligatoirement comporter une clause d’engagement formel de respect du coût prévisionnel du projet. – C’est donc le Maître d’Ouvrage qui supporte dans ces conditions l’essentiel des risques, notamment : - Les risques liés à une mauvaise prestation des fournisseurs, dont il signe directement les contrats, - Les risques de retard global du projet (ceux qui ne mettent pas en cause la responsabilité du Maître d’Œuvre), - Les conséquences financières des aléas techniques de tout type (au-delà des recours éventuels à l’égard des fournisseurs concernés et/ou du Maître d’Œuvre, ces recours étant en tout état de cause contractuellement limités). C’est par exemple un schéma de ce type qui est mis en œuvre pour la construction du réacteur de recherche RJH : le Maître d’Ouvrage est le CEA (associé à des partenaires co-investisseurs français, AREVA et EDF, ainsi qu’à plusieurs pays européens) et le Maître d’Œuvre est un groupement constitué d’AREVA-TA (chef de file), d’AREVA-NP et d’EDF.

• Schéma « par îlots » Ce schéma (cf. figure 4.4 ci-après), moins rigide que le schéma fournisseur « clé en mains » offre la possibilité à un Maître d’Ouvrage de : – Choisir séparément son fournisseur d’îlot nucléaire (IN) et son fournisseur d’îlot classique (IC), – Gérer directement les contrats : - De construction (génie civil principal), 120

4. L'ingénierie d'achat

- Des montages électromécaniques (de l’IN et de l’IC) tout en bénéficiant d’une assistance technique des fournisseurs concernés pour les montages les plus délicats, - D’approvisionnement et de montage des systèmes du BOP. Ce type de schéma permet en particulier d’impliquer facilement les entreprises locales dans un projet export mais soulève cependant deux difficultés spécifiques : – Il implique une coordination technique très forte entre les différents îlots, qui se traduit en particulier par de très nombreux échanges d’interfaces « horizontales » ou « transverses », qui doivent être anticipés et gérés avec une très grande rigueur. Si le Maître d’Ouvrage ne dispose pas lui-même des compétences requises, il doit donc s’appuyer sur un Assistant à Maître d’Ouvrage (AMOU) ou Coordinateur technique capable de coordonner et contrôler l’ensemble des intervenants du projet. – La « rupture de prestations » inhérente à la séparation entre d’une part études et fournitures, d’autre part réalisation sur site (construction et montages) implique la définition d’interfaces documentaires « verticales » très précises, car devant être utilisées par des entreprises généralement locales n’ayant pas une vaste expérience. Maître d’Ouvrage (MOU)

Contrat d’AMOU

Contrat IN (rang 1) Coordinaon générale et contrôle

Contrat IC (rang 1)

AMOU

Autres contrats (rang 1)

Fournisseur IN + Montages

Fournisseur IC + Montages

Autres Fournisseurs * BOP * GC principal

Marchés et contrats d’achat (rang 2) Sous-contractants (Fournisseurs de rang 2) FIGURE 4.4 Schéma contractuel dans une approche par îlots avec coordinateur technique d’ensemble.

À titre d’exemple, ce schéma est à peu de choses près celui qui a été mis en œuvre pour la centrale chinoise de Daya Bay (première centrale du palier 900 MW exportée en Chine par la France) :

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- L’IN étant fourni par AREVA (à l’époque, FRAMATOME), - L’IC étant fourni par ALSTOM (à l’époque GEC-ALSTHOM), - EDF assurant de son côté la coordination technique d’ensemble du projet, ainsi que l’ingénierie d’études du génie civil et du BOP. Concernant la répartition des risques : – C’est bien sûr le Maître d’Ouvrage chinois qui en assumait l’essentiel, – Étant cependant entendu que les fournisseurs de l’IN et de l’IC étaient, chacun pour sa fourniture, soumis à des clauses contractuelles proches de celles de contrats « clés en mains » concernant les points essentiels.

• Avantages comparatifs des différents schémas (ils sont résumés dans le tableau cidessous). Type de schéma Clés en mains

Avantages

Inconvénients

NB

Le fournisseur « clés en mains » assume le risque global de construction

Le MOU supporte des marges pour aléas importantes

(1) (5)

* Prise en compte optimale des besoins de l’exploitant interne

AI intégré au MOU

* Mise en concurrence optimale des Le MOU assume le risque glomeilleurs fournisseurs et/ou entrepreneurs bal de construction pour (2) chaque corps de métier (5) * Économies d’achat grâce à la standardisation et à l’allongement des séries

Avec AE Par îlots

Solution plus souple que le « clés en Le MOU assume le risque glo- (3) mains » quand cahier des charges évolutif bal de construction (5) Permet de : * Choisir séparément les fournisseurs d’IN et d’IC * « Localiser » plus facilement la construction et les montages

* Le MOU partage les risques avec les fournisseurs d’îlots * Implique une coordination globale très forte par le MOU (ou un AMOU)

(4) (5)

(1) Demander à un fournisseur « clés en mains » d’assumer le risque global de construction conduit légitimement ce dernier à prendre des marges pour aléas importantes (ces marges, par nature hautement confidentielles, sont estimées par certains cabinets de consultants du domaine à 20 à 40 % du montant total du contrat, en fonction du niveau de la concurrence). Elles viennent donc augmenter le prix payé par le MOU dans tous les cas, quelle que soit la manière dont la réalisation se déroule, avec deux possibilités principales : – Si la réalisation se déroule bien, le MOU aura « payé » ces marges « pour rien » (mais il aura cependant « assuré » ses risques) et le fournisseur sera gagnant,

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4. L'ingénierie d'achat

– Si la réalisation rencontre des difficultés importantes, le fournisseur pourra être amené à « consommer » la totalité de ses marges, voire au-delà, et le MOU sera gagnant. (2) Le fait que le MOU assume directement le risque global de construction, lui permet d’éviter de payer une marge pour aléas « globale » à une tierce partie (cf. ci-dessus). Néanmoins, il va de soi que les fournisseurs de sous-ensembles et les entrepreneurs titulaires de marchés incluent également des marges pour aléas dans leurs propres prix, en contrepartie des engagements contractuels qu’ils prennent. Mais, en principe, la somme de ces marges « partielles », couvrant des risques partiels, est inférieure à la marge « globale » qu’est amené à prendre un « fournisseur clés en mains », qui prend un risque « global ». Quoi qu’il en soit, la prise directe du risque global de construction par un MOU n’a bien sûr de sens que si ce dernier a les compétences nécessaires pour maîtriser au mieux les risques concernés. Si ce n’est pas le cas, il peut : – Soit « payer » un fournisseur « clés en mains » pour assumer à sa place les risques concernés, ce qui ramène au cas précédent, – Soit faire appel à un Maître d’Œuvre (MOE, cf. (3) ci-dessous), – Soit faire appel à un assistant à maître d’ouvrage (AMOU) (cf. (4) ci-dessous). (3) La problématique des risques est la même que ci-dessus, à ceci près que la compétence nécessaire est à apprécier dans l’ensemble MOU + MOE. (4) La problématique des risques est un peu différente dans ce type de schéma, dans la mesure où les fournisseurs d’IN et d’IC sont en principe soumis à des clauses contractuelles engageantes très comparables à celles d’un contrat « clés en mains ». Ce qui leur attribue une part (chacun pour sa fourniture) de la responsabilité de construction, allégeant celle du MOU, qui n’assume plus que le risque de remontage global. Raison pour laquelle la maîtrise des interfaces entre îlots est cruciale dans ce type de schéma et doit être régie par des clauses contractuelles engageantes. (5) Ces différents schémas contractuels ont en filigrane un facteur commun : la question centrale de la maîtrise des risques. De ce point de vue, le meilleur schéma est celui qui transfère les risques aux entités (MOU, fournisseurs, MOE, etc.) les mieux à même de les maîtriser.

¾ Lotissement détaillé des marchés et contrats La question du lotissement détaillé des marchés et contrats se pose au rang 1 dans le schéma « Architecte Industriel intégré au Maître d’Ouvrage » ou dans celui « Avec Maître d’Œuvre ». Mais il se pose également au rang 2 pour un fournisseur « clés en mains » ou pour un fournisseur d’IN ou d’IC qui ne conçoit pas et/ou ne fabrique pas lui-même la totalité de ses fournitures, ce qui est le cas le plus fréquent. Quels sont les aspects structurants d’un bon lotissement ? Deux questions majeures :

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Combien de lots faut-il prévoir ? – Comment faut-il les définir ? Où, en particulier, faut-il placer la limite entre « ingénierie d’ensemble » et « ingénierie sous-traitée » ? Les réponses à ces questions, en partie liées, dépendent essentiellement des capacités du tissu industriel existant, constitué des fournisseurs et sous-traitants de toute nature (bureaux d’études, fournisseurs de matériels, entrepreneurs, etc.).

• Y a-t- il un nombre optimal de lots ? Augmenter le nombre de lots, c’est-à-dire segmenter davantage les fournitures, permet en théorie d’aller rechercher au cas par cas le fournisseur le mieux disant (meilleur rapport qualité/prix). À ceci près que cette démarche accroît également les coûts internes de gestion constitués par : – Les coûts de transaction (qui augmentent avec le nombre de procédures d’achat à traiter), – Les coûts de définition et gestion des interfaces entre lots (qui augmentent grosso modo comme le carré du nombre de lots). Si bien qu’accroître le nombre de lots permet certes dans une première phase de réduire les coûts par une meilleure mise en concurrence, mais qu’au-delà d’un certain nombre de lots, l’augmentation des coûts internes annule, et au-delà, les gains potentiels sur les achats extérieurs. On voit donc qu’il existe un nombre optimal de lots, défini comme celui qui minimise le coût global (coûts des achats externes + coûts internes de gestion), comme figuré sur la figure 4.5 ci-dessous :

Coût global Contrat clés en mains (*)

Trop grand nombre de lots

.

Approche par îlots (**)

Nombre opmal de lots (***)

Nombre de lots 1

FIGURE 4.5 Représentation coût global / Nombre de lots.

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4. L'ingénierie d'achat

(*) Un seul contrat (**) 6 contrats principaux : 3 de fournitures : IN, IC et BOP + 3 de construction – montages : GC principal + Montages IN + Montages IC et BOP, (***) Bien entendu, il n’existe pas de « formule mathématique » magique pour déterminer ce nombre optimal de lots. Seule une longue expérience, tenant en outre compte des compétences et capacités industrielles des fournisseurs et entrepreneurs présents dans le tissu industriel, peut permettre d’approcher au mieux ce nombre. À titre indicatif, le projet EPR de Flamanville 3 comporte environ 150 contrats, dont les 20 plus importants représentent à eux seuls 80 % du coût total. C’est nettement moins que pour les projets N4 précédents, qui comportaient environ 750 contrats. NB : De manière générale, la tendance dans plusieurs grands secteurs industriels (aéronautique, automobile, etc.) est à la réduction du nombre de fournisseurs, auxquels des responsabilités élargies sont alors confiées, charge à eux de monter en compétences.

• Où fixer la limite entre « ingénierie d’ensemble » et « ingénierie sous-traitée » ? Plusieurs facteurs sont à prendre en compte dans ce choix, notamment : – Les compétences respectives de l’ingénierie d’ensemble et des sous-traitants, qui : - Peuvent rendre indispensables le recours à certaines sous-traitances, l’ingénierie d’ensemble ne disposant pas des compétences nécessaires (l’art de l’ingénierie étant d’aller chercher les compétences là où elles se trouvent, et de savoir les utiliser, contrôler et intégrer dans un ensemble plus vaste sans nécessairement les posséder), - Ouvrent des possibilités de choix entre traitement en direct ou sous-traitance, pour certaines tâches pouvant être traitées d’un côté ou de l’autre. – Les écarts intrinsèques de coûts de fonctionnement entre : - Une ingénierie d’ensemble, aux compétences généralistes, dont les coûts sont nécessairement élevés, car elle utilise des personnels hautement qualifiés dans des domaines très vastes, - Des ingénieries très spécialisées dans leur domaine, nécessairement plus productives qu’une ingénierie d’ensemble car elles font des tâches bien définies et codifiées, utilisant des outils spécialisés qui permettent de dégager des gains de productivité (principe de spécialisation). Quelques exemples peuvent être donnés dans les différents cas (non exhaustif) : Cas où la sous-traitance est inévitable

– Réalisation de sondages et d’études de sol : la sous-traitance à des entreprises et bureaux d’études spécialisés est ici indispensable pour deux raisons : - Une ingénierie d’ensemble n’a généralement pas l’utilisation permanente de ce type de compétences,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- Elle ne peut donc pas maintenir l’expertise nécessaire, qui nécessite un usage permanent ou au moins fréquent pour ne pas péricliter, – Études détaillées de génie civil (dimensionnement des ouvrages, production des notes de calcul, élaboration des plans de coffrage et de ferraillage, etc.) pour deux raisons également : - Là encore, une ingénierie d’ensemble n’a en général pas l’utilisation permanente des compétences requises, - Une ingénierie spécialisée, qui ne fait que ce type d’études pour différents types d’ouvrages, est nécessairement plus compétente et surtout plus productive et nettement moins chère qu’une ingénierie d’ensemble. Cas où la sous-traitance dépend d’une décision du donneur d’ordres

Plusieurs exemples peuvent être cités, concernant notamment les études et approvisionnements des : – Tuyauteries auxiliaires, – Systèmes de ventilation - conditionnement d’air, – Chemins de câbles et câbles. L’ingénierie d’ensemble peut aussi bien décider de sous-traiter ces tâches à des entreprises spécialisées dans chacun de ces secteurs (comme évoqué plus haut) que de les réaliser elle-même, à condition bien sûr de se doter des compétences et outils nécessaires. Quels sont les éléments de décision ? – Arguments pour « garder » : économiser les marges (marge pour aléas + bénéfice) des sous-traitants concernés, – Arguments pour « sous-traiter » : - Éviter d’entretenir des compétences non stratégiques pour une ingénierie d’ensemble (dans la mesure où ce n’est pas son cœur de métier et où des soustraitants spécialisés compétents existent), - Productivité inférieure pour l’ingénierie d’ensemble (elle ne pratique pas ce métier de manière intensive, contrairement à un sous-traitant spécialisé, et ses coûts horaires sont donc plus élevés), - Au-delà des études, les approvisionnements de composants élémentaires (de type « hypermarché », avec des milliers de références), requièrent un savoir faire particulier qui n’appartient pas au cœur de métier d’une ingénierie d’ensemble (davantage habituée à approvisionner des matériels identifiés par un repère fonctionnel). Cette gestion des approvisionnements a par conséquent toutes les chances d’être coûteuse pour une ingénierie d’ensemble. - Enfin, si on y ajoute le fait que les sous-traitants spécialisés dans ces activités ont l’habitude de réaliser les montages sur site, il apparaît le plus souvent bien préférable de leur confier une responsabilité globale incluant : études de détail, approvisionnements, montages sur site et contrôle. À condition bien sûr qu’ils soient compétents… (cf. qualification, ci-après).

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Les achats, activité stratégique Comme déjà évoqué au début de ce chapitre, les achats présentent des : – Risques à court, moyen et long termes, – Enjeux financiers majeurs.

¾ Risques directement liés à l’acte d’achat • Risques à court ou moyen terme (phase de construction) Ces risques, susceptibles d’affecter gravement le planning d’ensemble d’une installation nucléaire, sont essentiellement de deux types : – Risques industriels et/ou financiers liés à la défaillance d’un fournisseur, incapable d’assumer jusqu’au bout ses obligations (pour cause de dépôt de bilan ou pire, de liquidation judiciaire). Les parades possibles à ce risque sont : - Essentiellement préventives, par le choix de fournisseurs présentant des garanties incontestables de pérennité, validées par des audits approfondis (cf. plus loin, § sélection et agrément des fournisseurs), - Accessoirement contractuelles et juridiques, au travers de clauses adaptées dans les contrats d’achat permettant de conserver la propriété de l’existant au moment des faits (notamment des approvisionnements, de la préfabrication, etc.) ainsi que de faire poursuivre l’activité par le fournisseur concerné ou un autre fournisseur. – Risques techniques et/ou technologiques liés : - À la mauvaise fiabilité d’un équipement ou composant (risque technique affectant un matériel non innovant), - Au mauvais (voire non) fonctionnement d’un équipement ou composant (risque technologique affectant un matériel innovant). Les parades possibles à ces risques sont encore préventives et incluent : – Pour ce qui concerne les risques techniques, les références des fournisseurs, l’analyse approfondie du retour d’expérience (REX) en exploitation de leurs matériels (fonctionnant sur des installations nucléaires ou classiques, pour autant que les conditions opérationnelles soient suffisamment comparables), etc. – Pour ce qui concerne les risques technologiques, la réalisation de : - Revues de conception amont, associant des experts des domaines traités, - Maquettes représentatives des difficultés technologiques, - Campagnes approfondies d’essais (fonctionnels, de qualification, etc.). Le caractère nucléaire de l’installation accroît évidemment considérablement ce type de risques pour plusieurs raisons : – Le classement sûreté des matériels augmente le niveau général d’exigences, – La réussite des essais de qualification des matériels n’est jamais garantie du premier coup, compte tenu des exigences requises, extrêmement élevées.

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– L’Autorité de sûreté nucléaire peut être amenée à donner un avis et/ou une autorisation, ce qui implique nécessairement des justifications et des délais.

• Risques à long terme (phase d’exploitation) À plus long (voire très long) terme, de nouveaux risques apparaissent : ceux de la pérennité des fournisseurs ET de leurs fournitures, qui doivent être anticipés dès l’acte d’achat initial. En effet, la plupart des installations nucléaires sont construites pour durer plusieurs décennies (par exemple 60 ans pour un réacteur EPR, 50 ans pour le réacteur de recherche RJH). Ce qui soulève deux questions, en partie complémentaires : – Les fournisseurs d’origine seront-ils encore là à cette échéance ? – Même si la réponse à cette question est positive, seront-ils encore capables de fabriquer des pièces de rechange, d’assurer les prestations associées, etc. compte tenu de l’évolution des technologies ? Les réponses à ces questions dépendent : – De la taille des fournisseurs, avec deux cas distincts : - Les « grands » fournisseurs (tels qu’AREVA ou ALSTOM) dont on peut raisonnablement considérer qu’ils seront encore là dans plusieurs décennies, - Les autres fournisseurs (de taille « moyenne » ou a fortiori « petite »), pour lesquels la question peut réellement se poser… – De la nature des technologies concernées, avec là encore deux cas : - Le remplacement d’équipements / composants à évolution technologique lente, tels que la plupart des matériels mécaniques (ce qui ne les empêche d’ailleurs pas de bénéficier de progrès métallurgiques ou autres, pour autant que les données d’interface restent inchangées), qui posent en général peu de problèmes, - Le remplacement d’équipements / composants à évolution technologique très rapide, tels notamment que les composants électroniques des systèmes de contrôle commande numérisés. Ce sont les matériels qui soulèvent les difficultés les plus importantes. Plusieurs parades peuvent cependant être mises en œuvre pour palier ou au moins mitiger ces risques : – Réaliser des stocks stratégiques de pièces de rechange critiques, permettant d’assurer la maintenance à long terme (ce qui a bien sûr un coût et est surtout envisageable pour des pièces de faible volume, telles par exemple que des cartes électroniques, des capteurs, etc.), – Pour les pièces critiques, nouer des accords stratégiques de pérennité avec les fournisseurs concernés, incluant en particulier des clauses de transfert des droits de propriété intellectuelle relatifs à la conception et à la fabrication des pièces concernées, permettant de les faire fabriquer par une entreprise tierce en cas de : - Disparition juridique du fournisseur initial, - Cessation par ce dernier des fabrications correspondantes. 128

4. L'ingénierie d'achat

Ces parades se traitent au travers de clauses contractuelles adaptées dans les contrats d’achat.

¾ Poids des achats dans le coût de l’installation Ce poids ne peut en réalité être défini qu’en fonction du lotissement des marchés et contrats (cf. plus loin). Cependant, si on retient le cas d’une organisation de construction comportant un Architecte Industriel Ensemblier, les achats extérieurs (marchés et contrats) réalisés par ce dernier peuvent représenter 75 à 85 % du coût total (en ordre de grandeur). C’est dire que le coût de construction de l’installation est majoritairement déterminé par la performance des achats. NB : Un ratio du même ordre de grandeur se retrouve dans la construction aéronautique ou automobile (cf. encadré ci-après).

Le poids des achats dans l’industrie aéronautique et automobile – Industrie aéronautique : les grands avionneurs (Airbus, Boeing, etc.) ne génèrent qu’environ 25 % de la VA (conception d’ensemble, assemblage de la cellule, intégration des systèmes, mise au point, certification, commercialisation, SAV, etc.) le solde représentant les achats extérieurs (moteurs, avionique, atterrisseurs, équipement des cabines, etc.), – Industrie automobile : les grands constructeurs automobiles ne génèrent qu’environ 30 % de la VA (conception d’ensemble, assemblage des moteurs, boîtes de vitesse, etc. fabrication des carrosseries, mise au point, commercialisation, SAV, etc.) le solde représentant les achats extérieurs (composants mécaniques, électriques et/ou électroniques des moteurs, systèmes de freinage, suspensions, climatisation, éclairage, pneumatiques, etc.). Les fournisseurs/équipementiers de ces industries jouent donc un rôle très comparable à celui que jouent ceux des grandes installations industrielles.

¾ Réduction des coûts : standardisation des matériels et effets de série • Standardisation des matériels La standardisation des matériels entrant dans une installation nucléaire est une source évidente d’économies : – À très court terme : simplification des études, réduction du nombre de documents à revoir et/ou approuver (notamment plans détaillés des matériels, manuels d’exploitation et d’entretien, etc.), diminution des coûts de transaction d’achat (car moins de fournisseurs et de références à gérer), etc. – À plus long terme : économies en coûts de maintenance (y compris formation des opérateurs), diminution des stocks et des coûts associés, etc.

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Plusieurs types de matériels se prêtent bien à la standardisation, par exemple (non exhaustif) : – La robinetterie (tous types, à l’exception des robinets très spéciaux et des vannes motorisées qualifiées aux conditions accidentelles : cf. plus loin), – Les capteurs (tous types, à l’exception des capteurs spéciaux et des capteurs qualifiés aux conditions accidentelles : cf. plus loin), – Certaines pompes de petite puissance (pompes mono-étages simples sans exigences de performances particulières, dont on adapte la hauteur manométrique par simple adaptation du diamètre de roue : « rognage » de la roue), – Les tableaux électriques (de toutes tensions, puissances et types, à quelques exceptions près), – Les petits matériels électriques couramment utilisés dans l’installation. Cette standardisation est mise en œuvre dans les systèmes directement étudiés par l’ingénierie générale, mais peut aussi être imposée aux fournisseurs de sous-ensembles, amenés à « puiser » dans les listes de matériels concernés (surtout pour les capteurs et autres petits matériels électriques).

• Effets de série Au-delà de la standardisation des matériels mécaniques et électriques entrant dans une installation (ci-dessus), la standardisation globale d’installations complètes (aux systèmes « de site » près, qui doivent évidemment être adaptés au cas par cas) génère des effets de série, qui contribuent puissamment à la réduction des coûts d’investissement. Ces réductions dépendent évidemment de la longueur des séries. Elles se situent cependant assez rapidement dans l’ordre de grandeur d’une à deux dizaines de %, ce qui est évidemment considérable. Elles résultent de plusieurs causes qui combinent leurs effets, en particulier (non exhaustif) : – La mutualisation de l’ingénierie d’études ainsi que de la partie « avant contrat » de l’ingénierie d’achat (il n’est pas plus coûteux de commander plusieurs unités identiques qu’une seule unité). Par contre, la partie « après contrat » de l’ingénierie d’achat (suivi des contrats, surveillance en usine, etc.) n’est que partiellement mutualisable et les gains à attendre sont donc plus modestes, – Les effets d’apprentissage, source de progrès de productivité et de réduction des erreurs humaines, qui ne peuvent cependant produire leurs pleins effets que si les équipes peuvent être transférées d’un projet au suivant, – Les effets de volume au niveau des achats de matières premières, de matériels, de composants, etc. Ceci vaut également pour les fournisseurs et sous-traitants,

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– Le meilleur amortissement des investissements réalisés pour les fabrications des composants et équipements (outillages, essais de qualification, etc.). Ceci vaut aussi pour les fournisseurs et sous-traitants. On notera donc que ces effets de série bénéficient à la fois ou Maître d’Ouvrage ou donneur d’ordres et à ses fournisseurs et sous-traitants. Il est parfaitement légitime que ces derniers en conservent en partie le bénéfice, mais il est tout aussi légitime qu’ils en fassent profiter leur donneur d’ordres au travers de réductions de prix. Deux cas possibles : – Le donneur d’ordres est en mesure de s’engager envers ses fournisseurs sur la commande ferme d’équipements destinés à une série d’installations. Dans ce cas, il est le seul à assumer les risques contractuels et peut en conséquence espérer récupérer une part maximale des réductions de prix de la part de ses fournisseurs, – Le donneur d’ordres n’est en mesure de commander de façon ferme que les équipements destinés à une première installation, mais dispose de perspectives crédibles le mettant en mesure d’en commander d’autres à terme suffisamment rapproché pour permettre de générer des effets de série chez ses fournisseurs. Dans ce cas, la position du donneur d’ordres est évidemment moins favorable, mais il peut cependant négocier avec ses fournisseurs : - Soit des options à prix dégressif, fonction du nombre d’équipements commandés dans un délai prédéfini, - Soit un prix moyen pour plusieurs unités, assorti de compensations financières (dédits) pour le cas où le nombre finalement commandé serait inférieur au nombre prévu. Ces deux approches contractuelles sont, a priori, à peu près équivalentes, mais il est clair que pour être réellement incitatives, donc bénéfiques pour le donneur d’ordres, elles doivent être négociées dès l’origine des discussions et faire partie des critères de choix lors du dépouillement des offres.

¾ Planification des achats La planification des achats est complexe car elle doit tenir compte de nombreuses contraintes, dont certaines peuvent d’ailleurs être incompatibles, parmi lesquelles : – La durée des processus d’achat, d’autant plus longue que les directives européennes sont applicables (cf. plus loin), incluant : - Les procédures d’information préalable, - La préparation et l’émission des appels d’offres, - Les délais de réponse des fournisseurs, - Le dépouillement des offres, - Le choix des fournisseurs, les négociations finales et la signature des contrats. – La disponibilité en temps et heure des spécifications techniques d’achat, élaborées dans le cadre de l’ingénierie d’études (cf. chapitre 3),

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– L’obtention des « données fournisseurs » pour alimenter l’ingénierie d‘études (essentiellement : plans d’équipements nécessaires à la finalisation des études d’installation, valeurs paramétriques des matériels nécessaires aux études de fonctionnement, etc. cf. également chapitre 3). Cette dernière contrainte intervient précocement et est souvent incompatible avec les délais normaux des processus d’achat. Elle doit alors être satisfaite, à titre provisionnel au moins, par un autre moyen (par exemple au travers de pré-consultations ciblées de certains fournisseurs potentiels). – Enfin, bien sûr, les besoins de livraison des matériels pour les montages sur site. La planification des achats comporte également classiquement deux catégories d’étapes clés contractuelles jouant un rôle majeur : - Les points d’arrêt (ou « hold points » en anglais) relatifs au suivi qualité des fabrications en usine (phases de fabrication / contrôle / réception des matériels en usine, cf. plus loin), - Des étapes importantes représentatives de l’avancement du processus d’achat (« Milestones » en anglais, cf. également chapitre 7) qui jalonnent judicieusement et de manière visible le déroulement du contrat et peuvent donner lieu, le cas échéant, à des pénalisations contractuelles en cas de non franchissement dans les délais prévus.

Ingénierie d’achat « d’avant contrat » : PASSATION des marchés et contrats ¾ Cadre réglementaire Les achats sont soumis : – Soit à des réglementations externes (non spécifiquement dédiées au secteur nucléaire, en l’occurrence) applicables aux entreprises dont le statut le justifie (cf. encadré ci-après), – Soit aux seules procédures internes aux entreprises (pour les autres), – Soit bien sûr aux deux à la fois.

Réglementations relatives aux achats Ces réglementations d’achat sont pour l’essentiel issues des directives européennes, après adaptation en droit français. Les Maîtres d’Ouvrages (MOU) d’installations nucléaires sont potentiellement concernés par deux directives, selon leur statut : – Si le MOU est un exploitant de réseau électrique (comme EDF, GDF Suez ou autre), il est soumis à la directive européenne 2004/17/CE du 31 mars 2004, relative à la passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. C’est cette directive qui s’applique par exemple à la construction de l’EPR à Flamanville.

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– Si le MOU est un organisme public (comme le CEA), il est soumis à la directive européenne 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. C’est cette directive qui s’applique par exemple à la construction du réacteur de recherche RJH. – Si le MOU n’appartient à aucune de ces deux catégories, il est libre d’organiser comme il l’entend son processus d’achat. La « philosophie générale » des directives européennes précitées est de favoriser une mise en concurrence des fournisseurs potentiels : – La plus large possible, – Sur des bases objectives et équitables (non discriminatoires), – De manière transparente, ce qui implique une information très large délivrée par les MOU, notamment par : - La publicité préalable des appels d’offres, - L’Affichage préalable dans les appels d’offres : > Des critères d'attribution des marchés avec leur pondération ou, a minima, de l’ordre d'importance de ces critères, > Du mode d’attribution du marché : offre économiquement la plus avantageuse (ce qui permet d’introduire des critères très larges, pourvu qu’ils ne soient pas discriminatoires et soient précisés) ou au prix le plus bas, etc. Ces directives européennes définissent également les différentes procédures qu’il est possible d’utiliser : – Ouverte : tout fournisseur ou entrepreneur intéressé est admis à présenter une offre, – Restreinte : seuls les candidats choisis (sur la base de critères objectifs et non discriminatoires) sont invités à participer à la procédure, – Système de qualification des fournisseurs : un donneur d’ordres peut décider de mettre en place un système de qualification préalable de ses fournisseurs, qui seront ensuite invités à présenter des offres. Un système de ce type doit cependant être : - Géré sur la base de règles et critères de qualification objectifs, définis par le donneur d’ordres, - Ouvert à de nouveaux entrants qui en feraient la demande. Il existe en outre deux procédures dérogatoires, qui ne peuvent être utilisées que sous conditions, définies dans les directives et doivent être justifiées au regard des clauses de ces dernières, à savoir les procédures : – Négociée : le donneur d’ordres consulte les fournisseurs ou entrepreneurs de son choix (notamment ceux qui ont été préalablement qualifiés) et négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs d'entre eux. On distingue trois types de procédures négociées : - Avec publicité préalable et mise en concurrence (c’est la procédure la plus ouverte et transparente), - Sans publicité préalable et avec mise en concurrence,

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- Sans publicité préalable ni mise en concurrence (cette procédure est réservée à des cas très particuliers). – Dialogue compétitif : le donneur d’ordres conduit un dialogue avec les fournisseurs ou entrepreneurs admis à y participer en vue de définir ou de développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins, et sur la base de laquelle les participants seront ensuite invités à remettre une offre. Cette procédure est réservée aux prestations complexes et/ou difficiles à définir a priori. Enfin, ces directives définissent des seuils financiers à partir desquels un appel d’offres européen est obligatoire : Procédure

Secteur de l’énergie (2004/17/CE) (1)

Secteur public (2004/18/CE) (1)

387 000 (1)

125 000 (1) (2) ou 193 000 (1) (3)

4 845 000 (1)

4 845 000 (1)

Type de contrat Marchés de fournitures et de services Marchés de travaux

(1) Valeurs (en € hors TVA) au 01-01-2010. À noter que : – Les deux procédures citées ci-dessus (2004/17/CE et 2004/18/CE) sont régulièrement revues : c’est toujours la dernière version consolidée qui est applicable. Elles tendent en outre à s’harmoniser au fil du temps, – Les seuils ci-dessus sont réévalués tous les deux ans par la Commission Européenne, sur la base de la parité entre euros et DTS (droits de tirage spéciaux). Ils peuvent donc évoluer à la hausse comme à la baisse. (2) Quand le donneur d’ordres est l’état central ou un organisme public qui lui est rattaché (comme le CEA, par exemple). (3) Quand le donneur d’ordres est une collectivité locale.

¾ Sélection et qualification (ou agrément) des fournisseurs : un outil majeur de réduction des risques Compte tenu des exigences requises, la sécurisation des achats sur un projet nucléaire revêt une importance capitale. Dans ce contexte, la qualification préalable (également appelée agrément) des fournisseurs potentiels apparaît comme particulièrement bien adaptée. Elle permet en effet : – D’acquérir, valider et maintenir une connaissance approfondie du tissu industriel capable de répondre aux besoins, – De gagner du temps lors de la passation des futurs contrats (puisque la connaissance des fournisseurs est déjà acquise).

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La qualification (ou agrément) des fournisseurs doit porter sur l’ensemble des domaines susceptibles de présenter des risques de défaillance, à savoir : – L’organisation générale, – Les capacités techniques, – La solidité juridique et financière. Ces différents points sont explicités ci-dessous.

• Organisation générale du fournisseur Elle concerne des sujets tels que (non exhaustif) : – Le management global de l’entreprise, – Le type d’organisation interne, – Et bien sûr son système qualité global, notamment son système d’assurance de la qualité, validé par des certifications reconnues.

• Capacités techniques du fournisseur C’est évidemment un sujet essentiel, qui recouvre : Les compétences et capacités techniques (au sens large), gages de maîtrise technique des produits, subdivisées en :

– Compétences d’ingénierie interne (conception, achats, etc.), – Compétences en R et D interne (ou sinon externe, en liaison avec des organismes extérieurs) caractérisant les capacités du fournisseur à résoudre les difficultés pouvant survenir sur ses produits et à en faire évoluer les technologies de manière maîtrisée, – Capacités industrielles de fabrication et de contrôle (ou, à défaut, capacité à faire réaliser ces tâches par des industriels compétents disposant des capacités et qualifications requises). Les références industrielles et le « retour d’expérience » en exploitation des produits

Mieux qu’un long discours, des références industrielles qui démontrent un bon fonctionnement in situ de matériels identiques ou similaires, constituent un argument essentiel dans le processus de qualification technique d’un fournisseur, sachant que ces références peuvent concerner : – Si possible, des installations et des usages nucléaires identiques, – À défaut, des installations et usages similaires, présentant des conditions de fonctionnement de sévérité comparable ou supérieure.

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Cette dernière possibilité permet d’élargir les références à d’autres secteurs industriels que le nucléaire : si l’on prend l’exemple de pompes de divers types, de robinetterie en tout genre, etc. (matériels très nombreux sur une centrale REP) on trouve dans les centrales électrogènes à combustibles fossiles ou dans d’autres installations industrielles des matériels fonctionnant dans des conditions similaires, voire parfois plus dures.

• Solidité juridique et financière du fournisseur C’est le dernier point majeur à examiner, un risque de défaillance (dépôt de bilan, sans même parler de la situation extrême de liquidation) en cours de contrat pouvant avoir des conséquences délai et coût catastrophiques pour le donneur d’ordres, à la fois à court terme (retards de livraison, généralement) et à plus long terme (disponibilité de pièces de rechange, notamment). Cette solidité doit classiquement être examinée sous les aspects (non exhaustif) : – Juridique : forme de la société, détention du capital, filialisation éventuelle par rapport à un grand groupe, etc.), – Financier : équilibre du bilan, situation d’endettement, surface financière, diversification des clients, proportion du CA représentée par les contrats susceptibles d’être confiés, etc. • Méthodologie de qualification du fournisseur Une qualification (ou agrément) de fournisseurs est toujours un processus relativement lourd et long, qui mobilise des compétences pointues dans les différents domaines cités ci-dessus chez le donneur d’ordres. Elle est en effet classiquement basée à la fois sur : – L’élaboration de questionnaires détaillés portant sur les différents domaines (organisation générale, système qualité, capacités techniques, solidité financière) à renseigner par les fournisseurs, – La réalisation d’audits de vérification portant sur les différents domaines concernés, – Des actions complémentaires : visites d’usines, rencontres éventuelles avec les exploitants des matériels concernés ou similaires, etc.

¾ Passation des marchés et contrats Les logiques et pratiques dans ces domaines sont évidemment très semblables à celles mises en œuvre pour n’importe quel grand projet industriel. De ce fait, ces bases ne seront que très brièvement rappelées ici pour mémoire, seules les exigences particulières au secteur nucléaire étant un peu plus développées, au travers des différentes étapes habituelles que sont : – Le choix de la procédure qui sera utilisée, – La préparation des appels d’offres, fonction du lotissement choisi (cf. plus haut),

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– L’analyse des offres et le choix des fournisseurs. NB : ces différents aspects sont abordés dans ce chapitre du point de vue de l’acheteur constitué par un « donneur d’ordres » de type ensemblier, faisant appel à de nombreux fournisseurs différents. Le point de vue du vendeur de tout ou partie d’une installation nucléaire, qui est celui d’un fournisseur « clés en mains » ou « d’ilot », étant abordé dans le chapitre 6, dans le cadre élargi d’un projet export.

• Choix de la procédure qui sera utilisée Ce choix est notamment conditionné par l’obligation éventuelle, pour le donneur d’ordres, d’appliquer les procédures européennes rappelées plus haut. Ces procédures introduisent des contraintes supplémentaires pour le donneur d’ordres, dans deux domaines déjà évoqués : – La non-discrimination des fournisseurs consultés et la transparence associée (pour se prémunir d’éventuels recours de fournisseurs qui s’estimeraient lésés), – Des délais minimaux à respecter entre différentes étapes (au stade de la publicité préalable, en particulier), qui viennent rallonger le processus global. Les installations nucléaires impliquent cependant, compte tenu de certaines de leurs spécificités technologiques, le recours à certaines dérogations, dont un exemple est donné plus loin (cas des matériels électriques et logiciels qualifiés, cf. encadré ci-après). Ces dérogations impliquent généralement l’établissement de dossiers justificatifs à caractère à la fois technique et juridique.

• Préparation des appels d’offres Rappelons que la préparation d’un appel d’offres requiert trois grands types d’actions : – La préparation de dossiers de consultation, – Des évaluations internes préalables (de prix, notamment), – L’établissement de listes de fournisseurs à consulter. Ces trois points sont précisés ci-après. Préparation des dossiers de consultation

La qualité d’un dossier de consultation est un facteur important de qualité des futures offres. Il doit en particulier éviter les imprécisions, ambiguïtés et flous de toutes natures qui sont autant de sources d’incompréhensions et compliquent le travail de dépouillement des offres. À ce titre, un dossier de consultation doit clairement et précisément répondre à quatre questions fondamentales : – QUOI ? Il s’agit de définir ici (non exhaustif) : - La nature précise des fournitures et des prestations associées, avec leurs limites et exclusions (« Scope of Works », en anglais),

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- Les autres éléments, notamment la liste et le contenu des documents attendus du fournisseur. – COMMENT ? Ce domaine concerne (non exhaustif) : - L’ensemble des spécifications techniques applicables (au sens large), comprenant (cf. chapitre 3) : > Les spécifications techniques propres au marché ou contrat considéré, > Des spécifications techniques transverses, concernant des sujets tels que (non exhaustif) : la codification, la terminologie et le symbolisme à utiliser, le marquage et l’étiquetage, les peintures, l'emballage, etc. - Les exigences en matière de qualité, - Les autres exigences (par exemple, qualification des matériels, le cas échéant). – QUAND ? Ce domaine concerne le planning de délivrance des fournitures et prestations associées, les points d’arrêt, etc. – À QUELLES CONDITIONS ? On trouve notamment ici (non exhaustif) : - Les conditions et clauses contractuelles et commerciales générales applicables, dont le contenu est proche de celui d’un contrat « clés en mains », traité de manière plus détaillée dans le chapitre 6, - L’introduction d’options susceptibles de faire bénéficier le donneur d’ordres et son fournisseur d’effets de série, - Les critères de sélection des offres, le cas échéant (si applicable, en fonction de la procédure d’achat retenue). Évaluations préalables

L’établissement d’un prix objectif (ou cible) pour chaque marché ou contrat permet, lors de l’analyse des offres, de se faire une idée : – De la crédibilité des offres, une trop grande divergence avec le prix objectif, dans un sens ou dans l’autre, étant a priori suspecte. Par exemple (non exhaustif) : - Un prix exagérément bas peut signifier une volonté du fournisseur concerné d’avoir l’affaire à tout prix, ce qui est porteur de risques futurs importants, d’abord de contentieux, ensuite de mauvaise réalisation, - Un prix exagérément élevé peut signifier une mauvaise compétitivité du fournisseur concerné, ou un désintérêt poli pour l’affaire… – De l’état général du marché : des prix globalement inférieurs à la cible peuvent signifier que la concurrence est forte. Et inversement… Établissement de listes des fournisseurs à consulter

L’établissement de la liste des fournisseurs potentiels à consulter, par type de fourniture est évidemment un acte majeur, qui : – Dépend du tissu industriel existant et de la concurrence qui y règne, – N’est généralement pas exempt de considérations de politique industrielle, s’agissant d’installations majeures ayant un fort impact économique sur le tissu industriel.

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L’expérience montre par ailleurs qu’il existe en général un nombre optimal de fournisseurs à consulter, compris entre : – Un minimum de 2 à 3, nécessaire pour assurer une concurrence suffisante (cas où il y a peu de fournisseurs compétents), – Un maximum de l’ordre de 5 à 7, selon les cas et sauf exception toujours possible, l’expérience montrant qu’augmenter ce nombre ne procure le plus souvent aucun avantage concurrentiel supplémentaire. Cette règle n’est cependant pas applicable dans certains cas très particuliers tels que : – Fournisseur unique, – Fournisseurs de matériels très spéciaux, répondant à des exigences extrêmement élevées et dont les durées et les coûts de développements et/ou de mise au point, sont tellement importants qu’une mise en concurrence traditionnelle n’a ni réalité industrielle, ni sens économique. Deux exemples, décrits dans l’encadré cidessous, peuvent être cités : - Le cas des logiciels de sûreté, - Le cas des matériels électriques qualifiés aux conditions accidentelles.

Le cas particulier des logiciels de sûreté et des matériels électriques qualifiés aux conditions accidentelles Logiciels de sûreté de classements les plus élevés Compte tenu des exigences extrêmement élevées de conception, d’élaboration, vérification, traçabilité intégrale, etc. requises pour ces classes de logiciels, l’investissement intellectuel est tel que faire jouer la concurrence n’a aucun sens. On se retrouve donc de facto dans le cas d’un fournisseur unique. Matériels électriques qualifiés aux conditions accidentelles Pour ce qui concerne les matériels qualifiés aux conditions les plus sévères (K2 et surtout K1 et KAG), les matériels concernés : – Requièrent une mise au point qui peut être à la fois très longue et très coûteuse, surtout pour K1 et KAG, – Concernent des « populations » très limitées. Si l’on considère seulement les différents types de matériels électriques (sans tenir compte du nombre d’exemplaires identiques installés, qui relèvent de la même qualification) on peut citer les quantités très approximatives suivantes, pour un réacteur REP : * Matériels K2 : # 70 * Matériels K1 et KAG : < 40 – Ont, une fois mis au point, un coût unitaire de fabrication qui peut être relativement faible (sans rapport avec les coûts de développement).

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En d’autres termes, le coût de qualification peut être très difficile à amortir sur les très petites séries fabriquées ensuite, y compris en incluant les pièces de rechange. On comprend donc que l’on : – Ne change pas sans raisons extrêmement fortes un fournisseur capable de produire des matériels qualifiés K1 ou KAG, sous prétexte de faire jouer la concurrence… – Se trouve dans un cas tout à fait exceptionnel, nécessitant un traitement contractuel spécifique qui relève davantage du partenariat stratégique de long terme entre le donneur d’ordres et son fournisseur, que des relations commerciales classiques, le fournisseur étant la plupart du temps unique pour cette raison.

• Analyse des offres et choix du fournisseur Ici encore, les pratiques sont habituelles et fondées sur des procédures internes très rigoureuses, tenant compte, le cas échéant, des procédures européennes. Parmi les bonnes pratiques mises en œuvre par les grandes ingénieries, on peut citer, dans le but d’éviter tout risque de « pollution » des choix techniques par des considérations commerciales, ce qui est d’autant plus nécessaire dans l’industrie nucléaire : – L’ouverture en premier des offres techniques, puis leur analyse, inter-comparaison et classement par ordre de mérite dans une note de synthèse technique statuant sur l’acceptabilité de chacune d’entre elles, – L’ouverture différée des seules offres commerciales correspondant aux offres techniques jugées acceptables, suivie de leur analyse et classement par ordre de mérite dans une note de synthèse commerciale, sachant que plusieurs cas peuvent se présenter selon le type de procédure applicable : - Si l’achat est soumis à une procédure européenne non dérogatoire (cf. encadré ciavant), le choix doit se conformer aux règles de cette dernière, avec comme seules possibilités : > L’offre au prix le plus bas, > L’offre économiquement la plus avantageuse, qui tient compte de critères additionnels tels que l’énergie consommée, la fréquence et le coût de l’entretien, etc. - Si l’achat est soumis à une procédure européenne dérogatoire (négociée, cf. encadré ci-avant) ou aux seules procédures internes du donneur d’ordres, les offres peuvent être négociées selon un processus habituel comprenant : > L’établissement, sur des bases à la fois techniques et commerciales, d’une liste classant les 2 à 3 meilleurs fournisseurs (« short list » en anglais), assortie d’une proposition de négociation avec le plus performant, > L’entrée en négociations finales avec ce fournisseur, sachant que si les négociations échouent avec ce dernier, le suivant sur la liste sera à son tour appelé à entrer en négociations. 140

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Ingénierie d’achat « d’après contrat » : MANAGEMENT des marchés et contrats ¾ Responsabilités contractuelles respectives du fournisseur et du donneur d’ordres • Principes de base Un fournisseur compétent est normalement soumis à une obligation de résultats et assume dans ce cadre la responsabilité globale de sa fourniture sous les aspects QCD, ce qui implique bien évidemment qu’il contrôle sa prestation interne, dans les limites de son contrat, supposées parfaitement définies et comprises. Il est de plus tenu d’en apporter la preuve en mettant les activités concernées sous assurance de la qualité (AQ), selon un référentiel reconnu (ISO 9001 + exigences complémentaires, généralement, cf. également chapitre 7) qui lui impose un certain nombre de procédures classiques, notamment en matière de (non exhaustif) : – Maîtrise des documents, – Maîtrise des enregistrements, – Audit interne, – Maîtrise des non-conformités, – Traitement des actions correctives, – Traitement des actions préventives. En principe, sauf stipulation contraire, le fournisseur est amené à contrôler 100 % de sa prestation, selon les exigences définies dans son contrat, reprises dans sa documentation qualité (Plan qualité de réalisation relatif à ses prestations), conformément à son système d’assurance de la qualité (cf. également chapitres 7 et 8 pour plus de précisions). • Surveillance des fournisseurs La surveillance des fournisseurs est une obligation de l’Arrêté qualité (cf. chapitre 2) pour toutes les fournitures classées sûreté. Cette obligation conduit le donneur d’ordres à instaurer une boucle de contrôle externe pour s’assurer du bon fonctionnement de la boucle de contrôle interne du fournisseur, avec deux objectifs complémentaires : – Sous un aspect opérationnel immédiat : s’assurer de la qualité effective des « produits de sortie » eux-mêmes (documents et/ou fabrications), – Sous un aspect organisationnel permettant de jugé de la confiance qui peut être faite au fournisseur : en s’assurant du bon fonctionnement et de la fiabilité et « robustesse » de son système de contrôle interne.

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Ce dernier aspect est fondamental : toute organisation humaine étant potentiellement faillible, la mettre sous contrôle est non seulement un moyen de vérifier et conforter la confiance qu’on peut lui faire, mais aussi de la faire naturellement progresser (cf. encadré ci-dessous).

Les vertus de la mise sous contrôle… Ce point se réfère à un comportement humain bien connu : le seul fait d’être soumis à un contrôle et d’avoir à rendre des comptes constitue en luimême un puissant facteur d’amélioration des individus et des organisations.

Concrètement, la surveillance des fournisseurs porte habituellement sur (non exhaustif) : - La revue et l’approbation des documents fournisseur, - La surveillance des fabrications en usine, qui implique des contrôles de la qualité (ou la participation aux contrôles réalisés par le fournisseur), - Les audits (de contrôle de la qualité et d’assurance de la qualité). Cette surveillance des fournisseurs est en outre soumise aux contrôles éventuels que l’Autorité de sûreté nucléaire et/ou ses représentants sont susceptibles de réaliser sur des équipements classés sûreté. On aboutit ainsi à trois boucles concentriques de contrôle, schématisées sur la figure 4.6 ci-dessous : Données d’entrée (Contrat)

(FOURNISSEUR) Réalisaon des tâches

Boucle de contrôle INTERNE : * Des documents * Des fabricaons * Assurance de la Qualité * (Suivi des délais)

(DONNEUR D’ORDRES) Boucle de contrôle EXTERNE : * Revue des documents * Surveillance des fabricaons * Audits d’assurance de la qualité * (Suivi des délais) * (Suivi des coûts) (AUTORITÉ DE SURETÉ NUCLÉAIRE) Boucle de contrôle portant sur les aspects : * Contrôle qualité * Assurance de la qualité (limité aux fournitures classées sûreté)

FIGURE 4.6 Système de contrôle interne et externe des fournisseurs.

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Produits de sore : * Documents * Matériels

4. L'ingénierie d'achat

La surveillance des fournisseurs sous les aspects qualité doit par ailleurs être complétée par un suivi des délais et des coûts. On citera (non exhaustif) : – Sur le plan des délais : le suivi rapproché du planning de réalisation des prestations du fournisseur, – Sur le plan des coûts : - La gestion des termes de paiement, fonction du respect des délais, - La gestion au fil de l’eau des événements d’ordre contractuel (prestations en écart par rapport au contrat, notamment gestion des réclamations du fournisseur, etc.), - La négociation de fin d’affaire. Enfin, un dernier point, touchant à la responsabilité contractuelle, mérite d’être souligné : les actions de surveillance des fournisseurs ne doivent en aucune façon atténuer la responsabilité contractuelle de ces derniers, qui reste pleine et entière. En particulier : – Tout fournisseur reste responsable de toute erreur contenue dans l’un de ses documents, même si celui-ci a été revu par le donneur d’ordres, et que ce dernier ne l’a pas décelée. – C’est donc la responsabilité civile professionnelle du fournisseur (cf. chapitre 6) qui doit être appelée dans ce cas, et non pas celle du donneur d’ordres. Ces différents aspects QCD impliqués dans le suivi des fournisseurs sont précisés ciaprès.

¾ Suivi de la qualité (au sens large) • Revue et approbation des documents fournisseurs Ces tâches, qui relèvent pour l’essentiel des compétences de l’ingénierie d’études (traitée au chapitre 3) portent sur la vérification (de fond et de forme) de la bonne prise en compte des (non exhaustif) : – Exigences contractuelles, notamment pour ce qui concerne les codes et normes de conception et construction (fond), – Interfaces de la fourniture (fond), – Règles de l’art et bonnes pratiques industrielles (fond), – Règles de présentation et codification des documents (forme). Les grandes ingénieries (pas seulement nucléaires) ont codifié les résultats d’une revue documentaire avec des mentions du type : – VSO pour « Vu sans observation », – VAO pour « vu avec observations » (qui sont formalisées et doivent être prises en compte par le fournisseur, avec nouvelle soumission du document), – « À représenter » qui qualifie un document inacceptable sur le fond et/ou sur la forme (en principe rare avec un fournisseur compétent…). 143

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Par ailleurs, les documents des fournisseurs transmis au donneur d’ordres sont généralement classés en trois catégories : Documents « pour information » seulement

Ils n’appellent par définition pas de remarques en retour, mais peuvent être importants dans le processus d’ingénierie (par exemple, plans d’équipements du fournisseur, non modifiables car représentant des matériels existants, etc.). Documents « pour revue »

De loin les plus nombreux, ils : – Font l’objet d’une revue structurée mise sous assurance de la qualité s’ils relèvent de l’Arrêté qualité, systèmatique ou par sondage, de la part du donneur d’ordres. La manière d’effectuer les revues par sondage relève du savoir-faire et de l’expérience du donneur d’ordres et dépend de plusieurs facteurs, tels que : - La connaissance préalable que le donneur d’ordres a de son fournisseur (les revues peuvent être allégées avec un fournisseur dont on connait de longue date la qualité du travail), - La phase de réalisation du contrat : il est notamment d’excellente pratique de procéder à une revue élargie en début de contrat, pour s’assurer de la qualité de la production du fournisseur et lui donner les « bons signaux » dès le départ. Voire… le recadrer très vite avant que les conséquences soient importantes. – Peuvent être mis en œuvre par le fournisseur au bout d’un délai déterminé (par exemple 1 mois) si le donneur d’ordres n’a pas fait de commentaires. Documents « pour approbation »

Assez peu nombreux mais particulièrement importants, ils : – Font l’objet d’une analyse approfondie systématique de la part du donneur d’ordres, – Ne peuvent être mis en œuvre par le fournisseur sans l’accord formel du donneur d’ordres. Deux remarques importantes pour de clore le sujet de la revue documentaire :

– La nature de la revue prévue par le donneur d’ordres doit être clairement spécifiée au fournisseur dans le contrat (par type de document), – Les éventuelles contraintes de soumission pour revue à l’Autorité de sûreté nucléaire (ou ses représentants) doivent être anticipées et prises en compte dès le début.

• Surveillance des fabrications en usine Comme déjà évoqué plus haut : – Le fournisseur est contractuellement tenu de contrôler ses propres fabrications (contrôle de la qualité) et d’en apporter la preuve (au travers de son système d’assurance de la qualité). – La surveillance des fabrications en usine réalisée par le donneur d’ordres a pour but de s’assurer, d’une part de la qualité effective des fournitures, d’autre part et plus

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4. L'ingénierie d'achat

généralement que le fournisseur se conforme bien à ses obligations et que son processus de contôle est « robuste », Il convient à ce stade de distinguer deux catégories de fabrications : – Celles qui touchent à la sûreté, et relèvent de l’application stricte de l’Arrêté qualité (cf. plus haut), prévoyant une surveillance structurée et mise sous assurance de la qualité. – Celles qui ne concernent pas la sûreté, pour lesquelles le donneur d’ordres peut décider de moduler la surveillance qu’il exerce dans une optique d’optimisation du rapport : « bénéfice » (réduction des risques) / coût de la surveillance, en tenant compte de critères tels que (non exhaustif) : - Sa pratique et son expérience antérieure, - La plus ou moins grande confiance qu’il a dans son fournisseur, - Le caractère plus ou moins critique des fabrications concernées (caractère prototype, difficultés particulières de fabrication, etc.), - La phase de fabrication concernée, plus ou moins délicate, - Le rôle fonctionnel plus pou moins critique des matériels concernés dans l’installation (vis-à-vis de la disponibilité, notamment). En outre, ces actions de surveillance peuvent être adaptées en cours de réalisation des fabrications, en fonction : - Du taux d’anomalies et/ou de non conformités de fabrication rencontrées, - De la manière dont ces aléas de fabrication sont pris en compte, traités et résolus par le fournisseur. Dans tous les cas, la surveillance des fabrications en usine implique une planification prévisionnelle des étapes clés (qui figurent également dans les plans qualité de réalisation (PQR) définissant : – Les points de convocation du donneur d’ordres (auxquels ce dernier décide ou non d’assister), – Les points d’arrêt, qui impliquent la présence obligatoire du donneur d’ordres (le fournisseur n’étant pas autorisé à aller plus loin dans son processus de fabrication ou d’essais en usine sans l’aval formel du donneur d’ordres). Sachant que l’Autorité de sûreté nucléaire peut en outre décider d’être présente lors de ces points.

• Audits Plusieurs types d’audits peuvent être réalisés par un donneur d’ordres en cours de réalisation d’un contrat : – Des audits qualité périodiques classiques, portant sur le système d’assurance de la qualité du fournisseur. Ils font partie d’une routine normale, systématiquement prévue dans les contrats,

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– Des audits particuliers, déclenchés à l’occasion d’événements anormaux, notamment de défaillances du fournisseur dans tel ou tel domaine. Il peut s’agir, selon le type de défaillance, d’audits portant sur (non exhaustif) : - L’organisation générale du fournisseur, - Sa capacité industrielle, - Sa solidité financière. De tels audits ont notamment pour finalité, vu du donneur d’ordres, de sécuriser des fournitures qui peuvent être critiques, en aidant si besoin le fournisseur à trouver une solution à ses difficultés répondant à l’intérêt commun des parties. Il est important que la possibilité de tels audits soit prévue dans les contrats, pour faciliter et accélérer leur future mise en œuvre en cas de besoin.

¾ Suivi rapproché du planning de réalisation des prestations du fournisseur L’objectif est ici de s’assurer, par un suivi anticipatif et proactif (que les Anglo-Saxons désignent par le terme très parlant d’« expediting ») que le fournisseur concerné respecte ses délais contractuels, grâce à des outils classiques tels que : – La réunion de lancement du contrat, qui doit se situer suffisamment tôt avant la mise en vigueur du contrat. Elle a pour but de s’assurer que le fournisseur a bien pris la mesure de ses obligations et qu’il a bien engagé les actions préliminaires nécessaires (notamment, définition de son organisation interne pour la réalisation du contrat, lancement anticipé d’approvisionnements à long délai, etc.), L’expérience montre que cette réunion est très importante. Elle permet en particulier au donneur d’ordres de se faire une idée précise de la qualité de la mobilisation du fournisseur sur son contrat. – Les réunions périodiques d’avancement, associées au « reporting » formalisé systématique et périodique, qui est demandé au fournisseur, – Toute visite réalisée chez le fournisseur, qui doit être l’occasion de faire un point d’avancement des tâches. Le suivi doit être à la fois anticipatif et proactif en ce sens qu’il doit permettre : – De détecter précocement, grâce à l’analyse de la situation, les tendances possibles à la dérive dans la réalisation des prestations, avant que ces dérives n’aient pris de l’ampleur et soient devenues difficilement rattrapables, – D’en identifier les causes, en dialoguant avec le fournisseur, afin de mettre en œuvre au plus vite des mesures correctives adaptées (fonction de la cause identifiée : difficulté d’ingénierie, d’approvisionnement, de fabrication, de qualité, etc.).

¾ Suivi des coûts On distinguera deux aspects :

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4. L'ingénierie d'achat

– La gestion contractuelle (qui se situe par définition dans les limites du contrat), – Le management des contentieux (qui concernent des événements se situant, par nature, au-delà des limites du contrat).

• Gestion contractuelle La gestion contractuelle recouvre de très nombreux aspects, par exemple parmi les points saillants (non exhaustif) : – La gestion financière des contrats, très complexe sur un grand projet compte tenu du grand nombre de contrats concernés, en particulier : - Gestion des termes de paiement (en relation avec les fournisseurs) qui implique la vérification préalable (validée par le planning et/ou les avancements physiques) de la réalisation effective des tâches, - Gestion des termes de financement (en relation avec les prêteurs) le cas échéant, liée aux mêmes conditions préalables d’effectivité de réalisation des tâches. – La gestion des transferts de propriété des matériels, liés aux termes de paiement et qui peuvent avoir des conséquences sur, en particulier : - Le transfert des risques associés, - Le début de la période de garantie contractuelle.

• Management des contentieux La majorité des contentieux se négocient généralement en fin d’affaire. Mais ils se préparent toujours très à l’amont ! Le point clé réside dans une gestion rigoureuse au fil de l’eau des événements d’ordre contractuel (écarts par rapport au contrat), fondée sur une traçabilité sans faille. Dans ce contexte, toute réclamation d’un fournisseur doit faire l’objet d’un suivi réactif, incluant a minima une réponse factuelle d’attente s’il n’est pas possible de statuer immédiatement sur le fond du litige. C’est la seule manière d’arriver en négociations de fin d’affaire en disposant de dossiers contractuellement robustes, qui fourniront des bases inattaquables.

Outils intégrés de gestion des achats Il va de soi que la gestion des achats d’un grand projet ne peut se concevoir sans des outils informatiques performants. Ces derniers doivent permettre de gérer l’acte d’achat de « A » (à partir des tous premiers contacts) à « Z » (réception définitive sur site) en passant par toutes les étapes QCD intermédiaires (échéances du processus d’achat, puis d’études, fabrications, essais en usine, mise à disposition, transport, livraison sur site, ainsi bien sur que gestion des termes de paiement associés).

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L’ingénierie de réalisation sur site

L’ingénierie de réalisation couvre l’ensemble des activités réalisées sur le site, comprenant, en fonction de la progression des tâches dans le temps : – Les travaux préparatoires du site, – Les travaux de construction (structures de génie civil) puis les montages électromécaniques de l’installation nucléaire proprement dite, – Les essais de démarrage et la mise en service de l’installation, qui voient l’installation prendre son caractère nucléaire définitif à l’arrivée du premier élément combustible sur le site, – Le transfert de l’installation à son futur exploitant. Si l’on se place maintenant, non plus du point de vue des tâches techniques à réaliser, mais des grandes fonctions de l’ingénierie de réalisation à assumer, celle-ci doit prendre en charge : – La coordination globale et le contrôle de toutes les activités intervenant sur le site, incluant : - La planification et la coordination des travaux de construction-montage, puis des essais de démarrage et de mise en service, - La coordination des (très nombreuses) entreprises intervenant sur le site,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- Le contrôle de la qualité des travaux et essais, et l’assurance de la qualité associée à ces tâches, – Le respect des lois et réglementations applicables aux différentes activités du site, en matière de : - Contrôle des entrées sur le site (protection des personnes et des biens à l’intérieur du site) en phase pré-nucléaire, - Sécurité des travailleurs, en liaison avec le Comité d’hygiène et sécurité du travail (CHSCT), - Droit du travail (régularité de la situation des travailleurs et de leurs contrats de travail). - Normes environnementales durant la phase de construction. – La gestion des interfaces avec les activités d’ingénierie amont (ingénierie d’étude et ingénierie d’achat) incluant : - La réception et la gestion des documents nécessaires à la réalisation, - La réception, la gestion, le stockage intermédiaire et la conservation avant utilisation des matériaux, équipements et composants entrant dans la réalisation, – Les relations avec : - L’exploitant de l’installation qui, dès l’arrivée du premier élément de combustible nucléaire sur le site, assumera totalement la responsabilité de la sécurité nucléaire de l’installation et du site (incluant la sûreté nucléaire, la radioprotection et la protection contre la malveillance). - L’Autorité de sûreté nucléaire ou ses représentants, - Les autorités administratives et politiques locales (Préfecture, organismes officiels divers, administrations concernées, élus locaux, etc.), - La presse et le public. – La coordination des actions relatives aux conditions d’accueil et de vie locale des travailleurs du site et de leurs familles. Au total, l’ingénierie de réalisation recouvre donc un éventail très large d’activités et responsabilités variées, qui impliquent des compétences à la fois générales et spécialisées. Et quel que soit le schéma contractuel d’ensemble retenu (cf. chapitre 4), les tâches ci-dessus relèvent majoritairement de la Maîtrise d’Œuvre, menée par un Chef de site (ou Chef d’aménagement ou Chef de chantier, selon les dénominations retenues) assisté de son équipe, seules quelques tâches relevant directement de la Maîtrise d’Ouvrage. Ces différents points sont approfondis ci-après.

Tâches techniques en phase de construction et montages Elles dépendent de la progression du projet dans le temps. Quelle que soit la nature de l’installation nucléaire concernée, on distingue classiquement les phases suivantes :

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5. L’ingénierie de réalisation sur site

¾ Travaux préparatoires du site Ils concernent des travaux tels que : – – – – –

Déboisement, débroussaillage, etc. de l’aire du site et de ses abords, Terrassements généraux, profilage et mise à niveau général du terrain, Raccordement aux voies d’accès environnantes (routes, voies ferrées, quais), Clôturage du terrain et aménagement des points de contrôle des accès, Délimitation et préparation des aires de construction des installations, de stockage temporaire des équipements, etc. et réalisation des voies intérieures de circulation, – Réalisation des travaux nécessaires aux études de site (cf. chapitre 3 sur l’ingénierie d’études), en particulier : - Réalisation de sondages / forages dans le cadre des études de sol (mesures géophysiques et géodynamiques in situ, prélèvements de carottes, réalisation de puits piézométriques, etc.), - Installation d’un mat et d’une station météo sur le site (ou autre dispositif plus moderne, comme une station météo laser). Les opérations les plus lourdes sont en général les terrassements généraux, dont le coût et les délais de réalisation sont fonction de plusieurs paramètres : topographie naturelle du site, nature du sous-sol, calage optimal du site en altitude compte tenu des contraintes de sûreté, bilan déblais / remblais (l’évacuation ou au contraire l’apport de matériaux coûtant très cher), etc. Globalement, les travaux préparatoires d’un site ont également un impact non négligeable sur le planning d’ensemble (typiquement de l’ordre de 1 à 2 ans, selon la difficulté et les quantités de matériaux à manipuler). Cependant, ils sont le plus souvent réalisés en temps masqué par rapport à d’autres tâches, telles que : – Le « Licensing » (préparation et approbation du rapport de sûreté et des autres autorisations administratives relatives à la sûreté), – L’approvisionnement des composants lourds à long délai de fabrication (pièces forgées, notamment).

¾ Construction / montages électromécaniques de l’installation nucléaire proprement dite On distingue classiquement les phases suivantes, qui valent en l’occurrence pour toute grande réalisation industrielle :

• Creusement des fouilles des futurs ouvrages Il s’agit de creuser des fouilles adaptées à la forme des radiers des futurs ouvrages de l’installation, à partir de la plateforme générale du site profilée au cours des travaux préparatoires. 151

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Cette phase est essentielle pour une installation nucléaire, dans la mesure où elle conditionne l’interface entre le sol et les futures structures de l’installation. Elle relève donc de la sûreté et la fin de ces travaux donne lieu à une réception de fond de fouille formalisée (qui peut nécessiter dans certains cas des substitutions de sol plus ou moins importantes pour garantir une qualité adéquate du sol à l’interface avec les structures classées).

• Réalisation des structures de génie civil Les structures de génie civil sont constituées de béton armé et/ou précontraint (selon les fonctions à satisfaire) et de charpentes métalliques. Comme déjà dit plus haut, le béton joue un rôle prépondérant dans toutes les installations nucléaires, compte tenu de ses très intéressantes propriétés et qualités techniques intrinsèques (cf. encadré cidessous) et de son coût compétitif :

Pourquoi le béton est-il omniprésent dans les installations nucléaires ? Utilisé sous plusieurs formes, le béton : – Précontraint et à hautes performances, permet de réaliser des enceintes de confinement de grandes dimensions capables de résister à des pressions internes très élevées (de l’ordre de 5 bars ou plus), – Armé en forte épaisseur : - Permet de constituer des coques de protection résistant bien aux chutes d’avions et autres types d’efforts d’ébranlement, - Résiste plutôt bien aux incendies, - Constitue naturellement un écran biologique efficace (qui peut en outre, si nécessaire, être facilement et économiquement chargé en matériaux absorbants destinés à mieux arrêter les rayons gamma ou les neutrons, selon le cas).

Certaines de ces structures, en particulier les enceintes de confinement en béton précontraint, avec leur système mécanique de précontrainte, sont en fait des ouvrages de haute technologie, compte tenu des exigences requises. Elles sont bien sûr soumises à un classement sûreté adapté à leur fonction dans la sûreté globale de l’installation (troisième barrière de confinement des produits radioactifs). Plus généralement, la plupart des structures en béton armé et/ou précontraint des installations nucléaires présentent des « taux de ferraillage » (densité des aciers de renfort du béton) extrêmement élevés pour résister aux très fortes contraintes prises en compte dans le dimensionnement (pressions internes, efforts sous séismes, forces d’impact, etc.). Or, de tels « taux de ferraillage » induisent des difficultés pratiques de réalisation au moment du coulage du béton, dans un environnement qualité très exigeant.

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5. L’ingénierie de réalisation sur site

On trouve également des structures métalliques ancrées dans le béton comme la peau d’étanchéité de l’enceinte de confinement (en acier au carbone) ou la peau d’étanchéité (en acier inox) des piscines du bâtiment réacteur et du bâtiment combustible. La réalisation de ces peaux d’étanchéité (ou liners, en anglais) est rendue délicate dans un contexte de chantier par la combinaison de leurs grandes dimensions et d’exigences très élevées en termes de précision géométrique. C’est notamment le cas du dôme du bâtiment réacteur, compte tenu de sa forme complexe. Globalement, la combinaison des difficultés de mise en œuvre, du niveau de qualité exigé très élevé et des quantités très importantes à mettre en œuvre font que la réalisation du génie civil d’une installation nucléaire constitue une phase cruciale en termes QCD (qualité, coût, délai). C’est tout particulièrement le cas pour l’ilot nucléaire d’une centrale de type EPR, qui met en jeu des quantités de béton de « gros œuvre » nettement plus importantes que les réacteurs précédents (environ 50 % de plus). Au-delà de ce « gros œuvre », le « second œuvre » et surtout les finitions revêtent aussi une très grande importance dans les installations nucléaires, en particulier (non exhaustif) : – Les produits de scellement des équipements dans les structures en béton, qui doivent avoir des caractéristiques mécaniques très élevées, etc., – Les portes spéciales (très nombreuses) jouent également un très grand rôle dans les installations nucléaires car elles doivent assurer une ou plusieurs fonctions, selon les cas : coupe-feu, protection biologique, résistance aux surpressions ou dépressions, étanchéité à l’air ou l’eau, etc. dont la démonstration passe par des qualifications complexes et longues, le plus souvent par essais réels, – Les produits de rebouchage des trémies de passage mécaniques (passages de tuyauteries) ou électriques (passages de câbles) jouent un rôle similaire à celui des portes : ils doivent également, selon les cas, avoir des propriétés de résistance au feu, aux écarts de pression, être étanches, procurer une protection biologique, etc., – Les peintures utilisées dans l’ilot nucléaire sont également très techniques : elles doivent être décontaminables et pour certaines satisfaire à des exigences très sévères de résistance aux conditions thermodynamiques accidentelles (pression, température et humidité, sans risques de décollement à l’intérieur de l’enceinte de confinement).

• Montages mécaniques Ils comprennent deux grands types d’activités : – L’introduction des équipements dans les locaux et leur fixation aux structures (en béton ou en charpentes métalliques). Les difficultés principales sont : - Leur manutention (pour les gros équipements, surtout), - Le respect d’exigences géométriques de positionnement très sévères (en particulier, positionnements des composants lourds du circuit primaire : cuve, générateurs de vapeur, pompes primaires, etc. ou, autre exemple, alignement des machines tournantes accouplées, etc.).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Les raccordements mécaniques des différents équipements entre eux (cuves, pompes, échangeurs de chaleur, etc.) par des réseaux de tuyauteries majoritairement raccordées par soudage (exceptionnellement raccordées mécaniquement par brides démontables). Il en résulte que les montages mécaniques d’une installation nucléaire, en particulier ceux d’une centrale REP, prennent l’allure d’un immense atelier de soudage et de contrôle de ces soudures. Ces opérations de soudage sont cruciales dans la mesure où une grande partie d’entre elles concerne des systèmes classés sûreté, avec ce que cela implique à la fois en termes de contrôle de la qualité et d’assurance de la qualité. En fait, on peut distinguer deux grands types principaux de soudures : - Les soudures de « haute technologie », qui concernent essentiellement les « boucles » du circuit primaire (tuyauteries primaires raccordant la cuve du réacteur aux pompes primaires et aux générateurs de vapeur, ainsi que tuyauterie de raccordement au « pressuriseur » et quelques autres tuyauteries de systèmes directement reliés au circuit primaire). Ces tuyauteries, pour la plupart de grand diamètre et de forte épaisseur, sont constitutives de la deuxième barrière de confinement des produits radioactifs et leurs soudures font donc l’objet de contrôles draconiens. - Les soudures « courantes », portant sur les tuyauteries dites auxiliaires, de diamètres et épaisseurs plus faibles, qui sont techniquement beaucoup plus faciles à réaliser, mais posent des problèmes organisationnels (cf. encadré ci-dessous) :

Pourquoi les tuyauteries auxiliaires sont-elles difficiles à monter ? Ces difficultés sont essentiellement organisationnelles et résultent : – Des tracés « tortueux » des lignes, conséquence directe du « casematage » des locaux (pour des raisons de radioprotection) et de leur exigüité (sujet déjà évoqué dans le chapitre 3) : les tronçons préfabriqués de tuyauteries doivent alors être introduits dans un ordre très précis, faute de quoi leurs soudures de raccordement pourraient ne pas pouvoir être réalisées et/ou contrôlées, – Du volume de travail à réaliser, très important dans le temps imparti. Ce qui impose une productivité élevée et la mobilisation d’équipes très importantes, qu’il faut former, coordonner et… faire travailler dans des espaces restreints. L’expérience préalable de ce type de chantier devient de ce fait un facteur crucial de compétitivité.

On est ici bien davantage dans des difficultés classiques de type « industriel ». Les indicateurs d’avancement physique utilisés sont également très classiques, comme pour toute grande réalisation industrielle : masses de tuyauteries soudées (exprimés en tonnes et plutôt représentatives des grosses tuyauteries) et longueurs des cordons de soudures réalisées (souvent exprimées en pouces soudés, et plutôt représentatives des tuyauteries moyennes ou petites, dont les masses sont faibles).

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5. L’ingénierie de réalisation sur site

– Les raccordements, également mécaniques, des différents composants des systèmes de ventilation (ventilateurs, batteries froides ou chaudes, filtres et pièges à iode, clapets, etc.) par des réseaux de gaines, omniprésents et très étendus dans les installations nucléaires (cf. encadré ci-dessous) :

Pourquoi les réseaux de ventilation sont-ils omniprésents dans les installations nucléaires ? Compte tenu de leurs fonctions (explicitées au chapitre 3), les réseaux de ventilation sont amenés à circuler dans tous les locaux de l’îlot nucléaire, majoritairement constitués de « casemates ». La présence de gaines de ventilation en sus des réseaux de tuyauteries et des chemins de câbles conduit bien souvent à un encombrement de l’espace qui complexifie les montages.

Comme pour les tuyauteries auxiliaires, et malgré des techniques d’assemblage nettement plus simples, les difficultés essentielles résident dans l’organisation de chantiers très ramifiés dans des locaux exigus (les gaines vont presque partout…). Les difficultés sont donc ici encore de type « industriel ». Les indicateurs d’avancement physique utilisés sont généralement les longueurs développées de gaines posées, exprimées en mètres.

• Montages électriques et d’instrumentation / contrôle commande Ils comprennent deux grands types d’activités : – L’introduction des équipements dans les locaux (tableaux de distribution électrique de puissance de divers types, moyenne, basse et très basse tension, actionneurs électriques et capteurs, armoires et autres équipement de contrôle commande, y compris salle de commande, etc.) et leur fixation aux structures ou aux équipements mécaniques. Ces opérations sont techniquement faciles, si l’on excepte l’exigüité des locaux. – Les raccordements électriques des différents équipements ci-dessus par des réseaux de câbles de différents types (câbles de puissance de moyenne, basse et très basse tension, câbles de contrôle, câbles de mesure, câbles spéciaux, etc.) supportés par des chemins de câbles. Ces liaisons sont extrêmement nombreuses dans une installation nucléaire, ce qui est source des principales difficultés (cf. encadré ci-dessous) :

Pourquoi les montages électriques sont-ils difficiles dans les installations nucléaires ? Comme pour les tuyauteries auxiliaires et les réseaux de ventilation, les montages des réseaux de câbles et de leurs supports relèvent de techniques simples. La difficulté réside, une fois de plus, dans l’organisation de chantiers encore plus ramifiés que ceux des tuyauteries et des gaines (les câbles vont partout) avec un nombre très élevé de liaisons à gérer.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

On retrouve ainsi, encore une fois, les difficultés liées à l’exigüité des locaux, aggravées par la nécessité de mobiliser, coordonner et contrôler une maind’œuvre très importante pour réaliser : – Les tirages de câbles (sur leurs chemins de câbles respectifs, opération de très faible technicité en elle-même), – Puis surtout les raccordements de leurs extrémités (opérations nettement plus techniques, selon les types de câbles concernés).

Les difficultés principales des montages électriques sont donc encore et toujours classiques et essentiellement de type « industriel ». Les indicateurs d’avancement physique utilisés sont généralement les longueurs développées de chemins de câbles posés, exprimées en mètres, les longueurs de câbles déroulés sur les chemins de câbles, exprimées le plus souvent en kilomètres, et les nombre de raccordements réalisés aux extrémités des câbles.

• Le facteur commun des points durs de type « industriel » … L’explication de ces points durs de type « industriel » (cf. définition dans l’encadré ci-dessous), en facteur commun pour tous les corps de métier, est à rechercher dans la structure même des bâtiments nucléaires : leur « casematage » généralisé, complexifie dans un premier temps le génie civil, puis ensuite les montages électromécaniques, avec le facteur aggravant de l’exigüité des locaux.

Comment définir un point dur « industriel » ? Il caractérise des travaux qui, bien que n’ayant aucune spécificité nucléaire, sont néanmoins soumis à des exigences de Qualité élevées et : – De technicité moyenne, voire même faible, le respect des exigences de Qualité étant cependant rendu difficile par les conditions de chantier, – À réaliser en (très) grande masse, en manipulant un nombre très élevé de documents et/ou mettant en œuvre un nombre très élevé de composants, etc. le tout dans un temps contraint, impliquant des cadences de travail élevées, – À réaliser dans des espaces ou locaux le plus souvent exigus (spécificité des installations nucléaires…), – Peu, voire pas automatisables, qui restent donc très manuels et requièrent la mobilisation d’une main-d’œuvre très nombreuse, avec deux conséquences importantes : - Un recrutement large et donc souvent hétérogène, - Une plus grande difficulté consécutive à amener la totalité des travailleurs au niveau requis de compétence et d’expérience. Il en résulte ainsi presque toujours une sous-productivité d’apprentissage au début de chaque phase de travaux, qui peut parfois se prolonger en cas de difficultés à recruter rapidement.

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– Qui requièrent beaucoup d’organisation et de coordination, donc des compétences fortes dans ces domaines, y compris à des niveaux intermédiaires de terrain (en particulier celui des chefs d’équipe, qui jouent un rôle essentiel dans l’organisation locale des chantiers). Or, de telles compétences ne sont pas toujours très répandues dans les entreprises réalisant les travaux.

Qu’en est-il des travaux et montages beaucoup plus « techniques » donc délicats ? On trouve par exemple dans cette catégorie le montage des composants du circuit primaire principal d’un réacteur REP, avec en particulier le soudage des boucles primaires, relevant de techniques métallurgiques de pointe. L’expérience montre que, paradoxalement, ils ne constituent pas systématiquement des points durs. Pourquoi ? L’explication est probablement dans la… difficulté même de ces travaux : celle-ci ayant été parfaitement identifiée, tout est fait en conséquence pour y faire face : préparation et organisation des travaux, sélection des spécialistes hautement qualifiés et entrainés amenés à réaliser les travaux, etc. Ce qui conduit en définitive à des opérations parfaitement maîtrisées, le facteur clé étant celui de la compétence.

• « Imbrication » des phases de construction/montage En fait, les différentes phases de construction (génie civil) et de montage (électromécanique) décrites ci-dessus sont fortement imbriquées, pour deux raisons essentielles : – Par nécessité d’abord, pour un petit nombre d’équipement mécaniques qui doivent être introduits à l’avancement du génie civil car il n’est plus possible ensuite de le faire compte tenu du « casematage » déjà évoqué de ces structures (cas de certains équipement installés dans les niveaux bas du bâtiment réacteur, par exemple), – Pour optimiser le planning de réalisation, ensuite. Les montages mécaniques débutent ainsi généralement dès que les locaux nécessaires sont « hors d’eau » et suffisamment finis. Quant aux montages électriques, ils débutent dès que les « gros » équipements mécaniques sont installés et raccordés dans les locaux concernés, etc. Cette forte imbrication entre les différentes phases de construction et de montage est un point clé de la planification, qui fait l’objet de développements spécifiques dans un paragraphe ultérieur de ce chapitre. • Passage d’une logique géographique (« zones de montage ») à une logique fonctionnelle (« systèmes ») : imbrication montages / essais Pour des raisons évidentes d’organisation générale et de productivité, les montages, aussi bien mécaniques qu’électriques, sont réalisés par « zones de montages », c’est-àdire selon une logique « géographique » pendant leur plus grande partie. 157

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Cependant, cette logique ne permet en général pas de terminer les montages des systèmes de manière compatible avec le démarrage des essais et la mise en service. C’est pourquoi il est nécessaire, à un certain stade de « fin de montages » (qui se situe, en ordre de grandeur, aux environs de 97 à 99 % d’avancement, selon le cas) de basculer vers une logique « fonctionnelle » (fondée sur des « systèmes » ou a minima des « sous-systèmes » pertinents d’un point de vue fonctionnel). Ce basculement d’une « logique de montage » à une « logique d’essais » peut donc s’accompagner à nouveau d’une imbrication qui peut être importante entre, cette fois, des fins de montage (qui se poursuivent) et un début des essais.

Conditions nécessaires à une réalisation sur site ¾ Les trois « conditions » de base d’une réalisation industrielle Toute réalisation industrielle sur un site implique que trois « conditions » soient satisfaites simultanément, à savoir la disponibilité physique sur le site et au bon moment (défini par le planning général de réalisation) des : – Plans et documents de réalisation, – Matériaux et matériels entrant dans les réalisations, – Équipes de réalisation, dotées de compétences adaptées à la fois en qualité et nombre pour : - Coordonner, - Réaliser, - Contrôler. Il est à noter que ces trois « conditions » se combinent selon une logique « ET » : qu’une seule d’entre elles manque ou soit défaillante (par exemple : absence de plans, retard de livraison d’un composant, manque de personnel compétent, coordination défaillante, etc.) alors la réalisation ne pourra respecter les exigences QCD initialement spécifiées. La satisfaction permanente de ces trois « conditions » est donc au cœur de la maîtrise de constructions complexes telles que les grandes installations nucléaires, qui : – Mettent en jeu des dizaines (voire des centaines) de milliers de documents, composants et matériels, – Impliquent une programmation initiale et un suivi extrêmement détaillés et de tous les instants.

¾ Des responsabilités multiples L’art est d’autant plus difficile que les responsabilités dans la maîtrise de ces « conditions » de réalisation sont multiples, comme résumé dans le tableau

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5. L’ingénierie de réalisation sur site

ci-dessous : « Condition » de réalisation

Responsabilité première

Responsabilité seconde

Plans et documents de réalisation

Ingénierie d’études

Bureaux d’études sous-traitants ou fournisseurs concernés

Matériaux et matériels électromécaniques

Ingénierie d’achat

Fournisseurs et entrepreneurs concernés

Équipes de réalisation sur site Ingénierie de réalisation (2) Entrepreneurs et entreprises de correctement dimensionnées (1) + montage concernés Ingénierie d’achat (3) (1) En effectifs, compétences et qualifications requises, en fonction des travaux à réaliser, (2) Pour les aspects opérationnels sur site, (3) Pour les aspects contractuels (en liaison avec l’ingénierie de réalisation).

¾ De l’utilité d’une « boucle de relance anticipative »… Les travaux réalisés sur site constituent en outre le « point d’accumulation naturel » de tous les aléas générés au stade des activités amont : – D’ingénierie d’études et/ou d’achat (typiquement, retards dans la livraison des documents et/ou des matériels, etc.), – De site (typiquement, retards des phases de réalisation antérieures). Or, l’ingénierie de réalisation, qui est bien normalement en première ligne pour faire face à l’ensemble de ces aléas, quelle qu’en soit l’origine, ne dispose pas directement des leviers d’action sur les tâches d’ingénierie placées sous les responsabilités respectives : – De l’ingénierie d’études pour la fourniture des plans et documents, – De l’ingénierie d’achat pour la fourniture des matériaux et matériels, – Et, indirectement, des très nombreux fournisseurs, bureaux d’études, sous-traitants, etc. dont les deux branches d’ingénieries précédentes assument le pilotage. Il va de soi que les activités des ingénieries d’études et d’achat ont chacune leur propre « boucle de pilotage ». On peut comparer ces dernières à des « boucles de régulation » d’automatismes industriels (cf. également chapitre 7 sur ce sujet) avec leurs « actions » proportionnelles (corrections immédiates des écarts), dérivées (mesures anticipatives en cas de dérive) et intégrales (mesures de rattrapage demandant un certain délai). Ces « boucles » sont-elles cependant suffisantes pour garantir le résultat ? Non, car elles sont indépendantes l’une de l’autre. Il faut donc les englober dans ce que l’on pourrait appeler une « boucle de relance anticipative », à action essentiellement dérivée, permettant à l’ingénierie de

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

réalisation d’anticiper globalement les risques de retards documentaires et/ou de matériels, pour : – Rappeler les ingénieries « amont » concernées à leurs engagements respectifs, lorsqu’il en est encore temps, – Minimiser les conséquences de ces retards sur les activités de site, si ces retards sont devenus inévitables. Notamment en agissant sur les moyens organisationnels et humains affectés aux travaux sur le site. Une telle « boucle de relance anticipative » ne peut cependant fonctionner que sur la base d’informations fiables portant sur des événements précurseurs se produisant suffisamment avant le besoin sur site. Par exemple (non exhaustif) : – L’émission des plans de réalisation au stade préliminaire (avant revue) pour les documents, etc. – Des étapes de fabrication bien choisies pour les matériels, etc. – Les mesures d’avancement physique (cf. également chapitre 7) des corps de métiers concernés par les activités de site, associées à l’analyse des moyens humains affectés, permettant de mesurer la productivité du travail et d’en extrapoler les tendances, etc. NB : par son caractère transverse multi-domaines, le fonctionnement de cette « boucle de relance anticipative » relève normalement du management de projet (cf. chapitre 7). Mais sa mise en œuvre peut être déléguée à l’ingénierie de réalisation, directement intéressée au résultat…

Essais de démarrage et mise en service d’une installation nucléaire Comme leur nom l’indique, les essais de démarrage et de mise en service ont pour but d’amener progressivement l’installation à un stade pleinement opérationnel, la rendant apte à assurer une exploitation industrielle et commerciale conforme aux exigences de sûreté et au cahier des charges. C’est un processus complexe : – Relativement long (de l’ordre de 18 mois au total, pour une centrale REP par exemple, entre les tout premiers essais et les essais définitifs de réception), – Très progressif, les différents systèmes étant tour à tour essayés et mis en service individuellement, puis ensemble, de sorte que l’installation devienne opérationnelle de proche en proche, selon une logique fonctionnelle bien précise, – Très formalisé, au travers de procédures de type « check-lists » permettant de ne rien laisser au hasard (en couvrant tous les états de fonctionnement) et de tracer rigoureusement tous les événements, et leurs résultats, – Conçu pour : - Assurer en toutes circonstances la sécurité physique des personnes et l’intégrité des matériels. Et bien sûr la sécurité nucléaire à partir du moment où l’installation prend ce caractère (en principe dès l’arrivée du premier élément combustible sur le site, pour un réacteur nucléaire),

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5. L’ingénierie de réalisation sur site

- Vérifier la conformité à la conception des paramètres essentiels de l’installation : > Entrant dans les études de sûreté, > Faisant l’objet d’engagements contractuels et commerciaux (essais de réception de l’installation, en particulier). – Qui enfin implique la mise en place d’une organisation commune claire entre, d’une part l’ingénierie de réalisation, responsable de la mise en œuvre de ce processus d’essais, d’autre part le futur exploitant, seul responsable à tout instant de la sécurité nucléaire dès que l’installation prend ce caractère . La phase d’essais est également mise à profit pour valider les différentes procédures d’exploitation (normales, incidentelles et, pour certains aspects, accidentelles). Ces différents sujets sont développés et précisés ci-après.

¾ Structuration d’un processus d’essai Pour une installation subdivisée en systèmes fonctionnels « élémentaires », le processus d’essai doit couvrir à la fois : – Chacun des systèmes pris isolément, – Les échanges aux interfaces entre ces systèmes, – Les fonctionnements multi-systèmes, jusqu’à l’intégration de la totalité de l’installation.

• Structuration des essais par systèmes Le contenu détaillé des essais d’un système dépend bien sûr de la nature et des caractéristiques de ce dernier. On retrouve cependant toujours la même logique dans la mise en service d’un système, qui conduit à une structuration assez standardisée des procédures, à savoir : – On commence toujours par procéder au « récolement » du système, qui consiste à en « faire le tour » pour s’assurer que son contenu et ses limites sont conformes aux schémas mécaniques et électriques (cette opération se situe en fait à l’interface entre les montages et les essais), – On continue ensuite par les « essais à blanc », qui consistent à s’assurer que le contrôle commande du système (protections et régulations) fonctionne correctement, – On peut alors procéder en toute sécurité aux premières « mises en fluide », qu’il s’agisse de mise sous tension de puissance, de mise en eau, etc., – Interviennent ensuite les « premières rotations » de machines tournantes (pompes et autres matériels tournants ou fonctionnels), – Le système étant devenu opérationnel, on procède alors aux mesures de ses principaux paramètres fonctionnels pour s’assurer qu’ils sont conformes à la conception, à la fois en régime nominal et en régime dégradé, le cas échéant.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Cette étape prend une particulière importance quand le système concerné est classé « sûreté » et comporte des paramètres dont les valeurs sont prises en compte dans les études de sûreté (études d’accidents et de leurs parades). – Enfin, on procède aux essais fonctionnels du système dans des situations dégradées, qui comprennent essentiellement les essais de pertes de sources électriques, pour s’assurer que son comportement, notamment son état de « repli », est conforme à la conception. Ce processus d’essais est formalisé, pour chacun des systèmes, par des procédures détaillées définissant classiquement : – Le programme général exhaustif des essais à réaliser, avec leur planification, – Des procédures détaillées de réalisation, qui s’apparentent à des « check-lists », et peuvent être complétées par des guides types pour les essais présentant un caractère répétitif, – Des procédures d’enregistrement des résultats d’essais. Ces derniers faisant l’objet de revues par l’ingénierie d’études et par l’Autorité de sûreté nucléaire (ou ses supports techniques) si des paramètres relatifs à la sûreté sont concernés. Sont également testées lors des essais, les procédures : – De conduite (normale et incidentelle), – D’essais périodiques. À noter que ce type de structuration documentaire vaut également pour les essais multifonctionnels et les essais d’ensemble (cf. ci-après).

• Structuration des essais multifonctionnels Différents systèmes ayant été essayés et mis en service séparément, il s’agit maintenant de les faire fonctionner ensemble. Si l’on prend l’exemple d’une centrale REP, ces essais revêtent une grande importance car ils permettent de qualifier progressivement l’installation sous les aspects fonctionnels et sûreté, en particulier. Plusieurs grandes étapes peuvent être citées à cet égard, étant entendu que ce qui suit ne constitue qu’une présentation très générale à but illustratif : « Essais fonctionnels cuve ouverte » (ou EFCO)

Ils consistent à faire fonctionner divers systèmes fluides vers la cuve du réacteur vide de tous composants pour, en particulier (non exhaustif) : – Parachever le nettoyage des circuits d’eau débouchant dans la cuve, – Vérifier les paramètres de sûreté (valeurs des débits, notamment) des systèmes d’injection de sécurité dans la cuve, qui concernent directement les études d’accident.

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5. L’ingénierie de réalisation sur site

« Essais à froid de la chaudière nucléaire » (ou EAF)

Ils permettent notamment de (non exhaustif) : – Faire fonctionner en pression, pour la première fois, l’ensemble du circuit primaire (premier démarrage des pompes primaires, premier fonctionnement du pressuriseur, etc.), – Procéder à l’épreuve hydraulique du circuit primaire, étape technique et réglementaire majeure. « Essais à chaud de la chaudière nucléaire » (ou EAC)

Ils consistent essentiellement à faire fonctionner, et ce également pour la première fois, l’ensemble de la chaudière nucléaire (y compris cette fois le secondaire des générateurs de vapeur) aux conditions thermodynamiques nominales de température et de pression. Ils constituent une sorte de répétition générale « à blanc » (avant le chargement du combustible nucléaire) des conditions de fonctionnement thermodynamiques de la chaudière, permettant notamment de (non exhaustif) : – S’assurer du bon comportement fonctionnel de l’ensemble des systèmes, – Procéder aux tarages des soupapes de sécurité, aux réglages des protections et régulations, etc., – Commencer à valider certaines procédures de conduite. Épreuve de l’enceinte de confinement

Elle consiste à porter la pression interne de l’enceinte de confinement à sa pression de calcul (5 à 6 bar absolus environ selon les cas) pour : – S’assurer que les déformations constatées sont conformes aux calculs de dimensionnement (notamment autour des points singuliers que sont les différentes ouvertures pour entrées des personnes et surtout des matériels), – Mesurer les débits de fuite résiduels pour s’assurer qu’ils restent inférieurs aux valeurs prises en compte dans les études d’accident.

• Structuration des essais d’ensemble À l’issue des essais multifonctionnels ci-dessus, et après d’éventuels ultimes travaux de mise en conformité, le chargement en combustible nucléaire peut intervenir. La phase d’essais d’ensemble peut alors commencer dès la fermeture de la cuve, et comporte plusieurs étapes : « Essais thermo hydrauliques et mécaniques du cœur »

La chaudière, chargée cette fois de son combustible nucléaire, est à nouveau amenée aux conditions thermodynamiques nominales, ce qui permet de faire un certain nombre de vérifications essentielles, notamment (non exhaustif) :

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– Vérifier les débits internes grâce à l’instrumentation d’exploitation, – Mesurer les temps de chute des grappes de contrôle de la réactivité, qui constituent un critère de sûreté majeur en termes de maîtrise de la réactivité. « Essais physiques du cœur »

Ils ont notamment pour but de (non exhaustif) : – S’assurer de la conformité du cœur, c’est-à-dire de vérifier qu’il n’y a pas eu d’erreur : - D’enrichissement dans la fabrication des éléments combustibles, - De chargement (mauvaise répartition d’éléments combustibles). – Procéder aux réglages et calibrages de l’instrumentation nucléaire, – Vérifier différents coefficients neutroniques du cœur. La réalisation des essais physiques implique une expertise poussée en conception de cœurs, combustible, physique nucléaire et neutronique, mise en œuvre à cette occasion pour la première fois sur l’installation (les essais précédents n’ayant eu jusque là aucun caractère nucléaire). Il va de soi que cette expertise va à nouveau être nécessaire tout au long de la montée en puissance (cf. ci-dessous). Première divergence et montée progressive en puissance

À l’issue des essais physiques, on procède à la première divergence, qui donne lieu à de nouveaux essais (cartes de flux neutroniques, notamment) à différents niveaux de puissance : – À puissance nulle, réacteur divergé, dans un premier temps, pour des essais physiques complémentaires, – Puis à des niveaux de puissance progressivement croissants : - De l’ordre de 5 % dans un premier temps, permettant : > Le premier lancement du groupe turboalternateur et les premiers essais de ce dernier (réglages des régulations turbine, essais à vide et en court-circuit de l’alternateur, etc.), > Puis le premier couplage au réseau, ouvrant ainsi la voie à la montée en puissance progressive, selon différents paliers de puissance, jusqu’à 90 % de la puissance nominale en général, - Puis enfin montée à la pleine puissance (100 % de puissance neutronique et thermique du réacteur), valeur critique : > Sous l’aspect sûreté, les études de dimensionnement et d’accident étant essentiellement fondées sur la puissance maximale de certification (exprimée en MW thermiques dissipés dans le cœur), > Qu’il convient d’étalonner grâce à des mesures thermodynamiques (fondées sur les mesures des enthalpies et des débits de vapeur en sortie des générateurs de vapeur, seules à même de donner une valeur absolue de puissance) permettant de caler les mesures neutroniques.

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5. L’ingénierie de réalisation sur site

Essais lors de régimes transitoires

Il s’agit de vérifier que l’installation se comporte comme prévu lors de certains transitoires d’ampleur variable, comportant le plus souvent (non exhaustif) : – Des variations de puissance d’ampleur modérée (« rampes » ou « sauts » de faible puissance, à la montée comme à la descente), – De très grandes variations de puissance à partir de la pleine puissance, en cas : - D’îlotage de la tranche (vérification de la capacité de l’installation à rester opérationnelle après un découplage brutal du réseau, pour être prête à être recouplée sans délai), - De déclenchement turbine (vérification de la capacité de l’installation à ne pas conduire à un arrêt automatique du réacteur dans ce cas). Essais en situations dégradées

Ces essais consistent notamment à simuler : – La perte des sources électriques extérieures (ligne d’évacuation principale et ligne auxiliaire) qui conduit au démarrage des groupes diesels de secours, – La perte successive de chacune des sources électriques redondantes de contrôle commande, afin de vérifier que l’installation se comporte en tous points comme prévu. Même si les diverses sources concernées restent en réalité disponibles en cas de besoin, de tels essais sont délicats à réaliser car ils mettent l’installation dans des situations potentiellement incidentelles. Ils sont cependant indispensables pour qualifier l’installation et valider les procédures de conduite correspondantes. Essais de réception

Ces essais ont un but essentiellement contractuel et commercial : vérifier les valeurs garanties qui fondent la compétitivité économique de l’installation. Pour une centrale REP, on trouve ainsi a minima la vérification (non exhaustif) : – De la puissance nette garantie (part « vendable » de l’électricité produite), résultat de la différence entre : - La puissance brute aux bornes de l’alternateur, - Les pertes internes à l’installation, comprenant : > Les consommations des auxiliaires (moto pompes, ventilateurs, etc.) > Les autres pertes (pertes internes des transformateurs, etc.) Cette puissance garantie est en principe mesurée à la puissance (thermodynamique et neutronique) de 100 % du réacteur. Ce faisant, elle constitue une mesure du rendement global de l’installation à pleine puissance (à noter que, pour des installations destinées à faire du suivi de charge et pas seulement de la production de base, des points de mesure à des puissances intermédiaires, par exemple 75 %, voire parfois 50 %, peuvent être réalisés).

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– Du taux d’humidité maximum garanti de la vapeur à la sortie des générateurs de vapeur (GV). Ce paramètre est essentiel à la tenue dans le temps des tuyauteries de vapeur principales et des organes d’admission de la turbine, car la présence de gouttelettes d’eau dans le flux de vapeur à grande vitesse est une source d’érosion des parois. – De la disponibilité garantie de l’installation. Ce paramètre est plus difficile à mesurer, dans la mesure où la disponibilité de l’installation dépend non seulement de sa qualité fiabilité intrinsèque, mais aussi de facteurs exogènes tels que : - Les possibles fausses manœuvres d’exploitation, plus fréquentes en phase de début d’exploitation, - Le mode d’exploitation de l’installation (fonctionnement en base ou en suivi de charge, ce dernier mode étant davantage générateur d’aléas techniques), - Les incidents électriques remontant du réseau, etc. Il est donc nécessaire d’analyser les indisponibilités pour en identifier les causes. Deux approches différentes sont généralement utilisées pour faire la « preuve » de la disponibilité, déduction faite des aléas exogènes dans les deux cas : - Soit, méthode la plus courante, un test d’endurance d’une certaine durée (a minima 30 jours d’affilée, ou davantage, 60 voire 90 jours) au cours de laquelle la fiabilité intrinsèque de l’installation ne doit pas être mise en cause (faute de quoi, la période de test est en général à reprendre), - Soit la mesure de la disponibilité constatée de l’installation durant le premier cycle de combustible. À ces garanties majeures concernant la performance économique de long terme, peuvent venir s’ajouter d’autres types de garanties, concernant l’environnement notamment. Comme par exemple le niveau de bruit : – En salle de commande (qui touche en fait directement à l’ergonomie des postes des opérateurs, et donc indirectement au niveau de fatigue de ces derniers, qui y résident en permanence), – Aux limites du site (concerne l’impact sur le voisinage).

¾ Analyse des résultats d’essai : qualification de l’installation L’analyse des résultats d’essais est un processus continu, qui suit en principe immédiatement leur réalisation. On distinguera trois types de résultats :

• Résultats relatifs à la conformité des systèmes Ils attestent du bon fonctionnement / dimensionnement des systèmes, compte tenu des marges et tolérances fixées. En cas d’écart dépassant ces tolérances, des mesures correctives peuvent le cas échéant être prises.

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• Résultats relatifs à la démonstration de sûreté Il s’agit des résultats qui permettent de démontrer la sûreté de l’installation. À titre d’exemple : résultats des épreuves en pression de l’enceinte et des débits de fuite éventuels associés, débits d’injection des systèmes de sécurité, temps de démarrage des groupes diesels, temps de chute des grappes d’arrêt de la réactivité, valeurs des différents coefficients neutroniques du cœur, etc. L’objectif essentiel est ici de vérifier que les valeurs mesurées, déduction faite des erreurs de mesure, satisfont les critères de conception touchant la sûreté, en particulier celles qui entrent dans les études d’incidents et d’accident. Ces résultats : - Font, comme déjà dit plus haut, l’objet d’une revue critique par l’Autorité de sûreté nucléaire et/ou ses supports techniques, - Conditionnent directement l’obtention d’un certain nombre d’autorisations délivrées par l’Autorité de sûreté nucléaire au cours de la phase de démarrage (c’est notamment le cas pour : le premier chargement en combustible nucléaire, la première divergence, les montées en puissance successives aux différents paliers, etc.). - Sont, pour certains d’entre eux, intégrés dans la version définitive du rapport de sûreté.

¾ Réception de l’installation Il s’agit d’une étape contractuelle évidemment majeure, qui (non exhaustif) : – Change la nature de l’installation qui entre alors dans sa phase d’exploitation industrielle / commerciale (selon la dénomination retenue), – Marque en général le transfert de propriété définitif au Maître d’Ouvrage (qui est aussi souvent l’exploitant), – Sert de point de départ aux garanties contractuelles des matériels, – Déclenche : - Les derniers termes de paiement au(x) fournisseur(s), - La période d’amortissement et de remboursement des emprunts, La réception est conditionnée par : – Des résultats d’essais satisfaisants dans tous les domaines cités ci-dessus, – La remise au Maître d’Ouvrage/exploitant de la documentation contractuelle (d’exploitation, d’entretien, etc.) étape toujours laborieuse compte tenu du volume de cette dernière, – La satisfaction de toutes les autres conditions contractuelles afférentes à cette échéance. Cependant, compte tenu de la grande complexité des installations nucléaires, la pratique conduit la plupart du temps à distinguer deux étapes dans le prononcé de la réception :

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• Réception provisoire Elle est prononcée dès l’issue de la phase d’essais et de l’analyse complète des résultats de ces derniers, mais est assortie de réserves, qui doivent être levées dans un délai convenu. Ce choix : – N’est bien sûr possible qu’en cas de réserves mineures, ne comportant pas de points bloquants et autorisant une exploitation de l’installation parfaitement sûre et suffisamment performante, – Permet au Maître d’Ouvrage de bénéficier des fruits de son investissement sans attendre, – Est en contrepartie assorti de retenues de paiement adaptées (par exemple, du dernier terme ou d’une partie de celui-ci, selon les accords contractuels). • Réception définitive Elle est prononcée lorsque toutes les réserves citées dans le procès-verbal de réception provisoire ont été levées. Elle peut intervenir un an par exemple après la réception provisoire, voire à l’issue du premier rechargement (dans le cas où des travaux de mise au point sont prévus et ne peuvent être réalisés qu’à cette échéance).

¾ Organisation commune ingénierie-exploitant Tout au long de la phase d’essais de démarrage / mise en service, une organisation commune pertinente et rigoureusement définie entre, d’une part l’ingénierie de réalisation (responsable de la réalisation concrète des essais), d’autre part l’exploitant (responsable de la sécurité nucléaire de l’installation) est indispensable. Le facteur clé d’une organisation de ce type est l’implication précoce de l’exploitant dans le processus d’essais et de mise en service de l’installation, qui présente deux avantages majeurs : – Du point de vue de l’exploitant, elle permet à ses équipes « d’apprendre » progressivement l’installation, ce qui est un atout majeur pour des installations aussi complexes, qui demandent nécessairement un long temps de formation. Dans ce cadre, les opérateurs de l’exploitant doivent dès que possible être « aux manettes » en salle de commande, même s’ils agissent le plus souvent sous les instructions de l’ingénierie en phase de réalisation des essais. Sauf bien sûr en matière de sécurité nucléaire, pour laquelle la responsabilité de l’exploitant doit être pleine et entière dès le début du chargement du réacteur en combustible nucléaire. – Du point de vue de l’ingénierie, la contrepartie se situe dans deux domaines : - Elle réalise ses essais dans un cadre organisationnel très rigoureux, qui est celui d’une pré-exploitation nucléaire, qui assure notamment la sécurité des personnes (ce qui ne dispense évidemment pas l’ingénierie de prendre sa part dans ce domaine),

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- Elle peut déléguer à l’exploitant la prise en charge et l’exploitation provisoire des systèmes essayés et mis en fonctionnement continu. Ce qui la dispense d’avoir à mettre en place des équipes en travail posté, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. NB : pour ce qui concerne les aspects contractuels, la règle habituelle est la neutralité : l’implication précoce de l’exploitant ne lui fait prendre aucune responsabilité contractuelle, qui reste du seul ressort de l’ingénierie et de ses fournisseurs, tant que l’installation ne lui a pas été transférée (cf. plus haut).

Imbrication et coordination des tâches : deux points clés des réalisations complexes Deux types d’imbrications (également appelées « tuilage ») des tâches doivent être distingués : – L’imbrication « planifiée », déjà évoquée plus haut, qui permet d’optimiser la durée globale de réalisation sans faire interférer en un même lieu les différents corps de métiers présents sur le site, – L’imbrication « non planifiée », qui fait interférer en un même lieu (ou en des lieux très proches) plus d’un corps de métiers présents sur le site. Ces deux types d’imbrications sont successivement analysés ci-après.

¾ L’imbrication planifiée des tâches, source d’optimisation du délai global de réalisation Il s’agit ici d’estimer la réduction de la durée globale de réalisation permise par l’imbrication planifiée des tâches entre : – D’une part, le génie civil et les montages électromécaniques, – D’autre part, les montages électromécaniques et les essais de démarrage. Nous prendrons pour ce faire l’exemple du planning théorique de réalisation d’une centrale EPR, dont la durée totale de construction (entre le point de départ, conventionnellement fixé par le « 1er béton de structure classé » et le point d’arrivée, défini par l’atteinte de la « pleine puissance ») est fixée à 100 (en base relative). Nous distinguerons en outre pour l’analyse deux phases successives dans le planning global : – La phase dite « non nucléaire », allant du « 1er béton » au chargement en combustible du cœur (qui comprend : la réalisation du génie civil, les montages électromécaniques et les essais de démarrage hors combustible en cœur). Durant cette phase, aucune réaction en chaîne ne se produit, d’où sa dénomination, – La phase dite « nucléaire » de montée en puissance, allant du chargement jusqu’à l’atteinte de la pleine puissance (étant entendu que la première divergence intervient très peu de temps après la fin du chargement et la fermeture de la cuve, suivies des essais physiques de vérification de conformité du cœur).

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Sur la base de ce découpage, on obtient alors les durées relatives indiquées dans le tableau ci-après : Durée totale de réalisation entre « 1er béton » et « pleine puissance » : Base (relative) = 100 Durée totale de la phase « non nucléaire » : # 88 % Dont : * Réalisation du génie civil # 52 % * Montages électromécaniques # 43 % * Essais de démarrage hors combustible en cœur # 18 %

Durée de la phase de montée en puissance « nucléaire » : # 12 %

L’analyse de ces durées met en évidence plusieurs résultats :

• Le bénéfice majeur résultant de l’imbrication planifiée des tâches L’addition brute des durées du génie civil, des montages électromécaniques et des essais de démarrage hors combustible en cœur conduit à : 52 + 43 + 18 = 113 > 88 (valeurs relatives) Le gain sur la durée totale de réalisation du à l’imbrication planifiée des tâches est donc de : 113 – 88 = 25 (valeurs relatives) Ces chiffres montrent qu’en l’absence d’imbrication planifiée des tâches sur le site, la durée globale de réalisation augmenterait d’un quart ! Et que toute imbrication non optimale se traduit mécaniquement par un allongement du délai global de réalisation…

• Le « poids » du génie civil et des montages électromécaniques L’addition des durées du génie civil et des montages électromécaniques conduit à : 52 + 43 = 95 Dit autrement, la durée cumulée de ces deux seules tâches représente 95 % de la durée totale de réalisation ! Il ne faut donc pas s’étonner si ces deux activités ont un impact majeur sur la maîtrise des plannings, le génie civil (dont la durée dépasse la moitié du délai global) étant probablement le plus critique. Les premiers chantiers de l’EPR, tout comme par exemple celui du LMJ (Laser Méga Joule, construit près de Bordeaux, et qui a également mis en jeu des quantités extrêmement importantes de bétons de hautes performances) confirment tout à fait ce résultat. En conclusion, le délai de réalisation d’une installation nucléaire se gagne en très grande partie par la maîtrise du… génie civil, puis ensuite par celle des montages

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5. L’ingénierie de réalisation sur site

électromécaniques. Et ce, bien avant que l’on ait produit le moindre neutron ou faisceau de particules… Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il faille négliger la phase d’essais de démarrage, porteuse d’aléas techniques de mise au point !

¾ L’imbrication non planifiée des tâches, moyen de réduction des retards L’expérience des grands chantiers montre que, face à des retards de toutes origines, pour éviter de les aggraver et si possible essayer de les réduire, il est nécessaire d’imbriquer des tâches différentes en un même lieu. Quelques exemples types, très fréquents : – Démarrage de travaux mécaniques dès la mise « hors d’eau » de locaux dont les finitions de génie civil ne sont pas totalement terminées (cas des peintures, en particulier), etc. – Engagement de travaux d’électricité (pose de chemins de câbles, par exemple) dès la fin des travaux mécaniques « lourds », sans attendre la fin de tous les montages mécaniques, etc. Mettre en œuvre ce type d’imbrications permet donc de regagner du temps, mais il va de soi qu’il faut pour ce faire respecter impérativement un certain nombre de conditions, notamment garantir dans tous les cas : – La qualité des réalisations, – La sécurité des travailleurs, – La sécurité des matériels. Enfin, ces imbrications ne doivent pas trop dégrader la productivité du travail des différents corps de métiers concernés.

¾ Coordination des tâches : clé de l’ingénierie de réalisation La coordination est donc la clé de la maîtrise de l’imbrication des tâches, qu’elle soit planifiée ou non, et plus généralement de l’optimisation QCD des tâches, face aux aléas en tout genre qui sont le lot quotidien d’un grand chantier nucléaire. On peut donc sans doute affirmer que la coordination est « l’art majeur » du management d’un site. Elle doit s’exercer : – En permanence et à toutes les échelles de temps : long, moyen, court et très court termes (journée, voire heure en période d’essais par exemple), – De manière à la fois réactive et anticipative, – « Globalement » (sur l’ensemble des corps de métiers, qu’il s’agit de coordonner entre eux, ce qui est le rôle de l’Architecte Industriel) et « localement » (au sein de chaque corps de métiers, ce qui est le rôle de chaque entreprise de montage). En résumé, la coordination représente, avec les actions de contrôle de la qualité (cf. ci-dessous) la plus value essentielle de la fonction de Maîtrise d’Œuvre (ou encore architecture industrielle) d’une installation nucléaire.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Contrôle de la qualité des réalisations sur site Les principes de surveillance des fournisseurs évoqués au chapitre 4 à propos des documents et des fabrications en usine sont évidemment applicables, et pour les mêmes raisons de fond, aux montages sur site. Notamment l’application de l’Arrêté qualité. L’Architecte Industriel doit ainsi mettre en place une « boucle de contrôle externe » englobant la « boucle de contrôle interne » de chaque monteur, dans le but de s’assurer : – De la qualité des réalisations elles-mêmes, notamment du respect des exigences de l’Arrêté qualité pour toutes les opérations sur site relatives à la sûreté, – De la fiabilité et « robustesse » de la boucle de contrôle interne du monteur concerné. De la même manière, hors du champ d’application de l’Arrêté qualité, il peut davantage moduler ses contrôles, en fonction de considérations telles que (non exhaustif) : – La nature et la criticité des travaux, – Le niveau d’exigences requis des travaux, – La confiance qu’il a dans le monteur concerné et son système de contrôle interne. Bien entendu, des inspections (sûreté, qualité, etc.) sont également menées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ou ses représentants) sur les activités relatives à la sûreté. L’ASN contrôle également les conditions de sécurité des travailleurs. C’est donc en définitive trois boucles de contrôle « concentriques » qui doivent fonctionner simultanément, selon le schéma ci-après, auquel ont été ajoutés le suivi des délais et des coûts (figure 5.1) : Données d’entrée : exigences de qualité

(MONTEUR) Réalisaon des tâches Boucle de contrôle INTERNE : * Contrôles de la qualité * Assurance de la qualité * Sécurité des travailleurs * (Suivi des délais) (ARCHITECTE INDUSTRIEL) Boucle de contrôle EXTERNE : * Contrôles qualité des montages * Audits d’assurance de la qualité * Sécurité des travailleurs * (Suivi des délais) * (Suivi des coûts) (AUTORITE DE SURETE NUCLEAIRE) Boucle de contrôle portant sur les aspects : * Sûreté * Radioprotecon * Sécurité des travailleurs

FIGURE 5.1 Système de contrôle qualité des réalisations sur site.

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Produits de sore : montages réalisés

5. L’ingénierie de réalisation sur site

Fonctions non techniques de l’ingénierie de réalisation Ces fonctions, nombreuses et également très importantes, ont déjà été citées en introduction à ce chapitre. Cinq d’entre elles méritent cependant, de par leur importance, que l’on s’y attarde plus particulièrement :

• Sécurité des personnes sur le site La sécurité des personnes sur le lieu de travail revêt plusieurs aspects : – C’est d’abord la classique sécurité au travail, assurée en liaison avec le Comité d’hygiène et sécurité du travail (CHSCT) du site, contrôlée par l’ASN. C’est évidemment une préoccupation majeure, compte tenu des risques d’accidents corporels très importants liés à certains travaux. Ces risques peuvent cependant être éliminés ou très fortement réduits par des dispositions adéquates, physiques (protections contre les chutes, notamment), réglementaires ou techniques (contrôle et/ou limitation des courses des grues pour éviter les interférences, par exemple). – C’est ensuite la protection contre l’intrusion d’individus malveillants sur le site, qui est de la responsabilité de l’ingénierie de réalisation en phase pré-nucléaire, c’està-dire en principe jusqu’à l’arrivée du premier élément combustible sur le site. Date à laquelle c’est l’exploitant qui reprend cette responsabilité, avec des moyens matériels et humains adaptés à l’augmentation des risques qui résulte de cette arrivée. – C’est enfin la sécurité des contrats de travail sur le site, conformément au droit du travail, afin d’éviter des dérives dans ce domaine.

• Organisation des relations avec le futur exploitant Ces relations ont déjà été explicitées plus haut dans le cadre des essais de mise en service. C’est la phase la plus importante sous l’aspect opérationnel, mais pas la seule : le transfert des installations, des pièces de rechange et de la documentation contractuelle associée est aussi une étape majeure, souvent difficile compte tenu de la complexité de ces transferts. Il va de soi que toutes ces relations doivent être parfaitement organisées, faire l’objet de protocoles communs définissant les droits et devoirs des parties, les modes de fonctionnement, etc. Elles ont vocation à être intégrés dans les systèmes qualité des deux parties. • Organisation des relations avec l’Autorité de sûreté nucléaire Comme déjà évoqué plus haut, l’Autorité de sûreté nucléaire (ou ses représentants et/ ou supports techniques) intervient à deux titres : 173

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– En réalisant des inspections programmées ou fortuites sur site, concernant : - Les travaux durant la phase de construction et montage, - Le déroulement des essais durant la phase de démarrage, suivi de l’examen et de la validation des résultats concernant la sûreté. – En délivrant les autorisations permettant de progresser par étapes dans le déroulement des essais : autorisation de chargement en combustible nucléaire, de première divergence, de montée en puissance aux différents paliers, etc. Ce qui impose d’organiser et gérer la relation avec l’ASN en matière de : – Suivi réactif des « suites » des inspections, – Gestion proactive des conditions préalables nécessaires à l’obtention des différentes autorisations, qui incluent notamment les résultats des essais antérieurs.

• Conditions d’accueil et de vie locale des travailleurs du site et de leurs familles Ce sujet est également extrêmement important compte tenu de l’afflux brutal de personnes qu’induit un grand chantier nucléaire (plusieurs milliers de personnes, dont beaucoup avec leur famille) construit par définition dans un lieu peu urbanisé. Un tel afflux de population, s’il n’est pas bien préparé, est en effet de nature à entrainer des effets négatifs : – Pour les travailleurs eux-mêmes : difficultés de logement, de scolarisation de leurs enfants, etc. qui peuvent avoir des répercussions négatives sur les recrutements, – Pour les populations locales : raréfaction des logements, augmentation des prix des loyers et de l’immobilier, saturation des services publics locaux, etc. risquant de jeter un voile négatif sur les retombées positives pour l’emploi et l’économie locale. À cet égard, la mise au point et la généralisation progressive des procédures dites de « Grand chantier » au cours de la construction du programme nucléaire français a constitué une avancée très positive permettant de financer de manière anticipée les renforcements d’infrastructures nécessaires dans l’environnement des chantiers.



Autres relations avec les avec les administrations, organismes divers et élus locaux De par son impact environnemental et socio-économique, un grand chantier nucléaire implique en outre de très nombreuses relations avec les représentants de diverses administrations (telles que circulation aérienne, préfecture maritime pour un site bord de mer, agences de bassin, etc.) d’organismes divers (Chambres de commerce et d’industrie, Agence pour l’emploi, etc.) et bien sûr avec les élus locaux, à différents niveaux (maires, députés, etc.).

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Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques Après avoir traité des grandes fonctions de base de l’ingénierie que sont les études (chapitre 3), les achats (chapitre 4) et la construction sur site (chapitre 5), et avant d’aborder la fonction intégratrice globale que représente le management de projet (chapitre 7), il est nécessaire d’évoquer des sujets sans lesquels aucun projet nucléaire ne pourrait voir le jour, à savoir : – Les aspects économiques très particuliers des installations nucléaires, du fait de leur très forte intensité en capital et de leur inscription systématique dans le très long terme, – Les modes de financement associés, qui relèvent d’une ingénierie financière adaptée aux spécificités économiques du nucléaire rappelées ci-dessus et aux risques et contraintes intrinsèques de ce secteur, – Les aspects contractuels, qui relèvent de l’ingénierie contractuelle, abordée ici dans le cadre de réalisations internationales, plus complexes que des réalisations nationales, ce qui conduit donc à une approche enveloppe. Il est en outre à noter que la plupart des aspects contractuels traités ici sont également applicables aux activités d’achat traitées dans le chapitre 4, et auraient pu être abordées dans ce cadre. Cela aurait cependant conduit à des redites et le choix a donc été fait de ne traiter ce sujet qu’une seule fois, mais dans les conditions plus générales et exigeantes des contrats internationaux.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Le droit nucléaire international, qui fait appel à une ingénierie juridique très conséquente de la part des « États partie prenants », compte tenu du caractère nécessairement « transfrontière » des activités nucléaires. Ce droit spécifique traite de sujets aussi fondamentaux (non exhaustif) que la non prolifération, la responsabilité nucléaire et sa couverture ou encore la sûreté des transports de matières radioactives. – La logistique et les transports, activités stratégiques pour tout projet nucléaire, mais évidemment plus complexes encore à l’export, – Enfin les aspects politiques (le nucléaire relevant in fine des prérogatives régaliennes des États) et le poids des opinions publiques pour tout ce qui touche de près ou de loin aux activités nucléaires.

Aspects économiques Les grandes installations nucléaires de tout type classées INB ont comme caractéristique commune d’être très intensives en capital : investissements initiaux très élevés, durée de construction importante (conduisant à des intérêts intercalaires élevés avant la mise en service) et ensuite durée de vie très longue, requérant un amortissement sur plusieurs décennies. Autant dire que ces installations posent des problèmes de financement tout à fait spécifiques, à la fois par l’ampleur des sommes mises en jeu et la durée de retour sur investissement. Pour illustrer le propos, nous comparons ci-après une centrale nucléaire REP de « Génération III » à un cycle combiné fonctionnant au gaz naturel, ces deux types de machines obéissant à des logiques économiques radicalement opposées (Les chiffres donnés ci-après sont à considérer comme des ordres de grandeur indicatifs, les prix réels étant fonction d’un grand nombre de facteurs) : – La centrale REP a un coût d’investissement très élevé : (de l’ordre de 3000 + ou – 600 €/kW installé, pour fixer les idées) et sa durée de construction est longue (5 à 6 ans minimum, hors procédures amont, qui sont également longues). Mais sa durée de vie est très longue (60 ans) et son coût de combustible est ensuite très faible (caractéristiques proches de celles de l’EPR), – Inversement, la centrale à cycle combiné au gaz a un coût d’investissement très faible : de l’ordre de (800 + ou – 200) €/kW installé, pour fixer les idées, soit près de 4 fois moins que le nucléaire et sa durée de construction est faible (2,5 ans, avec des procédures amont également beaucoup plus simples et courtes, soit au total une durée environ 2,5 fois plus courte que celle d’une centrale nucléaire). Mais sa durée de vie est limitée à 25 ans au grand maximum (soit, également, une durée environ 2,5 fois plus courte que celle d’une centrale nucléaire), les progrès

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

thermodynamiques rendant de toutes façons les machines économiquement obsolètes au bout de ce délai). Mais le coût du combustible est en revanche très élevé. Ces caractéristiques se reflètent dans les structures respectives des coûts du kWh, résumées dans le tableau ci-après (étant entendu que les chiffres donnés sont, encore une fois, des ordres de grandeur indicatifs moyens) : Type de centrale Centrale nucléaire

Centrale à cycle combiné au gaz

Charges de capital

# 65 %

# 20 %

Charges de combustible et d’exploitation

# 35 %

# 80 %

Nature des charges

Modes de financement : ingénierie financière ¾ Principaux modes de financement Rappelons qu’il existe trois grands modes de financement : – Le financement sur bilan (ou corporate financing, en anglais), le plus habituel, dans lequel un producteur d’électricité finance un nouveau projet en partie sur ses fonds propres, l’autre partie, généralement majoritaire, faisant l’objet d’emprunts auprès des banques. L’avantage majeur de ce type de financement est que les remboursements des emprunts se fondent sur les revenus mutualisés de l’ensemble des moyens de production existants, en attendant que le nouveau projet génère à son tour des revenus. C’est donc une solution qui mutualise les risques et permet au producteur concerné, s’il est bien noté par les agences de notation, d’obtenir les prêts aux taux les plus bas du marché tant que son ratio d’endettement global reste bon (à titre indicatif, un producteur d’électricité ayant une bonne signature peut trouver à se financer à long terme à un taux d’intérêt inférieur à 5 %, aux conditions de 2012). – Le financement de projet (ou project financing, en anglais) qui s’est beaucoup développé depuis les années 1990 dans de nombreux secteurs, en particulier celui de la production électrique indépendante. Le principe consiste à créer une société dédiée au projet d’investissement (dite société de projet) qui va porter le projet, le financer, le construire et l’exploiter, en se rémunérant sur la vente de l’électricité produite.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Les spécificités générales du financement de projet sont résumées dans l’encadré ciaprès :

Spécificités du financement de projet Le financement de projet est une forme de financement en principe sans recours (mais souvent en fait avec un recours limité), basé sur la seule rentabilité du projet concerné, contrairement au financement sur bilan qui bénéficie des revenus mutualisés de l’ensemble des projets de l’entreprise. Les principales motivations de ce type de financement sont généralement les suivantes (non exhaustif) : – Déconsolider (affecter hors bilan) le montant de l'investissement concerné (cas par exemple d’une entreprise déjà très endettée). Mais l’exercice n’est pas sans risques… – Faire porter l'essentiel des risques inhérents au projet à une société dédiée (Société de Projet) et… aux banques prêteuses ! Mais ces dernières sont rarement disposées à jouer ce jeu sans demander des garanties… – Optimiser les apports de fonds sous forme d'une combinaison de fonds propres (capital actionnaire, ou Equity, en anglais) et de dette afin de maximiser la rentabilité des fonds propres des actionnaires par effet de levier. Généralement, les fonds propres représentent 25 à 30 % du financement total, le reste étant emprunté. Ce qui signifie que ce sont les… prêteurs qui, de facto, prennent le risque financier le plus important… Mais là encore, ils sont très attentifs… – Dernière motivation : ce type de montage permet à plusieurs partenaires d’investir en commun dans un projet, avec une très grande souplesse dans la répartition des apports et des parts dans la société de projet. Mais le financement de projet présente aussi de graves inconvénients, qui tiennent essentiellement à son caractère réputé risqué : en cas de retard ou de mauvais fonctionnement de l’installation financée, les revenus attendus ne seront pas au rendez-vous. Raison pour laquelle : – Les promoteurs (ou actionnaires du projet) réclament généralement des taux de retour d’autant plus élevés que les risques sont élevés (souvent de l’ordre de 12 à 15 %). En espérant ainsi se « couvrir »… Parade en réalité assez… illusoire en cas de mauvaises rentrées des revenus ! Car elle revient alors à réclamer des dividendes très élevés à une structure projet dépourvue de rentrées financières ! Ce qui a pour résultat de la mettre en faillite à brève échéance…

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

– Les prêteurs (banques), de leur côté : - Ajoutent des primes de risque aux taux de base des prêts, d’autant plus élevées que le risque estimé est grand (par exemple 4 ou 5 % de prime de risque, en sus du taux de base), ce qui porte le taux d’intérêt réel de 5 à… 9 ou 10 % ! - Exigent des garanties matérielles (sûretés de premier rang) sur les actifs de la Société de Projet. Mais que vaut une installation qui ne fonctionne pas ? - Exigent donc en outre des garanties supplémentaires, en particulier des garanties financières plus ou moins étendues des maisons mères (quand elles existent) des promoteurs du projet ! Le résultat le plus clair de ce qui précède est qu’un financement de projet est nécessairement plus cher, voire beaucoup plus cher (quand il est sans recours) qu’un financement sur bilan ! Enfin, le processus de financement de projet lui-même est d’une très grande complexité et mobilise pendant de très longs mois des équipes entières de financiers, avocats, fiscalistes, assureurs, etc. qui décortiquent les contrats (notamment celui ou ceux de construction des installations, etc.). Ces experts coûtent… très cher et viennent encore alourdir le coût global du financement ! Est-ce finalement le but recherché ? Une simulation est réalisée ci-après pour estimer l’ordre de grandeur de ces surcoûts.

– Enfin, aux deux modes de financement universels rappelés ci-dessus, il faut en ajouter un troisième, exclusivement utilisable en cas d’exportation vers un pays étranger « éligible », généralement pays en développement : il s’agit du crédit acheteur ou crédit export, encore appelé assurance crédit, qui est un crédit réglementé octroyé par les banques du pays du vendeur et qui bénéficie de la garantie d'Agences de Crédit Export (comme la COFACE, en France), agissant pour le compte de l'État. Ces crédits sont soumis aux règles du consensus de l'OCDE, qui définissent les modalités de sa mise en place, notamment : - Financement limité à 85 % au maximum de la valeur du contrat à l'export, à un taux en principe compétitif, - Les 15 % restants (part dite locale) étant obligatoirement financés par des prêts bancaires classiques, généralement octroyés par les banques locales. C’est en définitive un mode de financement très avantageux, à la fois pour l’acheteur (qui obtient un financement compétitif) et pour le fournisseur (qui bénéficie de garanties de paiement et de la couverture du risque politique).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

¾ Compétitivités relatives des modes de financements Le financement par crédit export étant un cas spécifique et d’application limitée, la comparaison ci-après porte sur le financement sur bilan et le financement de projet.

• Compétitivité financière La compétitivité est vue ici du point de vue de la minimisation du coût du kWh produit, non de celui de la maximisation du taux de retour pour les actionnaires. Pour estimer les compétitivités respectives de ces deux modes de financement, nous prendrons en outre les hypothèses simplificatrices suivantes : – Financement sur bilan : nous supposerons que la rentabilité moyenne des fonds propres est de 5 %, et que le prêt est obtenu au taux de 5 % également. Le taux moyen du financement est donc également de 5 %, – Financement de projet : nous supposerons que le financement est fait avec un apport en fonds propres des promoteurs de 25 %, pour un taux de retour demandé de 13 %, le solde, soit 75 %, étant emprunté au taux de 9 %, compte tenu d’une prime de risque de 4 %. Soit un taux moyen de financement de : (13 x 25 + 9 x 75) / 100 = 10 %, – Ces taux d’intérêts moyens sont valables à la fois pour la constitution des intérêts intercalaires et pour l’amortissement des financements, – Par ailleurs, l’amortissement financier est supposé totalement acquis à mi-vie des installations, soit au bout de 30 ans pour la centrale nucléaire et de 12,5 ans pour le cycle combiné au gaz. Pour simplifier les calculs, un amortissement linéaire a en outre été pris en compte, – L’inflation n’est pas prise en compte. Elle pèse beaucoup plus sur le nucléaire du fait des ses longs délais, mais ne modifie pas l’ordre des valeurs relatives sur lesquelles sont essentiellement fondées les conclusions qui suivent, – Enfin le coût en capital du kWh produit est calculé sur la base d’un fonctionnement de 8 000 heures / an pour les deux machines. On obtient ainsi les résultats figurant dans le tableau suivant, étant entendu qu’il s’agit de chiffres obtenus par des méthodes de calcul très simplifiées, ne prenant pas en compte l’inflation par exemple, comme déjà dit. En conséquence, ces résultats n’ont de signification que par leurs ordres de grandeur.

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Type centrale

Durée amortis. financier (ans)

Taux intérêt (%)

Coût de const. pour 1 kW (€)

CC gaz CC gaz Nucléaire Nucléaire

12,5 12,5 30 30

5 10 5 10

800 800 3 000 3 000

Coût d’invest. Coût pour 1 kW annuel du (y compris capital intérêts inter- pour 1 kW calaires) (€) (€/an) 870 94 950 133 4 050 284 5 100 556

Coût du capital par kWh (c €) # 1,2 # 1,7 # 3,6 # 6,9

6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

Ces résultats, qui s’expliquent totalement par la très grande différence d’intensité capitalistique entre les deux moyens de production, montrent que : – Le coût du kWh d’un cycle combiné est très peu sensible au taux d’intérêt moyen du financement. Le passage de 5 à 10 % accroît le coût du capital d’environ 42 % dans la simulation ci-dessus. Mais comme ce coût ne représente que 20 % du coût total (ordre de grandeur moyen, cf. plus haut), l’incidence sur ce dernier n’est que de 0,42 x 0,20 # 8 %, – Le coût du kWh d’une centrale nucléaire est au contraire très sensible au taux d’intérêt moyen du financement. Le passage de 5 à 10 % accroît le coût du capital d’environ 92 % dans la simulation ci-dessus. Et, comme ce coût représente 65 % du coût total (ordre de grandeur moyen, cf. plus haut), l’incidence sur ce dernier est de 0,92 x 0,65 # 60 %, ce qui est considérable ! NB : en valeur absolue, cette fois, le coût du KWh nucléaire ressort à : - Avec un financement au taux moyen à 5 % : 3,6 / 0,65 # 5,6 c€/kWh ce qui est réaliste (très proche des coûts complets estimés pour les installations nouvelles). Le coût de l’ensemble combustible + frais d’exploitation ressort ainsi à : 5,6 – 3, 6 = 2 c€/kWh, ce qui est également réaliste en ordre de grandeur. - Avec un financement au taux moyen à 10 % : 6,9 + 2 = 8,9 c€/kWh ! La conclusion est donc claire : une centrale nucléaire ne peut être compétitive au niveau du coût du kWh produit que si elle peut être financée à un taux d’intérêt moyen nominalement bas. Sinon, il vaut mieux opter pour un autre moyen de production… Notamment un cycle combiné au gaz naturel, très peu sensible au taux d’intérêt de son financement, ce paramètre constituant d’ailleurs souvent un élément parmi d’autres (avec le rendement thermodynamique, le coût de construction, etc.) de la compétitivité d’une offre dans une compétition internationale utilisant un financement de projet.

• Quel financement pour un investissement nucléaire ? Le financement de projet pur et dur, c’est-à-dire sans recours ou avec recours très limité, est par nature peu adapté aux projets nucléaires, pour trois raisons de fond, largement liées d’ailleurs : – Le principe même du financement de projet (sans recours) fondé sur le transfert des risques financiers à… d’autres, n’a pas grand sens pour un projet nucléaire, qui engage nécessairement son propriétaire / exploitant pour le très long terme (plusieurs décennies), – La très longue durée de retour sur investissement de tout projet nucléaire est un facteur d’accroissement des risques (notamment, du risque politique), – Comme le montre la simulation simplifiée ci-dessus, la prise en compte des risques financiers encourus se traduit par l’accroissement du taux d’intérêt moyen

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

du financement, ce qui peut très vite dérentabiliser complètement un projet nucléaire. Il en résulte que le financement sur bilan apparaît, chaque fois qu’il est possible, comme beaucoup plus : – Conforme à la nature profonde d’un investissement nucléaire, impliquant un engagement de très long terme et des responsabilités fortes d’exploitant nucléaire, – Compétitif du point de vue du prix du kWh produit. En fait, la seule raison qui paraisse justifier un financement de projet est le cas d’un investissement commun entre plusieurs partenaires. Mais, pour qu’il soit compétitif, les partenaires / investisseurs du projet n’ont guère d’autre choix que : – De se contenter d’un taux de retour raisonnable (limité à un chiffre !), – D’obtenir des banquiers une réduction drastique des primes de risque ajoutées au taux de base bancaire en leur apportant des garanties financières autres que les actifs du projet lui-même. Ce qui est tout à fait envisageable dans le cas où les investisseurs sont des grands groupes électriciens ou énergéticiens. Mais on s’éloigne alors sensiblement du concept classique du financement de projet…, – Ou enfin aller encore plus loin en apportant la totalité des financements du projet sous forme de fonds propres dans la société commune (chacun d’eux apportant une part de financement constituée d’un mix de ses fonds propres et de ses emprunts sur bilan à des taux compétitifs). Mais on n’est alors plus du tout dans un financement de projet… !

Aspects contractuels : ingénierie contractuelle La vente d’une installation nucléaire, notamment à l’international, requiert la rédaction d’un contrat d’une grande complexité contractuelle et juridique, adapté au lotissement retenu (cf. chapitre précédent : contrat unique clés en mains ou encore « EPC Contract », plusieurs contrats par îlots, etc.).

¾ Principales rubriques contractuelles Même s’il n’existe pas à proprement parler de plan type pour ces contrats, on y retrouve toujours à peu près les mêmes rubriques, qui reflètent simplement le fait que les questions contractuelles et juridiques à traiter sont toujours à peu près les mêmes. Sans prétendre à l’exhaustivité, les principales rubriques d’un tel contrat sont récapitulées dans l’encadré ci-dessous, sachant que la plupart d’entre elles sont également applicables à des contrats de fourniture plus limités.

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

Principales rubriques d’un contrat de type clé en mains 1 – Identification des contractants 2 – Objet du contrat 3 – Définition des prestations et interprétations 4 – Loi du contrat et juridiction compétente / Résolution des différends 5 – Conditions de mise en vigueur du contrat - Mise en place des garanties bancaires de paiement - Obtention des autorisations (de construire, licences d’exportation et d’importation, etc.) - Délivrance éventuelle d’une autorisation limitée de travaux avant mise en vigueur du contrat 6 – Responsabilités du fournisseur -

Étendue des prestations Responsabilité légale, de sécurité et environnementale Responsabilité en cas de prestations défectueuses - Remédiation Assurance de la qualité Conditions de sous-traitance « Reporting » vers le propriétaire

7 – Responsabilités du propriétaire - Obtention des permis et autorisations - Obligations de paiement - Responsabilité civile nucléaire 8 – Droits du propriétaire - D’audit, d’inspection (inclut Autorités de sûreté et politiques) - D’arrêt et/ou de demande de remise en conformité des prestations 9 – Prix et conditions de paiement - Structure des prix (parts fermes, révisables avec formules de révision, en dépense contrôlée, etc.) - Établissement des bases de paiement (avancements, quantitatifs,…) - Devises de paiement - Répartition des impôts et taxes entre les contractants - Méthodologie, termes et échéances de paiement - Variations de prix du contrat (avenants)

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

10 – Planning des prestations -

Planning général Délivrables documentaires Livraisons des matériels et transferts de propriété Définition des étapes clé de construction et montage / Essais de réception de l’installation / Conditions associées - Clause d’extension des délais pour terminer les prestations 11 – Garanties apportées par le fournisseur -

De conformité à un référentiel de sûreté, aux règles de l’art, etc. De délais de réalisation De performances de l’installation Pénalités (indemnités compensatoires) associées en cas de retard des prestations et/ou de performances non atteintes - Bonus en cas d’avance et/ou de surperformance - Garantie des équipements et pièces de rechange (étendue et durée) 12 – Conditions de suspension et/ou de résiliation du contrat 13 – Force majeure 14 – Limitation des responsabilités respectives des contractants visà-vis des Tiers / Clauses d’abandon réciproque des recours 15 – Confidentialité / Protection de la propriété intellectuelle 16 – Assurances - Responsabilité civile générale et professionnelle - Risques dommage, y compris pendant les transports - Responsabilité civile nucléaire

Ces rubriques à caractère juridique sont en outre complétées et/ou précisées par de très nombreuses annexes, dont les plus importantes sont (non exhaustif et à titre indicatif) : – La définition précise de la fourniture, des prestations associées et de leurs limites (« Scope of Works » ou « Scope Book » en anglais), qui incluent normalement les spécifications techniques générales, – Un descriptif technique de l’installation, – Les données de site, – Un planning détaillé des prestations, – La liste prévisionnelle des principaux fournisseurs (sous-contractants).

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

¾ Points contractuels à fort impact financier potentiel Un certain nombre de sujets contractuels sont cependant susceptibles d’avoir des incidences financières importantes, voire parfois majeures, notamment dans les contrats internationaux. Il s’agit en particulier : – Des fluctuations monétaires entre devises, – Des dérives et variations des coûts et quantités et de la structure des prix du contrat associée, – De la fiscalité, – Des pénalités en cas de retard ou sous-performance (et bonus dans les cas contraires), – De l’impact financier des retards (indépendamment des pénalités évoquées cidessus), – Des conditions de suspension et/ou de résiliation du contrat, – Des assurances.

• Fluctuations monétaires entre devises La question se pose pour les contrats à l’export chaque fois que la monnaie dans laquelle l’exportateur est payé n’est pas celle dans laquelle se forment ses coûts, ce qui est la règle générale hors de la zone Euro. Deux cas peuvent alors se présenter : – Soit l’acheteur accepte de payer le vendeur dans le panier de devises représentant fidèlement les coûts de formation de ce dernier, ce qui signifie que l’acheteur accepte d’assumer lui-même les risques de change, – Soit, ce qui est le plus fréquent, l’acheteur impose au vendeur un paiement dans une monnaie de référence de son choix, ce qui signifie que ce dernier doit assumer les risques de change, qui peuvent représenter jusqu’à quelques dizaines de % du montant du contrat, ce qui est potentiellement considérable. Dans ce dernier cas, le vendeur doit alors impérativement couvrir ses risques de change auprès des banques, ce qui a bien sûr un coût, qui renchérit le prix du contrat. Mais ne pas le faire constituerait une faute majeure. • Variations des coûts et quantités – Structure des prix du contrat Les installations nucléaires présentent trois caractéristiques qui compliquent l’établissement des prix : – Leur construction est le plus souvent (très) longue (typiquement, 5 ans au moins pour une centrale REP), ce qui accroit l’impact de l’inflation. Même si cette dernière est faible, la dérive cumulée devient importante avec le temps (une simple inflation de 3 % par an conduit à une augmentation cumulée de 16 % au bout de 5 ans), 185

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Elles utilisent de (très) grandes quantités de matières premières, dont les coûts peuvent fluctuer dans de grandes proportions, à la hausse comme à la baisse, sur une période aussi longue, – Enfin, au moment de la signature du contrat, certains quantitatifs (ceux du génie civil notamment) ne sont pas connus avec suffisamment de précision et certaines autres prestations ne peuvent être définies suffisamment précisément (ces imprécisions concernent en fait toutes les grandes installations industrielles). Ces différents facteurs rendent quasi impossible la définition d’un prix global ferme et non révisable (sauf à prendre des marges colossales, qui ne sont dans l’intérêt ni de l’acheteur, ni du vendeur). La solution consiste donc le plus souvent à subdiviser le prix global en plusieurs rubriques correspondant à différents types de prix selon la nature des fournitures, travaux et prestations. On peut ainsi généralement trouver : – Une part ferme et non révisable, pour des prestations parfaitement définies dans leur nature, durée et planning, – Une part ferme et révisable pour les fournitures des équipements dont les prix sont indexés sur l’évolution des prix des matières premières (telles que l’acier pour les équipements mécaniques, le cuivre pour les équipements électriques, etc.), – Une part basée sur des prix unitaires et des quantités estimatives pour en particulier les travaux de génie civil, le prix final étant déterminé sur la base des métrés définitifs et des prix unitaires éventuellement indexés, – Une part réalisée en dépense contrôlée, sur la base d’estimatifs de mobilisation et de taux horaires indexés pour certains types de prestations d’ingénierie et de travaux, etc. Ces différentes formes d’indexations impliquent le recours contractualisé à des formules de révision des prix adaptées aux activités concernées, basées sur des indices (de prix) et/ou des index (de branche professionnelle, cf. encadré ci-après). De plus, les différentes parts évoquées ci-dessus font nécessairement l’objet de débats et négociations entre vendeur et acheteur, qui ont des intérêts a priori antagonistes : – L’acheteur a naturellement tendance à préférer des parts à prix fixe les plus importantes possible, pour disposer de garanties maximales et minimiser ses propres risques financiers, – Le vendeur, à l’inverse, cherche à minimiser ses risques financiers au travers de parts à prix révisables et/ou réalisées au maximum en dépense contrôlée. Il faut cependant rester conscient du fait qu’un vendeur amené à assumer des risques d’évolution des prix va logiquement et nécessairement se couvrir par des marges pour aléas qui peuvent devenir très importantes. Tout dépend alors du contexte concurrentiel : – Si la concurrence est forte, le vendeur sera incité à ne pas trop augmenter ses marges, sauf à prendre le risque de perdre l’affaire. Il peut alors être avantageux pour l’acheteur de faire porter les risques d’évolution des prix sur le vendeur, – Si la concurrence est moindre ou si l’acheteur a décidé de retenir le vendeur pour d’autres raisons, faire porter les risques d’évolution des prix sur le vendeur n’est sans doute pas la meilleure solution.

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

En effet, l’acheteur « payera » dans ce cas quoi qu’il arrive les marges prises par le vendeur, alors qu’une formule à prix variable aurait éventuellement pu lui être plus favorable (par exemple, si les anticipations d’inflation ont été surestimées). L’acheteur peut donc avoir plutôt intérêt dans ce cas à assumer lui-même les risques d’évolution des prix, sous réserve bien sûr d’obtenir une offre plus compétitive reflétant l’effacement de ces risques pour le vendeur.

Indices et index de révision des prix (rappels des définitions) – Indice de prix : nombre abstrait dont l’évolution dans le temps est représentative de l’évolution du prix d’un produit ou d’un facteur de coût particulier (Salaires et charges, matériel, ciment, etc.). – Index de branche (professionnelle) : nombre abstrait dont l’évolution dans le temps est représentative de l’évolution des coûts du type d’ouvrage auquel se réfère cet index (par exemple : bâtiment, travaux publics, travaux sur lignes électriques, etc.) Chaque index est lui-même composé d’une somme d’indices élémentaires, qui sont les indices de prix des facteurs de production de l’ouvrage, chacun d’entre eux étant pondéré par un coefficient représentatif de l’importance du coût du facteur de production considéré dans le coût global de construction de l’ouvrage. – Révision des prix d’un contrat ou d’un marché : calcul, acompte par acompte, de la dérive de valeur de chaque acompte par rapport à son estimation, appliquée aux prix initiaux du marché. Généralement, la révision n’est pas totale : une partie dite « fixe » du prix initial reste invariante. Elle est : - Réglementairement fixée à 12,5% minimum pour les marchés publics, - Librement négociée dans les autres cas (en pratique, elle est souvent fixée à 15%). Exemple de formule de révision : P = Po [x + y (a S/So + b A/Ao + c D/Do)] Avec : P = prix révisé ; Po = prix initial ; S et So = indices des salaires ; A et Ao = indices des prix des aciers ; D et Do = indices des frais généraux ; x = terme fixe ; y = terme variable total (avec x + y = 1) ; a, b, c = composantes du terme variable (avec a + b + c = 1). Propriétés des formules de révision des prix, indices et index : – Une formule de révision des prix ne peut en aucun cas être considérée comme un instrument de manipulation de ces derniers. Son seul but est de prendre en compte, à la hausse comme à la baisse, l'évolution des conditions économiques (approximativement d’ailleurs, cf. ci-après),

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– L'évolution des indices ou index est indépendante de la volonté du titulaire du contrat ou marché. Elle ne tient en particulier aucun compte des facteurs internes à l'entreprise concernée, tels qu’évolution de sa productivité, améliorations ou innovations techniques, politique de sous-traitance, etc., – Hormis pour le terme fixe, les coefficients qui affectent les différents paramètres doivent représenter le plus exactement possible les éléments du coût global, qui sont considérés comme variant proportionnellement à ces paramètres, – Une formule de révision n’est pas d’une précision absolue : les poids des paramètres retenus sont calculés sur des valeurs moyennes, à partir d'échantillons le plus souvent limités. L’approche est donc celle d'un « ajustement forfaitaire », – Les contrats ou marchés complexes peuvent bien sûr comporter plusieurs formules de révision des prix, adaptées aux prestations qui diffèrent par leur nature, leur délai d'exécution ou de livraison, etc. C’est en particulier le cas d’un contrat de fourniture « clés en mains » d’une installation nucléaire. Par contre, les contrats ou les marchés d’achat généralement plus simples, traités au chapitre 4, ne possèdent généralement qu’une seule formule de révision, bien sûr toujours adaptée à la nature de leur prestation.

• Fiscalité Les aspects fiscaux recouvrent en fait au moins trois domaines : – La fiscalité des contrats, portant à la fois sur : - La fiscalité des prestations de services et travaux, réalisées soit dans le pays du vendeur, soit dans le pays de l’acheteur : il faut se référer au régime de taxation et imposition des pays vendeur et acheteur, - La fiscalité des fournitures matérielles : droits de douane et autres taxes diverses à l’entrée des marchandises sur le territoire du pays acheteur. – La fiscalité des structures juridiques locales nécessaires pour mener à bien les contrats dans le pays acheteur (Bureau de représentation, Établissement stable, Filiale, etc.), – La fiscalité sur les revenus des « experts » qui seront envoyés dans le pays étranger pour la réalisation du projet. Ces différents domaines requièrent une analyse approfondie afin de dégager la solution fiscale optimale, sur la base des règles fiscales respectives des pays vendeur et acheteur, ainsi que des conventions fiscales éventuellement signées entre ces derniers.

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

Cette optimisation fiscale peut par exemple conduire à traiter les prestations exportées et les prestations fournies localement dans des contrats distincts.

• Pénalités et bonus Les contrats de type « Clés en mains » ou encore « EPC Contracts » ainsi que les contrats « Par îlots » (cf. chapitre 4) contiennent des clauses d’engagement du (ou des) fournisseur(s) concernant : – Le respect des délais de réalisation, en général celui de la mise en service industrielle ou commerciale (selon la dénomination choisie) de l’installation, attestant de la capacité de cette dernière à remplir son rôle, – L’atteinte de performances garanties, notamment pour une centrale REP : - Caractéristiques garanties de la vapeur à la sortie des générateurs de vapeur (enthalpie, taux d’humidité maximum, et bien sûr débit), - Puissance électrique nette garantie (mesurée par la différence entre la puissance électrique brute aux bornes de l’alternateur et les consommations d’auxiliaires et autres pertes), - Disponibilité observée sur une certaine période (essai d’endurance sur une période relativement courte ou disponibilité moyenne pendant le premier cycle, par exemple, cf. chapitre 5). En cas de non respect des délais prévus et/ou des performances garanties, les contrats prévoient le paiement par le vendeur de pénalités financières, qui ont en fait le sens d’indemnités compensatoires pour solde de tout compte. Ces pénalités ont en général les caractéristiques suivantes : – Jusqu’à une certaine limite (cf. ci-dessous) elles sont proportionnelles aux « dommages » réels subis par l’acheteur et s’expriment souvent en % du montant du contrat (par exemple : x % par mois de retard, y % par point de rendement manquant, etc.), – Au-delà, elles sont doublement plafonnées à un certain % du montant du contrat : - Pour chaque performance considérée (par exemple X % pour le retard et Y % pour rendement insuffisant), - Globalement, à une valeur Z % < X % + Y %. Là encore, les intérêts du vendeur et de l’acheteur sont a priori antagonistes. À ceci près qu’un fournisseur amené à consentir des montants élevés de pénalités va couvrir ses risques au travers de marges pour aléas également d’autant plus élevées. Fonction également du contexte concurrentiel… En revanche, intéresser le vendeur à la performance au travers d’un bonus s’il fait mieux que son contrat fait partie des bonnes pratiques, dans lesquelles le vendeur et l’acheteur trouvent cette fois un intérêt mutuel.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

• Impacts financiers des retards Indépendamment des pénalités pour retard que le vendeur peut être amené à payer à l’acheteur (cf. ci-dessus), tout retard coûte cher au vendeur pour deux raisons : – Il est payé avec retard, ce qui augmente ses frais financiers. En effet, les termes de paiement sont généralement basés sur l’atteinte effective d’étapes physiques planifiées (quantitatifs planifiés à date, « tâches clés » du type « Milestones », cf. chapitre 7), etc. – Tout retard implique a minima une prolongation de la mobilisation de tout ou partie des équipes engagées, et souvent une mobilisation de moyens supplémentaires pour à la fois faire face aux aléas à l’origine des retards et tenter de les rattraper. Ces deux facteurs cumulés peuvent entraîner un surcoût pouvant se chiffrer à une dizaine de % par année de retard, pour un grand projet nucléaire. Bien sûr, quand la responsabilité du vendeur n’est pas engagée dans l’origine des retards, ce dernier peut espérer obtenir des compensations plus ou moins complètes de la part de l’acheteur, au travers de négociations de fin d’affaire, voire de recours. • Conditions de suspension et/ou de résiliation du contrat Ces événements peuvent théoriquement intervenir pour différentes causes : – Pour convenance de l’acheteur, ce qui n’a guère de sens qu’au tout début du projet, alors que les engagements réels sont encore très limités (par exemple, en cas de modification brutale et profonde des conditions économiques ou politiques du projet), – En cas de force majeure, ce qui peut résulter de diverses causes, – En cas de défaillance du vendeur dans l’accomplissement de sa prestation (par exemple, en cas de retard très important ou de performance gravement insuffisante de l’installation), – En cas de défaillance de l’acheteur (par exemple, du fait de son incapacité à payer le vendeur). Ces clauses répondent à une préoccupation juridique parfaitement légitime, qui consiste à envisager tous les cas possibles, y compris les plus extrêmes. Mais elles sont fort heureusement d’application exceptionnelle dans la vie des affaires, surtout la résiliation, sauf éventuellement en tout début de contrat. Étant entendu que la résiliation d’un contrat très avancé est toujours une catastrophe économique : – Pour l’acheteur, qui va subir un manque à gagner très important et durable (avant qu’une solution de remplacement ne soit éventuellement mise en œuvre), – Pour le vendeur, dans le cas où sa responsabilité a été directement mise en cause (terminaison prononcée pour défaillance du vendeur). En fonction des termes du contrat, ce dernier peut alors être amené à restituer à l’acheteur tout ou partie des sommes perçues. Sans parler de la catastrophe pour son image et sa réputation.

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

• Assurances Deux types de risques sont à couvrir : – Les risques « classiques », inhérents à la réalisation de toute installation industrielle complexe, – Les risques « nucléaires », propres aux installations nucléaires. Couverture des risques « classiques »

Il s’agit de la couverture des deux grands types habituels de risques : – Dommages corporels, matériels et/ou immatériels causés à autrui : - Dans l’exercice normal de l’activité, ce qui relève de la Responsabilité Civile Générale ou Responsabilité Civile d’Exploitation (RCG ou RCE), - Suite à une erreur, omission ou faute professionnelle involontaire dans l’exercice de prestations intellectuelles (pour une ingénierie), ce qui relève de la Responsabilité Civile Professionnelle (RCP). À noter que la mise en œuvre d’une garantie liée à une police d’assurance Responsabilité Civile Professionnelle suppose que soit apportée la preuve de l’existence d’une faute professionnelle, contrairement au cas d’une garantie relevant de la Responsabilité Civile Générale. Les polices d’assurances en Responsabilité Civile (qu’elle soit Générale et/ou Professionnelle) prévoient des plafonds, dont les montants sont fonction des risques encourus. – Dommages survenant aux biens en propriété pendant la phase de réalisation sur site. Cette phase recouvre la construction, les montages et les essais, toutes opérations réalisées sur site. Mais il faut aussi prendre en compte les transports et manutentions entre les sorties d’usine et le site, ainsi que le stockage et les manutentions sur le site luimême, avant mise en place définitive des matériels assurés. Durant cette phase, les biens constitutifs de la future installation peuvent donc encore appartenir pour partie au(x) fournisseur(s) et être pour une autre partie déjà transférés au propriétaire, selon les clauses contractuelles de transfert de propriété. Il en résulte globalement une situation à la fois complexe et évolutive au cours du déroulement du chantier, d’autant plus difficile à assurer que le nombre d’intervenants sur les grands chantiers de ce type est très important. – LA solution : l’assurance « Tous risques chantier » (TRC) De fait, plutôt que de laisser chaque fournisseur s’assurer séparément de son côté, et sachant que le coût de cette assurance se retrouvera in fine dans le prix des fournitures, l’expérience a montré qu’il était beaucoup plus rationnel et économique pour le propriétaire d’assurer lui-même directement l’ensemble des risques combinés ci-dessus pendant la durée du chantier.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

C’est ainsi qu’est né le concept fructueux d’assurance dite « Tous risques chantier » (TRC), dont les principales caractéristiques sont résumées dans l’encadré ci-après (non exhaustif).

Principales caractéristiques d’une assurance « Tous risques chantier » – Champ habituel des risques couverts par une assurance TRC : - Elle a pour objet de garantir tous les dommages matériels aléatoires pouvant survenir sur un chantier. Il s’agit donc d’une assurance « Tout Sauf », qui permet de couvrir aussi bien les conséquences d’une tempête que la chute d’une grue, l’éboulement d’un terrain, le vol des matériaux, etc. - Elle couvre à la fois : > Les dommages à l’ouvrage lui-même et ses éléments constitutifs en cours de construction, > La responsabilité civile générale (RCG) de toutes les entreprises et personnes nommément désignées pouvant être amenées à intervenir sur le chantier (Maître d’Ouvrage, entrepreneurs, fournisseurs, sous-traitants, concepteurs, etc.), > La responsabilité civile professionnelle (RCP) des entreprises ci-dessus, si et seulement si l’erreur commise entraine un dommage matériel pendant la durée du chantier (par exemple, écroulement d’un plancher pour cause d’erreur de calcul, de malfaçon ou de matériaux défectueux). - Elle est souscrite pour compte commun par le propriétaire, - Elle stipule un abandon de recours entre les co-assurés, - C’est une assurance temporaire, liée à la durée du chantier. - En cas de sinistre dû à un événement aléatoire, l’indemnisation intervient en principe sans recherche préalable de responsabilité par les assureurs, ce qui facilite et accélère les prises en charge et indemnisations. En résumé, l’assurance TRC permet de couvrir au mieux les dommages matériels pouvant affecter une installation en cours de construction. Elle peut en outre être étendue à certaines activités hors chantier mais comporte bien sûr aussi des exclusions. - Extensions fréquentes : La TRC est généralement étendue aux dommages subis par : - Les matériels de chantier (de manutention, en particulier) ainsi que les installations de chantier (par exemple hangars de stockage temporaire, etc.),

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

- Les matériaux et les matériels constitutifs de l’installation pendant leur transport (de leur sortie d’usine jusqu’à l’arrivée sur le site du chantier), ces phases étant par ailleurs particulièrement risquées (transports par différentes voies, manutentions de transbordement, etc.). – Exclusions habituelles : Ces exclusions sont en nombre limité, mais elles sont importantes. Elles portent a minima sur (non exhaustif) : - Les vices de conception ne donnant pas lieu à des dommages matériels pendant la durée du chantier (par exemple, erreur de positionnement, vices cachés découverts après la réception de l’installation, etc.). Ces cas relèvent directement de la responsabilité civile professionnelle (RCP) des intervenants concernés : > Qui doivent donc s’assurer séparément pour couvrir ces risques, > Dont la mise en cause suppose cependant que la preuve d’une faute professionnelle soit apportée. - Les préjudices financiers résultant d’un dommage, même garanti (et plus généralement tous les dommages indirects), - La responsabilité civile nucléaire, toujours traitée spécifiquement (cf. cidessous et plus loin dans ce chapitre).

Couverture des risques « nucléaires »

Elle concerne à nouveau les dommages corporels, matériels ou immatériels causés à autrui mais relève de polices très particulières responsabilité civile nucléaire (RCN) couvrant : – Les transports de matières radioactives liés à l’installation, – L’usage de sources radioactives sur l’installation (pour réaliser les contrôles de soudures aux rayons X et Gamma, notamment), – Et surtout l’exploitation nucléaire de l’installation, qui débute avec l’arrivée sur le site du premier élément combustible. Ce sujet dépasse cependant le strict aspect assurances, et est traité de manière plus globale dans le paragraphe relatif au droit nucléaire international, plus loin dans ce chapitre. Pour résumer et conclure sur le poste assurances

Il résulte de ce qui précède que c’est le propriétaire / futur exploitant qui est amené à souscrire l’essentiel des assurances, à l’exception des assurances Responsabilité Civile Professionnelle des différents intervenants.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Cette solution est en tout état de cause optimale en termes de rapport : couverture / montant des primes payées. Si les différents intervenants étaient amenés à s’assurer chacun de leur côté, ils le feraient en effet pour beaucoup plus cher, et en répercuteraient de toutes façons le prix dans leurs contrats respectifs.

• Bilan des points contractuels à fort impact financier potentiel Nature de l’événement

Impact potentiel en % du montant du contrat

Commentaires

Fluctuations monétaires entre devises

Jusqu’à quelques dizaines de %

-

Dérives et variations des coûts et quantités

Jusqu’à plusieurs dizaines de %

-

Fiscalité

De plusieurs % à plus d’une dizaine de %

-

Pénalités (retard ou sousperformance)

Jusqu’à une à deux dizaines de %

Selon clauses contractuelles

Retards (hors pénalités)

Jusqu’à une dizaines de % par année de retard

-

Suspension et/ou résiliation du contrat

Jusqu’à 50 % ou plus !

Selon clauses contractuelles

Assurances

Plusieurs %

-

Cumul

Pourrait potentiellement Hypothèse théorique de cumul atteindre l’ordre de très défavorable grandeur de… 100 % !

Droit nucléaire international : ingénierie juridique des États Bien que cela relève de la responsabilité des États, c’est un élément de contexte fondamental pour une ingénierie, qui doit obtenir les garanties nécessaires avant d’exporter une installation nucléaire. Car la plupart du temps il faut exporter aussi des matières nucléaires (combustibles neufs, notamment) et/ou en importer d’autres (combustibles usés, pour leur retraitement). Ces impliquent que le pays exportateur et le pays importateur : – Se soient dotés d’un droit nucléaire international conforme aux standards internationaux, notamment ceux de l’AIEA, – Aient signé les traités et conventions afférentes.

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

Trois domaines sont principalement concernés par ces conventions et traités (source : Manuel de droit nucléaire de l’AIEA) : – La non prolifération et la protection physique, – La responsabilité civile nucléaire et sa couverture, – La sûreté des transports de matières radioactives.

¾ Non prolifération et protection physique Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), signé en 1968, constitue la pièce essentielle des accords internationaux dans ce domaine. Il a été ratifié à ce jour par 189 des 193 États de la planète, c’est-à-dire par la quasi-totalité d’entre eux, les quatre pays non signataires étant : l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël, tous détenteurs de… l’arme nucléaire ! Afin d’assurer le respect des engagements fondamentaux à ne pas transférer et/ou ne pas acquérir des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, tous les États signataires non dotés d’armes nucléaires s’engagent à « accepter les garanties stipulées dans un accord » qui sera négocié avec l’AIEA « à seule fin de vérifier l’exécution

Les trois principales obligations contenues dans les Accords de garanties généralisées et leurs Protocoles additionnels – Mesures de comptabilisation : elles imposent à l’État concerné de notifier à l’AIEA les types et quantités de produits fissiles qui sont sous son contrôle. L’aptitude d’un État à fournir en temps voulu des informations exactes dépend de l’établissement d’un « système national de comptabilité et de contrôle des matières nucléaires » capable d’assurer le suivi des matières en cause, – Mesures de confinement et de surveillance : elles sont appliquées par l’AIEA grâce, d’une part à l’utilisation de sceaux apposés sur les conteneurs de matières nucléaires, d’autre part à des enregistrements filmés ou télévisés de zones cruciales des installations nucléaires afin de détecter d’éventuels mouvements non autorisés de matières nucléaires, – Inspections : elles sont effectuées, de façon éventuellement inopinée, par des inspecteurs de l’AIEA afin de vérifier que les quantités déclarées de matières nucléaires se trouvent bien là où elles sont déclarées être, et qu’il n’y a pas de matières nucléaires non déclarées dans l’État. Les activités d’inspection comprennent la vérification des scellés et instruments, l’examen des registres des installations et des mesures indépendantes pratiquées sur les matières ou autres articles catalogués dans les documents comptables soumis aux garanties.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

des obligations assumées par ledit État aux termes du présent Traité en vue d’empêcher que l’énergie nucléaire ne soit détournée de ses utilisations pacifiques vers des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ». L’adhésion à ce traité implique pour les pays signataires : – De rendre leur cadre juridique national compatible avec les pratiques et procédures de l’AIEA. Dans ce but, cette dernière à édité un document guide intitulé : « Structure et contenu des accords à conclure entre l’Agence et les États dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires », – De s’engager concrètement, au travers de la signature avec l’AIEA d’un accord de garanties généralisées et son protocole additionnel, à garantir (cf. également encadré ci-avant – Source : Manuel de droit nucléaire de l’AIEA) : - La comptabilisation nationale des matières nucléaires, - Leur confinement et leur surveillance, sous contrôle de l’AIEA, - L’acceptation des inspections de l’AIEA.

¾ Responsabilité nucléaire et sa couverture Les états se livrant à des activités nucléaires ont reconnu très tôt que les caractéristiques spécifiques de ces dernières exigeaient la mise en place d’un droit particulier, de portée internationale. Deux spécificités ont notamment structuré ce droit : – La possibilité de dommages nucléaires transfrontières, conduisant à un régime international de responsabilité nucléaire. La mise en œuvre de ces principes juridiques a conduit à l’élaboration de conventions internationales en matière de dommages nucléaires, et de leur couverture, – L’inadaptation du droit commun fondé sur la responsabilité délictuelle, qui a conduit à élaborer un droit nucléaire fondé sur le concept de responsabilité objective de l’exploitant, abstraction faite de toute faute éventuelle de sa part. Ce choix présente des avantages importants pour les éventuelles victimes : - Elles n’ont pas à prouver l’existence d’une faute de l’exploitant, ce dernier étant réputé « exclusivement responsable », - L’exploitant est tenu de payer des indemnités aux victimes à concurrence d’un certain montant (cf. encadré ci-après) qu’il a l’obligation de couvrir, soit par une assurance, soit par tout autre garantie financière, sur la base de la simple existence du lien de causalité du dommage, - L’indemnisation des victimes s’en trouve simplifiée et accélérée. Il existe en fait deux groupes de conventions internationales en matière de dommages nucléaires, résumées dans l’encadré ci-après (source : Manuel de droit nucléaire de l’AIEA).

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

Les deux groupes de conventions internationales en matière de dommages nucléaires – Premier groupe : conventions ouvertes à tous les États - Convention de Vienne de 1963 relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires, révisée par le Protocole de 1997. - Convention de 1997 sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires, - Protocole commun de 1988 relatif à l’application de la Convention de Vienne et à la Convention de Paris. – Deuxième groupe : conventions ouvertes aux seuls États Membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) - Convention de Paris de 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire, révisée en 1964, 1982 et 2003, - Convention complémentaire de 1963 à la Convention de Paris de 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire, encore dénommée Convention complémentaire de Bruxelles, révisée en 1964, 1982 et 2003. Les parties contractantes à ces deux dernières conventions sont les pays européens (une quinzaine en tout) – Comparaison et liens entre les deux groupes de conventions - La Convention de Vienne et la Convention de Paris instaurent des régimes très complets et quasi identiques pour la responsabilité civile des dommages nucléaires, - La Convention complémentaire de Bruxelles a pour objet de prévoir une indemnisation supplémentaire sur fonds publics à la fois nationaux et internationaux (1) intervenant dans les cas où l’indemnisation en vertu de la Convention de Paris ne serait pas suffisante pour couvrir tous les dommages, - La Convention de 1997 sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires, qui se fonde soit sur la Convention de Vienne, soit sur la Convention de Paris, prévoit également une indemnisation supplémentaire sur fonds publics internationaux (1), - Enfin, le Protocole commun établit un lien entre la Convention de Vienne et la Convention de Paris, dans le but d’étendre les avantages de l’une des conventions aux parties à l’autre convention.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Cas de la France : elle fait partie des pays européens ayant adhéré aux Conventions de Paris et de Bruxelles. Trois tranches d’indemnisation sont prévues au titre de ces conventions : - Une première tranche correspondant à la responsabilité de l’exploitant nucléaire, couverte par l’assurance ou une garantie financière, - Une deuxième tranche, alimentée par les fonds publics alloués par l’Etat français, - Une troisième tranche, alimentée par l’ensemble des pays européens ayant adhéré à ces conventions. Les montants cumulés pour ces trois tranches sont actuellement de 91,5 M€ pour la première, 195 M€ pour la deuxième et 330 M€ pour la troisième. Ce qui est très (très !) peu… Ils devraient atteindre respectivement 700, 1 200 et 1 500 M€ lorsque les accords de 2003 précités auront été ratifiés par l’ensemble des pays européens partenaires de la France. Ce qui sera nettement plus élevé, mais restera encore modeste au regard des coûts potentiels d’un accident nucléaire majeur…

(1) Instituée pour compenser en partie les responsabilités dérogatoires qui pèsent sur les exploitants nucléaires. Enfin, bien que ne faisant pas à proprement parler partie des conventions d’indemnisation, il est utile de signaler l’existence de deux conventions dont l’objectif est d’informer le plus rapidement possible les pays voisins de la survenue d’un accident sur son territoire et d’organiser l’assistance mutuelle entre tous les pays concernés, pour en gérer au mieux et minimiser les conséquences. Il s’agit des : - Convention sur la notification rapide d’un accident nucléaire, - Convention sur l’assistance en cas d’accident nucléaire ou de situation d’urgence radiologique. Pour conclure ce paraphe, il est donc clair que la signature de ces différents traités et/ou protocoles par le pays acheteur d’une installation nucléaire représente une étape essentielle et constitue un préalable à l’envoi du premier élément combustible dans le cas d’une centrale nucléaire.

¾ Sûreté du transport des matières radioactives Les mouvements transfrontières de combustible usé et de déchets radioactifs impliquent en particulier la signature par les États de la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, qui met notamment à exécution les engagements des États en vertu du TNP.

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

Le document de base est le règlement de transport des matières radioactives de l’AIEA (Collection Normes de sûreté no. TS-R-1, dernière édition de 2009) dont les principaux éléments sont résumés dans l’encadré ci-après (source : Manuel de droit nucléaire de l’AIEA). Toutes les catégories de matières radioactives, allant des matières très faiblement radioactives, telles que les minerais et les concentrés de minerais, aux matières de très haute activité, telles que les combustibles usés et les déchets fortement radioactifs sont concernées par ce règlement. Les Autorités de sûreté nationales, en particulier l’ASN en liaison avec l'IRSN en France, s'attachent donc à intervenir le plus en amont possible de l'élaboration de cette réglementation de l'AIEA.

Définition et principales prescriptions du règlement de transport de l’AIEA – Définition : « Le transport comprend toutes les opérations et conditions associées au mouvement des matières radioactives, telles que la conception des emballages, leur fabrication, leur entretien et leur réparation, et la préparation, l’envoi, le chargement, l’acheminement, y compris l’entreposage en transit, le déchargement et la réception au lieu de destination final des chargements de matières radioactives et de colis. », – Règlement de transport de l’AIEA : il établit les prescriptions visant le marquage, l’étiquetage et le placardage des moyens de transport, la documentation, les limites de rayonnement externe, les contrôles pratiques, l’assurance de la qualité, la notification et l’approbation de certaines expéditions et de certains types d’emballages, – Matières nucléaires à transporter : elles doivent être classées sur la base de leur activité massique, de leur activité totale, de caractéristiques fissiles (s’il y a lieu) et d’autres caractéristiques pertinentes, – Prescriptions de conception : Selon le type de colis utilisé pour le transport des matières radioactives, différentes prescriptions doivent être appliquées.

NB : rappelons que les matières radioactives constituent par ailleurs la classe 7 du répertoire des marchandises dangereuses. Le règlement de transport des matières radioactives de l’AIEA est ensuite pris en compte dans les réglementations (contraignantes) des organisations modales internationales, notamment pour : – Les transports terrestres : - La Commission économique des Nations unies pour l'Europe (CEE/ONU à Genève), - L’Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF à Berne),

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Les transports aériens : l’Organisation de l'aviation civile internationale (OACI, à Montréal), – Les transports maritimes : l’Organisation maritime internationale (OMI, à Londres). Les principaux accords et règlements internationaux applicables à ces transports sont les suivants : – Pour les transports terrestres : - L’Accord européen relatif au transport des marchandises dangereuses par route (dit ADR), - Le règlement international concernant le transport par voie ferroviaire des marchandises dangereuses (dit RID). - Pour les transports aériens : - Les instructions techniques (IT) pour la sécurité du transport aérien des marchandises dangereuses (différentes IT de l'OACI). – Pour les transports maritimes : - Le Code maritime international des marchandises dangereuses (code IMDG de l’OMI). Ces différentes réglementations modales sont intégralement transposées en droit français et sont rendues applicables par des Arrêtés interministériels. Dans ce contexte, l’Arrêté du 18 août 2010 relatif à la protection et au contrôle des matières nucléaires en cours de transport a refondé la réglementation : il abroge ou complète les Arrêtés précédents sur le même sujet et porte sur l’ensemble des moyens de transport : route, voie ferrée, mer et voie aérienne, en France ainsi que de et vers les pays étrangers.

L’Arrêté relatif à la protection et au contrôle des matières nucléaires en cours de transport Il définit notamment (non exhaustif) : – Les mesures applicables pour la protection et le contrôle des matières nucléaires en cours de transport, – Les modalités de demande, d'instruction, de délivrance de l'accord d'exécution et de suivi des transports, pour chacune des catégories I, II et III (cf. encadré ci-après) de matières nucléaires, définies par le Code de la défense. En particulier : - Les transports par tous modes empruntant une voie ouverte à la circulation publique sont subordonnés à un accord d'exécution dès lors que la quantité de matières nucléaires égale ou dépasse un certain seuil (des dispositions spécifiques sont en outre prévues pour les transports d'uranium naturel, d'uranium appauvri et de thorium),

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

-

La demande d'accord d'exécution doit être déposée auprès de l'IRSN, avec un préavis suffisant, compris entre 15 jours et 3 mois, selon la nature des produits et le mode de transport, - Une protection particulière par escorte doit être assurée pour chaque transport de matières nucléaires des catégories I et II, hors combustibles irradiés, - Les véhicules utilisés doivent être agréés et les moyens de transport doivent être équipés d'un matériel permettant le suivi des transports en temps réel par les services de l' État et par l'IRSN, - Le transporteur est tenu d’informer sans délai l'IRSN de tout incident ou accident affectant un transport de matières nucléaires, l’IRSN informant les services de police ou de gendarmerie, ainsi que le ministre compétent, – Pour réaliser cette mission, l’IRSN s’est dotée d’un échelon opérationnel des transports (EOT) au sein de sa Direction de l'expertise nucléaire de défense, – L'EOT est notamment chargé de la gestion et du traitement des demandes d'accord d'exécution des transports de matières nucléaires, du suivi de ces transports et de la transmission aux autorités des alertes les concernant, – Enfin, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) contrôle l’application de la réglementation sûreté relative au transport de matières nucléaires (conformité des colis radioactifs, débit de dose maximal < 0,1 mSV/h à 2 m du véhicule, etc.).

Classement des matières nucléaires (source : Code de la défense) MATIÈRE

ÉTAT

CATÉGORIES I

II

III

Plutonium (a)

Non irradié (b)

2 kg ou plus

Moins de 2 kg, mais plus de 400 g

400 g ou moins, mais plus de 3 g

Uranium 235 (c)

Non irradié (b) Uranium enrichi à 20 % ou plus en U235

5 kg ou plus

Moins de 5 kg, mais plus de 1 kg

1 kg ou moins, mais plus de 15 g

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

idem

idem

Uranium 233 (c)

Uranium enrichi à 10 % ou plus, mais à moins de 20 % en U235 Uranium enrichi à moins de 10 % en U235 Non irradié (b)

Tritium Uranium naturel : uranium appauvri en isotope 235

Non irradié (b)

-

5 kg ou plus

Moins de 5 kg, mais plus de 1 kg

-

-

5 kg ou plus

2 kg ou plus

Moins de 2 kg, mais plus de 400 g

400 g ou moins, mais plus de 3 g

-

-

Plus de 2g

-

-

500 kg ou plus

Thorium Lithium enrichi en lithium 6

1 kg ou plus de lithium 6 contenu

Irradié Tous combustibles (d) Objets dont 3 g ou la teneur plus (Pu Matières dismoyenne en et persées et matière fissile U233) faiblement est inférieure 15 g ou concentrées ou égale à plus 0,1 % en (U235) masse (e) a) Tous isotopes du plutonium. b) Matières nucléaires non irradiées dans un réacteur ou matières irradiées dans un réacteur délivrant un débit de dose absorbée dans l'air inférieur ou égal à 1Gy / heure (100 rads / h) à 1 mètre de distance sans écran. c) Les quantités d'uranium sont exprimées en U235 ou U233 contenu. d) Matières nucléaires irradiées dans un réacteur délivrant un débit de dose absorbée supérieur à 1 Gy / heure (100 rads / h) dans l'air à 1 mètre de distance sans écran. e) Matières nucléaires dispersées dans des objets (alliages, colis de déchets, etc.) et dont la teneur massique est exprimée en masse totale de matières nucléaires sur masse nette de l'objet. Dans le cas d'un mélange de matières, le seuil S d'appartenance à la catégorie I, II ou III est déterminé au moyen de la formule : 1 / S = ? (fi / Si), où fi désigne la fraction massique de la matière i dans le mélange et Si désigne le seuil associé à la matière i tel que défini dans le tableau ci-dessus. Combustibl es irradiés

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

Logistique et transports non nucléaires Outre le cas très spécifique des matières radioactives traité ci-dessus, une grande installation nucléaire suscite le transport de très grandes quantités d’autres matières et surtout de très nombreux matériels, dont certains (gros composants), possèdent des caractéristiques massiques et/ou volumiques exceptionnelles requérant des moyens de transport eux-mêmes exceptionnels. De plus, pour un projet export, les transports internationaux revêtent une grande importance (mais également pour un projet domestique, à échelle plus modeste, compte tenu de la mondialisation croissante des fournisseurs). Or, il s’agit toujours d’activités potentiellement risquées. Même si l’on exclut le risque majeur de perte totale (cas du naufrage d’un bateau de transport, par exemple) heureusement très rare, les risques les plus fréquents concernent la possible dégradation de la qualité (du fait des transports et/ou manutentions, voire du stockage intérimaire sur site avant mise en place définitive) et les délais (retards lors des transports, passages en douane, etc.). Ces risques sont plus importants dans le cas de transports internationaux qui mettent en œuvre : – Des transports généralement multimodaux (par terre, mer et air), impliquant le plus souvent des transbordements plus ou moins nombreux, – Des contraintes règlementaires et administratives supplémentaires telles que licences d’exportation et/ou d’importation, dédouanements, etc. qui doivent être gérées avec le plus grand soin. Nous insisterons ici sur les points les plus critiques de la logistique et des transports, à savoir : – – – –

L’emballage, du début à la fin du transport, Les transports lourds (gros composants), Les transports internationaux, La réception sur site, étape ultime du transport.

¾ L’emballage, du début à la fin du transport… L’emballage des matériaux et matériels a pour but évident de protéger ces derniers des agressions : – Naturelles (température, humidité, salinité, etc.), – Dues aux erreurs humaines (mauvaises manipulations). Les spécifications d’emballage dépendent par ailleurs : – De la nature du matériel concerné (composants de génie civil, matériels mécaniques, matériels électriques, composants électroniques ou de contrôle commande), – Du mode de transport envisagé (mer, air, fer, route),

203

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Du mode de stockage temporaire sur le site, avant introduction dans les ouvrages définitifs, à savoir soit : - Dans des bâtiments climatisés spécialement conçus (pour les composants électroniques et de contrôle commande : ordinateurs, baies de mesure, capteurs, etc.), - Dans des hangars simplement ventilés (pour les matériels mécaniques et électriques autres que de contrôle commande mais nécessitant une mise à l’abri), - À l’extérieur (« outdoor », en anglais), donc soumis aux intempéries (pour les autres matériels : aciers de renfort, composants de tuyauteries, gaines de ventilation, certains matériels mécaniques très volumineux, composants de chemins de câbles, tourets de câbles, etc.). Dans ce dernier cas, les conditions atmosphériques et environnementales doivent être prises en compte dès la conception des emballages, sous peine d’avoir à faire face à d’importants problèmes de corrosion. C’est le cas, en particulier, de l’agressivité atmosphérique à forte salinité et fort taux d’humidité des sites bord de mer, ou de l’humidité permanente et de l’air saturé des sites en zone tropicale ou semi-tropicale, etc.

¾ Le transport des gros composants Si l’on prend l’exemple d’une centrale REP, les principaux gros composants sont : – Pour la partie nucléaire : la cuve du réacteur, les générateurs de vapeur et le pressuriseur, – Pour la partie classique : le stator et le rotor de l’alternateur, le stator et le rotor de la turbine, notamment des parties BP (Basse pression) de très grandes dimensions. Ces composants entraînent des difficultés particulières de levage et de transport du fait de leur masse et/ou de leur volume. Ils impliquent donc la mise en œuvre : – D’études approfondies spécifiques des circuits de transport, – De moyens de transport et levage spécifiques, – D’adaptations et/ou de créations d’infrastructures complémentaires, le cas échéant.

• Étude approfondie des circuits de transport Une étude approfondie des circuits de transport des gros composants est indispensable, au cas par cas, en fonction des lieux de fabrication et du site de livraison. Une telle étude doit notamment prendre en compte (non exhaustif) : – Les caractéristiques des infrastructures existantes (voies d’eau, lignes de chemins de fer, routes, etc.) telles que (non exhaustif) : - Gabarits fluviaux, tunnels ferroviaires, routiers, - Charges admissibles des voies et ponts, en particulier, 204

6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

- Rayons de courbures minimaux et pentes maximales des routes et voies empruntées (contraintes dues aux remorques de transport et tracteurs des composants lourds).

• Moyens de transport et levage spécifiques Ces moyens peuvent être : – Fluviaux ou de haute mer (péniches et/ou cargos spécialisés dans ce type de transport), – Routiers (remorques multi-essieux permettant de répartition les charges pour ne pas dépasser la pression admissible sur les voies routières, notamment), – Terrestres (grues spéciales de très fort tonnage pour assurer les levages et les transbordements d’un moyen de transport à un autre, par exemple). • Adaptations et/ou créations d’infrastructures complémentaires Les études approfondies des circuits de transport évoquées ci-dessus peuvent conduire à la nécessité d’adapter les infrastructures existantes, voire à en créer de nouvelles. Parmi les cas les plus courants (non exhaustif) : – La nécessité de reprofiler certaines portions de routes (rayons de courbures, pentes, etc.), – La création fréquente, sur un site de bord de mer et s’il n’existe pas de port en eau profonde à proximité, d’un quai de déchargement lourd (qui servira bien sûr aussi au déchargement des autres colis). Il va sans dire que de telles adaptations et/ou créations doivent être fortement anticipées, notamment auprès des administrations concernées (par exemple, s’il faut reprofiler des portions de voies publiques).

¾ Les transports internationaux Exporter ou importer des matières et matériels implique notamment : – De mettre en œuvre un ou plusieurs moyens de transport, avec les risques et coûts afférents. La maîtrise de ces derniers étant grandement facilitée par le recours contractuel (non obligatoire) aux Incoterms, – D’entreprendre de nombreuses formalités administratives : dédouanement des marchandises et, dans certains cas particuliers, obtention préalable de licences d’importation et/ou d’exportation, acquittement des droits et taxes, etc. – De recourir quasi obligatoirement pour ce faire à des intermédiaires ou auxiliaires du transport international (généralement dénommés « transitaires » de manière générique), – Enfin, s’agissant d’un projet nucléaire, d’optimiser la chaîne logistique complète, comte tenu des contraintes, risques et coûts associés. – Ces différents sujets sont introduits de matière très générale dans ce qui suit, sans bien sûr prétendre à l’exhaustivité.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

• Les Incoterms Créés par la Chambre de Commerce Internationale (située à Paris), les Incoterms (International Commercial Terms) ont pour but de faciliter et sécuriser les échanges internationaux en édictant des règles reconnues internationalement définissant les obligations respectives de l’exportateur et de l’importateur pour l’acheminement des marchandises et portant sur : – L’organisation des transports, – L’établissement des documents nécessaires, – La réalisation des formalités douanières, – Le transfert des risques et la souscription des assurances, – La répartition des frais, etc. Il existe treize incoterms, répartis en quatre « familles » par ordre croissant d’obligations du vendeur, récapitulées dans l’encadré ci-dessous :

Les 4 « familles » d’Incoterms – « Famille » E : l’exportateur met la marchandise à la disposition de l’importateur dans ses propres locaux (Incoterm 01 : EXW). – « Famille » F : l’exportateur remet la marchandise à un transporteur désigné par l’importateur, transport principal non acquitté (Incoterms 02 à 04 : FCA, FAS, FOB). – « Famille » C : transport acquitté, l’exportateur souscrit le contrat de transport mais sans en assumer les risques de pertes ou de dommage (Incoterms 05 à 08 : CFR, CIF, CPT, CIP). – « Famille » D : l’exportateur assume tous les coûts et risques jusqu’au pays de destination (Incoterms 09 à 13 : DAF, DES, DEQ, DDU, DDP).

Les 7 Incoterms les plus utilisés, qui couvrent environ 80 % des cas, sont cités dans l’encadré ci-après :

Les 7 Incoterms les plus couramment utilisés - EXW : Ex Works / Sortie usine L’exportateur a rempli ses obligations de livraison dès lors qu’il a mis la marchandise à disposition de l’importateur dans son propre établissement (usine, entrepôt…). - FAS : Free Alongside Ship (named port of shipment) / Franco le long du navire (port d’embarquement convenu) L’exportateur a rempli ses obligations de livraison quand la marchandise a été placée le long du navire, sur le quai d’embarquement prévu, à la date convenue entre les parties.

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

- FOB : Free On Board (named port of shipment) / Franco à bord (port d’embarquement convenu) L’exportateur a rempli ses obligations de livraison quand la marchandise a passé le bastingage du navire au port d’embarquement désigné. - CFR: Cost and Freight (named port of destination) / Coût et fret (port de destination convenu) L’exportateur choisit le navire, paie les frais de chargement et transport de la marchandise jusqu’au port de destination désigné. - CIF : Cost Insurance and Freight (named port of destination) / Coût, assurance et fret (port de destination convenu) L’exportateur a les mêmes obligations qu’en CFR mais il doit en plus fournir une assurance maritime contre le risque de perte ou de dommage aux marchandises pour une valeur CIF + 10 % au profit de l’importateur. - CPT : Carriage Paid to (named place of destination) / Port payé jusqu’à (lieu de destination convenu) L’exportateur choisit le transporteur, paie le chargement et le transport de la marchandise jusqu’à la destination convenue, ainsi que les frais de déchargement et de dédouanement export (à la charge de l’exportateur ou de l’importateur, selon le contrat de transport). - CIP : Carriage and Insurance Paid to (named place of destination) / Port payé, assurance comprise jusqu’à (lieu de destination convenu) L’exportateur a les mêmes obligations que selon le terme CPT, mais il doit en outre fournir une assurance contre le risque au bénéfice de l’importateur.

Quelques points complémentaires importants concernant les Incoterms et leur usage méritent d’être soulignés, notamment : – Ils sont destinés à être intégrés dans les contrats de vente internationaux, mais n’ont pas de caractère obligatoire. Ils sont cependant reconnus par la majorité des pays dans le monde à l’exception notable des États-Unis qui utilisent le plus souvent leur propres règles dans ce domaine : les RAFTD « Revised American Foreign Trade Definition ». – Leur objet est strictement limité aux droits et obligations des parties pour ce qui concerne le transport et la livraison des marchandises, en stipulant les conditions de transfert des risques et de paiements des frais liés à ces étapes. Ils ne concernent en aucun cas le transfert de propriété des marchandises, régi indépendamment par les termes du contrat de vente et/ou le droit applicable. – Ils sont toujours associés à un point de départ bien défini, et, selon le cas, d’arrivée. – Ils sont régulièrement actualisés. Il convient donc de se référer dans les contrats à une version bien identifiée (datée) des Incoterms pour éviter toute ambiguïté ou contestation.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Enfin, le choix d’un Incoterm n’est neutre ni pour l’exportateur, ni pour l’importateur en termes de répartition des risques et donc de responsabilités respectives. Il est important à cet égard que cette répartition des risques tienne compte de l’expérience respective des parties dans le domaine du transport international. En effet, face à un exportateur inexpérimenté, un importateur ayant une grande expérience dans ce domaine peut avoir intérêt à prendre directement les risques de transport, s’il les maîtrise mieux que son fournisseur.

• Formalités administratives d’importation / exportation : licences, dédouanement, etc. D'une manière très générale, les échanges commerciaux de marchandises entre pays sont soumis à déclaration en douane. Mais il faut distinguer entre d’une part l'importation « de » et l'exportation « vers » les pays situés hors de l'Union européenne et d’autre part les échanges intra-communautaires. À l’intérieur de l’Union européenne, la plupart des échanges commerciaux se font librement, sans formalité et sans contrôle aux frontières : il n’y a pas de déclaration en douane à faire au cas par cas. Toutefois, une « déclaration d’échanges de biens » (DEB) reprenant l’ensemble des échanges intracommunautaires, doit être établie mensuellement à des fins : – D’établissement des statistiques du commerce extérieur, – De surveillance fiscale (relative à la TVA) des flux intracommunautaires de marchandises. Vis-à-vis des pays tiers, les importations et les exportations nécessitent par contre la production d'un « Document administratif unique » (DAU), et des droits de douane peuvent être appliqués, en fonction de trois éléments : l'espèce tarifaire (définie par une nomenclature internationale), l'origine et la valeur en douane. Cependant, par exception au principe de libre circulation des marchandises, les importations et les exportations entre l’UE et les pays tiers d’une part, la circulation intra-communautaire d’autre part, peuvent être soumises à des restrictions de circulation, à des réglementations particulières voire même être strictement interdites en raison de leur caractère sensible. Qu’en est-il des formalités relatives aux « marchandises » entrant dans les installations nucléaires ? Trois grandes catégories peuvent être distinguées : – Les matériels qui relèvent des échanges de biens industriels classiques. Ils représentent la grande majorité des « marchandises », – Les matériels et/ou composants susceptibles d’entrer dans la catégorie des biens technologiques à double usage (civil et militaire). A priori très peu nombreux, ils dépendent de la nature de l’installation nucléaire et doivent être identifiés le plus tôt possible, – Enfin, les déchets et sources radioactives, qui relèvent d’une réglementation très spécifique (sujet déjà abordé ci-dessus). 208

6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

En outre, dans le cas d’un projet nucléaire à l’export, il est évidemment essentiel de prendre également en compte la réglementation douanière du pays d’accueil de l’installation, afin d’identifier le plus tôt possible (non exhaustif) : – Les droits de douane applicables (qui peuvent dans certains cas représenter un coût très important), – Les formalités nécessaires et contraintes particulières (restrictions et autres) à l’entrée du pays, qui peuvent induire des délais très importants dans certains pays. En résumé, un projet export requiert impérativement une étude douanière et fiscale approfondie pour anticiper les difficultés potentielles dans ce domaine et prendre les mesures nécessaires pour les éviter. C’est un sujet majeur, dont l’impact en termes de coût et de délais peut être très important.

• Les intermédiaires ou auxiliaires des transports internationaux : transitaires, commissionnaires, mandataires de transport Sous le terme général et générique de « transitaire », on englobe en fait deux grands types d’intermédiaires ou auxiliaires de transport, qu’il convient de distinguer en fonction des responsabilités qu’ils assument : Les commissionnaires de transport

Ils organisent de façon libre et autonome, pour le compte de l'expéditeur, la totalité du transport. Dans ce cadre, ils : – Mettent en place et coordonnent globalement les transports nécessaires et les formalités associées, – Répondent d'une obligation de résultats, y compris bien entendu pour les activités qu’ils sous-traitent librement aux prestataires de leur choix, dont ils sont donc pleinement responsables. On trouve dans cette catégorie : les affréteurs routiers, les groupeurs aériens ou maritimes, les organisateurs de transports multimodaux, les intégrateurs. Les mandataires de transport

Ils jouent principalement un rôle de liaison entre deux modes de transport : dédouanement des marchandises, stockages intermédiaires, etc. Dans ce cadre, ils : – Agissent sous les ordres de l’expéditeur, coordonnent les sous-traitants choisis par ce dernier (dont ils ne sont donc pas responsables) mais sont tenus de prendre toutes dispositions en cas de défaillance de ces derniers pour préserver les intérêts de leur donneur d’ordres, – Répondent d'une obligation de moyens. Ils sont cependant tenus à des obligations de conseil dans leur domaine de compétence.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

On trouve dans cette catégorie : les transitaires portuaires ou aéroportuaires, les transitaires en douane, etc. NB : - Les termes ci-dessus sont souvent utilisés à mauvais escient. De plus, leur dénomination peut varier d’un pays à l’autre, les réalités recouvertes par un même terme pouvant alors être différentes. - Le point essentiel est donc de se référer à la nature juridique du contrat liant le client à son « transitaire » et plus précisément aux responsabilités que ce dernier assume.

• Optimisation de la chaîne logistique et transports pour un grand projet nucléaire La question se pose plus particulièrement pour un projet nucléaire à l’export, qui implique par nature davantage de logistique et transports internationaux qu’un projet domestique (même si ce dernier en suscite aussi, les fournisseurs tendant à se mondialiser). Il va de soi que de grands constructeurs tels qu’AREVA, ALSTOM et quelques autres, qui exportent couramment leurs équipements dans le monde entier, sont parfaitement rompus aux métiers de la logistique et des transports internationaux. Ils ont donc la pleine capacité de prendre en charge les transports de leurs matériels et ceux de leurs propres sous-traitants, en s’appuyant en tant que de besoin sur les prestations de simples mandataires. Il n’en va pas de même de nombreux fournisseurs de taille plus modeste, peu ou pas rompus à ces problématiques. Leur confier la responsabilité du transport de leurs fournitures peut donc être une mauvaise solution en termes de risques (du fait de leur manque d’expérience) et de coût (pour des raisons évidentes, de multiples transports unitaires coutent beaucoup plus cher que des transports groupés). C’est la raison pour laquelle il est bien préférable (pour l’entité ensemblière de l’installation) de négocier un contrat cadre avec un commissionnaire de transport global, qui assurera une prestation pour l’ensemble des fournisseurs concernés (hors transports lourds, qui relèvent d’un savoir faire spécifique). Ce type de prestataire doit avoir la surface financière et industrielle requise et disposer d’une très grande expérience, notamment avec le pays destinataire. C’est la meilleure garantie en termes de prévention des risques et de respect des coûts.

¾ Réception sur site C’est la dernière étape de la chaîne logistique, qui constitue en quelque sorte une « passation de pouvoirs » entre l’ingénierie d’achat et l’ingénierie de réalisation. Elle revêt une importance contractuelle particulière en termes de : – Qualité : il s’agit de s’assurer que le transport n’a pas occasionné de dommages aux équipements eux-mêmes et, le cas échéant, à leur emballage (dans le cas où ce

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6. Autres aspects : économiques, financiers contractuels, juridiques, logistiques et politiques

dernier est appelé à jouer un rôle protecteur pendant la phase de stockage intérimaire sur site, avant introduction dans les locaux définitifs, cf. plus haut), – Délai : conformité au délai prévu. Un dernier point, essentiel, relève de la responsabilité directe de l’ingénierie de réalisation : la gestion des réceptions sur site. Un site en pleine activité voit arriver tous les jours des dizaines, voire des centaines de composants et matériels de diverses natures, qu’il convient de contrôler sous l’aspect qualité (comme évoqué ci-dessus) mais aussi d’enregistrer et d’aiguiller vers un lieu de stockage bien identifié à des fins de gestion. C’est un point important, qui requiert la mise en place d’une organisation dédiée très rigoureuse.

Aspects politiques et poids des opinions publiques Enfin, la construction d’une installation nucléaire dans un pays est toujours un sujet extrêmement sensible qui revêt de ce fait une composante politique à la fois : – Internationale, notamment avec les pays riverains, surtout si l’installation est construite à proximité d’une frontière. C’est aspect donne en particulier lieu à la signature des différents protocoles et traités internationaux évoqués plus haut. – Nationale, car elle suscite presque toujours un débat national, impliquant le gouvernement, la représentation nationale parlementaire et bien sûr l’opinion publique, à la fois au niveau national et local. Ces sujets prennent une importance cruciale dans les pays « nouveaux entrants » dans le nucléaire. À cet égard, le préalable au développement de tout projet nucléaire dans ces pays, conformément aux recommandations de l’AIEA en la matière, est la création et la structuration de trois entités incontournables : - En premier lieu, la création d’une entité gouvernementale dédiée (le plus souvent rattachée au premier ministre compte tenu de son champ d’action) chargée de coordonner globalement les actions nécessaires au niveau de l’État (en particulier : préparation des lois, écriture de la réglementation nucléaire et environnementale, création des structures nécessaires, préparation des actions de communication publique, etc.), - En second lieu, la désignation du futur Maître d’Ouvrage / exploitant nucléaire (le plus souvent l’électricien national) afin de lui permettre de se préparer dès que possible à ses futures responsabilités, - Enfin, dernière citée mais non la moindre, la création d’une Autorité de sûreté nucléaire à la fois compétente et réellement… indépendante : c’est la condition sine qua non de la sûreté effective des futures installations. Mais aussi la plus difficile à satisfaire dans des pays manquant de personnels scientifiques de haut niveau et de toute « culture de sûreté » préalable… À tel point qu’un exportateur responsable d’installations nucléaires ne peut pas ne pas s’interroger avant de fournir une centrale nucléaire à un pays qui ne respecterait

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

pas cette dernière condition (et, plus largement, ne se serait pas suffisamment préparé dans les deux autres domaines ci-dessus). Les risques sont en effet bien trop grands, y compris ceux qui concernent sa propre image : le nucléaire ne sera jamais une industrie comme les autres, régie par les seules lois du commerce… Dernier point, relatif à l’opinion publique : il va de soi que c’est un sujet majeur et très sensible dans la plupart des pays, dont la mauvaise préparation et/ou gestion peut aller jusqu’à compromettre une réalisation nucléaire...

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Le management de projet Le management de projet est la fonction intégratrice globale d’un projet, qui a pour finalité, à partir de la synthèse de toutes les caractéristiques et exigences spécifiées du projet, de le piloter et maîtriser de manière optimale jusqu’à son aboutissement final. Il comporte en particulier une dimension à la fois réactive, proactive et prospective de maîtrise des difficultés, aléas et risques divers susceptibles de survenir. C’est sans doute aussi l’une des fonctions parmi les moins spécifiques de toutes les activités d’ingénierie relatives à une installation nucléaire : le management d’un projet nucléaire présente en effet très peu de différences avec celui de n’importe quel (très) grand projet industriel, notamment sous l’angle de l’organisation générale, des approches méthodologiques de pilotage et gestion, des outils informatiques (de planification, de gestion documentaire, etc.) mis en œuvre, etc. En particulier, le classique triptyque QCD (qualité, coût, délai) du management de projet reste la base de l’approche. « Simplement » (mais les conséquences en sont importantes, voire structurantes sous certains aspects, cf. fin du chapitre), la composante « Q » (qualité au sens large, c’està-dire conformité à un cahier des charges à la fois légal, réglementaire, environnemental, technique, etc. doit intégrer les spécificités nucléaires : – Contraintes supplémentaires fortes concernant la sûreté, la radioprotection, la protection contre la malveillance,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Exigences complémentaires qui en résultent en termes de contrôle de la qualité et d’assurance de la qualité. Toutes ces contraintes additionnelles ont pour conséquence de complexifier les données à prendre en compte et à maîtriser, sans modifier pour autant les fondamentaux du « métier » de management de grand projet industriel. Ils le rendent simplement plus difficile et plus exigeant. Comme pour tout grand projet industriel, on distingue trois phases principales : - La phase de préparation, - La phase de réalisation, - La phase de « clôture ».

Les grandes phases d’un projet ¾ Phase de préparation, mise en place, organisation globale du projet Cette phase préparatoire, essentielle au bon déroulement de la suite du projet, comprend notamment : - L’identification de l’ensemble des tâches à réaliser dans le cadre du projet, dans tous les domaines requis (réglementaire, technique, contractuel, financier, politique, etc.), - La planification - programmation de ces tâches, - L’identification des interfaces entre ces différentes tâches et la planification de leurs échanges, - L’identification des risques potentiels de tous types et la prédétermination des parades possibles pour les éviter ou au moins les mitiger, - Le choix et la mise en place des méthodes et outils de suivi et gestion du projet : référentiels d’assurance de la qualité, planification générale et détaillée, échanges d’interfaces, mesure des avancements physiques, gestion documentaire, gestion des coûts, maîtrise des risques du projet, « reporting », etc.), - La mise en place d’une « organisation projet » répondant aux contraintes précédentes, avec les compétences et moyens humains nécessaires. Cette phase aboutit finalement à la définition de ce que l’on peut considérer comme un véritable modèle de déroulement du projet dans le temps, prenant en compte les exigences QCD spécifiées.

¾ Phase de réalisation du projet La réalisation d’un projet industriel complexe étant très rarement conforme au modèle préétabli, cette phase va essentiellement consister à anticiper au mieux et gérer de la façon la plus réactive et proactive possible les écarts de la réalité au modèle initial (dus aux aléas) afin de respecter au plus près les exigences QCD spécifiées du projet.

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7. Le management de projet

Ces objectifs se traduisent concrètement par la mise en œuvre : - De mesures de suivi et contrôle de divers types, - D’échanges très nombreux d’informations en temps réel ou faiblement différé, - De décisions à la fois très nombreuses et d’importance variable, devant être prises en toute connaissance de cause, au bon moment et aux niveaux adéquats, - D’une coordination réactive des tâches, à la fois rapprochée et globale, - De mesures d’anticipation, - De mesures correctives. Cette phase se termine normalement par la réception de l’installation, réputée être en état de marche industrielle ou commerciale (selon les dénominations usitées).

¾ Phase de « clôture » du projet C’est une phase à caractère essentiellement contractuel, au cours de laquelle : - Les contentieux entre le Maître d’Ouvrage et les différents contractants partie prenante (Maître d’Œuvre, fournisseurs, etc.) sont négociés et traités, - Les réserves (travaux différés n’empêchant pas le fonctionnement normal mais étant contractuellement dus) sont progressivement levées. Tous ces sujets sont approfondis ci-après.

Les grandes fonctions du management de projet Elles sont regroupées autour des trois composantes du triptyque habituel QCD (qualité, coût, délai) du management de projet. Il faut y ajouter l’information de « contrôle » du projet, qui joue le rôle de boucle de retour.

¾ Management de la « qualité » (au sens large) • Cinq questions majeures pour les trois objectifs QCD « Un problème bien posé est à moitié résolu » Voilà ce que nous enseignaient autrefois nos maîtres d'école, à très juste titre d’ailleurs ! Adage dont la version « en négatif » peut s'exprimer par : « Un problème mal posé à peu de chances d'être (correctement) résolu » Un projet n'échappe bien sûr pas à cette logique et la première des choses devrait être de se poser les cinq questions, simples en apparence mais fondamentales, qui structurent tout projet, à savoir : QUI fait QUOI, pour QUI, pour QUAND, COMMENT, à quel COÛT ?

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– « QUOI » définit le contenu (les tâches) et les limites du projet, c’est-à-dire son objet précis, – « QUI fait » permet de clarifier des sujets aussi importants que la répartition des tâches et responsabilités entre les différents acteurs du projet, les interfaces à échanger et enfin les moyens humains affectés au projet, – « Pour QUI » désigne évidemment l'acteur le plus important de tout projet qu'est le... client ou Maître d’Ouvrage ! Car c'est lui qui définit, au travers du cahier des charges qu'il impose, ainsi que du prix qu'il est prêt à payer, l'équilibre entre les trois objectifs indissociables QCD, – « Pour QUAND » concerne évidemment la planification / programmation des tâches, – « COMMENT » concerne un ensemble de sujets recouvrant notamment les méthodes, outils et procédures à mettre en œuvre sur le projet, le système d'assurance de la qualité (AQ) voire, de plus en plus fréquemment pour les projets industriels à fort impact environnemental, le système de management qualité environnement (SMQE), etc., – « À quel COÛT » se réfère aux différentes composantes du coût du projet (ingénierie interne, achats externes de matériels et/ou de services, frais financiers, etc.) qui feront l'objet d'un suivi rigoureux tout au long de la vie du projet. Ces questions, simples en apparence, mais dont les réponses le sont moins quand il s’agit de prendre en compte des milliers ou dizaines de milliers de tâches, sont à la base de l’assurance de la qualité (cf. plus loin).

• Définition des tâches : exhaustivité sans redondance ! La définition des tâches doit en particulier être menée avec une très grande rigueur dès le début d'un projet, eu égard aux risques encourus, à savoir : – Le risque de non exhaustivité de la prise en compte de toutes les tâches du projet (notamment quand celui-ci est très complexe). C’est le risque le plus important, sachant que l’oubli d’une tâche, s'il n'est pas identifié rapidement, peut avoir des conséquences très importantes en termes de planning et/ou de surcoûts de rattrapage tardif, notamment, – Le risque inverse est l’existence de redondances dans les tâches du projet (soit entre les tâches « internes » au projet, soit entre ces dernières et les tâches « externes » incombant au client, donc non contractuellement dues). De telles redondances sont évidemment des sources de surcoûts inutiles. Ces différents risques peuvent être minimisés par la mise en œuvre de bonnes pratiques telles que : – La revue initiale de contrat, suivie de revues périodiques de projet, – L'établissement de fiches de tâches, structurées par un organigramme des tâches (OT), qui permettent en outre de bien répartir ces tâches entre les différents acteurs du projet, – La prise en compte de l’expérience de projets similaires antérieurs. 216

7. Le management de projet

• Les interfaces : un « casse-tête »… incontournable ! On peut distinguer deux grandes catégories d’interfaces : – Les interfaces « verticales », essentiellement entre le Maître d’Ouvrage et le (ou les) fournisseur(s) selon le schéma contractuel d’ensemble (cf. chapitre 4). Elles sont relativement peu nombreuses et ont en général un caractère contractuel, – Les interfaces « horizontales » ou « transverses » entre les différentes tâches du projet. Ces interfaces peuvent être majoritairement internes (cas d’un schéma « clés en mains » ou d’un schéma « avec Maître d’Œuvre », intégré ou non au Maître d’Ouvrage) ou externes (cas d’un schéma « par îlots »). Dans ce dernier cas, les interfaces entre îlots revêtent alors également un caractère contractuel. Ces interfaces « horizontales » ou « transverses » sont de loin les plus nombreuses et la très grande majorité d’entre elles concerne l’ingénierie d’études. Quoi qu’il en soit du schéma contractuel et de la nature des interfaces, la maîtrise de leurs échanges implique : identification initiale, planification des échanges, enfin gestion de ces échanges. Ce qui est d'autant plus difficile que le projet comporte un grand nombre de tâches. Rappelons que pour un projet comportant N tâches, le nombre théorique d'interfaces possibles est approximativement égal à N2/2. Autrement dit, ce nombre croit comme le carré du nombre de tâches du projet, donc augmente très vite avec la taille et la complexité de ce dernier. Ce grand nombre d'interfaces à échanger dans les projets complexes impose de mettre en place, surtout si ces échanges revêtent un caractère contractuel : – Une organisation spécifique dédiée, avec notamment un responsable désigné du processus global de définition, de planification et d’échange, – Des procédures associées pour définir, échanger et gérer ces interfaces tout au long de la vie du projet, – Des outils informatisés, évidemment indispensables pour gérer les grands nombres d'informations qui se présentent sous forme de fichiers, comprenant classiquement : > Un identifiant de l'interface considérée (généralement composé d'un code identifiant l'émetteur, d'un numéro d'ordre et enfin d'un code identifiant le destinataire), > Un libellé de l'interface (explicitant sa nature de manière succincte), > Une date prévisionnelle d’échange, > Une date de réalisation de l’échange, > Un espace réservé aux commentaires éventuels. De tels fichiers sont par nature évolutifs sous deux aspects : - Ils s’enrichissent de nouvelles interfaces au cours du déroulement du projet, dans la mesure où il est pratiquement impossible d’être exhaustif en tout début de projet, 217

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- Ils font partie des outils courants de gestion du projet, remis périodiquement à jour, généralement sur une base mensuelle. Ils doivent en outre permettre de faire aisément des tris selon différents critères (notamment selon : interfaces dues par chacun des acteurs du projet à chaque échéance mensuelle, interfaces prévues et non émises à une date donnée, etc.).

• Gestion de « configuration » Compte tenu de la durée et de la complexité des études détaillées d’un projet nucléaire, de nombreuses évolutions doivent être intégrées en « cours de route », notamment : - Les améliorations relatives à la sûreté résultant de la prise en compte du « retour d’expérience » (cf. chapitre 3), - Les autres types d’améliorations (ne concernant pas la sûreté, mais par exemple les performances, la disponibilité, etc.), - Enfin, les inévitables corrections d’erreurs mineures. Cette intégration implique impérativement la définition et le suivi rigoureux des évolutions au travers d’un double processus : – Un processus de gestion des modifications (analyse et acceptation / rejet), – Un processus d’intégration des modifications acceptées dans ce que l’on désigne généralement par le terme de « configuration » et qui peut se résumer par : « Configuration à date » = « Configuration initiale » (du modèle certifié ou de la centrale de référence) + Modifications intégrées à date Compte tenu de la complexité d’une installation nucléaire, la gestion de sa « configuration » demande une extrême rigueur, toute modification impliquant l’identification exhaustive et la parfaite traçabilité de tous les documents d’ingénierie impactés (parfois plusieurs dizaines pour une seule modification !) C’est donc une activité majeure et lourde en ingénierie nucléaire, bien entendu mise sous assurance de la qualité. Bien que spécifique à un projet donné, sa gestion est généralement déléguée à l’ingénierie d’études qui est la mieux placée pour maîtriser cette tâche.

• Gestion documentaire C’est un sujet crucial dans le management des (grands) projets nucléaires qui requièrent la gestion d’un nombre extrêmement élevé de documents (selon les cas, de plusieurs dizaines de milliers à quelques centaines de milliers, indices compris) qui doivent être parfaitement : – Codifiés, pour être utilisables de façon rationnelle, – Gérés et rigoureusement tracés pour des raisons évidentes d’assurance de la qualité tout au long de leur processus de production, révision et utilisation (aux différents

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7. Le management de projet

stades d’élaboration incluant les processus de revue, approbation, etc., puis gestion des modifications et mises à jour, etc.), – Diffusés aux différents intéressés dans un but précis (pour action, information, etc.), – Et enfin stockés et archivés. NB : la « documentation » (au sens large) étant le principal « produit de sortie » de toute ingénierie, la gestion documentaire est une activité stratégique.

• L’assurance de la qualité (AQ) L’assurance de la qualité est indissociable du management d’un projet pour deux raisons essentielles : – Elle concerne l’ensemble des domaines et processus d’un projet nucléaire (procédures administratives, études, achats, réalisation sur site, management de projet, etc.), – Les exigences spécifiées pour un projet répondent à la fois aux règles du système de management de la qualité (ou système qualité) interne de l’ingénierie assurant la Maîtrise d’Œuvre et aux exigences imposées par les Maîtres d’Ouvrages, euxmêmes soumis aux exigences de leur Autorité de sûreté nucléaire. Ces impositions peuvent donc varier selon le client et/ou pays concerné, tout particulièrement entre une installation construite en France ou à l’export. Un système qualité s’articule autour de (cf. également encadrés ci-après) : - Principes de base de l’AQ, - Référentiel(s) AQ choisis et/ou imposés, - Documents particuliers de mise en œuvre : manuels d’assurance de la qualité (MAQ), plans qualité Pprojet (PQP), procédures qualité associées, etc.

Quelques principes fondamentaux de l’AQ (non exhaustif) L’assurance de la qualité est fondée sur des règles de base, essentiellement : 1) ÉCRIRE CE QUE L’ON VA FAIRE (définir QUI, QUOI, OU, COMMENT, QUAND) 2) FAIRE CONFORMÉMENT À CE QUE L’ON A ÉCRIT 3) VÉRIFIER QUE CE QUE L’ON A FAIT EST CONFORME À CE QUE L’ON A ÉCRIT ET… L’ÉCRIRE ! (actions de contrôle, audits) 4) TRAITER LES NON-CONFORMITÉS ÉVENTUELLES 5) AMÉLIORER CONTINUEMENT LE SYSTÈME QUALITÉ (actions préventives et correctives, capitalisation de l’expérience) 6) DOCUMENTER ET ENREGISTRER (pour : prouver, assurer la traçabilité, identifier, classer, conserver, archiver)

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Référentiels AQ couramment utilisés dans le domaine nucléaire (non exhaustif) Référentiels nationaux (exemples) : - Arrêté Qualité du 10 août 1984 (France) - 10 CFR 50 Appendix B et ASME/ANSI NQA-1 (États-Unis) - KTA 1401 (Allemagne) Référentiels internationaux (essentiellement) : - Code 50-C/SG-Q de l'AIEA (orienté sûreté nucléaire) - ISO 9001 (non spécifique au nucléaire) Référentiels contenus dans les codes de construction (exemples) : Exigences complémentaires contenues dans les chapitres A 5000 des RCC Référentiels contractuels des grands acteurs du nucléaire (exemples) : - SGAQ d’EDF : Système de management de la qualité mis en place pour la construction de l’EPR et couvrant l’ensemble des parties prenantes à un projet (EDF et ses fournisseurs, contractants, sous-contractants). Il est conforme aux exigences de : > L’Arrêté qualité du 10 août 1984, > L’ISO 9001 NB : le SGAQ est en outre conforme aux exigences de l’ISO 14001 (norme environnementale). - O/N/100 d’AREVA NP NB : le système de management de la qualité d’AREVA NP pour la fourniture de ses chaudières nucléaires est conforme aux exigences de l’ensemble des référentiels nationaux et internationaux cités ci-dessus.

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7. Le management de projet

Organisation générale et documents de base de l’AQ On distingue classiquement le : – Système de management de la qualité (SMQ) ou système qualité (SQ) : deux définitions classiques et complémentaires : - « Ensemble de l’organisation, procédures, processus et moyens nécessaires pour mettre en œuvre le management de la qualité », - « Ensemble des activités préétablies et systématiques mises en œuvre et démontrées pour donner la confiance appropriée en ce qu’une entité satisfera aux exigences spécifiées ». La mise en œuvre des principes et définitions énoncés ci-dessus suppose en outre l’existence d’une organisation interne chargée de : - Gérer, maîtriser et intégrer la qualité dans l'entreprise, - Élaborer et/ou faire élaborer les différents documents décrivant la politique, les principes, les dispositions générales, les processus mis en œuvre, les procédures associées, les instructions et les enregistrements relatifs à la Qualité et au fonctionnement, etc. notamment au travers des Manuels Qualité et/ou Plans Qualité (cf. ci-dessous). – Manuel d’assurance de la qualité (MAQ) ou manuel qualité (MQ) : il joue un quadruple rôle : - Énoncer la politique qualité et les objectifs qualité décidés par la Direction, - Décrire l’organisation mise en place pour maintenir et développer cette politique et atteindre les objectifs assignés, - Expliciter les lignes directrices permettant à toutes les unités ou entités de l’entreprise de s’inscrire de manière cohérente dans le système de management de la qualité, - Fixer l’organisation du système documentaire. Le MAQ (complété des notes de gestion qualité – NGQ – qui en précisent l’application sous forme de description des processus, procédures, instructions, fiches, enregistrements, etc.) a vocation à couvrir l’ensemble des activités et processus communs mis en œuvre dans l’entreprise. – Plan d’assurance de la qualité (PAQ) ou plan qualité (PQ) : spécifique à un projet particulier, il précise pour ce dernier l’application du MAQ et des NGQ associées en tenant compte des impositions du client. Pour ce projet particulier, les directives du PAQ priment sur celles du MAQ. Elles peuvent en outre être complétées, si nécessaire, par des NGQ spécifiques.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

¾ Management des « délais » (au sens large) Le management des délais s’appuie sur deux approches complémentaires : la planification des tâches et la mesure de leur avancement physique.

• Le planning : outil à partager par tous les acteurs du projet ! Le planning (décliné sous ses différentes formes, de la plus synthétique à la plus détaillée, cf. plus loin) constitue la « colonne vertébrale » d'un projet et doit, à ce titre, être impérativement partagé par tous ses acteurs, comme outil de travail journalier. Structuration des différents niveaux de planification

La structuration des différents niveaux de planification d’un projet, allant du plus synthétique au plus détaillé, est de nature « arborescente ». On distingue ainsi généralement des plannings de niveaux : 0, 1, 2 et 3, voire 4 si nécessaire, dont la définition précise peut varier, mais dont les contenus types peuvent se résumer approximativement de la manière suivante : – Planning de niveau 0 (ou encore « Planning directeur ») : son image arborescente est le « tronc » principal de l’arbre avec ses « branches majeures ». C’est un planning très général fixant les étapes majeures du projet (l’ordre de grandeur du nombre de tâches est la dizaine). – Planning de niveau 1 : Son image arborescente est le « tronc » avec toutes les « branches importantes ». C’est un planning d'ensemble rassemblant la totalité des grandes tâches du projet de manière succincte mais exhaustive (l’ordre de grandeur du nombre de tâches est la centaine). – Planning de niveau 2 : son image arborescente est le « tronc », les « branches principales » et les « branches secondaires ». C’est encore un planning d'ensemble, mais qui détaille les grandes tâches et ajoute les interfaces entre ces dernières. C’est généralement le planning pivot d’un projet, qui assure la cohérence de l’ensemble des tâches (l’ordre de grandeur du nombre de tâches est le millier, plusieurs le plus souvent). – Plannings de niveaux 3 et 4 : leur image arborescente est constituée par les « branchettes » (niveau 3) voire les « feuilles » (niveau 4) raccrochées aux « branches secondaires »). Ils servent à planifier de manière détaillée les tâches des différents acteurs métier (il y a généralement autant de plannings de ces niveaux que de corps de métiers différents impliqués dans le projet (l’ordre de grandeur du nombre total de tâches est la dizaine de milliers). Élaboration des différents types de plannings

Tous ces plannings sont en principe élaborés, puis ensuite gérés, par une équipe spécialisée de la structure de management du projet et nécessitent l'usage d'outils de

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7. Le management de projet

planification complexes et sophistiqués, dont la pratique implique une certaine spécialisation. Il faut cependant distinguer : – Les plannings d’ensemble (de niveaux 0, 1 et 2) qui structurent l’ensemble des activités du projet et sont établis de façon autonome par l’équipe projet, – Les plannings détaillés (de niveaux 3 et 4) qui impliquent directement les acteurs métier et nécessitent donc un dialogue approfondi entre ces derniers et l’équipe projet pour leur établissement. Une appropriation par les acteurs métier des plannings ainsi élaborés en commun est en outre indispensable. Ce point est crucial, un manque de dialogue et/ou d’appropriation pouvant entrainer l’émergence de planifications parallèles : - Plus ou moins cohérentes avec la planification d’ensemble, - Utilisant des outils différents donc non compatibles, - Générant au total des pertes de temps et d’efficacité. Fonctionnalités requises pour les outils de planification

L’utilisation généralisée des plannings par la quasi-totalité des acteurs d’un projet, rend l'interface Homme / Outil particulièrement importante. L'expérience montre cependant que cet aspect n’est pas toujours bien traité, ce qui peut induire des difficultés d'acceptation et d'utilisation des outils de planification. Quelles sont, dans ces conditions, les fonctionnalités souhaitables d’un bon outil de planification ? Afin de faciliter la tâche des acteurs non spécialistes de la planification, ils doivent en particulier permettre : – D’extraire aisément des informations propres à chaque équipe métier (« branchette » dédiée) voire à chaque acteur métier pris individuellement (chacun disposant ainsi de sa propre « feuille » de route, collective ou même personnelle). Les outils informatiques de planification actuels disposent en général de ce type de fonctionnalités, essentielles à la réussite des projets complexes. – De déterminer immédiatement les chemins critiques ainsi que les marges des tâches non critiques (fonctionnalités classiques), – D’extraire et gérer des « tâches clés » ou « étapes clés » (dénommées « Milestones » en anglais) représentatives d’événements phares du projet. L’usage de telles « tâches clés » présente un grand intérêt sous deux aspects complémentaires : - Pour le management global des délais : les « tâches clés » constituent autant d’indicateurs intermédiaires d’alerte si elles ne sont pas réalisées en temps et heure, visibles pas tous... - Pour le management contractuel : les « tâches clés » constituent des supports faciles et incontestables pour l’application de clauses contractuelles incitatives (de type Bonus / Malus) relatives au respect des délais par les différents fournisseurs ou acteurs du projet.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Pour une efficacité maximale, ces « tâches clés » doivent couvrir la totalité des grandes étapes et phases du projet, à savoir : - La préparation et le suivi des procédures administratives, au premier rang desquelles le « Licensing » (préparation et justification des rapports de sûreté à différents stades), - L’ingénierie d’études, - L’ingénierie d’achat, - L’ingénierie de réalisation sur site (construction des ouvrages de génie civil, montages électromécaniques, essais de mise en service).

• La mesure de l’« avancement physique » des tâches : un art parfois difficile mais indispensable... L’ « avancement physique » des tâches constitue, comme son nom l’indique, un indicateur mesurant l’avancement réel des tâches du projet en fonction du temps. Plus précisément, on utilise un ensemble d’indicateurs représentatifs de chaque corps de métiers, que l’on peut ensuite agréger pour en faire un indicateur synthétique global. Cet indicateur permet donc, à date donnée : – De déterminer la manière dont le projet respecte globalement son programme initial, en comparant l’avancement réel à l’avancement initialement prévu, – D’identifier le ou les corps de métiers présentant un retard et de quantifier ce dernier, en volume (ou durée) de « reste à faire ». De ce point de vue, les mesures d’avancement physique constituent des indicateurs complémentaires des informations purement calendaires, notamment des « tâches clés » ou « Milestones » (cf. ci-dessus). Les difficultés de mise en œuvre de la méthode sont cependant nombreuses, notamment (non exhaustif) : – Difficulté à définir précisément le… « 100 % des tâches » en début de projet. La mesure de l’avancement réel perd évidemment beaucoup de sa pertinence quand ce « 100 % » évolue beaucoup en cours de projet… Ce qui n’est pas rare ! – Manque de précision, voire même un certain arbitraire, dans la mesure de certains avancements (en ingénierie d’études, essentiellement, cf. ci-après). Ce qui peut donner lieu à contestations... – Pertinence limitée de la pondération (en % du total) lors de l’agrégation des avancements des différents corps de métiers pour obtenir un avancement global. Cependant : - Plus que la précision intrinsèque des mesures d’avancement physique, c’est leur fiabilité (au sens de véracité) qui est essentielle, - Plus que la valeur absolue de ces avancements, ce sont leurs tendances (dérivées première et seconde des courbes d’avancement) qui sont porteuses des signaux faibles et/ou forts les plus pertinents pour le management d’un projet. 224

7. Le management de projet

Les mesures d’avancement physique doivent couvrir l’ensemble des activités du projet, à savoir : L’ingénierie d’études

Le « produit de sortie » de l’ingénierie d’études étant essentiellement constitué par la production documentaire (fût-elle sous forme électronique), la mesure de son avancement physique est le domaine qui suscite le plus de difficultés (et partant de contestations possibles…). Le principal écueil vient de la difficulté à estimer les « en cours » des tâches complexes, qui s’étendent couramment sur plusieurs mois (exemple typique : la rédaction d’un dossier de système élémentaire). Même si un tel document peut être subdivisé en « stades » bien définis, auxquels on peut affecter des pourcentages d’avancement préétablis, il n’en subsiste pas moins une part significative d’arbitraire, surtout d’ailleurs lorsque la tâche touche à sa fin (concrètement, faut-il lui affecter un avancement unitaire de 95, 97, 98 % ou plus ?). Les choses sont nettement plus simples avec des documents à faible délai de finalisation et élaborés en grand nombre (exemple typique : la production des plans de coffrage et de ferraillage des ouvrages de génie civil). Le plus fiable dans un tel cas étant de travailler de façon binaire (passage de 0 à 100 % d’avancement quand le plan est émis à l’état « bon pour exécution »). L’ingénierie d’achat

La mesure des avancements physiques est plus facile dans ce domaine, dans la mesure où elle est jalonnée par les différentes étapes contractuelles des différents contrats et marchés, qui doivent évidemment comprendre les avancements internes élaborés par les fournisseurs concernés. L’ingénierie de réalisation sur site

C’est le domaine dans lequel la mesure des avancements physiques est à la fois la plus facile et la moins contestable, notamment pour ce qui concerne les phases de construction de génie civil et de montages électromécaniques. Il s’agit en effet essentiellement de mesurer des quantités physiques effectivement mises en œuvre, telles que (déjà évoqué dans le chapitre 5, non exhaustif) : - Pour la réalisation des ouvrages de génie civil : masses de ferraillage de renfort du béton mises en place, volumes de béton coulés, etc. - Pour les montages de tuyauteries : masses de tuyauteries mises en place, longueurs de cordons de soudures réalisées et contrôlées, etc. - Pour les montages électriques : longueurs de chemins de câbles posés, longueurs de câbles tirés, nombre de câbles raccordés, etc.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Le management du projet

Dans la mesure où les activités de management de projet recouvrent essentiellement des fonctions transverses de pilotage des autres activités d’ingénierie, il est difficile de mesurer leur avancement physique propre (sauf pour quelques tâches limitées et spécifiques, facilement identifiables). De ce fait, la solution souvent retenue consiste à estimer l’avancement physique de cette activité par le volume d’heures d’ingénierie qui lui a été réellement consacré (et à le comparer aux prévisions). Ceci n’a cependant de sens que si les équipes affectées au management de projet sont bien organisées, bien dimensionnées et dotées des compétences nécessaires. Synthèse des différents domaines

Les différents avancements par corps de métiers puis par « grands domaines » tels que définis ci-dessus, peuvent ensuite être agrégés pour obtenir un avancement physique global (exprimé en % du « 100 % global » du projet) plus ou moins représentatif de l’avancement global réel du projet. En tout état de cause, c’est l’interprétation des avancements physiques par corps de métiers qui constitue la valeur ajoutée essentielle de la méthode, cette valeur ajoutée se situant dans deux domaines : – D’abord celui de l’analyse de la situation du projet à un instant donné, comme déjà largement évoqué ci-dessus, – Mais aussi, les corrélations possibles avec d’autres données du projet (cf. ci-dessous). Corrélations des avancements physiques avec d’autres données

Quel que soit le secteur d’ingénierie : études (en propre ou sous-traitées), achats, construction et montages sur site, les corrélations entre avancements physiques par corps de métiers et données telles que : nombre d’heures d’ingénierie passées, effectifs mobilisés, dépenses associées, etc. pour ces mêmes corps de métiers sont intéressantes à plusieurs titres. Elles permettent en effet d’analyser la productivité réelle des corps de métiers concernés, pour notamment : – Comprendre les causes profondes du retard éventuel d’un corps de métiers, – Mettre en place et calibrer de manière efficace et optimale les mesures et moyens de rattrapage (renforcement des équipes, etc.) afin de « recoller » aux objectifs initiaux du projet.

¾ Gestion des « coûts » (ou coûtenance) et financement La gestion des coûts d’un projet n’a de sens que sur une base pluriannuelle, couvrant la durée totale du projet. Elle a pour objet de comparer « à date » (généralement mensuellement) les coûts engagés ou dépensés (selon le cas) aux coûts prévisionnels, couvrant : – Les dépenses d’ingénierie correspondant aux tâches « internes » du projet.

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7. Le management de projet

La corrélation de ces dépenses d’ingénierie et de l'avancement physique des tâches concernées (cf. ci-dessus) étant riche d’enseignements, une situation dégradée se traduisant par la concomitance : - D’avancements physiques à date inférieurs aux avancements physiques prévisionnels, traduisant un retard dans la réalisation des prestations, - De dépenses d’ingénierie à date supérieures aux prévisions, traduisant une réalisation plus coûteuse que prévu. – Les achats « externes » de toute nature du projet : achats d’équipements, de travaux ou de services. Les dépenses correspondantes doivent bien sûr être corrélées : - D’une part au planning des « délivrables » (qu’ils soient de nature intellectuelle comme les documents ou matérielle comme les équipements), - D’autre part aux dépenses prévisionnelles. Avec une gestion contractuelle rigoureuse, les dépenses réelles doivent en principe refléter fidèlement la réalité des « délivrables » (hors contentieux commercial en cours, bien entendu). Un retard de fourniture des « délivrables » se traduit donc mécaniquement par un retard au moins équivalent des débours, ces derniers pouvant en outre être soumis à des conditions supplémentaires imposées par les prêteurs (banquiers) en fonction du mode de financement retenu (cf. chapitre 6).

¾ L’« information », clé du pilotage d’un projet L’information est sans doute « le » facteur clé du pilotage d’un projet. Trois sources essentielles d’information peuvent être distinguées : – L’information formalisée contenue dans le « reporting », – Les échanges quasi permanents d’informations, largement informels mais vitaux pour la bonne marche d’un projet, – Enfin les informations à caractère anticipatif et préventif résultant des études de risques. Ces trois types d’informations sont complémentaires.

• Le « reporting » formalisé : pourquoi, pour qui ? Le mot « reporting » n’a pas d’équivalent aussi court, commode et signifiant en français. Rappelons qu’il désigne toute action consistant à rendre compte de l’état du projet, de manière périodique ou à la demande, à différentes entités et dans différents buts. En fait, on peut classiquement distinguer : – Le « reporting contractuel » dû au client, que ce dernier soit externe ou interne à l’entreprise. Il a pour but de satisfaire les besoins d’information légitimes du « payeur » du projet et fait très généralement l’objet d’obligations contractuelles plus ou moins détaillées (surtout dans le cas d’un client externe).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

De plus, le client peut ne pas être le seul concerné : dans les financements de projet faisant appel à des prêts bancaires (cf. chapitre 6), les banques exigent un « reporting » rigoureux et très détaillé, généralement validé par un « ingénieur des banques » indépendant, avant de mettre à disposition les sommes relatives aux échéances de financement. – Le « reporting interne » destiné à la Direction de l’entreprise et qui constitue un outil de pilotage du projet pour cette dernière et pour le Chef de Projet. Typiquement, un « reporting interne », émis le plus souvent mensuellement (sauf besoins spécifiques tels que période de crise qui peut imposer une fréquence supérieure) contient notamment : – Un point d’avancement des éléments QCD du projet, – Un point sur les aléas connus du projet et sur les mesures palliatives prises ou envisagées (avec, le cas échéant, une mise à jour de l’« étude de risques » du projet), – Un point sur les moyens affectés au projet, si nécessaire, – Une analyse globale de l’état et des difficultés du projet, actuelles et prévisibles, faite par le Chef de Projet, – Enfin, le point sur les relations avec le client. Un document de «reporting contractuel » contient généralement un sous-ensemble édulcoré (allégé des informations internes qu’un client externe n’a pas à connaître) et souvent reformaté du « reporting interne ». Mais il va de soi qu’il est intéressant d’utiliser des documents communs chaque fois que possible (cf. ci-après). Ce qui est souvent reproché au « reporting »

Tout comme la mesure des avancements physiques, qui constitue un élément important du « reporting », ce dernier a rarement… bonne presse auprès des acteurs métiers d’un projet. Au mieux, il est souvent perçu comme une sorte de… « purge » à laquelle il faut bien sacrifier tous les mois… De fait, ces reproches contiennent souvent une part de vérité, mais une part seulement ! L’expérience du management de grands projets montre en effet que trop fréquemment, le « reporting » se traduit par l’édition mensuelle d’un « pavé » de plusieurs centimètres d’épaisseur, avec de nombreuses courbes, tableaux de chiffres, etc. mais… très peu d’analyses de ces données brutes ! De plus, ce « pavé » est souvent trop largement diffusé (à plusieurs dizaines d’exemplaires) à des destinataires pas toujours bien ciblés, donc plus ou moins concernés ou intéressés… Enfin, l’élaboration, l’édition et la diffusion d’un tel « pavé » constituent un travail très important, qui mobilise en général une personne de l’équipe projet à plein temps pendant les 8 à 10 derniers jours de chaque mois pour le « remontage » des informations et leur mise en forme ! Sans compter les contributions de chacun des acteurs, pour la fourniture des informations brutes.

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7. Le management de projet

D’où, dans ces conditions, la question : à Quoi et à Qui cela sert-il ? Les bonnes pratiques en la matière commencent par les bonnes questions qu’il convient de se poser, notamment : – À Qui ce « reporting » est-il destiné ? – Dans Quel but ? Qu’en attendent les destinataires ? – Existe-t-il des obligations particulières (contractuelles ou autres). Si oui, quelle en est la teneur ? – Enfin, quel est le contenu du «reporting interne » réellement nécessaire pour piloter efficacement le projet ? Le « reporting contractuel » étant généralement très « encadré » par les demandes du client, il s’impose a priori sans beaucoup de degrés de liberté (encore que la forme des documents support de ce « reporting » puisse souvent être négociée, pour peu que l’on démontre au client qu’ils contiennent bien toutes les informations qu’il en attend). Plus intéressant est donc le « reporting interne », en sa qualité d’outil de pilotage du projet. Qu’apporte-t-il et à quelles conditions ? Deux points majeurs, de notre point de vue : Premier apport du « reporting interne » : son… existence même !

Cette réflexion concerne des « bénéficiaires » qui n’ont pas été évoqués jusqu’à maintenant : les acteurs du… projet eux-mêmes ! Ceci peut paraître… surprenant de prime abord ! La raison tient aux comportements humains (cf. encadré cidessous) :

Avoir des comptes à rendre fait toujours… progresser ! L’obligation d’avoir des comptes à rendre force chacun des acteurs du projet à faire périodiquement le point, de manière approfondie et rigoureuse, sur sa propre activité et à en formaliser par écrit le résultat dans un document qui peut être lu par de nombreux lecteurs, y compris la Direction de l’entreprise… Démarche qui serait rarement faite avec la même rigueur si cette contrainte n’existait pas… : avoir à rendre des comptes fait toujours progresser ! C’est une loi constante des comportements humains, déjà évoquée dans le chapitre 4 à propos de la surveillance des prestataires… L’effet est tout à fait similaire à celui que l’on observe par exemple lorsque l’on est amené à faire un exposé en public sur un sujet que l’on croyait… bien connaître ! En le préparant, on s’aperçoit alors très souvent que l’on n’avait pas complètement fait le tour de la question… Ce dont on n’aurait probablement jamais pris conscience sans la contrainte d’avoir à faire cet exposé ! Cet aspect nous paraît justifier à lui seul la démarche de « reporting », même si ce n’est pas sa… finalité première !

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Concrètement, cela signifie que chacun des acteurs d’un projet devrait être amené à fournir par écrit les informations de « reporting » dont il est responsable et dont en conséquence la qualité l’engage, conditions essentielles d’une information fiable. De plus, il ne faut pas négliger le côté « pense bête » d’un « reporting » formalisé géré avec rigueur, permettant notamment de ne pas oublier des problèmes pas forcément majeurs, mais dont la résolution traîne en longueur et qu’il faudra bien solder un jour… Deuxième apport du « reporting » : son volet interprétation, analyse et prospective

La critique souvent faite (cf. ci-dessus) est pertinente : les rapports d’avancement de projets contiennent trop souvent une multitude de tableaux de chiffres, de diagrammes, de courbes, etc. très faciles à établir car ils sortent tout droit des… ordinateurs ! Mais l’analyse de ces données brutes passe trop souvent au second plan, alors que ce devrait bien sûr être l’essentiel ! De fait, dans le « pavé » de plusieurs centimètres d’épaisseur qui concrétise le « reporting » mensuel d’un grand projet industriel, les seuls éléments qui intéressent la Direction de l’entreprise (et les seuls qu’elle a d’ailleurs le temps de lire de manière approfondie !) sont les quelques pages (trois maximum !) de synthèse au travers desquelles le Chef de Projet : - D’une part, fait le point sur les difficultés connues du projet et sur les solutions mises en œuvre pour y faire face, - D’autre part, essaie de se projeter dans l’avenir pour anticiper et prévenir de nouvelles difficultés. Il n’a bien sûr pas de « boule de cristal » pour ce faire ! Mais ce qu’on attend de lui relève du professionnalisme : il est possible d’éviter nombre de difficultés en faisant judicieusement appel à l’expérience des projets passés détenue par l’entreprise : la bonne exploitation de cette expérience est un outil puissant de prévention des difficultés déjà rencontrées (ou de difficultés similaires), ce qui n’est déjà pas si mal ! Car il n’y a rien de pire que de répéter des erreurs déjà faites : cela relève alors de la faute, ce qui est beaucoup plus grave. L’utilisation permanente de la mémoire de l’entreprise devrait donc être un souci constant de tout Chef de Projet…

• Les échanges informels et permanents d’informations Outre l’information formalisée et codifiée contenue dans le « reporting », les échanges informels d’informations au sein des équipes participant au projet revêtent une importance cruciale. En effet, tout projet complexe, en particulier nucléaire, génère son lot quotidien d’aléas, qui constituent autant d’événements aux conséquences variables mais potentiellement négatives pour le bon déroulement du projet.

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7. Le management de projet

Il est donc essentiel que, le plus rapidement possible, ces événements de toute nature et importance soient identifiés, analysés et portés à la connaissance des décideurs, notamment du Chef de Projet, pour pouvoir faire l’objet de décisions et actions rapides évitant leur accumulation (effet « boule de neige »). C’est ce que souligne en d’autres termes François Jolivet à propos du management des grands projets quand il écrit : « La performance dépend des centaines, voire des milliers, de micro décisions qui font la qualité, le coût et le délai » Or, cette condition ne peut être remplie que si l’information interne circule de manière totalement transparente et fluide au sein des équipes travaillant sur le projet. Rien n’étant pire que la rétention d’information, volontaire ou par omission, à quelque stade que ce soit. Car il existe une règle d'or du management de projet, que l'évidence suggère et l'expérience confirme : les conséquences (en termes QCD notamment) d'une difficulté ou d'une erreur sont toujours d'autant plus pénalisantes pour un projet qu'elles ont été identifiées et traitées tardivement. Et inversement. En bref, le Chef de Projet doit littéralement « baigner » dans un flux d’informations renouvelées en permanence sur la vie du projet, pour pouvoir décider et agir rapidement et de manière optimale. L’atteinte de telles conditions de transparence et de fluidité des échanges d’information, qui permettent à leur tour réactivité et fiabilité des processus de décision et rapidité des actions, implique cependant deux conditions essentielles : – Des relations humaines de grande qualité dans les équipes qui participent au projet, – Une organisation globale pertinente de la structure de projet. En un mot : un management organisationnel et humain performant !

• Les études de risques, source majeure d’informations préventives L’analyse systématique des risques, qui permet d’anticiper les mesures et moyens de les éviter, maîtriser ou au moins mitiger (selon le cas) est devenue un axe majeur du management des projets, d’autant plus utile que ces derniers sont risqués et/ou importants et complexes. Typiquement, l’analyse des risques doit porter sur tous les aspects du projet : – En premier lieu sur les aspects QCD : risques de non atteinte des exigences de qualité, de dérive des coûts, de glissement des plannings, etc., – Mais aussi sur les risques technologiques pour les projets à fort contenu dans ce domaine, avec le cas particulier des projets innovants, – Enfin sur tous les autres types de risques possibles : économiques, de marché, réglementaires, juridiques, etc. notamment dans le cas de projets internationaux, surtout s’ils sont réalisés dans des pays présentant des risques politiques.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

L’analyse des risques doit bien sûr être engagée dès le début du projet, et être ensuite remise à jour périodiquement (le plus souvent mensuellement), afin de tracer l’évolution des risques déjà recensés, mais aussi et surtout de prendre en compte et de traiter d’éventuels risques nouveaux. L’approche des risques techniques et technologiques présente cependant des différences importantes selon le type d’installation considérée et surtout selon le degré d’innovation de cette dernière. Deux grandes catégories peuvent être distinguées : Première catégorie : les installations industrielles

Elles sont destinées à entrer en service le plus rapidement possible, avec le minimum d’aléas, les coûts économiques des retards et/ou indisponibilités étant en général extrêmement élevés (c’est le cas type d’une centrale électronucléaire de technologie éprouvée). La finalité est ici de répondre aux besoins d’un client, avec un niveau de qualité donné, dans un délai donné et pour un prix convenu. Dans ce contexte, le recours à des technologies insuffisamment validées (soit par l’expérience en exploitation soit, à défaut, par une démarche rigoureuse, analytique et/ ou expérimentale) fait prendre des risques inutiles importants, non seulement à l’entité qui en assure la Maîtrise d’Œuvre, mais aussi et surtout à son client, le plus souvent sans que ce dernier en soit clairement conscient, ce qui n’est acceptable ni contractuellement, ni déontologiquement. En outre, le résultat peut être dévastateur en termes de délais et de coûts, mais aussi d’image (réputation) pour l’entité Maître d’Œuvre. Enfin, le risque est bien sûr encore accru si le client est étranger, car corriger un défaut technique loin de ses bases est toujours beaucoup plus difficile, long et coûteux. Le concept d’installation « de Référence » (ou « Centrale de Référence » pour les centrales électrogènes) prend alors tout son sens et les maîtres mots sont ici « Duplication » (de solutions éprouvées) et utilisation de l’expérience. Deuxième catégorie : les installations prototypes fortement innovantes

Cas types : prototype d’une nouvelle filière de réacteurs électrogènes ou encore réacteur de recherche dont on veut pousser les performances au maximum pour répondre aux besoins de R&D, etc. Ce qui conduit à prendre sciemment le risque de se situer aux limites des technologies disponibles du moment, seul moyen de les faire progresser. Dans ce cas, la finalité n’est plus seulement opérationnelle et économique, elle comporte des enjeux stratégiques de progrès scientifique ou technologique à long terme, de différenciation compétitive, etc.

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7. Le management de projet

Ces finalités peuvent parfaitement justifier la prise de risques techniques ou technologiques spécifiques, globalement plus importants. Mais il y faut alors des conditions strictes, en particulier une transparence totale sur les risques pris, ce qui implique : – Qu’ils soient parfaitement identifiés, définis, caractérisés, évalués et documentés dans leur nature et leurs conséquences, – Que les possibles solutions de repli ou de remplacement soient étudiées, – Enfin, qu’ils soient pleinement assumés au plus haut niveau par les décideurs concernés. En l’absence (par définition) de références et d’expérience préalable directement utilisables, la mitigation des risques passe alors essentiellement par : – L’utilisation optimale de la mémoire de l’entreprise relative à des projets ou technologies similaires ou peu ou prou comparables, même de loin, – La réalisation d’essais de qualification spécifiques sur des maquettes ou prototypes des parties ou sous-ensembles technologiquement critiques, – L’organisation de revues formalisées réunissant les meilleurs experts des domaines concernés, internes à l’entreprise ou extérieurs à cette dernière (y compris fournisseurs bien entendu, quand ils détiennent une expertise particulière). Ces revues peuvent notamment concerner (non exhaustif) : - La conception, sous tous ses aspects, - Les procédés de fabrication, - L’analyse de résultats d’essais,

• La centralisation de l’information du projet dans une base de données La centralisation de l’ensemble des informations d’un projet dans une base de données unique, accessible aux différents acteurs du projet, internes et externes, fait partie des pratiques courantes. Cependant, pour être utilisable de manière fiable, ce type de base de données doit obéir à des règles extrêmement strictes, notamment (non exhaustif) : – Une définition claire de ses finalités (seulement informative ? Egalement utilisable pour action ? Si oui, dans quels domaines ?). Il va de soi que la réponse à cette question est structurante et peut totalement changer la nature de la base, – Une organisation rigoureuse de sa gestion, avec un gestionnaire désigné, etc., – La mise sous assurance de la qualité des informations introduites, – L’édiction de règles d’accès pour protéger les informations qui doivent l’être, etc. • Les outils de traitement de l’information : un choix structurant Quelques uns de ces outils ont été évoqués au fil des chapitres et paragraphes précédents. Si l’on s’en tient aux principaux outils d’ingénierie (hors codes de calcul scientifiques spécialisés, très nombreux), on peut citer (non exhaustif) : – Pour l’ingénierie d’études : les outils de CAO « 3D » (pour l’installation) et « 2D » (pour la schématique), l’outil de gestion de « configuration », etc., 233

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Pour l’ingénierie d’achat : l’outil intégré de gestion globale des achats, – Pour le management de projet, des outils transverses (utilisés par toutes les branches de l’ingénierie) tels que : - L’outil de planification et de mesure des avancements physiques, - L’outil de gestion électronique des documents (GED) également utilisé pour gérer les interfaces (toujours matérialisées par un document). Certains de ces outils ont un poids tel qu’ils structurent l’organisation qui va autour… Leur choix ou celui de les faire évoluer sont donc des sujets majeurs en général très lourds, qui engagent pour des années. Et impliquent un volet formation, qui dépend grandement des qualités ergonomiques des outils concernés…

Pilotage d’un grand projet nucléaire : un processus régulé en temps réel sous très fortes contraintes… En définitive, le pilotage d’un projet nucléaire répond parfaitement au schéma : – D’un processus régulé (au sens des régulations des processus industriels), – Dont le fonctionnement a pour but de ramener en permanence l’état réel QCD du projet au plus près de son état QCD spécifié, – Compte tenu de la survenue d’aléas en tout genre susceptibles d’avoir des impacts QCD négatifs. On peut donc représenter le processus de pilotage par un schéma de contrôle comportant trois boucles « concentriques » représentées sur la figure 7.1 ci-après. Les trois boucles « concentriques » sont les suivantes : – Une boucle de retour informative classique, qui renseigne sur l’état réel du projet, – Une boucle de contrôle interne supplémentaire « assurance de la qualité », qui permet de s’assurer que l’ensemble du processus projet régulé, mis sous AQ, est parfaitement maîtrisé et d’en apporter la preuve, – Une boucle de contrôle externe supplémentaire « Autorité de sûreté nucléaire » limitée aux seuls aspects sûreté / radioprotection / sécurité des travailleurs sur site. NB : concernant ce dernier point : - Lorsque la réforme actuellement en cours aura abouti, l’ASN aura également la responsabilité du contrôle des aspects sécurité sous l’angle de la protection contre la malveillance et le terrorisme. D’ici là, d’autres organismes de l’État en restent chargés, - L’IRSN joue en revanche son rôle « d’expert » sur l’ensemble des sujets relatifs à la sécurité nucléaire (y compris donc la protection contre la malveillance et le terrorisme).

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7. Le management de projet

PILOTAGE QCD du Projet Objecfs et Exigences QCD Spécifiées du Projet

* Recueil d’informaons * Analyses * Décisions * Acons ° Correcves ° Ancipaves

Aléas

Etat Réel QCD du Projet

Boucle de retour « informave » * « Reporng » interne * Echanges permanents d’informaons * Etudes de risques Boucle de contrôle « Assurance de la Qualité » (AQ globale du Projet) Boucle de contrôle « Autorité de Sûreté Nucléaire » (Portant sur les aspects Sûreté / Radioprotecon / Sécurité des travailleurs sur Site)

Figure 7.1 Schéma de principe du processus « projet nucléaire régulé ».

Si l’on poursuit la comparaison avec les boucles de régulation industrielles, les spécialistes savent bien que pour assurer correctement leur fonction, ces dernières doivent être capables de réactions à la fois : – « Proportionnelles » (directement proportionnelles aux écarts instantanés entre valeurs réelles et valeurs de consigne), – « Dérivées » (proportionnelles aux dérivées des écarts instantanés, qui permettent d’anticiper les évolutions de ces derniers et apportent donc de la stabilité au système), – « Intégrales » (proportionnelles aux écarts intégrés sur une certaine durée, qui permettent d’annuler à terme les écarts résiduels entre valeurs réelles et valeurs de consigne et apportent donc de la précision). On retrouve ces différentes composantes dans le pilotage d’un projet : - Les actions proportionnelles sont les mesures correctives à effet immédiat, prises pour corriger une anomalie constatée (par exemple : correction d’une erreur dans un document d’ingénierie, d’un défaut de soudure sur le site, etc.), - Les actions dérivées sont les mesures prospectives, prises notamment sur la base des études de risques (par exemple : prise de mesures conservatoires pour éviter un risque possible identifié dans les études de risques), - Les actions intégrales sont les mesures correctives à effets différés, c'est-à-dire des mesures de rattrapage, qui demandent du temps pour aboutir (par exemple :

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

renforcement des moyens matériels et/ou humains pour rattraper un retard accumulé, l’écart ne pouvant évidemment être corrigé que dans la durée). Les constantes de temps de ces actions sont évidemment très différentes : – Elles sont a priori faibles pour les mesures correctives à effet immédiat, qui ne demandent pas de préparation particulière, – Elles sont généralement importantes pour : - Les mesures prospectives, qui impliquent réflexion, études particulières de risques, etc., - Les mesures de rattrapage, qui demandent une préparation approfondie pour être à la fois efficaces et économiquement optimisées. En définitive, le pilotage d’un grand projet s’apparente à une lutte de tous les instants contre les aléas de tout type, pour faire en sorte que les composantes « QCD » du projet : – Ne dérivent pas de leurs valeurs spécifiées (étant entendu, comme déjà dit, que les exigences de sûreté / radioprotection / sécurité font partie du terme « Q »), – Retrouvent ces valeurs le plus rapidement possible, si elles ont dérivé.

Exigences spécifiques au management des grands projets nucléaires Comme déjà souligné, les grands projets nucléaires sont intrinsèquement plus compliqués à manager que des grands projets classiques, compte tenu de leurs :

¾ Exigences « internes » plus élevées Celles-ci comprennent en particulier (non exhaustif) : – L’organisation de la qualité mise en place (système de management de la qualité particulier comportant des exigences supplémentaires, etc.), – Les comportements humains à promouvoir (« culture de sûreté », rigueur absolue dans le travail, etc.). NB : On retrouve des exigences similaires dans les industries à risques (gazière, pétrolière, chimique, etc...) en terme de qualité et « culture de sécurité » notamment.

¾ Contraintes « externes » spécifiques Un Maître d’Ouvrage d’installation nucléaire doit bien sûr rendre compte à son Autorité de sûreté nucléaire, dont il attend par ailleurs des autorisations. Trois points essentiels sont à prendre en compte sous cet angle :

• Justification de la conception Le Maître d’Ouvrage doit d’abord justifier la conception de l’installation, sous des formes et selon des niveaux de détail qui dépendent des pratiques et des demandes de 236

7. Le management de projet

l’Autorité de sûreté nucléaire concernée. Ces pratiques varient en effet beaucoup dans le monde : – L’ASN française (cf. chapitre 2) a le plus souvent une approche de type global, consistant à édicter des règles et objectifs généraux de sûreté et à laisser les concepteurs proposer des solutions techniques répondant à ces règles et objectifs, puis à contrôler la bonne atteinte des résultats et leur bonne mise en application. Ce qui n’exclut évidemment pas des analyses plus approfondies et détaillées sur des points particuliers. – D’autres Autorités de sûreté nucléaire, au contraire (par exemple en Finlande ou en Allemagne) procèdent à une revue systématique très large de documents, y compris des documents détaillés (dits d’exécution) avant leur mise en œuvre.

• Inspections en usine et sur site Le Maître d’Ouvrage doit ensuite « ouvrir les portes » de son installation et « faire ouvrir » celles des usines de ses fournisseurs pour permettre les inspections (programmées ou fortuites) réalisées par l’Autorité de ssûreté nucléaire ou tout autre organisme mandaté par cette dernière lors : – Des fabrications ou essais en usine, – De la construction des ouvrages et des montages électromécaniques sur site, – Du processus de démarrage et de mise en service.

• Processus d’autorisations progressives Le Maître d’Ouvrage doit enfin obtenir des Autorisations de l’Autorité de sûreté nucléaire pour franchir certaines étapes clés, en particulier tout au long du processus de démarrage et de mise en service : – – – –

Autorisation d’arrivée du combustible nucléaire sur le site, Autorisation de chargement du réacteur en combustible nucléaire, Autorisation de première divergence, Autorisation de montée progressive en puissance à différents paliers, puis enfin à 100 % de puissance. Ces autorisations étant bien entendu délivrées sur la base des justifications apportées par le Maître d’Ouvrage.

• Anticipation de ces contraintes et de leurs conséquences Si elles sont mal anticipées et/ou mal gérées, ces contraintes peuvent avoir des conséquences non négligeables, voire majeures en termes de : – Charge de travail, dans le management global du projet, – Délais (avec, à l’extrême, interruption temporaire du chantier ou des essais).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Elles doivent donc être anticipées et intégrées au processus de management du projet, dont elles sont constitutives. Ce qui suppose leur connaissance précise et l’instauration d’un dialogue approfondi avec l’Autorité de sûreté nucléaire.

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Pour aller plus loin… Les chapitres précédents ont été l’occasion de présenter le panorama général d’un processus d’ingénierie nucléaire avec ses principales tâches associées, en prenant pour fil conducteur la réalisation d’une installation neuve à finalité « industrielle » (de fait, ici, une centrale nucléaire de la filière REP). Ce faisant, certains sujets n’ont pas été (ou n’ont pas pu être) abordés, alors qu’ils méritent des développements. On retiendra en particulier : – La structuration organisationnelle, documentaire et qualité d’un processus d’ingénierie nucléaire, – Les spécificités de l’ingénierie en fonction la finalité (industrielle ou R et D) ainsi que de la phase de vie de l’installation, à savoir : - Ingénierie de la construction d’installations à caractère industriel (pour mémoire), - Ingénierie de la construction d’installations prototypes, à forte composante R et D, - Ingénierie des installations en exploitation, - Ingénierie du démantèlement. – Enfin, une réflexion est proposée sur les sources de la performance d’une ingénierie nucléaire. Ces différents points sont développés dans ce qui suit.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Éléments de structuration organisationnelle, documentaire et qualité de la démarche ingénierie nucléaire ¾ Logiques organisationnelles Chaque ingénierie (au sens de structure ou société d’ingénierie) a bien entendu sa propre logique d’organisation. On retrouve cependant des constantes qui résultent des spécificités très fortes de l’ingénierie nucléaire, liées : – À la très haute technicité des activités, qui requiert des savoirs et savoir-faire pointus qui ne peuvent se développer, se maintenir et s’améliorer que dans le cadre de « branches métiers » fortement structurées et spécialisées, – Aux contraintes de sûreté et radioprotection, propres au domaine nucléaire, – Aux exigences de qualité de très haut niveau qui en résultent. Il s’ensuit que le poids des « métiers » scientifiques et techniques est prépondérant dans l’organisation des domaines à dominante technique : études de conception et de réalisation (essentiellement), mais aussi aspects techniques des achats et des réalisations sur site (construction, montages électromécaniques, essais de mise en service). La nature « nucléaire » de l’ingénierie a par contre peu d’impact sur l’organisation des autres domaines : – Les aspects contractuels et commerciaux des achats, les aspects non techniques des activités de site et le management de projet sont en effet des fonctions par nature « généralistes » et « transverses » à tous les grands projets industriels, nucléaires ou non, – Le juridique, les assurances, la fiscalité ou les finances relèvent davantage de l’expertise d’un très petit nombre de spécialistes de ces domaines, pour certains de manière ponctuelle. Leur « poids organisationnel » est donc faible.

¾ « Industrialisation » de la démarche ingénierie Face à la somme considérable d’informations à maîtriser dans un grand projet nucléaire (dizaines, voire centaines de milliers d’objets à prendre en compte, de documents à émettre, contrôler, ordonnancer, diffuser, réviser, etc. le tout sous de très fortes contraintes QCD), il n’y a pas d’autre solution que de : - Simplifier une fois pour toutes tout ce qui peut l’être, en standardisant et codifiant les processus, les objets (systèmes, matériels, locaux, etc.), les documents, les méthodes, les outils, etc. mis en œuvre, - Imposer ces règles à tous pour éviter que chacun ne se repose des questions qui ont déjà des… réponses préétablies performantes !

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8. Pour aller plus loin…

Cette véritable « industrialisation de la démarche intellectuelle » propre à une activité d’ingénierie (ce qui la distingue radicalement d’une démarche R et D, par essence ouverte donc non codifiée) est la condition nécessaire (mais bien sûr non suffisante) de son efficacité. Différents exemples concrets de standardisation et de codification sont illustrés ciaprès pour chacun des domaines de l’ingénierie (non exhaustif) :

• Ingénierie d’études Standardisation et codification de l’ensemble des activités liées aux études, en particulier (non exhaustif) : – Codification géographique des bâtiments et des locaux, qui permet de se situer dans l’espace, – Codification fonctionnelle des systèmes, qui permet de se situer dans les fonctions des différents systèmes, – Codification des documents émis, qui permet : - De les catégoriser selon leur nature et/ou leur usage (note de calcul, dossier de système élémentaire, procédure d’essai, procédure de conduite, plan guide, plan d’implantation, plan d’exécution, etc.), - D’en définir et standardiser le contenu de façon précise, - De les identifier individuellement, pour en gérer l’utilisation, grâce à un système de numérotation qui se réfère notamment aux repères géographiques ou fonctionnels (selon le type de document), – Standardisation et codification des matériels et composants constitutifs de l’installation, comprenant : - Les matériels fonctionnels, munis d’un repère fonctionnel (moteurs, pompes, robinets et vannes de tout type, capteurs de tous types, échangeurs, réservoirs, tableaux de distribution électrique, etc.), - Les composants non fonctionnels (lignes de tuyauteries, chemins de câbles, câbles, etc.). – Standardisation et codification des symboles représentatifs des matériels dans les schémas fonctionnels, mécaniques et électriques, – Standardisation des outils de calcul et de dimensionnement (codes de calcul validés et qualifiés, définition de leur domaine d’utilisation, etc.), – Standardisation d’objets à usage répétitif (par exemple : standards de supports de tuyauteries, de gaines de ventilation, de chemins de câbles, standards de montage des capteurs de différents types, etc.). • Ingénierie d’achat Standardisation et codification méthodologique de l’ensemble des activités liées aux achats, en particulier (non exhaustif) : 241

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Sélection des fournisseurs et/ou leur qualification, – Mise en concurrence (information, appel d’offres, etc. en tenant compte des réglementations applicables), – Dépouillement et analyse des offres techniques et commerciales, – Négociation et choix final des fournisseurs, – Suivi QCD des activités des fournisseurs, notamment (non exhaustif) : - Revue des études des fournisseurs, - Surveillance des fabrications en usine, - Suivi du planning, - Suivi des coûts, traitement des litiges et négociations finales de fin d’affaire.

• Ingénierie de réalisation Standardisation et codification méthodologique de l’ensemble des activités liées à la réalisation (construction, montages électromécaniques et essais de démarrage et de mise en service), en particulier (non exhaustif) : – Organisation et coordination générale, – Plan de mise en œuvre des réalisations sur site, – Suivi et contrôle QCD des réalisations sur site, – Sécurité des travailleurs, – Sécurité du site, contrôle des accès, – Respect de l’environnement. • Ingénierie financière, contractuelle et juridique Comme déjà dit plus haut, elle se distingue des autres domaines de l’ingénierie sur plusieurs points, car elle : – S’exerce le plus souvent au cas par cas, chaque projet nécessitant un traitement « sur-mesure », – N’implique que quelques spécialistes, très peu nombreux (juristes, financiers, fiscalistes, etc.) qui interviennent le plus souvent ponctuellement, essentiellement pendant les négociations des différents contrats, – S’appuie de manière importante, surtout pour des projets internationaux, sur des expertises extérieures : cabinets juridiques et fiscaux, banques conseils, etc. qui ont leurs propres pratiques et modes de fonctionnement. Ces caractéristiques rendent difficile et souvent peu utile la standardisation / codification des procédures dans ces domaines, l’aspect « sur-mesure » étant prépondérant. Ce qui ne doit évidemment pas constituer un frein à la capitalisation des bonnes pratiques, dans ces domaines comme dans les autres.

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8. Pour aller plus loin…

• Management de projet Standardisation et codification de l’ensemble des activités liées au management de projet, en particulier (non exhaustif) : – Management de la « qualité » (au sens large) - Management des plans d’assurance de la qualité des projets, - Codification des documents et de leur gestion, - Codification des interfaces et de la gestion de leurs échanges, - Choix et standardisation des outils informatiques de management de projet. – Management des « délais » (au sens large) - Standardisation et codification des méthodes de planification, - Standardisation et codification des méthodes de suivi des activités et de mesure des « avancements physiques » des tâches, des dépenses d’ingénierie associées, des indicateurs de productivité que l’on peut en déduire, etc. – Gestion des « coûts » (ou coûtenance) et financement, – Management de l’« information » : - Standardisation et codification des méthodes de « reporting » formalisé, - Standardisation et codification des méthodes d’études des risques, - Standardisation et codification des moyens et modalités d’échanges formalisés d’informations entre les différents partenaires du projet, comprenant : > Les courriers postaux classiques, ayant une valeur juridique bien établie, > Mais aussi les courriels, qui tendent à devenir majoritaires pour des raisons évidentes de facilité, rapidité et efficacité, mais soulèvent des questions nouvelles en termes d’assurance de la qualité, de responsabilité, de valeur juridique.

¾ Documentation des processus d’ingénierie : des manuels d’ingénierie et de projet au système qualité Chaque ingénierie est amenée à élaborer ses propres manuels d’ingénierie (relatifs à ses tâches standardisées d’ingénierie interne et/ou sous-traitées) et manuels de projet (prenant en compte les impositions particulières de chaque projet). Ces manuels sont constitutifs du système de management de la qualité (ou système qualité) de l’entreprise. Ils en constituent de fait les « manuels d’application » dans leurs domaines respectifs, ce que l’on peut résumer par le tableau suivant.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Tâches et processus

Documentation

Tâches et processus communs à : * L’entreprise * L’ensemble des projets

Manuel d’assurance de la Structuration dans le système qualité (MAQ) qualité + Notes de gestion qualité (NGQ) Manuel d’application associé

Manuel d’ingénierie

Tâches et processus : * Propres * Adaptés à un projet particulier Plan d’assurance de la qualité (PAQ) + Notes de gestion qualité (NGQ) Manuel de projet

En résumé, alors que le MAQ et sa déclinaison opérationnelle dans le manuel d’ingénierie ont vocation à traiter ce qui est potentiellement applicable à l’ensemble des projets, le PAQ et sa déclinaison dans le manuel de projet « personnalisent » les documents précédents à un projet particulier en venant si nécessaire : – Les amender sur certains points, – Les compléter ou préciser sur d’autres points. Ceci dans le but de tenir compte des exigences spécifiées particulières du projet concerné, par exemple : l’organisation particulière du client, le type de contrat, le choix du ou des référentiel(s) en matière d’assurance de la qualité, la codification et le contenu des échanges formalisés d’informations avec le client, etc. En tout état de cause, il s’agit dans tous les cas de décrire (non exhaustif) : – Les organisations mises en place, définissant le « QUI fait QUOI », dans des notes d’organisation, – L’ensemble des processus d’ingénierie et de projet mis en œuvre, définissant le « COMMENT » des activités et leurs enchainements, dans des procédures, – Les échéances des projets, définissant le « QUAND » dans des plannings de différents niveaux, du plus général et synthétique jusqu’à l’identification de délivrables unitaires (listes de documents à émettre programmés), – Les objectifs de « COUT » prévisionnel, ou « BUDGET », à respecter.

L’ingénierie nucléaire ne se limite pas à la construction de nouvelles installations industrielles… Comme déjà évoqué plus haut, les chapitres précédents ont eu pour fil conducteur l’ingénierie des (nouvelles) installations nucléaires à caractère « industriel ». Mais il est également intéressant d’évoquer les particularités de l’ingénierie des installations prototype à finalité R et D.

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8. Pour aller plus loin…

Ces deux catégories d’installations (industrielles et prototypes) sont ensuite exploitées pendant de très longues années (décennies), ce qui génère des tâches d’ingénierie des installations en exploitation. Enfin, toutes seront un jour mises à l’arrêt définitif puis devront ensuite être démantelées. Ce qui suscitera des tâches d’ingénierie de démantèlement. Ces différents types d’ingénierie sont développés ci-après, avec pour fil conducteur le triptyque QCD (qualité, coût, délai), étant entendu qu’il faut impérativement distinguer : – Le terme Q, qui inclut la sécurité nucléaire et obéit de ce fait aux mêmes exigences réglementaires et aux mêmes approches et principes de base en termes de sûreté, radioprotection, etc. – Les termes C et D qui peuvent par contre obéir à des logiques et approches modulées en fonction du type d’installation et/ou de la phase d’ingénierie concernée.

¾ Ingénierie des installations nucléaires « industrielles » neuves (pour mémoire) Il s’agit d’installations dont la finalité est clairement industrielle, donc in fine économique : par exemple, produire de l’électricité, enrichir de l’uranium, retraiter des combustibles irradiés, etc. En règle générale, ces installations sont soumises à la concurrence, y compris celle d’installations non nucléaires. C’est le cas notamment de la production d’électricité, pour laquelle la voie nucléaire n’est pas une fin en soi mais seulement un moyen : elle ne se justifie (pour un producteur d’électricité comme pour un pays) que si elle présente des avantages comparatifs suffisamment incontestables (parmi lesquels on peut inclure des préoccupations plus larges que le seul coût du KWh produit, en particulier l’indépendance énergétique nationale). La conséquence de cette obligation de compétitivité est que l’ingénierie de ces installations est non seulement soumise à des exigences très strictes de qualité, mais aussi à des exigences très fortes de délai et de coût dont le respect simultané est difficile à maîtriser (cf. ci-après le paragraphe relatif à la performance). Face à de telles contraintes, la bonne stratégie consiste évidemment à éviter au maximum, ou au moins à limiter, les risques techniques et technologiques sur ces installations, en utilisant chaque fois que possible des solutions et des matériels éprouvés. C’est bien la démarche qui a présidé à la conception de l’EPR, réacteur de type « évolutionnaire » et non « révolutionnaire » comme déjà souligné plus haut, bénéficiant largement du retour d’expérience Franco–Allemand, à la fois pour son architecture générale et pour une majorité de ses composants principaux. NB : dans ce contexte, il est sans doute plus approprié de parler de « tête de série » que de « prototype » au sens strict, à propos de la première unité EPR qui sera mise en service (OL3 en Finlande, en principe).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

¾ Ingénierie des installations nucléaires prototypes Les grandes installations prototypes à caractère expérimental (telles, par exemple, que le LMJ) présentent quand à elles deux types de difficultés : – D’une part, du fait de leur taille et des très grandes quantités à maîtriser dans divers domaines de l’ingénierie (études, construction sur site, etc.), des difficultés très similaires à celles que l’on rencontre sur les installations industrielles. Le LMJ en est un excellent exemple, compte tenu de l’ampleur et la sophistication de ses structures de génie civil… (pour ne citer que cet aspect). – D’autre part des difficultés propres aux installations prototypes qui résultent du fait que, par définition, on va sciemment rechercher les limites des technologies connues et maîtrisées : car c’est la seule façon de faire progresser ces dernières ! Les conséquences possibles de ces prises volontaires de risques doivent alors être assumées en termes de : - Délai, dont la gestion est évidemment plus risquée et complexe que dans le cas d’installations industrielles, mais avec des enjeux sensiblement différents : le retard de démarrage d’un programmes de R et D s’inscrit en général dans le moyen/long terme, beaucoup plus qu’en enjeux économiques à court terme, - Coût, dont les prévisions initiales sont souvent davantage dépassées que dans le cas d’installations industrielles. Ce qui s’explique aisément par la part d’inconnu et d’aléas techniques et technologiques supplémentaires que recèlent ces projets. Un autre facteur, non technique, peut cependant jouer un rôle capital en termes C et D dans ce type de projet : son financement, plus précisément la manière dont son budget d’investissement est géré. En effet, ces projets étant par nature financés le plus souvent sur fonds publics (nationaux et, de plus en plus, internationaux) la logique des budgets annuels a longtemps prévalu. Avec des effets pervers et parfois catastrophiques : arrêt des études et/ou des travaux en cours d’année pour cause de… budget annuel épuisé ! De tels « stops and go » ayant trois types de conséquences délétères : – Des retards inutiles, artificiellement crées, qui s’accumulent souvent d’année en année, – Des surcoûts induits : il faut en effet indemniser les sous-traitants et entreprises pour arrêt momentané d’activité. Ce qui coûte généralement très cher, ce sans aucune contrepartie positive, – Enfin, résultat moins visible mais tout aussi pervers : la démotivation des équipes, qui ne permet pas le développement du nécessaire sens du résultat (cf. ci-après le paragraphe relatif à la performance). Comment en effet expliquer aux équipes qui travaillent sur ces projets qu’elles doivent ensuite se « défoncer » pour respecter des délais et des coûts qui ont été mis à mal pour de (mauvaises) raisons de gestion budgétaire ?

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8. Pour aller plus loin…

Les choses évoluent heureusement dans le bon sens, les gouvernements ayant compris que la classique gestion budgétaire annuelle était incompatible avec une gestion de projet efficace. C’est ainsi que, par exemple, le projet ASTRID devrait normalement bénéficier d’un financement pluriannuel, calé sur ses grandes phases de développement (APS phase 1, APS phase 2 et APD) selon une logique scientifique et industrielle.

¾ Ingénierie des installations nucléaires en exploitation Trois causes principales motivent des tâches d’ingénierie sur les installations nucléaires en exploitation : – Les rechargements en combustible des réacteurs nucléaires, – Les réexamens décennaux de sûreté des installations nucléaires (c’est, de très loin, la source d’activités d’ingénierie la plus importante), – Enfin, plus accessoirement, les évolutions technologiques.

• Rechargements en combustible des réacteurs nucléaires Ces rechargements impliquent évidemment des compétences approfondies en ingénierie de gestion des cœurs et en neutronique, à très forte spécificité nucléaire, sachant que deux schémas principaux sont possibles : – L’exploitant n’a pas de compétences suffisantes dans ce domaine et confie ces opérations au fournisseur de la chaudière nucléaire, – L’exploitant dispose des compétences requises et assume lui-même l’ingénierie nécessaire. Ce deuxième schéma n’est en fait adapté qu’à des exploitants de plusieurs réacteurs, pour des raisons à la fois économiques et de maintien des compétences : de telles compétences coûtent cher à créer et ne peuvent se maintenir que si elles sont régulièrement utilisées.

• Réexamen de sûreté décennal des installations nucléaires de base (INB) Ce réexamen doit réglementairement (cf. encadré ci-après) tenir compte : – Du vieillissement constaté et/ou anticipé de l’installation, – De l’évolution des référentiels de sûreté, conditionnée par plusieurs facteurs, notamment par (non exhaustif) : - L’évolution et/ou la meilleure connaissance des agressions physiques, externes et internes. On citera dans cette rubrique : la réévaluation des risques sismiques, des risques d’inondation, etc. ceci en tenant compte des nouvelles données, des progrès de la recherche scientifique, etc., - Le « retour d’expérience » en exploitation, français et international, - Les progrès de l’état de l’art : évolution des méthodes et des moyens de calcul, qui permettent de mieux modéliser les phénomènes, etc.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Les réexamens de sûreté décennaux des INB Ces réexamens ont été instaurés dès le début du programme nucléaire français, et bien sûr confirmés par la loi TSN. Ils visent à maintenir les installations en exploitation, non seulement dans des conditions d’entretien optimales pour palier les effets du vieillissement, mais aussi au plus près de l’évolution des exigences de sûreté, telles par exemple que celles appliquées à l’EPR (dans la limite de ce qu’il est techniquement possible de faire sur des installations existantes, bien entendu). Ces réexamens et les programmes d’améliorations qui en découlent ont donc pour conséquence concrète, non seulement de maintenir le niveau de sûreté des installations au fil du temps, mais de l’améliorer : ainsi, par exemple, avec l’intégration des améliorations décidées pour la troisième visite décennale des tranches 900 MW, ces dernières, bien qu’âgées de 30 ans, sont beaucoup plus sûres que lors de leur mise en service. À noter que cette démarche n’est pas exclusive d’améliorations majeures pouvant être décidées en fonction des circonstances : – Ce fut notamment le cas, dans les années 1980, avec la prise en compte du « Retour d’Expérience » Post-TMI, qui à permis des améliorations considérables en termes d’ergonomie, d’interfaces Homme / Machine, de procédures, etc. – C’est à nouveau le cas avec les améliorations complémentaires qui ont été imposées début 2012 par l’ASN, pour tenir compte du « retour d’expérience » de l’accident de Fukushima Daiichi. Notons pour terminer que la pratique réglementaire des réexamens de sûreté décennaux n’est plus une exclusivité française : de nombreux pays nucléarisés, essentiellement européens, ont adopté cette excellente pratique, en particulier la Belgique, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse et quelques autres en Europe de l’Est (récemment pour certains). D’autres pays, notamment les États-Unis, sont quant à eux restés fidèles à une politique d’améliorations au cas par cas, fonction des nécessités résultant du « Retour d’Expérience ». Le Japon, quant à lui, avait une position pour le moins… ambigüe, jusqu’à l’accident de Fukushima Daiichi : il avait bien adopté, au milieu des années 2000, une réglementation prévoyant un réexamen de sûreté décennal des centrales. Mais sans obligation contraignante d’amélioration effective…

• Évolutions technologiques Mais l’ingénierie des unités en exploitation peut également être motivée par d’autres considérations, notamment : 248

8. Pour aller plus loin…

– Économiques (par exemple, accroître la disponibilité), – Industrielles (par exemple, pour faire face à l’obsolescence technique et/ou commerciale de certains matériels). Ces deux motivations résultent à la fois de : – La très grande durée de vie à la conception des nouvelles installations (60 ans au moins pour un réacteur EPR, 40 ans voire plus pour un réacteur de recherche comme le RJH, etc.), – Politiques volontaristes de prolongation de cette la durée de vie pour des installations existantes dont l’état le permet (par exemple, prolongation au-delà de 40 ans pour les tranches REP actuellement en exploitation). Un exemple typique est constitué par les systèmes de contrôle commande de technologie ancienne (relais électromécaniques et/ou électronique analogique, devenus obsolètes) dont on pourrait un jour envisager le remplacement par un contrôle commande numérisé. Il va cependant sans dire qu’une telle opération, compte tenu de son étendue : - Impliquerait de rendre l’installation durablement indisponible, - Modifierait profondément les interfaces Homme / Machine. Elle ne peut donc être envisagée sans des études préalables (de sûreté, technico-économiques, etc.) extrêmement approfondies et sans un programme adapté de formation.

• Mise en œuvre des modifications sur les installations en exploitation Qu’il s’agisse des améliorations liées aux réexamens de sûreté ou d’améliorations / remplacements technologiques, les activités d’ingénierie correspondantes ont une forte spécificité nucléaire. En outre, la mise en œuvre des modifications associées sur des installations en exploitation, lors d’arrêts programmés, implique une extrême rigueur à tous les stades, notamment dans : – La préparation des chantiers de modification, qui doit évidemment prendre en compte l’ensemble des aspects de l’opération en garantissant une qualité sans faille, notamment dans les domaines des : - Supports documentaires, nécessairement très fouillés, - Matériels mis en œuvre (approvisionnements, etc.), - Compétences à mobiliser (montages, essais, contrôles, coordination, etc.), - Procédures d’essais dites de requalification de l’installation après réalisation des modifications (comprenant bien sûr aussi l’adaptation des procédures de conduite), - Compléments de formation nécessaires des opérateurs. – La réalisation proprement dite des modifications, qui implique l’application de procédures particulièrement rigoureuses destinées à assurer en toutes circonstances la continuité de la sûreté de l’installation (les phases d’arrêt étant plus risquées proportionnellement que les phases de fonctionnement normal). 249

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Enfin, la réalisation de ces améliorations est par ailleurs soumise à des contraintes de délai, notamment lorsqu’elles concernent les grandes centrales électrogènes, dont le manque à gagner journalier (coût de substitution par un moyen moins compétitif) est très élevé. Dans ce contexte, la compétence clé est la capacité à travailler en sûreté et qualité tout en maîtrisant les délais.

¾ Ingénierie de démantèlement des installations nucléaires Cette ingénierie présente à la fois des caractéristiques : – Communes aux autres types d’ingénierie nucléaire (notamment : contexte réglementaire, « culture de sûreté », métiers communs ou proches, etc. comme déjà évoqué), – Mais aussi très spécifiques dans les domaines technique et économique (cf. ciaprès). En termes de structuration de la démarche, trois niveaux de démantèlement, identifiés par l’AIEA, font aujourd’hui référence dans la plupart des pays du monde (cf. encadré ci-après) :

Les trois niveaux de démantèlement d’une centrale nucléaire – Niveau I : mise à l'arrêt définitif (MAD), comprenant notamment : - Le déchargement des éléments combustibles du cœur du réacteur et leur entreposage pendant un temps suffisant (quelques années) en piscine de « désactivation » du bâtiment combustible. - La vidange des circuits. À l’issue de cette première phase, les barrières de confinement et les systèmes d’accès sont maintenus en l’état et verrouillés. – Niveau II : démantèlement partiel, comprenant notamment : - La décontamination et la destruction de tous les bâtiments excepté le bâtiment abritant le réacteur nucléaire, - Le confinement du bâtiment du réacteur nucléaire. À l’issue de cette deuxième phase, la surveillance du bâtiment réacteur est maintenue. – Niveau III : démantèlement total, comprenant notamment : - Le démantèlement des matériels et composants électromécaniques du réacteur (cuve, échangeurs thermiques, etc.), - La destruction du bâtiment abritant le réacteur nucléaire. À l’issue de cette troisième phase, plus aucune surveillance n’est requise.

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8. Pour aller plus loin…

Quelles sont les principales particularités de l’ingénierie de démantèlement ? Nous en retiendrons trois : – La mise en œuvre de techniques très spécifiques : - Non utilisées dans l‘ingénierie de construction de nouvelles installations, - Partiellement utilisées cependant - pour certaines d’entre elles, tout au moins dans l’ingénierie des installations en exploitation, – La question du stockage des déchets, – Un arbitrage spécifique entre les termes du triptyque QCD.

• Des techniques très spécifiques On citera notamment les techniques de : – Décontamination préalable pour diminuer les risques de contamination des travailleurs. Ces techniques font appel à des procédés chimiques, mécaniques ou thermiques, ou à une combinaison de ces derniers (par exemple, pour décontaminer des surfaces de béton ou de métal, on utilise des granulés de glace carbonique projetés à très haute vitesse, des mousses décontaminantes, des gels chimiques, etc.), – Découpe des structures en métal ou en béton. On utilise, par exemple, des procédés mécaniques (tels que le sciage ou le jet d’eau à haute pression) ou thermiques (torche à plasma), – Manipulation, manutention et levage télécommandés pour diminuer l’irradiation des travailleurs : télémanipulateurs, robots télécommandés ou automatiques, outillages semi-automatiques, etc. permettant de travailler à distance des sources de rayonnement, – Confinement des déchets radioactifs produits en fonction de leur catégorie, pour permettre leur transport et stockage ultérieur (enfûtage, etc.), – Protection des travailleurs contre l’irradiation et/ou la contamination telle que : blindages amovibles, systèmes mobiles de ventilation / filtration, sas d’isolement, scaphandres ventilés, vêtements spéciaux, masques, etc. – Mesures radiologiques utilisées à deux fins : - Radioprotection des travailleurs, - Gestion des « stocks radioactifs » initiaux et produits par le démantèlement : inventaire avant démantèlement, triage des déchets radioactifs produits en fonction de leur catégorie, établissement des zonages de travail, etc. NB : à noter que plusieurs des techniques citées ci-dessus (décontamination, radioprotection des travailleurs, mesures radiologiques, etc. sont également couramment utilisées dans l’ingénierie des installations en exploitation). • Pas de démantèlement sans stockage adapté des déchets Par nature, le démantèlement des grandes installations nucléaires produit une grande quantité de déchets radioactifs, principalement de faible activité (constitués, en 251

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

particulier, par le béton et les autres matériaux de construction peu radioactifs, qui représentent l’essentiel des volumes). Démanteler n’a donc de sens que si l’on dispose de centres de stockage adaptés aux différents types de déchets produits (par exemple : centre de stockage TFA - Très Faible Activité - à Morvilliers, dans l’Aube). Les (très nombreux) transports induits entre l’installation démantelée et le centre de stockage constituent l’autre difficulté logistique de ces opérations.

• Une relation coût–délai… inversée ! Contrairement aux autres types d’ingénierie (construction neuve et/ou exploitation), pour lesquelles le coût est une fonction croissante du délai (augmentation de la mobilisation, des intérêts intercalaires, manque à gagner, etc.), le coût de l’ingénierie de démantèlement décroît avec le temps, pour deux raisons de fond, indépendantes l’une de l’autre : – La décroissance naturelle de la radioactivité des matériaux, structures, dépôts de contamination, etc. diminue la dosimétrie (donc le coût) des interventions humaines, – Le report dans le temps des dépenses de démantèlement diminue la charge réelle par effet d’actualisation. En tout état de cause, la durée totale d’un démantèlement (niveaux I à III inclus) pour une grande installation nucléaire est estimée à au moins 25 ans en l’état actuel des techniques. La véritable question est donc : quand faut-il commencer à démanteler une installation nucléaire mise à l’arrêt définitif ? Les réponses divergent dans le monde. Par exemple : – Les États-Unis et le Royaume-Uni privilégient une stratégie d’attente, pour les raisons indiquées ci-dessus, les installations étant mises « sous cocon » pendant trente ans (États Unis) voire plus (Royaume-Uni) ! – La France, au contraire, à l’instigation de l’ASN, a adopté un nouveau cadre réglementaire obligeant les exploitants à engager rapidement les opérations de démantèlement, sans attendre des décennies. L’ASN justifiant ainsi cette obligation : - Éviter les risques possibles liés : > Aux pertes de mémoire, en profitant des compétences humaines tant qu’elles existent encore de façon « vivante » (connaissance de l’installation par les techniciens qui l’ont exploitée et entretenue), > Au vieillissement et à la dégradation des installations. - Par ailleurs, le « retour d’expérience » actuel montre que les techniques de démantèlement ont atteint un stade suffisant d’industrialisation, - Enfin, garantir le financement des opérations en ne reportant pas la charge du démantèlement sur les générations futures. 252

8. Pour aller plus loin…

Reste que le coût du démantèlement (usuellement évalué à 15 % environ du coût initial de construction, ceci n’étant qu’un ordre de grandeur très approximatif), représente des sommes considérables pour un exploitant. Réduire ce coût (ou au moins le maîtriser…) grâce aux futurs progrès techniques et à une industrialisation plus poussée constitue donc un enjeu majeur pour l’avenir.

Sources de la performance d’une ingénierie nucléaire ¾ Comment définir la performance ? Si l’on retient la « logique projet » du triptyque QCD (qualité, coût, délai), la performance peut se définir par l’atteinte simultanée de tous les objectifs spécifiés dans ces trois domaines. Cependant, s’agissant de projets nucléaires, pour lesquels aucune dérogation n’est par principe envisageable en matière de qualité (tout doit être mis en œuvre, quoi qu’il advienne, pour respecter les exigences spécifiées dans ce domaine) les seules variables d’ajustement possibles en cas d’aléas sont les termes C et D. Etant en outre entendu que ces deux derniers termes sont également soumis à leurs propres aléas (les coûts et délais pouvant augmenter pour des raisons diverses, indépendantes des aléas techniques). Vu sous cet angle, on aboutit donc à la conclusion apparemment… paradoxale selon laquelle la performance va se mesurer à l’aune du respect du planning initial et du budget initial ! Ce qui est d’ailleurs (très) loin d’être facile, comme le montre l’expérience du secteur…

¾ Les leçons de la courte histoire des réalisations nucléaires Si on analyse les délais et les coûts de construction des installations nucléaires dans le monde depuis l’origine de cette industrie, on s’aperçoit que très peu d’entre elles ont respecté leur planning et budget initiaux… Ce qui revient à dire que, dans leur grande majorité, ces installations ont dépassé leurs objectifs C et D initiaux, parfois de manière très importante... Pourquoi un tel résultat ? Plusieurs explications qui se complètent :

• Première explication : une sous-estimation initiale (trop) fréquente des délais et coûts de réalisation, pour diverses raisons : – En cas de processus contractuel utilisant la mise en concurrence, la volonté du fournisseur concerné « d’emporter l’affaire » peut le conduire à réduire ses marges pour aléas, parfois au-delà du raisonnable… – Même en l’absence de contexte concurrentiel contractuel, la volonté plus ou moins consciente des promoteurs du projet de le présenter aux décideurs et… financiers 253

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

sous son meilleur jour ! Ce qui peut conduire, là encore, à réduire les marges pour aléas, qui ne se révèleront trop justes que plus tard, lorsque le projet sera engagé… – Dans un registre plus positif, le choix délibéré d’une stratégie de « planification volontariste », tenant compte des comportements humains (cf. encadré ci-dessous) :

Stratégie de « planification volontariste » Tous ceux qui ont vécu la planification de grands programmes ou projets industriels le savent : une marge annoncée trop tôt est… immédiatement « consommée » ! Pourquoi ? Parce que tout acteur d’un projet a spontanément tendance à s’octroyer tout le délai qu’on lui laisse, ou dont il… estime disposer ! C’est une constante des comportements humains. Toute annonce d’un délai supplémentaire est ainsi immédiatement intériorisée par les acteurs du projet, qui recalent alors plus ou moins consciemment leur activité « au plus tard ». C’est-à-dire sans conserver de … marge ! Qui leur fera défaut en cas d’aléas… quasi inévitables. En d’autres termes, la connaissance (ou a fortiori l’annonce) d’une marge a pour premier effet de réduire la mobilisation des acteurs. Elle est donc source de retards supplémentaires… annoncés ! En fait, un planning qui comporterait au départ 100 % de chances d’être respecté serait un… très mauvais planning ! Un bon planning ne doit pas avoir plus d’une chance sur deux ou sur trois d’être respecté, c’est-à-dire constituer un défi… C’est un facteur majeur de forte mobilisation, ellemême gage de délais réels performants in fine. L’expérience le confirme : un délai court est certes plus souvent dépassé, mais on arrive finalement plus tôt que si … on avait octroyé au départ un délai plus important ! Car il aurait probablement été à son tour…dépassé ! Ce qui justifie pleinement une stratégie de planification « volontariste ». Sachant cependant que la voie est étroite : le planning annoncé doit être ambitieux mais doit rester réaliste pour être crédible. Sinon il devient… contre-productif ! Et tout le monde baisse alors les bras… La planification n’est donc pas seulement une science exacte… Une bonne stratégie de communication est aussi essentielle !

• Deuxième explication : la multiplicité des causes possibles d’aléas D’abord techniques et industriels, ils peuvent également être administratifs et réglementaires, financiers, voire politiques ou dus à l’opinion publique... • Troisième explication : la complexité intrinsèque de ces installations La grande complexité de ces installations les rend intrinsèquement difficiles à construire sous de fortes contraintes de délais et de coûts, imposées au départ pour en assurer leur 254

8. Pour aller plus loin…

compétitivité économique. En d’autres termes, l’art est (très) difficile et la barre placée (très) haut en termes d’objectifs ! C’est sans doute la cause principale des retards et surcoûts, la partie la plus difficile étant incontestablement la réalisation sur site (cf. encadrés ci-après).

Pourquoi les grandes installations nucléaires sont-elles particulièrement difficiles à construire ? Trois raisons principales expliquent la grande complexité de construction des grandes installations nucléaires : – Tout d’abord, une caractéristique qui leur est propre : comme déjà souligné (cf. chapitre 5) la plupart des matériels sont installés dans ce que l’on pourrait appeler des « casemates ventilées ». Ceci à la fois pour des raisons de résistance des structures et de Radioprotection des travailleurs : les murs très épais en béton assurent à la fois la résistance et la protection contre l’irradiation, alors que les systèmes de ventilation assurent une protection contre une possible contamination de l’air des locaux. Le résultat en est, d’une part une installation particulièrement compacte, d’autre part des interconnexions électromécaniques (tuyauteries, gaines de ventilation et chemins de câbles) aux cheminements beaucoup plus complexes que ceux des installations en « halls » que l’on rencontre majoritairement dans les salles des machines ou dans l’industrie pétrolière ou gazière. Ce qui complique fortement les préfabrications et surtout des montages in situ pour tous les corps de métiers concernés. – Ensuite, la taille généralement hors du commun de ces installations impose de maîtriser des quantitatifs très importants, à la fois documentaires et physiques (mise en œuvre sur site). Or, à partir d’un certain degré, la quantité devient une source de complexité : d’organisation des processus et travaux, de recrutement en grande masse de ressources humaines qualifiées, de maîtrise de la Qualité, etc. sachant que le temps est par ailleurs toujours contraint. – Enfin, les installations nucléaires cumulent des contraintes à la fois techniques, technologiques, industrielles et réglementaires qui peuvent partiellement exister aussi dans d’autres secteurs, mais à des degrés souvent (bien) moindres et séparément. Elles cumulent notamment les contraintes des industries de pointe avec celles des industries lourdes, avec des exigences de qualité d’autant plus difficiles à mettre en œuvre qu’elles s’appliquent à des tâches réalisées sur des chantiers. Quelques éléments caractéristiques à ce propos (non exhaustif) : - Les composants lourds relèvent de l’industrie mécanique lourde, - Mais leur métallurgie et/ou certains composants relèvent de l’industrie mécanique de pointe, - Le contrôle commande informatisé relève de l’industrie électronique et informatique de pointe,

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– Les contraintes réglementaires spécifiques (notamment sûreté nucléaire et radioprotection) viennent encore complexifier l’équation, – Enfin, la phase de construction sur site constitue le point de concentration de difficultés particulières. La réalisation du génie civil en est un exemple typique : elle cumule en effet une série de spécificités hors normes : - Grande complexité des structures, - Exigences dimensionnelles d’une précision inhabituelle dans ce métier, - Taux de ferraillage extrêmement élevés rendant difficile la coulée du béton, - Très grandes quantités à mettre en œuvre, impliquant des effectifs très nombreux, difficiles à recruter et amener au niveau requis de qualification, etc.

Comment surmonter toutes ces difficultés ? La solution est connue et se résume à deux mots : Compétence ET expérience des équipes ! C’est l’objet des paragraphes suivants.

¾ Bases de la performance d’une ingénierie nucléaire Une ingénierie nucléaire doit maîtriser deux domaines fondamentaux : – La sécurité nucléaire (incluant la sûreté nucléaire, la radioprotection et la protection contre la malveillance), qui concerne le terme Q au sens large, – Le management des grands projets, qui concerne l’articulation du terme Q avec les termes C et D pour aboutir à une réalisation à la fois sûre et viable économiquement. Ces deux points sont développés ci-après en mettant l’accent sur la composante sûreté de la sécurité nucléaire, qui en constitue de loin la part la plus complexe.

• Maîtrise de la sûreté-sécurité nucléaire Il convient de distinguer ici les deux composantes de la sûreté globale que sont : – La sûreté réglée, qui consiste à éviter les défaillances prévisibles en s’appuyant sur des systèmes et équipements de protection, des actions automatiques, des règles et procédures formalisées, un système qualité, etc. – La sûreté gérée, qui repose sur la capacité de l’organisation et de ses acteurs à aller au-delà des règles en cas de situations réelles non prévues et à y répondre de façon adaptée, en faisant appel à l’expertise humaine, individuelle et collective.

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8. Pour aller plus loin…

Maîtrise de la sûreté réglée Elle passe par deux types de compétences complémentaires : – Une parfaite maîtrise scientifique, technique et technologique L’ingénierie nucléaire fait en effet partie des secteurs industriels pour lesquels les risques humains, environnementaux, industriels, économiques et médiatiques sont tels qu’elle ne peut être pratiquée sans une parfaite maîtrise des sciences, techniques et technologies mises en œuvre. Ce qui relève de la maîtrise des savoirs et savoir-faire relatifs à l’ensemble des domaines concernés. – Des compétences organisationnelles générales Il ne suffit cependant pas de maîtriser des savoirs et savoir-faire complexes, il faut aussi être capable de les organiser de manière à garantir un résultat spécifié et d’en apporter la preuve. C’est le rôle de l’organisation, structuration, standardisation et codification des tâches d’ingénierie dans un « système qualité » parfaitement documenté, qui en constitue la « colonne vertébrale organisationnelle » et permet à la fois de garantir l’atteinte de la performance Q globale et d’en attester. Il va enfin de soi qu’une telle organisation ne peut fonctionner correctement sans, d’une part un management compétent, d’autre part une bonne connaissance de l’organisation elle-même par l’ensemble de ses membres, ce qui constitue un savoir-être. Maîtrise de la sûreté gérée Elle passe essentiellement par la mise en œuvre d’un volet études et intégration des facteurs organisationnels et humains (FOH) encore dénommés facteurs sociaux-organisationnels et humains (SOH) comme explicité au chapitre 3. C’est un domaine devenu incontournable dans la conception et la réalisation de tout nouveau réacteur et qui fait donc dorénavant partie des compétences clé requises pour toute ingénierie ayant un rôle de concepteur ensemblier. • Compétences en management de grands projets Comme déjà dit plus haut, cette compétence concerne l’articulation du terme Q avec les termes C et D pour aboutir à une réalisation à la fois sûre et viable économiquement, sachant que la plupart des projets nucléaires sont des « grands projets ». Elle s’appuie sur ce que l’on pourrait appeler la « culture grand projet » qui se décline elle-même en trois composantes jouant des rôles majeurs en termes de performance globale QCD : – La capitalisation, gestion et exploitation de l’expérience, individuelle et collective, et ce dans tous les domaines, en particulier sous les aspects C et D (donc pas seulement dans celui de la sûreté qui relève du processus complexe dédié de « retour d’expérience » largement évoqué plus haut), 257

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

– La transparence, également composante essentielle de la « culture de sûreté » (cf. introduction) mais qui concerne aussi plus largement toutes les catégories d’informations et la manière dont elles sont élaborées, transmises et utilisées sur un grand projet, – Le sens du résultat, non opposable à la « culture de sûreté ». Ces trois points sont développés ci-après :

• Le rôle clé de l’expérience, de sa capitalisation à son exploitation Le sujet a déjà été évoqué plus haut, mais il n’est pas inutile d’y revenir tant l’expérience et la manière dont elle est capitalisée puis correctement réutilisée sont des facteurs majeurs de performance de toute organisation complexe. Et il ne s’agit pas là de considérations théoriques, mais bien de constats… d’expérience ! Un exemple frappant en est la réalisation du programme nucléaire français, dont les caractéristiques (construction d’unités « en série ») ont permis de mettre en évidence des effets d’apprentissage très importants avec la mise en service industriel de : – 34 tranches 900 MW entre 1978 et 1985 (Soit une moyenne de 4 à 5 tranches par an !), – 20 tranches 1300 MW entre 1985 et 1994 (Soit une moyenne d’un peu plus de 2 tranches par an). Ces effets d’apprentissage se sont évidemment manifestés dans tous les secteurs de l’ingénierie (études, achats, réalisation sur site) mais ont été tout particulièrement palpables dans ce dernier cas (cf. encadré ci-après).

Les « effets d’apprentissage » dans la construction sur site Constat : lors de la construction de plusieurs unités successives (2 ou 4) sur le même site, la réalisation de la première tranche a toujours été laborieuse, alors que celle des suivantes a (presque) été facile… Raisons : – Bien meilleure disponibilité sur les sites des éléments de base de la construction (équipements et documents, en premier lieu) au moment des travaux, – Effets d’apprentissage des équipes sur site, se traduisant par : - Une diminution très importante des non-qualités, - Une augmentation parfois spectaculaire de la productivité (dans un ordre de grandeur de 30 %, voire plus) permettant de beaucoup mieux respecter délais et coûts. Leçons de l’expérience : en fait, les équipes concernées avaient acquis une expérience qu’elles avaient su ensuite valoriser et réutiliser, étant entendu que celle-ci était à la fois : – Individuelle, chaque acteur ayant acquis une expérience personnelle, – Collective, les différentes entités concernées ayant collectivement appris.

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8. Pour aller plus loin…

Il va de soi que les conditions décrites ci-dessus étaient exceptionnellement favorables à une réutilisation optimale de l’expérience : travaux dupliqués, mêmes équipes, faibles délais entre les tranches évitant les pertes de mémoire, etc. Qu’en est-il lorsque les conditions sont moins favorables, ce qui est le cas pour la plupart des projets nouveaux dans le monde ? Le facteur qui apparaît comme le plus déterminant est la capacité globale des organisations à capitaliser, gérer et ensuite réutiliser leur expérience, ce qui passe classiquement par deux voies complémentaires :

Première voie : la gestion des connaissances communes Elle passe par une organisation adaptée à la capitalisation, à la gestion formelle et à la réutilisation de l’expérience : il n’y a sans doute pas de meilleur « professeur » pour apprendre et progresser, surtout de ses erreurs, et s’améliorer individuellement et collectivement à long terme… Le sujet relève en fait plus généralement de ce que l’on appelle la « gestion des connaissances » (« knowledge management » en anglais), démarche qui apparaît de plus en plus indispensable pour prévenir les risques de pertes de connaissances et de compétences dans les secteurs de pointe, à très fort contenu dans ces deux domaines. Néanmoins, la mise en œuvre concrète d’un processus de gestion des connaissances efficace est loin d’être facile (cf. encadré ci-après).

Quelques aspects de la gestion des connaissances (non exhaustif…) Définition : démarche organisationnelle globale dont la finalité est de recueillir et structurer les connaissances stratégiques reconnues de l’entreprise, en général mal identifiées et dispersées dans de multiples bases d'information et dans… la tête des spécialistes et experts ! Objectif : mettre à la disposition des collaborateurs de l’entreprise ce vaste patrimoine ainsi structuré et capitalisé sous différentes formes. Moyens matériels : les NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication) : site intranet de base de connaissances, lien avec plans de formation, « e-learning », etc. Difficultés principales : la démarche implique une réflexion approfondie sur les contenus et une approche très volontariste comprenant de très nombreuses interviews d’experts puis leur synthèse. Il y faut donc des moyens humains de qualité, du temps et un budget… Toutes choses qui ne sont pas forcément faciles à mobiliser dans un contexte opérationnel tendu vers des objectifs à court terme !

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

C’est pourquoi un tout premier niveau de gestion des connaissances peut consister en un simple « carnet d’adresses de l’expertise interne » que l’on peut définir par : « Qui consulter sur tel ou tel sujet ? » Une telle démarche a le mérite d’être beaucoup plus facile et rapide à mettre en œuvre, et est en général très efficace, les experts (au sens large) étant en général heureux de partager leurs connaissances et expérience... Mais il y faut une condition : que les experts concernés soient pérennes dans l’entreprise… Ce qui ramène à la gestion des moyens humains. Protection du patrimoine intellectuel : elle constitue une autre difficulté de la gestion des connaissances : il faut en effet concilier la mise en commun des connaissances avec la protection de celles qui sont critiques. Ce qui suppose, là encore, des réflexions approfondies sur la nature et la criticité des connaissances concernées. Et bien sûr la mise en œuvre de moyens de protection efficaces mais ciblés. Car tout ne doit pas être protégé de la même manière, pour ne pas freiner inutilement l’accès aux connaissances non critiques, ce qui irait à… l’encontre du but recherché. Conditions d’instauration d’un système de management des connaissances : – D’abord une volonté managériale claire, affirmée et constante, dans la mesure où le processus doit être permanent et totalement intégré au management global de l’entreprise pour porter tous ses fruits, – Ensuite, une adhésion du personnel, pour lequel cette démarche peut être ressentie, si elle est mal préparée et présentée, comme génératrice d’un surcroît de travail sans retombées individuelles à court terme (raison pour laquelle un tel processus ne doit surtout pas être une usine à gaz…).

Cependant, pour essentielle qu’elle soit, une telle capitalisation formelle des connaissances a ses limites et ne peut constituer qu’une part de la mémoire d’une entreprise. Le reste passant directement par les hommes et leur expérience personnelle, objet du paragraphe qui suit.

Deuxième voie : les compétences « vivantes » Une gestion adaptée des compétences humaines (maintien dans les équipes d’un nombre suffisant de personnes d’expérience, et ce à différents niveaux) est sans doute au moins aussi, voire plus importante, dans les métiers de l’ingénierie où une part essentielle de l’expérience passe par la mémoire humaine acquise sur le terrain. Ce qui suppose aussi, soit dit en passant et dans le contexte d’activités d’ingénierie par nature fluctuantes en fonction de la réalisation des projets, que l’on puisse « occuper » ces personnes sur des tâches valorisantes et porteuses d’expérience, pour ne pas qu’elles perdent cette dernière…

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8. Pour aller plus loin…

• Une information transparente, nerf de la performance de l’ingénierie Ce sujet, déjà largement traité dans le cadre du management de projet (chapitre 7) est un facteur tellement important dans la réussite de tout projet complexe, qu’il mérite également que l’on y revienne. L’information au sens le plus général est en effet indispensable à la maîtrise de tout système complexe : sans information disponible sans délai, pertinente, fiable et continument remise à jour, pas de bonne décision possible ! Elle est donc une condition nécessaire (bien sûr non suffisante) de l’efficacité de l’action dans ses différentes composantes (active, réactive, anticipative, cf. ci-après). Tous les aspects de l’information sont concernés : – Ses différentes phases : détection, élaboration, circulation, traitement, etc., – Sa forme : formalisée, informelle, etc., – Sa qualité : précocité, pertinence, sincérité, transparence, fiabilité, etc. • Sens du résultat : tenir ses objectifs ! Le sens du résultat pourrait être défini par : « Souci permanent de tout faire pour garantir au mieux les exigences QCD spécifiées du projet, compte tenu des aléas de tout type qui se produisent tous les jours ». Plus concrètement, il : – Implique arbitrages et optimisation continue des décisions dans un faisceau de contraintes souvent contradictoires, – Relève au moins autant (en fait bien davantage) du comportement que du professionnalisme stricto sensu, même si ce dernier est indispensable, – N’atteint sa pleine efficacité que lorsqu’il est partagé par tous les acteurs d’un projet, quelle que soit leur fonction, chacun se sentant alors pleinement responsable de l’atteinte de ses objectifs individuels, – N’est évidemment pas dépourvu de considérations économiques, au travers du respect des objectifs C et D. Question : ne risque-t-il pas, dans ces conditions, d’entrer en conflit avec la « culture de sûreté », qui conduit à arbitrer systématiquement en faveur du terme Q (qualité spécifiée) qui englobe et conditionne la sécurité nucléaire ? La réponse est en fait simple : sans respect absolu des exigences spécifiées du terme Q, il ne peut y avoir de « résultat » (acceptable) ! Le sens du résultat devient donc … sans objet dans cette hypothèse ! CQFD ! Concrètement, le sens du résultat implique simplement que, face à une non-conformité ou toute autre anomalie constatée du terme Q, la mise en œuvre des mesures nécessaires pour revenir au respect des exigences spécifiées soit diligentée avec le souci permanent d’optimiser les délais et les coûts associés. Sans que cela affecte si peu que ce soit la priorité attachée au terme Q ! 261

Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

• Quand expérience et information potentialisent leurs effets dans un contexte de sens du résultat partagé par tous… L’expérience ET l’information constituent des facteurs de la performance de l’ingénierie d’autant plus efficaces que leurs effets peuvent se combiner dans un contexte de sens du résultat partagé par tous, notamment sous les aspects : – Coordination des tâches (pas de coordination efficace sans expérience, ni bien sûr sans information pertinente en temps réel), – Réactivité face à l’occurrence d’événements négatifs (pas de réactivité adaptée sans expérience pour imaginer et élaborer des solutions correctives ou palliatives efficaces, ni sans information précoce pour éviter de perdre du temps, ni enfin sans sens du résultat pour mettre en œuvre très rapidement les décisions). – Anticipation des risques et aléas (pas d’anticipation réaliste sans expérience pour imaginer les risques et aléas possibles, ni sans information de qualité pour détecter les signaux précurseurs, forts et surtout faibles), – Pro-activité permettant de mettre en œuvre les parades aux risques et aléas ainsi identifiés, afin d’en éliminer ou au moins mitiger les conséquences négatives (ici encore, l’expérience est essentielle pour imaginer des parades à la fois efficaces et réalistes).

¾ Facteurs de performance dépendant du Maître d’Ouvrage La performance globale d’un projet nucléaire dépend aussi de l’attitude du Maître d’Ouvrage, sous deux aspects essentiels : – La qualité du management stratégique du projet, dont il est responsable, – La stabilité du cahier des charges qu’il impose ou à laquelle il… consent !

• Un management stratégique à la hauteur des enjeux du projet C’est un facteur majeur de réussite de tout projet complexe, qui dépend de la manière dont le Maître d’Ouvrage assume ses responsabilités « régaliennes » (celles qu’il ne peut en aucun cas déléguer, sauf à se disqualifier…). En particulier celles de détenteur des… « Cordons de la bourse » ! En effet, face à des aléas majeurs, toujours susceptibles d’affecter de grands projets intrinsèquement difficiles, il n’existe qu’une seule bonne stratégie : « Sortir par le haut » ! C’est-à-dire faire en sorte que le projet aille à son terme quoi qu’il arrive et puisse ainsi remplir in fine sa fonction. Arrêter en cours de route un grand projet, qui plus est nucléaire, est toujours une catastrophe majeure (économique, stratégique, politique, d’image, etc.) pour toutes les parties prenantes. Comment « sortir par le haut » ? Le Maître d’Ouvrage doit avoir la pleine capacité stratégique et le pouvoir financier d’aller au-delà des engagements contractuels formels

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8. Pour aller plus loin…

initiaux entre les parties pour « débloquer » sans délai une situation difficile, en remettant à plus tard l’instruction et le traitement des contentieux. Ce qui peut bien sûr impliquer pour lui un certain risque, mais qui sera en tout état de cause très inférieur à celui d’un enlisement durable du projet.

• Un cahier des charges stabilisé… La stabilité du cahier des charges est un autre facteur primordial du respect des délais et coûts (qu’ils soient ou non compensés contractuellement est une autre question) dans la mesure où toute évolution du cahier des charges en phase de réalisation se paie en général très cher en impacts D et C, ce d’autant plus que le projet est à un stade avancé d’études et a fortiori de réalisation sur site. Cette difficulté peut notamment se présenter avec des Maîtres d’Ouvrages peu rompus aux contraintes de l’ingénierie et qui ne perçoivent pas qu’une modification fonctionnelle qui leur semble anodine peut en réalité impacter plusieurs corps de métiers (génie civil, mécanique, électricité, contrôle commande) avec à la clé des dizaines de documents d’ingénierie à modifier… Sans parler des impacts matériels.

¾ La « matière grise organisée », source de la performance d’une ingénierie nucléaire… La « matière première » la plus importante mise en œuvre dans les installations nucléaires n’est ni la matière fissile, ni toute autre matière physique. Mais la « matière grise », qui seule permet de maîtriser la matière physique. Cette « matière grise » doit en outre être correctement organisée afin de combiner efficacement deux grandes catégories de compétences : – D’une part, des compétences « métiers » nombreuses, variées et approfondies, permettant de maîtriser l’ensemble des aspects « techniques » (au sens large, incluant toutes les expertises nécessaires) décrits dans les chapitres précédents, en particulier des compétences (non exhaustif) : - En sciences et techniques nucléaires (physique nucléaire, neutronique, thermo hydraulique des cœurs de réacteurs, science des matériaux résistant aux ambiances nucléaires, radioprotection, etc. - En sciences et techniques non nucléaires (génie civil, mécanique, électricité, contrôle commande, etc.) mais dont l’exercice dans un contexte nucléaire en augmente le niveau général d’exigences, - En sciences humaines (dans le cadre de la démarche FOH/SOH), - Autres : financières, juridiques, contractuelles, fiscales, etc. – D’autre part, des compétences en « coordination générale », qui ont pour rôle de mobiliser, fédérer, orchestrer, coordonner, etc. les compétences « métiers » ci-dessus, s’exerçant dans les différentes branches de l’ingénierie décrites dans les chapitres précédents.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Cette capacité à fédérer et coordonner des compétences multiples et complexes dans un faisceau extrêmement exigeant de contraintes, constitue sans aucun doute la compétence chapeau de toute ingénierie en général, nucléaire en particulier. – Il faut enfin ajouter à toutes ces compétences « métiers » ou « organisationnelles », une compétence transverse d’ordre « comportemental » : la « culture de sûreté », qui doit impérativement être partagée par tous.

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Références Avertissement De très nombreuses références de qualité sont disponibles en sciences et techniques nucléaires. Le parti a été pris de n’afficher ici qu’une sélection très restreinte d’ouvrages de base, permettant néanmoins d’aller à l’essentiel, sans rechercher une quelconque exhaustivité. Nombre d’excellents ouvrages ne sont donc pas cités. Il en va de même pour les sites Internet : outre celui de l’AIEA, qui offre une richesse inégalée d’informations sur tous les sujets touchant au nucléaire civil, seuls les principaux sites français sont cités.

Sciences et techniques de base ¾ Collection d’ouvrages supports au Cours de Génie Atomique enseigné à L’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN) : -

Précis de neutronique – P. Reuss (2003) Exercices de neutronique – P. Reuss (2004) Science des matériaux pour le nucléaire – C. Lemaignan (2004) Thermo-hydraulique des réacteurs – J.M. Dellhaye (2008)

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

- Les chaudières des réacteurs à eau sous pression – J.P. Py et al. (2004) - Radioprotection et ingénierie nucléaire – H. Métivier, Coordinateur (2006) - Le cycle du combustible nucléaire – L. Patarin, Coordonnateur (2002) - Energie, électricité et nucléaire – G. Naudet et P. Reuss (2008) - L’économie de l’énergie nucléaire – E. Bertel et G. Naudet (2004) ¾ Collection Les Techniques de l’ingénieur Notamment : - Dossiers des sections nucléaires (séries BN 3800 et 3900) - Protection incendie des centrales nucléaires REP – M. Kaercher (2004) ¾ Documents divers Les facteurs organisationnels et humains de la gestion des risques : idées reçues, idées déçues - Rapport DSR N°438 - 22 septembre 2011

Documents réglementaires et assimilés importants ¾ Arrêtés (sur site www.legifrance.gouv.fr ou www.asn.fr) •

« Arrêté qualité » du 10 août 1984



« Arrêté ESPN » du 12 décembre 2005

¾ RFS : règles fondamentales de sûreté et autres documents à caractère règlementaire (décisions) émis par l’ASN (sur site www.asn.fr)

NB : À ces documents à caractère réglementaire, il faut ajouter les études de base et autres documents relatifs à la radioprotection et à la sûreté nucléaire produits par l’IRSN (sur site www.irsn.fr)

Codes de conception et de construction (RCC) (Sur site www.afcen.com) ¾ RCC-M : Règless de conception et de construction des matériels mécaniques des îlots nucléaires REP ¾ RCC-MR : Règles de conception et de construction des matériels mécaniques des îlots nucléaires RNR ¾ RCC-E : Règles de conception et de construction des matériels électriques des centrales nucléaires ¾ RCC-C : Règles de conception et de construction des assemblages de combustible des centrales nucléaires ¾ RCC-G : Règles de conception et de construction du génie civil des îlots nucléaires REP 266

Glossaire

¾ RSE-M : Règles de surveillance en exploitation des matériels mécaniques des îlots nnucléaires REP NB: les RCC sont des documents évolutifs (pour tenir compte du retour d’expérience, des évolutions réglementaires ou techniques, etc.). Pour l’EPR, ils ont été transformés en ETC (European Technical Codes).

Documents de référence de l’AIEA (sur site www-pub.iaea.org) NB: sauf rares exceptions, les documents techniques de l’AIEA n’ont pas de caractère juridiquement contraignant. Ils sont donc à considérer comme des recommandations ayant pour but de promouvoir des références communes qui reflètent les meilleures pratiques internationales du domaine, faisant l’objet d’un consensus de la communauté des experts internationaux. Ces documents sont classés selon différentes « Séries » en fonction de leur nature (document de doctrine, principes de sûreté ou de sécurité, texte techniques d’application, recommandations de groupes d’experts, droit nucléaire, etc.) :

¾ Safety Standard Series, notamment : - Fundamental Safety Principles (Safety Standards Series No SF-1) ¾ Nuclear Security Series, notamment : - Nuclear Security Culture (Nuclear Security Series No 7) ¾ TECDOC, notamment : La protection physique des matières et installations nucléaires / Orientations et considérations concernant l'application du document INFCIRC/225/Rev. 4 (IAEA - 967 Rev. 1)

¾ INSAG (International Safety Advisory Group) Series, notamment : - Safety Culture (INSAG Series No. 4) - Probabilistic Safety Assessment (INSAG Series No. 6) - Defense in Depth in Nuclear Safety (INSAG Series No. 10) - Basic Safety Principles for Nuclear Power Plants (INSAG Series No. 12) ¾ Droit nucléaire - Manuel de droit nucléaire (2006)

Autres sources d’information ¾ Sites des grands acteurs du nucléaire français

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

9 AREVA: www.areva.com (site d’information générale), www.areva-

np.com (site dédié aux réacteurs nucléaires), www.areva-nc.com (site dédié au cycle du combustible) 9 CEA: www.cea.fr 9 EDF: www.edf.fr ou www.edf.com (+ mot clé : « nucléaire ») 9 ANDRA: www.andra.fr

¾ Sites gouvernementaux (textes législatifs et réglementaires) www.legifrance.gouv.fr www.ladocfrancaise.gouv.fr www.environnement.gouv.fr ¾ Sites parlementaires (hébergeant notamment l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, etc.) www.assemblee-nationale.fr www.senat.fr ¾ Autres sites (vulgarisation, sociétés savantes, etc.) Site conjoint CEA/CNRS (vulgarisation) : www.laradioactivite.com SFEN (Société française d’énergie nucléaire) : www.sfen.org

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Glossaire Avertissement Les définitions ci-après sont, chaque fois que possible, issues de textes officiels (commissions de normalisation dépendant des pouvoirs publics, normes françaises ou internationales, etc.). À défaut, c’est le vocabulaire reconnu du secteur professionnel concerné qui est retenu. Enfin, dans quelques rares cas, les définitions sont complétées par de courts développements techniques indispensables à une bonne compréhension. de dimensionnement A ccident Conditions accidentelles pour lesquelles une installation nucléaire est conçue, conformément à des critères spécifiés, et pour lesquelles l’endommagement du combustible et les rejets radioactifs sont maintenus dans les limites autorisées. On englobe également dans cette catégorie tous les accidents de gravité inférieure. Accident grave Conditions accidentelles plus graves qu’un accident de dimensionnement, qui peuvent donner lieu à une dégradation plus ou moins importante du cœur. On englobe également dans cette catégorie tous les accidents dits hors dimensionnement (qui

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

excèdent les hypothèses de dimensionnement) sans nécessairement conduire à une dégradation significative du cœur. Actinides La série chimique des actinides comprend les éléments chimiques du tableau périodique possédant un numéro atomique compris entre 89 et 103 inclus. Ce sont tous des éléments radioactifs. Ils tirent leur nom de l'actinium (Z=89), un métal lourd, et possèdent des propriétés chimiques voisines. L'uranium et le thorium, relativement abondants à l'état naturel du fait de la très longue demi-vie de leurs isotopes les plus stables, sont des actinides. Ces derniers comprennent également des éléments artificiels, les transuraniens (car plus lourds que l'uranium) générés par des captures de neutrons qui n'ont pas été suivies de fissions. L'actinide produit le plus abondamment est le plutonium, avec en tête son principal isotope le plutonium 239, lui-même fissile. Actinide mineur Actinide produit dans le combustible nucléaire irradié en quantité bien moindre (dits pour cette raison mineurs) que les actinides principaux dits majeurs. Les actinides mineurs les plus dangereux, car à haute activité et/ou longue durée de vie, sont le neptunium 237, l’américium 241 et 243 et le curium 244 et 245. Activité Nombre de transitions nucléaires spontanées qui se produisent dans une quantité donnée de radionucléides par unité de temps. L'unité d'activité est le becquerel (Bq). Agressions physiques d’origine externe Principales agressions d’origine externe prises en compte : - Séismes, - Inondations d’origine externe, - Vents extrêmes de tempête, - Conditions extrêmes de température, - Foudre et interférences électromagnétiques (IEM), - Chutes d’avions, - Risques présentés par l’environnement industriel et les voies de communication. Agressions physiques d’origine interne Principales agressions d’origine interne prises en compte : - Incendies, - Inondations d’origine interne, - Ruptures de tuyauteries à haute énergie, - Missiles générés par l’installation elle-même,

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Glossaire

Agressions humaines Elles sont subdivisées en deux catégories radicalement différentes : - Erreurs humaines, par essence involontaires, prises en compte au titre de l’analyse de sûreté, - Actes volontaires de malveillance, pris en compte au titre de la protection contre la malveillance et le terrorisme. Analyse de sûreté Ensemble des examens techniques destinés à apprécier, en fonction de l’évaluation des risques, les dispositions propres à assurer la sûreté nucléaire. Analyse de vulnérabilité incendie Démarche ayant pour but de démontrer l'absence de mode commun incendie. Anti-réactivité Baisse de réactivité provoquée, soit par des dispositifs conçus à cet effet, (notamment, des dispositifs comme les barres de commande) soit par des phénomènes physiques (comme les variations de températures). Approche déterministe Est fondée sur l’étude approfondie de séquences accidentelles conventionnelles, enveloppe d’un certain nombre d’événements initiateurs possibles, en termes de conséquences pour l’installation et l’environnement qui permettent notamment de définir les accidents de dimensionnement des installations. Les séquences accidentelles sont traitées par l’application de règles et critères déterministes incluant des marges et des conservatismes systématiques. Approche probabiliste Vient compléter et enrichir l’approche déterministe par une démarche totalement différente fondée sur l’investigation systématique des scénarios accidentels possibles (liste la plus réaliste possible) en intégrant tous les types de facteurs de défaillance possibles (techniques, organisationnels et comportementaux, y compris donc les erreurs humaines). L’évaluation des probabilités d’occurrence de ces scénarios accidentels est faite en tenant également compte des probabilités de réussite des systèmes et actions humaines de conduite mis en œuvre pour assurer les fonctions de sûreté. Le produit de cette approche est dénommé étude probabiliste de sûreté (EPS). On distingue généralement trois niveaux d’EPS : Niveau 1 : Probabilité de fusion du cœur. Niveau 2 : Probabilité de rejets radioactifs dans l’environnement (en nature et quantités). Niveau 3 : Probabilité des conséquences radiologiques environnementales de ces rejets radioactifs (en contamination de l’environnement et en dosimétrie pour les individus).

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Arrêt d’un réacteur Situation d’un réacteur nucléaire dans lequel il n’y a plus de réaction de fission entretenue. Arrêt d’urgence Action d’arrêter rapidement la réaction nucléaire dans un réacteur pour éviter une situation dangereuse ou en réduire les conséquences. Assemblage combustible Ensemble formé d’éléments combustibles et chargé d’un seul tenant dans un réacteur nucléaire. de commande B arre Barre ou ensemble de barres ou tiges solidaires mobiles contenant une matière absorbant les neutrons et qui, suivant sa position dans le cœur d’un réacteur nucléaire, influe sur sa réactivité. Barre de pilotage Barre de commande utilisée pour les ajustements faibles et précis de la réactivité d’un réacteur nucléaire, ainsi que, parfois, pour agir sur la répartition du flux neutronique dans le cœur de ce réacteur. Barrière de confinement Dispositif capable d’empêcher ou de limiter la dispersion des matières radioactives. Blindage Dispositif de protection interposé entre une source de rayonnement et une région déterminée (Pour les dispositifs simples, on utilise aussi le mot « écran ». Pour les dispositifs assurant la protection biologique ou thermique autour du cœur d’un réacteur nucléaire, on utilise aussi le mot « bouclier »). Blocage de déchets radioactifs Immobilisation par prise en masse au sein d’un matériau de façon à obtenir un produit solide, compact et stable, physiquement non dispersable. Boucle Dispositif permettant de faire circuler un fluide suivant un trajet fermé. de référence C entrale Installation qui sert de « référence » à une nouvelle centrale en termes de « Licensing » (référentiels et dispositions de sûreté). C’est un concept très utilisé et très utile à l’export, qui peut être étendu à des considérations contractuelles (pour garantir l’identité de fourniture, par exemple).

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Glossaire

Chaudière nucléaire Chaudière dans laquelle la source de chaleur est un réacteur nucléaire (l’ensemble des systèmes compris dans la chaudière étant à préciser au cas par cas). Château de transport (ou encore château de plomb) Conteneur blindé utilisé pour le transport et éventuellement l’entreposage de matières radioactives. Circuit de refroidissement primaire Système en boucle fermée qui permet d’extraire la chaleur des éléments combustibles par circulation d’un fluide caloporteur en contact direct avec ces éléments combustibles. Circuit de refroidissement secondaire Système assurant la circulation du fluide caloporteur qui extrait la chaleur du circuit de refroidissement primaire (Dans les réacteurs à eau sous pression, ce circuit assure le transfert de la vapeur d’eau des générateurs de vapeur à la turbine). Coefficient de puissance Rapport, dans un réacteur nucléaire ou tout autre milieu multiplicateur, de la variation de la réactivité à la variation de puissance qui la provoque. Coefficient de température Rapport, dans un réacteur nucléaire ou tout autre milieu multiplicateur, de la variation de la réactivité à la variation de la température moyenne qui la provoque. Coefficient de vide (ou coefficient de réactivité du vide) Rapport, dans un réacteur nucléaire ou tout autre milieu multiplicateur, de la variation de la réactivité à la variation de la densité du fluide caloporteur qui la provoque. Un coefficient de vide négatif (cas des REP) procure un autocontrôle naturel de la réaction nucléaire : si la puissance neutronique augmente, la densité de l'eau diminue, ce qui a pour effet de diminuer la densité du modérateur (l'eau est à la fois caloporteur et modérateur), d'où une diminution de la puissance. Par contre, un coefficient de vide positif peut potentiellement conduire à une excursion de puissance du réacteur, en l’absence de mise en action d’autres moyens (barres de contrôle) pour arrêter la réaction nucléaire. Combustible nucléaire Matière contenant des nucléides dont la consommation par fission dans un réacteur nucléaire permet d’y entretenir une réaction en chaîne (On utilise aussi le terme « combustible nucléaire » pour désigner les éléments façonnés composant le cœur d’un réacteur). Combustible d'oxyde d'uranium Combustible nucléaire à base d'oxyde d'uranium naturel UOX, généralement enrichi, ou d'uranium de retraitement enrichi URE.

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Introduction à l'ingénierie des installations nucléaires

Combustible MOX Combustible nucléaire à base d’un mélange d’oxyde d’uranium et d’oxyde de plutonium (« MOX » est l’acronyme de « mélange d’oxydes »). Combustible usé Combustible nucléaire irradié, déchargé d'un réacteur et dont la matière fissile ne peut être réutilisée sans avoir subi un traitement approprié. Combustion massique Énergie libérée par un combustible nucléaire au sein d'un réacteur en fonctionnement, rapportée à sa masse initiale en métal lourd tel l'uranium, le plutonium ou le thorium. Elle est communément exprimée en mégawatt. Jours par tonne de métal lourd initial (MWJ/t). Conditionnement de déchets radioactifs Ensemble des opérations consistant à mettre les déchets radioactifs sous une forme convenant à leur transport, leur entreposage ou leur stockage. Confinement Maintien de matières radioactives à l’intérieur d’un espace déterminé grâce à un ensemble de dispositions visant à empêcher leur dispersion en quantités inacceptables au-delà de cet espace. Conservatif, -ive Se dit d'un procédé de calcul ou d'une démarche fondés sur des hypothèses qui majorent les effets des phénomènes pouvant altérer les performances d'un matériau, d'un équipement ou d'une installation et affecter la sûreté nucléaire ou la radioprotection. Contamination radioactive Présence indésirable, à un niveau significatif, de substances radioactives à la surface ou à l’intérieur d’un milieu quelconque. Contrôle commande Ensemble des systèmes qui, dans une installation nucléaire, effectuent automatiquement les mesures, assurent la régulation et la protection (par extension, les fonctions remplies par ces systèmes). Corium Amas fondus et mélangés de combustibles et d’éléments de structure du cœur d’un réacteur nucléaire, pouvant se former en cas d’accident grave. Crayon Tube de faible diamètre, fermé à ses deux extrémités, constituant du cœur d’un réacteur nucléaire quand il contient une matière fissile, fertile ou absorbante.

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Glossaire

Criticité État d’un milieu dans lequel s’entretient une réaction nucléaire en chaîne à niveau constant. Critique Se dit d’un milieu où s’entretient une réaction de fission en chaîne au cours de laquelle apparaissent autant de neutrons qu’il en disparaît (le facteur de multiplication est alors strictement égal à 1 et la réaction est exactement entretenue). Culture de sûreté (Source AIEA, INSAG 4) Ensemble des caractéristiques et des attitudes qui, dans les organismes et chez les individus, font que les questions relatives à la sûreté des installations nucléaires bénéficient, en priorité, de l'attention qu'elles méritent en raison de leur importance. Cycle du combustible Ensemble des opérations industrielles auquel est soumis le combustible nucléaire. Ces opérations comprennent essentiellement : l’extraction et le traitement du minerai, la conversion, l’enrichissement, la fabrication du combustible, le retraitement, le recyclage des matières fissiles récupérées et la gestion des déchets. de dose D ébit Quotient de l’accroissement de dose par intervalle de temps. Déchet conventionnel Déchet non radioactif provenant d'une installation nucléaire de base et qui, à ce titre, fait l'objet d'une gestion spécifique. Déchet nucléaire Déchet radioactif ou déchet susceptible d'avoir été contaminé ou activé, provenant d'une installation nucléaire de base, et qui, à ce titre, est pris en charge par les filières d'élimination des déchets radioactifs. Déchet radioactif Résidu provenant de l’utilisation de matières radioactives, dont aucun usage n’est prévu dans l’état actuel des connaissances et dont le niveau d’activité ne permet pas, sans contrôle, l’évacuation dans l’environnement. Déclassement Ensemble des opérations administratives et réglementaires destinées soit à classer une installation nucléaire dans une catégorie inférieure, soit à en supprimer le classement initial.

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Déconstruction Ensemble des opérations administratives et techniques conduisant dans un délai donné, par une suite programmée de démantèlements physiques successifs, à l’élimination totale d’une installation nucléaire et à la complète réhabilitation du site. Décontamination radioactive Élimination partielle ou totale d’une contamination radioactive par des moyens permettant la récupération contrôlée des substances contaminantes. Défaillance de cause commune Défaillance de deux ou plusieurs structures, systèmes ou composants due à une cause ou un événement spécifique unique. Défaillance unique (critère de) Appliqué à un système de sûreté, le critère de défaillance unique implique que ce système reste capable de remplir sa fonction, même si une défaillance unique affecte l’un de ses équipements ou composants, actif ou passif. Le respect du critère de défaillance unique implique a minima la redondance. Défense en profondeur ou DEP (principe de) Ensemble de lignes (ou barrières) successives de protection destinées à prévenir un accident nucléaire ou à en limiter les conséquences (les défaillances susceptibles de conduire à un accident peuvent concerner les dispositifs, les équipements et les procédures et actions humaines). La défense en profondeur repose sur l’usage de moyens redondants ET diversifiés. On distingue cinq stades successifs de défense en profondeur en sûreté nucléaire : Stade 1 : Prévention des situations anormales (dues à des défaillances matérielles et/ou humaines avec déviations au fonctionnement normal). Stade 2 : Détection et maîtrise des situations anormales (ou incidents). Stade 3 : Détection et maîtrise des accidents prévus à la conception (en particulier, accident de dimensionnement ou de référence ne comportant pas de dégradation du cœur). Stade 4 : Maîtrise des accidents sévères ou graves (hors dimensionnement, pouvant comporter une dégradation plus ou moins importante du cœur). Stade 5 : Maîtrise et/ou mitigation des conséquences radiologiques des rejets accidentels dans l’environnement. Démantèlement Ensemble des opérations techniques qui conduisent une installation nucléaire à un niveau de déclassement choisi. Démarche hors dimensionnement Démarche consistant à aller au-delà du dimensionnement pour envisager tous les cas possibles, y compris les plus extrêmes. Les critères retenus dans ce type

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d’approche peuvent être réalistes, y compris au niveau des marges retenues (par opposition avec les critères de dimensionnement, réglementaires et comportant systématiquement des marges importantes). Diffusion gazeuse Procédé de séparation isotopique de l’uranium en phase gazeuse, basé sur la différence des vitesses de passage, à travers des parois poreuses, de gaz de masses moléculaires différentes. Dimensionnement Détermination des caractéristiques d’une installation lors de sa conception pour satisfaire à des critères préétablis et à la pratique règlementaire. Divergence État d'un réacteur à l'instant où la criticité du cœur est atteinte. Par extension, séquence de démarrage d'un réacteur nucléaire qui précède l'atteinte de la criticité du cœur. Dose Quantité d’énergie communiquée à un milieu par un rayonnement ionisant. Dose absorbée Énergie d’un rayonnement ionisant absorbée par unité de masse. Dose à l’organe Dose absorbée ou équivalente reçue par un organe ou un tissu donnés. Dose collective Dose reçue par une population, définie comme le produit du nombre d’individus par la dose moyenne équivalente ou efficace reçue par cette population. Dose efficace Somme des doses équivalentes reçues par les différents organes et tissus d’un individu, pondérées par un facteur propre à chaque tissu ou organe. Dose équivalente Produit de la dose absorbée dans un tissu ou un organe par un facteur de pondération tenant compte de l’effet biologique lié à la nature et à l’énergie du rayonnement. Dose évitable Écart entre la dose que recevrait une personne exposée à un rayonnement en l’absence de protection et la dose qu’elle recevrait si elle était protégée.

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Dose létale Dose nucléaire ou chimique mortelle. Dose létale moyenne Quantité d’irradiation nucléaire absorbée par l’ensemble du corps et qui provoque la mort pour 50 % des personnes exposées. Dose limite Dose maximale fixée par le commandement pour une mission donnée. Dose maximale admissible Dose extrême pouvant être absorbée pendant une durée déterminée. Durée de vie à la conception Période durant laquelle une installation ou un composant sont en mesure de fonctionner conformément aux spécifications définies lors des études de conception. de protection radiologique E cran Dispositif simple de protection interposé entre une source de rayonnement et une région déterminée. Écran thermique Mur ou écran spécifique permettant de réduire ou supprimer la transmission de chaleur par rayonnement ou convection. Efficacité d'une barre de commande Grandeur représentant l'anti réactivité provoquée par une barre de commande lorsque celle-ci est totalement insérée dans le cœur. Effluent radioactif Gaz et/ou liquide contenant des substances radioactives, sous-produit d’un processus industriel ou de laboratoire, qui peut être recyclé, traité ou rejeté dans l’environnement. Élément combustible Plus petit constituant d’un cœur de réacteur ayant une structure propre et contenant du combustible nucléaire. Enceinte de confinement Bâtiment spécifique, dans lequel est enfermé un réacteur ou une installation nucléaire, destiné à assurer le confinement des matières radioactives, notamment en cas d’accident ou de situations accidentelles.

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Entreposage de déchets radioactifs Dépôt temporaire de déchets radioactifs. Enveloppes et caissons résistant au feu Protections passives permettant d’assurer la fonctionnalité des équipements qu'ils protègent pendant toute la durée et à l'issue de l'incendie de référence du local dans lequel ils sont installés. Évènement nucléaire Écart, anomalie, incident ou accident dans le fonctionnement d’une installation nucléaire ou dans le transport de matières radioactives, susceptibles d’en affecter la sûreté ou la radioprotection. Excursion de puissance Augmentation très rapide et momentanée de la puissance d’un réacteur au-delà de la puissance de fonctionnement. organisationnels et humains (FOH) encore dénommés facteurs F acteurs socio-organisationnels et humains (SOH) Démarche consistant à étudier et prendre en compte, dans la conception et l’exploitation des installations, les facteurs de risques liés aux dysfonctionnements « non techniques » : sociaux, des organisations, des comportements humains. La démarche FOH/SOH est à la base de l’amélioration de la sûreté gérée. Filière de réacteurs Catégorie de réacteurs présentant des caractéristiques communes relatives à la nature et à l’agencement du combustible, du modérateur éventuel et du fluide de refroidissement. Fissile Se dit d’un nucléide dont les noyaux sont susceptibles de subir une fission sous l’effet de neutrons de toutes énergies, aussi faibles soient-elles (Exemples : l’uranium 233, l’uranium 235, le plutonium 239). Fission Division d’un noyau lourd en deux fragments dont les masses sont du même ordre de grandeur, qui s’accompagne de l’émission de neutrons, de rayons gamma et d’une quantité d’énergie élevée (Les neutrons produits lors de la fission sont euxmêmes aptes, sous certaines conditions physiques, à provoquer de nouvelles fissions, d’où la possibilité d’une réaction de fission en chaîne auto-entretenue). Fonctionnement en base Production continue d’énergie électrique par une tranche nucléaire fonctionnant à puissance constante (en général à la puissance nominale du réacteur).

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Fonctionnement en suivi de charge Production d’énergie électrique par une tranche nucléaire, obtenue en préréglant la puissance fournie en fonction de la consommation d’électricité prévue pour la journée concernée. Fusion thermonucléaire Réaction entre deux noyaux légers aboutissant à la production d’un noyau plus lourd que l’un quelconque des noyaux initiaux et dégageant une grande quantité d’énergie. de déchets radioactifs G estion Ensemble des dispositions et opérations réglementaires et techniques relatives aux déchets radioactifs depuis leur production jusqu’à leur stockage inclusivement, destinées à assurer la protection des personnes et de l’environnement.

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lotage Régime de fonctionnement d’une tranche nucléaire dont l’énergie n’alimente que ses propres auxiliaires électriques, sans couplage au réseau. Ilot classique (ou conventionnel) Ensemble des installations complémentaires de celles de l’îlot nucléaire, nécessaires à la production d’énergie électrique. Ilot nucléaire Ensemble englobant la chaudière nucléaire et les installations relatives au combustible, ainsi que les équipements nécessaires au fonctionnement et à la sécurité de cet ensemble.

Incendie de référence Incendie pouvant se déclarer dans n'importe quel volume de feu de l'installation et ayant les plus grandes conséquences en matière de gravité et durée, compte tenu de la combustion postulée de la totalité des matériaux combustibles contenus dans le volume de feu. Pour un local donné, c'est l'incendie de l'ensemble des combustibles présents, l'énergie dégagée constituant le potentiel – ou charge – calorifique du local. La durée de l'incendie de référence permet de déterminer le degré de résistance au feu (ou degré coupe-feu) des parois du local, exprimé en heures et minutes. Ingénierie Activité de définition, de conception et d’étude d’ouvrages ou d’opérations, de coordination, d’assistance et de contrôle pour la réalisation et la gestion de ceux-ci. Ingénierie d’ensemble ou architecture industrielle Ingénierie mise en œuvre par un Maître d’Œuvre ou Architecte Industriel.

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Ingénierie de détail ou d’exécution Ingénierie généralement mise en œuvre par des sous-ensembliers ou des bureaux d’études spécialisés, conformément aux spécifications du Maître d’Œuvre. Ingénierie incorporée Ingénierie mise en œuvre par les fournisseurs (au sens large : équipementiers, sousensembliers, etc.) conformément aux spécifications du Maître d’Œuvre et incorporée dans les équipements et composants qu’ils fournissent. Installation nucléaire de base (INB) Installation nucléaire qui, de par sa nature, ou en raison de la quantité ou de l’activité des substances radioactives qu’elle contient, est soumise à une réglementation spécifique. chaud L aboratoire Laboratoire équipé pour la manipulation ou le traitement de substances fortement radioactives. Laboratoire froid Laboratoire équipé pour la manipulation ou le traitement de substances non radioactives. Logiciel Ensemble des programmes, règles, procédés nécessaire au fonctionnement d’un matériel programmé, décrits dans une documentation associée. Lotissement des marchés et contrats Découpage exhaustif de l’installation en « lots » pouvant ensuite être attribués à des fournisseurs, entrepreneurs, bureaux d’études selon une logique métier. d’Œuvre (MOE) M aître Entité ayant vocation, pour le compte d’un Maître d’Ouvrage, à concevoir un ouvrage en respectant les objectifs et les contraintes acceptées par ce dernier, à en coordonner la réalisation et à en proposer la réception au Maître d’Ouvrage. Maître d’Ouvrage (MOU) Donneur d’ordre au profit de qui un ouvrage est réalisé. Il est, à ce titre, le responsable principal de l’ouvrage. Matériels de catégorie K1 (REP) Matériels situés à l’intérieur de l’enceinte de confinement, ayant à assurer leurs fonctions dans des conditions d’environnement correspondant aux conditions de fonctionnement normales, accidentelles et/ou post-accidentelles et sous sollicitation sismique. Cette catégorie est étendue aux matériels de catégorie KAG qui doivent continuer à fonctionner durablement après un accident grave.

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Matériels de catégorie K2 (REP) Matériels situés à l’intérieur de l’enceinte de confinement, ayant à assurer leurs fonctions dans des conditions d’environnement correspondant aux conditions de fonctionnement normales et sous sollicitation sismique. Matériels de catégorie K3 (REP) Matériels situés à l’extérieur de l’enceinte de confinement, ayant à assurer leurs fonctions dans des conditions d’environnement correspondant aux conditions de fonctionnement normales et sous sollicitation sismique. Menace de référence (ou de dimensionnement) Dans le domaine de protection contre la malveillance et les actes de terrorisme, menace définie par les caractéristiques d'agresseurs potentiels et les moyens qu’ils sont susceptibles de mettre en œuvre, et contre lesquels on décide de se protéger en concevant le système de protection. Mode commun incendie Il y a mode commun incendie lorsqu'un incendie est susceptible d'entraîner la perte de plus d'une voie redondante de sûreté. (ou frontières) d'un volume incendie P arois Ensemble des éléments (murs, cloisons, plafond, plancher, obturation d'ouvertures telle que portes, volets, clapets, trappes, ainsi que les obturations de traversées mécaniques ou électriques et les joints entre structures) qui délimitent complètement le volume considéré. Toutes les parois d’un local doivent, en principe, avoir le même degré de protection au feu. Pastille de combustible Quantité élémentaire de combustible mise sous forme cylindrique et empilée dans une gaine pour constituer un crayon. Période d’un nucléide radioactif Temps nécessaire pour la désintégration de la moitié des atomes d’un échantillon du nucléide. Potentiel (ou charge) calorifique d'un local Energie calorifique que dégagerait la combustion complète de l'ensemble des matériaux qu’il contient (elle est généralement exprimée en mégajoules). Pressuriseur Dans un réacteur nucléaire à eau sous pression, appareil destiné à établir et maintenir la pression dans le circuit de refroidissement primaire, à une valeur choisie pour empêcher l’ébullition.

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Procédure de qualification K(i) (REP) Procédure de qualification utilisée pour démontrer l’aptitude à l’emploi des matériels de catégorie K(i) dans des conditions d’ambiance correspondantes spécifiées. Produit de fission Nucléide produit lors d'une fission. Par extension, tout descendant d'un tel nucléide résultant d'une désintégration radioactive. Puissance résiduelle Puissance dégagée dans un réacteur nucléaire à l’arrêt ou dans un assemblage combustible irradié (cette puissance est produite principalement par la radioactivité du combustible nucléaire et des autres matériaux, ainsi que par les fissions résiduelles).

Q ualité Suivant norme ISO 8402 : Ensemble des caractéristiques d’une entité qui lui confèrent l’aptitude à satisfaire des besoins exprimés et implicites. Qualité (assurance de la) Suivant norme ISO 8402 : Ensemble des activités préétablies et systématiques mises en œuvre dans le cadre du système qualité, et démontrées en tant que de besoin, pour donner la confiance appropriée en ce qu’une entité satisfera aux exigences pour la qualité. Qualité (contrôle de la) Opération destinée à déterminer, avec des moyens appropriés, si le produit (y compris, services, documents, code source) contrôlé est conforme ou non à ses spécifications ou exigences préétablies. C’est un acte technique permettant de déterminer la conformité d'un produit, incluant une décision d'acceptation (éventuellement par dérogation), de rejet ou de retouche. Qualité (manuel) Suivant norme ISO 8402 : Document énonçant la politique qualité et décrivant le système qualité d'un organisme. Qualité (non-conformité) Suivant norme ISO 8402 : Non-satisfaction d’une exigence spécifiée. Qualité (politique) Suivant norme ISO 8402 : Orientations et objectifs généraux d'un organisme concernant la qualité, tels qu'ils sont exprimés formellement par la direction au plus haut niveau.

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Qualité (projet) Au sens du terme « Q » du triptyque « QCD » : Conformité à un cahier des charges spécifié, contenant des exigences à la fois légales, réglementaires, environnementales, techniques, etc. Qualité (système de management de la ou système) * Suivant norme ISO 8402 : Ensemble de l'organisation, des procédures, des processus et des moyens nécessaires pour mettre en œuvre le management de la qualité. * Suivant Arrêté qualité du 10 août 1984 : Ensemble des directives supportant la prise en compte des objectifs liés à la qualité, nécessaires à la maîtrise des divers processus de l’organisation, qui génère l'amélioration continue de ses résultats et de ses performances.

R adioprotection Protection contre les rayonnements ionisants, comprenant l’ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes directement ou indirectement, y compris par les atteintes portées à l’environnement. Radio toxicité Capacité d'une substance incorporée à entraîner des effets nocifs pour l'organisme du fait de sa radioactivité. Rayonnement ionisant Rayonnement dont l’énergie est suffisante pour arracher un électron à un atome (tous les rayonnements émis par une substance radioactive sont a priori ionisants). Rayonnement non ionisant Rayonnement dont l’énergie est insuffisante pour arracher un électron à un atome (tous champs électromagnétiques de basse fréquence, radiofréquences, rayonnement visible, UV. Les UVA, les plus énergétiques, sont à la frontière des rayonnements ionisants). Réacteur à eau sous pression (REP) Réacteur nucléaire modéré et refroidi par de l’eau ordinaire, maintenue liquide dans le cœur grâce à une pression appropriée (grâce au pressuriseur) dans les conditions normales de fonctionnement. Réacteur à eau bouillante Réacteur nucléaire modéré et refroidi par de l’eau ordinaire, portée à ébullition dans le cœur dans les conditions normales de fonctionnement.

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Réacteur à neutrons rapides Réacteur nucléaire dans lequel on limite la présence de matières pouvant ralentir les neutrons afin que les fissions soient produites principalement par des neutrons rapides. Réacteur à neutrons thermiques Réacteur nucléaire dont le cœur comprend un modérateur, de sorte que les fissions sont produites principalement par des neutrons thermiques (Les réacteurs à eau pressurisée et à eau bouillante sont des réacteurs à neutrons thermiques). Réacteur à très haute température Réacteur à neutrons thermiques où le caloporteur est de l’hélium dont la température est supérieure à 900 °C à la sortie du cœur. Réacteur rapide refroidi au gaz Réacteur à neutrons rapides dont le caloporteur est du gaz, généralement de l’hélium. Réacteur refroidi à l’eau supercritique Réacteur dont le caloporteur est de l’eau dans un état supercritique (l’état supercritique de l’eau est caractérisé par une température > 374 °C et une pression > 220 bar). Récupérateur de corium Dispositif se trouvant sous le cœur d’un réacteur nucléaire et destiné, en cas d’accident, à récupérer le corium et à en faciliter le refroidissement. Régimes accidentels Régimes supportés par un matériel non susceptibles d’affecter son intégrité lors de sollicitations externes de grande amplitude soit pendant la durée de vie du matériel, soit pendant une durée limitée à définir dans chaque cas de perturbation. Régimes exceptionnels Régimes situés à l’intérieur du domaine exceptionnel des conditions de fonctionnement, englobant le domaine normal, et pour lesquels les grandeurs fondamentales du matériel dépassent les limites admissibles ou admises dans les régimes normaux sans affecter sensiblement la durée de vie du matériel, pour un service limité dans le temps. Régimes normaux Régimes situés à l’intérieur du domaine normal des conditions de fonctionnement et pour lesquels les grandeurs fondamentales du matériel ne dépassent pas les limites admissibles ou admises pour un service continu pendant la durée de vie du matériel.

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Résistance au feu Temps pendant lequel les éléments de construction peuvent continuer à assurer leur rôle, en dépit des effets de l’incendie de référence. La résistance au feu des éléments de construction est appréciée selon des critères multiples : résistance mécanique, isolation thermique (limitation de la température de la face non exposée au feu), étanchéité aux flammes et aux gaz chauds et inflammables, absence d’émission de gaz inflammables sur la face non exposée au feu. Un élément est dit « coupe feu » s’il satisfait la totalité des critères ci-dessus. Retour d’expérience Processus concernant l’ensemble des démarches permettant de tirer méthodiquement les leçons des dysfonctionnements, afin d’en déduire des actions dont la mise en œuvre permet d’améliorer le niveau de sûreté globale (comportant la sûreté réglée et la sûreté gérée) des installations industrielles. Retraitement Traitement des combustibles usés pour en extraire les matières fissiles et fertiles de façon à permettre leur réutilisation, et pour conditionner les différents déchets sous une forme apte au stockage. de feu S ecteur Volume constitué d'un ou plusieurs locaux, délimité par des parois dont la résistance au feu garantit qu'un feu survenant à l'intérieur ne puisse s'étendre à l'extérieur, ou survenant à l'extérieur ne puisse se communiquer à l'intérieur. Toutes les parois d'un secteur de feu doivent en principe avoir la même résistance au feu. Secteur de contrôle des fumées Volume équipé d’un système permettant de confiner les fumées à l’intérieur de ce volume. Sécurité nucléaire Ensemble des dispositions prises pour assurer la protection des personnes et des biens contre les dangers, nuisances ou gênes de toute nature résultant de la réalisation, du fonctionnement, de l’arrêt, du démantèlement d’installations nucléaires fixes ou mobiles, ainsi que de la conservation, du transport, de l’utilisation et de la transformation des substances radioactives naturelles ou artificielles. La sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance, ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident.

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Séparation géographique (incendie) Obtenue par l’installation des matériels soit dans des locaux différents, soit dans le même local à une distance libre de tout combustible et suffisante pour éviter les transferts thermiques propagateurs d’incendie. Séparation isotopique Procédé permettant de séparer partiellement ou totalement les isotopes d’un élément donné (Pour l’uranium, on peut mentionner les procédés de diffusion gazeuse, d’ultracentrifugation, électromagnétiques, chimiques, et par lasers). Séparation physique (incendie) Obtenue par un dispositif thermiquement isolant (écran thermique, enveloppe ou caisson résistant au feu, selon le cas). Source Matière, appareil ou installation pouvant émettre des rayonnements ionisants ou contenant des substances radioactives. Spectres de plancher Spectres en fréquence des accélérations aux différents niveaux (planchers, mais aussi murs) des bâtiments, définis selon trois composantes orthogonales : – Une composante verticale, qui n’est pratiquement pas amplifiée en fonction de l’altitude au niveau des murs, compte tenu de leur très grande raideur longitudinale. Par contre, les planchers peuvent amplifier les accélérations verticales sous l’effet de leur résonance en flexion, s’ils ne sont pas assez rigides. Mais il s’agit alors d’effets locaux, – Deux composantes horizontales orthogonales, qui sont plus ou moins fortement amplifiées sous l’effet des résonances en flexion des bâtiments à partir de leur base, voire parfois par leur basculement (selon la conception des radiers et la nature des interactions sol structure). Le niveau des accélérations horizontales augmente donc avec l’altitude dans les bâtiments. Le dimensionnement et/ou la qualification au séisme des matériels peuvent alors être faits à partir, soit : - Du spectre de plancher relatif à la position réelle du matériel considéré, - Plus généralement d’un spectre dit enveloppe, correspondant au niveau le plus contraignant des bâtiments. Stockage de déchets radioactifs Mise en dépôt de déchets radioactifs dans une installation conçue pour assurer durablement leur confinement. Sûreté nucléaire La sûreté nucléaire est l'ensemble des dispositions techniques et des mesures d'organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à

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l'arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu'au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d'en limiter les effets. La sûreté globale se décompose en sûreté réglée et sûreté gérée. Sûreté gérée La sûreté gérée repose sur la capacité de l’organisation et de ses acteurs à aller audelà des règles en cas de situations réelles non prévues et à y répondre de façon adaptée, en faisant appel à l’expertise humaine, individuelle et collective. Sûreté réglée La sûreté réglée consiste à éviter les défaillances prévisibles en s’appuyant sur des systèmes et équipements de protection, des actions automatiques, des règles et procédures formalisées, un système qualité, etc. Surgénérateur Réacteur nucléaire pouvant produire plus de matière fissile qu’il n’en consomme. source T erme Dans un modèle mathématique, expression de la nature, de la quantité et de la cinétique de rejet des produits radioactifs d’une installation nucléaire, soit en conditions normales de fonctionnement, soit au cours d’un accident réel ou supposé (le terme source sert à évaluer les conséquences d’un rejet radioactif dans l’environnement). Titre en vapeur Dans un écoulement diphasique, liquide et vapeur, rapport entre le débit massique de la phase vapeur et le débit massique total. Transmutation Transformation d'un nucléide en un autre par réaction nucléaire. Transparence Dans le domaine nucléaire : ensemble des dispositions prises pour garantir le droit du public à une information fiable et accessible en matière de sécurité nucléaire (loi du 13 juin 2006, dite loi « TSN »). de retraitement U ranium Uranium issu du traitement de combustibles usés. Uranium enrichi Uranium dont la teneur en isotope fissile 235 a été rendue supérieure à celle de l'uranium naturel.

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décennale V isite Ensemble des opérations, réglementaires ou non, de vérification, de maintenance et d'adaptation d'une installation nucléaire, réalisées tous les dix ans afin d'en poursuivre l'exploitation. Voie de sûreté (ou encore train de sûreté) Ensemble de systèmes, accomplissant différentes fonctions de sûreté et astreints à des exigences de séparation physique et électrique par rapport aux systèmes appartenant à des voies de sûreté différentes. contrôlée Z one Zone où l’accès et le séjour sont soumis à une réglementation spéciale pour des raisons de protection contre les rayonnements ionisants et de confinement de la contamination radioactive.

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