Histoire de l'anesthésie en odontologie: De l'antiquité au début du XXe siècle 9782343123622, 2343123624

L'origine des douleurs dentaires remonte aux premières caries, il y a 5000 ans, quand l'homme a commencé à cui

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French Pages [132] Year 2018

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Table of contents :
Préface
sommaire
Collection dirigée par le Docteur Xavier Riaud
Présentation générale
Évolution de la perception de la douleur et de sa prise en charge
La pharmacopée d’anesthésie-analgésie dentaire
Aperçu des techniques de réanimation
Conclusion
Table des illustrations
Bibliographie
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Histoire de l'anesthésie en odontologie: De l'antiquité au début du XXe siècle
 9782343123622, 2343123624

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Pauline Gruber

HISTOIRE DE L’ANESTHÉSIE EN ODONTOLOGIE DE L’ANTIQUITÉ AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE

 

 

 

Histoire de l’anesthésie en odontologie de l’Antiquité au début du XXe siècle

 

Médecine à travers les siècles Collection dirigée par le Docteur Xavier Riaud L’objectif de cette collection est de constituer « une histoire grand public » de la médecine ainsi que de ses acteurs plus ou moins connus, de l’Antiquité à nos jours. Si elle se veut un hommage à ceux qui ont contribué au progrès de l’humanité, elle ne néglige pas pour autant les zones d’ombre ou les dérives de la science médicale. C’est en ce sens que – conformément à ce que devrait être l’enseignement de l’histoire –, elle ambitionne une « vision globale » et non partielle ou partiale comme cela est trop souvent le cas. Dernières parutions Xavier RIAUD (sous la dir. de), Médecine à travers les siècles. 10 ans déjà ! (2006-2016), 2017. Vincent BOUTON, François II. La mort d’un roi de seize ans, 2017. René PREDAL, L’étrange destin du Docteur Voronoff. En quête d’une jeunesse éternelle ?, 2017. Philippe SCHERPEREEL, Philosophie et médecine, 2017. Xavier RIAUD, Dent et archéologie, 2017. Michel A. GERMAIN, Les tables d’opération. De l’Antiquité à nos jours, 2016. Philippe SCHERPEREEL, Médecins et infirmières dans la guerre de Crimée. 1854-1856, 2016. Mélanie DECOBERT, Odontologie médico-légale et Seconde Guerre mondiale, 2016. François RESCHE, Le papyrus médical Edwin Smith, 2016. Xavier RIAUD, Napoléon Ier et ses dentistes, 2016. Philippe SCHERPEREEL, Albert Calmette. « Jusqu’à ce que mes yeux se ferment », 2016. Philippe SCHERPEREEL, Pietro d’Abano. Médecin et philosophe de Padoue à l’aube de la Renaissance, 2016. Bernard DE MARSANGY, La Psychiatrie vécue au XIXe siècle. Lettres à Louisa, 2016. Isabelle CAVE, Etat, santé publique et médecine à la fin du XIXe siècle français, 2016. Julien MARMONT, L’Odontechnie ou l’art du dentiste. Poème didactique et descriptif en quatre chants, dédié aux dames, 2016. Patrick POGNANT, La Folle Clinique sexuelle du professeur P***. De la Belle Époque aux Années folles, 2016.

 

Pauline Gruber

Histoire de l’anesthésie en odontologie de l’Antiquité au début du XXe siècle

 

Du même auteur « De l’Antiquité au début du XXe siècle, un aperçu des techniques d’anesthésie-analgésie dentaire par le conduit auditif externe », article réalisé en collaboration avec Philippe Pomar, Florent Destruhaut, et Rémi Esclassan, dans les Actes du XXVIe congrès de la Société Française d’Histoire de l’Art Dentaire, vol. 21 ; Madrid, 2016.

© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-12362-2 EAN : 9782343123622





Je dédie cet ouvrage à la quintessence de l’arôme total du bonheur dans ma vie : ma famille et mes amis.

 

 

Préface

Tout commença en 2012 lors de la visite du Musée Jean Charles Auvergnat d’Histoire de la Médecine de Toulouse, dirigé par le Docteur Arielle Auvergnat. Ce long travail de recherche sur les techniques anciennes d’anesthésie et d’analgésie en odontologie fut présenté initialement dans ma thèse de Docteur en Chirurgie Dentaire le 18 juin 2015 à Toulouse, présidée par le Doyen de l’Université de Toulouse le Docteur Pomar Philippe, ainsi que le Docteur Destruhaut Florent et le Docteur Esclassan Rémi. Le 14 avril 2016, j’ai alors rédigé un article sur les anciennes techniques d’anesthésie-analgésie dentaire par le conduit auditif externe pour la Société Française d’Histoire de l’Art Dentaire, avec l’aide du Docteur Baron Pierre. J’ai alors présenté cet article lors du Congrès Européen d’Histoire de l’Art Dentaire à Madrid. En novembre 2016 j’ai reçu le prix de lauréate de faculté, médaillée d’argent pour ce travail. Je désire profiter de cette occasion pour témoigner de ma gratitude comme de mon admiration pour tous ces grands passionnés d’Histoire de la Médecine et de l’Art Dentaire qui m’ont accompagné durant tout mon parcours de jeune passionnée. Ce document permettra à chacun d’entre nous de réaliser d’une part la chance que nous avons d’exercer notre Art et de nous épanouir en ce siècle et cette société, et d’autre part de comprendre enfin les origines de la si tristement célèbre phobie du dentiste.

Pauline GRUBER  

 

 

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Présentation générale



Introduction Depuis la nuit des temps, chacun a essayé, du mage égyptien à Carl Köller, de vaincre la douleur. Selon Galien de Pergame : « La douleur est inutile à ceux qui souffrent1. » Pourtant, le principe même de soulager la douleur n’a pas toujours été reconnu : Dieu promit à Eve et à sa descendance (Bible, Ancien Testament, Genèse ; II :16) qu’elle enfanterait dans la douleur. Cependant la Genèse (Bible, Ancien Testament, Genèse ; II : 21) décrit aussi ce que l’on pourrait qualifier de première anesthésie : « L’Éternel Dieu fit peser une torpeur sur l’Homme, qui s’endormit ; il prit une de ses côtes, et forma un tissu de chair à la place. » En consultant les textes anciens de pratiques chirurgicales et en observant les instruments des différentes époques /-1), on imagine facilement les souffrances que les patients devaient endurer pour se faire soigner, seule la dextérité du praticien en réduisant le temps opératoire pouvait les diminuer. Dominique-Jean Larrey mettait moins d’une minute sur les champs de bataille pour amputer une jambe. Quant à la douleur dentaire, elle marqua l’Histoire du soin par son intensité et par le manque de recours disponibles pour l’atténuer.

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La richesse des pharmacopées venues des quatre coins du monde dont disposèrent certains médecins pratiquant l’odontologie, combinée avec l’esprit de recherche et le désir de progresser dans la qualité des soins, permit l’élaboration des premières médications. Au fil des ouvrages d’histoire, on est d’abord surpris par la diversité des substances qui pouvaient être employées, puis par leur nature qualifiée par certains de magique. Certains ont essayé aussi de modifier la sensibilité à la douleur par le biais de quelques influences « physico-mécaniques » ou « psychologiques » , tel que l’état de somnambulisme, les émotions vives ou inattendues, la réfrigération, l’électricité, ou encore plus surprenant, le malaise vagal qui aurait été utilisé en odontologie avant le XXe siècle. De nombreux moyens furent tour à tour employés, puis abandonnés, témoignage de leur inefficacité ou de leur iatrogénie. Certains praticiens même étaient opposés aux nouveautés. Alfred Velpeau (1785-1867) affirmait qu’« éviter la douleur par des moyens artificiels est une chimère qu’il n’est plus possible de *- 

poursuivre. Instruments tranchants et douleurs sont des mots qui ne se présentent pas les uns sans les autres à l’esprit du malade. Et donc il faut nécessairement admettre l’association quand il s’agit d’une opération2 ». Au même moment, le dentiste américain Horace Wells s’employait en vain à faire connaître l’intérêt anesthésique du gaz hilarant. Deux ans à peine plus tard, la première anesthésie générale par inhalation d’éther faisait la gloire de William Green Morton (18191868), dentiste à Boston, qui n’en mesurait pas encore toute la dangerosité. Résignés à privilégier l’anesthésie générale, comme d’ailleurs l’écrit Honoré de Balzac (1799-1850) : « Il n’est pas de douleur que le sommeil ne sache vaincre3 ». Les praticiens feront dès lors abstraction de la morbidité associée au moindre soin dentaire. Puis vint la cocaïne, arrivée mais boudée en Europe au XVIIe siècle. Elle révolutionnera cependant dès la fin du XIXe siècle la pratique de l’anesthésie dentaire pour nous permettre d’aboutir aux anesthésiques locaux actuellement employés. Chaque méthode d’anesthésie a donc sa propre histoire, ses propres anecdotes, de la plus pittoresque à la plus tragique. Toutes ces méthodes ont finalement permis d’aboutir progressivement aux techniques actuelles d’anesthésie et d’analgésie, ce qui a contribué à l’essor de toutes les disciplines médico-chirurgicales. Méconnues ou reconnues, dénoncées ou récompensées, les pratiques employées depuis la nuit des temps, pour venir à bout de la douleur dentaire, font partie de la préhistoire de l’anesthésie et de l’analgésie dentaire.  

 *.



Étymologies et définitions L’origine du mot anesthésie est grecque. Ce mot est formé du préfixe privatif an et de aïsthêsis signifiant sensibilité, l’ensemble formant donc le mot anaisthesia signifiant insensibilité. Les définitions qui en ont découlé sont les suivantes4 : - L’anesthésie est la privation générale ou partielle de la faculté de sentir qui peut être due à un état morbide, ou provoquée par un médicament, - L’analgésie est l’abolition spontanée ou thérapeutique de la sensibilité à la douleur. Le terme grec fut retrouvé employé notamment par le célèbre médecin grec herboriste Pedianus Dioscoride (40-90), considéré comme le premier pharmacognoste, dans son ouvrage Materia Medica 5. En anglais, le terme anaesthesia désigne la privation ou l’affaiblissement de la sensibilité. Il fut donné par le professeur d’anatomie et de physiologie américain, Oliver Wendell Holmes dans une lettre adressée à W. G. Morton, le pionnier de l’utilisation de l’éther. Il désignait sous ce terme un état d’inconscience induit par une inhalation de gaz pour diminuer la douleur de l’acte chirurgical. Ce nom est apparu en France en 1753 et pourtant l’adjectif anesthésique lui, n’a été créé qu’en 1847. Quant au verbe anesthésier, il n’est apparu qu’en 18516. 



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Les substances à propriétés anesthésiquesanalgésiques utilisées en odontologie Aujourd’hui, de nombreuses substances sont utilisées ou prescrites en odontologie. Elles peuvent avoir un passé récent comme le paracétamol, molécule de synthèse produite pour la première fois en 1953, ou plus lointain comme la morphine qui fut isolée en 1805 du pavot qui était dans la pharmacopée depuis l’Antiquité. Produites de façon synthétique ou semi-synthétique, nombreuses sont les substances de structures proches et d’usages pourtant totalement différents. Certaines étaient réservées à un usage médical ou récréatif tandis que d’autres servaient ou serviraient encore, suivant le pays, d’armes chimiques7. Le diagramme présente à la page suivante, en différentes couleurs, les effets des substances répertoriées    . Le même code couleur est ensuite utilisé dans deux tableaux explicatifs des substances connues comme analgésiques ou anesthésiques, afin de mieux comprendre leurs intérêts pour les usages médicaux et non médicaux. Les substances ne comportant aucune couleur possèdent des effets analgésiques sans effets psychotropes, elles n’apparaissent pas sur le diagramme. Voici donc un aperçu des différentes substances pouvant être employées en odontologie, mais également leurs molécules d’intérêt, et les drogues pouvant les contenir ou en dériver. Le diagramme/-2) ci-joint permet de voir les différentes classes de substances connues comme psychotropes : - les neuroleptiques (ou antipsychotiques), - les stimulants, - les dépresseurs, - les hallucinogènes. *0 

Certaines substances peuvent avoir des propriétés neurologiques plus ou moins mixtes selon le cas (intersections des cercles) : - effet antidépresseur mais non sédatif, - effet antidépresseur sédatif et anxiolytique, - effet hallucinogène psychédélique avec un pouvoir stimulant, - effet hallucinogène dissociatif avec un pouvoir dépresseur. Certaines encore peuvent être une combinaison des différentes familles et sous-familles citées précédemment. Par exemple : - le cannabis qui possède les quatre effets psychotropes, - l’acide 4-hydroxybutanoïque (GHB) qui est à la fois un hallucinogène dissociatif dépresseur et un sédatif.   



*1 

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NEUROLEPTIQUES (ou ANTIPSYCHOTIQUES)

Antidépresseurs non sédatifs

Antidépresseurs sédatifs hypnotiques et anxiolytiques

Chlorpromazine Halopéridol Dropéridol

Cannabinoïde Cannabidiol

STIMULANTS

Pseudoéphédrine Éphédrine

DÉPRESSEURS stimulants psychomoteurs: Cathonine (Khat) Amphétamines Cocaïne Cholinergiques: Muscarine Nicotine Bétel

pipérazine MDMA MDA BZP

Méthylxanthines: Théobromine (cacao) Théophylline (thé) Caféine (café)

Benzodiazépines Aconitine Propofol Hydrate de chloral Barbituriques Chloroforme Alcool Éther GHB

Cannabis

Analgésiques Narcotiques (alcaloïdes de l’opium):

THC Benzilate de quinuclidinyle Bufoténine Mescaline Psylocine LSD

Dérivés halogénés Protoxyde d’azote Kétamine Hypnovel Ergine DXM PCP

Naturels: aconitine, codéine, papavérine, thébaïne, morphine, Semi-synthétiques: héroïne Synthétiques: dextropropo-xyphène, méthadone, fentanyl,

Ibogaïne Acide iboténique Salvinorine Muscimol

Hallucinogènes psychédéliques avec un pouvoir stimulant

Hyoscyamine Scopolamine Atropine

Certains antihistaminiques: Diphénhydramine Dimenhydrinate Hydroxyzine

HALLUCINOGÈNES

*2 

Hallucinogènes dissociatifs avec un pouvoir dépresseur

Le premier tableau (Fig. 3) s’étend sur deux pages. Il rassemble les substances pouvant être utilisées en odontologie : -

-

En analgésie par homéopathie ou par allopathie (la phytothérapie utilise parfois les mêmes substances, mais étant très diverse et peu fréquemment utilisée contre les odontalgies, elle ne sera pas rapportée dans ce tableau), en anesthésie locale et loco-régionale (gels, réfrigération, infiltration), en prémédication sédative, en sédation vigile, en anesthésie générale.

Il indique de gauche à droite pour ces substances : -

Emploi en anesthésie, nom commercial le plus couramment utilisé, principale(s) molécule(s) d’intérêt biologique d’anesthésieanalgésie, termes familiers des drogues comportant la même molécule ou ses dérivés, origine végétale s’il en existe une, autre(s) usage(s) possible(s).

Le deuxième tableau (Fig. 4) mentionne à titre informatif pour la suite de cette thèse d’autres substances répertoriées comme drogues par la Convention de 1988 et ayant, ou ayant eu, d’autres usages. Il comporte de gauche à droite : -

Termes familiers désignant parfois plus ou moins la même substance, origine, qu’elle soit naturelle, semi-synthétique ou synthétique, qu’elle soit récente ou ancienne, molécule principale d’intérêt biologique d’anesthésieanalgésie.

20

Pages suivantes 22-23 : (Fig. 3) Tableau personnel des substances d’anesthésie et analgésie actuelles et leurs usages

21

Substances anesthésiquesanalgésiques actuellement utilisées ou prescrites en odontologie ANALGÉSI ES DENTAI RES . h oméopathie:

al lopathie:

ANESTHÉSI E LOCALE ET LOCO-RÉGI ONALE gel buccal . par réfrigération . par contact: gel/spray . par infiltration

Nom commercial

aconitum napellus ®

aconitine

belladonna®

atropine

hypericum®

hélénaline

cannabisindica® (pas commercialisé en France)

cannabitol, tétrahydrocannabinol (THC), cannabinoïde

stramonium®

hyoscyamine, atropine, scopolamine

mandragora officinarum® hyoscyamusniger®

hyoscyamine, atropine, scopolamine

aspégic®

acide acétylsalycilique

advil®

ibuprofène ou acide alpha-méthyl-[4-(2méthylpropyl)phényl]propanoique

hyoscyamine, atropine, scopolamine

doliprane®

paracétamol, diminutif de para-acétyl-amino-phénol

codoliprane®

codéïne

topalgic®

tramadol c'est-à-dire codéine et dextropropoxyphène

morphine®

morphine, papavérine, codéine, thébaïne

pansoral®

salicylate de choline

friljet®

dichlorotétrafluoroéthane

xylonor gel®, xylonor spray®

amino-esters: procaïne® amino-amides: mésocaïne®, articaïne®,xylocaïne® amino-éthers: tronothane® PRÉM ÉDI CATI ONS SÉDATI VES valium®, xanax®, benzodiazépines temesta® . atarax® Anti-histaminique SÉDATI ONS VI GI LES M EOPA gaz benzodiazépine (+ M EOPA) hypnovel® ANESTHÉSI E GÉNÉRALE anesthésiques intra-veineux barbituriques . . benzodiazépines . hypnotiques

M olécule ou classe de molécules à activité psychotrope

pentothal®

hypnovel®,narcozep®, valium® diprivan®, ketalar®, gamma-OH®

dérivés de la cocaïne

benzodiazépines hydroxyzine protoxyde d'azote (N20) benzodiazépines

barbiturique

benzodiazépines propofol, kétamine acide 4-hydroxybutanoïque (GHB)

neuroleptiques

largactil®, droleptan®… chlorpromazine, dropéridol,…

anesthésiques volatils/gazeux

N2O, forene®, sévorane®…

dérivés halogénés

(*Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes)(répertoriées par l’office des Nations

22

Dénominations courantes des substances équivalentes (dérivées ou identiques) reconnues comme stupéfiants par la Convention de 1988 * champignons hallucinogènes (champix, mushrooms)

Origines naturelles selon la molécule psycho-active

Autres usages

Aconitum Napellusou Casque-DeJupiter

belladone ou Herbe d'Apolline

Atropa Belladonna ou Belladone

Herbe de Saint Jean

Hypericum perforatum ou M illepertuis Perforé

cannabis,black mamba, THC, marijuana, zamal, ganja, pakalolo, shit, takrouri, marie-jeanne, haschisch

Cannabis Sativa ou Chanvre I ndien

herbe aux fous, pomme-épineuse, herbe-aux-taupes, herbe du diable, endormeuse, trompette des anges, herbe Jimson Datura Stramonium ou Stramoine usage millitaire du ou trompette de la mort scopolamine: M andragora Officinarum ou mandragore sérum de vérité M andragore jusquiame noire Hyoscyamus Niger ou Jusquiame Noire Salix alba ou Saule Blanc, Filipendula ulmaria ou Reine-Des-Prés

drogue du crocodile, à risque de pharmacodépendance badi, dundaké, bati, pembé (populations africaine) , à risque de pharmacodépendance opium, héroïne, parego, brown sugar

Papaver Somniferum ou Pavot SarcocephalusLatifoliusou Pêcher Africain Papaver Somniferum ou Pavot

coke, blanche, coco, neige, crack, cocaéthylène

Erythroxylum Coca ou Cocaier

usage vétérinaire

usage vétérinaire

reconnu médicament à risque de pharmacodépendance

usage vétérinaire

BZP ou party pills, mCPP, reconnu médicament à risque de pharmacodépendance

usage vétérinaire

gaz hilarant

usage vétérinaire

reconnu médicament à risque de pharmacodépendance

usage vétérinaire usage vétérinaire, usage millitaire du thiopental: sérum de vérité,injections létales des condamnés à mort

hydrate de chloral, encore utilisé comme anesthésique dans certains pays en développement et drogue

reconnu médicament à risque de pharmacodépendance

usage vétérinaire

drogue à l'origine de la mort de M ichael Jackson, special K, crystal ice, drogue du violeur ou GHB

usage vétérinaire

reconnu médicament à risque de pharmacodépendance

usage vétérinaire

reconnu médicament à risque de pharmacodépendance

usage vétérinaire

s unies sur les drogues et le crime (UNODC))

23

(Fig. 4) Tableau personnel récapitulatif des autres drogues nouvellement ou anciennement utilisées Substances reconnues comme drogues par la Convention de 1988* et de la même famille que certains produits anciennement utilisés

Dénominations courantes des substances équivalentes (dérivées ou identiques)

léthéon, éther anesthésique graine de wilka (Wilkana), graines et feuilles d'une mimosée (Piptadenia peregrina), peau du crapaud séchée LSD psilo, mushroom awa, samoa, tudei kava peyotl san Pedro Hayahuasca, liane desesprits ou des âmes pilule de la paix (PCP), poussière d'ange, ice, crystal, cyclone, T

Origines (naturelle, semi-synthétique, synthétique)

oxyde de diéthyle, éther diéthylique, éther éthylique, éthoxyéthane diéthyl éther

éther

proche de la sérotonine, isolée pour la première fois d'une sécrétion de crapaud

bufoténine

ergot de seigle psilocybes (champignon hallucinogène) piper methysticum (genre de la famille des pipéracée) proche du poivrier peyotl branche de Wachuma liane de Banisteriopsiscaapi et feuillesde Chacruna Viridis anesthésique retiré du marché en 1978

M DM A, ectasy, speed, ice, glass, crank, crystal, chamallow, pilule d'amour, EX, drogue de synthèse XTC, E, Adam, M DM , essence chloroforme salvia

M olécules principales d'intérêt biologique d' anesthésie-analgésie

anesthésique général administré par inhalation jusqu'à la fin du XI X e siècle salvia divinorum

ergine psilocybine, psylocine kavaïne (dérivé pipérazine) mescaline mescaline diméthyltryptamine, bufoténine phénylcyclidine amphétamine mêlée à d'autres stimulants (éphédrine, caféine), des analgésiques (codéine, aspirine, paracétamol), des hallucinogènes (LSD, atropine, kétamine, phencyclidine) et des anabolisants(testostérone…)

salvinorine

Finalement, certaines substances qui paraissent récentes ont souvent pour origine l’Antiquité, tandis que d’autres, plus récentes, sont déjà d’un usage banalisé dans la société actuelle. De nombreuses substances furent non seulement utilisées comme des drogues à usages récréatifs, mais également à des fins, de tortures, ou de sorcellerie, ou encore d’empoisonnements. Et cela, des cérémonies des prêtres égyptiens aux sabbats des sorcières, et des morphinées de 1830 aux raves party d’aujourd’hui…

24

Évolution de la perception de la douleur et de sa prise en charge

Antiquité (de 3000 avant JC à 476 après JC) La carie existe depuis que l’Homme a commencé à cuire ses aliments il y a plus de 500 000 ans. La dureté et la silice qui caractérisaient les aliments crus permettaient d’éviter la plaque dentaire. À partir de ce moment-là, divers traitements vont voir le jour, influencés par différentes ethnies. Toutes ces thérapies utilisaient préférentiellement des plantes dont les substances actives étaient chimiquement très proches. Certaines de ces substances induisaient le sommeil ou un état de transe. Obtenir l’inconscience pour réaliser un soin sans douleur était déjà décrit dans la Bible, ce qui aurait permis à Adam « d’accoucher » d’Ève sans douleur, même si plus loin il est écrit pour Ève : « Tu enfanteras dans la douleur. » En Mésopotamie Antique, le Code d’Hammurabi 1er, texte juridique babylonien rédigé en 1750 avant JC, faisait déjà la distinction entre les prêtres-médecins et les prêtres-chirurgiens. En Égypte Antique, le papyrus d’Ebers, rédigé à Thèbes vers le XVIe siècle avant JC et découvert en 1873, répertoria bon nombre d’affections dentaires témoignant des débuts d’une réflexion médicale odontologique. Par exemple, il était décrit dans certains papyrus les oukhedou signifiant le sang qui mange, c’est-à-dire les abcès dentaires18. En Grèce Antique, Homère (VIIIe siècle avant JC) écrivait dans l’Odyssée, qui serait datée de 1149 ans avant JC, qu’ « en Égypte les médecins l’emportent en habileté sur les autres hommes ». Il y conta aussi les prouesses de la belle Hélène et son népenthès. Le fils de Nyx, dieu de la nuit, et d’Hypnos, dieu du sommeil, s’appelait Morphée. Il était désigné par Homère comme le dieu des songes endormant les mortels en les effleurant d’une feuille de pavot. Dans l’histoire d’Hérodote (484 à 420 avant JC) : les Scythes induisaient un état stuporeux en inhalant des vapeurs de chanvre afin d’entrer dans un état de transe19. Hérodote parlait également de médecins des dents20 . +. 

Les temples d’Asclépios se multipliaient. Plus de 200 sanctuaires

datant pour certains de 400 ans avant JC ont été retrouvés. Leurs médecins, dits asclépiades, auraient pratiqué une dentisterie hellénistique. L’Ablaton était la salle dédiée à l’endormissement des malades qui, après avoir trouvé le sommeil, devaient rentrer en contact avec la divinité capable de les guérir ou de leur révéler le remède le plus approprié. Quant à la composition de la thériaque, évoquée par Galien de Pergame (médecin grec, 130-200 après JC), elle rassemblait plus d’une soixantaine d’ingrédients. Elle est connue comme la panacée universelle de l’Antiquité et daterait de 300 ans avant JC21. En Chine Antique, le plus connu des manuscrits médicaux décrivant des recettes contre les odontalgies fut le Bingfang ou les CinquanteDeux Recettes datant de 168 avant JC. On y retrouva une centaine de drogues, dont plus de 60 plantes toujours utilisées aujourd’hui pour leurs vertus médicinales23. Le plus célèbre des médecins chinois fut Hua-Tho (110-207) qui avait mis au point des drogues anesthésiantes telles que le mayo et le mafosan24. La pensée sur la douleur pendant toute la Haute Antiquité, fut source de confusion entre rédemption et possession. Elle intégrait une grande diversité de souffrances comme les douleurs aiguës, chroniques, le deuil ou encore le chagrin. Les douleurs physiques et psychologiques n’étaient pas encore dissociables : Sophocle avait même parlé d’êtres possédés par la douleur comme par un démon25. Soumise et héritée des diverses divinités, la médecine obtenait par le sommeil le lien entre Ciel et Terre. En observant la pharmacopée de l’Antiquité, on retrouve surtout : - La pierre de Memphis, son succès et ses mystères en Égypte, - Le pavot, - Le chanvre, évoqué par Hérodote, fréquemment présent dans des textes antérieurs de la Chine Antique. +/ 

De nombreuses autres substances, majoritairement issues de la pharmacopée végétale, furent associées dans divers remèdes au cours des siècles. Ces drogues furent souvent retrouvées dans des rites associés au chamanisme pour entrer en transe, comme par exemple dans les civilisations précolombiennes avec la coca26. On peut supposer aussi que des drogues étaient utilisées à des fins d’anesthésie en Égypte. Il existe des gravures égyptiennes avec des instruments de médecine qui semblent très sophistiqués et dont on n’imagine pas l’usage sans un moyen anesthésique minimum. Au fil des siècles, certaines de ces substances furent aussi utilisées pour atténuer la douleur de condamnés (comme Socrate) ou de sacrifiés. Il n’y a pas de traces écrites d’usages récréatifs comme aujourd’hui même si cela semble très probable. Les personnages incontournables de la pensée médicale en anesthésieanalgésie étaient alors majoritairement grecs : Il y eut d’abord Hippocrate (460 à 370 avant JC) qui était considéré comme le plus célèbre médecin de l’Antiquité et fondateur de la première école de médecine à Cos. Son Corpus Hippocraticum fut publié 100 ans après sa mort et répertoria plus de 230 plantes. Puis il y eut Théophraste (371 à 288 avant JC), qui fut comme un père pour la botanique médicinale. Mais l’anesthésie à visée opératoire peinait à se faire une place. Celse (25 avant JC à 50 après JC), écrivait que « le chirurgien doit avoir la main ferme, adroite », et qu’il doit être « courageux, intrépide, que sans être touché par ces cris il coupe tranquillement ce qu’il faut, comme si les plaintes du malade ne faisoient aucune impression sur lui27 ». Ciceron (106-43 avant JC) déclara : « Tout être vivant recherche le plaisir et s’en réjouit comme du souverain bien, il déteste la douleur comme le souverain mal, et dans la mesure du possible il s’en écarte, et il se comporte ainsi quand il +0 

n’a pas encore été déformé, et que sa nature, laissée à elle-même, juge en toute pureté et en toute intégrité28. » Scribonius Largus (0-50) fut médecin et pharmacologue et rédigea une liste de plus de 271 prescriptions. Les écrits de Pline l’Ancien, naturaliste et écrivain né à Côme (23-79 après JC), ont traversé également les âges. Son Histoire Naturelle fut souvent considérée comme une encyclopédie de référence pour les connaissances de l’époque. P. Dioscoride répertoria plus de 520 espèces de plantes dans son célèbre traité de cinq volumes de Materia Medica, qui fut connu à l’époque dans tout le Monde arabe et romain jusqu’au Moyen-Âge. Parmi ces plantes, 54 ont été incluses dans la liste des plantes médicinales essentielles de 1978 par l’OMS. Galien recensa, quant à lui, 500 plantes dans le troisième tome de son encyclopédie, qui sera le corps de l’enseignement de la médecine pendant plus d’un millénaire dans le Monde arabe et l’Europe médiévale. Monothéiste, Galien fut donc toléré par l’Église29. Avec Hippocrate, la douleur perdait en description et gagnait en signification. Il dénonçait enfin l’inutilité de la douleur, les remèdes étaient abordés de façon plus médicale. La médecine reposait donc de plus en plus sur des connaissances empiriques, c’est-à-dire acquises par l’expérience et transmises par l’Homme et non par une divinité. Elle commençait donc à s’opposer à la médecine dite magique évoquée précédemment. Les Incas, les Égyptiens, les Babyloniens, les Chinois ou encore les Mexicains, ont même développé des termes différents pour ces deux médecines qui ont cohabité dans l’histoire de l’Antiquité26. Socrate (470 à 399 avant JC) évoqua sa vision de la douleur dans sa citation du Phédon écrit par Platon (428 à 348 avant JC) : « L’absence même de la douleur est un plaisir et inversement, le mal le plus grand est assurément de vivre dans la douleur31. » Selon Cicéron (106 à 43 avant JC) : « Le plaisir que nous tenons pour le plaisir suprême est celui dont on a conscience par l’élimination de toute douleur32. » +1 

La médecine chinoise, quant à elle, aurait de multiples origines. Elle regrouperait des remèdes venus d’Inde, du Tibet, d’Asie, du sud-est de la Perse et même du Monde arabe. Ces préparations sont faites de plantes, d’extraits de minéraux et d’extraits d’animaux. La médecine chinoise est plus axée sur le taoïsme et le bouddhisme, ce qui donnait une perception de la douleur différente de celle du Monde occidental. Il s’agissait autant de prévenir la douleur que de la guérir grâce à la régulation de l’énergie interne33. La religion restant toujours proche de la pratique médicale en Occident chrétien, il exista une figure religieuse pour matérialiser le Mal qu’était la douleur dentaire : La légende de sainte Apolline, sainte patronne des dentistes, aurait débuté à Alexandrie vers la fin de l’an 240, selon Eusèbe (265-340, évêque de Césarée, Histoire Ecclésiastique). Apolline aurait eu la mâchoire brisée et les dents arrachées parce qu’elle refusait de prononcer des paroles impies, et se serait jetée elle-même dans le bûcher. Ses représentations religieuses comportent toujours une dent et une tenaille. Le déclin de l’Empire romain en 476 n’empêchera pas la diffusion de connaissances médicales et thérapeutiques vers l’orient, et cela grâce aux moines et aux lettrés.       

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Moyen-Âge (de 476 à 1453 après JC) La chute de l’Empire romain d’Occident marqua en 476 la fin de l’Antiquité en occident. Dès lors, Constantinople, fondée en 330, devint la capitale de l’Empire romain d’Orient et aussi du savoir. Elle le restera pendant plus de 1000 ans et s’enrichira de l’apport de la thérapeutique arabe25. Nombreux sont les auteurs pour qui le Haut Moyen-Âge, situé entre 476 et le IXe siècle, aurait été marqué en occident par une stagnation voire une régression des connaissances médicales et de l’organisation des soins. Ils parlent du siècle de la nuit25, 35. Cependant, dès le VIIIe siècle, les conquêtes de l’Islam ont permis la transmission des savoirs antiques et autres découvertes à l’Europe36. Au IXe siècle, la naissance des premiers hôpitaux chrétiens et des premières écoles de médecine fut guidée par les manuscrits médicaux conservés précieusement dans certains monastères ainsi que par les retours des Croisés. L’évolution de la médecine fut aussi très liée aux évènements de cette époque : - Le perfectionnement des armes engendrait des blessures nouvelles, et a permis de développer la chirurgie de guerre. - Les mouvements socio-culturels et religieux ont entraîné la laïcisation des institutions à vocation hospitalière. Dès le milieu du Moyen-Âge, il y avait différentes catégories de soignants37, 38 : - Des médecins lettrés, qui exerçaient dans les grandes villes. Ils obéissaient aux doctrines hippocratiques gréco-latines dont l’enseignement était issu de monastères, tels que l’école de Salerne (première école de médecine du Moyen-Âge ayant existé entre le IXe et le XIXe siècle), où les manuscrits avaient été précieusement conservés durant toute la période d’obscurantisme. ,) 

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Des chirurgiens laïques, bien moins coûteux, qui exerçaient dans les campagnes, dont l’apprentissage était empirique et transmis oralement. Leur savoir était acquis par leurs expériences, la transmission familiale ou le hasard des rencontres avec un médecin officiel parfois. Ils pouvaient être barbiers, bouchers, simples manants, bergers ou même maréchal-ferrant. Certains étaient des charlatans, tandis que d’autres pouvaient égaler le savoir des médecins officiels au point d’être invités à la Cour afin d’y exercer leur art.

Après une lutte acharnée entre ces différents soignants, les barbiers furent finalement désignés pour pratiquer la petite chirurgie dont faisait partie l’odontologie, alors considérée comme dégradante par les chirurgiens officiels. Les barbiers ne purent obtenir une licence d’exercice qu’en 1268, et le charlatanisme, bien que condamné, perdurera encore longtemps. Tandis qu’au IXe siècle l’influence orientale était à son apogée, les herbiers se multipliaient et sortaient enfin des jardins botaniques des monastères. Grâce à ces nouvelles substances, les scientifiques purent combiner et tester de nouvelles techniques pour lutter contre la douleur et les pathologies bucco-dentaires. C’est dans ce contexte que les premières éponges soporifiques virent le jour. Raban Maur (780-856) aurait même écrit un texte intitulé Aide Hypnotique ou Soporifique pour ceux qui doivent être guéris par la Chirurgie de telle façon qu’étant endormis, ils ne sentiront plus la Douleur. Dans cet ouvrage, il recommandait encore l’usage de thériaque mais également celui d’éponges somnifères. De nombreux auteurs se succédèrent en modifiant régulièrement les recettes des éponges soporifiques. Mais cette pratique n’étant pas propice aux bons dosages, rapidement les morts par anesthésie se multiplièrent jusqu’à l’interdiction des éponges vers la fin du MoyenÂge. Guy de Chauliac (1300-1368), humble manant auvergnat qui étudia la médecine à Toulouse et apprit la chirurgie à Paris, préconisa de prévenir la douleur autant que possible car elle favorisait selon lui ,* 

l’afflux de sang dans la plaie, ce qui était synonyme à l’époque de risque infectieux. Cette conception, issue de Galien, fut partagée par beaucoup d’autres auteurs de l’époque. Elle était étrange, car elle considérait la douleur comme un élément extérieur capable d’influencer l’évolution de la plaie, au même titre que l’air ou les corps étrangers37. La pratique de l’anesthésie-analgésie semblait progresser lentement mais sûrement… Mais avec les grandes épidémies comme la Peste noire (1347-1352), les famines, les disettes, et les multiples guerres, les croyances populaires et religieuses accusèrent la sorcellerie d’être à l’origine de tous leurs maux. Les premières suspectes furent les femmes pratiquant les remèdes de bonne fame, du latin fama, ne signifiant rien d’autre que renommé ou fameux. En effet, les plantes sauvages poussaient sur les bords de routes. Gratuites, elles étaient sujettes à de nombreuses utilisations populaires. Georges Duby (1919-1996) écrivit à juste titre qu’« en ce temps, les hommes redoutaient cet arsenal mystérieux, débilitant, mortifère. Les prêtres leur défendaient de croire à la vertu des breuvages et des maléfices (…) Étaient-ils si rares, ceux qui, au moment de s’endormir, frémissaient à l’idée que la dame ; apparemment inoffensive, reposant à leur côté, pourrait bien, durant leur sommeil, prendre leur cœur dans ses griffes et mettre à sa place une poignée de foin ? 39 ». La mandragore, par exemple, devint une des plus célèbres plantes maléfiques par sa forme humaine. Jeanne d’Arc aurait même été accusée d’en faire usage et d’en porter. À cette époque, la renommée de sainte Apolline était à son apogée. Par exemple, en Picardie, le rite consistait à mettre en contact un clou avec la gencive malade. Il fallait ensuite planter le clou dans un arbre à la hauteur de la souffrance ressentie, tel un curseur sur l’échelle visuelle analogique (E.V.A) de la douleur actuellement utilisée. Puis, ils devaient réciter la prière de sainte Apolline. L’usage de substances anesthésiques à des fins chirurgicales fut également condamné. ,+ 

La douleur devait donc être totalement subie lors des opérations. Celles-ci ressemblant alors à des scènes de tortures, le médecin devint le bourreau. Malgré tout, dans l’ombre, certains médecins continuèrent de soulager leurs patients, au risque d’être condamnés au bûcher pour sorcellerie. La quête de l’anesthésie médicale fut donc très ralentie du XIVe au XVIe siècle. Le fossé entre l’héritage scientifique et l’archaïsme des rituels de prière était alors flagrant. À la fin du Moyen-Âge, la médecine était divisée sur la perception de la prise en charge de la douleur : -

Une médecine empirique qui sera soutenue à la Renaissance par Paracelse (1494-1541) et Ambroise Paré (1510-1590). Les médecins s’inspiraient du patrimoine pharmaceutique des paysans pour publier des recettes plus efficaces afin de soulager par tous les moyens les patients.

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Une médecine stoïcienne selon laquelle la douleur devrait être ignorée. Il s’agissait donc de se maîtriser parfaitement face à la douleur et de pas ne s’y opposer. En accord avec la morale chrétienne, la résistance à la souffrance valorisait l’Homme à ses yeux et à ceux de Dieu. La foi et les prières devaient être source de salut et de guérison. C’est pourquoi les artistes de cette fin de période occultaient la douleur dans leurs œuvres.

Malgré l’âpreté de la vie quotidienne, les textes révèlent les prémisses de prise en charge de la douleur dentaire pendant le Moyen-Âge. Les remèdes furent cependant au mieux inspirés de l’Antiquité ou de l’Orient, de remèdes de bonnes fames basés sur l’empirisme et la transmission familiale, ou au pire, de potions soi-disant magiques à base de tout et de n’importe quoi. L’anesthésie-analgésie dentaire au Moyen-Âge était donc majoritairement représentée par les éponges soporifiques et d’autres préparations à base de plantes.

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Renaissance (de 1453 à 1789 après JC) L’année 1454 est marquée par une découverte qui joua un rôle capital dans la transmission du savoir : l’invention de l’imprimerie. Au début de la Renaissance, cette nouvelle technique a permis aux lettrés un meilleur accès à des recueils médico-chirurgicaux et pharmaceutiques, puis une vulgarisation de certains ouvrages scientifiques comme par exemple La Médecine et la Chirurgie des Pauvres écrite en 1714 par le bénédictin Dom Nicolas Alexandre (1654-1728), régent de la Faculté de Médecine de Paris. Le renouveau de la médecine dès le XVe siècle fut également facilité par : -

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Le retour des colons qui rapportaient de terres nouvelles des plantes médicinales jusque-là inconnues, les champs de bataille qui continuaient à faire évoluer les techniques chirurgicales, comme le prouvèrent les écrits d’A. Paré sur les garrots atténuant la douleur des amputations pendant la bataille du Pas du Suse41, le développement des techniques de distillation permettant d’améliorer l’isolement des substances efficaces des drogues et faisant ainsi progresser la pharmacie, un souffle nouveau d’humanisme qui fit évoluer la perception de la douleur et vint à l’encontre du stoïcisme.

Michel de Montaigne (1533-1592), célèbre humaniste, écrivait que concernant la douleur : « Il nous appartient sinon de l’anéantir, du moins de l’amoindrir par la patience, et quand bien même le corps s’en émouvrait, de maintenir néanmoins l’âme et la raison en bonne tempe25. » Il rejoignait ainsi l’idée d’A. Paré que si la douleur venait de Dieu, « les moyens et les secours nous sont donnés pareillement de lui pour en user comme d’instruments à sa gloire, cherchant remèdes en nos maux, même en les créatures auxquels il a donné certaines propriétés et vertus pour le soulagement des pauvres malades », sachant que ,- 

pour lui, « la douleur des dents est la plus cruelle qui soit entres toutes les douleurs sans la mort42 ». Il reconnut l’art dentaire comme une spécialité, les opiacés et l’alcool faisant partie de sa pharmacopée anesthésique. Il utilisa même un terme général pour les antidouleurs : Les anodyns du grec oduné signifiant douleur, a comme privatif43. La perception de la douleur associait alors25 : -

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La vision de Galien selon laquelle toute maladie est une blessure, donc une souffrance. La vision d’Aristote (384 à 322 avant JC) pour qui « la douleur est un mal provoqué par une qualité dépravée et nuisible qui s’insinue en elle ». C’est-à-dire l’introduction d’un facteur extérieur algogène. La vision rationaliste de René Descartes (1596-1650) qui donnait lieu à une médecine d’investigation. Il écrivait dans son Traité de l’Homme (1648) : « La douleur apparaît lorsque les nerfs sont mus un peu plus fort que de coutume (…) en sorte que cela donne à notre âme le sentiment de la douleur. » Ainsi le cerveau enverrait une réaction au corps. Pour lui, le corps était indivisible. Cette vision sera à son apogée durant le Siècle des Lumières.

Les mœurs commencèrent à évoluer car après avoir l’expérience de la douleur durant la fin du Moyen-Âge, la crainte de la souffrance faisait plus peur qu’être damné pour avoir été soulagé. Les techniques évoluèrent donc aussi, même s’il subsistait encore parfois sorcellerie, magie, astrologie, et bien sûr charlatanisme dans la pratique médicale. Le conflit entre chirurgiens, chirurgiens-barbiers, et barbiers /- 50 était alors des plus virulent. Les réglementations en tout genre en faveur des uns ou des autres se succédaient et se contraient durant une bonne partie de la Renaissance, laissant encore une fois, libre place aux charlatans. 

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Les deux derniers siècles de cette période furent marqués par des progrès importants dans l’histoire de l’anesthésie : -

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William Harvey (1578-1657), un médecin anglais qui a décrit la circulation sanguine en 1615, Thomas de Sydenham (1624-1649), un médecin anglais qui pratiquait l’anesthésie avec son invention : le laudanum, teinture alcoolique d’opium safranée parfumée à la cannelle ou à la girofle, commercialisé jusqu’au XIXe siècle sous forme de bouteille en verre. Ce laudanum devint au XIXe siècle une sorte d’apéritif fort apprécié et même consommé plus tard par Charles Baudelaire, Joseph Priestley (1733-1804), pasteur anglais, qui produisit le premier protoxyde d’azote en 1734, mais qui fut accusé de sorcellerie et arrêta rapidement ses travaux, Antoine Lavoisier (1743-1794) qui a étudié la respiration et les gaz.

C’est dans ce contexte que progressait la thérapie de la douleur. T. de Sydenham aurait déclaré: « Sine illo manca sit, ac claudicat » ou « sans l’opium la médecine serait manchote et bancale44. » Mais très vite, on ne soignait plus la pathologie mais juste la douleur qui y était associée. Cela a abouti à des utilisations non médicales de l’opium. Au XVIIIe siècle cependant, certains médecins pensaient que traiter la douleur abolissait les forces, troublait les fonctions vitales. Il était écrit dans l’Encyclopédie de 1776 rédigée par Ignace-Vincent Voulenne : « Ne laissons pas périr notre semblable pour lui épargner une souffrance attendons du moins d’y être forcés25. » Serait-ce là le début d’une conscience éthique du rapport entre le bénéfice et le risque lors d’anesthésie générale pour une chirurgie dentaire ? ,/ 

Ou à l’inverse un rejet du progrès ? Ou une preuve supplémentaire de la présence persistante de l’église dans la pensée médicale? Le siècle des Lumières apporta cependant une approche plus rationnelle dans la fabrication de médicaments et ainsi, une reconnaissance de la pharmacie comme discipline à part entière. La Renaissance fut comme une redécouverte de l’Antiquité. Les entreprises encyclopédiques, motivées par les empereurs du XVIIIe siècle, se succédèrent bien que parfois censurées par l’Inquisition de l’époque 23. La fin de la Renaissance marqua la sortie définitive de la période d’obscurantisme grâce à l’accumulation de grandes découvertes, et à une vision bien plus accomplie de la thérapeutique de la douleur. L’arracheur de Dents, tableau de David Teniers (1610-1689) exposé par l’École flamande (Staatliche Kunstsammlungen Cassel, 1660), représente des graines de pavot au premier plan dans les instruments du dentiste.

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Entrée dans la modernité (de 1789 au 16 octobre 1846) L’entrée dans la modernité débuta après la Révolution française de 1789. Les facultés de médecine furent supprimées vers 1792 pendant 10 ans. Durant cette période, il y eut peu de recours pour lutter contre la douleur, ce qui permit l’essor du magnétisme, de l’hypnose, et évidemment du charlatanisme. Marc Antoine Petit (1766-1811), chirurgien en chef de l’Hôtel Dieu de Lyon : « Ce fruit amer de la Nature cache le germe d’un grand bienfait ; c’est un effort salutaire, un cri de la sensibilité par lequel notre intelligence est avertie du danger qui nous menace, c’est le tonnerre qui gronde avant de frapper », « un remède à la douleur… Oh qu’il serait grand et sublime, qu’il serait digne d’admiration et de respect, l’homme qui le maîtriserait toujours. Sans doute, il eut cet empire sur elle, cet Esculape dont la reconnaissance fit un dieu ! 45 » De plus, vers 1800, le contexte de crise du pouvoir, d’insurrections paysannes, de pressions commerciales et politiques des occidentaux, fut à l’origine des mesures des autorités impériales en 1839 contre les trafiquants et les consommateurs pour faire face à la contrebande, se soldant par la première guerre de l’opium et le traité de Nanjing de 1842, augmentant la difficulté de se procurer du pavot en France. Cela ne dura pas et bientôt ce fut le début de l’ouverture de nombreuses fumeries d’opium en France23. Les découvertes en rapport avec l’anesthésie-analgésie dentaire continuaient : -

Au XIXe siècle, les découvertes sur la morphine et sur les gaz stupéfiants se succédaient de part et d’autre de l’océan Atlantique. En 1805, la morphine fut enfin isolée de l’opium par Frédéric Sertürner (1783-1841) en Allemagne. ,1



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Pendant la retraite napoléonienne de Russie de 1812, Dominique-Jean Larrey (1766-1842) faisait des découvertes capitales sur l’analgésie par le froid.

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Aux États-Unis, on goûtait aux ivresses de l’éther dans les soirées étudiantes ou mondaines. Mais lorsque Crawford Williamson Long (1815-1878) l’utilisa pour un acte médical, il fut encore accusé de pratiques diaboliques.

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Michael Faraday (1791-1867) découvrit en 1818 les pouvoirs narcotiques des vapeurs d’éther mais n’imagina pas ce que l’on pouvait en faire.

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Le protoxyde d’azote fut même utilisé dans un cirque : le cirque du gaz hilarant dont le directeur Gardner Quincy (1814-1898) fera découvrir les effets de ce gaz à Horace Wells (1815-1848). Il échouera lors de sa démonstration médicale publique et se suicidera avec cette même substance plus tard, sa carrière ruinée. Mais réaliser un essai public devant l’académie était déjà en soi un grand pas pour l’évolution de l’anesthésie.

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La pharmacie se perfectionnait, les techniques d’extraction durant le XIXe siècle également. Pour l’essentiel issues de produits naturels, toutes les substances se proposaient dans des petits pots à leurs noms sur les étagères, encore sous l’influence de Materia Medica de P. Dioscoride. Mais durant ce siècle, ces techniques donnaient une qualité variable selon les protocoles de purification et de conservation de l’opérateur. C’est alors que se développa l’idée du principe actif par identification de la nature moléculaire d’une substance active. Cela favorisa une meilleure purification (donc moins d’effets secondaires) grâce à l’essor de la chimie organique que connut cette époque. Ainsi débuta le temps de production de principes actifs et non d’isolement du principe actif à partir d’extraits naturels.

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W. G. Morton, Boston, 16 octobre 1846 W. G. Morton comprit que c’était la technique d’administration du gaz qui était à l’origine de l’échec de H. Wells, son ancien associé. W. G. Morton va alors avoir l’idée déterminante de concevoir et de fabriquer un appareil spécial pour résoudre ce problème. Pendant des mois, il essaya, tâtonna, améliora sa technique. Il expérimenta l’administration d’éther sur des chats, des abeilles, et même sur lui. Certain de sa technique, W. G. Morton relança le célèbre chirurgien de Boston, J. C. Warren, pour une nouvelle tentative. Le chirurgien accepta. Ce matin-là, dans l’amphithéâtre chirurgical du Massachusetts General Hospital, un patient consentant, le jeune Edward Gilbert Abbott (1825-1855) était prêt pour se soumettre à une nouvelle expérience anesthésique. Il s’agissait d’extraire une importante tumeur latéro-cervicale gauche. W. G. Morton, qui promettait une technique toute nouvelle pour supprimer toute douleur, arriva. Une foule subjuguée remplissait les gradins et s’attendait à un échec supplémentaire de cette tentative d’anesthésie. Le docteur W. G. Morton, apporta son mystérieux évaporateur de léthéon, amélioré le matin même. Après quelques bouffées, E. G. Abbott, le patient, s’assoupit. L’intervention eut lieu dans un grand silence et une fois la plaie suturée, il se réveilla impressionné de n’avoir rien senti. Le professeur Warren put alors prononcer sa célèbre phrase : « Gentlemen, this is not a humbug » (« Messieurs, ceci n’est pas un canular ». W. G. Morton fut largement félicité et devint rapidement le pionnier de l’anesthésie, bien que les recherches tendent à prouver qu’il était loin d’être le seul à y avoir pensé. À partir de ce moment-là, après diffusion de la technique au monde entier, il fut inimaginable de devoir s’en passer. -) 

Pour l’anecdote, plusieurs jours après le triomphe de W. G. Morton, le professeur Charles Thomas Jackson (1805-1880), pharmacien lui ayant enseigné les propriétés anesthésiques de l’éther, a revendiqué son droit à l’invention. C. T. Jackson a exigé que W. G. Morton lui paye des honoraires de 500 dollars ou 10% de ses futurs revenus. Un accord fut passé mais ne dura pas car cette technique sur un nouvel usage de l’éther (ingrédient secret de son léthéon) ne pouvait rester la propriété d’un seul homme ! Finalement, on était passé d’une époque où les grandes découvertes étaient cachées à la société encore sceptique à la volonté de reconnaissance, de brevet, de rémunération et de gloire46, 44, 47, 34, 48. Les hommes devenaient confiants dans de nouvelles pratiques médicales. Plus que basées sur l’expérience, elles étaient basées sur l’expérimentation où le patient était consentant en toutes circonstances, favorable au progrès, devenant même le cobaye. 



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Période post-Morton, la succession de grandes découvertes Voici le témoignage d’un confrère du Docteur James Young Simpson (1811-1870) : « Avant le temps des anesthésies, le patient qui devait subir une opération était semblable à un criminel se préparant à être exécuté. Il comptait les jours qui le séparaient de la date fatale. Ce jour venu (…) il tendait l’oreille pour surprendre le bruit des roues de la voiture du chirurgien, son coup de sonnette, son pas dans l’escalier, son pas dans la chambre, le cliquetis de ses instruments redoutés, ses paroles rares et graves, ses ultimes préparations. Alors, tout en se révoltant contre son sort, il se laissait attacher et s’abandonnait au couteau cruel46. » En 1831, l’anesthésie au chloroforme /-50 venait s’ajouter à celle à d’éther. La pratique de l’anesthésie était enfin rentrée dans les mœurs des médecins et des patients, malgré les menaces de l’Église. Celles-ci fusaient, telles que l’excommunication ou le refus de baptiser l’enfant dont la mère n’aurait pas enfanté dans la douleur comme Ève. Grâce à des accouchements sous anesthésie de reines célèbres, l’église commença à perdre du terrain face au progrès scientifique : - 1847 : anesthésie au chloroforme de la reine Elisabeth par J. Y. Simpson, - 1853 : anesthésie par John Snow (1813-1858) au chloroforme de la reine Victoria d’Angleterre. Tandis que la pratique de l’anesthésie au chloroforme devenait systématique, le premier décès scandale eut lieu en 1848. Il s’agissait de celui de Hannah Greener, âgée de 15 ans, opérée d’un ongle incarné. Le scandale fit rage en raison de l’âge et de la bénignité du geste. 

En effet, cette période fut marquée par une reprise des accidents mortels dus aux techniques anesthésiques plus qu’opératoires, car les -+ 

techniques avaient évolué mais pas les précautions, ni la réflexion entre le bénéfice et le risque. Ce n’est pas faute d’avoir prévenu : Hippocrate et Paracelse décrivaient déjà les risques des mauvais dosages des substances dangereuses de par leurs chronopharmacologies. Ce terme désigne le fait que la dose efficace était fonction des saisons, des états, de l’âge, du sexe, ou du moment de la journée25. Ainsi, la pratique de la compression de la carotide par A. Fleming décrite en 1855 découlait d’une volonté d’éviter les risques d’empoisonnements associés aux substances anesthésiques inhalées. La profession dentaire, quant à elle, subissait de nombreuses réglementations. La première école dentaire française ouvrit ses portes à Paris en 1880, puis fut reconnue d’utilité publique en 1892. Cependant, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, des dentistes illégaux pratiquaient encore une activité. Au-delà de l’évolution des substances anesthésiantes, les mystères de la douleur dentaire commençaient à être résolus : - Dès 1850 : l’innervation dentaire se précisait avec la publication de nombreux écrits sur la sensibilité douloureuse et l’innervation périphérique, publiés par des physiologistes tels qu’Augustus Waller, Octave Landry, et Rudolph Wagner. - 1869 : Premier Traité Pratique des Maladies des Dents par Apollonia Pierre (1821-1893), dentiste à Paris. L’anesthésie protoazotée arriva en France au moment où les débats sur les accidents avec le chloroforme et l’éther battaient leur plein. L’intérêt, mais également la méfiance coexistaient alors au sujet de nouvelles substances anesthésiques : -



1869 : Recherche sur les propriétés physiques, physiologiques du protoxyde d’azote liquéfié. 1870 : Usage du protoxyde d’azote lors d’opérations dentaires. 1872 : Publication sur le fonctionnement du cabinet dentaire de Apollonia Pierre Préterre, dentiste américain à la mode à Paris dont l’organisation était impressionnante. Les soins étaient répartis entre 14 praticiens ayant chacun un cabinet et une spécialité dentaire. Il y avait aussi 15 ouvriers prothésistes, -,

deux préparateurs chimistes pour synthétiser le protoxyde d’azote, et des domestiques pour faire l’accueil des patients. En 1873, le dentiste H. Bon disait que « l'extraction d'une dent est devenue un véritable jeu pour la personne familiarisée avec les effets du gaz hilarant49 ». Au milieu du XIXe siècle, la moitié des opérés mourraient à cause de l’anesthésie mais également par des fautes d’asepsie. La révolution de l’antisepsie avec Joseph Lister (1827-1912) fit donc chuter la mortalité. L’anesthésie locale par injection n’en était alors qu’à ses balbutiements. Le physiologiste Étienne Serres (1788-1866) expérimenta l’usage de substances connues telles que l’éther en anesthésie locale. Il publia d’ailleurs sur le sujet et participa aux techniques d’anesthésie par le froid47. Mais avec ces procédés, l’anesthésie n’était que superficielle et brève. Outre la méthode de la lancette évoquée plus loin, le précurseur de l’anesthésie locale dentaire actuelle fut Charles Gabriel Pravaz (17911853) et son aiguille, commercialisée en 1852. Ce fut le début d’une succession de dates clefs pour l’anesthésie et l’analgésie dentaire : - 1872 : Réalisation de la première anesthésie générale par intraveineuse à l’hydrate de chloral par Cyprien Oré en France. - 1884 : Découverte des effets anesthésiques locaux de la cocaïne par Carl Köller (1857- 1944) ainsi que par Sigmund Freud (1856-1939). - 1884 : Réalisation de la première anesthésie locale par William Steward Halsted (1852-1922) à Baltimore. - 1895 : Création et industrialisation de l’aspirine. - 1842 : Isolement du curare par Claude Bernard (1813-1878). - 1886 : Introduction de notions d’hygiène dentaire à l’usage des écoles. - 1887 : Publication de Cocaïne et Chirurgie Dentaire, Recherches Expérimentales sur l’Insensibilisation Locale, sans Sommeil, pendant les Opérations Dentaires. -- 

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1889 : Début de l’anesthésie locale dentaire à la cocaïne et des soins donnés aux dents et aux pièces artificielles. 1893 : Création de la British Society of Anaesthesist. 1902 : Premier appareil d’anesthésie permettant d’administrer un mélange contrôlé d’oxygène et de vapeurs anesthésiantes en Allemagne /-501903 : Découverte de l’effet hypnotique d’un acide barbiturique : le véronal par les Allemands Hermann Fischer (1852-1919) et Joseph Friedrich Mering (1849-1908). 1904 : Début des anesthésies locales à la novocaïne en odontologie. 1908 : Appareil à éther du chirurgien Louis Ombredanne (1871-1956)/-501908 : Invention des canules oropharyngées par Frederic William Hewitt. 1910 : Intubation endo-trachéale de Chevalier Jackson (18651958). 1913 : Introduction de cette découverte en France par René Leriche (1879-1955), suite à sa rencontre avec W. S. Halsted. 1914 : Invention du pneumoanesthésiographe par F. Franchette permettant de mieux surveiller l’anesthésie générale en dentisterie. 1915 : Début de l’interdiction de l’opium en France. 1921 : Début de l’usage des barbituriques intraveineux en anesthésie (sonnifène, evipan en 1932, penthotal en 1934). 1934 : Usage du penthotal par voie veineuse, diminution du risque d’asphyxie. 1934 : Création de la société d’étude sur l’anesthésie et l’analgésie, devenue aujourd’hui la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation. 1942 : Première utilisation au Canada du curare par Harold Griffith (1894-1985). 1948 : Création du premier diplôme universitaire d’anesthésieréanimateur. 1951 : Premiers essais du penthotal, anesthésiant intraveineux, à Pearl Harbor. 1956 : Mise au point de l’halothane par James Raventos (19051982). -.



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1960 : Isolement du temonium méthylsulfate, un dérivé opioïde. Il s’agissait d’un anti-spasmodique et d’un inhibiteur des récepteurs muscariniques à l’origine de certaines transmissions nerveuses. Il fut utilisé en ampoules comme anesthésique local en odontologie sous le nom d’osmalgine /-5 0, mais également en sirop en médecine pour ses vertus tranquillisantes sous le nom de somalgine. Vers 1970, cette molécule fut retirée du marché français car elle fut considérée comme un stupéfiant.

La principale révolution pharmaceutique eut lieu au début du XXe siècle : elle était économique mais également technologique. Il y avait d’une part l’industrialisation du monde du médicament, et d’autre part les débuts de l’isolement du principe actif de base ou pharmacon qui est la molécule minimale pour avoir l’activité pharmaceutique recherchée sans effets parasites associés25 : d’où la synthèse de dérivés cocaïniques : la stovaïne, la novocaïne, ou encore la xylocaïne. Grâce à l’anesthésie loco-régionale et locale, la douleur était désormais interrompue « à la source », et l’on commençait à entrevoir que dans l’anesthésie dentaire, l’essentiel n’était pas obligatoirement d’obtenir la perte de conscience. De plus, la suppression de la douleur per-opératoire était contestée par exemple par le chirurgien américain George-Washington Crile (1905) : « L’opéré souffre pendant l’intervention, bien qu’il ne conserve aucun souvenir de cette douleur 50. » D’où : - 1980 : Enquête nationale de l’Inserm sur le taux de mortalité dont l’origine n’est pas opératoire mais anesthésique. - 1994 : Décret sur les conditions de la pratique de l’anesthésie. C’est donc durant cette dernière période que l’anesthésie dentaire a mis au point des progrès ayant pour conséquence sa généralisation. Finies les expérimentations isolées ou les pharmacopées hasardeuses. Mieux comprise, l’anesthésie dentaire sera soit locale, par l’usage de dérivés cocaïniques ou par l’application de froid, soit elle sera générale par l’usage de protoxyde d’azote ou autres substances selon le cas.  -/ 

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