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French Pages 370 [380] Year 1968
HISTOIRE DU
CANADA SOUS LA DOMINATION FRANCAISE PAR
M. BIBAUD Reimpression publiee sous les auspices du Conseil Canadien de Recherche en Sciences Sociale: de la Maison des Sciences de l'Homme, Paris du Conseil Canadien de Recherche sur les Humanites de la Toronto Public Library
S. R. PUBLISHERS LIMITED JOHNSON REPRINT CORPORATION MOUTON & CO. N.V. 1968
British Standard Book Number: 85409-102-5.
Imprime aux Etats-Unis
S. R. Publishers Ltd. East Ardsley, Wakefield Yorkshire, England
Johnson Reprint Corporation 111 Fifth Avenue New York, Ν. Y. 10003, U.S.A. Mouton & Co. N.V. Herderstraat 5 The Hague, Netherlands
Reimpression 1968
AVERTISSEMENT La Bibliotheque Publique de Toronto a entrepris, avec la collaboration de la Maison des Sciences de l'Homme (Paris), du Conseil Canadien de Recherches sur les Humanites et du Conseil Canadier! de Recherches en Sciences sociales, un programme de reimpressions comportant quelque deux cents texts sur l'histoire du Canada et des Etats-Unis. Ces ouvrages, choisis par un Comite des Conseils et la Bibliotheque Publique de Toronto, ont tous ete publies en edition originale avant 1867: environ le tiers d'entre eux sont en langue franchise. Les livres sont reimprimes au format de ledition originale et, säuf en ce qui concerne la reliure, en fac-simile de celle-ci. La reliure et le papier sont conformes aux normes recommandees par le Council on Library Resources quant a leur solidite et leur durabilite. Chaque volume comporte en supplement une note bibliographique, reproduite d'apres la Bibliographie des Canadiana publiee par la Bibliotheque Publique de Toronto. La collection "Canadiana avant 1867" represente une source de documentation unique en son genre pour tous ceux qui s'interessent ä l'histoire de l'exploration et de la colonisation de l'Amerique du Nord.
H1ST0IKE DU CANADA, SOUS
I.A
D O M I N A T I O N F R A N C A I S E.
HISTOIRE DW
SOUS LA DOMINATION FRANCAISE. 5
PAR M. B1BAUD.
saeawaiiAiu / / IMPRIME ST PUBLIE FAR JOHN JONXS. 1837.
Montre T AL E \
B U R E A U D E S
PROTONOTAIRES.
Le dix-huitieme jour de septembre, 1837. eoit notoire que le dix-huitidme jour de septembre, dans l'annee mil huit cent trente-sept, M I C H E L B I B A U D , Ecui'er, a depos6 dans ce Bureau le titre d'un livre dan3 les mots suivants, savoir:" Histoire du Canada, sous la Domination Fran^aise, public etimprimt; par JOHN JONES au sujet duquel il reclame le droit de propri6te. Enregistr6 conformement ä l'Acte Provincial, intitule: " Acte pour prot6ger la propriete liUeraire."' L. S. MONK ET MORROGH, P. B. R. QU'IL
TABLE DES MATIERES.
PAGE
I . D6couverte du Canada. . . . I I . Etymologie du nom de Canada; aspect du Pays ; Climat, Sol, Productions, Habitans I I I . Tentatives d'Etablissemens, , . IV. Fondatien de Port-Royal et de Qu6bec, Y . Expfeditions de M. de Champlain. VI. Affaires de l'Acadie V I I . Demarches de M. de Champlain. —Excursions chez les Hurons.— Complots des Sauvages allies, . VIII. Incursions des Iroquois.—Guillaume et Em6ric de Caen.— Compagnie des Cent Associ6s. IX. Reddition de Quebec.—Conduite magnanime du jeune Latour. . . X. Restitution de Quebec.—Mort de Champlain.—Commencement de lä guerre des Hurons et des Iroquois.—Fondations, . . . . Λ
CHAPITRB
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VI FAGB
CHAP.
XI. Continuation de la guerre dee Hurons et des Iroquois.—Missions.— Fondation de Montreal, . . . XII. Nouvelles Incursions dee Iroquois.— Negotiations.— Affaires de l'Acariie XIII. Destruction ou dispersion des Hurons.—Hostiüles des Iroquois, XIV. Affiire3 eccld-tiastiques.—Etat de la Co'onie.—Trait6 de Paix.— Phtnomönes, XV. Etablissement du Gouvernement Royal et du Conseil Supferieur.— Dissentions, XVI. Construction de differents Forts. Travaux de ['Intendant.—Εχρέdition contre les Iroquois. . . . XVII. Travaux de M. Talon—Incidens.—Soumission des Tribus du Nord de l'Ouest.—Catarocouy. XVIII. Administration du comte de Frontenac,—Dicouverte du Micissipi. Compagnie du Nord« . . , . XIX, Situation de la Colonie.—Εχρέdition contre les Iroquois.—Acadie., XX. Correspondence politique.—Baie d'Hudson.—Perfidie du marquis de Denonville äl'igard des Iroquois XXI. Expedition contre les Iroquois.— Tröve avec ces Sauvages. . .
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vii PAGE
Stralagime d'un chef Huron.— Etat de la Golonie.—Massacre d e l a Chine·. . . . . . . XXIII. Projetde Conqußte.—Evacuation de Catarocouy.—Excursions dans laNouvelle Angleterre et la N o u velle York XXIV. Tentatives d'accommodereent avec les Iroquois.—Irruptions et actes divers d'hostilite de ces Sauvages dans la colonie XXV. Siige dc Quebec XXVI. Incursions.— Combat de la Madeleine.—Diverses rencontres avec les Iroquois. XXVII. Courage d'une Demoiselle Canadiennc.—Expedition contre les Agniers.—Incidens XXVIII· Continuation de la petite guerre avec les Iroquois.—Affaires de l'Ouest.—Expedition clans les Cantons. . XXIX. Expedition dans l'Ile de TerreNeuve et ä la Baie d'Hudson.— Troubles dans FOuesl.—Mort de Μ. de Fronten c.c XXX. Negotiations.—Traite provisoire. Fun6railles de Kondiaronk.—Paix generale XXXI. Incursion dans la Nouvelle Angleterre, et dans l'Ile de Terre-Neuve. Iotendance de M . llodot.. . .
CHAP. X X I I .
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CHAP. XXXII. Attaque contre le Port Royal.— Destruction d'Haverhill.— Priee de Saint-Jean. . . : . . . XXXIII. Mouvemens militaires.—Prise de Port-Royal.—Njaufrage d'une flotte Anglaise aux Sept-Iles. . . . XXXIV. Cession de l'Acadie, etc. a l ' A n gleterre.—Fondation de Louisbourg,—Hostilites des Outagamis. Ineidens. . . · XXXV. Administration du marquis de Beauharnois.—Expfedition contre les Outagamis.—Fort Fr6d6ric. XXXVI. Stege et reddition de Louisbourg. Dispersion d'une eacadre destinfee a reprendre cette place.—D6faite d'une autre escadre Fran^aise. XXXVII. Administration du comte de la Galissonniere.— Mouvemens au •ujet des Acadiens.—Restitution de Louisbourg. : XXXVIII. M . de la Jonqui^re Gouverneur g£n6ral.—Forls.— Expfedition ä l'Ouest.—Peculat. . . . · . XXXIX. Administration du marquis D u quesne.—Affaire de Jumonville. Prise du fort Necessity.—D6faite du gέnέral Braddock. . . . , XL. Bataille du lac George.—Disette. Expfeditions.—Prise des forts Ontario et Oswego. . . . . .
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ix PAGE X L I . E x p a t r i a t i o n des A c a d i e n s — E x pedition.—Frise du Corruption. X L I I . Reddition
de
.
.
F o r t George.
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.
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Louisbourg—B&-
taille d e C a r i l l o n - — P r i s e des forts Froiitenac et D u q u e s n e . X L I I I . Preparatifa de D 6 f e n s e .
. .
. .
. .
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X L I V . A r r i v e e d ' u n e flotte A n g l a i s e d e vant Q u 6 b e c . — M o u v e m e n s militaires.—Prise de N i a g a r a . — C o m bat de M o n t m o r e n c y
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X L V . B a t a i l l e de Q u 6 b c c . — R e t r a i t e d e l'armße Franiaise.—Capitulation de Quebec
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X L V I . O p t r a t i o n s et rencontres diverses. B a t a i l l e de S a i r . t e - F o y , X L V I I . Sidgede
.
Q u M c c . — Retraite
.
.
F r a n c i s . — P r o g r d - s de? A n g l a i s . X L V I I I . Concentration
il't
353
d e s iV.rces A n g l a i -
ees.—Copinslutioi) Cesiion
341
des
d-ΐ
C^naii,'.
terre.—Conclusion
Montreal. i
l'Angle3G3
PREFACE. II serait, sans doute, superflu d'argumen. ter longuement, pour prouver l'utilit6, ou l'a-propos de la präsente publication. Tous le» hommes doirent d&irer de connaitre l'histoire de leur pays, de leur nation ; tous doivent aimer & savoir ce qu'ont ce qu'ont fait leurs ancetres, Nous avons, il est vrai, une "Histoire G6n6rale de la Nouvelle France," par le P . F R A N C O I S D E CHARLEVOIX ; et une histoire du Canada, en langue anglaise, par M. (maintenant l'honorable) W I L L I A M S M I T H ; nous avong R A T N A L ; nous avons, enfin, les " Beaut€s de l'Histoire du Canada mais l'histoire de CHARLEVOIX, qui est devenue rare, m£me en Canada, et qui ne sera probablement pas r&mprimee, ne ^a pas audelä de 1725, et est d'ailleurs remplre de details minutieux, et souvent hors du sujet, qui en rendent la lecture ennuyeuse et rebutante pour la plupart des lecteurs ; l'ouvrage de Μ . S M I T H est plein de faits, (ou pour mieux dire d'anecdotes,) qui ont
xii tout l'air d'etre, sinon absolument controuves, du moins Gtrangement d6figur6s.RAYKAL·, dans son " Histoire du Commerce et des Etablissemens des Europeens dans les deux Indes," ne rapporte que quelques traits isol6s de l'histoire du C a n a d a ; et l'auteur des " Beaut6s " d e cette histoire, qui s'est principalement attache a d6crire les moeurs et les usages des Sauvages, n'ajoute rien ä ce qu'on en lit dans Pouvrage volumineux du P . CHARLEVOIX, Une histoire suivie, uniforme, et complete du Canada, sous la domination fran9aise, manquait done aux lecteurs canadiens, et nous avons eu l'intention, au moins, de bien märiter de nos compatriotes, en leur donnant cette histoire. Si cet ouvrage est bien retju du public, comme nous ösons esperer qu'il le sera, nous nous proposons de le faire suivre d'une "Histoire du Cnnada, sous la domination anglaise," aussitöt que nous aurons pu nous procurer les mat6riaux n6ceesaires pour l'entreprise.
II 1 S Τ Ο I H Ε
D U
CHAPITRE
Dicouverte
C A N A D A
PREMIER.
du Canada.
decouvertes et les conquetes des E S P A G N O L S et des P O R T U G A I S dans les Indes, et particuli^rement en Amerique, exciterent l'ambition et reveillerent 1'6mulation des autres nations de l'Europe : les H O L L A N DAIS, les A N G L A I S , les F R A N 9 A I S voulurent aussi faire des decouvertes, commercer, former des etablissemens dans le N O U V E A U M O N D E . En 1497, c'est-ä-dire quelques ann£es seulement apres la dccouverte du continent occidental, J E A N G A BOT, ou GADOTO, Venitien, qui avait arme aux frais, ou du moins sous la protection de HENRI VII, roi d'Angleterre, dccouvrit l'ile de Terrc-Ncuve et unc partie du continent voisin 5 mais scion les meillcurcs autorites, il nc debarqua cn aucun endroit ni de l'ile ni du continent. Suivant d'autres mcnioires, J E A N G A BOT, ou S E B A S T I E N , son fils aine, singla plus au nord, et reconnut, non l'ile de Terre-Neuve, mais la partie septentrionale du Labrador et quelques petites ile3 voisines de la terre-ferme. LES
En l'an 1000,un gentilhomme portugais, nomine reconnut toutcla cöto Orientale de Tcrce-Neuvc, et une bonne partie decellu de L ; B
GASPAKD DE Ο ORTEREAL,
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HISTOIRE
brador. Vers le m£me temps, ou quelques gnn£es apr^e, des pScheurs basques, normans et bretons commencement i faire la peche de la morue sur le grand Banc de Terre-Neuve, et le long des cötes du continent voisin. Quelques auteure, et entr'autres, le g£ographe GUILLAUME D E L I S L E , attribuent Ä ces pScheurs la pren d r e decouverte du C A N A D A . En 1506, suivant des mtmoires que le Ρέηβ DE C H A R L E V O I X regarde comme de bonnes autorit£s, un habitant de Honfleur, nomm6 J E A N D E N T S , avaittrac6 une carte du golfe qui porte aujourd'hui le nom de Saint-Laurent; et en 1508, un pilote de Dieppe, apρβΐΐέ T H O M A S A U B E R T , emmena en France des Sauvages du Canada, ou de VJlcadie. FRANCOIS I, roi de France, voulant exciter l'^mulation de ses sujets par rapport ä la navigation et au commerce, comme il avait fait par rapport aux belles-lettres, donna ordre ä J E A N V E R A Z A N I , Florentin, qui 6tait & son service, d'aller reconnaitre les nouvelles terres dont on commen9ait a parier beaucoup en France. V E R A Z A N I partit de Dieppe, en 1523, avec quatre vaisseaux, qu'il ramena dans le m6me port, l'ann6e suivante. On ignore par quelle hauteur il decouvrit la terre, dans ce premier voyage, et en quel endroit il hiverna. Vers la tin de la meme ann6e 1524, ou au commencement de la suivante, V E R A Z A N I arma de nouveau un navire, sur lequel il s'embarqua avec cinquante hommes et dee provisions de bouche pour huit mois ; mais il se contenta de ranger les cötes de l'Amerique Septentrionale, entre le 30me. et le 50me. degre de latitude. Quelque temps apres son retour en France, ce voyageur fit un nouvel armement, dans le dessein d'£tablir une colonic
DD CANADA.
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en Ajn6rique ; mais tout ce qu'on sait de cette dernifere entreprise de VERAZANI, c'est que s'dtant embarqu6, il ne reparut plus; soit qu'il eüt ρέιϊ en mer, soit qu'ayant d0barqu6 dans un endroit ou il voulait bätir un fort, comme quelques uns l'ont publife, il eüt έίέ massacrfe, avec ses gens, par les naturale du pays. Dix ans aprös le dernier voyage de V E R A Z A N I , PHILIPPE DE CHABOT, amiral de France, engagea FRANCOIS I ä reprendre le dessein d'£tablir une colonie fran^aise en An^rique. II lui presenta un capitaine maloin, nomme JACQUES GARTIER, dont il corv naissait le mferite, et que ce prince agr6a. C A R T I E R partit de Saint-Malo, le 20 avril 1534, avec deux batimens de soixante tonneaux et cent-vingt homines d'6quipage. II prit sa route ä l'ouest, en tirant un peu BUT le nord, et eut des vents si favorables, qu'il aborda, le 10 mai, au cap de Bonavista, dans l'ile de TerreNeuve. Ayant trouvis la ten© encore couverte de neige et le rivage bord6 de glace, il ne put ou n'osa e'y arrfiter. II descendit six degr6s au sud-sud-est, et entra dans un port auquel il donna le nom de Sainte-Catherine. De la il remonta au nord, et rencontra des iles, qu'il appelle, dans ses n^moires, lies aux Oiseaux. 11 cotoya ensuite toute la partie septentrionale de TerreNeuve, ού il dit qu'il trouva des hommes bienfaits, qui avaient les cheveux li£s, au-dessus de la tete, comme un paquet de foin, avec des plumes entrelacees sann ordre. Aprös avoir fait presquetoutle tour de l'ile, C ARTIER se dirigea vers le sud, traversa le golfe, s'approcha du continent, et entra dans une baie profonde, ou il souffrit beaucoup du chaud; ce qui la lui fit nommer
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HISTOIRE
Baic des Chaleurs. II trouva le pays fort beau, surtout en le compaiant ä cclui de Terre-Neuve, qu'il venait de laipscr, et fut tres content des Sauvages qu'il y rencontra, et avec lesquels il 6changea quelques marchandises pour des pelleteries. Au sortir de la Baie des Chaleurs, CARTIER visita une bonne partie des cötes qui environnent le golfe, et prit possession du pays, au nom du roi de France, comme avait fait VERAZANI, dans les lieux ou il avait mi9 pied ä terre. II remit ä la voile, le 15 aout, pour retourner en France, et arriva a St.-Malo le 5 Septembre. Sur le rapport qu'il fit de son voyage, la cour jugea qu'il serait avantageux a la France d'avoir un Etablissement dans cette partie de l'Amerique. Le vice-amiral, DE LA MEILLERAYE, prit l'affaire ä coeur, et obtint pour CARTIER une commission plus ample que la precedente. Ce dornier mit ä la voile, le 19 mai 1535, avec trois vaisseaux, dont le plus gros 6lait du port de cent-vingt tonneaux, et accompagne de plusieurs gentilshommes, qui voulurent le suivre en qualite de volontaires. La traversee ne fut pas aussi courte que la pr6cedentc: il s'eleva de violentes tempetes; les vaisseaux furent srpares les uns des autres, et ne se rejoignirent que le 26 juillet. Le lr. aout, un gros temps les contraignit de se refugier dans le port de Saint-Nicholas, situ6 ä l'entree du fleuve, du cöte du nord. Le 10, CARTIER entra dans une baie ä laquelle il donna le nom de Saint-Laurent, en l'honneur du saint dont on cel6brait ce jour la la fete, et cc nom s'etendit, d'abord ä tout le golfe, et ensuiteau grandfleuvequi s'y de charge,et qu'on avait appelle auparavant Riviire de Canada. Le 15, il s'approcha de l'ile d'Jlnticosti, qu'il nomma
DU CANADA.
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fle de Vdssomption, ä cause de la solemnity du jour. Eniin, les trois vaisseaux remont^rent le fleuve, et arriv£rent a l'embouchure du Saguenay, le lr. eeptembre. Ayant range la cdte l'espace d'environ quinze lieues, C A R T I E R mouilla auprös d'une ile qu'il nomma lie aux Coudres, a cause du grand nombre de coudriers qu'il y trouva. Huit lieues plus haut que l'lle aux Coudree, il en trouva une beaucoup plus grande et plus belle, toute couverte de vignes sauvages, et que pour cette raison, il appella Ile de Bacchus. C'est celle qui a ete nommee depuis Ile d'Orleans. De cette ile C A R T I E R se rendit ä l'entr6e d'une petite riviere, qui en est Eloign ee de quelques lieues, et qui vient du nord. II lui donna le nom de Sainte- Croix, parce qu'il y entra le 14 septembre. C'est celle qui porte pr6septement le nora de Saint- Charles. Le lendemain de son arrivee en cet endroit, il re^ut la visite de D O N N A C O N A , chef de la bourgade de Stadacone, qui £tait situ6e sur Imminence ou est inaintenant bätie la haute ville de Qufebec. Il traita avec ce chef au moyen de deux Sauvages qu'il avait emmeni:s en France, l'ann£e precedente, et qui entendaient un peu la langue fran^aise. Le 19, C A R T I E R partit du havre de Sainte-Croix,avec le plus petit de ses vaisseaux et deux chaloupes, pour remonter le fleuve ; laissant les deux autres ä l'entree de la riviere, avec la plus grande partie de son monde· Απίνέ äl'entrfee du lac Samt-Pierre,i\ ylaissaeon vaisseau, et continua ea route avec ses deux chaloupes. II arriva, le 10 octobre, devant Hochelaga, bourgade sauvage situ£e ä l'endroit ou est aujourd'hui Montreal, accompagnfe de MM. DE P O N T B R I A N D , DE LA P O M M E RAYE et DX G O T E L L E , trois de ses lieutenans. II n'eut BC
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HISTOIRE DÜ CANADA.
qu'ä se louer de l'accueil que lui firent les Sauvages. Pendant le s6jour qu'il fit en cet endroit, il monta sur la monta gne, au pied de laquelle la bourgade etait batie, et lui donna le nom de Mont-Royal, ou Mont-Real, comme on s'exprimait de eon temps. II d6couvrit de Ιέ une grande etendue de paya dont la vue le charma, et ä juste titre. De retour ä Sainte-Croix, C ARTIER, y trouva un fort de pieux debout, que ses gens avaient construit pour ee garantir de toute surprise de la part des Sauvages, et il resolut d'y passer l'hiver. Bientöt ses gens furent attaques du scorbut, ou de quelque autre maladie qu'on appella de ce nom, et il en mourut un grand nombre. Une tisane faite avec la feuille et l'ecorce de l'6pinette blanche, bouillies ensemble, rendit la sante aux autres. D£s que la navigation fut ouverte, C ARTIER se rembarqua pour la France, avec deux de ses vaisseaux, abandonnant le troisidme, faute de bras pour le manceuvrer.
CHAPITRE I I .
Etymologie du nom de Canada ; aspect du pays ; climat, sol, productions, habit ans. L'£tymologie du nom de C A N A D A est assez incertaine: l'opinion qui nous parait la plus probable est que ce nom vient du mot iroquois Kannata, ou Cannada, qui signifie amas de cabannes, ou de quelque autre mot souvent employe par les aborigenes. Quoiqu'il en soit, les Europeens donndrent d'abord le nom de Canada a une 6tendue de pays beaucoup plus consid6rable que celle que renferment presentement les provinces du Haut-Canada et du Bas-Canada: on comprenait encore sous ce nom, le Labrador, l'Acadie, et une partie des presents Etats de New-York et de Vermont. Lorsque les Europ6ens abord^rent pour la prcmidre fois sur les rivages du Canada, ils trouv6rent cette vaste rägion partout couverte d'epaisses fortits, ou dans son 6tat de nature. La partie la plus septentrionale leur parut, comme eile l'etait en effet, condamn6e ä une 6ternelle sterility; mads l'aspect et la nature des productions des parties plus m£ridionales les leur durent faire regarder comme trös susceptibles dc culture, et ca-
so
HI8TOIRX
pables de produire la pldpart des grains et dee fruite de l'Europe. La variety preeque infinie des arbres et dee plan tea qu'on y voyait croitre 6tait un garant βύτ qu'il en devait 6tre ainsi. D'ailleurs, tout eauvage et inculte qu'il se trouvait, le Canada n'6tait pas dfepourvu de beaut6s naturelles: les environs de Stadacone et d'i/ochelaga (de Quebec et de Montreal) parurent charmante k J A C Q U E S C A R T I E R et Ä ses compagnons de voyage, et tous ceux qui vinrent apr£s eux en portdrent le mfeme jugement. Le climat 6tait rigoureux en biver, surtout dans la partie septentrionale: le cbangement du chaud au froid et du froid au chaud y fetait quelquefois subit; mais l'air fetait salubre, quoique la maladie dont les gens de C A R T I E R furent attaqu6s en düt donner d'abord une idee peu favorable. Le poisson abondait dans les lacs el les rivieres, ainsi que dans les golfes et les baies, et le gibier dans les formte. Ce pays avait encore l'avantage de n'etre pas infest£ de bfetes venimeuses ou f6roces, le serpent a sonnettes etant le seul reptile dont la morsure füt dangereuse, et l'ours έ peu ρτέβ le seul quadrupede dont la rencontre put fetre parfois redoutable. Le Canada 6tait habite par diverses nations ou tribue sauvages, different peu entr'elles par le caractere, les moBurs et les usages: c'fctaient, vers le nord, les Eskimaux, peuple faible, peu adonne aux armes, etresaemblant, ä certaine έgards, aux Lapons et aux Groenlandais, dtjä connus des Europfeens: le long de lamer, au sud du golfe de Saint-Laurent, les Souriquois ou Micmacs, les Cannibas, les Jlbenaquis. En remontant le fleuve, on trouvait d'abord les Montagnais, qui habitaient, ou fr£quentaient principaletnent les bords de Ja
DU
CANADA.
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riviere de Saguenay et du lac Saint-Jean. Lea Algonquins occupaient les bords du grand fleuve, depuis quelques lieues au-dessous de Qufebec jusqu'ä l'embouchure de la riviere de Saint-Maurice, ou un peu au-dessue. Une autre tribu occupait l'ile de Montreal et ses environs. A u midi des grands lacs Erie et Ontario, qui ne furent decouverts que longtempS apres les voyages de J A C Q U E S C A R T I E R , etait la nation des Jlgonnonsionni ou Iroquois, espece de confederation composee de cinq tribus, ou cantons, savoir, en allant ä peu pres de l'est ä l'ouest, Jlgnier ou Mohawk, Onnontague, Goyogouin ou Cayuga, Onneyouth et Tsonnonthouan.* A u nord-ouest des Iroquois, entre les lacs E r i e et Huron, etait la tribu nombreuse des Yendats ou Huron.';. Les Outaouais frequeniaient principalement les bords de la grande riviere qu'on a depuis appellee de leur nom. Tous ces peuples, except^ peut-^tre les Iroquois, £taient de mceurs assez douces, dans le commerce ordinaire de la vie; ils ignoraient l'usage des boissons ennivrantes, et etaient exempts de la plupart des vices qui infestaient les nations polic6es de l'Europe et des autres parties du mor.de ; mais dans leurs guerres, ils £taient tous d'une cruaute revoltante, tourmentant leurs priBonüiers de la mani^re la plus horrible, et poussant quelquefois la barbarie jusqu'a, les manger .f l i s croyaient ä l'existance d'un etre Stemel et tout-puissant, * Les Hollandais et les Anglais, ou leurs descendans en Amerique, ont donne a ces cinq cantons des noms un peu dificrents, les appellant, dans l'ordre enonc6, Mohawk, Onnondaga, Cayuga, Oneida et Senekaf La suite de cette histoire fera connaitre plus particulicrement leurs mceurs et leurs habitudes.
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HISTOI&I DU CANADA.
qu'ils appellaient, dansleur langue, le Grand Esprit, et k une vie ä venir, sur laquelle ils avaient dee id6ee fantastiques et bisarres, comme la plupart dee autre* peuples sauvages. Iis avaient, en outre, des especee de p^nates, ou divinitfes particuli^rss, qu'ils appellaient ausei Esprits, et qui repondaient assez aux g^nies ou demons des anciens payens. Tous leurs arts se bornaient ä faire des cabanes, des canots, desfilets,des ha* bits de peaux de b&es, et des armes, dont les plus ordinaire« etaient l'arc et la flache: ils savaient aussi sculpter et peindre ou teindre grossterement, et cultivaient quelques legumes. JACQUES CARTIER avait rencontr6 plusieurs bourgades, avant d'arriver a celle de Stadacon6, qu'il reprfesente comme considerable et trös peuplee. Quant I celle d'Hochelaga, voici, d'aprös CHARLEVOIX, la description qu'il en donne. " C'fetait une bourgade de forme a peu pr£s ronde: trois enceintes de palissadee y renfermaient environ cinquante cabanes, longues de plus de cinquante pas, chacune, et larges de quatorze ou qoinze, et faites en forme de tonnelles. On entrait dan a la bourgade par une seule porte, au-dessus de laquelle, aussi bien que le long de lapremiöre enceinte, rägnait une espöce de galerie, ou l'on montait avec de· £chelles, et qui 6tait pourvue de pierres et de cailloux, pour la defense Je la place."
CHAPITRE
III.
Tentatives dy Etablissement. J A C Q U E S C A R T I E R etait bon pilote et bon marin, mais tr£s peu littferateur et encore moins philosophe. Les fictions et les contes absurdes dont il avait defigurö ees narrations ne contribuörent peut-fetre pas peu & donner en France une id0e d6savantageuse du Canada. Le peu qu'il en rapportait, dans un temps ού les Espagnols et les Portugals exploitaient les mines d'or et d*&rgent du M£xique, du Perou et du Br6eil, et le triste 6tat ού ses compagnons de voyage avaient 6t6 r6duits par le froid et la maladie, persuaddrent k laplupart que ce pays ne pourrait jamais 6tre d'aucupe utility aux Fra^ais. Neanmoins, quelques personnes de la cour furent d'avis qu'on ne se rebutät pas si t6t d'une entreprise dont le succ^s ne devait pas dependre d'une ou deux tentatives.
FRANCOIS DE ROBERVAL, gentilhomme picard, renommfe dans sa province, par sa bravoure et son activ e , demanda la commission de poursuivre les d6couvertes en Canada. Le roi nese cohtenta pas de lui ac-· corder ce qu'il demandait; il le declara, par des lettre»· patentes, datέe9 du 15 janvier 1540, son vice-roi et lieuten ant-gen 6ral en Camada, Hochelaga, Saguenay,
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HISTOIRE
Terre-Neuve, etc. Muni de cos litres, aussi vains que ponipeux, le sieur D E R O B E R V A L partit, L'ann^e suivante 1541, avcc cinq vaisseaux, ayanl sous lui JACQ U E S C A R T I E R , en qualit6 de premier pilote. La navigation fut heureuse, mais au lieu de remonter le Saint-Laurent, M . D E R O B E R V A L bätit un fort pres de l'eml>ouchure de ce fleuve, sur une plage sterile et sous un climat extremement rigoureux. I[ y laissa C A R T I E R pour commandant, avec une forte garnison, des vivrea en abondance et un de ses vaisseaux, et repartit pour aller chcrcher en France de plus grands secours. Mai9 le froid et les autres incommodites du pays eurent bientöt rebute la garnison ; sans compter que les Sauvages en prirent ombrage et commencerent ä la molester. C A R T I E R et ses gens crurent done n'avoir l'ien de mieux a. faire que de se rembarquer pour la France; mais ils rencontrerent, pres de Terre-Neuve, M . DE R O B E R V A L , qui amenait un grand renfort, et qui les obligea ä rebrousser chemin. Des qu'il eut retabli toutes choses dans son fort, il y laissa encore C A R T I E R , avec la meilleure partie de son monde, puis remonta le fleuve et entra dans le Saguenay. II envoy a de la un de ses pilotes, nomme S A I N T O N G E S , faire desdecouvertesaudessus de Terre-Neuve, et repartit de nouveau pour la France. U y fut retenu pendant plusieurs anr.ees, fit cncore un armement, en 1549, et perit, dans le voyage avec tous ceux qui l'accompagnaient. Ceinallieur fut cause que, pendant longtemps, on ne songea plus, en France, a former des etablissemens dans l'Amerique du Nord. Les Bretons, les Normans ct les Bnpquer. continuerent a faire la pGchc sur les bancs de Tcrre-Ncuve, da·»*
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Ιβ golfe et dane le fleuve Saint-Laurent, tandia que d'autces Frangais fesaient la traite des pelleteries avec les Sauvages, sur les cötes de la mer, sur les bords du SaintLaurent, et particuli0rement au port de Tadousac, 4 l'embouchure du Saguenay; mais il s'6coula pr6s d'un demi-siöcle, avant qu'on pensät de nouveau, en France, a 6tablir une colonie dans le Canada. Enfin, le marquis de LA ROCHE, seigneur breton, obtint de H E N R I I I I , et ensuite de H E N R I I V , le titre de vice-roi, avec le» memes pouvoirs qu'avait eus le sieur DE ROBERVAL. II voulut alter lui-mfeme reconnaitre le pays dont il dövait ötre, pour ainsi dire, le monarque. II arma un vaisseau, sur lequel il s'embarqua, au printemps de l'anηέβ 1598. II passa pr6s de V lie de Sable, feloignee d'environ 25 lieues de la pointe sud-est de l'ile du CapBreton, et y debarqua quarante malheureux, qu'il avait tires des prisons de France, et qui s'y trouv^rent bientöt plus mal ä leur aise que dans leurs cachots. II alla ensuite reconnaitre les cötes du continent le plus proche, qui sont celles de l'Acadie, et apr0s avoir pris toutes les connaissances dont il croyait avoir besoin, il remit ä la voile pour s'en retourner. Αιτϊνέ en France, Μ. DE LA ROCHE y 6prouva de grands contretemps, Β mourut de chagrin, dit-on, apres avoir fait pour l'£tablissement de sa colonie, que pourtant il ne commen§a möme pas, de grandes et inutiles depenses. Le mauvais succös de l'entreprise du marquis de LA ROCHE n'emp^cha point qu'apr£s sa mort, on ne ßollicität vivement la commission qu'il avait eue du roi. Le sieur DE PONTGRAVE', riche negotiant de St. Malo, et habile navigateur, qui avait d6ja fait plusieurs voyages i Tadousac, et remonte le Saint-Laurent juequ'aux Trott
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KISTOIRB
Riviires, proposa & Μ . CHAUVIN, capit&ine de va»aeaux, de demander au roi le privilege exclwdf de la traite des pelleteries en Canada, avec les prerogatives attachees k la commission de M. DE LA ROCHE. M. CHAUVIN gouta cet avis, demanda le privilege et l'obtint. II fit avec PONTGRAVE' le voyage du Canada, dans le seul but d'y commercer avec les Sauvages; mais il mourot, l'annfee suivante, et eut pour successeur le commandeur DE C H A T T E , gouverneur de Dieppe. Ce demier forma une compagnie, oü entrdrent des gentilshommea et des marchans, la plupart de Normandie. II fit un armement dont il confia la conduite i M. DE PONTGRAVE', a qui le roi avait donn6 des lettres-patentes pour continuer les dfecouvertes en Canada et y füre des etablissemens. M . DE C H A T T E proposa 4 SAMUEL DE C H A M FLAIN, capitaine de vaisseaux, qui revenait des Antilles de faire le voyage du Canada avec PONTGRAVE', et il y consentit, avec l'agrfement du roi. Iis partirent en 1603, laiss&ent leure vaisseaux ä Tadousac, etremont^rent le fleuve, dans un bateau leger, jusqu'au Sault SaintLouis, c'est-i-dire, un peu plus haut que l'endroit ού C ARTIER s'etait arr6t6. Mais il parait qu'alors la bourgade d'Hochelaga n'existait plus, ou 6tait r^duite & trös peu de chose, puisque M, DE CHAMPLAIN n'en fait aucune mention dans ses m£moires. A leur retour en France, PONTGRAVE' et C H A M PLAIN trouvdrent le commandeur DE C H A T T E mort, et sa commission donn6e i un gentilhomme saintongeais, nomm6 DE MONTS, qui avait obtenu le commerce exclueif des pelleteries depuis le 40Äme jusqu'au 546me degrt de latitude; le droit de conc£der des terree jus-
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qu*au 46&ne,'et le titre de vice-amiral et de lieutenantgeneral dans toute cette 6tendue de pays. Μ. DE M O N T S conserva la compagnie ίοπηέβ par eon pr6d6cesseur, et l'augmenta m6me de plusieurs n6gocians des principaux ports de France, et particulidrement de celui de La Rochelle. II iquippa quatre vaisseaux, l'un desquels fut destine ä faire la traite dee pelleteries a Tadousac: PONTGRAVE' fut charg6 de conduire le second a Camceaux, et de courir de lä tout le canal que forment Vile Royale ou du Cap-Breton et celle de Saint-Jean. M . DE MONTS conduisait les deux autres, accompagn6 des sieurs DE CHAMFLAIN et DE POUTRINCOURT et de plusieurs autres volontairee. Parti du Hävre-de-Gräce, le 7 mars 1604, Μ. DE M O N T S arriva, le 6 mai, dans un port de l'Acadie, qui fut nomm6 port Rossignol, parce qu'il y confisqua un vaisseau appartenant ä un capitaine de ce nom. Cependant CHAMPLAIN explorait toute la cöte, dans une chaloupe, pour chercher un endroit propre a l'6tablissement qu'on voulait former. M. DE M O N T S ne pouvait manquer de r^ussir ä fonder solidement une colonie, s'il choisissait bien son poste, et il ne lui 6tait pas necessaire d'aller bien loin. II 0tait pr^s des deux ports les plus sürs et les mieux eitues pour le commerce, ceux de Camseaux et de la Haive; mais il ne daigna pas m6me s'y arr&er. II n'entra ni dans la Bate Frangaise, ou de Fundy, ni dans le Port Royal, ni dans la riviere de Saint-Jean, autres postee avantageux; mais il suivit CHAMPLAIN dans une petite ile, et rfesolut de s'y 6tablir. Cette ile, ä laquelle il donna le nom de Sainte- Croix, n'a gu£re qu'une demilieue de circuit; aueei fut-elle d£frich£e en peu de
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HISTOIRE DU
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tempe. On e'y logea paseablement, et l'on y eema dtf bled, qui rapporta extraordinairement. On ne tarda pan neanmoins ä s'appercevoir qu'on avait fait un mauvais choix: l'hiver venu, on se trouva sans eau douce et eans boia: le scorbut se mit parmi lee colons, et en fit p6rir un grand nombre. Aussi, d&a que la navigation fut libre, M. DE M O N T S n'eut rien de plus presst que de chercher un endroit plus convenable. Etant entr6 dans le Port Royal, il le trouva tellement a son gr£, qu'il prit, eur le champ, la resolution d'y transporter βα colonie.
CHAPITRE IV. Fondation de Port-Royal et de Quebec. Le Fort Royal, ear la baie de Fundy, est un dee plus •ürs et des plus beaux qu'ily ait au monde, Le seul d£faut qu'il offre est la difficult^ d'y entrer et d'en sortir, a cause des courans et de la maree. Le pays, dans lee environs, est beau et fertile, et il n'est qu'i quelques lieuee de l'emboucbure de la rividre Saint-Jean. S'il allongeait un peu le trajet pour les vaisseaux venant de France, il les rapprochait ausä des Sauvages du continent acadien. Μ . BE POUTRINCOURT, en E'associant avecM. DE M O N T S , avait form6 le dessein de s'6tablir en Amferique, avec sa famille: il luidemanda done ce port, l'obtint, et repaesa en France, laissant le sieur DE PONTGRAVE' charg6 du soin de son £tablissement. Comme l'absence de Μ. DE POUTRINCOURT fut longue, les habitans de Port-Royal crurent qu'il les avait abandonee. P O N T G R A V E ' f i t tout ce qu'il put pour lee rasBurer; mais k lafin»il fut contraint de e'embarquer avec eux pour retourner en France, ne laissant que deux hommes dans le fort, pour y garder les effete qu'on ne pouvait pas empörter. Mais il 6tait i peine sorti de la baie, qu'il apprit l'arrivfee de Μ. DE POUTRINCOURT a Camceau?. II rentra dans le Port Royal, ού PouCB
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HISTOIRE
6tait d£ja arrive, sans qu'ila
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fueeent
rencontr6s. Ayant ramen6 l'abondance dans eon etablissement, M . DE POUTRINCOURT ne songea plus qu'ä, le fortifier, et PONTGRAVE' s'y livra tout entier. II tenait see gens continuelleraent occup^s; les travaux se faisaient avec joie, parce que les vivres ne manquaient pas, et que la fertilite du pays semblait rEpondre que la source de cette abondance ne tarirait point. Les colons jouiasaient d'une bonne sant6, et les Sauvages commen^aient & e'apprivoiser. Un avocat de Paris, nomm6 L E S C A R BOT, qui avait eu la curiosity de voir le NouveauMonde, contribua ä raettre et & maintemr les cboses dans cet heureux 6tat. II animait les uns, piquaient les autres d'6mulation, et ne s'6pargnait lui-mfeme en rien. Tous les jours, il inventait quelque chose de nouveau pour l'utilit6 publique, et jamais on ne comprit mieux, remarque CHARLEVOIX, de quelle ressource peutfetre,dans un nouvel Etablissement, un esprit cultiv6 par l'Etude, et que le zdle de l'fetat engage ä ee servir de ses talens et de ses connaissances. LESCARBOT publia, en 1609, la relation de ce qui e*6tait ρaes6 sous ses yeux en Acadie, et en 1612, diffi6rentes pieces de vers, quH d6dia au chancelier DE SYLLERI, en le priant de consid6rer que si elles έtaient mal peigniet et rusiiqwment vitues, c^tait parce qu'elles avajent 6t6 composßes dans un pays incutte, sauvage, heristi deforSts et habitl depeuples vagabonds. Cependant, les ennemis de Μ . DE MONTS Etaient parvenus έ lui faire 6ter sa commission. II eut ηέ&ηmoins le credit de se faire r6tablir pour un an dans eon privilege; male ce fut k condition qu'fl ferait un 6ta
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bliaaement eur le fleuve Saint-Laurent. See aesoci6e equippdrent deux naviree ä Honfleur, et les confident 4 MM. CHAMPLAIN et P O N T G R A V E ' , qui furent charges d'aller faire la traite Ä Tadousac, tandis q\ie M. DE M O N T S solliciterait une prorogation de eon privilege. II ne put l'obtenir j ce qui ne l'empßcha pas d'envoyer encore, au printemps de 1608, des vaisseaux dans le Saint-Laurent. Mais e'appercevant que son nom, et la religion protestante, qu'il professait, nuisaient a see associ^s, il se retira. En effet, d£s que la compagnie ne l'eut plus & sa tßte, le privilege lui fut rendu. Cette mime ann6e, M . DE C H A M P L A I N , apräs avoir examin6 soigneusement en quel endroit on pourrait fixer avec avantage l'6tablissement que la cour voulait qu'on fit sur le Saint-Laurent, s'arrßta eur la rive septentrionale de ce fleuve, ä cent-vingt lieues de son embouchure, entre la petite riviere Saint-Charles, la mfime que JACQUES C A R T I E R avait appellee Sainte-Croix, et le Cap aux Diamans. Le village sauvage de Stadacon£ 6tait situ6 sur le cap m6me ; mais il parait que l'endroit s'appellait, en langue algonquine, Quebeio ou Quelibec, qui veut dire r6trecissement ou fermeture ; d'oü serait venu le nom de Qu6bec. D'autres font d6river le nom de la capitale du Canada, des mots fran$ais, quel bee, ou suivant la prononciation populaire, gueu bee ou que bee, prononc£e, en arrivant ä la vue du cap, par un des hommes qui accompagnaient C H A M PLAIN. " Un beau basssin, dit l'auleur des Berntes de VHistoire du Canada, ού plusieurB flottes pourraient mouiller en söret6; desrivagesbord6s de rochers i pic, et parsemes de formte; deux promontoires pittoresquee, (de Ltvi et du Cap aux Diamana) j un· jolie fle
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HISTOIRB DU CANADA.
(d'Orteane) ; la belle cascade de la riviire Montmorency, tout justifiait le choix de CHAMPLAIN, et concourt i donner & la capitate du Canada un aspect imposant et magnifique." II y arriva le 3 juillet 1608, 7 construisit quelques cabanes pour lui et les eiens, et commen;& k j d6fricherdea terree, qui se trouvirent fertilee.
CHAPITRE
V.
Expiditions de Μ. de Champlain. P O N T G R A V E ' repasea en France, la möme annie 1608, mais C H A M P L A I N demeura ä Qu6bec. Durant l'hiver, les Algonquine, lee Montagnais et lee Hurons rechercherent eon alliance, et au printemps de 1609, un parti de ces tribus ayant r6eolu de marcher contre lee Iroquois, leurs ennemis communs, il se laissa persuader de les accompagner. II s'embarqua sur le SaintLaurent, avec se9 allifes, et entra ensuite dans une riviere qui fut longtemps appell£e Riviere des Iroquois, parce que ces Sauvages descendaient ordinairement par lä pour faire leure courses dans la coloriie, et qui a port6 ensuite les noms de Sorel et de Richelieu. Apres avoir remontfe cette riviere treize ou quatorze lieues, il arriva au pied d'un rapide (celui de Chambly). Ne pouvant le franchir avec sa chaloupe, il la renvoya a Qu6bec, et suivit see alli6s, avec deux Fran^ais, qui ne voulurent pas l'abandonner. Le rapide pase6, les Sauvages commenc^rent ä mettre un peu plus de precaution dans leur maniöre de naviguer et de prendre poste. On campait de bonne heure ; on abattait dee arbrcs, dont on se faisait une espöce de retrenchement, du c6t6 de terre; on avait coin de ranger les canote eur le
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HISTOIRE
bord de la rividre, afin de pouvolr e'embarquer promptement, en cas de surprise, et ee d^rober λ l'ennemi, avant qu'il eut forc6 le retranchement. D6s qu'on avait camp6, des coureurs se r6pandaient a travers lea plaines, et revenaient bientöt; apr6s quoi tout le monde S'endormait. CHAMPLAIN leur ayant parte du danger auquel ils s'exposaient, ils lui r6pondirent qu'aprös avoir travaill6 tout le jour, il 6tait n6cessaire de se reposer pendant la nuit. N6anmoins, lorsqu'ils se crurent plus proches de l'ennemi, ils ne march£rent plus que de nuit, et n'allum^rent plus de feu pendant le jour. Les values qui s4parent les montagnes qu'on apper^oit du milieu du grand lac auquel CHAMPLAIN donna son nom, fetaient alors peupl6es d'lroquois, et c'6tait la, et mfeme au-delä, que nos guerriers avaient dessein de faire une irruption ; mais l'ennemi leur epargna une partie du chemin, car les deux partis se rencontrdrent sur le lac m6me. Ils gagn^rent le πvage, chacun de leur cöt6, et s'y retrancherent. Alors les Algonquins envoyörent demander aux Iroquois s'ils voulaient ee battre ä l'heure meme} mais ceux-ci ^pondirent que la nuit 6tait trop avancfee ; qu'on ne se verrait point, et qu'il valait mieux attendre le jour. Le lendemain, d0s que le jour eut paru, CHAMPLAIN pla^a ses deux Fran^ais et quelques Sauvages dans lee bois, pour prendre les ennemis en flanc. Ceux-ci 6taient au nombre de deux cents, tous gens d'61ite et determin6s, qui croyaient avoir bon march6 des Algonquins et des Hurons, qu'ils έtalent dans l'habitude de battre, et qui n'avaient Iaiss6 voir d'abord qu'une partie de leurs forces. Les allies fondaient leur principale
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esp6rance mir lee armes a feu des Francis, et lie recommanddrent 4 CHAMPLAIN de tirer sur les chefs, qu'ils lui montr£rent. Les Algonquins et les Hurons Bortirent les premiers de leura retranchemens, et s'avanCerent deux cents pas au-devanf des Iroquois. Quand ils furent en pr6sence, ils s'arrötörent, se partagörent en deux bandes, et laise^rentle milieu ä M. DE C H A M PLAIN. Celui-ci, habill6 ä l'europeenne, avec son arquebuse et ses autres armes, fut pour les Iroquois υη spectacle nouveau et singulier: mais quand ils virent le premier coup de son arquebuse, ou il avait mis quatre balles, renverser morts deuxdeleurs chefs, etblesser dangereusement le troisi6me, leur frayeur fut 0gale a leur etonnement. Les allies pouss&ent de grands cris de joie, et firent une dfecharge gfenferale de leurs flaches. CHAMPLAIN allait recharger son arquebuse, quand les F r a n c i s qui l'accompagnaient, ayant encore abattu quelques uns des ennemis, ceux-ci ne songörent plus qu'ä fuir. Poursuivis chaudement, ils eurent encore quelques hommes de tues, et on leur fit quelques prisonniers. Les allies vainqueure se rassasidrent des vivres que les Iroquois avaient abandonee, sautörent et dansdrent sur le champ de bataille, et reprirent la route de leur pays. Apr£s avoir fait une huitaine de lieues, ils s'arr&drent pour mettre ä mort un de Ieure prisonniers. Les cruautfes qu'ils exercdrent en cette occasion firent horreur ä CHAMPLAIN, qui demanda, comme une grace,de pouvoir mettre fin au supplice duprisonnier, et lui cassa la töte d'un coup d'arquebuse. La nuit suivante,un Montagnais ayant Γένέ qu'ils etaient poursuivis, la retraite devint une veritable fuite. Les Hurons retournörent dans leur pays; lee Algonquins s'arr&^rent ä
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msToiRK
Quebec, et lee Montagnais ee tendirent λ Tadousac, ού Μ. DE CHAMPLAIN les euivit. D£s qu'ils apper^urent lea cabanes de leurs villages, ils coup^rent de longs batons, y attachärent les cheveluree qu'ils avaient faites, et les port^rent comme en triomphe. A cette vue, les femmes accoururent, se jett&ent ä la nage, et ayant joint les canots, elles prirent les chevelures des mains de leurs maris, et se les passärent autour du cou. CHAMPLAIN etant remonte ä Quebec, il y fut joint par PONTGRAVE', et s'embarqua avec lui pour la France, laissant la colonie naissante sous les ordres de P I E R R E C H A V I N , homme brave et intelligent. II fut bien re$u du roi, ä qui il rendit compte de la situation ou il avait laiss6 le Canada, que l'on comme^a alora a appeller Nouvelle-France. On lui confia encore deux vaisseaux, le printemps suivanl, et il arriva a Tadousac, le 8 avril. II en repartit le 28, apräs avoir assure les Montagnais qu'il venait degager la parole qu'il leur avait donnee, l'ann6e precedente, de les accompagner encore a la guerre contre les Iroquois. Ces Sauvages n'attendaient, en effet, que son retour pour se remettre en Campagne, et ä peine fut-il arrive ä Qu6bec, qu'ils s'y rendirent, au nombre de soixante guerriers. Les Algonquins se trouv^rent prets aussi, et tous marchörent vers la riviere de Sorel, ou d'autres Sauvages avaient promis de se ;rendre. CHAMPLAIN les syivit de pres, dans une barque ; mais il ne trouva pas le nombre de guerriers qu'on lui avait fait esperer, et il apprit, en meme temps, qu'un parti de cent Iroquois n'6tait pas loin. II n'y avait pas un moment ä perdre pour le surprendre. II fallut laisser la barque et se mettre dans des canote. Quatre Francis euivirenf C H A M -
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PLAIN : les autres rest^rent ä la garde de la barque. Les confed£r6s eurent & peine vogu6 une demi-heure, qu'ils sautärent ä terre, sans rien dire aux Fran§ais, et ee mirent a courir ä travers les bois, laissant leurs canots 4 l'abandon, et C H A M P L A I N sans guide, au milieu de ces dέsert3. Bientot pourtant, un Algonquin vint le prier de hater sa marche, parce qu'on etait aux prises avec les ennemis. II doubla le pas, et ne tarda gu£re ä entendre le bruit des combattans. Les alli6s avaient attaqu6 les Iroquois dans leur retranchement, et avaient έίέ repousses avec perte. A la vue des Francis, ils reprirent courage, et retourn^rent avec eux ä la charge. Le combat devint trtis vif: CHAMPLAIN et un de ses hommes furent blesses 16g6rement. Cependant les armes ä feu deconcertaient les Iroquois, lorsque les munitions commencörent ä manquer. Alors CHAMPLAIN persuada aux alli6s de donner l'assaut au retranchement: il se mit ä leur töte, avec ses quatre Fran§ais, et ma]gr6 la vigoureuse defense des assi6g6s, ils parvinreot bientöt ä faire une assez grande brfiche. Cinq ou six autres Fran^aia arriv0rent, sur ces entrefaites. Ce renfort donna aux assaillans le moyen de s'£loigner pour respirer un peu, pendant que les nouveau-venus faisaient feu Bur l'ennemi. Les Sauvages revinrent bientöt & l'assaut, et les Fransais se mirent sur les alles, pour les soutenir. Les Iroquois ne purent r6sister a taut de coups redoubles : presque tous furent tu6s ou pris, ' Quelques uns ayant voulu courir du c6tfe de la riviere, ils y furent culbutes, et s'y noyörent. Lorsque l'affaire fut terminfee, il arriva encore une troupe de Fra^ais, qui voulurent se consoler de η'avoir point eu de part ä la victoire, en parta-
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HISTOIRE DU CANADA.
geant le butin. lis Be saisirent des peaux de castor dont fetaient couverts les Iroquois qu'ils voyaient fetendus sur la place ; ce qui scandalisa beaucoup les Sauvages. Ces barbares, qui prenaient plaisir ä tourmenter, de la maniere la plus indigne, des ennemie qui n'fetaient plus en 6tat de se dfefendre, se piquaient d'un d6sint6ressement qu'ils £taient surpris de ne pas rencontrer chez des hommes civilis6s. CHAMPLAIN engagea les Hurons a emmener un Fran$ais dans leur pays, afin qu'il y apprit leur langue, et emraena un des leurs en France.
CHAPITRE VI. Affaires de PAcadie. Le 12 juin 1611, deux jesuites, les peres M A S S E et arriverent au Port Royal, avec M . DE P O U TRtNCOURT, pour apprendre la langue des naturels du pays, et leur precher ensuite l'evangile. Cependant, la marquise DE GÜERCHEVILLE, qui s'intereesait fort 4 la conversion des Sauvages, et qui s'0tait associ£e avec M. DE POUTRINCOURT, dans la vue de le rendre favorable aus missionnaires, mais qui n'y avait pas r0ussi a son gre, se brouilla avec lui, et fit armer un bäüment a see propres frais. Elle en donna le commandement ä un sieur DE LA SAUSSAYE, avec ordre d'y embarquer tout ce qui serait nfecessaire pour fonder une nouvelle colonie. L A SAUSSAYE arriva, le 6 mai 1613, dans le port de la Haive, et y arbora les armes de Madame DE GÜERCHEVILLE. De la il passa au Port Royal, ού il prit les deux missionnaires, etrangea la cöte jusqu'ä la rivi£re de Pantagoet, qui coule plus de quarante lieues au sud-est de celle de SaintJean, sur un territoire reclame d^s lors par la couronne d'Angleterre. M. DE LA SAUSSAYE d£barqua sur la rive septentrionale de cette riviere, et y fit, ä la häte, un petit fort, auquel il donna le nom de Saint-Sauveur. BIART,
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Tout son monde se montait 4 vingt-cinq personnes. L'6quipage de son navire, qui £tait de trente-cinq hommes, se joignit aux nouveaux colons, pour 61ever des maisons ou des cabanes. Lorsqu'on fut log6, on se mit ä cultiver la terre; mais a peine la colonie commen^ait ä se former, qu'un orage impr6vu la renversa de fond en comble. SAMUEL ARGALI., qui escortait, avec un vaisseau de quatorze canons, une dixaine de bateaux p^cheurs partis de la Virginia, apprit, en route, que des Strangers ß'6tablissaient ä Pantagoet, et ne doutant pas que ce ne fussent des Francis, il erat qu'il fetait de son devoir de les en chasser. Quoique LA SAUSSAYE ignorät le dessein des Anglais, il crut devoir se preparer ä tout 6venement: il demeura a terre, pour dfefendre son fort, et chargea L A M O T T E - L E - V I L L A I N , son lieutenant, de la d6fense du navire, qui 6tait en rade j mais ni Pun ni l'autre n'avaient de canons. A R G A L L e'attacha d'abord au retranchement, et aprßs l'avoir canonne quelque temps d'assez loin, il s'en approcha de plus pr£s, et fit un grand feu de mouequetterie, qui tua beaucoup de monde. L A SAUSSAYE voyant qu'une plus longue rfesistance lui ferait perdre inutilement un plus grand nombre d'hommes, prit le parti de se rendre, et L A M O T T E - L E - V I L L A I N fut bientöt contraint d'en faire autant. A R G A L L , maitre de 1'habitation, alia visiter les coffres de LA SAUSSAYE, y trouva sa commission, et l'enleva, sans que personne s'en apper§ut. Le lendemain, LA SAUSSAYE 6tant all6 rendre visite k son vainqueur, celui-ci le somma de presenter la commission qu'il avait 'lui-meme soustraite. L A SAUSSAYE l'ayant cherch6e en vain, A R G A L L le traita d'homme sans aveu et de pirate, et livra 1'habitation et le navire
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au pillage. Ensuite, par un singulier melange de bassesse et de g£n£rosit£, il offrit aux Fran^aie une esp£ce de barque ou chaloupe pont£e, pour s'en retourner dans leur pays; et cette chaloupe s'6tant trouνέβ trop petite, il proposa a ceux qui savaient quelque m6tier d'aller avec lui en Virginie, leur promettant une entiöre libertfe de conscience, et la faculty de repasser en Franee, au bout d'un an. Plusieurs accept£rei)t cea offres, et le sieur LAMOTTE, le P. BIART, et deux autres jfesuites, que Μ. DE LA SAUSSAYE avait amenfes de France avec lui, voulurent les Buivre. Ce qui restait de Francis s'embarqua eur lacKaloupe,avec LA SAUSSAYE et le P . MASSE. Iis traversörent la Baie Frangaise, et rencontr^rent, au port de la Haive, un navire qui les re§ut tous, et les conduisit heureusement ä St. Malo. Ceux qui avaient suivi le capitaine ARGALL en Virginie n'eurent pas autant de bonheur: ä leur arriv6e ä Jamestown, le gouverneur-g6neral les condamna i. mort, comme pirates. ARGALL eut beau lui repräsenter qu'il leur avait donn6 sa parole qu'on les traiterait bien, et qu'ils demeureraient libres, et qu'ils ne l'avaient suivi volontairement qu'a cette condition, le gouverneur lui röpondit qu'il avait outre-passe ses pouvoirs; que leur chef n'ayant point eu de commission, il ne pouvait s'empßcher de les regarder comme dee forbans. Ii ne restait k ARGALL d'autre moyen de les sauver que d'avouer sa supercherie ä l'fegard de leur commandant, et il eut assez de probite pour le faire. La vue de la commission du sieur DE LA SAUSSAYE dfesarma le gouverneur de la Virginie; mais il prit, eur le champ, la resolution de chasser les FranDB
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HISTOIDS DU CANADA.
$ais de toute l'Acadie. ARGALL fut charg6 de cette expedition. On lui donna trois vaisseaux. II arbora lee armes d'Angleterre au m&ne endroit ού avaient itb celles de Madame DE GUERCHEVILLE ; puis il alia ä Sainte-Croix, ού il ruina tout ce qui restait de l'6tablissement de Μ. DE MONTS. II fit la möme chose au Port Royal, ou il ne rencontra personne ; et en quelques heures, le feu consuma tout ce que les Francis possedaient dans une colonie ού l'on avait d£pens6 beaucoup d'argent, et travaille pendant plueieure ann0es, eans songer ä se mettre en £tat de soutenir un coup de main.
CHAPITRE
VII.
Dimarches de Μ. de Champlain.—Excursion cfiez let Hurons.—Complot des Sauvages allies. La mort du roi ( H E N R I IV) avait achev6 de ruiner lea affaires et le credit de M . DE M O N T S . II ne laissa pourtant pas d'exhorter CHAMPLAIN Ä ne pas perdre courage, et ä chercher quelque puissant protecteur a la colonie naissante. CHAMPLAIN e'adressa ä C H A R L E S DE BOURBON, comte de SOISSONS, qui, agr6antla proposition d'etre le protecteur de la Nouvelle-France, se fit donner par la reine r6gente toute l'autorit6 nfecessaire pour maintenir et avancer ce qui 6tait d6j& fait, et nomma M. DE CHAMPLAIN son lieutenant. La mort du comte de SOISSONS, arrivee quelque temps aprös, ne derangea rien aus affaires de l'Amerique, parce que le prince de C O N D E ' voulut bien B'en charger, et continua CHAMPLAIN dans l'emploi et l'autorite que son pr£d6cesseur lui avait donn6s. Apr0s avoir έίέ retenu en France durant toute l'annee 1612, CHAMPLAIN ee rembarqua pour le Canada, au printemps de 1613, et raouilla, le 7 mai, devant
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HISTOIRE
Qu6bec. II trouva ^habitation en si bon 6tat, que n'y jugeant pas sa präsence n6cessaire, il monta de suite jusqu'ä Montreal. Aprös avoir s£journ6 quelque temps dans cette ile, ou il avait dessein de faire un Etablissement, il fit une excursion sur la grande riviere des Outaouais; puis redescendit a Qu6bec, et se rembarqua pour la France, vers le milieu de l'et6. Il conclut un nouveau trait6 avec des marchands de St.-Malo, de Rouen et de la Rochelle, et leur obtiut, par l'entremise du prince de CONDE', des lettres-patentes du roi (Louis XIII). Il se rembarqua ensuite pour le Canada, avec quatre r6 collets, qu'il avait dein and6s, et ä qui la compagnie s'etait engagee de fournir tout ce qui serait n6cessaire. II arriva a Qu6bec, au printemps de 1614, et monta incontinent ä Montreal. II y trouva des Hurons et quelques uns de leurs allifes, qui l'engagörent dans une troisi6me exp6dition contre les Iroquois. Les premiers historiens du Canada" ont beaucoup blämfe la facilite avec laquelle M. DE CHAMPLAIN se laissait entrainer dans des expeditions lointaines, ρέηΐleuses, imprudentes et peu dignes de sa situation. i ( II est constant, dit le P . CHARLEVOIX, que par cette complaisance, il prenait le meilleur moyen de gagner l'amitife des Sauvages, et de bien connaitre un pays ού il s'agissait d'etablir un commerce avpntageux, et la religion chrfetienne parmi un grand nombre de tribus payennes; mais il s'exposait beaucoup, et ne faisait pas rfeflexion que cette facilite ä condescendre ä toutes les volontes de ces barbares n'fetait nullement propre ä lui concilier le respect que demandait le caractöre dont il etait rev6tu. II y avait, d'ailleurs, quelque chose de
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mieux ä faire pour lui, que de courir ainsi, en chevalier errant, par les lacs et lee formte, avec dee Sauvages qui, eouvent, ne gardaient pas m6me ä-son Egard les biens£ancee, et dont il n'6tait nullement en Etat de se faire craindre. II aurait pu aisfement envoyer i sa sa place quelque Francis en Etat de bien observer, tandis que ea prEsence i QuEbec aurait beaucoup plus avancE eon Etablissement, et lui aurait donnE une soliditE qu'il se repentit trop tard de ne lui avoir pas procurEe." Si CHAMPLAIN pouvait se dispenser d'accompagner les Sauvages dans leurs excursions, c'etait surtout dane celle dont nous allons parier. Car se trouvant oblig6 de redescendre ä QuEbec, il les pria de diffErer leur dEpart jusqu'ä son retour, qui devait Etre prompt: maia ceux-ci se lassErent bientöt de l'attendre, et s'embarquErent, avec quelques Franqais, qui etaient restEs & MontrEal. CHAMPLAIN, de retour dans cette ile, n'y trouva plus que deux Francis et six Sauvages: il s'embarqua avec eux, pou» courir aprEs les Hurons; mais il ne put les joindre que dans leur pays. Iis les trouva qui formaient un grand parti de guerre: ile lui en offrirent le commandement, et il l'accepta d'autant plus volontiere, qu'il se trouvait ä la tEte de douze Francis. On ne diffEra pas ä marcher contre les Iroquois. Ceux-ci occupaient une espEce de fort assez bien construit: ils en avaient embarrasse les avenues par de grands abattis d'arbres, et avaient ElevE tout autour des galeries, d'oü ils pouvaient tirer de haut en bas, sans se dEcouvrir. Aussi la premiEre attaque rEussit-elle si mal qu'on ne jugea pas a propos d'en tenter une eeconde. On essaya de mettre le feu aux abattis,
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HISTOT&X
dans l'espoir qu'il gagnerait le fort; mais les asstäg6a y avaient pourvu, en faisant de grandes provisions d'eau. On dressa ensuite une machine plus haute que les galeries, et sur Iaquelle on pla^a des Fra^ais arm6s d'arqüebuses Cette manoeuvre d6concerta UN peu L'ennemi; mais CHAMPLAIN ayant 6t6 blesse assez gri^vement, ä la jambe et au genou, les Huronspass^rentdelapresomption au decouragement, et il fallut se retirer avec honte et avec perte. La retraite se fit n£anmoins en assez bon ordre. C H A M PLAIN fut bientöt gu6ri de ees blessures; mais quand il voulut partir pour retourner a Qu£bec, il ne put obtenir un guide, et il lui fallut seresoudre & passer l'hiver chez lee Sauvages. II sut pourtant mettre le temps ä profit; car il visita toutes les bourgades huronnes, et quelques unes de celles que les Algonquins avaient alora aux environs du lac Nipissingue. D6s que les rivi£res farent navigables, ayant su qu'on voulait 1'engager dans une nouvelle entrepriae contre les Iroquois, il gagna quelques Sauvages, qu'il s'£tait attaches par see bonnes manures, s'embarqua secritement avec eux, et arriva, le 11 juillet, a Qu6bec, ou tout le monde etait persuad6 qu'il ne vivait plus. Il s'embarqua pour la France, environ un mois apr£s son retour ä Qu6bec. L'ann6e suivante 1616, les Sauvages confed^rda complott£rent, par on ne sait quel mecontentement, de se defaire de tous les Fran^ais. Peut-etre craignaientils qu'on ne voulüt tirer une vengeance £clatante de la raort de deux habitans, qu'ila avaient assassints, probablement pour profiter deleurs depouilles; car deja la frequentation des Europ6ens leur avait fait perdre quelque chose de leur d6sint6ressementf Ce qui est cer-
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tain, c'est qu'ils 8'assembl6rent,au nombre de huit cents, pr£s des Trois-Rivi^res, pour d61ib6rer eur les moyene de faire main-basse, en mfcrne temps, BUT tous lea Frank s . Un fröre r6collet, nommfe DUPLESSIS, qui avait ite charge de l'instruction des Fransais et des Sauvages 6tablis depuis peu en cet endroit, fut instruit de leur dessein par l'un d'entr'eux: il en gagna plusieurs autres, et peu a peu, il les r^duisit tous ä faire des avances pour une reconciliation parfaite, qu'il se charga de ηέgocier avec le commandant. M. DE CHAMPLAIN, de retour en Canada, voulut avoir les meurtriers des deux Fran^ais: les Sauvages ne lui en envoy^rent qu'un, mais avec une quantitfe de pelleteries pour couvrir les marts, c'est-a-dire, dedommager les parens, comme il se pratique parmi eux. II fallut se contenter de cette satisfaction, moyennant aussi deux chefs, qu'on se fit donner comme otages. M . DE CHAMPLAIN ne faisait plus qu'alter et venir de France a Qu6bec, et de Qu6bec en France, pour en tirer des ßecours, qu'on ne lui fournissait jamais tele qu'il les demandait. Le prince de C O N Ö E ' se contentait de prfeter son nom ; la compagnie ne faisait qu'a regret des avances pour l'etablissement d'une colonie qui l'interessait beaucoup moins que son commerce, et il fallait ä CHAMPLAIN beaucoup de courage et de ζέΐβ du bien public, pour ne pas renoncer ä une entreprise qui ne lui procurait aucun avantage r£el, et dans laquelle il avait continuellement ä- essuyer les \ caprices des uns et les contradictions des autres. En 1620, le prince de CONDE' cfeda sa vice-royaut6 a« mar£chal DE MONTMORENCY, son beau-frdre. Le
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HISTOIRE DU CANADA.
nouveau vice-roi continua la lieutenance έ CHAMPLAIN, qui, persuad6 que le Canada allait prendre une nouvelle face, y amena sa famille·
CHAPITRE
VIII.
Incursions des Iroquois.—Guillaume et Enteric de Caen.—Compagnie des Cent Jlssocies. Au commencement de l'ann6 1621, les Iroquois parurent en armes jusque dane le centre de la colonie. Cea barbares, craignant que si les Fran^ais se multipliaient dans le pays, leur alliance ne fit reprendre aux Algonquins et aux Hurons leur ancienne superidrit6 sur eux, resolurent de e'en delivrer avant qu'ils eusent eu le temps de se fortifier davantage. Us leverent deux grands partis de guerre, pour attaquer les Fran§ais et leurs allies en m£me temps. Le premier marcha vers le Saiilt Saint-Louis, et y trouva des Fran^ais, qui, quoiqu'en petit nombre, les repoussörent, avec le secours de leiys allies. Le second parti s'embarqua sur trente canots, et alia investir le couvent des r6colIets, sur la riviere Saint-Charles, oü il y avait un petit fort. N'osant attaquer cette place, les Iroquois se jetterent sur des Hurons, qui se trouvaient aux environs; en prirent quelques uns, et les brul£rent. Iis ravagörent ensuite tous les environs du couvent, puisse retir^rent. II s'en fallait de beaucoup que M. DE CHAMPLAIN eilt des forces süffisantes pour reprimer ces barbares: Ε
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HISTOIRE
aussi crut-il devoir representor au roi et au due de MONTMORENCY la n6ceesit6 de secourir la colonie, et le peu de ca9 que la compagnie avait fait jusque-lä de ses instances r6it6r6es. Le P . LEBAILLIF, qui fut depute au roi, du consentement des p r i n c i p a l habitans, fut tr£s bien regu, et obtint tout ce que M. DE CHAMPLAIN desirait. La compagnie fut supprimfee, et deux particuliers, GUILLAUME et EMERIC de CAEN» oncle et neveu, entr£rent dans tous ses droits. C H A M PLAIN en apprit la nouvelle par une lettre du vice-roi, qui lui enjoignait de prater main-forte ä ces negoeiäns. Excepte CHAMPLAIN, tout le monde s'etait si peu occupfe de l'6tablissement du Canada, qu'on ne comptait ä Qu6bec, en 1622, que cinquante-deux habitans, y compris les femmes et les enfans. En 1624, CHAMPLAIN fit bätir en pierre le fort de Qu6bec. II pjjaissait par-Id vouloir se livrer tout entier au soin de sa colonie; mais ä peine le fort fut-il achev6, qu'il repassa en France, avec sa famille. II trouva le mar£chal de MONTMORENCY traitant de sa vice-royaut6 avec le due de VENTADOUR, eon neveu. Ce demier ne se chargeait des affaires de la Nouvelle France, que pour y procurer la conversion des Sauvages; aussi son premier soin fut-il d'y faire passer des jesuites comme missionnaires. En 1625, GUILLAUME DE C A E N amena Ä Quebec les PP. MASSE,
d e BREBEUF,
e t CHARLES
LALLEMANT.
Ces religieux se log^rent chez les r6collets, en attendant qu'ils eussent une maison ä eux. L'ann6e suivante, d'autres j6suites arrivferent sur un petit batiment qu'ils avaient fr6t6, et sur lequel ils avaient embarqu6 plusieurs ouvriere.
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Cependant les Sauvages causaient toujours de grandee inquietudes : ils avaient encore assassin^ quelques Francis, et comme on ne s'etait pas trouv6 assez fort pour en tirer raison, l'impunit6 les avait rendus plus insolents; de sorte qu'on ne pouvait s'6carter des habitations sans courir risque de la vie. M. DE CHAMPLAIN", de retour a Quebec, crut devoir ee plaindre au roi de l'6tat de faiblesse ou il avait trouvfe la colonie, principalement par la faute des assoetäs des sieurs DE C A E N , qui ne s'occupaient que de la traite des pelleteries. la cardinal do RICHELIEU, alprs premier minietre, gouta la proposition qui lui fut faite, de mettre le commerce du Canada entre les mains d'une nouvelle corapagoie. D'apr0e le m6moire qui lui fut pr£sent£, les aasociea devaient faire passer en Canada deux ou trois cents ouvriers de tous j ilo promettaient de porter le nombre des habitana & 16,000 avant l'ann£e 1643 ; de les loger, nourir et entretenir de toutee choses pendant trois ans ; de leur assigner ensuite des terree defricMes, autant qu'il serait n6cessaire pour leur eubsistance, et de leur fournir des grains pour les ensemencer. Tous les nouveaux colons devaient etre frangais et catholiques, et il devait y avoir dans chaque habitation des pr&res que la compagnie s'engageait a d6frayer de tout pendant quinze ans, ;ipr£s quoi ils pourraient subaster au moyen des terres qu'elle leur aurait assign6es. Four d6dommager les associes de tant de frais, le roi leur cfedait, ainsi qu'a leurs successeurs, & perp6tuit6, le fort de Qu6bec et tout le pays de la Nouvelle France, tout le cours du fleuve Saint-Laurent et des riviöres qui s'y d6chargent, ou se rendent ä la mer, avec les iles, ports, hlvres, mines, p£ches, etc., sa majest6 ne se re-
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HISTOIRE OU CANADA.
eervant que le ressort de la foi et hommage, avec une couronne d'cn- du polds de huit marcs, ä chaque mutation de roi, et la nomination des officiera de justice souveraine, qui seraient präsentes par les assoctäs, lorsqu'il serait juge a propros d'y en 6tablir, Le roi leur accordait le droit de conc6der des terres ä iels titres qu'ils voudraient, et & telles charges et conditions qu'il leur plairait; celui de construire des places fortes, de fondre des canons et de /abriquer des armes de toutes sortes; le commerce des pelleteries pour toujours, et et pour quinze ans tout autre commerce. II leur permettait d'embarquer sur des vaisseaux qu'il leur donnait, les capitaines, soldats et matelots qu'il leur semblerait bon, ä condition qu'& leur recommandation, les capitaines prendraient leurs commissions de lui; ainsi que les commandana des forteresses d6ja*construites> ©u ä construire, dans l'etendue des pays conced6s. II exemptait de tout droit, pendant quinze ans, les marchandises qui viendraient du Canada, ainsi que les vivres, munitions de guerre, etc., qui y seraient envoyfes. II 6tait permis a toutes personnes, de quelque 6tat et qualit6 qu'elles fussent, d'entrer dans la compagnie, sans d6roger äux privileges accord6s ä leurs ordres; et s'il se trouvait parmi les associes des roturiers, sa majest6 promettait d'en ennoblir jusqu'ä douze, but la recommandation de la compagnie. Enfin, il etait d6clar6 que les descendans des Fran§aiafetablisdans le pays, et mfeme les Sauvages qui auraient embrass6 le christianisme, seraient r6put6s frangais, sana ßtre obliges de prendre des lettres de naturale.
CHAPITRE
IX.
JUdditionde Quibec. Conduite magnarlime dujeune Latour. La compagme de la Notnrelle France se tronva bient6t composfee de cent associfes. Le cardinal de R I C H E LIEU, le mar6chal D ' E F J I A T , le commandeur S E R A ZILLI, L'abh6 DE LA MADELEINE, M . DE CHAMPLAIN, et plusieurs autrea personnes de condition y entrirent. Le reste se compoeait de riches n^gocian» et bourgeois de Paris et des autrea grandes villes du royaume. II y avait tout lieu d'esp£rer que la colonic allait fair© des progrös rapides, sous lee auspices de cette puissante association ; mais l'6poque merae de son institution fut marqu6e par les circonstances Ies plus malheu reuses. Les premiere vaisseaux qu'elle expfedia (en 1627) furent pris par lee Anglais. L'ann6e suivante, DAVED K E H T K , frangais protestant, refbgte en Angleterre, s'avan^a avec une escadre, jusqu'a Tadousac, d'oü il envoya bröler les maisons et les vaisseaux qu'il y avait au CapJTourmente. L'officier qu'il avait charg6 de cette commission eut ordre de monter jusqu'ä Quebec, et de sommer le commandant de lui livrer son fort. M. DE CHAMPLAIN y 6tait alors, avec M. DE PONTGRAVE'. Aprde qtfile eurent d61iber6 ensemble, et eond6 EB
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HIST CUBS
les principalis habitans, ila r0solurent de se d£fendre. L'envoy6 de K e r t k re^ut une τέροηββ si fi6re, qu'il jugea έ propos de se retirer. Cependant, il n'y avait plus que quelques livres de poudre dans le magasin, et chacun des habitans 6tait rfeduit ä sept onces de pain par jour. Si K e r t k eüt connu cet £tat de choses, il serait sans doute venu de suite a Quebec, et s'en serait rendu maitre sans coup fferir. Mais peut-fetre crut-il qu'il fallait commencer par s'emparer d'une escadre que la noilvelle compagnie avait expfedi6e, sous la conduite de Μ. de Roquemont, un de see membres. Celui-ci, loin de chercher a έviter R e r t k , vint k sa rencontre, sans songer qu'il expos ait au hazard d'un combat dont le succßs ne pouvait qu'6tre douteux, toute la ressource d'une colonie prfite a succomber. Les deux escadres ne tard6rent pas ä se rencontrer: Roquemont montra de la bravoure et de l'habilet6; mais outre que ses vaisseauxpesamment charg6s nepouvaientpas manoeuvrer aussi bien que ceux de K e r t k , ila 6taient moins forts. Iis furent bientöt tous d6sagr66s et contraints de serendre. Le combat s'6tant livr6 dans le golfe, ou & l'entr6e du fleuve, le vainqueur ne jugea pas ä propos de ihonter incontinent & Qu6bec. La chasse, la pßche, et la τέcolte remirent pour quelques mens un peu d'aisance dans la ville et dans les habitations voisines ; mais ensuite on se trouva dans une disette pire que la pr£c6dente; jusqueU que plusieurs furent contraints d'aller chercher dee racines dans les bois, pour s'empöcher de mourir de faim. Le retour de la saison de la navigation n'apporta pas de floulagement ί ce mal, car il n'arriva aueun vaisseau de France. Aussi Champlain regarda-t-il les Anglais
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bien moins comme dee ennemis que comme des lib6rateura, loraqu'ils parurent devant Quebec, vers la fin de juillet 1629. L'escadre e'fetant arr6t£e demure la Pointe Levi, une chaloupe s'avan9a jusque vers Is milieu de la rade. L'officier qui la commandait demaada la permission de s'approcher. Elle lui fut donηέβ, et lorsqu'il eut d6barque, il alia presenter une lettre de Louis et THOMAS KERTK, fibres de l'amiral DAVID. Cette lettre contenait une sommation dans dee termes extremement polis: les deux frdres, dont l'un devait commander ä Quebec, et l'autre conduisait une escadre dont la meilleure partie 6tait rest6e sk Tadousac, faisaient entendre Ä Μ . DE CHAMPLAIN qu'ils 6taient inform^s du triste fetat de sa colonie; que n6anmoine, s'il voulait leur remettre son fort, ils le laisseraient mattre des conditions. CHAMPLAIN n'eut garde de refuser les oflres qu'on lui faisait; mais il fit prier les deux fibres de n'approcher pas davantage, qu'on ne füt convenu de tout. L'officier s'en retourna avec cette rfeponse, et revint, le soir du meme jour, pour demander les articles de la capitulation. C H A M P · LAIN les lui donna par 6crit: ils portaient lo. Qu'avant toutes choses, M M . KERTK montreraient la commission du roi d'Angleterre, et la procuration de l'amiral D A V I D , leur fr£re. 2o. Qu'ils lui fourniraient un vaisseau pour passer en France, avec tous les Fran^ais: 3o. Que les gens de guerre sortiraient avec leurs armes, et emporteraient leurs effets. LOUIS KERTK accepta ces conditions, et le lendemain, 20 juillet, il mouilla dans la rade, avec trois vaisaeaux, dont le plus gros portait dix canons. II £tait de I'int6r6t des vainqueurs que ceux des habitans qui
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HISTOIRK
avaient dee terrea d£frich6es demeurassent dans le pays; du moins Kkrtk le erat ainsi; et pour lee y engager, il leur fit les öftres les plus avantageuses. Comme sa conduite les avait fort prfevenus en sa faveur, et que plu· sieurs auraient obliges de mendier, e'ils avaient r&pass6 la mer, presque tone prirent le parti de rester. Thomas K e r t k έίΗηί venu joindre son fröre, Champlain partit avec Iis, le 24, pour Tädousac, ou l'amiral David £tait arriv6 depoia quelques jours. Peu s'en fallut que, dans ce voyage, les vainqueurs et les vaineus ne changeassent de sort. -Ehe« kic de Caen, qui allait & Quebec, ne sachant rien de ce qui s'y 6tait pass£, rencontra le itavire de Thomas K e r t k , qui portait M. de Champlain. II l'attaqua, et ilfetaitsur le point de e'en rendre maitre, lorsqu'ayant crie quartier, pour obliger K e r t k k se rendre, celui-ci prit cette parole dans un sens ορροεέ, et cria, de son c6te, bon quartier. A ces mots, Pardeur des Francis se rallentit un peu: de Caen qui s'en apper^ut, voulut les rassurer, et se pr£parait ä faire un dernier effort; mads Champlain se montra, et lui conseilla de profiter de son avantage pour faire ses conditions bonnes, avant l'arriv6e des autres vaisseaux de K e r t k . David K e r t k ne voulut pas retourner en Angleterre sane avoir visit6 sa conqu&e: il monta jusqu'ä Quebec, et ä son retour a Tadousac, il dit ä M. de Champlain, qu'il trouvait la situation de cette ville admirable ; que si eile demeurait & l'Angleterre, eile sentit bientdt sur un autre pied, et que les Anglais tireraient parti de bien des ehosee que les Fransais avaient n6glig6es. II employa le reste de 1'έίέ ä carener ses vaiBseaux, mit a la voile pour l'Angleterre,dans le moie
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do septembre, etmouilla, 1© 20 octobre, dans le port de Plymouth, ou ill apprit que le different entre lee deux couronnes £tait termin6. Pendant que lee Anglais se rendaient ainsi maitres de Qu6bec et du Canada, im jeune officier, nommfe LATOUR, leur r6sistait, au Cap de Sable, le seul poste qui restat aux Fran^ais dane l'Acadie. Le pdre de ce jeune officier, qui s'6tait trouvfe äLondres, pendant le siöge de la Rochelle, et y avait 6pous6, en seconder noces, une dea filles d'honneur de la reine, avait promis au gouvernement anglais de le mettre en possession du poste ou commandait son ßls ; et sur cette promesse, on lui donna deux vaisseaux de guerre, eur lesquele il s'embarqua avec sa nouveBe Spouse. Arrive a la vue du Cap de Sable, il se fit d6barquer, et alia seul trouver son file, a, qui il fit un expos6 magnifique du credit dont il jouissait a la cour d'Angleterre, et des avantages qu'il avait lieu de e'en promettre. II ajouta qu'il ne tenait qi^a lui de e'en procurer d'aussi consid0rables; qu'il lui apportait l'ordre du Bain, et qu'il avait pouvoir de le confirmer dans son gouvernement, s'il voulait se declarer pour sa majeatfe britannique. La surprise du jeune commandant fut extreme: il dit ä son p£re, qu'il s'£tait trompe, s'il l'avait cru capable de trahir sen pays; qu'il iaisait beaucoup de cas de l'hpnrteur que le roi d'Angleterre voulait lui faire ; mais qu'il ne l'acheterait pas au prix d'une trahison; que le monarque qu'il servait etait assez puissant pour le r£compenser de manure ä ne lui pas donner lieu de regretter d'avoir rejettfe les offres qu'on lui faisait; et qu'en tout cas, sa fid£lite lui tiendrait lieu de r6compenee.
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HIST OHUS DU CANADA.
Le p£re, qui ne e'6tait pas attendu ä une pareille r£ponse, retouma aussitöt ä. son bord. II 6crivit, le len* demain, ä eon fils, dans les termes les plus pressante et lee plus tendres; mais sa lettre ne produisit aucun effet. Enfin, il lui fit dire qu'il 6tait en etat d'emporter par la force ce qu'il ne pouvait obtenir par ses priores; que quand il aurait d£barque ses troupes, il ne serait plus temps pour lui de se repentir d'avoir rejett6 les avantages qu'il lui offrait, et qu'il lui conseillait, commd p£re, de ne pas le contraindre ä le traiter en ennemi. Ces menaces furent aussi inutiles que l'avaient έίό lee sollicitations et lee priores. LATOUR, le ρέπε, en voulut venir ä l'ex£cution: on attaqua le fort; mais le jeune officier se d6fendit si bien, qu'au bout de deux jours, le commandant anglais, qui n'avait pas compt6 sur la moindre r6sistance, et qui avait d0ja perdu plusieurs soldats, ne jugea pas ä propos de s'opiniätrer davantage i ce sidge. II le declara & LATOUR, pdre, qui se trouva fort embarrassi : comment, en effet, re» tourner en Angleterre, et s'exposer au ressentiment d'une cour qu'il avait tromp6e ? Quant ä eon pays natal, il ne pouvait eonger i y rentrer, apr£s l'avoir voulu trahir. II ne lur resta d'autre parti ä prendre que de recourir a la g6nerosit6 de eon fils: il le pria de souffrir qu'il demeurät aupräs de lui; ce qui lui fut accorde.
CHAPITBE
Χ.
Restitution de Quebec.—Mori de Champlain.—Commencement de la guerre des Hurons et des Iroquois,·— Fondations. Cependant on avait n£goci£, a la cour de France, pour retirer des mains des Anglais le fort de Qu6bec et le Canada; et afin de donner plus de poids aux ηέ£οciations, on avait arm6 six vaisseaux, qui devaient fetre sous les ordres du commandeur DE RAZILLI ; maie l'Angleterre rendit de bonne grace ce qu'on se p^parait a lui enlever de force. Le trait6 en fut sign6 a SaintGermain en Laye, le 20 octobre 1632, et l'Acadie y fut comprise, ainsi que le Cap-Breton. Un des articles du trait6 portait que tous les effets qui seraient trouv6s ä Quebec eeraient restitu6s, ainsi que les vaisseaux pris de part et d'autre, avec leurs cargaisons; et comme les sieura DE C A E N avaient le principal int6r6t dans cette restitution, E M E R I C fut envoye en Am6rique, pour porter a Louis KERTK le traitä, et en solliciter l'execution. Le roi jugea meme a propos de lui abandonner le commerce des pelleteriee pour un an, afin de le d6dommager des pertee qu'il avait faites pendant la guerre. II partit pour Qu6bec, au mois d'avril de cette mfexne annee 1632, et
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HISTOIRB
ä son arrivee, le gouverneur anglais lui remit la place, avec tous les effets qui lui appartenaient. En 1633, la compagnie des Cent Associ6s rentra dans tous ses droits, et l'Acadie fut conc6d6e au Commandern DE RAZILLI, & condition qu'il y ferait un Etablissement. II en fit un, en effet, xnais peu considerable, a la Haive. La m6me ann£e, M. DE C H A M PLAIN fut ηοπιιηέ de nouveau gouverneur, ou commandant en Canada, et y vint, avec une escadre qui portait beaucoup plus que ne valait alors toute cette colonie. Sa premiere vue fut de s'attacherla nation huronne, et de tächer de la eoumettre au joug de l'£vangile. • Des misKonnaires, räcollets et jfesuites, l'avaient d&ja visit6e, avant la prise de Q^bec, et il arriva ensuite un assez grand nombre des demiers, dont plusieurs partirent pour cette mission. Le P . CHARLEVOIX remarque qu'en moins de trois ans, apres la restitution du Canada, il y eut quinze j6suites dans le pays. Bient6t aussi, dit-il, il n'y eut plus un seul calviniste dans la colonie. Cette exclusion, qu'on pourrait regarder comme le fruit de Πηtol6rance, qui 6tait l'esprit du temps, et non moins chez les protestans que chez les catholiques, 6tait aussi une mesure de politique: on 6tait persuad6, k la cour de France, que l'entreprise et le succes des Anglais contre le Canada £taient principalement dus aux intrigues de quelques protestans de France, et k la connivence de ceux de la colonie; et l'on crut qu'il 6tait de la prudence de ne pas trop approcher les rfeformfes des Anglais, dans un pays ού l'on n'avait pas assez de forces pour les contenir dans le devoir et la soumission aoxautoritfes lfcgitimes.
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DIR CANADA.
On avait, d'ailleurs, apport£ une grande attention au choix de ceux qui e'6taient pr6sent£s pour venir s"£tablir en Canada. On n'y voulait point de mauvais garnemens, comme s'exprime un historien du temps. On avait soin surtout de s'assurer de la conduite et de la r6putation des femmes et desfilles,avant deleur permettre de s'embarquer. Les missionnaires, soit chez lee Frangais, soit chez les Sauvages, se distinguaient par une pi6t6, un ζόΐβ, une resignation et un d6vouement, qu'on pouvait regarder, m6me alors, comme extraordinaires. Un 6tablissement peur l'instruction des enfans des Francis et des Sauvages, auquel on donna le nom de collöge, fut commenc6 en 1635, particuli£rement par les eoins du jesuite R E N K ' ROHAULT, fils du marquis d e GAMACHE.
M. DE CHAMPLAIN mourut, Ä Qu6bec, vers la fin de d6cembre de la meme ann6e, universellement regrett6, et έ juste titre. C'etait un homme de bien et de πιέrite: il avait des vues droites et etait dou6 de beaucoup de pfenetration. Ce qu'on admirait le plus en ui, c'6taient son activite, sa constance a suivre ses entreprises; sa fermete et eon courage dans les plus grands dangers; un ζέΐβ ardent et d6sint6ress6 pour le bien de 1'etat; un grand fond d'honneur, de probit6 et de religion. Au reproclie que lui fait LESCARBOT, d'avoir 6t6 trop credule, CHARLEVOIX r6pond que c'est le defaut des ämes droites, et que, dans l'impoesibilite d'fetre sans defauts, il est beau de n'avoir que ceux qui seraient des vertus, si tous les hommes fetaient ce qu'ils devraient &»e. M . DE CHAMPLAIN eut pour succeeF
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HISTOIRE
seur dans le gouvernement, Μ. DE MONTMACNT, chevalier de Malte. Cependant les missionnaires contimiaient leurs travaux £vangeliques parmi les Hurons. L'occasion 6tait favorable pour faire dans leur pays un bon Etablissement ; mais M . D E M O N T M A G N Y manquait d'hommes et de finances. Les Hurons etaient inqui£t6s par les Iroquois, et.l'alliance des Francis leur avait donne une-confiance et une prdsomption qui les perdirent, ä la fin. Leurs ennemis surent les endormir par des nEgociations; mais en m£me temps qu'ils nEgociaient, ou feignaient de nEgocier avec le corps de la nation, ils attaquaient, sous differents prEtextes, les bourgades les plus Eloignees du centre, en persuadant aux autres, qu'il ne s'agissait que de quelques querelles particuliöres, ou elles n'avaient aucun intErfet d'entrer. Cependant, au commencement de l'annEe 1636, lee Iroquois cesserent de feindre, et parurent en armes au milieu du pays des Hurons. Ceux-ci les repouss^rent, cette fois, avec l'aide du peu de Francis qu'il y avait parmi eux. Mais la retraite de leurs ennemis les replongea dans leur premiere s6curit6 ; et pour comble de mal, une Epidemie, qui eel ata dans lenr pays, leur fit perdre un grand nombre de leurs guerriers. Une partie aussi de ceux qui s'etaient faits chretiens, ou qui d6siraient le devenir, laissErent leur pays, et vinrent former, aupräs de Quebec, en 1637, une bourgade qui fut appellee Sylleri, du nom du seigneur qui avait projettE cet Etablissement. Deux choses essentielles manquaient encore a la colonie ; une ecole pour Instruction des jeunes filles, et un höpital pour le soulagement des malades. Lee je-
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suites B'6taient deja donn6 de gran3e mouvemens pour lui procurer ce double avantage: deux dames illustres seconddrent leurs vues, et mirent leurs projets ä execution. La duchesse D'AIGUILLON voulut 6tre la fondatrice de l'Hotel-Dieu: elle s'adressa aux hospitalieres de Dieppe, qui s'offrirent toutes, mais dont trois seulement furent acceptees. La fondation des ursulines fut düe ä une jeune veuve de condition, nomm6e Madame DE LA PELTRIE. Cette illustre fondatrice consacra see biens et sa personne m£me ä cette ceuvre m£ritoire. Aprds avoir obtenu trois ursulines, entre lesquelles &aitla sceur M A R I E DE L'INCARNATION, que C H A R LEVOIX appelle la T H E R E S E de la Nouvelle France, die s'embarqua ä Dieppe, avec elles et avec les trois hospitali0res, le 4> mai 1639, sur un vaisseau qui n'arriva i Qu6bec que le l r . aoüt. Le jour de leur arrivfee fut un jour de f6te pour toute la ville. Tous les travaux cesserent; toutes les boutiques furent ferm£es. Le gouverneur re^ut les religieuses, a la tete de ses troupes» qui etaient sous les armes, et au bruit du canon. II les mena, au milieu des acclamations du peuple, ä 1'έgliee, ού le Te Deum fut chant6 en actions de graces. Lea hospitalieres all^rent s'6tablir 4 Sylleri: les ursulines restörent a Qu6bec. Madame DE LA P E L T R I B pouasa son ζέΐβ et sa charit6 jusqu'ä se d6pouiller du peu quelle s'6tait r6serv6 pour son usage ; ä se r6duire ä manquer parfois du n£cessaire, et ä cultiver möme la terre de ses mains, pour avoir de quoi soulager les ηέcessiteux et les enfans pauvres qu'on lui prfesentait. Ce ζέΐβ peut paraitre bien excessif, et mfeme peu £clair6, puisqu'en se r6servant un revenu, mfeme modjque, ello ee fut trouv^e en 6tat de subvenir aux besoins des
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indigene, bien plus efficacement que par le travail de see mains, et eurtout par la culture de la terre. Mais nous n'en devons pas priser moins sa bonne oeuvre, dont Ie fruit e'eet perp6tu6 jusqu'ä present, au grand a vantage de notre ville oapitale.
CHAPITJRE XI, Continuation de la guerredee Hurons et des Iroquois. Missions.—Fondation de Montreal. Cependant,la compagnie dee Cent Assooi6a demeuraitdans une inaction incompr61iensible, et paraissait ne penser nullement ä remplir mtSme une partie de ses grandes promesses. La guerre recommen9ait plus vivement que jamais entre les Hurons et les Iroquois. Cee derniers 6tarvt tomb£s inopinemeht eur une tribu iloignfee, y firent un massacre 6pouvan table, et contraignirent ceux qui eurent le bonheur d'echapper, ä chercher une retraite ailleurs. lis la trouv&rent che* les Hurons, qui n'eurent pas plutöt appria leur.d6sastre, qu'ils envoy^rent au-devant d'eux avec des rafraichisaemens, et les accueillirent avec une bienveillance et une affection qui auraient fait honneur ä des peuples c i v i l P e u t - 6 t r e la politique entrait-elle aussi pour quelque chose dans cette dfemarche ; mais Bi les Hurons augmentaient un peu le nombre de leura guerriers, en accueillant ainsi les ennemis des Iroquois, ile achevaient par lä de se rendre ces derniers irr^conciliables. Ceci se pa6sa vers l'annfee 1640. Quelque. tempe apres, trois cents guerriers hurons et algonquina. s'etant mis en Campagne, une petite troupe prit les devans, FB
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et rencontra un parti de cent Iroquois. Ces derniers charg^rent cetta-avant garde; mais malgr6 l'inegalitö du nombre, ils ne purent lui prendre qu'un seul homme. Contents n0anmoins de ce petit succ0s, et eraignant, e'ils allaient plus loin, d'avoir afiaire ä trop forte partie, ils songeaient a. se retirer, quand leur prisonnier s'avisa de leur dire que le corps dont lui et sa troupe avaient 6t6 detach6s etait beaucoup plus faible qu'eux. Sur la parole de ce captif, ils se d£termin£rent k attendre leurs ennemis, dans un lieu ou il lea assura qu'ils devaient passer. Les Hurons et leurs allifes parurent bientöt, et lee Iroquois, au d6sespoir de s'&re laiss6 duper, e'en veng&ent d'une manure terrible sur celui qui les avait engages dans ce mauvais pas. La plupart furent d'avis qu'il fallait tacher de se sauver; mais un brave, 61evant la voix, s'ecria: " Mes fibres, si ηομβ voulons commettre une telle lächet6, attendons au moins que le soleil soit sous l'horizon, afin qu'il ne la voie pas. " Ce peu de mots eut son effet: la ^solution fut prise de combattre jusqu'ä la mort, et eile fut execut6e avec toute la valeur que peuvent inspirer le d6pit et la crainte de se dishonorer. Mais la partie £tait trop inigale: les Iroquois furent tous tues ou faits prisonniers. " Si la Gr0ce eüt 6ίέ le theatre d'une action semblable, dit l'auteur des Beautes de PHistoire du Canada, le prisonnier qui se sacrifie ä la gloire de εοη pays; l'homme iloquent qui arr6te, par deux ou troie paroles, ses compagnons pr6ts ä fuir; les braves qui se d6fendent contre des troupes quatre fois plus fortes, eussent bib immortalises par tous les arts, et consacres comme des h£ros demi-dieux.',
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Lee allies ne eurent pas profiter de l'avantage qu'ils venaient de remporter; et, de leur cöte, lea Iroquois, plus amines que jamais par l'6chec qu'ils avaient re$u se promirent d'en tirer une vengeance 6clatante. Maie pour ne pas s'attirer en mfime temps sur les bras trop de forces r£unies, ils mirent tout en usage pour faire prendre aux Hurons et autres Sauvages, de l'ombrage des Fran^ais. Iis firent partir trois cents des leurs, qu'ils diviserent par petites troupes: les Sauvagee qui tomb^rent entre leurs mains furent traitfes avec toue les raffinemens de barbarie qu'ils etaient capables d'inventer; tandis que quelques Francis, qui furent pris par eux, n'eurent aucun mal. Quelque temps aprds, plusieurs partis d'Iroquois paparurent aux environs des Trois-Riviöres, et tinrent en echec, pendant plusieurs mois, toutes les habitations fran$aises; puis, lorsqu'on s'y attendait le moins, ils offrirent de faire la paix avec les Fran§ais, mais ä condition que leurs allies n'y seraient pas compris. M . d e Montmagnt monta aux Trois-Riviöres, dans une barque bien arm6e, et envoya de Ιέ aux Iroquois le P . Ragueneau et le sieur Nicolet, pour leer demander les prisonniers frangais qu'ils retenaient, et eavoir leurs dispositions touchant la paix. Ces d6put6s furent bien re^us: on les fit asseoir, en qualit6 de m6diateurs, sur une espöce de bouclier; on leur amena ensuite lee captifa li6s, mais l£gerement 5 et aussitöt, un chef de guerre fit une harangue fort 6tudi6e, dans laquelle il s'effor^a de persuader que sa nation n'avait rien tant a cceur que de vivre en bonne intelligence avec les Franjais. A u milieu de son discours, il e'approcha dee prisonniers, les d61ia, et ietta leurs liens par-dessus la pa-
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liseade, en disant: " Que la ri vifere lee empörte si loin qu'il n'en eoit plus parle." II präeenta, en m&ne temps, un collier aux deputes, comme un gage de la libertfe qu'il rendait aux enfans d'OiioNTHlo,* Puis, prenant deux paquets de peaux de castor, il les mit aux pieds dee captifs, en disant qu'il n'6tait pas raisonnable de les renvoyer nus, et qu'il leur donnait de quoi se faire des robes. II reprit ensuite son discours, et dit que tous les cantons iroquois dfeairaient ardemment une paix durable avec les Frangais, et qu'il suppliait, en leur nom, le gouverneur de cacber sous Ees habits les hacbee des Algonquins et des Huron», tandis qu'on negocierait cette paix; assurant que, de leur cote, il ne serait fait aucune hostility. Il pariait encore, quand deux canots d'Algonquins ayant paru a la vue de 1'endroit ou se tenait le conseil» les Iroquois leur donnferent la chasse. Les Algonquins ne voyant nulle apparence de pouvoir rfesister ä tant de monde, prirent le parti de se jetter dans l'eau et de s'enfuir ä la nage, abandonnant leurs canots, qui furent pill es sous les yeux du gouverneur. Un proced6 aussi indigne montra le peu de fond qu'il y avait a faire sur la parole des Iroquois, et la n6gociation ful rompue, & I'heure m6me. C'6tait, remarque CHARLEVOIX, une situation bien triste que celle oii ee trouvait le gouverneur general de la Notrvelle France, exposfe tous les jours a recevoir de * Onontkio, en langue huronne et iroquoise, veut dire Grande-Montagrie, et c'est ainsi qu'on leur avait dit que se nommait M. DE MONTMAGNT. Depuis ce temps, ces Sauvages, et ä leur exemple, tous les autres,. appellerent ONONTHIO le gouverneur general du Canada, et donnerent au roi de France le nom de grand ONOHTHIO.
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pareila affrons, faute d'etre en 6tat de tenir iseulement en 6quilibre la balance entre deux partia de Sauvages, qui tous ensemble, n'auraient pas tenu contre quatre ou cinq mille hommes de troupes. Mais les cents associ6a ne revenaient point de leur assoupissement, et la colon» semblait diminuer, de jour en jour, en nombre et en force, au lieu d'augmenter, comme eile aurait dü faire. Avant de passer plus loin, nous dirons un mot des missions, objet principal alors, pour une grande partie des Francis qui demeuraient dans ce pays, ou qui y avaient des relations. Pendant que les PP. Jerome Lallemant, de Brebeuf, et autres, faisaient tous les efforts possibles pour convertir au christianisme les Hurons, les Algonquins et les Outaouais, les PP. Turcis, P e r r a u l t , Lionnes, travaillaient danB le mime but, chez les tribus de Sauvages des environs du golfe de Saint-Laurent, d6sign6s alors sous le nom de Gaspesiensf ä cause de la baie de Gaspe, ou la plupart des vaisseaux qui fräquentaient ces parages venaient jetter l'ancre. II y avait aussi une mission a Tadousac, lieu plus fr6quent6 qu'aucun autre par lea Montagnais et autres Sauvages du nord. lis arrivaient, quelquefois tous ensemble, et quelquefois, les uns apr£s lee autres ; mais ä l'exception d'un petit nombre, aussitdt la traite faite, ils e'en retournaient chez eux, ou plutöt, se dispersaient dans les montagnes et les for^ts. Plus lard, les j6suites all^rent au-devant de ces Sauvages jusqu'i Chicoutimi, sur le Saguenay, ού ces p^res eurent un etablissement considerable et en tr£a bon etat. Outre lee Algonquins, un nombre assez considerable de Sauvages dee tribus les plus recul£ee vers le nord, commen^aient a prendre l'habitude de ve
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nir passer presque toute la belle eaison dans lee environs des Trois-Rivieres; mais comme ils s'en retournaient dans leur pays, aux approches de l'hiver, les missionnaires ne parvenaient que difficilement a les instruire aaeez pour en faire des n6ophytes. Montr6al n'existait pas encore: M . D E C H A M P L A I I T avait bien compris de quelle importance il serait d'occuper et de fortifier Pile de ce nom; mais la compagnie de la Nouvelle France n'6tait pas entrte dans ses vues, et il fallut que ce fussent des particuliers qui se chargeassent de l'ex^cution de ce projet; mais ils le firent plutöt dans dee vues de religion et de piet6 que par des motifs d'interet ou de politique. Des. personnes puissantes, tant eccl£siastiques que laics, et anim6es d'une devotion et d'un ζέΐβ religieux peu commun, meme dans ce tempsla, s'assocterent sous le nom de " Compagnie de Montr6al, pour le soutien de la religion catholique en Canada, et la conversion des Sauvages." Suivant le plan de cette nouvelle compagnie, il devait y avoir, dans l'ile de Montr6al, une ville, oil plutöt, une bourgade fran^aise bien fortifiee et ä l'abri de toute insulte: les pauvres devaient yfetrere^us et mis en etat de subsister de leur travail: l'on proposait de faire occuper le reste de l'ile par des Sauvages, de quelque tribu que ce füt, pourvu qu'ils fussent chrfetiens, ou voulussent le devenir.* L'an 1640, en vertu de la concession que le roi * Le nombre de ceux qui entraient dans cette noiiVelle association etait de trente-cinq. Peut-etre le lecteur ne eera-t-il pas fäche de voir ici les noms des principaux: c'etaient, parmi les eccesiastiques; M M . J . J . OLLIER, fondateur et premier superieur du Seminaire de SaintSulpice ; A . LE RAGOIS DE BRETONVILLXRS, Gabriel DE QUELUS, Nicholas BARREAU et P . Β . LEPRETREJ pretres
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venait de lui faire de l'ile, la corapagnie en fit prendre possession, ä l'issue d'une messe solenneile, qui fut c616br£e sous une tente. L'annee suivante, Ie sieur CHAUMEDAY DE MAISON-NEUVE, u n des associ6e, y
amena plusieurs families de France. N'6tant arrive ä Quibec qu'au mois septembre, il jugea que la saison etait trop avancee p o t r entreprendre de se rendre de suite dans l'ile de Montreal, ού il n'y avait pas encore d'habitation, et se contenta d'y envoyer quelques d6fricheurs, afin d'y pr£parer une place de dibarquement pour le printemps suivant. Le d6barquement se fit le 17 mai 1642, sur la pointe nomm£e depuis Pointe-aCallieres, en pr6sencc du sup6rieur general des j6suites et de M. DE MONTMAGNY, qui avait bien voulu accompagner M . DE MAISON-NEUVE, quoiqu'il se f ü t
d'abord montr£ ορροεέ ä l'etablissement de Montrßal, et βύί fort sollicit6 les nouveau-venus de se fixer plutöt dans l'ile d'Orl6ans, alors encore enticement inculte. Le superieur des j£suites c616bra aussitöt la messe, dans une petite chapelle, qui avait et6 bätie pour cette fin. Le soir du m6me jour, M . DE MAISON-NEUVE voulut visiter la Montagne qui a άοηηέ son nom a l'ile: denx du meme seminaire : parmi les laics, M M . J. LEBOYER DE LA DAUVERSIERE, qui fut le premier moteur et comme l'agent gέneral de la compagnie ; P. CHEVRIER B E F A K CAMP, L E P R E T R E DE F I . E U R Y , M . ROYER D U P L E S S I S D E LIANCOUR, J. GIRARD D E C A L L I E R E S , Bertrand DROUART, H . L . H A B E R T D E MONTMORT, C . D U P L E S S I S DE M O Ν Τ Ε ART, A . BARILLON D E MORANGIS, Jean G A L I B A L , L . SEGUIER DE S A I N T - F I R M I N . D'AILLEBOUT DE M U S S E A U , D'AILLEBOUT DE COCLONGES, Paul CHAÜMEDAY D E M A I S O N - N E U V E , et Madame la duchesse de BULLION, repr6sentee par Mademoiselle Jeanne M A N S E , qui vint en Canada avec Μ . DE M A I S O N - N E U V E .
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vieux Sauvages, qui l'y accompagnörent, l'ayant fait monter jusque sur la cime, lui dirent qu'ils 6taient de la tribu qui avait autrefois habit6 ce pays. " Nous etions, ajout^rent-ils, en trds grand nombre: toutes les collines que tu vois k l'orient et au midi etaient couvertes de nos cabanes. Lea Hurona en ont chass6 nos aac^tres, dont une partie s'est refugi6e chez les Ab6naquis, une autre chez les Iroquois, et le reste est demeur6 avec nos vainqueurs. " M. de Maison-Neuve recommanda i ces Sauvages d'avertir leurs frdres de se r6unir dans leura anciennes possessions, les assurant qu'ils n'y manqueraient de rien, et qu'ils y seraient en süretfe contre quiconque entreprendrait de les inquieter. Iis promirent de faire pour cela tout ce qui dependrait d'eux; mais il parait qu'ils ne purent venir a bout de rassembler les d6bris de leur tribu disperse. II arriva bientöt une nouvelle recrue, avec M. d'Aill e b o u t de Musseau, un des associ6s, et une troisi£me, l'annee suivante. L'etablisgement, qui fut nomm6 Ville-Marie, pritla forme d'un commencement de ville, et fut entourr6 d'une palissade de pieux debout.
CHAPITRE XII. Ncuvelles
Incursions des Iroquois.—Nigoriaiions. Jljfaires de PAccdie.
L'assurance qu'avaient eue les Iroquois de paraitrc en armes a la vue des Trois-Rivieres, et l'audace avec laquelle ils avaient insulte le gouverneur general, lui firent comprendre qu'il ne pouvait se trop pr£cautionner contre une nation qui paraissait determin0e ä employer £galemerit la ruse et la force. Son premier εοίη fut de batir un fort a. l'entree de la riviere de Richelieu. Ce fort fut acheve en peu de temps, quoi que pussent faire sept cents Iroquois, qui vinrent fondre sur les travailleurs, mais qui furent repouss6s avec perte. Ces ennemis communs de tous les autres habitans du Canada, assures d'etre soutenus par les Hollandais de Jtfanhatt (ci-apres New-York), qui commen^aient a leur fournir des armes et des munitions, et a qui ilsvendaient les pelleteries qu'ils avaient enlevees aux allies des Fran^ais, ne cessaient pas leurs courses et leurs brigandages. Les rividres et les lacs etaient infestes de leurs partis de guerre, et le commerce ne pouvait plus se faire sans les plus grands risques. Le P . J O G U E S , que des Hurons conduisaient dans leur pays, tomba entrp leurs mains, et fut horriblem&it maltraite, et un G.
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Francis, qui l'accompagnait, fut mis & mort, ainsi que la plupart des Hurons. Quelque temps apres cette rencontre, im parti de cent Iroquois parut devant le fort de Eichelieu. M. DE MONTMAGNY, qui y 6tait mont6, en tua plusieurs, et coatraignit les autres de se retirer. Mais bientöt, on ne re$ut plus que des nouvellea d6sastreuses du pays des H u r o n s l e s Iroquois detruisaient par le feu des bourgades entiäres, eten massacraient tous les habi· tans. Ces barbares ttaient partout: ils prirent, sur le lac Saint-Pierre, le P . BRESSANI, qu'ils traitörent comme ils avaient fait le P . JOGUES. Tous ceux qui accompagnaient ce religieux furent tu6s ou fails prisonniere. Cependant, quelque determines que parussent 6tre les Iroquois de pousser la guerre ä toute outrance, contre les Francis et leurs allies, ils ne laissaient pas de montrer, de temps a autre, quelque inclination ä la paix. Quelque temps apr£s la rencontre sur le lac Saint-Pierre, le commandant des Trois-Rivieres ayant fait savoir ä Μ. DE MONTMAGNY cjue des Algonquins et des Hurons etaienl firrives a son poste, avec U'ois prisonniers iroquoi?, CÜ dernier se rend it sur les lieux, fit assembler les prineipaux des deux tribus, et leur dit que s'ils vouhienl lui laisscr la disposition de leurs pri* Les jesuites avaient fait, ou commence a faire, des Hurons, ce qu'ils lirent, plus taril, des Sauvagesdu Paraguay, un peuple de Chretiens presque en tont semblables & ceux tie la primitive eglise, et de plus soumis ä leurs pasteurs ecclesiastiques, dans le temporel comme dans le spirituel. Ces religieux s'etaient etablis dans chacune de leurs bourgades, et leur avaient donnö a toutes des noms de. saints ou de saintes : c'etaient les bourgades de SainteJiTarie, de Saint-Michel, de Saint-Joseph, de Saint-Jcanllijiiif-if, de Saint-Jean, dft Sahü-Igr.acc, etc,
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sonniers, il esp6rait pourvoir s'en servir pour fetablir une paix durable entre eux et les Iroquois. II leur fit voir, en möme temps, les marchandises avec lesquelles il se proposait de payer la complaisance qu'ils auraient pour lui. Les Algonquins remirent un prisonnier, et acceptdrent les pr6sens du gouverneur. Celui-ci s'etant tourn6 ensuite vers les Hurons, pour connaitre leur r6ponse, l'un d'eux se leva, et lui dit: " Ma bourgade m'a vu sortir guerrier, je n'y rentrerai pas marchand. Que me Ibnt tes etoffes et tes chaudieres? Est-ce pour trafiquer que nous avons pris les armes et que nous nous sommes mis en Campagne 1 Si tu as tant d'envie de nos prisonniers, tu peux les prendre ; j'en saurai bien faire d'autres, et si je meursen le faisant, ceux de mon village diront: " (Test Ononthio qui Pa tue." Les Hurons donnörent d'autres raisons pour garderleuis prisonniers, et entr'autres, qu'etant des jeunes gens, ils devaient attendre la d6cision de leurs anciens. Le gouverneur ne jugea pas ä propos d'insister davantage. Les anciens d6cid6rent que les prisonniers seraienf renvoyes au gouverneur. Des d6put6s iroquois arrivdrent aux Trois-Riviöres, ou des Sauvages de toutes les tribus allifees des Frangais etaient d6ja assembl6s. M. DE MONTMAGNT s'y rendit, et marqua aux n6gociateurs le jour ού il leur donnerait audience. Ce jour venu, le gouverneur parut dans la place du fort, qu'il avait fait couvrir de voiles de barques, et s'assit dans un fauteuil, entourr6 des principaux de la colonie. Les άέρ^έβ iroquois avaient apport6 dix-sept colliers, qui Etaient autant de paroles, ou de propositions qu'ils avaient ä faire. Aprös que ces colliers eurent 6t6 ex-
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po30a ä la vue de tout le raonde, l'orateur des Cantone en prit un, et le pr6sentant au gouverneur, " Ononthio, lui dit-il, prßte l'oreille ä ma voix: tous les Iroquois parlent par ma bouche. Mon cceur ne connait paa de mauvais sentimens; toutes mes intentions sont droites. Oublions nos chants de guerre; que toutes nos chansons soient des chants d'allegresse." Puis il se mit ä chanter, en gestisculant. Le second collier remerciait le gouverneur d'avoir rendu la Hbert6 ä un Iroquois ; le troisi^me lui ramenait un Fran§ais. Les autres avaient rapport a la paix, dont la conclusion 6tait le but de l'ambassade. L'un applanissait les chemins, l'autre rendait la navigation libre; un autre enterrait les hachee de guerre. Ii y en avait qui reprfesentaient les festins qui suivraient la paix, et les visites amicales qu'on se ferait mutuellement. Le discours, ou plutöt, la pantomime dura trois heures, et la stance se termina par une espece de fete, qui se passa en chants, en danses et en festins. Deux jours apräs, Μ. de Montmagnt r6pondit aux propositions des Iroquois. L'assembl6e fut aussi nombreuse que la premi0re fois, et le gouverneur fit autant de pr6sens qu'il avait re§u de colliers. Piskar e t , chef des Algonquins, et un des plus braves hommes d'entre les Sauvages, fit aussi son present, et dit: " Voici une pierre que je mets sur la sepulture de ceux qui sont morts durant la guerre, afin qu'aucun guerrier n'aille remuer leurs os, ni ne songe ä les v e n g e r U n chef montagnais presenta ensuite une peau d'orignal, en disant que c'etait pour faire des chaussures aux d6put6s iroquois, de peur qu'ils ne se blessassent lea pieds, en s'en retoumant chez eux. La stance fut termin6e par
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trois coups de canon, que le gouverneur fit tirer, en faisant dire aux Sauvages, que c'6tait pour ρ orter en tout lieu la nouvelle de la paix. Le lendemain, les d6put£s iroquois se remirent en route pour leur pays. Deux Frangais, deux Algonquina et deux Hurona s'embarqu^rent avec eux, et trois des leurs demeurdrent en otage dans la colonie. L'hiver suivant, on vit les Iroquois, les Hurons et les Algonquins chasser ensemble aussi paisiblement que s'ils eussent έΐέ de la mfime nation. Mais la paix ne fut pas de longue dur6e: le P. Joques, qui avait et6 rendu ä la liberte, par l'entremise des Hollandais, ainsi que le P. Bressani, ayant htb tu6 chez les Agniers, de m6me qu'un jeune Fra^ais, qui l'accompagnait, ces barbares, pr6voyant qu'on les inqui6terait, se joignirent aux autres cantons, qui n'araient pas 6t6 compris directement dans le traitfe de paix, pour faire la guerre aux Hurons et aux Algonquins. D'abord, les hostilit6s ne consistent qu'en quelques coups de surprise, ού il y eut quelque8 hommes tu6s de part et d'autre; mais bientöt, il y eu* des combats plus importants: les Hurons, secourue par les Andastes, tribu nombreuse et agguerrie, remportörent quelques avantages; mais n'ayant voulu en profiter que pour parvenir ä la paix, ils furent les dupes de la mauvaise foi et des artifices de leurs ennemis. En m£me temps qu'ils s'amusaient ä n£gocier avec lea Onnontagu6s, les Agniers et les Onneyouths attaquaient leurs partis de chasse et leurs bourgades, l'une apr£s l'autre, et y mettaient tout ä feu et a sang. Pendant que les Hurons £taient ainsi attaqu£s et d6truite par lea Iroquois, on vit arriver ä Qu6bec un enGS.
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νογέ du gouverneur de la Nouvelle-Angleterre, charg6 de proposer une alliance, ou une neutralite perp^tuelle entre les deux colonies, ind£pendamment de toutes lee ruptures qui pourraient survenir entre les deux m£tropoles. M . D ' A I L L E B O U T , qui aprös avoir command6 quelque temps aux Trois-Rividres, venait de succ6der ä M· DE M O N T M A G N Y , dans le gouvernement g£n6ral, trouva la proposition avantageuse, et envoya ä Boston le sieur J E A N GODEFROY et le P . D R E U I L L E T T E S , pour conclure et signer le traite, mais έ condition que les Anglais se joindraient aux Fran^ais pour faire la guerre aux Iroquois. Cette condition fit rompre la n6gociation. C'6tait, en effet, trop exiger des Anglais, assez eloign0s des Iroquois pour n'en avoir rien ä craindre, et uniquement occup6s de leur commerce et de l'agriculture. Ce qui pouvait faire desirer ce traite de neutra)it6 aux habitans de la Nouvelle-Angleterre, c'etait principalement le voisinage des Sauvages de l'Acadie, qui 6taient pour eux ce que les Iroquois etaient pour les habitans du Canada. II se passait alors, dans cette province, des faits assez interessante pour munter de trouver place dans cette histoire. Apr^s la mort du commandeur DE R A Z I L L I , un sieur D ' A U N A Y DE C H A R N I S E ' entra dans tous ses droits, et obtint, en 1747, la commission de gouverneur de l'Acadie, c'est-ä-dire, de la partie de la presqu'ile qui portait plus particuli&fement ce nom. La premiere chose qu'il fit, en prenant possession de Son gouveraement, ce fut d*abandonner la Haive, et d'en transporter tous les habitans au Port-Royal, oü il commence un grand Etablissement. Mais, soit que le Port-Royal
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appartint ä Μ. DE LATOUR, (le mStne dont il a έίό parle plus haut), soit que les deux commandans fussent trop voisins pour demeurer longtemps amis; la m6sintelligence se mit bientöt entr'eux, et ils ne tarddrent pas ä en venir aux armes. Apr6s quelques hostL lit6s de quel que importance, C H A R N I S E ' ayant apprie qüe LATOUR etait sorti de son fort de Saint-Jean, avec la meilleure partie de sa garnison, crut l'occasion favorable pour s'en rendre maitre, et y marcha avec toutes ses troupes. Madame DE LATOUR y 6tait rest^e; et quoique surprise avec un petit nombre de soldats, eile r6solut de se defendre jusqu'ä I'extr6mit6. Elle le fit, en eflet, pendant trois jours, avec tant de courage, que les assi6geans furent obliges de s'eloigner: mais le quatri£ma jour, qui 6tait le dimanche de Päques, eile fut trahie par un Suisse, qui etait en faction, et que C H A R N I S E ' avait trouv6 le moyen de corrompre. Elle ne se crut pourtant pas encore sans resssource ; quand eile apprit que l'ennemi escaladait la muraille, eile y monta pour la d£fendre, ä la töte de sa petite garnison. C H A R NISE', qui s'imagina que cette garnison 6tait plus forte qu'il ne l'avait cru d'abord, proposa äladame de la recevoir ä composition, et eile y consentit, pour sauver la vie ä ce peu de braves gens, qui l'avaient si bien second6e. C H A R N I S E ' ne fut pas plutöt entrö dans la place, qu'il eut honte d'avoir capiiitul6 avec une femme, qui ne lui avait oppos6 que son courage et une poignee d'hommee mal armes, II se plaignit qu'on l'avait tromp6, et preteDdit 6tre en droit de ne garder aucun des articles de la capitulation. A la mauvaise foi il ajouta un exc£e de barbarie qu'on aurait peine ä croire, s'il 6ta»*
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racont6 d'un Sauvage: il fit pendre tous les gens de Madame de Latour, L· l'exception d'un 6eul, ä condition qu'il serait le bourreau de tous les autres, et il obligea son interessante prisonntere ä assister, la corde au cou, i cette atroce ex6cution. L'histoire ne dit pas si ce sc£16rat p6rii lui-mfeme par la main d'un bourreau; mais il parait qu'il ne vfecut pas encore longtemps, non plus que madame de Latour ; car quelques ann6es apr£s, par un assez bizarre caprice du hazard, on voit M. de Latour epoux de sa veuve, et de nouveau en possession du fort de Saint-Jean et mßme de Port-Royal.
CHAPITRE
XIII.
Destruction ou dispersion des Hurons.—Hostilites des Iroquois. Cependant, les Iroquois continuaient ä d6truire, l'une apr£s l'autre, les bourgades huronnes, et ä en massacrer les habitans. Plusieurs missionnaires furent envelopp£s dans ces massacres, entr'autres, les P . P . G A B R I E L LALLEMANT,
GARNIER, DANIEL
et
DE
BREBEÜJ.*
C e u x qui demeurärent parmi les restes de la nation leur conseillörent de se retirer dans quelque endroit eloign^, ou ils n'eussent plus ä craindre d'etre inquiet6s par les Iroquois. Une partie se rendit ä l'avis des missionnaires, et se retira dans les iles du lac Huron appell6es de Manitoualin, ou Manitoulines, ou sur Ie continent voisin; une partie descendit a Q u e b e c , et le reste se donna aux Iroquois, et fat incorpore avec cette natioi\· A p r e s l'an6antissement ou la dispersion des Huronsj les Iroquois ne regarderent plus les forts et les retranchemens des Francjais comme des barriöres capables de les arr&er. Iis parcoururent le pays, et se r£pandirent, en grandes troupes, dans les environs des habitations. Un 6v0nement funeste vint accroitre encore * Ce dernier 6tait oncle du traducteur de la Pharsak de LUCAIN.
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HISTOIRE
leur insolence: un de leurs partis s'6tant approch6 des Trois-Rivteres, M. Duplessis-Bochart, qui y commandait, voulut marcher contre eux en personne. II fut tu6 dans le combat, et sa mort donna un nouveau relief aux armes des Iroquois. Enfin, la bourgade de Sylleri n'6tant plus en suret6 avec une enceinte de palissades, on fut contraint de l'enfermer de murailles et d'y placer du canon. Les Iroquois n'etaient pas animes contre les seula Fran§ais: ils cherchaienl encore äexercer leur vengeance contre toules Celles des tribus sauvages qui avaient porte secours, ou don α έ asile aux Hurons. En 1651, 'Is p6netrerent chez les Mtikamigues, et autres Sauvages du nord, et ne Iaiss^rent pas un village dont ila n'eussent £gorg6 ou dissipe les habitans. La nouvelle en ayant portee έ Μ. de Lauzon, un des principaux membres de la compagnie du Canada, qui, cette mfeme ann6e, avait succede ä Μ. d'Aillebout, il comprit qu'il aurait ete n6cessaire d'opposer une digue i ce torrent; mais it n'avait amene aucun secours de France, et la colonie 6tait loin d'avoir des forces süffisantes pour rfetablir la sürete et la tranquillite. L'i'e de Montr6al ne souTrait gu£re moins que lee autres parties du Canada, malgre un renfort de cent hommes, que M. de Maison-Neuve avait 6te chercher en France. En 1653, deux cents Iroquois surprirent, dans File, vingt F r a ^ a i s , et les envelopperent de toutes parts. Ces derniers firent n6anmoins si bonne contenance, et se defendirent avec tant de r6solution, quails mirent les barbares en fuite, aprös en avoir tu6 un grand nombre. Dans le m^rne temps, cinq cents Agniers s'approcherent des Tr'ois-Eivieres, et tinient ce
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poste bloqu6 de tous cöt6a. Dans les environs de Qu6_ bec, il y eut plusieurs escarmouches avec ces Sauvages. Cependant les cinq cantons se montrerent dispoβέβ & la paix, et envoydrent des n6gociateurs ä Quebec. L a paix fut conclue, en effet, quelque raison qu'eüt le gouverneur pour ne pas trop compter sur la sinc6rit6 des Iroquois, et parüculidrement des Agniers. E f f e o livement, ces demiers ne tarderent pas ä paraitre, par petites troupes, dans le voisinage des habitations, ä com» mettre des depredations et des meurtres, et a se remettre par Ιέ en etat de guerre avec les Fran^ais et leurs allies. E n 1656, cinquante Fran^ais etant partis de Q u 6 bec, sous la conduite de M . D U P U Y S , officier de la garnison, pour aller former un etablissement chez les Onnontagues, ä la demande de ce canton, les Agniers, qui avaient eu nouvelle de ce projet, avant le depart de M . D U P U Y S , mirent quatre cents hommes en Campagne, pour attaquer sa troupe ; mais l'ayant manquee, ils s'en vcn^crent sur quelques caiiots ecartes. Apres les avoir pilles, et avoir meine blesso quelques uritf de ceux qui les conduisaient, iis feignirent de s'etre trompe^ et d'avoir pris les F r a n c i s pour des Hurons et des Älgonquins. Quekme temps apres, un de leurs partis eut la hardiefe^e de dclmrquer dans Pile d'OrK-.ans. II y trouva urie centaine de Hurons de tout age et de tout sexe, qui travaillaient dans im ekamp, les attaqua, en lua un bon nombre, et enleva le reste. Ua autre parti d'Agniers avant cu avis qu'une troupe d'Outaouais, nocompagne d'une tremaine de Francais et de Hurons, devaient remonterla Grmifle-Riritre, il l'alla aitencir!?, en ambuscade, sur le bord du lac des Deux-Mrtaφ>4$} et tun νp. bon nouibrc des uns et des autrc?>
HISTOIRE
Toutes ces aggressions ee commettalent Bans que M . DE L A U Z O N en put tirer raison. La faibleste de la colonic inspire, de la mfefiance ou du dfegout aux Sauvages domicilies dans son sein. Une grande partie des Hurons de Sylleri se retirerent, les uns chez les Onnontagu6s, les autres chez les Agniers meme. La pluparl de ceux qui prirent ce dernier parti n'eurent pas lieu de s'en louer, par la suite; car ils furent presque tous ou tues, ou trait6a en esclaves. L'etablissement projette chez les Onnontagu6s ne put se faire, et Μ. D U P U Y S fut contraint de s'en revenir, ou pour mieux dire, de fuir secrdtement avec ses gens, de peur d'ßtre poursuivi et attaque dans sa retraite. Ce fut sur ces entrefaites que M . D ' A R G E N S O N , nomm6 gouverneur, Ä la place de Μ . DE L A U Z O N , debarqua a Quebec, le 11 juillet 1658. Des le lendemain de son arrivee, il fut assez surpri$ d'entendre crier, aux armes, et d'apprendre que des Algonquins venaient d'etre massacres par des Iroquois, sous le canon du fort. II detacha aussitöt deux cents homme^ Fran^ais et Sauvages,' pour courir apr^s ces barbares; mais ils ne purent etre atteints. Peu de temps apr^s, des Agniers s'approcherent des Trois-Rivieres, dans le dessein de surprendre ce poste; et pour y mieux reussir, ils detachörent huit d'entr'eux, qui sous le pretexte de parlementer, avaient ordre de bien examiner l'etat de la place; mais M. DE LA P O T H E B I E , qui y com. mandait, en retint un prisonnier, et envoya les sept autres ä Μ. D ' A R G E N S O N , qui en fit bonne justice. Ce coup de vigueur eut tout le succ£s qu'on en attendait, et procura, pour un temps, quelque repos a la colonie.
CHAPITRE
XIV.
.Affaires ecclesiasligues.—Etat de la Colonie.— Tratti de Paix.—Phenomines. FRANCOIS DE L A V A L , connu auparav&nt sous ie nom d'abb6 de M O N T I G N Y , nomm6 ßvßque titulaire de Petr6e, et pourvu d'un bref de vicaire apostolique, d£barqua ä Quebec, le 6 juin 1659, accompagnt de plusieurs pr6trea s6culiers. D'autres prßtres le vinrenl joindre, les annees suivantes, et ä niesure qu'ils arriverent, ils furent miscn possession des eures, dont les ricollets et les jesuites avaientetü charges jusque-lä, para.· qu'ils 6taient les seuls pr6tres qu'il y eüt en Canada, si l'on enexcepte l'ile de Montreal. Dös 1647, le efeminaire de Saint-Sulpice de Paris avait acquis, par achat, tousles droits des premiers possesseurs de eette ik\ L'abbe DE Q U E L U S y vint, cette annee, avec plusieur.s. pretres, pour y fonder un s6minaire. Toute la colonie applaudit a cette entreprise, qui fut Lientöt euivie de la fondation de l'Hötel-Dieu, ä laquelle Μ. m LA D A U V E R S I E R E et madame de BULLION contribuerent le plus puissamment. La congregation de NotreDame avait έίέ institute, quelques ann6es auparava:^, par Mademoiselle M A R G U E R I T E BOURGEOIS.
S6
niSTOIRE ϋ έ β eon arrivee, Ι'ένέςιιβ de P0tr£e se montra animt d'un zele ardent pour la conversion des Sauvages, et κ concerta avec le superieur gfeneral des missions, poufaire annoncer l'evangile aux tribus les plus £loign6eF Cependant, il ne venait aucun secours de France, e 1 colonie du Canada semblait ne se soutenir que pa une espöce de miracle. Les habitans ne pouvaien s'fcloigner des forts sans courir le risque d'etre massacre ou enleves. Sept cents Iroquois, apr£s avoir defai un grand parti de F r a n c i s et de Sauvages, tinrei: Quebec comme bloque, pendant plusicurs mois. II se retirörent, vers l'automne ; mais au commencemer du printemps suivant, plusieurs partis reparurcnt c. diff&rents endroits de la colonie, et y firent de gian ! ravages. Un pretre du seminaire de Montreal fut t»i! en revenant de dire la messe ä la Campagne. M. ]· L a u z o n , sencchal de la Nouvdle-France, et fils c, precedent gouverneur, etant all 6 ä l'ilo d'Orleans, po1, degager son beau-frere, qui etait investi dans sa maiso! tomba dans une ambuscade. Les Iroquois, qui av raient ete fort aises d'avoir entre leurs mains un prisoi: nier de cette importance, le m6nagercnt pendant que que temps, ne cherchant qu'ä le lasser ; mais voyant qu1 leur tuait beaucoup de monde, ils tirerent sur lui, et ! tucrcnt. Pusieurs autres personnes de consideration ι un grand nombrc de colons et de Sauvages eurent I mömesort. Enfin, depuis Tadousac jusqu'a Montrea on ne voyait que des traces sanglantcs du passage de cc fetoces ennemis. Au fleau de la guerre se joignit une maladie fepidi: mique, qui attaqua indistincteinent les F r a n c i s et If Sauvage», et enleva surtout un grand nombre d'enfan:1
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C'fetait une espece de coqueluche qui se tournait en pleurfesie. Le peuple s'imagina qu'il y avait du mal£fice, et, chose 6trange, ce furent les m6decins qui, lee oremiers, donnörent cours ä ceite superstition. L'ignoance etait si grande et si g6n6rale alors, dans la olonie, que quelques ph6nomenes ign6s, qui parurent lans le mfeme temps, donndrentlieu aux contes les plus bsurdes. " On publia, dit C H A R L E V O I X , qu'on avait u dans l'air une couronnc de feu ; qu'aux Trois-Riviires, on avait entendu des voix lamentables; qu'au>rds de Quebec, il avait paru un canot de feu, et dans in autre endroit, un liomme tout embras6 et environne l'un tourbillon de flammes; que clans l'ile d'Orleans, ine femme enceinte avait entendu son fruit se plaindre." ..'apparition d'une comöte acheva d'effrayer la multiude. Cependant, les partis ennemis disparurent tout ä coup, t vers le milieu de l'ete, on vit arriver a. Montr£al deux anots avec un pavilion blanc. C'0taient des deputes es cantons d'Onnontague et de Goyogouin, qui rameaient quelques captifs f r a ^ a i s . Iis promettaient que ms les autres seraient rendus, si l'on delivrait tous loa ujets des deux cantons qui se trouvaient prisonniere m s la colonie. Le gouverneur gen6ral, a qui Μ. DE I A I S O N - N E U V E fit savoir l'arriv6e des deputeß irouois, se montra dispose ä 0couter favorablement leur* ropositions, et les fit accompagner, ä leur retour, par P . L E M O Y N E , pour continuer chez eux la nfegocioon. Lebaron d ' A V A U G O U R , nomm£ gouverneur g6n£ral j Canada, ä la place de M. D ' A R G E N S O N , arriva de :tance sur cea entrefaites. Son premier soin fut de vi·
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HISTOIRE
riter tous les postes de son gouvernement. Aprda cette visite, il 6crivit en France, pour deraander lee troupes et les munitions qui lui paraissaient nfecessaires. Cependant, la n6gociation pour la paix prenait une heureuse tournure dans la plupart des cantons iroquois, principalement par les soins et l'entremise d'un chef onnontague, ηοηιπιέ G A R A K O N T H I E ' . Ce chef arriva ä Montreal vers la mi-septembre. Le gouverneur general l'entretint plusieurs fois en particulier: il agrea outes les propositions qui lui furent faites, et promit d'etre de retour, avec les prisonniers fransais, avant la fin du printemps. En effet, le traite de paix fut ratifie par ceux des cantons (au nombre de trois) qui avaient negocie, et tous les captifs fran9ais furent remis au P . L E M O Y N E , qui les conduisit Ä Montr6al. Vers le m£me temps, M . P I E R R E B O U C H E R , qui commandait aux Trois-Rivieres, fut depute en France, avec des memoires, ού Ton suppliait le roi (Louis XIV) de prendre sous sa protection une colonie abandonn6e et reduite aux derniers abois. M . BOUCHER fut bien re§u du monarque, qui nomma M . DE M O N T S commissaire en Canada, et commanda qu'on y envoy at incessamment quatre cents hommes de troupes pour renforcer les garnisons des postes les plus £loignes. Μ. ηκ M O N T S s'embarqua ä la Rochelle, des le printemps. Son arrivee ä Quebec y causa la plus grande joie, tant par les secours pr6sents qu'il amenait, que par l'espfcranee qu'il y donna que, l'annee suivante, il en arriverait de nouveaux et de plus considerables. Cette joie fut bientöt trouble par la dissention qui eclata entre le gouverneur et l'evfeque ; ou plutöt peutt'tre, entre lee commer^ans et lee eccl6siastiquea. Les
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goHverneurs du Canada, remarque C H A R L E V O I X , avaient eu ordre de la cour de France de d6fendre aux colons de vendre de l'eau-de-vie aux Sauvages; et le baron D ' A V A U G O U R , en particulier, avait decerne les peines les plus graves contre ceux qui contreviendraient a cette defense. Une femme de Qu£bec y ayant contrevenu, fut conduite en prison. A la pri&re de ses parens ou de ses amis, un jesuite crut pouvoir intercfeder pour eile. Le gouverneur re§ut tr^s mal le religieux, et lui dit finalement, que puisque la traite de l'eau-de-vie n'fetait pas une faute pour cette femme, eile ne le serait ä. l'avenir pour pereonne. La chose ne tarda pas ä 6tre connue du public, et suivant l'historien que nous venons de citer, le desordre devint extreme. L'6v£que de ΡέίΓέβ crut devoir recourir aux foudres de l'feglise ; les prfedicateurs tonnörent. dans les ebaires; les confesseurs refus£rent l'absolution. Le ζέΐβ outr6 du pr61at et des ecclesiastiques excita contre eux des plaintes am^res et des clameurs injurieusee : quelques particuliers firent contre le clerge des m6moiree et des requites qu'ils envoy0rent au conseil du roi. Le pr£lat pritle parti de passer en France, pour, de eon c6t6, porter ses plaintes au pied du tröne. Le roi lui donna gain de cause, et il y a m£me lieu de croire que ce fut Ä sa demande que Μ . D'AVAUGOUR fut rappelig. La fin de cette annee 1662, et une partie de la euivante, furent remarquables par une suite de violent« tremblemens de tenre, et un nombre d'autres ph6nom«bnee, que l'imagination d£regl0e et effrayfee de la multitude exagfera d'une mani&e tout-ä-fait ridicule, conune on en pourrajugerpar les extraita euivants des journaux des jfeiuitee copies par le P . C H A R L E V O I X .
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HtSTOIRE
l'automne de 1662, on vit voler dane Pair quantite de feux sous des formes diverses. A Montrfeal, parut, une nuit, un globe de feu qui jettait un grand eclat: il fut accompagnfe d'un bruit semblable h une volee de canons. "Le 3 fevrier (1663), on fut surpris de voir que tou3 les 6difices 6taient secou6s avec tant de violence, que les toits touchaient presque ä terre, tantöt d'un c6t6 et tantöt de l'autre j que les portes e'ouvraient d'ellesmömes, et se refermaient avec un tr£s grand fracas; que toutes les cloches sonnaient, quoiqu'on n'y touch at point ; que les pieux des palissades ne faisaient que eautiller ; que les animaux poussaient des cris et des hurlemens effroyables; que les arbres s'entrelassaient lee uns dans les autres, et que plusieurs se deracinaient et »llaient tomber assezloin. "On entendit ensuite des bruits de toutes les eortes ; tantöt c'6tait celui d'une mer en fureur qui franchit ees homes; tantöt celui que pourraient faire un grand nombre de caresses qui rouleraient sur le pave ; et tantöt, le mftme eclat que feraient des montagnes et dee rochers de marbre qui viendraient ä s'ouvrir et ä se briser. " Les campagnes n'offraient que des pr6cipices.— Des montagnes entires se deracin^rent et alltirent se placer ailleurs. Quelques unes s'abimerent si profond^ment qu'on ne vovait pas meme la cime des arbres dont alles 6taient couvertes. II y eut des arbres qui s'£lanr.0rent en l'air avec avec autant de roideur que si une •nine eut joufe sous leurs racines, et on en trouva qui i'etaient replantes par la tfete.—De gros gla^ons furent !anc£s dans l'air, et de l'endroit qu'ils avaient quitt£ on vit jaillir une quantit£ de sable et de limon. Plueioura fcntaines et de petitea rivieres furent dess6ch6es.
DU C A N A D A .
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«L'air eut aussi ses phenom^nes: on y entendait un bourdonnement continuel ; on y voyait, ou l'on s'y figurait des spectres et des fantömes de feu, portant en main des flambeaux. II y paiaissait dee Hammes qui prcnaient toutes sortes de formes, les unee de piques, les autres de lances, et des brandons allumfe« tombaient sur les toits sans y mettre le feu. De tempg cn temps, des voix plaintives augmentaient la terreur. On ontendit des gemissemens qui n'avaient rien de semblable ä ceux d'aucun animal connu. "Les effets de ce tremblement de terre furent varies έ l'infini. La premiere secousse dura une demi-heure, eans presque discontinuer. II y en eut une seconde aussi violente que la premiere, et la nuit suivante, quelques personnes en compt^rent jusqu'ä trente-deux. Au cap Tourmente et au-dessus de Qu£bec, le fleuve se detourna: une partie de son lit demeura ä 6ec, et ses bords les plus έΐβνέβ s'aflaissirent, en quelques endroits, jusqu'au niveau de l'eau." Les secousses de tremblement de terre se succ£ddrent, par intervales, depuis le commencement de janvier 1663 jusqu'au mois d'aoüt de la mfeme ann6e. Mais ce qui fait voir combien l'imagination ajouta a la Γέβΐΐίέ, ou jusqu'a quel point les narrateurs se perm!· rentl'exag£ration,* c'est que durant tout ce temps, il n'r eut pereonne de tue, ni meme de bless6. * Quelques icrivains modernes pensent que ces fait« extraordinaires, relates dans des mfcmoires qui ne devaient etre rendus publics que longtemps apres la date qui leur e«t donnfee, et rapportes a l'epoque des plus violents demele· entre les autorites ecclesiastiques et civiles du Canada, n'6taiönt que de3 fraudes pieuses, crues permises alon par quelques uns, dans l'interet de l'^glise; t u srnrtont que
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les historiens de la Nouvelle-Angleterre et de la NouvelleYork, provinces limitrophes de la Nourelle-France, ne font aucune mention de phenomenes· semblables ; et nous avouons que le passage sfcivant de L'histoire da P . C H A R LEVOIX ne serait pas propre ä detromper ces ecrivains, s'ils etaient dans l'erreur: " L a mere M A R I E DE L'INCARNATION, apres avoir re^u du ciel plusiears avis de ce qui devait arriver, et dont eile avait fait part au P. LALLEMANT, son directeur, ζΐβ m£me qui arait intercede ponr la marchande d'eau-de-vie,) etant sur les cinq heures et demie du soir, en oraison, crut roir le Seigneur irrite contre le Canada, et se sentit, en ineme t emps portee par une force superieure ä lui demanderjustice des crimes qui s'y commettaient. Un moment apres, eile se sentit comme assuree que la vengeance divine allait commencer a cclater, et que le mepris que l'on faisait de« ordonnances de l'eglise etait surtout ce qui allumait la eolere divine. Elle aper^ut, presque aussitöt, quatre d e mons aux quatre extremites de la ville de Quebec, qui agitaient la terre avec une extreme violence, et une personne d'un port majestueux, qui de temps en temps, l ä chait la bride a leur fureur, puis la retirait. Dans le roeme instant, le ciel etant fort serein, on entendit, dans toute la ville, uu brait semblable & celui que fait un tres grand f e u . "
C H A P I T E E XV. Etablissement du Gouvernement Royal et du Conseil Superieur.—Oissentions. La compagnie de la Nouvelle-France, r6duite ä quarante-cinq membres, et plus que jamais incapable de remplir ses obligations, remit tous ses droits au roi, le 24fevrier 1 6 6 3 . M . DE M E S Y , que sa majeste envoyait pour remplacer le baron d'AvAUGOUR, arriva ä Qu6bec, au printemps de lameme annee, accompagne de l'evßque de P6tr6e, de M . GAWDAIS, nomme commissaire pour prendre possession, au nom du roi, de la Nouvelle France, et s'enqu6rir (le ce qui s'y etait passe r£cemment; de plusieurs officiers de guerre et de justice; de quelques centaines de soldats, et d'une centaine de families, qui venaiant s'6tablir dans le pays. Le commissaire fit prfeter le serment de fid01it6 ä toua les habitans; r£gla la police, et fit divers röglemens concernant la manidre de rendre la justice. Depuis l'ann6e 1 6 4 0 , remarque CHARLEVOIX, il y avait eu un grand sen6chal de la Nouvelle-France, et aux TroisBivi6res, une juridiction qui ressortissait au tribunal de ce magistrat d'epfee; mais il parait que celui-ci etait eubordonn6, dans ses fonctions, aux gouverneurs generaux, qui s'6taient maintenus dans la possession de ren-
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Η IST 01 RE
dre la justice, quam! on avait recours ä eux. Dans lee affaires importantes, ils assemblaient une espöce de conseil, compose du grand s6n6chal, du premier supferieur ecclesiastique, et de quelques uns des principaux habitans, auxquels on donnait le nom de conseillers. Maia ee conseil n'etait pas permanent: le gouverneur l'etalilissait en vertu du pouvoir que le roi lui en donnait, et le changeait, ou le continuait, suivant qu'il le jugeait ä propos. Ce nefut qu'en 1663 que le Canada eut un conseil fixe, etabli par le prince. L'edit de creation est du mois de mars de cette annee : il portait que le conseil serait compost de M. DE MESY, gouverneur»eneral; de M . DE LAVAL, vicaire apostolique; de M. ROBERT, intendant; de quatre conseillers, qui Bedient nommes par ces trois messieurs, et qui pourraient vtre chang6s selon leur bon plaisir ; d'un procureur geleral, et d'un greflier en chef. Μ. GAUDAIS retourna en France, d'apr6s 1'ordre qu'il ι avait re9u, par les mämes vaisseaux qui l'avaient ntienfe ä Quebec, pour rendre compte au roi de l'etat j pays, l'informer de la conduie de l'evdque et de« üclesiastiques, de Pellet qu'aurait produit l'etablisseiont du conseil, de ce qu'il y avait de fori de dans les *aintes port6es par le baron D'AVAUGOUR, et de U paniere dont M. DE MESY aurait 6te re^u. II parait ue ce commissaire se conduisit en homme diligent, infgre et impartial, et que personne n'eut ä se plaindre de on rapport. Μ. ROBERT, conseiller d'6tat, qui avait ete nomme ί Intendant de justice, police, finance et marine pour a Nouvelle France," par provisions dat6es du 2 1 mar» (663, ne vint point en Canada; et Μ. TALON, qui Y
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arrivaen 1665> e s t l e premier qui exerga cet emplo dans ce pays« Pendant ce telnpsj la co'.onie joüissait de la paix, e en fctait principalement redevable ä l'influence de GA R A K O N T H I E ' parmi les siens. Ce chef avait rassem bl6 encore un nombre de prisonniers fran^ais, e t l c avait fait partir pour Qu6bec, escortfes par trente On nontagu6s. Ceux-ci furent attaques, en route, p a r u ! parti d'Algonquin?, qui les prirent, ou feignirent de lc' prendre pour des ennemis. Ii y en eut plusieurs di tu£g, et les autres furent obliges de prendre la fuite. Lc* Fran^ais mfemes eurent bien de la peine ä s'echappe: dans ce dtrsordre. II y avait lieu de craindre que cet', malheureusc affaire n'eut des suites encore plus funestemais GARAKONTHIE' parvint ä faire entendre raiso: aux Onnontagufes: tous les cantons iroquois, except celui d'Onneyouth, envoy^rent assurer Μ . DE MES de leur disposition ä vivre en paix avcc les F r a n c i s . Cependant, l'accord qu'on se flattait d'avoir fetal en Canada, par les changemens qu'on venait d'y fair«, ne fut pas de longue dur6e : M . DE JVIESY, qui ava. £t6 n o m m e gouverneur, ä la rccommandation de Ι'ένί 1 que de P e t r e e , comme le baron D'AVAUGOUR avait et rappell6 ä sa demande, se brouilla, tout religieux qu* 6tait, avec ce pr61at, et, suivant CHARLEVOIX, avtla plupart des gens en place de la colonic, entr'autrc lessieurs DE VILLERAY, conseiller, et BOURDON, proct reur g6n6ra1, qu'il fit embarqiier, dit-il, cans aueur forme de justice. Pour decider avec connaissance t cause qui avait Ie plus de tort, du gouverneur ou ι l'fevfeque, car nous avons peine ä croire que l'un c l'autre fut tout-ä-fait exempt de b'äme, dans ce di:
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HISTOIRE DU CANADA.
ferent, il nous faudrait avoir ce qui nous manque* les memoires qui furent £crits de part el d'autre, et qui partagörent alors l'opinion publique. Le P . DE C H A R L E V O I X mentionne que l'feveque de Petree avan^ait contre le gouverneur des faits graves, eans dire quels etaient ces faits : M. D E M E S Y se plaignait surtout de la grande influence qu'avaient les jtsuites dans ia colonie : peut-ctre accusait-il cce religieux d'abuser de cette influence, et Μ. DE P E T R E Ε de les soutenir. C'est du moins ce que notre historien donne ä entendre, en disant que le gouverneur, en recriininant, ne se disculpait pas. Quoiqu'il en soit, le pr£lat, soutenu de la majorite du conseil, l'emporta encore une fois, ä la cour de France, et M . DE M E S Y fut rappeile. On lui donna pour successeur D A N I E L DE R E M I , seigneur de C O U R C E L L E S , olficier de merite et d'exptrience; et M . ROBERT, qui, com me nous venons de le dire, ne vint pas en Canada, fut remplace par Μ . TALON, intendant en Hainaut. Les provisions de ces messieurs etaient accompagnees d'une commission particuliere, pour informer, conjointement avec Α ι. Ε χ Λ Ν Ο Ρ. Γ. DE P R O U V I L L E , marquis deTRACY, ηοπυηέ, depuis cjuclque temps, vice-roi en Amerique, contre M . DE M E S Y } avec ordre, au cas qu'il fut trouv6 coupable des faits dont il etait accus6, de l'arröter et de Uli faire son procös. Enfin, les ordres furent donnes pour lever de nouveaux colons, et faire embarquer pour le Canada le regiment de Carignan-Saltöres, qui arrivait de Hongrie, oü il s'etait fort distingu6, dans la guerrc contre les Turcs.
CHAPITRE XVI. Construction de differents Forts.—Travaux de Ρ Intendant.—Expedition contre las Iroquois. Le marquis DE T R A C Y , qui avait 6te aux lies fran^aises avanl de venir en Canada, arriva έ. Quebec, au mois de juin 166Ö, avec quelques compagnies du regiment de Carignan. Aussitöt aprds son arrivee, il d6tacha une partie de ses soldats, avec des Sauvages, sous la conduite du capitaine T I L L Y DE R E P E N T I G N T , pour donner la chasse aux Iroquois, qui avaient recommence leurs courses. II n'en fällut pas davantage pour obliger ces barbares a faire retraite, et a dfelivrer la colonie de leur pr6sence. Le reste du regiment de Carignan, Α quelques compagnies pres, arriva avec M . D E S A L I E R E S , qui en otait colonel, sur une escadre qui portait aussi MM. DE C O U R C E L L E S et T A L O N , un grand nombre de families, quantit6 d'artisans et d'engag^s, les premiere chevaux qu'on ait vus en Canada, des boeufs, des moutons, etc., en un mot, une colonie plus considerable que celle qu'on venait renforcer. D6s que le vice-roi eut re$u ces secours, il se mit ä la tete de toutes les troupes, et les mena ä Penträe de la riviöre de Richelieu, ou il les fit travailI
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HISTOIRE
ler, en m£me temps, a la construction de trois forts. Le premier fut place ä l'endroit m£me ou avait ete celui de Richelieu, bäti par le chevalier DE MONTMAGNY, et dont il ne restait plus gu^re que les ruinea. M. DE SOREL, capitaine au regiment de Carignan, qui en fut charg£, et y fut laiss6 pour commandant, lui donna son nom. Le second fort fut bäti au pied du rapide de la riviere Richelieu : M. DE CHAMBLY, capitaine au m£me regiment, en eut la direction et le commandement, et le nom de Saint-Louis, qu'on lui donna d'abord, se changea bientot en celui de cet officier. M. DE SALIERES se chargea du troisißme, qu'il fit construire environ trois lieues plus haut que le second, sur la m£me rivi^ro : il lui donna le nom de Suinte- Therese, ety choisit son poste. Ces ouvrages, qui furent ex£cut6s avec une diligence extreme, intimiderent d'abord les Iroquois, surtout les Agniere, et leur bouch^rent le passage principal et ordinaire pour entrer dans la colonie; mais ces barbares ne tardörent pas ä s'en ouvrir plusieurs autres; et l'on reconnut bientöt qu'on aurait pu choisir pour quelques uns de ces forts des situations plus convenables, et qu'en les r6partissant sur dee points plus differents et plus 61oign6a l'un de l'autre, on eüt prot6g6 la colonie d'une manure plus efficace et plus permanente. Pendant qu'on £tait ainsi occup6 ä se mettre ä couvert des incursions des Iroquois, M. TALON ne demeurait pas oisif a Quebec: il s'instruisit parfaitement de la nature, des ressources et des forces du pays, et bientöt il eut acheve un memoire, qu'il adressa ä Μ. COLBERT, ministre de la marine et des colonies. II lui apprenait que M. DE MESY £tait mort avant que la nou-
DU CANADA.
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velle de son rappel fut arrivee en Canada ; qu'il avait fete juge a propos, entre M. DE TRACT, Μ. DE COURCELLES et lui, de ne point informer contre la conduite de ce gouvemeur; et que l'6v6que de Petr6e, les ecclfesiastiques, le conseil supferieur, en un mot, tous ceux qui s'6taient d6clar6s ses parties, n'ayant point fait de nouvelles instances ä ce sujet, ils avaient cru que le roi ne trouverait pas mauvais que ses fautes fussent ensevelies avec lui dans son tombeau. II disait, entr'autres choses, ä M. COLBERT, qu'il ne connaissait point, pour un grand ministre comme lui, de plus glorieuse occupation que les soins qu'il donnerait au Canada, n'y ayant point, dans l'Amferique, de pays qui put devenir plus utile ä la France. "Mais, continue-t-il, si sa majestfe veut faire quelque chose du Canada, il me parait qu'elle ne rfeussira qu'en le retirant des mains de la compagnie des Indes*, et qu'en y donnant une grande liberte de commerce aux habitans, ä l'exdusion des seuls Strangers. Si, au contraire, eile ne regarde ce pays que comme un lieu de commerce propre ä celui des pelleteries, et au d6bit de quelques denrfees qui sortent du royaume, l'femolument qui en peut revenir ne vaut pas son application, et mferite trös peu la vötee· Ainsi, il me semblerait plus utile d'en laisser l'enttere direction ä la compagnie, * Presque aussitöt ai1 fit echouer deux pingues, ou navrres ä varangues plates, vis-ä-vis de la principale redoute, ä l'entr6e de la riviere Montmorency, et fit placer un vaisseau de 60 canons entre ces deux bätimuns. Pendant que ces vaisseaux canonnaient la redoute, les brigades de T O W N SEND et de M U R R A Y furent mi sea en bataille, pour tenter le passage du gue, quand l'ordre leur en serait donn6 ; et celle de M O N K T O N eut ordre de traverser de la Pointe Levy, pour soutenir les deux premieres, e'il etait necessaire. une heura de l'apr^s-midi, le chevalier de L E V I S fut informe que 2,000 hommes de troupes anglaises etaient en mouvement, du cöt6 du gue : il fit aussitöt partir cinq cents hommes et les Sauvages, pour renforcer ce poste, et donna ordre au capitaine D O P R A T de suivre le mouvement des ennemis, et de Pinformer de ce qui se passerait. S'etant apper^u que les troupes anglaises embarquees dans des berges et des chaloupes paraissaient se dinger vers la partie du camp retranche qui 6tait vis-ä-vis de la pointe de l'ile d'Orleans, il y fit marcher le rfegiment de Roussillon, avec ordre au commandant de ce corps de communiqiier, par sa droite, avec les troupes qui s'avan§aient du centre de l'armöe vera les redoutes du Sault. Le gen6ral MONTCALM joignit M. DE L E V I S , vers deux heures, et approuva les dispositions qu'il avait faites. A
SU CANADA.
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Cependant, les bcrges anglaises faisaient divers mouveraens propres a inquUiter lee Fran^ais, en les mettant dans l'imposeibilite de deviner en quel endroit se ferait l'attaque principale, ou plutöt, eu leur donnant a croire qu'ils seraient attaqu6s, en m£me temps, ä different* endroits. Ces mouvemena divers venaient, en grande partie, de ce que la plupart des berges s'ichoudrent sur des bas-ionds; ce qui fit que les troupes ne purent debarquer aussitöt que le gέnέral l'aurait d6sir£. La brigade de T o w n s e n d attaqua les retranchemene du Sault, avant qu'elle füt ä portee d'etre soutenue par les deux autres, et fut re^ue par un feu si vif d'artillerie et de mousqueterie que, d6s I'abord, les grenadiers, qui s'6taient avanc6s presque en desordre, ä la tßte des autres troupes, perdirent un grand nombre d'hommes, et surtout d'officiers. Le chevalier de L e v i s , voyant que lea Anglais s'6taient determines ä ne faire qu'une eeule attaque, fit renforcer le point attaqu6 dee regimens de Guienne et de Roussillon. Les Anglais redoubldrent d'efforts, souter.us par lc feu de leurs vaisseaux fechoue?, mai9 toujours Bans succ0s, et perdirent beaucoup de monde. Vers cinq heures, la confusion se mil dans leurs rangs; ils commenc^fent a plier et a se retirer, et il survint une esp£ce de tempfcte, qui les deroba, pour quelque temps, ä la vue de leure ennemis. Lorsque les Francis les revirent, ils s'embarquaient dans leure berges et leurs chaloupes, derrtere leurs navires £chou6s. La perte des Anglais, dans ce combat, qui se livra le 31 juillet, fut de prds de 1,000 hommes, en tu6s, blesses et prisonniers. Celle des Fran9ais ne fut que d'une trentaine de soldats tu6s, et de quelques officiers AC
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HISTOIRE DU C A N A D A .
bless6s. La victoire que ces derniere remporterent fut principalement dike aux judicieusee dispositions et I l'activit6 du chevalier de L E V I S . Aussit6t apr£s 9a d6faite, W O L F E detacha le brigadier MURRAY, avec 1,200 hommes, afin de seconder l'amiral HOLMES, qui 6tait pass6 au-dossus de Q u e bec, avec quatre vaisseaus, pour tenter de d£truire les A g a t e s fransaises. M U R R A Y tenta deux fois de descendre ä la Pointe aux Trembles, et fut repousse, chaque fois, par M . DE B O U G A I N V I L L E , qui y commandait, avec environ 1,000 hommes. Le general anglais r£ussit n6anmoins ä effectuer une descente ä Dechambault, ο ύ il brula quelque bagage appartenant aux officiers de l'arm6e fran^aise ; aprös quoi, il se rembarqua. Quelques jours apr£s le combat de Montmorency, le G£n£ral DE L E V I S fut envoy6 dans le gouvernement de Montr£al, pour y ordonner les travaux et les dispositions qu'il croirait les plus utiles pour la defense de cette partie de la colonie.
CHAPITRE XLV. Bataille de Quebec.—lietraite de Farmee frangaise. Capitulation de Quebec. L e s A n g l a i s p a s s e r e n t tout le m o i s d'aoiit ä c a n o n n e r Q u e b e c et le c a m p de M o n t m o r e n c y , et ä faire s u r l ' e a u divers m o u v e m e n s p r o p r e s ä i n q u i e t e r les F r a n ^ a i s . * * Suivant M . SMITH, les Anglais firent aussi, dans le cours du m e m e mois, des excursions qu'on pourrait a p p e l ler depr£datoires et barbares, si ellcs avaient e t e telles q u ' i l les rapporte. " L e 1er a c u t , dit, en substance, cet historien, u n d e t a c h e m c n t , commande par le capitaine GOREHAM, fut e n v o y e ά la Baie S a i n t - P a u l , pour y faire des vivres. Une corvette, qui convoyait le d e t a c h e m e n t , ayant jette l'ancre v i s - a - v i s de l'lle a u x Coudres, elle f u t saluee par une d e c h a r g e de mousqueterie, qui iui tua m i homme, et lui en blessa h u i t : sur quoi, le capitaine GOREHAM fit dsbarquer ses g e n s , c h a r g i a les habitans, et les mit en fuite. P e u content de cette facile victoire, il brula toutes les maisons, et ne laissa sur pied que l'eglise, sur la porte de laquelle il mit un ecriteau, portant qu'on en avait agi, et qu'on en agirait encore a v e c cette rigueur enverf les Canadiens, en consequence du peu de c a s q u ' i l s a v a i e n t fait de la proclamation du general WOLFE, et de l ' i n h u roanite avec laquelle ils a v a i e n t traite les Anglais, en plusieure occasions. L e capitaine GOREHAM fit ensuite nil butin qui consista en vingt betes ä comes, quarante m o u tons, plusieurs cochons, des meublfls, deshardes, des Ii vre«, etc. « L e general WOLFIS (dit toujour* M . SMITÜ,) a y a n i
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HisToms
D a n s les premiers jours de eeptembre,' le general voyant la saison avanc6e, et d6sesp6rant d* pouvoir forcer les Fraiwjais, dans leurs lignes de B e a u port et de Montmorency, rfesolut, d'aprös l'avis de son conseil de guerre, de changer de position, et d'essayer de combattre le marquis de MONTCALM, dans une sitution moins d6savantageuse ; une victoire fetant i peu pr£s devenue, pour lea assaillans, la seule alternative de salut. WOLFE,
Dans la nuit du 12 au 13 septembre ( 1 7 5 9 ) , les trou pes anglaises traversörent, en plusieurs divisions, dans des bateaux plats et de» chaloupes, de la Pointe L6vy eur la rive du nord, et debarquirent, successivement, ä l'anse du Foulon, appellee aussi, depuis, VAnse de Wolfe, sans que les F r a ^ a i s s*apper£useont de leurs appris que le cure du Chateau^Richer s'etait fortifie, dans une grande maison, avec quatre-vingts de ses paroissiens, y envoy a un dötacheraent, avec une piece de canon et «π obasier. Au premier coup de canon tire snr la maison fovtifiee, les Canadiens en sortirent, pour aller au-dtvant des assaillans; mais lis tomberent dans une ambuscade, qui leur avait ete dressfce, a l'entree du bois : il y eneuttrente de tti^s, et les Anglais leur enleverent hi chevelure, en consequence (ajoute notre historien,) de ce qu'ils s'etaiect deguises en Sauvages.
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