Histoire 1re - S. Cote - Édition 2019 Manuel enseignant


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Histoire 1re - S. Cote - Édition 2019 Manuel enseignant

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Livre du professeur

HISTOIRE 1re Nouveau programme 2019

Sous la direction de : Sébastien Cote Professeur en classes préparatoires au lycée Joffre à Montpellier (34) Laëtitia Benbassat Professeure dans le Collège Jean Perrin à Paris (75) Vivien Chabanne Professeur au Lycée Jules Guesde à Montpellier (34) Cécile Chalmin Professeure à SciencesPo Lille (59) Julien Fabre Lycée Pablo Neruda à Saint Martin d’Hères (38) Guillaume Gicquel Lycée Paul-Éluard à Saint-Denis (93) Stanislas Jeannesson Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Nantes (44) Samuel Kuhn Professeur au Lycée de la Versoie à Thonons-les-Bains (74) Catherine Lacour-Astol Inspectrice d’académie à Lille (59) Servane Marzin Professeure au Lycée Paul Eluard à Saint-Denis (93) Claire Quincy Professeure au Lycée Jules Guesde à Montpellier (34) Catherine Pidutti Professeure au Lycée Edgar Quinet à Paris (75)

CHAPITRE

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La Révolution française et l’Empire, une nouvelle conception de la nation › MANUEL PAGES 20 À 53

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE En 1789 la France entre dans le cycle des révolutions que connaissent l’Amérique et l'Europe à la fin du XVIIIe siècle. Un nouvel espace politique se construit ainsi avec l’affirmation d’une nouvelle conception de la nation. Communauté de sujets d’un monarque sous l’Ancien Régime, la nation devient en effet à partir de juin 1789 une communauté abstraite de citoyens, détentrice de la souveraineté mais dont la délimitation et la définition ne cessent de questionner et de diviser. Dans un contexte de crises, les mobilisations des différents acteurs suscitent des expériences politiques diverses et des affrontements violents. Les pages Documents du chapitre évoquent le rôle qu’y jouent les députés, le peuple, les femmes (et notamment de Manon Roland) les populations des colonies, les religions. La société nouvelle peine donc à se stabiliser et la période est marquée par une succession de régimes politiques différents (monarchie constitutionnelle, plusieurs formes de République). Le procès du roi, abordé sous l’angle des enjeux politiques, est l’occasion d’étudier cette difficile stabilisation. Le Consulat puis l’Empire, s’ils sont une période de pacification politique et sociale intérieure, sont aussi une période de guerres permanentes et de domination en Europe ; l’étude du Code civil permet de mettre en évidence ces différents aspects.

OUVERTURE › MANUEL PAGES 20-21 La mise en regard de ces deux tableaux illustre bien sûr les grandes évolutions politiques entre 1789 et 1814 de la Révolution à l’Empire ; mais elle permet surtout de comparer des représentations de la nation et de la souveraineté. D’un côté, c’est une communauté nouvelle de citoyens, incarnée par des représentants, dont le serment scelle la souveraineté ; de l’autre, alors que les guerres

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incessantes ont donné une place centrale aux officiers, c’est « la nation en armes », l’armée des conscrits, qui prête serment et participe ainsi à la fondation d’un nouveau régime autoritaire. Le serment est un acte solennel récurrent sous la Révolution (cf la fête de la Fédération, le serment à la constitution civile du clergé par exemple) ; David donne à voir dans ses tableaux le sens politique de ces paroles et de ce geste fondateur : « acte ponctuel, il engage un avenir et lie des énergies qui sans lui se disperseraient. (…) Le serment révolutionnaire crée de la souveraineté. » (Jean Starobinsky, 1789 Les emblèmes de la raison, Champs-Flammarion, p. 65-66).

Document 1. Le Serment du jeu de Paume Le peintre David commence le dessin du Serment du jeu de Paume, en 1790 alors qu’il est déjà célèbre pour ses tableaux inspirés de l'histoire antique (comme le serment des Horaces, 1784). Son choix de représenter le serment prêté par les députés le 20 juin 1789 s'explique par la volonté d'immortaliser un événement tout à la fois fondateur, pacifique et collectif. L’Assemblée nationale s'engage alors à acquérir l'œuvre achevée afin de l'exposer dans son enceinte. Mais si le dessin préparatoire est exposé au public en 1791, la tentative de fuite du roi en 1791, les divisions politiques de plus en plus fortes, font désormais douter de l'opportunité de l'œuvre. De reports (David est élu député en 1792) en problèmes financiers, la réalisation de l’œuvre en grand format (7 m x 10 m) est finalement abandonnée en 1799. Elle sert néanmoins de modèle à de nombreux artistes pour des œuvres très diverses.

Document 2. Le Serment de l’armée fait à l’empereur L’un des tableaux qui célèbrent le sacre ; la cérémonie se déroule devant la façade décorée de l’École militaire ; l’empereur, debout, en costume du sacre, se tient devant les dignitaires de l’empire ; sur les marches les maréchaux lèvent leur bâton. À droite les soldats des différents régiments prêtent serment de fidélité à Napoléon,

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Chapitre 1 – La Révolution française et l’empire, une nouvelle conception de la nation

inclinant leurs drapeaux, « les aigles », qu’ils viennent de recevoir.

REPÈRES › MANUEL PAGES 22-23  Carte 1 Cette carte permet de suggérer d’abord le travail fondamental de réorganisation et de rationalisation administrative avec la création des départements, cantons, communes. Elle montre la place de Paris mais aussi celle de grandes villes de province comme centres des événements révolutionnaires. Elle montre aussi les guerres et les soulèvements intérieurs, qui sont des moteurs essentiels des déchirements et des évolutions politiques. La France entre d’abord en guerre contre l’Autriche et la Prusse en avril 1792 ; l’invasion est stoppée à Valmy (septembre 1792) puis à Jemmapes (novembre 1792). À partir de 1793 et l’exécution du roi, la France doit affronter une coalition de pays européens. À partir du printemps 1793, la Convention doit aussi faire face aux soulèvements intérieurs notamment en Vendée, à Lyon, dans le Sud. Mais à l’été 1793, les efforts de mobilisation et d’organisation militaire « des soldats de l’an II », permettent d’arrêter progressivement les armées européennes avant que ne commencent les conquêtes. Les révoltes en province sont elles aussi peu à peu réduites par une répression souvent très brutale. L’armée prend un rôle important qu’illustre l’ascension de Bonaparte, qui s’est d’abord fait connaître par la répression de l’insurrection fédéraliste à Toulon.  Carte 2 Les conquêtes, des Pays-Bas à l’Italie entre 17951799, marquent le début de l’expansion territoriale. L’Angleterre, hostile à l’influence française, devient à partir de 1804 l’adversaire irréductible. Après la défaite navale française de Trafalgar en 1805, Napoléon cherche à l’asphyxier économiquement et à l’isoler diplomatiquement. La carte de l'Europe est alors remaniée (disparition du Saint-Empire, création du grand-duché de Varsovie, etc…) et un système d’alliances est constitué par l’attribution de territoires à des parents de Napoléon (Italie et Allemagne). Après la victoire d’Iéna en 1806, le blocus continental est décrété. Cette politique, qui nécessite l’adhésion de toute l'Europe, pousse à une hégémonie militaire française sur une grande partie du continent, provoHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

quant une hostilité grandissante et des rébellions de plus en plus nombreuses. L’influence politique se lit dans la diffusion du code civil dans les régions annexées et dans les États confiés à des parents de Napoléon.

Réponses aux questions 1. Quelles sont les régions occupées entre 1792 et 1796 ? À partir de septembre 1792, après la victoire de Valmy, les conquêtes et les occupations commencent ; elles sont situées sur les frontières nord et sud-est : la Belgique, la rive gauche du Rhin, la Savoie, le comté de Nice. 2. Quelles sont les régions insurgées contre la Convention en 1793 ? Les régions insurgées sont situées autour des grandes villes de province, éloignées de Paris et foyers importants de la Révolution depuis 1789, notamment dans le Rhône, le littoral méditerranéen, la Gironde. Mais il y a aussi le cas spécifique de l’insurrection vendéenne et chouanne, opposant des royalistes catholiques et souvent paysans à l’armée de la république. 3. Identifiez les régions annexées entre 1796 et 1810. Les territoires annexés sont l’Italie du nord et du centre, autour de Rome, ainsi que la Hollande et les provinces illyriennes. Ces annexions sont transformées en départements.

COURS 1 La rupture révolutionnaire, 1789-1792 › MANUEL PAGES 24-25

Réponses au Testez-vous ! Qui renverse l’Ancien Régime en juin-juillet 1789 ? Les députés du tiers-état renversent d’abord l’Ancien Régime politique ; les insurrections populaires à Paris et en province renversent l’Ancien régime social. Quelles réformes donnent naissance à une société nouvelle et à un régime nouveau ? Le serment du Jeu de Paume, les décisions prises dans la nuit du 4 août puis la déclaration des droits de l’homme donnent naissance à un régime nouveau et une société nouvelle. 2

Chapitre 1 – La Révolution française et l’empire, une nouvelle conception de la nation

Quand et pourquoi la monarchie constitutionnelle échoue-t-elle ? La monarchie constitutionnelle est renversée en août 1792. Cet échec est dû à l’attitude du roi (notamment sa tentative d’évasion) et à la guerre.

COURS 2 La République en échec, 1792-1799 › MANUEL PAGES 26-27

Réponses au Testez-vous ! Qu’est-ce qui fragilise la République dès 1792 ? En 1792 la République est fragilisée par les guerres extérieure puis intérieure, et par les divisions entre les républicains. Qu’est-ce que la « Terreur » ? La « Terreur » est une période (1793-1794) marquée par la volonté de répondre aux urgences militaires et économiques par des mesures d’exception et notamment une répression impitoyable des opposants. Pourquoi la République conservatrice échoue-telle ? La République conservatrice échoue en raison de l’aggravation des tensions sociales et politiques, et du rôle croissant de l’armée.

COURS 3 Du Consulat à l’Empire, 1799-1814 › MANUEL PAGES 28-29

Réponses au Testez-vous ! Identifiez les éléments qui font du Consulat et de l’empire des régimes autoritaires. Le Consulat et l’Empire sont des régimes autoritaires par la concentration des pouvoirs entre les mains de Napoléon Bonaparte ; la limitation de la souveraineté nationale, l’étouffement de tout débat politique et la suspension des libertés en sont aussi des caractéristiques. Quelles réformes de Bonaparte stabilisent la société ? Le concordat signé avec le pape, le code civil, la réforme monétaire, la création des lycées sont les réformes de Bonaparte qui stabilisent la société.

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Quelles sont les relations entre la France et l’Europe ? La Révolution a d’abord été bien accueillie par les Européens et des Républiques sœurs ont été formées ; et à partir de 1805 Napoléon a redessiné, par ses victoires, la carte de l'Europe. Mais l’hégémonie, les réquisitions et les pillages ont rendu l’occupation française très impopulaire et suscité des soulèvements.

DOCUMENTS Le peuple en révolution : les journées d’octobre 1789 / l’insurrection du 10 août 1792 > MANUEL PAGES 30-31

Les journées d’octobre 1789  Doc 1. À l’Assemblée nationale, les 5 et 6 octobre 1789 Il s’agit d’un extrait de la Gazette nationale fondée en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (17361798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Ce journal devient en 1811 le Moniteur universel, journal officiel du gouvernement jusqu’en 1899. Il est accessible via Les archives parlementaires numérisées sur le site : https://frda.stanford.edu/fr/ap. Cet extrait rend compte du déroulement des journées d’octobre 1789 à l’Assemblée. Si ce sont des journées révolutionnaires féminines (six à sept mille femmes y prennent part, dont Théroigne de Méricourt), elles sont suivies par les hommes et les autorités parisiennes. On voit ainsi que c’est Maillard, héros du 14 Juillet, qui parle pour les femmes présentes en foule dans la salle des Menus-Plaisirs ; mais elles sont aussi à la barre comme en témoigne cet autre extrait de la Gazette : « l'Assemblée fait remettre, par ses secrétaires, aux citoyens et citoyennes de la capitale qui se trouvent à la barre (…) ». Selon le mot de Michelet : « les hommes ont pris la Bastille, les femmes ont pris le roi ».  Doc 2. Les femmes siégeant à l’Assemblée le 5 octobre 1789 La gravure de Janinet est issue des 54 Gravures historiques des principaux événements depuis l’ouverture des États-Généraux de 1789, parues entre 1789 et 1791. Il donne des femmes l’image de citoyennes politisées, ardentes à prendre la parole, et non pas d’émeutières hystériques et 3

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sauvages comme l’iconographie s’est plu aussi à les représenter ; ces journées accentuent en effet la méfiance et la crainte qu’inspirent les mobilisations, notamment féminines ; si les femmes sont traditionnellement à la tête des revendications alimentaires, leur mode d’action, leur détermination, la violence que cela entraîne (le château est envahi), ont un très fort retentissement.  Conseils Distinguez les revendications économiques et les revendications politiques La première revendication est économique : « nous sommes venus demander du pain » ; plus loin il est indiqué qu’une députation va présenter au roi « la position malheureuse de Paris ». Les revendications sont aussi politiques : Maillard demande de « punir les gardes du corps », qui sont la cause d’« une effervescence générale » susceptible de causer des « malheurs », ce qui est révélateur de la grande charge symbolique de la cocarde. Les conséquences politiques de ces journées sont la reconnaissance de la cocarde (donc du processus révolutionnaire populaire), l’acceptation par le roi des décisions prises par l’Assemblée depuis l’été (Constitution et déclaration des droits) et le transfert des institutions politiques (pouvoirs exécutif et législatif) à Paris.

L’insurrection du 10 août 1792  Doc 1. L’assemblée nationale le 10 août 1792 Ce dessin est l’esquisse que le peintre François Gérard, élève de David, réalise pour le concours de peinture organisé en l’an II par le Comité de Salut Public sur « les époques les plus glorieuses de la Révolution » ; il remporte le prix mais n’achève jamais tableau. Le moment choisi par Gérard est celui qui suit la prise des Tuileries, quand les insurgés pénètrent dans la salle du Manège, où siège l’Assemblée législative et où s’est réfugiée la famille royale. L’élan collectif, les bras tendus, la turbulence de la foule rappellent les autres mises en scène de David.  Doc 2. Les conséquences de l’insurrection Le 10 août 1792 marque un tournant dans la Révolution. L’Assemblée délibère dans un climat insurrectionnel et sous la pression populaire, comme le rappelle le début de la déclaration (« les dangers sont parvenus à leur comble », « ces défiances ont provoqué un vœu tendant à la révocation de

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l’autorité »). Elle vote à l’unanimité la suspension du Roi, mais pas sa déchéance. Louis XVI et sa famille sont d’abord assignés à résidence au palais du Luxembourg mais, sous la pression populaire, ils sont peu après transférés à la prison du Temple. Élue au suffrage universel, mais avec près de 90 % d’abstention, la Convention tient sa première séance le 21 septembre 1792 au lendemain de la victoire de Valmy. Elle décrète l’abolition de la royauté et décide de dater ses actes de l’an I de la République.  Conseils Identifiez sur le doc. 1 : - les actions des sans-culottes et leurs revendications ; - l’attitude des députés. Le tableau de Gérard propose une mise en scène du rôle du peuple lors de cette journée. Les insurgés, hommes, femmes et enfants, ont le corps tendu dans un mouvement convergent et collectif ; ils portent des pancartes qui expriment leurs revendications (« plus de roi »), et les principes qui fondent la Révolution (la « patrie », l’« égalité », la « liberté ») dans un ordre cher aux sans-culottes ; au premier plan, un homme piétine la couronne. Au pied de l’estrade, les coffres dénoncent la corruption de la cour. L’énergie de la foule contraste avec l’abattement du bureau de l’Assemblée. La conséquence de cette insurrection est le vote d’un décret par l’Assemblée : le roi « est suspendu de ses fonctions » ; mais les formulations montrent les hésitations et les inquiétudes des députés ; leur décision résulte de la « défiance » inspirée par la conduite du « chef du pouvoir exécutif », et du « vœu » que cela a provoqué dans la société. Non seulement le mot « roi » n’est pas utilisé mais la suspension des « fonctions » de Louis XVI est dite provisoire.

En équipes Équipe 1 Confrontez ces deux journées : relevez les permanences et les évolutions dans l’action et l’état d’esprit du peuple. En 1789 il y a surtout des femmes, ce qui n’est plus le cas en 1792. La prise de parole populaire est respectueuse en 1789, véhémente et très hostile en 1792. En 1789 les femmes ont des revendications surtout économiques ; en 1792 les revendications sont politiques.

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Équipe 2 Relevez précisément les évolutions dans les réactions et les décisions de l’Assemblée et du roi pour les deux journées. En 1789 le roi est dans son château ; en 1792 le roi s’est réfugié à l’Assemblée. En 1789 il est le souverain et transmet des messages aux députés et aux femmes ; en 1792, il est sous la protection de l’Assemblée, passif, muet ; il a déjà perdu le pouvoir. En 1789 les députés sont calmes, en 1792 ils sont inquiets. En 1789 les députés répondent, avec le roi, aux revendications populaires. En 1792, ils répondent aux revendications populaires, mais avec inquiétude. Mise en commun - les interventions du peuple sont devenues plus politiques et sont hostiles au roi. - en 1789 l’Assemblée et le roi écoutent et décident ; ils gardent une maîtrise de la situation ; en 1792, ils doivent suivre les revendications populaires.

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE La place de la Bastille > MANUEL PAGES 32-33  Doc 1. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen L’image qui présente et illustre le texte de la déclaration a été réalisée en 1789 par le peintre d’histoire Le Barbier (1738-1826). La forme des Tables de la loi, qui devient rapidement un poncif de l’iconographie de la Déclaration (et des Constitutions), donne au texte un caractère universel, intemporel et sacré. Le Barbier est un franc-maçon parisien, et son œuvre illustre donc les liens entre la symbolique maçonnique et l’emblématique révolutionnaire (à voir, le site de la BNF : http://expositions.bnf.fr/francmaconnerie/grand/frm_146.htm Ce tableau de Le Barbier a appartenu à Clemenceau jusqu’en 1896 qui l’a alors donné au musée Carnavalet. Selon les Archives parlementaires du 5 novembre 1790 une gravure de ce tableau faite par L. Laurent (conservée au musée Carnavalet) a été offerte solennellement à l’Assemblée : M. le

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Président donne lecture d'une lettre, par laquelle M. Laurent, graveur, fait hommage à l'Assemblée nationale de la première épreuve encadrée d'une gravure concernant la déclaration des droits de l'homme, avec des emblèmes et des accompagnements analogues. L'Assemblée applaudit aux sentiments patriotiques de l'artiste et ordonne que son offrande sera mentionnée au procès-verbal.  Doc 2. La nuit du 4 août Ce document permet de mettre en contexte la Déclaration ; il permet aussi de rappeler que la province ne reste pas étrangère aux événements qui se déroulent à Versailles et Paris ; déjà au début juillet, dans certaines villes, suivant l’exemple parisien, des gardes nationales se forment, des « bastilles » locales sont prises. Durant l’été, les émeutes de subsistances, nombreuses dans les campagnes depuis le printemps, connaissent un regain de violence. C’est la « Grande Peur » qui secoue alors de nombreuses régions, mêlant les craintes de complot et de brigandages à une révolte anti-seigneuriale. Des châteaux, des abbayes sont incendiés, les paysans brûlent les registres d’impôts. Ces émeutes provoquent la panique parmi les nobles qui commencent à émigrer et parmi les députés. À Versailles siègent en effet de nombreux propriétaires fonciers, nobles et bourgeois. Ils veulent rétablir l’ordre sans se montrer partisans de l’immobilisme et de la répression.

Réponses aux questions 1. Quels sont les droits naturels selon l’art. 2 ? Les droits naturels sont « imprescriptibles » selon l’article 2, « inaliénables et sacrés » selon le préambule ; il s’agit de droits que les hommes ont à égalité à leur naissance et que l’État doit protéger par le droit positif. Ces droits naturels sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. 2. Quel régime condamnent les art. 3 et 6 ? À qui appartient désormais la souveraineté ? Le régime de la monarchie absolue de droit divin est condamné par ces deux articles ; ils déclarent en effet que la souveraineté appartient à la nation, ce qui contredit le droit divin, et que la loi est « l’expression de la volonté générale » ; ce sont les citoyens ou leurs représentants qui font la loi. L’article 6 condamne aussi un régime fondé sur les privilèges de naissance. 3. Quels articles les images encadrant le texte illustrent-elles ? 5

Chapitre 1 – La Révolution française et l’empire, une nouvelle conception de la nation

Le triangle et le bonnet phrygien illustrent l’article 1. Les chaînes brisées illustrent le principe de liberté, mais aussi le préambule qui présente la déclaration des droits comme devant permettre de « mettre fin aux malheurs publics et à la corruption des gouvernements ». L’allégorie de la nation tenant un sceptre peut être associée aux articles 3 et 6. L’idée d’unité de la nation représentée par les faisceaux se retrouve dans de nombreux articles qui évoquent l’intérêt collectif, l’association politique, la volonté générale ; c’est notamment le cas dans le préambule « bonheur de tous », l’article 2 « le but de toute association politique », l’article 3 « la souveraineté réside essentiellement dans la nation ». Les tables de la Loi illustrent de façon générale l’esprit du texte, sa dimension intemporelle et fondatrice ; la référence religieuse se retrouve dans le préambule qui parle « d’une déclaration solennelle » « en présence et sous les auspices de l’Être suprême ». 4. Identifiez des privilèges abolis le 4 août 1789. Les privilèges abolis sont liés au système féodal : ce sont les droits seigneuriaux (art. 1 et 9 sur les impôts et corvées), les droits de chasse, la justice seigneuriale, la vénalité des offices ; c’est aussi le privilège du clergé de lever l’impôt de la dîme. 5. Montrez en quoi les art. 1, 6 et 13 de la Déclaration sont les conséquences des décrets du 4 août et qu’ils fondent une société nouvelle. L’égalité et la liberté individuelles (art. 1), l’égalité d’accès à tous les emplois (art. 6), l’égalité devant l’impôt (art. 13), sont la conséquence des articles 1, 9 et 11 du 4 août. Ces mesures fondent une société nouvelle en mettant fin à la société d’Ancien Régime fondée sur les ordres, les privilèges, l’inégalité en droit ; elles mettent fin aussi à l’organisation fiscale et administrative de l’Ancien Régime.

PASSÉ / PRÉSENT Comment la Bastille est-elle devenue un lieu symbolique et populaire ? > MANUEL PAGES 34-35  Doc 1. La prise de la Bastille Cette gravure appartient au genre du « canard », feuille occasionnelle qui juxtapose texte, image et chanson, selon des formes très simples mais efficaces et faciles à diffuser. La représentation ici est très sommaire, seuls des soldats semblent prendre Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

part au combat. C’est une iconographie à la fois naïve et fantaisiste, mais le récit rend compte plus précisément du déroulement de la journée. La chanson de Déduit, « auteur patriote » (c'est-à-dire révolutionnaire), célèbre les gardes françaises, les citoyens, la nation. Les gardes françaises sont un régiment royal qui se met du côté des Parisiens et entrent en nombre dans la garde nationale créée le 13 juillet pour défendre Paris. Le 14 juillet est un tournant et connaît un retentissement immédiat en province (cette gravure est imprimée à Orléans) et même à l’étranger : il a montré la force du peuple et son rôle comme acteur du processus révolutionnaire ; ce rôle est tout de suite perçu par l’opinion.  Doc 2. Proposition de Théroigne de Méricourt Théroigne est une personnalité très active et militante sous la Révolution, le modèle de « l’amazone révolutionnaire » illustrée par Lesueur ; c’est une auditrice assidue des tribunes de l'Assemblée, et sa participation supposée aux journée d’octobre (cf supra) explique sa notoriété. Elle fonde le club des Amis de la loi au début 1790. En février 1790 elle se présente à l’assemblée du district des Cordeliers (un quartier de Paris) pour y être admise et faire cette proposition pour le terrain de la Bastille, désormais inoccupé. Selon le journal, les membres de cette assemblée décident alors, pour donner suite à la proposition de Théroigne, de rédiger « une adresse aux 59 districts et aux 83 départements ». Mais jusqu’en 1810 la place est restée vide. Sur la démolition de la Bastille après le 14 juillet, voir la vidéo du musée Carnavalet : « La Démolition de la Bastille » avec Héloïse Bocher : https://www.dailymotion.com/video/x2xfc7d  Doc 3. Un lieu de manifestations populaires La place de la Bastille est devenue au XXe siècle un lieu de rassemblements populaires politiques, associés aux idées de révolution et de force populaire. Cette identification s’est construite au cours du XIXe siècle, avec la colonne de Juillet, mais aussi avec les émeutes ouvrières dont un des épicentres de 1832 à 1871 fut la place de la Bastille et ses barricades à l’entrée du faubourg-SaintAntoine. Les cérémonies officielles républicaines à partir de 1880 n’ont, quant à elles, que rarement pour cadre cette place. La manifestation du 1er mai 2002 a lieu alors que le Front national vient de se qualifier pour le second tour des élections.

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Chapitre 1 – La Révolution française et l’empire, une nouvelle conception de la nation

Réponses aux questions 1. Par qui et au nom de quelle valeur la Bastille a-t-elle été prise ? Quels éléments montrent le retentissement national de l’événement ? La Bastille a été prise par les « gardes françaises », les « citoyens patriotes », une « foule d’honnêtes gens ». La prise de la Bastille se fait au nom du patriotisme et de la liberté. L’indication du lieu d’édition « à Orléans » montre le retentissement national de l’événement. 2. À quelles occasions la place devient-elle un lieu de rassemblement désormais ? Désormais la place est lieu de rassemblements populaires et politiques marqués à gauche, syndicaux et socialistes (Front populaire, élections de 1981, manifestations du 1er mai). 3. Quelle valeur symbolique a toujours été reconnue à l’emplacement de la forteresse ? Dès 1789 l’emplacement de la Bastille évoque l’idée de liberté : Théroigne y voit le lieu idéal pour y « construire le temple de la liberté ». Après la révolution de 1830 qui a vu le renversement du dernier roi Bourbon, une colonne surmontée d’un génie de la liberté y est édifiée. Il est aussi associé à la force populaire, comme en témoigne Victor Hugo par l’interprétation qu’il propose de la statue d’éléphant érigée en 1810, et comme en témoigne les manifestations politiques et syndicales qui s’y déroulent. 4. Comment cela se traduit-il dans les projets d’aménagement, les monuments réalisés et les événements qui s’y déroulent ? Cela se traduit par le projet d’y édifier la chambre des députés en 1790 puis une allégorie de la liberté en 1830. Cela se traduit ensuite par l’organisation de manifestations et de défilés populaires.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Manon Roland et les femmes en révolution > MANUEL PAGES 36-37  Doc 1. La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne Olympe de Gouges est une femme de lettres qui se fait connaître dès 1788 par ses publications politiques ; favorable à la monarchie constitutionnelle, puis républicaine, elle est comme Manon Roland Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

proche des Girondins ; convaincue que les femmes doivent pouvoir participer aux débats politiques, elle propose, en vain, de défendre le roi lors de son procès ; violemment hostile aux Montagnards qu’elle accuse de dictature, elle est arrêtée après la chute de la Gironde et guillotinée en 1793. Sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est le plus important de ses écrits. Elle y fait de l’émancipation des femmes un des fondements du processus révolutionnaire. La société n’est pas vraiment libre si les femmes ne disposent pas aussi de tous les droits.  Doc 2. Le courage des femmes dans la guerre : le siège de Lille. Cette image fait partie des 83 gouaches de Lesueur illustrant les événements de la Révolution, la plupart conservées au musée Carnavalet. Le siège de Lille rappelle l’importance toujours grande des places fortes (Lille a été fortifiée par Vauban) et de la guerre de siège en cette fin du XVIIIe siècle. Lors de l’offensive austro-prussienne de 1792, l’armée autrichienne met le siège devant la ville ; il la soumet pendant une semaine à un bombardement intensif très destructeur, de boulets et de bombes creuses remplies de poudre et équipées d’une mèche. Après la victoire de Valmy, le commandement autrichien lève le siège le 7 octobre. La garnison et la population de Lille ont laissé le souvenir de leur courage et de leur détermination comme le montre cette gouache illustrant la bravoure et la témérité de tous les habitants qui semblent se rire des périls et n’hésitent pas à aller au-devant du danger par patriotisme.  Doc 3 et 4. Lettres de Manon Roland Le 4e volume de correspondance, d’où sont extraits ces deux textes, rassemble les lettres que Mme Roland a écrites pendant la Révolution. Elles sont révélatrices de ses évolutions ; ce n’est plus une correspondance érudite imprégnée des Lumières, mais une correspondance politique : elle y fait l’analyse des événements, commente, prend position et montre la volonté d’exercer une influence. Si Manon Roland n’est pas une militante des droits des femmes comme Olympe de Gouges ou Théroigne de Méricourt, ces lettres montrent cependant son intense activité pendant la Révolution notamment quand Jean-Marie Roland est ministre de l’Intérieur de mars 1792 à janvier 1793. La lettre à Servan est révélatrice de l’exaspération des tensions, voire des haines, entre Girondins et Montagnards que provoque le procès

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Chapitre 1 – La Révolution française et l’empire, une nouvelle conception de la nation

de Louis XVI, Roland étant accusé de malversation et de manœuvre pour sauver le roi. La lettre à Robespierre est écrite de prison, alors que se déroule entre le 12 et le 15 octobre le procès de Marie-Antoinette. Une note en fin de lettre indique qu’elle a renoncé à envoyer la lettre. Ellemême est jugée et exécutée le 8 novembre 1793. Toutes les lettres sont accessibles sur wikisources.

« pensent » la Révolution, participent aux événements et aux mobilisations. Ils montrent aussi que certaines femmes (Olympe de Gouges, mais aussi Théroigne de Méricourt) attendent de se voir reconnaître les droits civiques et politiques. Si elles subissent toutes les violences révolutionnaires, elles sont écartées des droits politiques et à partir d’octobre 1793, les clubs de femmes sont interdits.

Réponses aux questions

Itinéraire 2 Rédiger une notice biographique Pour rédiger la notice, présenter Manon Roland en quelques lignes : dates de naissance et de mort, principales raisons de sa notoriété. Puis évoquer son rôle pendant la révolution selon le plan proposé : sa formation, ses idées ; puis ses actions, et ce qu’elle a subi.

1. Identifiez les droits qui devraient être reconnus aux femmes selon Olympe de Gouges. Elle demande que soient reconnus aux femmes les mêmes droits naturels, « inaliénables et sacrés » qu’aux hommes. Les femmes doivent jouir des mêmes droits civils (liberté, égalité, égal accès aux emplois publics et aux distinctions sociales) et politiques (droit de vote et d’éligibilité). 2. Quel rôle Manon Roland dit-elle avoir eu pendant la révolution ? Expliquez la phrase soulignée du doc. 3. Dans ces lettres Manon Roland suggère le rôle qu’elle joue pendant la Révolution, celui d’une femme d’influence par son mari et par son salon. Elle se présente en effet comme conseillère voire inspiratrice de son mari lorsqu’il est ministre : c’est ce que dit la phrase soulignée : elle est l’auteure des lettres et des discours de Jean-Marie Roland. Dans la seconde lettre elle rappelle son intérêt pour les événements révolutionnaires (« enthousiaste de la Révolution »), les projets politiques (« m’abandonnant à l’énergie des sentiments généreux que [la Révolution] inspire »), et son goût pour les discussions (« m’entretenant d’elles avec chaleur ») ; elle rappelle aussi que l’opinion la considère comme « complice » de Roland. 3. Quelles violences Manon Roland doit-elle affronter ? Pourquoi ne les comprend-elle pas ? Elle doit affronter la haine publique qui se traduit par des pamphlets, des calomnies, l’arrestation avec les députés girondins, la prison, la condamnation à mort pour raison politique. Elle ne les comprend pas car elle n’est pas un « individu agissant », à qui est reconnu un pouvoir et des responsabilités : elle subit une condamnation politique sans avoir de droit politique. 4. Comment et avec quelles limites les femmes participent-elles à la Révolution ? Ces documents montrent que les femmes de toutes conditions, mais selon des modalités variées,

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DOCUMENTS L’Église catholique et la Révolution > MANUEL PAGES 38-39  Doc 1. La confiscation des biens du clergé La vente des biens du clergé doit combler le déficit préoccupant des finances de l’État. En novembre 1789 ces propriétés sont mises à « la disposition de la nation » comme « biens nationaux » ; ils garantissent l’émission d’assignats qui servent à leur achat. C’est le point de départ d’une importante réforme agraire dont ont profité les paysans et les bourgeois. Clergé (et noblesse) possèdent en effet en 1789 un quart ou un tiers des terres du royaume, ce dont rend compte la caricature d’un ecclésiastique gros de ses richesses matérielles. Les caricaturistes s’emparent du thème de la vente des biens du clergé et en proposent diverses représentations. Ces caricatures bon marché usent d’archétypes corporels, des corps trop gros ou trop maigres, opposés au corps des patriotes dont les proportions sont équilibrées comme la nation qu’ils incarnent. Elles participent ainsi à la désacralisation de l’ancien pouvoir.  Doc 2. La réorganisation de l’Église, 1790 La Constitution civile du clergé doit assurer au clergé des moyens financiers, réorganiser son fonctionnement pour la mettre en conformité avec les principes nouveaux et la soumettre au pouvoir civil. Afin de rattacher l’Église à la nation, il est décidé que les clercs sont désormais fonctionnaires et élus par les citoyens de l’Assemblée du département ou du district ; la carte ecclésiastique 8

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doit donc s’adapter à la nouvelle organisation administrative. En outre, comme fonctionnaires, ils doivent prêter solennellement serment de fidélité à la nation, à la loi, au roi et à la Constitution civile du clergé. C’est une remise en cause profonde du pouvoir de l’Église. Les sujets de discorde (élections, serments, condamnation par le pape en 1791) vont alimenter durablement les conflits entre le pouvoir civil révolutionnaire et l’Église.  Doc 3. La Révolution et les non-catholiques Depuis l’édit de tolérance de 1787 les Juifs disposent, comme les protestants, de l’état civil sans avoir à se convertir. En 1789 ils sont présents surtout dans le Sud-Ouest, à Avignon, et pour la moitié d’entre eux (20 000) en Alsace et Lorraine. Depuis la Déclaration des droits de l’Homme, la reconnaissance de l’égalité en droit et de la liberté de religion doit leur donner une citoyenneté complète. De nombreux députés y sont favorables (dont Robespierre), encouragés par les pétitions des communautés juives. Pourtant les Juifs sont victimes de violences surtout dans les régions de l’Est et très souvent peinent à voir reconnaître l’égal accès au vote et aux emplois publics. Clermont-Tonnerre y fait référence au début du texte ; il évoque aussi (dans la suite du texte) les préjugés sur le prêt à intérêt, sur les interdits alimentaires, sur la vie sociale dont sont victimes les Juifs. Il définit donc les principes de l’émancipation complète (égalité civile, juridique et politique) : les droits ne doivent pas être accordés à une communauté, mais individuellement, à part entière. La pression de certains députés de l’Est oblige l’Assemblée à reporter la décision ; c’est finalement en septembre 1791 que la citoyenneté est reconnue à tous les Juifs.  Doc 4. Des prêtres hostiles à la Révolution L’iconographie révolutionnaire s’est largement inspirée des thèmes anticléricaux et en particulier des conflits nés de la prestation de serment. Le choix que font les clercs d’accepter (« jureurs » ou « constitutionnels ») ou de refuser (« réfractaires ») transforme en effet le serment en véritable « référendum » (Timothy Tackett) qui cristallise rapidement les divisions religieuses. 52 % du clergé paroissial prête serment et les conflits se multiplient au sujet des prêtres réfractaires qui apparaissent rapidement comme des ennemis de la Révolution. Sur cette caricature, l’habile manœuvre de l’assistance suggère que la pression des fidèles joue un rôle dans les décisions du clergé. Et en Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

effet la carte du serment montre que la décision ne dépend pas seulement de choix individuels mais aussi d’un contexte social et politique régional (les jureurs sont surtout nombreux dans le bassin parisien, le Centre, le Sud-est).  Doc 5. La déchristianisation dans la Loire, 1793 Les conflits entre l’Église et le gouvernement révolutionnaire, les attentes d’une partie de la société ont entraîné à partir de 1793 la laïcisation des fêtes civiques et l’adoption du calendrier républicain (octobre 1793). La déchristianisation est cependant un phénomène particulier, brutal, localisé (Rhône, Loire, région parisienne, Centre, Nord, Languedoc) et ponctuel (automne 1793). Elle choque une partie de l’opinion, y compris Robespierre qui la dénonce en novembre 1793 ; elle est finalement condamnée par la Convention en décembre 1793. De fait c’est le plus souvent un mouvement impulsé par des responsables politiques, des représentants en mission de la Convention (Fouché dans la Nièvre). Comme on le voit dans ce compte rendu de Dorfeuille, la déchristianisation se traduit par des processions, des mascarades antireligieuses (Dorfeuille, comédien de formation, est un révolutionnaire très actif en 1793 dans la région de Lyon), des bûchers pour les statues de saints, les cloches, des mises en scènes d’abdication et de mariage de prêtres, la substitution du culte de la Raison au culte religieux (le premier culte à la Raison dans Notre-Dame de Paris a lieu le 13 novembre 1793).

Réponses aux questions 1. Comment les membres du clergé sont-ils désormais choisis ? Quel serment le clergé doitil prêter ? Désormais les membres du clergé sont élus par les citoyens du département et du district. Ils doivent prêter serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi, et s’engager à maintenir la Constitution ; ce serment est prêté devant les officiers municipaux, le peuple et le clergé.

2. Qu’est-ce qui fait obstacle aux droits civils des non catholiques ? Quels sont les arguments invoqués par S. de Clermont-Tonnerre en faveur de ces droits ? Les obstacles aux droits civils des non-catholiques sont les « lois anciennes », celles de l’Ancien Régime qui discriminaient catholiques et non catholiques ; mais aussi les préjugés contre les Juifs. Les arguments de Clermont-Tonnerre sont fondés sur le principe d’individualité des droits, d’égalité 9

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et de liberté (« aucun citoyen actif (…) ne sera exclu à raison de la profession ou du culte ») ; ils vont dans le sens d’une intégration par le rejet des logiques de communauté (« il faut qu’ils ne fassent dans l’État ni un corps politique, ni un ordre »). 3. En quoi consiste ici la déchristiannisation ? Comment est-elle justifiée ? La déchristianisation consiste ici dans une procession aux allures de carnaval : les habitants sont déguisés ; ils représentent la nouvelle société : un ex-prêtre, une jeune fille y figurent la lutte et la victoire de la Raison sur le Fanatisme ; ils sont accompagnés de musique et de chants. Mais il y a aussi un bûcher des signes religieux, et des salves d’artilleries qui rappellent que cette fête, mise en scène par Dorfeuille, a lieu aussi pendant le soulèvement fédéraliste. 4. Quelle justification l’image du doc. 1 donnet-elle de la vente des biens du clergé ? Le pressoir est une métaphore de la confiscation patriotique des biens fonciers de l’Église. Cette image justifie la vente des biens du clergé par la richesse du clergé, que caricature l’obésité du clergé. Mais redonner aux prélats une taille plus fine, c’est aussi leur donner une morphologie patriote. 5. Montrez que les réformes de la Révolution conduisent à des confrontations avec l’Église catholique. Les réformes conduisent à des confrontations car une partie de l’Église conteste l’organisation des élections, auxquelles participent des électeurs laïcs et pas forcément catholiques. D’autre part le serment et le statut nouveau du clergé le mettent sous la tutelle du pouvoir civil. Ce serment est à l’origine d’une division du clergé ; les prêtres réfractaires deviennent des adversaires de la Révolution, et leur influence sociale radicalise les tensions. Le mouvement de déchristianisation, bien que limité, exprime la violence des affrontements pendant la période de la « Terreur » en 1793, quand la République est menacée à la fois par la guerre extérieure et par le soulèvement fédéraliste.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Le procès et la mort de Louis XVI > MANUEL PAGES 40-41  Doc 1. Robespierre justifie la condamnation à mort du roi

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La Convention a ouvert en octobre 1792 une enquête sur Louis XVI ; après la découverte de quelques 600 documents secrets dans « l'armoire de fer » aux Tuileries, elle décide en novembre de la tenue d’un procès ; ces documents mettent en effet au grand jour la correspondance de la famille royale avec l'empereur d'Autriche et la contreRévolution. Ces révélations surgissent alors que la guerre étrangère et la pression des sans-culottes accroissent les tensions entre Girondins et Montagnards. Le discours de Robespierre intervient le 3 décembre, lorsqu'est discutée l'organisation du procès. Il argumente donc sur sa nature et ses enjeux. Il veut mettre en évidence le caractère exceptionnel de la procédure contre le roi. Pour Robespierre, comme pour Saint-Just avant lui (discours du 13 novembre) il ne s'agit pas d'une justice ordinaire, civile ou pénale contre un citoyen, il s'agit d'accomplir un acte politique, la condamnation d'un pouvoir. La décision est alors prise d'ériger la Convention et ses 749 députés en haute cour de justice. Le procès s’ouvre le 10 décembre 1792.  Doc 2. La défense de Louis XVI Contrairement à ce que demandent Robespierre et les Montagnards (selon lesquels le principe de la présomption d'innocence ne peut ici s'appliquer), les règles de justice sont suivies, des audiences sont tenues en décembre, l'ancien roi comparaît deux fois, il est interrogé et défendu par trois avocats (de Sèze, Malesherbes, Tronchet). Louis XVI est interrogé le 11 décembre sur les chefs d’accusation contenus dans le Rapport sur les crimes imputés à Louis Capet présenté le 10 décembre à l'Assemblée ; il doit répondre de 33 chefs d'accusation (en particulier les tentatives de coups de force contre l'Assemblée en 1789, la répression des manifestations populaires, les liens avec la contre-Révolution, les armées étrangères et le clergé réfractaire). Le 26 décembre la Convention écoute l’avocat de Sèze qui prononce la plaidoirie réfutant ces chefs d’accusation, puis Louis XVI dont l’intervention est reproduite dans ce document.  Doc. 3. Les hésitations des députés modérés Si tous les députés s’accordent sur le principe du procès, les Girondins, inquiets des conséquences, essaient de sauver le roi de la mort en proposant de soumettre la sentence à l'approbation populaire. Ainsi à partir du 14 janvier quand ont lieu les débats, l’atmosphère à la Convention est houleuse ; selon le Moniteur les insultes, les interpellations 10

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rythment des séances interminables. Il est alors décidé que les députés devront oralement répondre à trois questions, celles auxquelles fait référence Vergniaud : la culpabilité, l'appel au peuple et enfin la sentence. Le 15 janvier Louis Capet est déclaré « coupable de conspiration contre la liberté publique et d’attentats contre la sûreté générale de l’État » à 693 voix ; mais l’appel au peuple est rejeté. Les 16-17 janvier, 387 députés votent pour la mort. Une quatrième question est alors introduite par un Girondin, Mailhe, pour proposer le sursis de l'exécution jusqu'en février ; c'est la proposition dont parle Vergniaud et qui est rejetée par 380 voix le 19 janvier.  Doc 4. L’exécution de Louis XVI L’exécution a lieu le 21 janvier 1793 place de la Révolution (place de la Concorde), ancienne place Louis XV dont la statue a été déboulonnée ; l’échafaud est entouré par plusieurs rangs de gardes nationales tricolores puis par une foule nombreuse levant ici ou là un chapeau ; sur d’autres gravures, elle arbore des bonnets phrygiens.

Réponses aux questions 1. Selon Robespierre, pourquoi Louis XVI ne peut-il pas être jugé comme un citoyen ordinaire ? Selon Robespierre, Louis XVI ne peut pas être jugé comme un citoyen puisque les faits qui lui sont reprochés ne relèvent pas de la justice pénale mais sont liés à l’exercice de la monarchie (« Louis fut roi », il « dénonçait le peuple comme rebelle », « il a appelé pour le châtier les armes des tyrans »). Plusieurs expressions montrent aussi le poids des circonstances dramatiques (c’est-à-dire la guerre et le risque d’invasion) : il parle d'une « mesure de salut public », de la nécessité de « frapper de stupeur les partisans du roi » alors que « la révolution est encore incertaine et douteuse ». Donc selon lui (en cela il n’est pas suivi par le Convention) il n’y a pas de procès à faire, le roi est déjà condamné : « Louis doit mourir, parce qu'il faut que la patrie vive ». 2. De quelle nature sont les accusations contre Louis XVI ? Comment le roi se défend-il ? Les accusations portées par Robespierre, comme celles de l'acte d'accusation, sont politiques ; Louis est accusé de massacre, de collusion avec les tyrans et la contre-Révolution, de fauteur de guerre. Louis XVI répond en récusant globalement les accusations et en s’arrêtant en particulier sur Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

l’incrimination d’avoir fait couler le sang ; sa défense ici est surtout fondée sur la sensibilité, l’émotion, les sentiments : « en vous parlant peutêtre pour la dernière fois », « ma conscience ne me reproche rien » « mon cœur est déchiré », « les malheurs du 10 août », « les preuves de mon amour pour le peuple ». 3. Quels sont les points communs et les divergences entre Robespierre et Vergniaud ? Robespierre comme Vergniaud sont convaincus de la culpabilité de Louis XVI. Les deux votent la mort. Mais pour Robespierre Louis XVI est un ennemi de la Révolution, il devrait être exécuté sans procès. En revanche Vergniaud cherche à éviter l’exécution ; il aurait voulu que le jugement soit soumis à une approbation populaire, ce qui a été rejeté. Il souhaite donc proposer un sursis à l'exécution. 4. Quelles expressions montrent que le procès se déroule dans un contexte de menaces sur la République ? Le procès se déroule dans un contexte de menaces, analysées différemment par les députés ; Robespierre parle d’une Révolution « encore incertaine et douteuse », un roi dont le « nom seul attire le fléau de la guerre sur la nation agitée », qui doit mourir « parce qu’il faut que la patrie vive ». Vergniaud au contraire, après le vote de la mort, se dit « inquiet sur le sort de [la] patrie » ; ses inquiétudes sur « les dangers qui menacent la liberté », « sur tout le sang qui peut être versé » s’expliquent par les craintes de guerre civile et étrangère que peut provoquer l’exécution du roi. 5. Montrez que le procès de Louis XVI est un événement politique majeur en 1793. Le procès est un événement politique majeur : - les enjeux du procès sont politiques : défendre la Révolution et l'enracinement de la République en faisant disparaître celui qui incarne la monarchie. « C’est un transfert de sacralité du ci-devant souverain au Souverain et, à ce titre, un acte fondateur de cette République créée par la Convention » (M. Biard et alii, Révolution, Consulat, Empire, p. 106) ; - mais il radicalise les divisions idéologiques entre les Montagnards proches des sans-culottes parisiens, défendant la souveraineté de la Convention, et les Girondins, plus modérés et partisans d’un recours direct au peuple par-delà ses représentants ; - l’exécution solennelle le 21 janvier 1793 a un immense retentissement en France et en Europe.

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Elle contribue à relancer la guerre et à aggraver les divisions fratricides. Itinéraire 2 Rédiger un compte rendu de recherches Il s’agit de rendre compte des informations trouvées sur les deux sites : - le déroulement de l’enquête, le contenu de l’accusation montrent les points d’accord ; - les débats montrent les divergences ; notamment au moment du vote de la sentence (ce qui peut être montré à partir d’exemples pris dans le registre d’archives).

DOCUMENTS La Révolution et l’abolition de l’esclavage > MANUEL PAGES 42-43  Doc 1. Les tensions à Saint-Domingue en 1789 Ce texte doit permettre de rappeler la situation sociale à Saint-Domingue en 1789 : c’est une société esclavagiste où 90 % des habitants sont esclaves, 4 % sont des « libres de couleurs » et 6 % des blancs (les colons). Or seuls les colons ont des députés à l’Assemblée où ils s’emploient à défendre leurs intérêts, c'est-à-dire une évolution vers l’autonomie et le maintien de l’esclavage. De leur côté les « libres de couleur » fondent de grandes espérances sur les possibilités d’accéder aux droits politiques. Les esclaves misent sur le courant anti-esclavagiste et abolitionniste qui s’est développé au cours du XVIIIe siècle. En 1789 les libres de couleur envoient une délégation à Paris demander des droits politiques ; la Société des citoyens libres de couleur qu’ils ont fondée, est reçue à l'Assemblée en octobre. Mais sous l’influence des colons les plus réactionnaires, ils se voient refuser une représentation à l'Assemblée.  Doc 2. L’insurrection des esclaves de SaintDomingue 1791-1793 L’Assemblée confirme par un décret, début 1790, l’exclusion des « libres de couleur » de la citoyenneté. Rentrés à Saint-Domingue en septembre 1790, ils déclenchent une révolte pour obtenir l’application des principes de 1789 ; elle est férocement réprimée. Cette gravure illustre la nouvelle insurrection qui éclate alors, celle des esclaves, Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

vingt fois plus nombreux que les maîtres. Le nord de l’île est la région la plus touchée. Les plantations, les habitations, les sucreries y sont incendiées, les maîtres sont massacrés. En décembre une armée envoyée par la Convention débarque sur l’île, mais ne parvient pas à rétablir l’ordre. Dès lors pour briser l’alliance des « libres de couleur » et des esclaves, la loi du 4 avril 1792 accorde l’égalité civile et politiques à tous les « libres de couleur » sans condition de naissance.  Doc 3. Le député Sonthonax abolit l’esclavage à Saint-Domingue, 1793 Pour appliquer la loi d’avril 1792, déjouer l’opposition des colons, et parvenir à mettre un terme à la révolte des esclaves qui perdure, la Convention décide d’envoyer trois commissaires civils. Sonthonax, Polverel et Ailhaud doivent faire face à une situation rendue très complexe par les menaces d’intervention anglaise et espagnole. Pour mettre fin à l’insurrection mais aussi pour rallier à la République des soldats citoyens contre les Anglais et les Espagnols, Sonthonax abolit l’esclavage le 29 août dans le nord de l’île et Polverel en septembre dans le reste de la colonie. Sonthonax donne à la proclamation les formes d’une déclaration officielle de la République bien qu’elle relève de son initiative personnelle. L’affirmation de l’égalité juridique, l’abolition du Code noir mettent fin à l’insurrection et permet le ralliement à la République de chefs comme Toussaint Louverture (1743-1803), un des libres de couleur leader de la révolte en 1791.  Doc 4. Belley, le premier député noir à la Convention Arrivé à Paris le 3 février 1794, Belley est reçu à la Convention avec les deux autres députés de Saint-Domingue, et siège du côté de la Montagne. Il reste député jusqu’en 1797 continuant de défendre les principes d’égalité dans les colonies contre les tentatives de réaction ; il est membre du club des Jacobins et de la Société des amis des noirs. Girodet, important peintre néoclassique, auteur notamment de portraits (Chateaubriand, la reine Hortense, Bonaparte), donne dans ce tableau une image solennelle du premier député noir. Sur fond de paysage (celui de sa circonscription de SaintDomingue), Belley est accoudé avec prestance au buste de l’abbé Raynal. Il porte le costume officiel des députés à la Convention, l’écharpe tricolore à la ceinture et le chapeau. Ce tableau qui fait sensation au salon de 1798, n’est pas une commande de 12

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Belley dont le niveau de vie est resté très modeste mais une inspiration personnelle de Girodet.  Doc 5. De l’abolition de l’esclavage à son rétablissement Le lendemain de l’arrivée des trois députés de Saint-Domingue, les députés votent par acclamation ce décret proposé par le député Lacroix d’Eure et Loir. C’est l’aboutissement des débats récurrents depuis la Déclaration des droits de l’homme, mais bloqués par les colons qui disposent d’une puissante organisation avec le club Massiac. La pression des colons explique la loi sur la traite et l’esclavage en 1802, loi qui met les îles des Antilles françaises à feu et à sang.

Réponses aux questions 1. Quelles sont les catégories de population qui composent la population de Saint-Domingue ? Quelles relations entretiennent-elles entre 1789 et 1793 ? Le texte met en évidence les tensions : les « libres de couleur » dénoncent l’esclavage (« des bêtes de somme ») et les discriminations qu’ils qualifient de « barbarie ». Ces inégalités que l’Assemblée ne remet pas en cause provoquent une révolte sanglante à Saint-Domingue de 1790 à 1793. 2. Quels droits sont reconnus en 1793 puis en 1794 ? Que rétablit la loi de 1802 ? En 1793 Sonthonax abolit l’esclavage à SaintDomingue au nom de la Déclaration des droits de l’homme. En 1794, après l’arrivée des députés antillais, cette mesure est adoptée par la Convention qui abolit l’esclavage dans toutes les colonies. La loi de 1802 « maintient » l’esclavage, car certaines colonies sous domination anglaise n’ont pas connu l’abolition ; elle permet le rétablissement de l’esclavage et la traite. 3. Quel rôle le député Sonthonax donne-t-il aux libres de couleur dans l’issue de la révolte ? Sonthonax fait des libres de couleur les artisans de l’abolition par leur action depuis 1789, leur révolte ; ils ont donné « l’exemple du courage, » et « les armes qui vous ont conquis la liberté ». 4. Montrez que ce portrait de Belley illustre le combat anti-esclavagiste des populations des colonies à la fin du XVIIIe siècle. J.B. Belley est accoudé au buste de l’abbé Raynal qui a défendu au XVIIIe siècle la cause anti esclavagiste en France. La dignité de la pose,

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l’uniforme de député, témoignent de son combat pour l’égalité civile et politique. 5. Montrez que les populations de SaintDomingue, dans leur diversité, ont provoqué un bouleversement complet de la société locale. Par la révolte contre les inégalités nées des préjugés de couleurs, les « libres de couleur » ont provoqué l’embrasement général à Saint-Domingue. Alors que l’esclavage est déjà combattu en France comme ailleurs en Europe, cette insurrection entraîne l’abolition et la reconnaissance de la citoyenneté pour les populations des colonies des Antilles et de Guyane.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Le code civil, 1804 / L’institution des préfets > MANUEL PAGES 44-45

Le code civil  Doc 1. Le code civil, 1804 Bonaparte, secondé par des juristes de premier plan (Cambacérès, Portalis, Tronchet) achève l’uniformisation des différentes lois et coutumes civiles entamée en 1791. Le 21 mars 1804, les 2 281 articles du Code civil sont promulgués. Il rassemble les lois qui fixent le droit des personnes et de leurs relations (livre I), puis celui des biens et de la propriété (livres II et III).  Doc 2. Bonaparte et le code civil Bonaparte s’implique personnellement dans les discussions et préside à de nombreuses reprises les séances du Conseil d’État consacrées au Code civil (il est représenté tenant une plume). Le texte est adopté, sous le Consulat, en mars 1804. La gravure de 1807 met en scène l’empereur, entouré des attributs de la souveraineté et devant le buste de Charlemagne (Pepin à gauche, Hugues Capet à droite et Clovis en arrière-plan). La scène est aussi familiale, Napoléon montre à Joséphine le Titre VIII sur l’adoption.  Conseils Le Code civil entérine certaines innovations révolutionnaires, en particulier la place fondamentale de la loi, identique pour tous (art. 1), et devant laquelle tous les Français sont égaux (art. 8) ; l’égalité se trouve aussi dans la laïcisation de l’état civil (art. 55) et du mariage (art. 212). Les règles de la nationalité sont fixées par la loi avec prédominance du droit du sang (art. 9). 13

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Par l’importance donnée à la famille et à la propriété, le code civil établit une société hiérarchisée : la puissance paternelle est affirmée et s’exerce sur l’épouse (art. 213) et les enfants (373). Si le divorce est légal, il est inégal entre les époux (art. 229 et 230) ; les femmes restent donc des mineures dans tous les domaines ; elles ne peuvent accomplir aucun acte juridique, ni signer un contrat de travail (art. 1 124). Les enfants sont soumis à l’autorité paternelle jusqu’à 25 ans (art. 373-377). Dans le travail la parole du maître fait autorité : toute contestation d’un ouvrier sur l’application de son contrat est rendue vaine par l’art. 1 781.

L’institution des préfets  Doc 1. Les missions des préfets « Faites que la France date son bonheur de l'établissement des préfectures », dit Bonaparte en mars 1800 (Le Citoyen français, mars 1800). Son frère Lucien (1775-1840), qui a activement participé au coup d’État de Brumaire comme président du Conseil des Cinq-cents, est alors ministre de l’Intérieur. Nommés par Bonaparte, les préfets ont des pouvoirs étendus, à la fois administratifs (ils participent à la désignation des maires), politiques (ils contrôlent les conseils généraux et les communes), économiques et culturels.  Doc 2. La construction des préfectures Choisis par le pouvoir parmi les notables, dotés d’un uniforme, les préfets sont couverts d’honneurs et de prestige. La construction des préfectures commencée sous l’Empire mais largement inachevée en 1814, témoigne de l’importance que le Consul puis l’Empereur donne à cette fonction dans l’organisation du pouvoir : « Ils étaient eux-mêmes des empereurs au petit pied » (Mémorial de Sainte-Hélène).  Conseils En 1800, quelques mois après le coup d’État, la première mission des préfets est d’œuvrer, comme « premier magistrat », au-dessus des partis, à la réconciliation politique ; pour « finir » la révolution ils doivent mettre fin aux affrontements idéologiques « qui nous ont trop longtemps dominés », ils doivent « faire taire les passions haineuses, les ressentiments », ne jamais être « l’homme de la Révolution ». Le texte évoque l’impulsion générale à laquelle les préfets participent : « restituer la France dans son Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

antique splendeur », « asseoir ce magnifique édifice sur les bases inébranlables de la liberté et de l’égalité ». Pour cela ils s’occupent du recrutement militaire, de la levée des impôts, des différents domaines de l’économie qu’ils doivent aider et encourager (« aimez », « visitez », « protégez », « honorez », « distinguez »). Ils doivent aussi développer l’enseignement.

En équipes Équipe 1 Bonaparte veut mettre fin à la Révolution en conservant certains de ses principes ; en effet : - le code civil repose sur l’uniformité de la loi et l’égalité devant la loi ; - il enracine la laïcisation des actes d’état civil (naissance, mariage) ; - avec l’établissement des préfets il veut fonder la prospérité sur « les bases inébranlables de la liberté et de l’égalité ». Équipe 2 Mais cette société est fortement hiérarchisée : - dans la famille avec la reconnaissance de la puissance du père et du mari ; - dans le travail, avec l’affirmation de l’autorité incontestable du maître face à l’ouvrier ; - dans l’administration avec une organisation centralisée qui donne des pouvoirs étendus au représentant de l’État. Pour les deux équipes ces éléments de réponse doivent être complétés par des exemples, des citations, des illustrations tirées des documents. Mise en commun À partir de ce travail de préparation, les deux équipes peuvent échanger en s’interrogeant d’abord sur ce qu’est être « perdant » ou « gagnant » ici. Puis les documents amènent à distinguer les hommes, les femmes, les enfants, la société en général. Pour chaque catégorie, examiner les droits reconnus, les devoirs imposés, qui peuvent s’exercer dans la famille, la société, le travail.

DOCUMENTS L'Europe bouleversée par la France 14

Chapitre 1 – La Révolution française et l’empire, une nouvelle conception de la nation

> MANUEL PAGES 46-47  Doc 1. Les effets espérés de la Révolution Par le grotesque, la déformation physique, par les postures bouffonnes, la caricature révolutionnaire stigmatise les ennemis que tout oppose au corps harmonieux du patriote. À partir de 1792, cet art, qui s’est développé partout en Europe, se met aussi au service de la guerre et participe aux affrontements politiques qui lui sont liés. L’engouement populaire, le prix bon marché, favorisent la demande et permettent à des dessinateurs (ici Dupuis) et des graveurs (Quéverdo) peu connus, souvent même anonymes, de participer à cette importante production politique.  Doc 2. Espoirs et désillusions des peuples européens Poète et écrivain romantique prolifique, Goethe est aussi un acteur politique ; lorsque commence la Révolution il est conseiller à la cour du duc de Saxe-Weimar. Il participe ainsi en 1792 à la guerre et à la bataille de Valmy dont il dit alors : « de ce lieu et de ce jour s'ouvre une époque nouvelle de l'histoire du monde » (c’est du moins ce qu’il en écrit dans Campagne de France en 1822). On retrouve cette idée dans l’épopée romantique en vers Hermann et Dorothée qui connaît un grand succès à la fois en Allemagne et en France dès 1797. Les guerres révolutionnaires sont alors devenues des guerres d’occupation, de conquêtes et d’annexions. Mais il témoigne aussi de l’intérêt très vif de l’opinion allemande pour les événements révolutionnaires, que traduisent aussi de multiples écrits, des fêtes (par exemple à Hambourg on fête le 14 juillet 1790), ainsi que le séjour d’écrivains allemands en France pendant la Révolution.  Doc 3. Des espagnols contre la domination française L’expédition française en Espagne commence en 1807 ; elle doit permettre d’attaquer le Portugal allié de l’Angleterre ; elle est cependant rapidement détournée et des troupes s’emparent de villes espagnoles ; les mamelouks, soldats recrutés par Bonaparte lors de la campagne d’Égypte et incorporés dans la garde impériale, participent à ces combats comme à toutes les guerres napoléoniennes. En mars 1808, Murat s’installe à Madrid comme lieutenant de Napoléon avant que Joseph Bonaparte ne soit nommé roi. La population s’insurge contre cette occupation et cette annexion

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de fait. Quand les souverains légitimes sont convoqués par Napoléon à Bayonne en mai 1808 les habitants de Madrid se révoltent. Goya est témoin de cette insurrection, dont il fait deux tableaux en 1814.  Doc 4. L’influence française en Pologne Après la bataille de Friedland, la paix de Tilsitt entre Napoléon et le tsar aboutit à la formation d’un nouvel État polonais constitué aux dépens de la Prusse, et confié au roi de Saxe. Il disparaît à nouveau en 1815 quand le territoire polonais est partagé entre Russie, Autriche et Prusse au congrès de Vienne. La Constitution qui fonde en 1807 le grand-duché rappelle que dans une partie de l'Europe le système féodal et le servage sont encore en vigueur au début du XIXe siècle.  Doc 5. Le pillage de l'Europe Partout, le messianisme révolutionnaire qui accompagne les victoires militaires à partir de l’automne 1792 engendre des tensions et des défiances contre les ingérences françaises ; le pillage artistique de l’Italie ou de l’Égypte suscite l’indignation ; à ces exactions s’ajoute l’état de guerre quasi permanent qui impose des contributions financières, des réquisitions et le recrutement militaire, très mal acceptés par les populations. L’auteur milanais Carlo Porta est, comme Goethe, d’abord enthousiasmé par la Révolution et la fondation de la République cisalpine en 1797, avant de dénoncer les abus de la politique française en Italie.

Réponses aux questions 1. Quelles sont les attentes et les réactions suscitées par la Révolution ? Le document 1 évoque les effets espérés de la Révolution indiqués par les phylactères : le renversement des trônes, l’adoption de la Déclaration des droits de l’homme, la diffusion des principes républicains (liberté, égalité, fraternité, unité, indivisibilité de la république). L’extrait du poème de Goethe exprime les réactions enthousiastes et joyeuses (« son cœur s’élever et frapper de mouvements plus vitaux son sein plus libre »). 2. Montrez que les guerres aboutissent à l’hégémonie française sur une partie de l’Europe. Les guerres aboutissent à l’hégémonie par des changements dynastiques et politiques (adoption de nouveaux principes comme en Pologne), l’oppression et le pillage. 15

Chapitre 1 – La Révolution française et l’empire, une nouvelle conception de la nation

3. Quelles sont les conséquences de l’occupation française pour les populations ? Les populations dominées se rebellent contre la domination politique et économique qui trahit l’espérance des débuts de la Révolution. Mais les conséquences sont aussi, comme le rappelle la Constitution de la Pologne, la fin du servage et du système féodal.

1789 à 1792-1793. Ils sont fondés sur l’attente de la révolution politique des droits de l’homme (doc. 1 et 2). En Pologne, la Révolution permet la fin du système féodal et la reconstitution de l’État polonais. - ces espoirs disparaissent lorsque la guerre aboutit à une occupation durable et prédatrice (doc. 2 et 3). Ces déceptions et ces exactions suscitent des rancœurs précoces puis des insurrections.

4. Quelle image de la résistance aux Français ce tableau donne-t-il ? Le tableau donne l’image d’une résistance collective, spontanée, acharnée malgré l’inégalité des armes. 5. Rédigez un bilan d’une quinzaine de lignes Les idées principales de la synthèse : - les espoirs s’expriment au début de la Révolution avant que la guerre ne change la donne, donc de

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CHAPITRE

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L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848) › MANUEL PAGES 54 À 81

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Ce deuxième chapitre du thème 1 « L’Europe face aux révolutions » vise à montrer, après l’étude de la Révolution française et de l’Empire au chapitre 1, l’impossibilité de clore la Révolution par un retour à l’Ancien régime. Ce premier XIXe siècle est une période hybride où la restauration de l’ordre monarchique, œuvre du congrès de Vienne, est violemment contestée lors de nouveaux épisodes révolutionnaires en 1830 et surtout en 1848, avec le Printemps des peuples. Il s’agira de montrer, en 6-7 heures, que si la Révolution n’est pas une parenthèse refermée, le retour des rois n’est pas un retour de l’Ancien régime au sens strict non plus. C’est une période de transition où l’ordre monarchique n’est pas mort, et l’ordre démocratique reste à construire. Cette période a récemment fait l’objet de plusieurs renouvellements historiographiques, désormais intégrés dans des synthèses. Il faut notamment souligner l’approche politique nouvelle des monarchies censitaires françaises, perçues désormais comme des tentatives de modernisation du parlementarisme français ; l’histoire sociale des révolutions du XIXe siècle, faisant une place plus grande aux femmes mais aussi aux anonymes comme acteurs ; et enfin, dans une approche ouverte et transnationale, l’importance de la circulation des idées et des hommes, qui contribue à définir l’idée d’Europe comme construction historique. Nos choix ont essayé de les intégrer au mieux, pour transmettre aux élèves cette vision, celle d’un premier XIXe siècle aux enjeux finalement très actuels. Bibliographie indicative : • Aprile Sylvie, La Révolution inachevée, 18151870, coll. « Histoire de France », sous la dir. de Joël Cornette, Paris, Belin, 2010. • Démier Francis, La France de la Restauration (1814-1830). L’impossible retour du passé, Paris, Gallimard, 2012.

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• Deluermoz Quentin, « 1848 : le Printemps des peuples » dans Histoire mondiale de la France, sous la dir. de P. Boucheron, Paris, Seuil, 2017. • Diaz Delphine, Un asile pour tous les peuples ? Exilés et réfugiés étrangers dans la France du premier XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 2014. • Fureix Emmanuel, Le Siècle des possibles, 18141914, Paris, PUF, 2014. • Goujon Bertrand, Histoire de la France contemporaine. 2. Monarchies postrévolutionnaires, 1814-1848 Paris, Seuil, 2012. • Gribaudi Maurizio et Riot-Sarcey Michèle, 1848. La révolution oubliée, Paris, La Découverte, 2008.

OUVERTURE › MANUEL PAGES 54-55 Le chapitre s’ouvre sur deux documents permettant aux élèves de percevoir la tension majeure qui traverse la période : le retour des rois (doc. 1) s’accompagne de nouvelles révolutions (doc. 2). Le commentaire des documents permet d’approfondir cette opposition.

Document 1. Les rois retrouvent leurs royaumes Le document 1 est une caricature satirique française, dénonçant le redécoupage de l’Europe par les puissances victorieuses, la Russie et l’Angleterre, après la chute de Napoléon en 1815. Des princes sont réinstallés dans leurs royaumes, retrouvant leurs territoires et leurs anciennes possessions. Enfin, le retour de Louis XVIII et des Bourbons, « dans les wagons de l’étranger », ne tient qu’à la volonté du Tsar de Russie Alexandre Ier, défenseur de l’absolutisme. Question : Comment les rois pensent-ils effacer la période révolutionnaire ? En 1815, lors du congrès de Vienne, les rois ne semblent rien avoir appris, ni gardé, de la Révolution. Sur cette gravure, cette réunion de têtes couronnées ou de leurs représen-

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Chapitre 2 – L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848)

tants ne tient compte que de l’appétit des souverains (Autriche et Prusse), des intérêts familiaux et dynastiques des Bourbons (France-Espagne) et de l’équilibre géopolitique entre grandes puissances (Angleterre-Russie) pour redessiner la carte de l’Europe. Ce marchandage territorial se dessine à l’abri des regards, dans le secret des cabinets des puissants.

Document 2. Les peuples entrent en révolution Ce document fait l’objet d’une étude guidée avec animation dans le manuel numérique. Le document 2 est une lithographie allemande produite lors du Printemps des peuples de 1848. L’estampe reprend des caractéristiques et un modèle largement diffusé par les artistes dans toute l’Europe pour retranscrire le souffle révolutionnaire qui réveille les peuples du continent. Après la Sicile et la France, la « révolution de mars » débute en Allemagne, les patriotes et les libéraux Berlinois se révoltent contre l’autorité du roi de Prusse. Dans la nuit du 18 au 19 mars, autour de l’Alexanderplatz, ils font face aux troupes du roi sur les barricades. L’artiste a choisi une scène de nuit où les couleurs du drapeau tricolore allemand tranchent avec la pénombre. Question : À quel imaginaire la révolution de 1848 emprunte-t-elle ? Les représentations de la révolution de mars 1848 à Berlin sont nombreuses et font appel à un imaginaire établi par la Révolution de 1789. Une journée révolutionnaire rassemble le peuple en armes sur les barricades luttant au milieu des cadavres encore ensanglantés. La représentation romantique qui se diffuse au XIXe siècle exalte ainsi les idées de liberté (bras levé), de fraternité (une lutte collective) et de nation (drapeau) avec une force nouvelle. Dans la pénombre de la nuit, au milieu des violences, il s’agit de faire naître un monde nouveau. Les documents se répondent en structurant les oppositions : - l’ordre / le désordre ; - la légitimité dynastique / la lutte pour la liberté et la nation ; - un congrès des puissances / une journée révolutionnaire ; - un petit groupe de souverains / le peuple dans sa diversité ; - des marchandages feutrés et secrets / des combats violents sur une barricade.

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REPÈRES › MANUEL PAGES 56-57 Les cartes servent à souligner la dimension européenne de la restauration, de sa préservation et des luttes révolutionnaires qui se développent. En lien avec la frise chronologique, l’évolution politique spécifique de la France et son rôle européen sont mis en perspective.  La carte 1 sur l’Europe du Congrès de Vienne permet de montrer que la France retrouve des frontières resserrées en perdant toutes ses conquêtes depuis la Révolution. Au contraire les puissances victorieuses et leurs alliés font des gains territoriaux : le Royaume des Pays-Bas récupère la Belgique, le Royaume de Piémont-Sardaigne la Savoie et le comté de Nice. On notera le sort particulier fait au Duché de Pologne, création de Napoléon, à nouveau divisé entre la Russie, la Prusse et l’Autriche-Hongrie. Cette dernière domine aussi le nord d’une Italie très morcelée (8 États) et le sud de l’Allemagne, s’affirmant ainsi comme l’adversaire des mouvements libéraux et nationaux dans ces deux régions.  La carte 2 résume les transformations politiques à l’œuvre en 1814 et 1831. Elle montre que les insurrections sont quasiment constantes : d’abord en Europe du sud dans les années 1820 (Royaume des Deux-Siciles, Grèce, Espagne), puis davantage en Europe du Nord (France, Belgique, Saxe, Pologne) en 1830. L’ordre de Vienne est défendu par la Sainte-Alliance (Russie, Prusse, Autriche) mais les monarchies libérales en France et l’Angleterre soutiennent l’indépendance de la Grèce et de la Belgique. La carte souligne le changement de régime politique en France : en 1823 la France rejoint la Sainte-Alliance et réprime l’insurrection des libéraux espagnols contre Ferdinand VII, mais en 1830 s’installe la monarchie de Juillet, régime libéral qui désormais soutient la cause des Belges qui luttent pour leur liberté.  De même la carte 3 insiste aussi sur ces dynamiques transnationales en montrant que le Printemps des peuples est véritablement une révolution multipolaire par la multiplicité des foyers d’insurrection et leur propagation. Même si le mouvement débute à Palerme en janvier, c’est la réussite de la révolution de février 1848 à Paris qui transforme cette ville en « capitale des révolutionnaires » et en véritable centre d’impulsion.

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Chapitre 2 – L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848)

Hommes, écrits, caricatures, circulent finalement vers toutes les grandes villes de l’Europe, qui sont alors le théâtre d’épisodes révolutionnaires durant ce Printemps des peuples de 1848. La logique de la répression est la même, mais obéit à une géographie différente, avec Naples, Berlin et Vienne comme centre de la répression et de la reprise en main par les princes. Les changements politiques sont aussi observables : certains peuples obtiennent des Constitutions (Prussiens, Piémontais).

Réponses aux questions 1. Quels États profitent du congrès pour agrandir leur territoire en 1815 ? La carte 1 montre que le Congrès de Vienne est une restauration monarchique qui s’accompagne d’une destruction de l’ordre européen voulu par Napoléon. Les puissances victorieuses obtiennent des gains territoriaux. L’Empire russe, l’Empire d’Autriche, les royaumes de Prusse, des Pays-Bas et de Suède s’étendent, le Pape retrouve ses États en Italie. La puissance française recule, et les monarques gouvernent de vastes royaumes sans tenir compte de la volonté des peuples. 2. Quelles formes les contestations de l’ordre dessiné à Vienne prennent-elles ? Les contestations de l’ordre de Vienne prennent plusieurs formes. Il y a d’abord des insurrections nombreuses, qui peuvent s’étendre, se propager, et devenir de véritables révolutions. Ces insurrections demandent plus de libertés (France) et parfois de nouvelles nations pour les garantir (Grèce, Pologne, Italie, Allemagne). Il faut souligner trois temps : les insurrections libérales des années 1820, la vague révolutionnaire de 1830 et enfin la dimension européenne du Printemps des peuples de 1848. Mais il faut aussi montrer le rôle que peuvent jouer certains États pour aider les insurgés : les monarchies libérales comme le Royaume-Uni et la France après 1830. 3. Quels États cherchent à garantir la stabilité de l’ordre dessiné à Vienne en 1815 ? Au contraire, l’Empire russe, l’Empire d’Autriche, le royaume de Prusse signataires de la SainteAlliance coordonnent leurs efforts pour réprimer les insurrections et garantir la pérennité de l’ordre de Vienne. La France joue un rôle particulier : elle rejoint la Sainte-Alliance en 1818 et participe à la répression de l’insurrection libérale espagnole en 1823, avant de la quitter en 1830 avec l’avènement de la monarchie de Juillet. Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

COURS 1

L’ordre des princes face aux idées nouvelles (1815-1830) > MANUEL PAGES 58-59

Réponses au Testez-vous ! Quel système met en place Metternich pour maintenir la stabilité de l’ordre de Vienne ? « Le système Metternich » met en place des mécanismes d’entraide entre les rois. Il repose à la fois sur la diplomatie, qui réunit périodiquement des Congrès permettant de stabiliser la paix. Mais aussi sur un ensemble de mesures (surveillance, censure, police) destiné à réprimer toutes contestations et surtout les insurrections. La SainteAlliance renforce encore la coopération militaire entre la Prusse, l’Autriche et la Russie, vite rejointes par la France, pour garantir l’ordre de Vienne. Comment se manifeste la poussée des idées révolutionnaires en Europe ? Les progrès des idéaux de la Révolution française de 1789 (liberté, égalité, nation) se mesurent aux nombreuses insurrections et tentatives de révolution, menées entre 1815 et 1831, tant par les libéraux que par les patriotes qui soutiennent les mouvements nationaux. Impitoyablement pourchassés, ils s’organisent clandestinement. Écrits séditieux, complots, manifestations maintiennent un climat révolutionnaire en Europe. Quels peuples ont réussi entre 1815 et 1830 à gagner leur liberté et leurs indépendances ? Les mouvements nationaux sont nombreux mais finalement peu réussissent. Les Grecs obtiennent leur indépendance en 1829, après une lutte acharnée contre l’Empire ottoman, commencée en 1821. La victoire est arrachée grâce à l’appui des volontaires européens, et au soutien militaire de l’Angleterre. Enfin en 1830, les Belges, eux aussi aidés par la France et la Grande-Bretagne, obtiennent un État indépendant du royaume des PaysBas. (voir p 70)

COURS 2

En France, l’originalité des monarchies constitutionnelles 3

Chapitre 2 – L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848)

> MANUEL PAGES 60-61

Réponses au Testez-vous ! Citez les trois monarques qui se sont succédés en France entre 1815 et 1848. Sous la Restauration, la France est gouvernée successivement par deux rois. En 1814, Louis XVIII, frère de Louis XVI, monte légitimement sur le trône de France et octroie une charte. Mais malade, il meurt sans descendance en 1824. Lui succède Charles X, dernier petit-fils de Louis XV, qui se fait sacrer à Reims en 1825. Ancien chef du parti ultra, le roi décide de renforcer son pouvoir en publiant les 4 ordonnances de Saint-Cloud qui mettent fin à la charte. Il déclenche alors une révolution, qui lors des Trois Glorieuses des 27, 28, 29 Juillet 1830, le force à abdiquer. Les libéraux, pour imposer une monarchie constitutionnelle, en appellent au duc d’Orléans, cousin des Bourbons, qui accepte et prend le nom de Louis-Philippe Ier, « roi des Français ». Il règne sur la monarchie de Juillet jusqu’en février 1848, où une nouvelle révolution le renverse. Pendant toute la monarchie de Juillet, l’opposition entre Légitimistes (partisans des Bourbons et de la monarchie traditionnelle) et Orléanistes (partisans du duc d’Orléans et d’une monarchie constitutionnelle) affaiblit le parti royaliste. Comment s’appelle le texte qui garantit la limitation des pouvoirs du roi ? Le texte limitant les pouvoirs du roi s’appelle la Charte. Au Moyen-Age, une charte accorde des libertés et des privilèges à des sujets du roi. Louis XVIII reprend ce terme pour souligner d’où émane les libertés concédées en 1814, c’est-t-à-dire du pouvoir royal. Par la suite le terme en vient à désigner un texte contenant des principes et des droits fondamentaux. Comment le peuple peut-il s’exprimer sous les monarchies constitutionnelles ? Sous les monarchies constitutionnelles, la liberté d’expression et de presse existe officiellement mais elle est encadrée. Les contestations et les messages politiques empruntent donc des « voies souterraines » pour échapper à la censure et à la répression. On dessine et on caricature. On chante et l’on crie des slogans dans les guinguettes. Le théâtre, les enterrements d’opposants politique jouent un rôle d’exutoire pour les revendications.

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COURS 3

1848 : le « Printemps des peuples » > MANUEL PAGES 62-63

Réponses au Testez-vous ! Montrez que le « Printemps des peuples » possède une dimension européenne. Le Printemps des peuples est une dynamique révolutionnaire à l’échelle européenne. Le mouvement est véritablement multipolaire, même si le succès de la révolution française de février 1848 a un retentissement majeur. Le cycle révolutionnaire s’ouvre en Sicile en janvier 1848 puis se propage en mars 1848 : Prague, Vienne, Berlin, Munich, et toutes les villes italiennes sont impliquées. La répression qui s’abat sur les peuples à partir de l’automne 1848 et jusqu’en 1849 a lui aussi une dimension européenne : menée par l’Autriche et soutenue par la Sainte-Alliance (Russie et Prusse), elle rétablit l’ordre de Vienne en Italie en Allemagne. Pourquoi les Allemands ne réussissent-ils pas à créer une Allemagne libre et unie ? Au cours du « Printemps des peuples », les populations allemandes réclament des libertés et la création d’une fédération des États allemands. Mais les divisions politiques et religieuses entre les protestants plus libéraux et les catholiques plus conservateurs empêchent le mouvement national d’aller à son terme. Deux projets concurrents s’affrontent. L’Autriche s’oppose fermement à toute Petite Allemagne qui consacrerait une unification au profit de la Prusse et qui l’évincerait. Elle souhaite jouer un rôle dans une Grande Allemagne, ce que la Prusse refuse elle aussi. Quel est l’héritage du « Printemps des peuples » de 1848 ? Malgré la répression et le maintien de l’ordre de Vienne, le « Printemps des peuples » marque une accélération des tendances observées depuis 1830. Les idées apportées par la Révolution française progressent chez les peuples et l’opinion publique demande qu’elles soient prises en considération. La liberté, le principe des nationalités sont portés par des couches sociales diverses mais de plus en plus nombreuses : désormais les ouvriers et les femmes rejoignent les élites éclairées de la bourgeoisie libérale, et prennent eux aussi la parole. Enfin l’esprit de 1848 a fait naître une communion 4

Chapitre 2 – L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848)

et le sentiment fraternel d’appartenir au même ensemble : l’Europe.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE-

Metternich et l’ordre de Vienne (1814-1830) > MANUEL PAGES 64-65

Objectifs Cette étude de documents est un point de passage obligatoire du programme. Il permet de poser les bases de l’ordre politique dessiné à Vienne entre 1814 et 1815 (voir carte 1 p. 56). Le choix des documents veut mettre en lumière deux tensions. Les documents soulignent le rôle central du chancelier d’Autriche Metternich (doc. 1 et 3), comme architecte et défenseur d’un ordre dont les dimensions sont européennes (doc. 2 et 4). La diplomatie des princes, créateurs du « concert des nations » (doc. 1), s’accompagne de soulèvements nombreux (doc. 3 et 4), preuves que cet ordre contesté ne peut se maintenir que par la violence et la répression (doc. 2 et 3). Les deux documents iconographiques (doc. 1 et 4) peuvent être mis en regard : d’un côté la gravure du Congrès de Vienne rassemble des hautes personnalités dans une atmosphère feutrée, celle de la négociation ; de l’autre, le tableau d’Antonio Gisbert présente une scène d’exécution. Les yeux bandés, les mains attachées, des libéraux espagnols ayant projeté une insurrection sont capturés par les troupes de Ferdinand VII sur une plage de Malaga. Ils attendent froidement la mort en prenant le spectateur à témoin.

Réponses aux questions 1. Quelles sont les puissances qui garantissent le maintien de l’ordre de Vienne ? Surs quels principes communs est fondée leur alliance ? En 1815, les trois principales puissances qui garantissent l’ordre de Vienne sont l’Autriche, la Prusse et la Russie, elles sont rejointes par la France de Louis XVIII dès 1818. Elles souhaitent stabiliser cet ordre sur la pérennité des principes monarchiques (autorité absolue des princes, religion chrétienne) et refuser l’héritage révolutionnaire.

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2. Quelles formes les oppositions à l’ordre de Vienne prennent-elles ? Par quels moyens cet ordre est-il maintenu ? Les deux documents traitent des sociétés et des réseaux, qui œuvrent clandestinement au renversement de l’ordre de Vienne, à l’intérieur des États ou depuis l’étranger. Ces idées sont portées par des hommes qui circulent d’un État à l’autre de l’Europe. Leurs modalités d’action sont variées, il faut éveiller les consciences par des publications et des réunions, mais aussi tenter de renverser l’absolutisme monarchique par la force, en fomentant des révolutions. 3. En vous appuyant sur l’ensemble des documents, montrez que l’ordre de Vienne est un ordre européen : par ses organisateurs, ses contestations et sa défense. La synthèse doit reprendre les principaux arguments développés précédemment. L’ordre de Vienne est le résultat d’un Congrès rassemblant en 1815 toutes les puissances européennes dans une diplomatie nouvelle. L’ordre monarchique restauré à Vienne en 1815 est constamment et partout remis en cause par les sociétés secrètes et les réseaux transnationaux, animés par les Libéraux et les patriotes au nom des idées nouvelles portées par la Révolution française. Enfin, la SainteAlliance s’oppose de façon coordonnée à l’échelle européenne pour garantir la stabilité de l’ordre de Vienne. Itinéraire 2. Organiser un débat. Groupe 1 : un argumentaire défendant la restauration monarchique : l’absolutisme de droit divin, garantissant l’autorité et l’efficacité du gouvernement, mais aussi la stabilité et la paix pour les peuples (y compris par la répression). Les acteurs sont des diplomates avec une élocution solennelle, lente et un vocabulaire précis, rappelant que cet ordre est une construction légitimée par les rois et Dieu. Groupe 2 : un argumentaire exposant d’abord les idées nouvelles apportées par la France : la liberté notamment d’expression, l’égalité entre les hommes, le droit des peuples à se gouverner comme nation libre et indépendante. Puis une présentation des modalités d’action (violentes ou non) qui se développent dans la clandestinité. Les acteurs sont des membres d’une société secrète qui connaissent les risques encourus mais cherchent à diffuser leur message.

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Chapitre 2 – L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848)

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE POINT DE PASSAGE

Eugène Delacroix et les massacres de Chios > MANUEL PAGES 66-67

Objectifs Les massacres de Chios (ou de Scio) constituent le deuxième point de passage obligatoire du programme. La guerre d’indépendance grecque est facilement indentifiable sur la frise repères, p. 57, pour remettre en perspective l’évènement. Le choix de l’étude est de faire étudier en historien deux œuvres célèbres, l’une picturale (doc. 1 : le tableau de Delacroix), l’autre littéraire (doc 2 : le poème de V. Hugo), et de montrer en quoi elles sont aussi des sources pour comprendre les massacres de Chios et leur retentissement européen. Au-delà des spécificités propres aux deux œuvres, peinture et poème, l’élève doit saisir ce qui les rapproche : le combat commun en faveur de l’indépendance grecque, le procédé qui vise à émouvoir et à susciter l’indignation du spectateur ou du lecteur.

Réponses aux questions 1. Identifiez les civils grecs, les soldats ottomans et leurs attitudes respectives. Au premier plan, l’attitude résignée ou implorante des civils grecs, qui semblent attendre la mort ou l’esclavage, contraste fortement avec le panache romantique des soldats ottomans richement vêtus et montés à cheval. 2. Quels sentiments Delacroix réussit-il à transmettre au spectateur ? Comment ? Delacroix nous émeut, et provoque une forme de pitié envers le sort des victimes grecques. Le peintre a rendu leurs corps et leurs visages pourtant figés, très expressifs, dans une scène de guerre où la violence se déploie pourtant comme un tourbillon. Ils nous prennent à témoin, cherchent à susciter l’émoi et la compassion, et au final l’indignation du spectateur. 3. Montrez qu’en partant d’un sujet contemporain, Eugène Delacroix a traité d’un thème universel et intemporel. En partant des massacres de Chios, Delacroix traite finalement du sort malheureux des victimes civiles dans la guerre. Livrées à la violence des Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

soldats, et sans défense, elles semblent attendre un destin tragique et dévoilent toute la barbarie de la guerre. 4. Montrez que l’engagement de Victor Hugo emprunte d’autres procédés artistiques pour mobiliser. Victor Hugo utilise un autre ressort artistique pour sensibiliser le lecteur à la cause grecque. Son poème joue du contraste entre une mélancolie toute romantique sur les ruines et la compassion pour une victime, qui sont des attitudes répandues lorsque la guerre se regarde de loin, et la réplique violente de l’enfant qui montre que la barbarie de la guerre ne peut qu’engendrer la barbarie, ce qui provoque chez le lecteur un choc, et la prise de conscience que cela ne peut rester sans réponse. 5. Montrez que grâce à ces documents les historiens peuvent comprendre que le massacre de Chios est un moment important de la mobilisation des artistes romantiques en faveur de la Grèce. Les deux documents se complètent car le peintre et le poète ont le même objectif, susciter l’émoi et l’indignation. Ils utilisent deux procédés artistiques différents : la peinture et la poésie, mais mobilisent les mêmes images sur le sort des civils grecs pour susciter la pitié, et les mêmes contrastes avec la violence pour provoquer l’indignation. Les artistes forcent l’opinion à ouvrir les yeux sur la réalité de la guerre du point de vue des Grecs. Le spectateur comme le lecteur sont sommés de choisir leur camp et de soutenir le mouvement philhellène.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE

27, 28, 29 Juillet 1830 : Trois Glorieuses pour la liberté > MANUEL PAGES 68-69

Objectifs La révolution des Trois Glorieuses de 1830 est le troisième point de passage obligatoire du programme. Le choix des documents vise à discuter du concept de révolution, en trois temps. Les documents 1 et 2 en insistant d’abord sur les facteurs déclencheurs (la censure, le coup de force constitutionnel). Puis l’ensemble des documents en permettant de discuter du rôle et des objectifs des

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Chapitre 2 – L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848)

différents acteurs : le roi Charles X (doc. 1), Thiers et les Libéraux (doc. 2 et 3), le peuple dans sa diversité (doc. 4), les Parisiens et les provinciaux (doc. 5). Enfin, le dossier aborde la révolution sous l’angle des journées révolutionnaires et leurs significations, de l’insurrection à la révolution, en passant par la récupération des Libéraux jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe. La rupture est donc au cœur de l’étude : rupture avec l’absolutisme royal, rupture violente et rupture définitive avec les Bourbons, mais une rupture qui n’est pas totale puisqu’un nouveau roi devient l’émanation de la nation. L’analyse du célèbre tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple (doc. 4), doit permettre de prolonger les éléments déjà définis lors de l’étude sur Les massacres de Chios p. 66-67. Delacroix y réunit tous les procédés permettant de donner un souffle romantique à son tableau : pour glorifier le peuple sur les barricades, il met en scène l’insurrection du 28 Juillet à Paris. En cette fin d’après-midi pleine de poussière et du bruit des canons, l’Ancien régime meurt dans la lumière du couchant. L’allégorie de la Liberté lui donne un sens universel. Si le tableau est politique et soutient l’avènement de la monarchie de Juillet, il ne rencontre pas le succès et ne rentre au Louvre qu’en 1874. (On peut consulter l’article sur ce tableau du site L’histoire par l’image : Malika DORBANIBOUABDELLAH, « La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix », Histoire par l'image : http://www.histoire-image.org/fr/etudes/liberteguidant-peuple-eugene-delacroix)

Réponses aux questions 1. Identifiez la raison principale de la protestation des journalistes. Les journalistes protestent principalement contre la censure qui leur est imposée par la première ordonnance royale sur la liberté de la presse. Le coup de force royal s’accompagne aussi d’une dissolution de la Chambre des députés où les libéraux sont majoritaires. Le fragile équilibre de la Charte de 1814 est donc détruit. 2. Qui sont les insurgés ? L’insurrection est menée par la convergence de plusieurs catégories sociales, aussi bien à Paris qu’en province, à Nantes. Le rapprochement sur les barricades de la bourgeoisie, notamment pariHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

sienne, et des catégories plus populaires comme les ouvriers, les artisans et les paysans, a permis d’élargir le mouvement révolutionnaire. Dans le tableau de Delacroix, l’accent est mis sur la jeunesse, avec les étudiants, notamment les polytechniciens, et la figure de l’enfant (même si en réalité très peu d’enfants y participèrent). 3. Quel rôle Adolphe Thiers joue-t-il dans cette révolution ? Adolphe Thiers montre que la presse et les journaux jouent désormais un rôle politique crucial pour former l’opinion publique. En tant que directeur du journal Le National, il est l’instigateur du mouvement de protestation des journalistes à l’origine de l’insurrection. Son influence politique lui permet ensuite de résoudre la crise selon ses convictions libérales et antirépublicaines, en imposant sur le trône le duc d’Orléans, LouisPhilippe, comme « roi des Français » garant de l’unité nationale. 4. Pourquoi le duc d’Orléans est-il devenu Louis-Philippe, « roi des Français » ? Comme le dit Adolphe Thiers, le roi tient sa couronne du peuple, qui lui délègue une partie de la souveraineté. Par rapport à la Restauration et à la Charte, c’est un renversement complet de l’ordre : désormais c’est du peuple qu’émane le pouvoir, et le roi l’exerce en son nom. 5. Synthétiser On attendra des élèves qu’ils structurent leur argumentation en trois parties. La première expose les causes politiques de la crise en insistant sur la défense de la liberté d’expression et la mobilisation de l’opinion publique autour de ce droit considéré comme un acquis inaliénable de la révolution de 1789. Dans un deuxième temps, les élèves soulignent l’union temporaire des différentes catégories sociales, notamment des bourgeois et des ouvriers, pour expliquer le développement de l’insurrection. Enfin, la troisième partie doit exposer la manœuvre politique de Thiers permettant de sortir de la crise avec une monarchie libérale et parlementaire, au nom de l’unité nationale. La déception des républicains, qui voient la victoire leur échapper, pourra alors être mise en avant pour expliquer le moment politique crucial que constitue la sortie de crise lors d’un épisode insurrectionnel. Itinéraire 2 Présenter un tableau.

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Chapitre 2 – L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848)

On attendra que le texte proposé par les élèves fasse une analyse historique de l’œuvre d’art en le rattachant à un contexte précis, celui d’une journée révolutionnaire. Les lieux et les acteurs représentés sont au cœur de l’analyse, puis les symboles présents, pour y retrouver les motivations évoquées par le peintre (la défense de la liberté, l’égalité, la patrie, la charte…). Enfin, la représentation de la violence révolutionnaire doit être questionnée : les morts, les armes et la justification de l’épisode.

DOCUMENTS

En Belgique : 1830 ou l’indépendance / En Pologne : 1830 ou la révolution manquée > MANUEL PAGES 70-71

Objectifs Cette double page s’organise comme une comparaison entre la révolution belge menant à l’indépendance et l’échec de l’insurrection polonaise. Ces deux exemples peuvent être situés à l’aide de la carte 2 p. 57. L’objectif est d’analyser les révolutions sous deux angles : les dynamiques internes aux mouvements révolutionnaires (leurs compositions, leurs motivations, leurs modalités) ; puis l’accent est mis sur le rôle décisif des puissances étrangères, notamment de la France, dans la réussite belge et l’échec polonais. La dimension européenne et transnationale de ces luttes apparaît aussi dans les chronologies indicatives.

En Belgique Les deux documents p. 70 se complètent pour mettre en avant les caractéristiques libérales et nationales du mouvement révolutionnaire belge, et la dimension européenne dans lequel il s’inscrit.  Conseils Où et comment se manifeste le sentiment national chez les Belges ? Chez les Belges, le sentiment national s’exprime surtout dans la partie méridionale du royaume, catholique et francophone. L’Hôtel-de-ville de Bruxelles devient un lieu de ralliement à la cause révolutionnaire autour du drapeau tricolore. Cette

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ville, épicentre de la contestation, devient ensuite la capitale du nouvel État belge indépendant. Comparez le document 2 avec le document 4 p. 69. Quelles sont les similitudes ? Les deux tableaux de Wappers et de Delacroix présentent de fortes similitudes dans les choix opérés par les peintres pour représenter la révolution. D’abord les lieux sont facilement identifiables, la capitale et ses barricades. La présence des symboles patriotiques comme les drapeaux tricolores, qui rassemblent le peuple. Les peintres convoquent plusieurs catégories sociales (bourgeois, ouvriers), des enfants, des jeunes et des femmes. Enfin, la violence révolutionnaire est légitimée par le sacrifice des morts, dont les corps sont exposés.

En Pologne Les deux documents p. 71 se complètent, montrant qu’une conjonction de facteurs internes (divisions politiques) et externes (puissance militaire russe et non-intervention française) se conjuguent dans l’échec de la révolution polonaise.  Conseils Identifiez les différents acteurs du mouvement national polonais. Il faut montrer avec le document 1 et la chronologie que le mouvement national polonais est lui aussi composite, socialement (aristocrates, bourgeois, paysans), mais aussi politiquement (monarchistes et républicains). Enfin que certains Polonais soutiennent aussi la Russie. Aidez-vous du document 1 de la page précédente pour expliquer les contradictions de la politique étrangère de la France. La France de la nouvelle monarchie de Juillet joue un rôle décisif en soutenant politiquement et militairement les Belges dans leur lutte pour l’indépendance, mais en la refusant aux Polonais insurgés. Comme le montre le document 2, les insurgés polonais sont laissés seuls face aux troupes du Tsar de Russie, qui les répriment, faisant échouer la révolution. Cette politique provoque de vifs débats parlementaires et un mouvement de soutien à la cause polonaise auquel participe le caricaturiste Jules Grandville. La France accueille alors la majorité des Polonais ayant fui leur pays lors de la Grande Émigration, Frédéric Chopin en particulier. 8

Chapitre 2 – L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848)

En équipes ! Équipe 1 : on attendra des élèves qu’ils montrent que l’indépendance est le résultat d’une lutte violente : la révolution et la résistance contre le roi de Hollande nécessite l’union nationale des Belges. Puis dans un deuxième temps que cette lutte nécessite une aide extérieure, celle de la France et de l’Angleterre. Équipe 2 : on attendra au contraire la division politique des Polonais entre monarchistes et républicains, entre aristocrates, bourgeois et paysans, et enfin le rôle de la Russie dans la répression ainsi que la non-intervention de la France. Mise en commun On mettra en évidence des causes identiques, des acteurs et des modalités similaires mais des issues différentes à cause notamment des puissances extérieures.

DOCUMENTS

1848, le Printemps des peuples européen > MANUEL PAGES 72-73

Objectifs L’étude du Printemps des peuples de 1848 constitue un aboutissement dans le chapitre, sorte d’acmé des dynamiques révolutionnaires se développant depuis 1815 : même si l’ordre de Vienne se maintient, il n’est déjà plus le même. La dimension chronologique et spatiale des évènements est cadrée par la carte 3 p. 27, en plus de la chronologie indicative. Le choix des documents proposés illustre l’élargissement géographique et social de la dynamique révolutionnaire lors du Printemps 1848 puis questionne son échec et sa portée. Les documents 1 et 3 ouvrent spécifiquement sur l’entrée en politique des femmes. L’Allemagne (doc. 3), et l’Europe centrale avec la Hongrie (doc. 2) répondent à la présence des Français, des Belges et des Italiens déjà étudiée auparavant (doc. 4 et 5). Au-delà, il s’agit de montrer que l’incroyable retentissement du Printemps des peuples a profon-

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dément transformé le continent européen, lui léguant des valeurs communes et des nations distinctes, contribuant ainsi à façonner une identité européenne spécifique.

Réponses aux questions 1. Comment les femmes participent-elles aux révolutions de 1848 ? Les femmes participent aux insurrections et combattent sur les barricades, mais elles ont aussi un rôle politique en signant des pétitions et en appelant à la justice et à la paix. 2. Surs quels principes reposent les revendications des peuples en 1848 ? Les peuples s’appuient sur les principes du libéralisme (liberté d’expression, de presse) et du nationalisme (souveraineté nationale). La référence des insurgés Hongrois à la devise de la Révolution française : « Liberté, Égalité, Fraternité » montre qu’ils souhaitent se placer dans son prolongement. 3. Quel rêve anime les peuples en 1848 ? Sous quelle protection se placent-ils ? Les peuples sont animés par un rêve d’harmonie universelle et de paix. Ils veulent concilier le patriotisme du sentiment national et la fraternité, audelà des frontières en Europe. Ils se placent alors sous la protection du Christ car la religion chrétienne est commune à tout le continent, et qu’elle diffuse un message de paix et de fraternité. La nouvelle République française semble aussi guider le défilé. 4. Comment l’auteur du doc. 5 explique-t-il l’échec des révolutions ? Giuseppe Mazzini est amer sur l’issue finale du Printemps des peuples. Selon lui, les révolutionnaires n’ont pas tiré les leçons des échecs précédents et leurs divisions, notamment politiques, ont contribué à la victoire des monarchies. Ils n’ont pas de projets cohérents capables de fédérer suffisamment de soutien autour d’un nouvel État. 5. Synthétiser La synthèse s’organise en deux parties, l’une sur les principes de 1848 (la liberté, l’égalité, la nation) et leur portée européenne et mondiale (la fraternité universelle, le christianisme). L’autre partie nuance la victoire apparente de la répression de 1849 (le rapport de force demeure inégal certes, mais les souverains concèdent des Constitutions plus libérales, la politisation progresse).

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Chapitre 2 – L’Europe entre restauration et révolution (1814-1848)

PASSÉ/PRÉSENT Comment la France accueille-t-elle les réfugiés politiques ? > MANUEL PAGES 74-75

Objectifs Cette étude de documents s’inscrit dans la perspective récente ouverte par la recherche autour des réfugiés. (On peut consulter le site AsileuropeXIX : https://asileurope.huma-num.fr/). L’objectif est de montrer aux élèves la création précoce de la politique d’accueil des réfugiés en France sous la monarchie de Juillet (doc. 2), ses permanences (protection et asile) et ses inflexions de nos jours (accueil plus ou moins généreux). Le dossier met en lumière les enjeux humains (doc. 1 et 4), juridiques (doc. 2, 4 et 5) de la définition du statut de réfugié, mais aussi les enjeux économiques et sécuritaires (doc. 3, 5 et 6). Il s’agit à travers cette étude de permettre aux élèves d’appréhender les termes des débats actuels, de les mettre en perspective, et de construire une nouvelle dimension de leur citoyenneté.

Réponses aux questions

La France a ratifié la Convention de Genève de 1952 relative au statut des réfugiés. C’est l’OFPRA qui examine les dossiers et octroie des cartes de résident valable dix ans. Désormais, le demandeur d’asile a 90 jours pour déposer à la préfecture du département sa demande, et deux semaines pour effectuer un recours en cas de réponse négative. En 2017, environ 40 % des demandes d’asiles ont été acceptées, soit plus de 40 000 personnes. 4. Montrez que si la France est bien une terre d’asile, sa politique d’accueil des réfugiés a toujours montré aussi des contradictions. La synthèse s’organise en deux temps, l’un soulignant d’abord l’ancienneté, la continuité de l’accueil des réfugiés en France depuis 1830, et conformément aux valeurs énoncées par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1789. Le second soulevant les contradictions qui émaillent cette politique, l’État souhaitant contrôler les flux, les gérer, en tenant compte d’impératifs financiers et d’ordre public. Depuis 1830, de nouveaux textes législatifs redéfinissent périodiquement les conditions d’accueil, tout en restant conformes aux valeurs de la France et à la Convention de Genève de 1952.

1. Pourquoi dès 1830 la France est-elle une destination privilégiée pour les réfugiés ? Les exilés se dirigent vers la France car la monarchie de Juillet accueille les réfugiés, notamment polonais, qui ont été contraints de fuir leur pays pour des raisons politiques après l’échec de l’insurrection de 1830. Cette politique libérale leur donne une existence légale avec le statut d’étrangers réfugiés, et des subsides (doc. 3). La population française fait aussi preuve d’hospitalité (doc. 1), mobilisée par une campagne de presse sur le sort fait aux Polonais par les troupes du Tsar de Russie, abandonnés par la politique de nonintervention française (voir p. 71). 2. Comment l’État français réagit-il devant l’afflux de réfugiés ? Devant l’afflux, l’État cherche à contrôler le nombre et le lieu de résidence de ces étrangers, en les regroupant dans certaines villes. Il s’agit aussi de limiter les dépenses sociales engendrées par leur accueil et auxquelles leur statut leur donne droit. 3. Comment la France assure-telle l’accueil des réfugiés de nos jours ?

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CHAPITRE

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La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire › MANUEL PAGES 82 À 111

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE « La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire » est un chapitre d’histoire politique. L’interrogation principale porte sur la nature régime et l’approche est chronologique. Les points de passages sont consacrés à trois acteurs qui permettent de présenter des points de vue différents. Lamartine représente le républicain militant du suffrage universel et de l’abolition de l’esclavage qui se range derrière la répression du mouvement populaire de juin 1848 et échoue à l’élection présidentielle de décembre 1848. Georges Sand est proche des républicains radicaux qui s’appuient sur les ouvriers, notamment parisiens, pour infléchir la République dans un sens plus démocratique et social. Ceux qui se font également appeler Montagnards, Rouges ou « démocsoc » sont violemment réprimés pendant les journées de juin et sont également battus lors de l’élection présidentielle de décembre 1848. LouisNapoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier et héritier du trône impérial, reçoit le soutien des partisans de l’ordre qu’ils soient monarchistes ou républicains modérés. Il triomphe aux élections présidentielles de décembre 1848 en recueillant notamment les suffrages des campagnes. La réflexion autour du régime repose sur la question des droits. Le suffrage universel est un enjeu majeur : à l’origine des journées de février 1848, le suffrage universel est adopté en mars 1848 avant d’être limité en 1850 puis réaffirmé par Louis-Napoléon Bonaparte lors de son coup d’État. Les enjeux et le sens du droit de vote changent d’un régime à l’autre. L’héritage des idéaux démocratiques révolutionnaires et l’affirmation de nouveaux droits sont au cœur des débats entre février et juin 1848 alors que les répressions et la remise en cause des libertés publiques marquent la fin de la République et le Second Empire qui s’infléchit dans un sens plus libéral dans les années 1860.

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Bibliographie indicative Généralités • Sylvie Aprile, 1815-1870, La Révolution inachevée, sous la direction de Joël Cornette, Belin, 2010. • Quentin Deluermoz, Le crépuscule des révolutions, 1848-1871, Point Seuil Histoire, 2012. Lamartine • Renée David, Lamartine, la politique et l’histoire, Imprimerie nationale, 1993. George Sand • Gabrielle Houbre, George Sand, Politique et polémiques (1843-1850), Imprimerie nationale, 1997. Louis Napoléon Bonaparte • Pierre Milza, Napoléon III, Perrin, 2007. Abolition de l’esclavage • Gilbert Pago, 1848, chronique d’une abolition, Desnel, 2006. Marianne • Maurice Aghulon, Marianne au combat, l’imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880, Paris, Flammarion, 1992. • Maurice Aghulon, Pierre Bonte, Les visages de la République, Découvertes Gallimard, 1992.

OUVERTURE › MANUEL PAGES 82-83

Document 1. Proclamation officielle de la Deuxième République Le document 1 est une gravure éditée en 1848 dans un ouvrage intitulée Fêtes et cérémonies de la République française. Elle a été dessinée par deux lithographes, Charles Fichot et Jules Gaildreau. La scène se déroule dans la « salle de carton » construite dans la cour d'honneur du palais Bourbon, derrière la façade actuelle de l'Assemblée

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Chapitre 3 – La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire

nationale. Elevée en mars 1848 pour accueillir les 900 députés de la Constituante, cette salle provisoire est détruite lors du coup d'État de 1851. Le Corps législatif retrouve ensuite la salle en hémicycle construite pendant le Directoire. Au premier plan de la scène, une majorité des 880 députés élus au suffrage universel les 23 et 24 avril 1848 est débout et acclame la République en criant et en levant les bras. Le public au balcon fait de même. Au fond, on distingue à la tribune de l'orateur Dupont de l'Eure, le chef du gouvernement provisoire dont les membres se tiennent à ses pieds. La scène représente l'acclamation des députés et du public qui crie plusieurs fois « Vive la République » lorsque Dupont de l'Eure, au nom du gouvernement provisoire, remet le pouvoir à l'Assemblée Constituante, composée d'une majorité de Républicains qui se réunissent pour la première le 4 mai 1848. Après la proclamation de la République, elle installe une commission exécutive de cinq membres. Cette assemblée qui vote la Constitution se sépare en mai 1849. Elle symbolise un pouvoir délibératif et démocratique

Document 2. L’empereur Napoléon III L’acclamation de la République et l’installation de son gouvernement par une assemblée élue au suffrage universel contraste avec le portrait de Napoléon III peint par Guillemet d’après le portrait officiel de Franz Xavier Winterhalter. Représenté en uniforme militaire et en devant le château des Tuileries, Napoléon s’inscrit dans le modèle monarchique avec le manteau d’hermine et le trône et celui de Napoléon Ier avec la Légion d’honneur et le trône dont des motifs reprennent celui de son oncle. Cette représentation met en scène un pouvoir personnel qui ne repose plus sur les principes de la deuxième République dont les symboles ont disparu.

Deux régimes se succèdent de 1848 à 1870 : la deuxième République qui remplace la monarchie et le second Empire. 2. Quelles sont les différences entre ces régimes ? Quel est leur point commun ? La deuxième République est un régime délibératif dirigée par le président de la République élu au suffrage universel qui partage le pouvoir avec l’Assemblée nationale. Il nomme et révoque les ministres du gouvernement. Ces derniers proposent des lois à l’Assemblée nationale qui est chargée de voter les lois et le budget. Le second empire est un régime autoritaire dirigé par un empereur qui n’est pas élu et dispose de pouvoirs très important. Le corps législatif est élu mais il a peu de pouvoir car il vote les lois et le budget décidés par l’empereur, rédigées par le conseil d’État et contrôlés par le Sénat : le principe de séparation des pouvoirs est fortement mis à mal. Les deux régimes ont pour point commun le suffrage universel dont la signification n’est pas la même. En 1848, il représente une avancée démocratique essentielle pour les républicains. Pour Napoléon III, le suffrage universel permet de renforcer le lien personnel de l’empereur avec les Français à travers les plébiscites notamment. 3. De quoi est formé le territoire français entre 1848 et 1870 ? Le territoire français est formé du territoire métropolitain actuel sans la Savoie et le comté de Nice ainsi que des possessions coloniales de nature différent : des comptoirs en Inde, les îles de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de Mayotte, la Guyane et des possessions en Afrique autour d’Alger et du fleuve Sénégal.

COURS 1 La deuxième république (1848-1852)

REPÈRES

› MANUEL PAGES 86-87 › MANUEL PAGES 84-85

Les documents présentent les institutions de la deuxième République et du Second Empire, : une frise chronologique et une carte des possessions coloniales avec le nombre d’esclaves quand les données sont connues.

Réponses aux questions

Réponses au Testez-vous ! Quelles sont les mesures libérales prises par le gouvernement provisoire ? Le gouvernement provisoire prend de nombreuses mesures libérales comme le suffrage universel, l’abolition de la peine de mort pour des motifs politiques, la liberté de la presse et d’association ou encore l’abolition de l’esclavage.

1. Combien de régimes politiques connaît la France de 1848 à 1870 ? Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

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Chapitre 3 – La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire

Pourquoi les républicains se divisent-ils en maijuin 1848 ? Les Républicains se divisent d’abord sur la question sociale. L’augmentation des impôts en raison d’une situation budgétaire catastrophique et la suppression des ateliers nationaux sont des désaccords majeurs. Le refus de Lamartine d’intervenir en faveur des peuples européens et les différentes conceptions de la démocratie expliquent aussi le soulèvement des républicains radicaux qui s’appuient sur le peuple parisien. Expliquez en quoi les conservateurs et LouisNapoléon Bonaparte reviennent sur les avancées du début de la deuxième République. Les conservateurs et Louis-Napoléon Bonaparte reviennent sur de nombreuses mesures libérales comme la liberté de la presse et le droit de réunion. La réforme électorale votée par les députés conservateurs exclut trois millions de Français du droit de suffrage.

COURS 2 Le Second Empire (1852-1870) › MANUEL PAGES 88-89

Réponses au Testez-vous ! Quels changements institutionnels apporte Napoléon III ? Napoléon III rétablit l’autorité impériale. Il installe un régime autoritaire dirigé par un empereur qui n’est pas élu et dispose de pouvoirs très importants qui mettent à mal le principe de séparation des pouvoirs. Le pouvoir exécutif est à l’initiative des lois et la justice est rendue en son nom. Le pouvoir législatif est affaiblit : le corps législatif est élu mais il a peu de pouvoir car il vote les lois et le budget décidés par l’empereur, rédigés par le conseil d’État et dont le contenu est contrôlé par le Sénat sans pouvoir en proposer ou les discuter. Comment l’empereur entretient-il une relation directe avec le peuple ? Napoléon entretient une relation directe avec le peuple par la pratique du plébiscite, un vote sur une question à laquelle les électeurs répondent par « oui » ou par « non » et par la pratique des voyages pendant lesquels l’empereur rencontre de nombreux français. Qui sont les opposants à l’empereur ? Comment s’expriment-ils et qu’obtiennent-ils ?

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Les républicains et des libéraux mais aussi des catholiques s’opposent à l’empereur. Ils s’opposent au sein du corps législatif, dans la presse, dans les autres écrits qui ne sont pas censurés ou dans des feuilles clandestines éditées en France et depuis l’étranger quand les opposants sont en exil.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Alphonse de Lamartine en 1848 > MANUEL PAGES 90-91

Réponses aux questions 1. Quelle campagne Lamartine soutient-il et quelles en sont les conséquences ? Alphonse de Lamartine soutient la campagne des banquets. Il prononce le 11 février 1848 un discours en faveur des réunions publiques qui renforce son poids politique chez les républicains. Quand le préfet de police interdit un banquet à Paris, il fait partie des meneurs républicains qui appellent les Parisiens à manifester le 22 février. Après deux jours de manifestations et de heurts, Louis-Philippe abdique et la deuxième République est proclamée (document 1). 2. Quel rôle Lamartine joue-t-il dans la révolution de 1848 ? Lamartine proclame la République à l’hôtel de ville de Paris le 24 février 1848. Il est nommé ministre des affaires étrangères du gouvernement provisoire, une fonction importante dans le contexte du « printemps des peuples ». Il est à l’origine de nombreuses mesures qu’il annonce dans les célèbres discours les 25 et 26 février comme l’adoption du drapeau tricolore (document 2), le suffrage universel, la création des ateliers nationaux et l’abolition de la peine de mort en matière de politique (document 3). 3. Quelle position prend-il à partir de mai 1848 ? Quelles en sont les conséquences pour lui ? À partir de mai 1848, Lamartine s’oppose aux républicains radicaux qui lui reprochent de ne pas assez soutenir les mouvements populaires européens et les ateliers nationaux. Lamartine s’est toujours opposé aux radicaux car il redoute un nouvel épisode de Terreur. Il décide de soutenir Cavaignac et la répression du peuple parisien au mois de juin 1848 qui fait des milliers de victimes (document 4). L’opinion se retourne contre lui. Il est l’objet de nombreuses attaques qui l’accuse 3

Chapitre 3 – La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire

d’avoir trahit l’esprit de mai 1848. Il ne recueille que 0,45 % des voix à l’élection présidentielle de décembre 1848 (document 5). 4. Pourquoi Lamartine écrit-il « La physionomie de la république depuis quelques jours m’afflige » ? Quand il écrit, « la physionomie de la République depuis quelques jours m’afflige », Lamartine regrette la violence des attaques contre la politique extérieure qu’il mène et des menaces qui pèsent sur la République, notamment lors des débats parlementaires où les plus radicaux menacent de renverser le gouvernement provisoire et l’assemblée constituante (document 4). 5. Synthétiser Quels sont les trois moments clés de l’action politique de Lamartine en 1848 ? Il est possible de distinguer trois moments clés dans l’action politique de Lamartine : 1. Lamartine soutient la campagne des banquets qui sont à l’origine des journées de février 1848. 2. Membre du gouvernement provisoire, il est à l'origine de mesures démocratiques importantes entre février et avril 1848. 3. Opposé aux Républicains radicaux, il soutient Cavaignac dans la répression des journées de juin et perd sa popularité dans l’opinion. Itinéraire 2 Écrire un récit historique La position politique de Lamartine au cours de l’année 1848 évolue : 1. Lamartine est d’abord un député républicain à l’origine de la révolution de 1848. - Écrivain et diplomate, élu député depuis 1833, Alphonse de Lamartine est un opposant de LouisPhilippe et de Guizot. Il défend progressivement des positions républicaines fondées sur la liberté d’action et l’égalité en droit comme l’abolition de l’esclavage et le suffrage universel. - Il se tient à l’écart de la campagne des banquets avant de prendre parti pour une meilleure représentation du pays. Il prononce le 11 février 1848 un discours en faveur des réunions publiques qui renforce son poids politique chez les républicains. - Quand le préfet de police interdit un banquet à Paris, il fait partie des responsables républicains qui appellent les Parisiens à manifester le 22 février. - Membre du gouvernement provisoire, il est à l'origine de mesures démocratiques (février 1848juin 1848). Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

- Le 24 février, Lamartine proclame la République à l’Hôtel de ville de Paris et il est nommé ministre des Affaires Étrangères du gouvernement provisoire. - Il prononce d’importants discours les 25 et 26 février où il demande au peuple parisien de renoncer au drapeau rouge qui symbolise la Terreur de 1793 au profit du drapeau tricolore et annonce des droits politiques pour le peuple, la création des ateliers nationaux et l’abolition de la peine de mort en matière de politique. - Il œuvre également pour l’abolition de l’esclavage qui intervient le 27 avril 1848. 2. Une opposition aux soulèvements du peuple parisien en juin 1848 et un échec à l'élection de 1848 - Lamartine se range dès le départ dans le camp des modérés. Il est critiqué par les républicains radicaux qui demandent des réformes sociales plus importantes, notamment pour son manque de soutien aux soulèvements du printemps des peuples en Europe. - Il est confirmé dans son rôle de ministre des Affaires Étrangères de la commission exécutive qui remplace le gouvernement provisoire après l’élection de l’Assemblée constituante. Il soutient la décision de la commission exécutive de fermer les ateliers nationaux en juin 1848 et se range derrière Cavaignac qui réprime dans le sang la révolte du peuple parisien. - Critiqué dans l’opinion et marginalisé dans le gouvernement, il enseigne le droit international avant de se présenter à l’élection présidentielle où il ne recueille que 0,45 % des voix. Il demeure député et conseiller général jusqu’en 1851.

DOCUMENTS L’abolition de l’esclavage vue de France > MANUEL PAGES 92-93

Réponses aux questions 1. Quels sont les territoires concernés par l’abolition de l’esclavage ? Les territoires concernés par l’abolition de l’esclavage sont : les îles de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de Mayotte, la Guyane et des possessions en Afrique autour d’Alger et du fleuve Sénégal (documents 1, 3 et 4). 4

Chapitre 3 – La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire

2. Quels liens les acteurs de la Deuxième république font-ils entre la révolution de 1848 et l’abolition de l’esclavage ? Le gouvernement provisoire de la deuxième République, Victor Schœlcher le sous-secrétaire d’État à la marine et aux colonies, les commissaires généraux de la République ou les artistes chargés de représenter l’abolition de l’esclavage relient la mesure aux idéaux démocratiques républicains résumés dans la devise : « liberté-égalitéfraternité » (documents 1, 2 et 5). 3. Quelle est la situation en Martinique à la suite de l’abolition d’avril 1848 ? La situation en Martinique est très tendue depuis l’annonce de proclamation de la République fin mars. Des troubles ont lieu dans les ateliers où les esclaves réclament un salaire et la fin des châtiments corporels. Début avril, les autorités de l’île annoncent aux esclaves que le décret n’est pas signé et qu’il est nécessaire de patienter. Le 20 mai, l’esclave Romain est battu pour avoir battu le tambour à la tombée de la nuit. Romain est libéré mais le maire de la commune du Prêcheur tire sur la foule dans la nuit du 22 au 23 mai. Le gouverneur Rostoland, qui connaît la décision de l’assemblée, décrète l’abolition de l’esclavage sur toute l’île le 23 mai : la population laisse éclater sa joie. Le décret est finalement connu le 3 juin avec l’arrivée de Perrinon, député abolitionniste envoyé un mois plus tôt par Schœlcher comme commissaire de l’abolition (document 4). 4. Confrontez les représentations de l’abolition avec la situation en Martinique. Expliquez les différences entre les tableaux et les textes. Les deux tableaux donnent une vision idéalisée de l’abolition. - Elle est d’abord marquée par la présence de la République. Dans le tableau de François Biard, celle-ci est symbolisée par le drapeau tricolore et un député sur une estrade, représentant de la République qui vient d’adopter le décret dont il tient le texte en main. Dans sa réponse à la commande passée par le ministère de l’Intérieur, Nicolas Gosse représente la devise de la République à travers trois allégories. La liberté, coiffée d’un bonnet phrygien et ceinte d’une ceinture tricolore, tient les chaînes brisées d’une esclave affranchie, qui représente la fraternité. L’égalité est reconnaissable au niveau qu’elle tient à la main. - Dans ces représentations, l’abolition se veut également pacifique et fraternelle. François Biard montre deux esclaves qui manifestent leur joie alors que sur la droite du tableau la société coloHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

niale vêtue luxueusement de blanc reçoit les remerciements d’une ancienne esclave. Dans le tableau de Nicolas Gosse, l’égalité donne la main à l’esclave affranchie dont les fers tombent des pieds. 5. Synthétiser Les différentes raisons de l’abolition de l’esclavage peuvent être distinguées en fonction de la part prise par les différents acteurs : 1. L’abolition est d’abord le fait de décrets signés par les Républicains dès leur arrivée au pouvoir. - Les républicains abolitionnistes en métropole s’inscrivent dans les pas de la Société française pour l’abolition de l’esclavage, fondée en 1834 après l’abolition britannique. Ils essuient plusieurs refus de Louis-Philippe et de Guizot malgré les pétitions et l’activité de Lamartine, Ledru-Rollin, Arago ou Schœlcher. - Arrivés au pouvoir, les républicains veulent faire aboutir au plus vite le processus d’abolition. Arago, ministre de la Marine et des Colonies désigne Schœlcher comme sous-secrétaire d’État chargé spécialement des colonies et des mesures relatives à l’abolition de l’esclavage. Il forme une Commission d’abolition de l’esclavage le 4 mars, dont le préambule affirme que « Nulle terre française ne peut plus porter d’esclaves ». La commission ne discute pas sur le principe, considéré comme acquis, mais sur les nouveaux rapports sociaux dans la société post-esclavagiste et qui font débat, comme le statut des terres, les salaires, l’éducation, l’organisation du crédit, la mise en place de la citoyenneté d’anciens esclaves ou l’indemnisation des propriétaires d’esclaves. Deux approches sur la stratégie de l’abolition s’opposent aussi dans la commission. Arago penche une déclaration d’abolition de principe puis une gradation par étapes dans les décrets alors que Schœlcher est pour l’abolition immédiate, seul moyen d’éviter un soulèvement général des esclaves. C’est la conception de Schœlcher qui l’emporte et le 27 avril est signé le décret d’abolition de l’esclavage qui indique que l’esclavage est entièrement aboli dans toutes les colonies qui sont citées. - Entre début mai et mi-juillet, de nombreux autres décrets sur l’instruction publique, le clergé, le régime du travail sont publiés. Le 4 novembre 1848, l’abolition de l’esclavage est inscrite dans la Constitution où on peut lire : « L’esclavage ne peut exister sur aucune terre française ». 2. L’abolition s’explique aussi par les luttes des esclaves. 5

Chapitre 3 – La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire

- Les esclaves attendent beaucoup de la proclamation de la République, connue fin mars en Martinique et en Guadeloupe. En Martinique, des troubles qui s’inscrivent dans une résistance séculaire ont lieu dans les ateliers. Le maire de la commune du Prêcheur ordonne de tirer sur la foule dans la nuit du 22 au 23 mai. Le gouverneur Rostoland décrète l’abolition de l’esclavage sur toute l’île le 23 mai pour faire revenir le calme. - Des heurts moins violents ont également lieu en Guadeloupe où l’esclavage est aboli le 27 mai.

PASSÉ / PRÉSENT La représentation de Marianne en débat > MANUEL PAGES 94-95

Réponses aux questions 1. Que représente Marianne ? Marianne représente la République, qui remplace la figure royale de l’État. Elle est d’abord une « figure de liberté », c’est-à-dire une femme vêtue à l’antique qui porte un bonnet phrygien en 1792. Ces représentations sont nommées « Marianne » pour la première fois dans le Sud de la France en 1794. En 1848, les allégories de femmes se multiplient lorsque le roi abdique. Le gouvernement provisoire lance un concours dès février 1848 pour remplacer la figure du roi sur les tous les attributs de l’État. 2. Quelles sont les différences entre les représentations proposées ? Lors du concours de 1848 s’opposent deux types de représentation dont rendent compte les critiques d’art dans le document 2. Maurice Aguhlon distingue les figures de « Marianne sage » dont le sceau du document 3 est un exemple et de « Marianne du peuple » comme celle du document 2. Le document 3 représente le sceau officiel de la Deuxième République avec la formule de la Constitution. Jean-Jacques Barre a gravé une femme assise, représentée de face, drapée à l’antique tenant un faisceau de licteur. Les représentations de « Marianne sage » sont sereines voire strictes. Elles ne portent de bonnet phrygien contrairement à la « Marianne du peuple » du document 2, une esquisse réalisée pour le concours de 1848 par un anonyme. Jeune, décidée, portant un habit du quotidien et des attributs comme le coq et le drapeau,

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cette Marianne du peuple est combattive et déterminée. Les représentations contemporaines de Marianne peuvent varier en fonction des priorités mises en avant par les Présidents comme la construction européenne ou les combats environnementaux 3. Quels sont les différents usages de la représentation de Marianne ? La figure de Marianne est d’abord une représentation officielle de la République sur le sceau constitutionnel, les médailles, les monnaies, les timbres ou les lieux publics. Elle peut aussi représenter les priorités politiques des dirigeants politiques mais aussi différentes conceptions de la République. 4. Pourquoi certaines représentations de Marianne font-elles débat ? Dans le document 1, les commentaires des critiques d’art montrent que deux conceptions de la République s’expriment à travers les représentations de Marianne. Ils privilégient les « Mariannes sages » qui symbolisent pour eux la démocratie libérale fondée sur la représentation électorale, la loi et l’ordre. Dans le document 3, l’urne du suffrage universel est mise en avant. Dans un souci de conciliation, Jean-Jacques Barre a représenté des attributs qui incluent le monde paysan (les gerbes de blés et la charrue du laboureur) et l’Église (la cassolette à encens). Pour les critiques d’art, les « Marianne du peuple » symbolisent les troubles révolutionnaires auxquels les républicains modérés veulent mettre un terme. Les débats sur ces Marianne engagées et combatives rappellent le discours de l’Hôtel de ville de Lamartine sur la couleur du drapeau. Aujourd’hui encore, une présentation de Marianne peut être l’objet de débats. La Marianne engagée du Président Macron ou le choix de François Hollande de représenter une figure inspirée, selon ses créateurs, d’une fondatrice des Femen (non présenté dans le manuel) sont discutés et critiqués.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE George Sand engagée en politique > MANUEL PAGES 96-97

Réponses aux questions 1. Quelles idées défend George Sand ? Dans la Cause du Peuple (documents 1 et 5), un journal qu’elle fonde en avril 1848, George Sand affirme d’abord des opinions républicaines fondées sur les libertés de penser, de s’exprimer, de 6

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voter et d’élire des représentants qu’elle adopte dès le début des années 1830 (document 2). Elle exprime aussi une sensibilité socialiste fondée sur l’égalité et l’union des « classes » (document 2). Elle est aussi féministe et souhaite que la République socialiste qu’elle appelle de ses vœux assure aux femmes l’égalité des droits civils avec les hommes (document 3). 2. Comment parvient-elle à diffuser ses idées ? Elle parvient à diffuser ses idées à travers la presse en créant un journal, la Cause du peuple (document 1 et 5) ou en signant des articles dans d’autres publications comme La Voix des femmes ou le Bulletin de la République (document 2 et 3). Ses œuvres de fiction comme des pièces de théâtre sont aussi un moyen de diffuser les idées (document 2). 3. Comment George Sand participe-t-elle à la vie politique en 1848 ? Elle participe directement à la vie politique en se rendant à Paris en mars 1848. Elle participe à la vie des ministères en fréquentant les cabinets ou en rédigeant des textes officiels comme des circulaires ou des articles du Bulletin de la République. Elle fréquente également le pouvoir dans les ministères ou dans les clubs politiques. 4. Pourquoi George Sand refuse-t-elle d’être candidate en 1848 ? Quelle est sa priorité ? George Sand refuse de participer aux élections législatives car elle estime que le combat féministe doit d’abord se concentrer sur l’égalité des droits civils avec les hommes. Il s’agit pour elle d’un préalable à l’obtention du droit de suffrage et d’élection. La participation aux affaires publiques sans transformation de la condition des femmes ne garantirait en rien la disparition de leur situation de dépendance vis-à-vis de la tutelle masculine (document 3). Ce point de vue n’est pas partagé par d’autres féministes qui lui demandent de se présenter et qui estiment que le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes passe par la représentation des femmes dans les affaires publiques (documents 3 et 4). 5. Synthétiser L’engagement politique de George Sand se traduit de plusieurs manières : 1. George Sand défend des idées républicaines et socialistes - Issue de la haute aristocratie par la famille de son père et de peuple parisien par celle de sa mère, George Sand, pseudonyme d’Aurore Dupin, baHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

ronne Dudevant est d’abord de sensibilité bonapartiste comme son père. - Elle devient républicaine à partir de 1830 puis elle s’intéresse aux questions sociales dans les années 1840. Elle étudie la Révolution française et se passionne pour Robespierre. Elle rencontre alors Louis-Napoléon Bonaparte qui s’intéresse aussi la condition ouvrière. 2. Son engagement des caractérise par la diffusion de ses idées à travers ses écrits. - Elle expose son engagement socialiste avant 1848 dans des romans comme le Pêché de Monsieur Antoine ou des brochures populaires comme les Dialogues entre Blaise Bonin, cultivateur, et son frère Claude, ouvrier des villes. -En 1848, elle publie de nombreux écrits politiques en faveur d’une révolution sociale, comme des brochures populaires (Les Paroles de Blaise Bonin), des éditoriaux pour l’organe de presse du gouvernement provisoire, entre le 25 mars et le 29 avril, des pièces de théâtre. Elle crée enfin une revue, La Cause du peuple. - Elle laisse aussi de nombreux romans féministes tout en refusant de participer à la vie politique. Dans sa correspondance, elle estime que les femmes doivent d’abord reprendre les droits civils que le mariage leur enlève. - En retrait de la vie politique, elle écrit à Louisnapoléon Bonaparte pour défendre les prisonniers politiques. 3. Son engagement passe aussi par une participation directe aux évènements révolutionnaires de 1848. - Elle se rend à Paris en mars 1848 avant de revenir à Nohant. - D’après la correspondance avec son fils, elle semble participer de près à des décisions du gouvernement provisoire et pousse Ledru-Rollin à se présenter à l’élection présidentielle. - Elle refuse toutefois la radicalisation des journées de juin mais demeure fidèle à ses convictions républicaines et socialistes. Itinéraire 2 Élaborer une chronologie illustrée. Distinguer trois moments dans la chronologie : • années 1830-1840 : engagements républicains et socialistes, fréquentation de Ledru-Rollin, Barbès, Louis-Napoléon Bonaparte • 1848 : - mars : arrivée à Paris

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Chapitre 3 – La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire

- mars-avril : participation à différents cabinets, création de La Cause du peuple - avril : elle refuse de participer aux élections législatives - mai-juin : elle quitte Paris et prend ses distances avec les républicains radicaux - novembre : elle soutient Ledru-Rollin aux élections présidentielles. • après 1848 : repli. Janvier 1852 : elle intervient auprès de Napoléon III pour demander l’amnistie des opposants au coup d’État (doc. 2 p. 102).

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Louis-Napoléon Bonaparte, premier président de la République > MANUEL PAGES 98-99

Réponses aux questions Itinéraire 1 : 1. Quels sont les pouvoirs du Président d’après la Constitution de 1848 ? D’après la Constitution de 1848, le président de la République est élu au suffrage universel. Il partage le pouvoir avec l’Assemblée nationale : il nomme et révoque les ministres du gouvernement qui proposent des lois à l’Assemblée. Il surveille et assure l’exécution des lois. Il peut aussi négocier et ratifier les traités et il veille à la défense de l’État (document 1). 2. Par quoi sont-ils limités ? L’Assemblée nationale contrôle le pouvoir du président. Elle est chargée de voter les lois et le budget présentés par les ministres du gouvernement. Pour les affaires extérieures, les traités doivent être approuvés par l’Assemblée qui doit aussi donner son consentement en cas de guerre (document 1). 3. Par quels moyens Louis-Napoléon Bonaparte parvient-il à personnaliser son pouvoir ? Il parvient à personnaliser son pouvoir en organisant de longs voyages en province. La mise en scène de ses déplacements permet au prince président d’établir un lien direct avec la population. Les arrivées solennelles et les défilés en tenue militaire mettent en avant la personne de Louis-Napoléon Bonaparte (documents 2 et 3). À l’occasion des discours prononcés lors de réceptions ou à l’issue d’inaugurations de réalisations importantes comme des lignes de chemin de fer ou d’autres Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

infrastructures, le prince président rend hommage à son oncle Napoléon Ier. Il conteste le pouvoir de blocage de l’assemblée qui nuirait à l’efficacité de son action selon lui (document 3). 4. Comment le coup d’État est-il présenté par les opposants à Louis-Napoléon Bonaparte ? Le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte est présenté comme une action policière violente contre le peuple, notamment parisien (document 5). 5. Synthétiser La présidence de Louis-Napoléon Bonaparte passe d’un pouvoir partagé à un pouvoir personnel entre 1848 et 1851. 1. Louis-Napoléon Bonaparte partage le pouvoir avec l’assemblée - Élu avec 74 % des suffrages, avec des scores importants dans les campagnes, Louis-Napoléon Bonaparte remporte l’élection présidentielle de décembre 1848. - D’après la Constitution de 1848, le président partage le pouvoir avec l’Assemblée nationale : - Le président de la République nomme et révoque les ministres du gouvernement qui proposent des lois à l’Assemblée nationale. Il surveille et assure l’exécution des lois et du budget que les députés ont voté. - Il peut aussi négocier et ratifier les traités et il veille à la défense de l’État mais les traités doivent être approuvés par l’Assemblée, qui doit aussi donner son consentement en cas de guerre. - Louis-Napoléon Bonaparte nomme des conservateurs dans son gouvernement. Regroupés dans le parti de l’ordre, ils remportent les élections législatives de 1849. Il partage le pouvoir avec ces élus qui défendent la monarchie et ne sont pas républicains au fond. Il ne s’oppose pas à la limitation de la liberté de la presse et du droit de réunion. Il se prononce en revanche contre la réforme la loi électorale du 31 mai 1850 qui prive trois millions de français du droit de suffrage. Progressivement, Louis-Napoléon Bonaparte personnalise son pouvoir. - Il veut réformer la Constitution pour assurer sa réélection tout en rétablissant le suffrage universel Devant le refus de l’Assemblée nationale, il décide un coup d’État le 2 décembre 1851 : la deuxièmeRépublique disparaît. Le coup d’État est annoncé par des affiches dans la France entière. Des manifestations ont lieu à Paris mais c’est dans les campagnes que l’opposition est la plus forte. La répression est violente : elle fait plusieurs centaines 8

Chapitre 3 – La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire

de victimes. Des milliers d’arrestations ont lieu dans les 32 départements mis en état de siège. Des députés sont emprisonnés ou proscrits. - C’est dans ce contexte de répression que LouisNapoléon Bonaparte, qui a rétabli le suffrage universel, remporte le 21 décembre le plébiscite où il demande aux Français le droit de rester au pouvoir pendant dix ans et de rédiger une nouvelle Constitution.

placardées sur les murs et qui symbolisent la liberté d’expression (document 3). Les personnages de gauche de la caricature de Daumier parue dans le journal Charivari en 1870 à la fin du Second Empire, sont deux paysans pauvres et analphabètes. Le personnage de droite est le maire du village qui les manipule en leur demandant de voter oui à un plébiscite, un vote sur une question à laquelle les électeurs répondent par oui ou par non (document 6).

Itinéraire 2 Élaborer une frise chronologique • 1848 : Louis-Napoléon Bonaparte est élu député puis président de la république : - février 1848 : retour d’exil - juin : élu député - décembre : élu président de la République • décembre 1848 – décembre 1851 : princeprésident, il personnalise son pouvoir : - mai 1849 : élection d’une assemblée conservatrice - mai 1850 : désaccord majeur avec l’assemblée sur la réforme de la loi électorale - 1851 : désaccord avec l’assemblée sur la possibilité de se représenter • décembre 1851 : coup d’État.

3. Comment se déroulent les opérations de vote sous le Second Empire ? Qui est présent dans le bureau de vote ? Sous le Second empire, les électeurs sont appelés à voter lors des plébiscites, des élections législatives pour renouveler le corps législatif et des élections locales et cantonales (documents 4 et 5). Les électeurs sont appelés aux urnes par des affiches et sont inscrits sur les listes électorales (document 4). Ils remplissent ou choisissent un bulletin qu’ils insèrent dans une urne. Le vote n’est pas secret (document 4). L’influence des notables est importante. Les préfets recommandent des candidats dits « officiels » au nom du gouvernement. Ces candidats disposent de facilités pour mener leur campagne comme un meilleur affichage. Les maires, souvent nommés par les préfets, président les opérations électorales qui ont lieu dans des écoles ou dans les mairies. Ils peuvent influencer le vote en appelant à voter oui aux plébiscites ou en soutenant un candidat officiel.

DOCUMENTS Le suffrage universel masculin et son usage > MANUEL PAGES 100-101

Réponses aux questions 1. Qui peut voter et dans quelles conditions en 1848 ? Comme le précise le décret du 5 mars 1848 pour les élections des représentants à l’Assemblée nationale constituante, tous les hommes âgés de 21 ans, l’âge de la majorité, qui peuvent justifier leur résidence de plus de 6 mois et qui jouissent de leurs droits civiques peuvent voter (document 1). 2. Décrivez les scènes représentées. Dans la gravure le Vote et le fusil de M. L. Bosredon, un ouvrier laisse son fusil, désormais réservé à « l’ennemi du dehors » pour déposer un bulletin de vote. Le suffrage universel est symbolisé par une urne antique qui ne ressemble pas aux urnes réelles. Derrière l’ouvrier figurent des affiches

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4. Quels sont les enjeux et les limites de l’usage du suffrage universel masculin sous la Deuxième république et sous l’Empire ? Les enjeux du suffrage universel sont la démocratisation et le rejet de la violence politique en 1848 et la légitimation du pouvoir personnel de Napoléon III sous le Second Empire. En 1848, les femmes sont exclues du processus de démocratisation. Sous le Second empire, la pratique du suffrage universel s’oppose aux libertés assurées par un régime démocratique représentatif comme la deuxième République comme le montre l’influence des notables dans les campagnes électorales et les opérations de vote. 5. Synthétiser Le suffrage universel masculin est au cœur de débats politiques entre 1848 et 1870. Il marque une avancée démocratique majeure qui demeure associée à la IIe République. - Institué en 1792 pour le vote de la nouvelle assemblée et confirmé dans la constitution de 1793 9

Chapitre 3 – La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire

sans être mis en œuvre, rétabli par Napoléon dans la Constitution de l’an VIII sans permettre d’élire directement ses représentants, le suffrage universel symbolise le combat politique des républicains. - Le suffrage universel masculin est accordé par le décret du 5 mars 1848 qui décide la convocation de l’élection des représentants du peuple à l’Assemblée nationale constituante. Cette mesure est une réponse politique aux violences révolutionnaires du mois de février qui sont à l’origine de l’abdication du roi Louis-Philippe et de la proclamation de la République. Les journées de février sont directement liées à la question de la représentation. Elles ont été déclenchées par l’interdiction d’un banquet d’élus par le préfet de Paris, considéré comme une réunion publique que le pouvoir veut contrôler. Une campagne pour leur autorisation commence en 1847. Elle est soutenue par des personnalités républicaines comme Lamartine qui prononce au début du mois de février un discours en faveur des réunions publiques et appelle les Parisiens à manifester le 22 février contre la décision de leur interdiction. Pour les républicains, le suffrage universel légitime la révolution et permet de mettre fin aux violences. Il assure une meilleure représentation au niveau national, départemental et municipal. - Alors que l’Assemblée conservatrice élue en 1849 limite fortement le suffrage universel en privant trois millions de français de leur droit de vote, Louis-Napoléon Bonaparte le rétablit dans les conditions de mars 1848. Il s’agit pour lui d’établir un lien direct entre la personne et le peuple français à travers notamment la pratique du plébiscite. - Cette rupture qui demeure un des héritages les plus importants de 1848 est toutefois incomplète. Les femmes n’obtiennent pas le droit de suffrage. Le poids des notables dans le vote est important. Ils peuvent influencer le vote dans campagnes notamment. Sous le Second Empire, le préfet et les maires qu’ils nomment favorisent des candidats officiels et contrôlent le processus électoral. Ces pratiques sont de plus en critiquées dans les années 1860 lorsque l’empire se libéralise.

DOCUMENTS La limitation des libertés publiques > MANUEL PAGES 102-103

Réponses aux questions Équipe 1 Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Le Second Empire est un régime autoritaire qui remet en cause les libertés civiles. Louis-Napoléon Bonaparte contrôle les forces de police et militaires à la tête desquelles il place des hommes de confiance qui n’hésitent pas à utiliser la force pour protéger et renforcer le pouvoir. La résistance au coup d’État fait des centaines de victimes. D’après Sylvie Aprile, 32 départements sont mis en état de siège. Sur les 27 000 personnes arrêtées, 10 000 sont transportées en Algérie et en Guyane, 3 000 internées et 5 000 soumises aux surveillances policières. George Sand plaide la cause de ces hommes et de ces femmes auprès de LouisNapoléon Bonaparte avec qui elle a partagé des combats pour l’amélioration de la condition des ouvriers dans les années 1840. Elle demande des mesures d’amnistie que Napoléon III ne prend pas. Il décide par décret d’expulser 80 députés dont Victor Hugo et Edgar Quinet. Plus de 10 000 personnes sont également bannies. Ces hommes et ces femmes sont condamnés à l’exil. Certains poursuivent leur activité publique par l’intermédiaire d’écrits édités à l’étranger et diffusés clandestinement en France. La liberté de la presse est fortement remise en cause. Le nombre de titres de la presse provinciale diminue de 60 à 24 titres. À Paris, seuls onze titres sont autorisés : les républicains ne disposent plus d’organe de presse. En 1858, une loi de sûreté générale permet d’emprisonner toute personne qui s’oppose au régime et d’arrêter toute personne condamnée pour délit politique depuis 1848. Équipe 2 - Le mot préfet vient du latin praefectus qui signifie « placé à la tête de ». Dans la Rome antique, il désignait de nombreuses charges militaires et civiles. En France, La fonction de préfet a été créé par Napoléon Bonaparte en 1800. Sous le Second Empire, le préfet reçoit le salaire le plus élevé de toute la fonction publique : Napoléon III considère qu’ils sont les acteurs essentiels du renforcement du pouvoir de l’État. - Le décret de décentralisation administrative de mars 1852 accorde de nouveaux pouvoirs aux préfets. Le préambule du texte justifie cette décision par une formule restée célèbre : « on peut gouverner de loin, mais on n’administre bien que de près ». Les collectivités locales sont sous leurs tutelles pour leur budget et leur imposition et les préfets disposent de leviers importants dans l’organisation de la vie économique. Leur pouvoir de police sont également étendus (document 1). 10

Chapitre 3 – La difficile entrée dans l’âge démocratique : la Deuxième République et le Second Empire

- Les préfets ont alors un rôle politique essentiel pour le pouvoir central. Ils ont un rôle d’informateurs et de surveillance et de répression sur tout territoire. Ils contrôlent aussi les opérations électorales. Ce sont eux qui nomment les candidats officiels dont ils soutiennent les campagnes. Ils nomment aussi les maires. Ils ont enfin un rôle d’impulsion dans les grands projets économiques et sociaux. L’action du préfet Haussmann à Paris qui annexe des communes limitrophes avant d’entreprendre des travaux en est la meilleure illustration (document 2). Mise en commun Le renforcement du rôle de l’État et du pouvoir exécutif central est caractérisé par deux éléments : - les mesures d'un régime autoritaire et policier qui se traduisent par les résultats des recherches de l’équipe 1 : la répression qui se traduit par l’emprisonnement, la transportation ou proscriptions des opposants, le musèlement de la presse et le contrôle de la population. - le renforcement du rôle des préfets mis en évidence par l’équipe 2 : les préfets deviennent des acteurs essentiels pour mieux contrôler et surveiller le territoire tout en impulsant de nouveaux projets économiques et sociaux.

Le poème Nox peut être considéré comme un témoignage du coup d’État de 1851 en mentionnant des épisodes, des lieux et des personnages précis. Comme d’autres historiens de l’époque, Hugo porte une réflexion sur le temps et l’histoire qui a un sens et tend vers le progrès. Toutefois Hugo n’écrit pas en historien mais en poète. Lux est un texte d’anticipation et comme d’autres poèmes il est prophétique. Victor Hugo considère que sa poésie peut modifier le cours des évènements qu’il écrit. 4. Pourquoi peut-on dire avec Daumier que les vers des Châtiments sont devenus une « page d’histoire » ? Comme Daumier, on peut en revanche considérer que Les Châtiments sont devenus une page d’histoire comme le titre la page de Charivari du 16 novembre 1870. L’image qui devient le frontispice de l’édition française du livre publié en France un mois plus tôt, montre l’aigle impérial terrassé par la foudre et le volume des Châtiments. L’ouvrage publié en Belgique en 1853 se diffuse rapidement en France clandestinement. L’édition de 1870 est un immense succès et contribue à renforcer le poids politique de Victor Hugo et des républicains, dont il devient une des figures les plus importantes.

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Les Châtiments de Victor Hugo > MANUEL PAGES 104-105

Réponses aux questions 1. Quand et où ont été publiés ces poèmes ? Les deux poèmes ont été composés en novembre et décembre 1852. Les Châtiments est publié en novembre 1853. 2. Comment s’opposent-ils à l’Empire naissant ? Les deux poèmes s’opposent au Second Empire. Dans le premier, Nox, Victor Hugo compare l’empire à la nuit. Il critique avec véhémence le coup d’État et les crimes que les troupes ont commis ainsi que la trahison de Louis-Napoléon Bonaparte contre la République. Le second poème, Lux, annonce la dissipation de la nuit dès son premier vers : il annonce donc la fin inévitable de l’empire qui sera remplacée par la « République universelle ». 3.Victor Hugo écrit-il en historien ? Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

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CHAPITRE

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L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France › MANUEL PAGES 112 À 139

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE La question des « transformations économiques et sociales » a longtemps été réduite à la notion d’industrialisation, qui figurait au cœur du programme de Première. Elle s’articulait autour de deux « révolutions industrielles », périodes délimitées durant lesquelles s’articulaient de nouveaux produits et la transformation des modes de production, bouleversant la société à travers le changement des structures économiques. Depuis, le travail historiographique a conduit à élargir la focale et à assouplir la périodisation de l’industrialisation ; elle est désormais regardée comme une mutation très lente, amorcée dès la fin du Moyen-Age, qui se déploie de manière irrégulière dans le temps comme dans l’espace. C’est pourquoi l’enjeu – et la difficulté – de ce chapitre tiennent à la nécessité de respecter des bornes chronologiques relativement rigides pour enseigner un processus qui en déborde largement. La mise en œuvre a donc reposé sur des thématiques larges : les campagnes, le chemin de fer et la relation entre cadre législatif et mise en œuvre de la production industrielle, à travers les questions de la pollution et du travail des enfants. Ces approches complémentaires permettent de contextualiser finement les 3 points de passage, et de mettre en jeu les acteurs collectifs de la période, État d’une part, travailleurs d’autres part, ouvriers et paysans étant deux statuts entremêlés. Elles offrent également aux élèves la possibilité de construire les grands traits d’une périodisation lente et contrastée pour l’industrialisation, notamment avec le rôle de l’industrie rurale et la réflexion sur les mobilités, et de poser des jalons mobilisés par le programme dans le chapitre 7. Les choix opérés dans ce chapitre permettent également de discuter la notion de « modernité », longtemps associée au Second Empire, présenté comme un moment de modernisation, c'est-à-dire une transformation volontaire et coordonnée de l’appareil d’État et des structures de production économiques accélérant l’industrialisation. Si la

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dimension volontaire de cette politique n’est pas remise en cause (Cours 1), historiens et historiennes discutent désormais des acteurs et des limites de cette modernisation, insistant sur des périodisations moins politiques, et mettant en avant la superposition des modes de production (ateliers, artisanat, usine) plutôt que leur succession dans le temps, et donc l’existence de statuts sociaux hybrides (paysans-ouvriers puis ouvrierspaysans), dont rend compte la double page sur les campagnes. Enfin, la recherche historique met aujourd’hui l’accent sur les effets très contrastés de cette modernisation impulsée par l’État, qui soutient les entrepreneurs et le monde de l’industrie, avec une accentuation des clivages sociaux et un accroissement des tensions, qu’abordent les doubles pages sur les pollutions industrielles, le mouvement ouvrier ou le travail des enfants. Bibliographie indicative • E. Fureix et F. Jarriges, La modernité désenchantée, Paris, la Découverte, 2015, 391 p. • G. Noiriel, Une histoire populaire de la France, Marseille, Agone, 2018, 830 p. Sites internet • www.vergue.com : un site qui répertorie et contextualise spatialement des centaines de photographies du Paris pré-haussmannien, parmi lesquelles celles de Marville ou Atget. Chaque image est replacée dans un plan de Paris superposant le réseau viaire antérieur aux destructions et le réseau contemporain, et indiquant l’angle de vue du photographe. Cela permet de mesurer l’ampleur et la nature des transformations opérées. • www.expositions.bnf.fr/zola/index.htm : présentation interactive et richement illustrée de l’œuvre de Zola, et notamment de sa série des RougonMacquart, dont le Second Empire sert de cadre.

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Chapitre 4 – L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France

Document 1. L’essor du chemin de fer remodèle les villes L’image est extraite de la revue Le Monde illustré du 8 septembre 1866. Les illustrations y sont traitées sur le mode de l’anecdote, représentant ce que les articles ont déjà évoqué, comme ici les transformations du Paris haussmannien. Techniquement, il s’agit d’une gravure sur bois de bout ou xylographie : l’image est d’abord dessinée par l’illustrateur, directement sur une pièce de bois, prise dans la tranche d’une essence résistante, comme le buis, ce qui permet la restitution de détails équivalents à la gravure sur métal. Puis le graveur, avec différents outils, imprime un relief à la pièce de bois. L’usage de cette technique se répand au XIXe siècle dans la presse en raison de sa souplesse d’utilisation : les pièces de bois peuvent être facilement placées dans l’espace des pages à imprimer, et supporter des milliers d’impression successives. Cette gravure est construite à partir des voies de la gare Saint-Lazare, dont elle entend montrer l’emprise spatiale et le trafic, plusieurs trains circulant depuis et vers la gare. Trois faisceaux de voies ferrées relient alors Paris à la Normandie et au grand Ouest. L’image offre également une représentation du Paris haussmannien, combinant immeubles au gabarit normalisé, espaces verts et grandes artères facilitant les circulations.

Document 2. L’industrialisation bouleverse le travail et les paysages Cette huile sur toile d’Ignace-François Bonhommé, peinte en 1860, représente les houillères et carrières d’argile de Montchanin, en Bourgogne. L’extraction de la houille y démarre en 1838, sous l’impulsion des Schneider, le Creusot étant tout proche. Elle bénéficie de la liaison ferroviaire précoce entre le Creusot et le canal du centre, visible à l’arrière-plan, sur la gauche. Mais en 1857, la mine, qui produit un charbon de qualité médiocre, est vendue à la société de Charles Avril. Ce dernier, cherchant à valoriser la houille, installe et développe à proximité une tuilerie. Il espère ainsi profiter de la demande croissante de briques et de tuiles, liée à l’activité de construction des usines comme des logements. Sur l’image, on distingue donc sur la partie droite le puit Ségur et son chevalement en bois, structure destinée à supporter le câblage, enroulé par la molette d’extraction au premier plan, qui permettait aux mineurs et au charbon d’entrer ou de sortir du Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

puit. La présence d’animaux de trait peut laisser supposer l’utilisation de la force animale pour enrouler le câble, la cheminée de droite montrant plutôt la mécanisation de l’extraction de l’air vicié du fond de la mine, ou du pompage de l’eau dans les galeries. Sur la partie gauche, la carrière d’argile, fonctionnant à ciel ouvert avec des procédés encore largement manuels, alimente l’usine de tuiles identifiable à l’arrière-plan, et dont l’intérieur est représenté par la gravure 2 p. 130. À l’arrière-plan, à droite, on distingue la ville de Montchanin-les-mines, devenue commune en 1854.

Mise en relation des deux documents Ainsi, ces deux images permettent d’évoquer l’importance du réseau et du trafic ferroviaire sous le Second Empire, aussi bien pour les voyageurs (doc. 1 : la gare Saint-Lazare accueille alors 25 millions de voyageurs par an) que pour les marchandises (doc. 2). Elles montrent également le bouleversement des paysages et des activités provoqué par l’industrie, en ville (doc 1) comme dans les espaces ruraux en voie d’urbanisation (doc 2). La question ouvrière, plus lointaine, peut être abordée par la mention du chemin de fer, qui implique l’essor de la sidérurgie comme de l’extraction du charbon. Ainsi peut s’amorcer le questionnement sur les effets de l’industrialisation, et donc le traitement du point de passage consacré au droit de grève de 1864. De manière spécifique, la gravure de la gare SaintLazare permet d’entrer en contact avec les deux autres points de passage du chapitre : les transformations du Paris haussmannien, visibles au premier plan, mais aussi les frère Pereire – le lotissement du quartier de l’Europe autour de la gare, quoiqu’antérieur à la période, servant de modèle à celui de la plaine Monceau initié par les deux frères. La peinture de Montchanin permet quant à elle de décrire l’effet de concentration qui s’amorce dans la répartition des activités industrielles, la proximité des ressources d’énergie jouant un rôle prépondérant. Elle traduit enfin l’imbrication encore forte entre activités agricoles et industrielles dans la France du second Empire, le peintre ayant pris soin de représenter, tout à fait à gauche, quelques parcelles agricoles.

REPÈRES

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Chapitre 4 – L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France

› MANUEL PAGES 114-115 L’ensemble des repères apporte des points d’appui au raisonnement des élèves, permet de donner des ordres de grandeur, de localiser et de mesurer les transformations de l’industrie (1e notion définie p. 115) c'est-à-dire de décrire le processus d’industrialisation (2e notion définie), comme la modification de la répartition des français entre ville et campagne, avec l’amorce de l’exode rural (3e notion définie).

 Doc. 1. L’extension du réseau ferré français Les trois cartes de l’extension du réseau ferré, construites à partir de sources diverses, permettent de montrer la mise en réseau du territoire par le chemin de fer. En 1850, le réseau est encore limité au bassin parisien et au nord-ouest, la priorité de la Monarchie de juillet étant d’assurer la connexion avec la Grande-Bretagne, via les ports de la Manche et Nord, et la Belgique. On peut toutefois relever l’existence de lignes isolées, comme entre Saint-Étienne et Lyon, ou entre Strasbourg et Bâle, qui correspondent à des bassins d’industrialisation précoce. Dix ans plus tard, en 1860, l’extension des lignes est spectaculaire. Les grands axes du réseau ferroviaire français sont en place, aussi bien la liaison Paris-Lyon-Marseille que le chemin de fer de Paris à Bordeaux. Les liaisons transversales, et notamment de Bordeaux à Marseille et de St-Étienne à Orléans, fonctionnent également. La comparaison entre 1860 et 1870 fait appel à une observation plus fine, afin de repérer par exemple la connexion de la Bretagne ou la desserte des vallées vosgiennes. Elle peut faire naître un questionnement sur les modalités de développement des lignes, ce que vient suggérer la mention des réseaux par compagnie. Après avoir commencé par les lignes les plus rentables, conformément aux engagements pris avec l’État, les compagnies construisent les liaisons secondaires.

 Doc. 2. La France entre industrie rurale diffuse et affirmation de pôles industriels majeurs La localisation des activités industrielles sous le second Empire soulève de réelles difficultés si l’on veut faire apparaître le processus de transition et de superposition des lieux industriels qui s’y opère, entre villes et campagnes. Certains s’effacent, comme la sidérurgie dans l’ouest ou dans le Massif central, mais d’autres se maintiennent, voire se développent, comme l’industrie lainière du sud-ouest ou l’industrie de la soie au-

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tour de Lyon. Cette recomposition des localisations, qui favorise une grande moitié nord-est du territoire, s’accompagne du développement très net de pôles industriels, souvent urbains, comme Le Creusot, Carmaux, Lille ou Mulhouse.

 Doc. 3 Les activités industrielles : rôle essentiel du textile et affirmation de la métallurgie Les chiffres du document, construits à partir des données des statistiques générales de la France, ont pour objectif de montrer autrement les mutations de l’activité industrielle, mais aussi d’interroger les formes d’emploi de l’industrie. Ainsi, la domination du textile, très nette, doit être mise en relation avec l’importance du bâtiment et surtout la persistance d’activités plus singulières, dont les tuileries ou l’imprimerie-édition peuvent servir d’exemple. Enfin, la période permet de mesurer la croissance des secteurs de la métallurgie et de l’extraction minière.

 Doc. 4. Urbains et ruraux sous le Second Empire La représentation graphique de ces deux données, nombre de ruraux et taux d’urbanisation, offre un moyen rapide de mesurer le passage progressif des campagnes aux villes. Le nombre de Français change peu entre 1851 et 1872 (autour de 35 millions) mais leur répartition spatiale connaît des transformations plus nettes, quoique lentes. Cela permet ainsi de traiter du processus d’exode rural, sans en exagérer l’ampleur.

 Doc. 5 La croissance des principales villes Le diagramme ainsi constitué a pour objet de montrer les formes de mobilité entre les différents types de territoire, ainsi que les effets de la concentration industrielle. Plutôt qu’un passage direct des campagnes vers les grandes villes, le graphique suggère que l’exode rural se traduit d’abord par une croissance des petites villes, qui accueillent les ruraux et permet des mobilités saisonnières. La hausse spectaculaire de la part des villes les plus grandes s’explique par l’arrivée des travailleurs venus des villes moyennes et/ou des campagnes, à la faveur du développement des grands centres industriels, comme Mulhouse, Lille ou Lyon.

Réponses aux questions 1. Observez précisément l’évolution du réseau ferré en France.

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Les trois cartes permettent d’établir une chronologie de la mise en réseau du territoire. En 1850, le réseau est encore limité au bassin parisien, au nord-ouest et à la vallée de la Loire. Quelques lignes isolées ont été construites pour desservir des bassins industriels, comme à St-Étienne ou en Lorraine. Dix ans plus tard, l’extension du réseau est très nette ; les grands axes sont dessinés, tout comme les liaisons transversales. Enfin, en 1870, le chemin de fer permet une desserte fine du territoire, les Compagnies ayant construit les lignes secondaires, comme dans le massif alpin, le nordest ou la Normandie. 2. Quels déséquilibres la carte de la répartition des activités industrielles sur le territoire national fait-elle apparaître ? Même si le processus d’industrialisation n’est homogène ni dans le temps, ni dans l’espace, la carte laisse apparaître une déprise progressive des activités industrielles dans l’ouest et le centre de la France, et un renforcement de l’industrie au nord et à l’est, tous les grands pôles industriels se trouvant au nord d’une ligne entre Caen et Grenoble. 3. Que révèle la comparaison du nombre d’urbains et de ruraux au début et à la fin du Second Empire ? Les données du document montrent que le nombre de français n’augmente que très peu de 1851 à 1872 (passant de 35,8 à 36,1 millions d’habitants), mais que la répartition entre ruraux et urbains est modifiée, ce qui traduit un déplacement de population, modeste mais réel : l’exode rural est amorcé.

COURS 1 Le Second Empire et la modernisation de la France › MANUEL PAGES 116-117

Réponses au Testez-vous ! Quel est le rôle des grandes compagnies de chemin de fer ? Les grandes compagnies de chemin de fer sont chargées de l’exploitation des lignes construites par l’État. Elles opèrent par le système des concessions, l’État leur confiant la responsabilité d’exploiter une partie du réseau à des conditions très favorables, à charge pour elles de ne pas se contenter des lignes les plus rentables, mais d’assurer un service desservant finement le territoire, en exploitant aussi le réseau secondaire.

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Pourquoi peut-on dire que le Second Empire a favorisé les milieux d’affaires ? Le Second Empire favorise largement les milieux d’affaire. En effet, l’État encourage le développement d’un système bancaire privé, qui permet de financer les créations d’entreprise en même temps qu’il offre des débouchés aux capitaux industriels. L’Empereur décide également de garantir les obligations des grandes compagnies de chemin de fer, ce qui attire massivement les petits épargnants et facilite leur financement. Comment l’Empire met-il en scène la modernisation économique qu’il encourage ? L’Empire met en scène la modernisation économique à toutes les échelles. Les expositions universelles favorisent l’adoption et la diffusion des innovations industrielles en France et, au-delà, dans les pays industriels. Et les comices agricoles déploient ces innovations à l’échelle locale, en présence du préfet.

COURS 2 Les transformations de la société française au temps de l’industrialisation › MANUEL PAGES 118-119

Réponses au Testez-vous ! Quels métiers exercent-on dans les campagnes ? Les habitants des campagnes exercent le plus souvent plusieurs métiers, selon les saisons. Sous le Second Empire, beaucoup sont paysans la grande majorité du temps. Ils complètent leurs revenus par des activités de production de biens en atelier ou à domicile (draps, dentelle, papier) pendant l’hiver, ou bien se déplacent en ville pour travailler. Toutefois, le développement des grandes unités de production incite de plus en plus de ruraux à consacrer un temps croissant au travail à l’usine, moins compatible avec les travaux agricoles. Quelle est la place de la mécanisation dans la production agricole et industrielle ? La mécanisation touche aussi bien la production industrielle que la production agricole. Dans les campagnes, elle se traduit par le développement des machines agricoles et l’utilisation croissante de l’engrais. Les unités de production industrielle se mécanisent également. Les grands entrepreneurs peuvent utiliser leur capacité

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d’investissement pour s’équiper plus rapidement et plus massivement en matériel nouveau. Pourquoi les ouvriers forment-ils progressivement un mouvement politique ? Les conditions de vie et de travail des ouvriers sont globalement difficiles, si l’on excepte les ouvriers spécialisés comme les typographes ou les relieurs. Le temps de travail est très élevé (souvent 12 heures par jour), les salaires faibles, et les ouvriers surveillés par un livret. C’est pour tenter d’améliorer leur sort que les ouvriers s’organisent politiquement.

DOCUMENTS Le chemin de fer > MANUEL PAGES 120-121

Réponses aux questions 1. Relevez les moyens humains, techniques et financiers mobilisés pour construire le réseau ferré. La construction du réseau ferré mobilise des moyens humains, techniques et financiers. - Les compagnies font appel à des travailleurs spécialisés dans la construction des voies – ouvriers, ingénieurs, entrepreneurs (doc 1), mais aussi aux épargnants qui, en faisant confiance aux compagnies, financent le réseau (doc. 4). - les moyens sont aussi techniques. Il s’agit de mobiliser des savoir-faire et des machines pour terrasser et poser les rails mais aussi construire les gares et les passages à niveau. La réglementation permet également d’accélérer le déploiement du réseau, en facilitant les expropriations (doc. 1). - enfin, les moyens sont financiers. Le coût élevé de la construction des lignes est avancé par la mobilisation de l’épargne nationale (doc. 4) et les investissements étrangers, avec une compagnie anglaise (doc. 1). 2. Expliquez le rôle et le fonctionnement des compagnies. Les compagnies de chemin de fer sont chargées de mettre en œuvre l’expansion du réseau ferré une fois le tracé de la ligne et l’acquisition des terrains réalisés par expropriation de l’État (doc. 1). Elles doivent assurer le développement d’un réseau comprenant des lignes rentables, et d’autres moins. Elles financent généralement les 2/3 des travaux, grâce à la mobilisation de l’épargne de tous (doc. 4), mais l’administration contrôle les travaux de

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génie civil (ponts, tunnels) pour des raisons de sécurité. Puis les compagnies assurent l’exploitation de leur réseau, l’ensemble des lignes étant divisé en 6 réseaux concédés en 1859 à 6 grandes compagnies, dont la Compagnie du midi et la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée (doc. 4). Les limites et les connexions entre les réseaux respectifs font l’objet d’une âpre concurrence (doc. 4). 3. Quelles transformations du territoire la construction du réseau provoque-t-elle à l’échelle des villes, des régions, et du pays entier ? Le développement du réseau ferré transforme le territoire à toutes les échelles. Localement, il fait apparaître de nouvelles constructions (gare de Cherbourg doc. 2) voire de nouveaux quartiers, ce qui provoque l’étalement spatial d’une ville comme Bourg en Bresse, la gare étant construite à 1km du centre (doc. 1). Le train permet également une connexion des régions entre elles, ce qui offre de nouveaux débouchés aux productions locales et permet une circulation beaucoup plus grande des hommes comme des marchandises, notamment entre les deux façades atlantiques et méditerranéenne (doc. 4). Enfin, les réseaux nationaux sont connectés entre eux, ce qui dessine les premiers tronçons d’un véritable réseau de transport européen, connecté à l’Italie et à la Suisse, par exemple (doc. 1). 4. En quoi l’usage du chemin de fer constitue-til une expérience inédite et marquante pour les voyageurs ? Les voyageurs sont d’abord marqués par l’expérience de la vitesse, et la rapidité avec laquelle les paysages changent lorsque l’on prend place dans un wagon (doc. 5). L’arrivée sur le quai, puis l’embarquement dans le train sont aussi l’occasion de mettre en contact différentes catégories sociales (doc. 4). 5. Exposez les formes et les effets de la mise en scène de la présence impériale lors de la visite à Cherbourg. Le 3 août 1858, l’Empereur et l’Impératrice inaugurent la gare de Cherbourg. Pour l’occasion, la gare est agrémentée de drapeaux tricolores, mais aussi d’un décor floral caractéristique de l’ornement impérial. Descendu du train, le couple impérial se voit remettre les clés de la ville et de l’arsenal militaire par le maire de Cherbourg, en présence d’une foule importante et enthousiaste. L’auteur de la gravure, témoin de la scène, entend manifester son soutien à Napoléon III en représentant des spectateurs en liesse. 5

Chapitre 4 – L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France

6. Synthétiser La construction du réseau de chemin de fer permet de désenclaver de vastes territoires et ouvre les systèmes économiques régionaux sur des espaces plus vastes, nationaux ou internationaux. Le réseau ferré rapproche les lieux de production des lieux de consommation, et accélère la création d’un vaste marché national. L’Empereur s’appuie sur la mise en réseau du territoire pour s’affirmer comme le chef d’un État modernisé. La construction des lignes de chemin de fer bouleverse également l’activité des entreprises. La création et le financement des compagnies, grandes structures capitalistes, repose sur la mobilisation des petits épargnants et les garanties apportées par l’État. Ce dernier obtient en échange la réalisation rapide du réseau, qu’il octroie à 6 grandes compagnies en 1859. Enfin, le train est une expérience sensible d’une grande nouveauté, qui bouleverse les représentations de l’espace et du temps des hommes du XIXe siècle. La vitesse, la confrontation entre les classes sociales au sein d’un même train – même s’il existe trois classes de voyageurs – marquent les esprits et donnent lieu à d’innombrables commentaires et impressions de voyage.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Les entrepreneurs du Second Empire : l’exemple des frères Pereire > MANUEL PAGES 122-123  Doc 1. Isaac Pereire vante le progrès économique et Napoléon III Le document est extrait d’un discours prononcé par Isaac Pereire aux comices agricoles de Beynat en 1863. On peut s’étonner de la présence d’un tel personnage, alors au sommet de sa puissance financière, dans cette petite localité de Corrèze. Il s’y rend à l’invitation du député en poste, et alors même que sa propre élection vient d’être invalidée. Il sera finalement élu le 20 décembre, dans les Pyrénées-Orientales, et siégera dans la majorité impériale. Ce discours est dons l’occasion de vanter la politique impériale tout en présentant ses propres activités, et notamment son rôle dans le développement du réseau ferré.

Réponses aux questions

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1. Relevez les informations permettant d’identifier les activités financières, industrielles et immobilières de ces entrepreneurs. Les entreprises des frères Pereire combinent activités financières, avec le Crédit mobilier français (doc. 3), industrielles, puisqu’ils dirigent et administrent la Cie de chemin de fer du Midi (doc. 1), et immobilières, avec le développement et la mise en valeur d’Arcachon (doc. 3) et de Paris, où ils soutiennent activement l’haussmannisation. Sur le document 4, Isaac Pereire se rend probablement sur les lieux d’un investissement immobilier ou ferroviaire, ce dont témoigne le plan porté par l’homme situé à sa droite. Enfin, les frères Pereire ont investi dans les transports maritimes (doc. 2) 2. Recensez les indices permettant de caractériser la capacité d’influence de ces entrepreneurs. Isaac et Émile Pereire sont très proches de la famille impériale, qu’ils invitent à Arcachon. Parmi les fondateurs du Crédit mobilier, dont les frères Pereire sont administrateurs, se trouvent des membres de la famille de Napoléon III : ils parviennent à associer des personnages influents à leurs affaires, comme le duc de Galliera (doc. 3), et manifestent par leur apparence vestimentaire leur appartenance au monde des affaires (doc. 4). Ils opèrent des investissements à l’échelle mondiale, comme le montre l’exemple de la Compagnie Générale Transatlantique (doc. 2). Leur poids économique leur donne une influence politique, ce dont témoigne le discours officiel d’Isaac Pereire (doc. 1). 3. En quoi la Compagnie Générale Transatlantique vient-elle compléter efficacement les investissements des frères Pereire ? La Compagnie Générale Transatlantique permet aux frères Pereire d’entrer en contact avec l’économie américaine, tout en diversifiant leurs investissements dans les transports. La connexion entre le réseau ferré et le réseau maritime met à disposition de leurs clients et de leurs partenaires des solutions de transport complémentaires et multiscalaires. 4. Quelles sont les relations entre le pouvoir impérial et les frères Pereire ? L’Empereur soutient activement les projets et les investissements des Pereire, qu’il connaît personnellement. La Compagnie du midi obtient ainsi la concession de la ligne de chemin de fer entre Rodez et Montpellier (doc. 1). En octobre 1863, Napoléon III accepte leur invitation pour Arcachon, et offre ainsi au projet immobilier des Pereire une 6

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énorme publicité (doc. 3). Il apporte également un appui décisif à Isaac Pereire après l’invalidation de sa première élection. En retour, lorsqu’Isaac Pereire évoque « la sollicitude du gouvernement impérial », c'est-à-dire son attention soutenue, presque son affection, il montre qu’il est un partisan actif de ce gouvernement, et qu’il encourage par son discours ses auditeurs à en faire de même (doc. 1). Synthétiser Les frères Pereire deviennent des acteurs importants de la modernisation économique de la France. D’abord administrateurs de Compagnies de chemin de fer (ligne Paris-Saint Germain puis Compagnie du Midi en 1852), ils y encouragent les progrès techniques. Ils diversifient leurs activités en créant la banque d’affaire du Crédit Mobilier (1852), dont le capital est entre les mains de petits actionnaires, mais aussi de personnalités influentes du Second Empire. Leur établissement finance de grandes entreprises industrielles et des opérations immobilières, comme l’aménagement de la ville d’hiver d’Arcachon ou les travaux d’Haussmann à Paris, qui transforment profondément l’espace urbain. Forts de cette influence économique, les Pereire jouent aussi un rôle politique. Proches de Napoléon III, ils sont élus députés (en 1853 pour Émile et en 1863 pour Isaac) et soutiennent activement la politique impériale, favorable à leurs activités. Affichant leur réussite, ils sont cependant rattrapés par leur gestion hasardeuse et leurs difficultés financières lorsque le Crédit immobilier fait faillite en 1867, ce qui entraîne leur propre ruine, ainsi que celle de milliers de petits investisseurs. Itinéraire 2 Confronter des documents Les tableaux permettent de comparer et de mettre en relation les informations des deux documents. Il convient de les remplir sans formuler de phrase complexe, et en partant du sujet (« les frères Pereire ») pour établir la liste des actions qui caractérisent leur influence. Les frères Pereire dominent la vie industrielle et financière Doc. 1

- Ont créé et administrent la Cie de chemin de fer du Midi. - Encouragent et admirent les progrès techniques.

Les frères Pereire soutiennent la politique de modernisation de Napoléon III - Défendent publiquement la politique impériale de développement du réseau ferré. - Rendent hommage à l’empereur et font preuve d’un vibrant

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patriotisme. Doc. 2

Doc. 3

Doc. 4

- Développent un réseau de transport maritime avec la Compagnie Générale Transatlantique. - Créent et administrent le Crédit Mobilier. - Dissimulent les difficultés de leur entreprise. - Sont ruinés en 1867 avec la faillite du Crédit mobilier. - Entraînent dans leur faillite des milliers de petits actionnaires. - Opèrent des investissements immobiliers et ferroviaires.

- Invitent l’Empereur à Arcachon. - Disposent d’un soutien actif du souverain. - Affichent leur réussite sociale et financière.

- Adoptent les codes vestimentaires et les méthodes de travail des financiers du Second Empire.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Paris haussmannien : la transformation d’une ville > MANUEL PAGES 124-125

 Doc. 1. Louis-Napoléon Bonaparte redessine Paris Charles Merruau (1807-1882) fut secrétaire de la préfecture de la Seine. Il s’appuie donc sur ses propres souvenirs lorsqu’il décrit la manière dont Louis-Napoléon Bonaparte se passionne pour les transformations de Paris. En décembre 1850, ce dernier esquisse dans un discours les grandes lignes de son projet pour la capitale (embellir, améliorer le sort des habitants, ouvrir des voies nouvelles), reprenant ainsi les préconisations de nombreux rapports d’urbanistes, influencés par l’hygiénisme. En 1852, il va jusqu’à dessiner les tracés des nouvelles voies sur une carte de Paris afin de montrer à ses interlocuteurs comment il entend remodeler Paris. Edités en 1875, les Souvenirs de Merruau permettent de se figurer l’implication de Louis-Napoléon Bonaparte dans les travaux haussmanniens, qu’il engage sitôt l’Empire proclamé et les pleins pouvoirs entre ses mains.

Réponses aux questions 1. Recensez les différents objectifs de LouisNapoléon Bonaparte lorsqu’il décide de transformer Paris.

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Chapitre 4 – L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France

Louis-Napoléon Bonaparte veut remodeler Paris dès son arrivée à la tête de l’État, en décembre 1848. Influencé par le discours hygiéniste, il veut créer des espaces verts publics. Il prévoit également la destruction de quartiers anciens, moins pour le bien-être des parisiens que pour briser la contestation émanant des quartiers populaires du centre de Paris, situés à proximité immédiate des lieux de pouvoir (Ile de la cité, Louvre, Hôtel de ville). C’est également le sens qu’il faut donner à la construction de casernes ; après les insurrections de juin 1848, le peuple de Paris doit être mis sous surveillance. Enfin, Louis-Napoléon se préoccupe de l’efficacité économique des réseaux de transport ferroviaire, qui convergent déjà dans la capitale. Ainsi, il veut relier les gares parisiennes par des axes suffisamment larges pour supporter un trafic accru de marchandises et de passagers. 2. Confrontez les documents 2 et 3 pour retrouver les traductions du projet impérial dans l’espace urbain parisien. Le projet impérial repose d’abord sur le percement de nombreux axes de communication, larges avenues qui viennent remodeler le réseau viaire et relier les gares entre elles. Ainsi, des percées sont réalisées de part et d’autre de la gare Saint-Lazare, reliée par un axe large et rectiligne (passant par l’Opéra et l’Eglise de la Trinité) aux gares du Nord et de l’Est, sans tenir compte de l’existant (doc. 2). De nombreux immeubles sont détruits, des reliefs arasés. Sous les grands axes sont posées les collecteurs des égouts (doc. 3). Les travaux haussmanniens se traduisent également par la création de parcs et jardins (Buttes Chaumont, Jardin des Plantes), mais également de bâtiments destinés à l’approvisionnement de la capitale (Halles centrales, abattoirs). L’ensemble est rendu possible par l’extension du territoire de Paris en 1859. 3. En quoi la transformation de Paris peut-elle améliorer le quotidien des Parisiens ? La transformation de Paris améliore la vie quotidienne des parisiens par la création d’espaces verts publics (parcs, jardins) et de lieux de commerce (marchés, halles). Le développement du réseau d’égouts et d’eau courante, équipant désormais la totalité des quartiers et même des logements, offre un confort inédit aux parisiens, en même temps qu’il réduit considérablement les risques d’épidémie. Notons toutefois le ton obséquieux d’Haussmann, qui se livre ici à un hommage appuyé à Napoléon III, et qui inscrit ces travaux dans une perspective impérialiste.

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4. Expliquez les critiques formulées à l’encontre d’Haussmann et de son projet. Le projet d’Haussmann suscite la critique des Républicains, car il exclut les habitants des immeubles détruits dans le centre de Paris. Souvent modestes, ils assistent impuissants à la démolition de leurs logements, et ne trouvent pas de solution de relogement à proximité. Les plus pauvres se replient dans des bidonvilles en lisière de Paris. Ainsi, l’haussmannisation accroît les processus de ségrégation socio-spatiale. Synthétiser Les réalisations haussmanniennes reconfigurent l’espace urbain parisien pour répondre aux préconisations hygiénistes. Rues et quartiers médiévaux sont largement démolis et remplacés par des immeubles plus lumineux, dotés de l’eau potable. L’ensemble des eaux usées est désormais évacué par un vaste réseau d’égouts, ce qui limite le risque d’épidémies. Des espaces verts et des places sont aménagés, pour agrémenter le quotidien des habitants et fluidifier les circulations. Le Paris haussmannien se caractérise également par le percement de larges avenues, reliant notamment les gares entre elles, ce qui facilite les échanges et le commerce. Mais les réalisations d’Haussmann suscitent également les critiques. D’une part, la destruction de certains quartiers répond à des préoccupations de maintien de l’ordre. Dans une ville qui s’est soulevée à de nombreuses reprises et où les insurgés ont érigé des barricades, Napoléon III choisir d’abattre les foyers de contestation (Faubourg Saint-Antoine, Hôtel de Ville, montagne SainteGeneviève) et ouvre la ville pour en faciliter la surveillance et le contrôle. D’autre part, la destruction des immeubles, réquisitionnés par l’État, s’effectue en dehors de toute considération sociale, au profit des investisseurs immobiliers comme les frères Pereire. Les parisiens les plus modestes sont chassés du centre de Paris et parfois même obligés de s’installer dans des bidonvilles en périphérie urbaine. Itinéraire 2 Réaliser un exposé Conseils pour l’oral Les élèves peuvent identifier les différents thèmes des exposés à partir des titres des documents, ainsi que de la légende de la carte 2, qui permet de les classer par nature : extension de Paris, nouvelles voieries et gares, principales constructions et parcs, démolition et construction d’immeubles, réseau d’eau et d’égout.

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Chapitre 4 – L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France

Pour chacun de ces thèmes, le groupe peut détailler les motivations de l’Empereur, le déroulement éventuel des travaux et les effets des transformations urbaines, sur l’organisation générale de Paris comme pour les Parisiens. Les sites présentant les travaux haussmanniens sont nombreux, parmi lesquels celui cité dans le manuel, qui permet d’accéder à un portfolio très complet présentant les immeubles haussmanniens, les travaux, le baron Haussmann lui-même, et qui place ces nouvelles réalisations dans un plan d’époque. Chaque groupe peut ainsi s’appuyer sur un ensemble documentaire varié, et réaliser un diaporama à l’appui de son propos. Certains groupes pourront aussi s’appuyer sur le site vergue.com, qui recense et situe les photographies du Paris d’avant Haussmann, et permet ainsi de mesurer l’ampleur et la forme des transformations réalisées.

PASSÉ / PRÉSENT Comment l’État a-t-il réglementé les effets polluants de l’industrie depuis le XIXe siècle ? > MANUEL PAGES 126-127 Cette étude, si elle semble de prime abord plus difficile à intégrer aux enjeux du chapitre, s’avère précieuse pour discuter de la notion de « modernité » accolée au Second Empire, et exposer, par quelques exemples précis, les modalités par lesquelles la France accélère son industrialisation, assujettissant les considérations environnementales aux intérêts des entrepreneurs. Ainsi, elle peut prendre place dans le travail d’étude des processus de transformation de l’économie, en mettant en perspective le rôle de l’État. Ce travail s’appuie sur une historiographie dynamique, portée en France par Jean-Baptiste Fressoz, François Jarrige, Geneviève Massard-Guilbaud, Thomas le Roux ou encore Estelle Barret-Bourgoin.

Réponses aux questions 1. Qui est chargé de contrôler les entreprises ? Depuis 1810, le contrôle des entreprises appartient à l’État, qui a mis en place une typologie en trois classes et associé des obligations spécifiques à chacune d’entre-elles, la première classe rassemblant les établissements les plus polluants / insalubres, pour reprendre le vocable du XIXe siècle. L’application de la réglementation revient au préHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

fet, qui s’appuie sur le travail du Conseil d’hygiène et de salubrité, instance départementale (doc. 1). Cette instance réalise des visites de contrôle afin de vérifier la conformité des installations avec les obligations propres à leur classe, et rédige ensuite des rapports et des ouvrages de synthèse. (doc. 2). Aujourd’hui, ce contrôle est toujours entre les mains de l’État. L’Agence Nationale de Sante Publique examine les effets et les conséquences des éventuelles pollutions industrielles sur les personnes et sur l’environnement. Enfin, la réglementation impose des normes d’émissions de polluants. Des agences publiques réalisent des mesures pour vérifier que ces seuils ne sont pas dépassés (doc. 4). 2. Le contrôle imposé aux industries polluantes leur interdit-il de poursuivre leur activité ? Le contrôle des entreprises polluantes ne se traduit pas par une interdiction a priori, mais par des mesures spécifiques et des précautions prises a posteriori. Ainsi, les personnes qui jugeraient la proximité d’un établissement polluant préjudiciable à leur santé ou à leurs intérêts ne peuvent obtenir que des dommages et intérêts ; les effets toxiques potentiels n’empêchent pas l’installation de l’usine (doc. 1). Aujourd’hui, le constat est le même : ce sont les industriels qui adaptent leurs manières de produire aux exigences administratives, au fur et à mesure des durcissements législatifs. Les contraintes techniques et réglementaires, bien qu’elles se soient durcies, demeurent manifestement en deçà des besoins (voir la chronologie). 3. Confrontez et expliquez les effets des pollutions sur les personnes. Les pollutions industrielles altèrent d’abord la santé des travailleurs, ce que montre l’observation du passé. Le Conseil d’hygiène et de salubrité craint des effets provoqués par la respiration des vapeurs de benzène et de ses dérivés, qu’il faut « éviter de respirer » (doc. 2). Même si les connaissances médicales sont encore réduites, l’observation de l’atmosphère enfumée (doc. 3) et les références aux odeurs typiques de certains produits dangereux laissent penser que la nocivité de l’aniline est alors connue, à défaut d’être étudiée. Les effets des pollutions sur la santé persistent dans le présent ; ils sont désormais mesurés dans le voisinage des usines, avec l’exemple de Fossur-Mer (doc. 4). Les cas de cancer y sont manifestement largement supérieurs aux taux attendus,

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Chapitre 4 – L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France

et semblent directement liés à la proximité des aciéries, raffineries et usines de métallurgie. Les riverains des usines, comme ceux de Lacq, évoquent quant à eux des intoxications résultant des rejets polluants des industriels (doc. 5). 4. Montrez que la santé des travailleurs et des habitants du voisinage des usines est subordonné à l’intérêt des industriels. Ces constats, effectués dans le passé comme dans le présent, n’empêchent pas les industriels de continuer leurs activités. Les contraintes posées par le Conseil d’hygiène et de salubrité sont inexistantes, puisqu’il s’agit uniquement de conseiller les industriels dans le choix de leurs ouvriers et de leur proposer quelques méthodes de protection sommaires – ventiler, se protéger par un masque ou une éponge, être vigoureux (doc. 2). Même les visites médicales ne sont pas obligatoires, mais seulement indicatives. Dans le présent, les normes et les obligations se sont accrues. Elles résultent de la succession de catastrophes industrielles dont rend compte la chronologie, et s’appliquent à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne. Toutefois, les seuils demeurent manifestement insuffisants, puisque les effets sur la santé sont encore patents et dramatiques. En témoignent les cas de cancer à Fos-sur-mer ou la détresse des riverains à Lacq. La question de l’emploi, soulevée par le doc. 4, montre que les pouvoirs publics refusent d’interdire des activités dont dépendent des territoires entiers, faisant passer les questions de santé publique et d’environnement au second plan.

DOCUMENTS Travail et société dans le monde rural > MANUEL PAGES 128-129

 Doc. 3. Le travail industriel dans les campagnes en Haute-Loire Le Rapport sur les dentelles, les blondes, les tulles et les broderies, édité par l’imprimerie impériale, a été rédigé par un commissaire français du jury international de l’Exposition Universelle de Londres, Félix Aubry. Ce type de rapport, fréquent au XIXe siècle (certains historiens parlent pour le XIXe siècle d’un « âge d’or de l’enquête ») résulte de la demande de l’État, à travers les services ministériels, d’être informé au plus près des conditions et des modalités de la production de richesse dans le pays. Tout en permettant de comparer les techniques et les quantités produites à l’échelle Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

européenne, le rapport est aussi l’occasion de développer et de vanter les savoir-faire français, et d’en expliquer les spécificités. La concurrence se développe alors entre dentelle mécanique et dentelle artisanale, dite « véritable », majoritairement française, et exportée dans le monde entier. Il s’agit d’un produit de luxe, promu par l’impératrice Eugénie, qui assure le maintien d’une activité industrielle dans les campagnes.

 Document 4. Les débuts de l’exode rural Les extraits du questionnaire adressé par le ministère de l’Agriculture aux préfets en 1866 confirme lui aussi l’importance des enquêtes et des observations de terrain pour l’administration impériale. Ces questionnaires très denses font désormais l’objet de traitements historiographiques renouvelés, qui tiennent compte de la posture des autorités, qui en font de véritables « sondages d’opinion ». Une « commission supérieure », regroupant dignitaires, élus et notables, est chargé de contrôler le déroulement de l’enquête, et de déployer le travail de commissions locales, sous le contrôle des préfets. Les réponses sont recueillies par écrit et par oral, même si ce dernier point se révèle peu efficace. Au fond, l’enquête donne surtout la parole aux notables.

Réponses aux questions 1. Relevez toutes les activités économiques exercées par les habitants des campagnes. Sous le Second Empire, les habitants des campagnes conjuguent plusieurs types d’activité. Ils exercent d’abord des activités agricoles, qui reposent encore sur la force manuelle (doc. 2). Si la mécanisation fait son apparition, elle demeure marginale, et l’essentiel de l’activité repose sur la mobilisation d’ouvriers agricoles, prolétariat rural contraint de vendre sa force de travail (doc. 4). Toutefois, l’activité agricole, insuffisante l’hiver, impose le recours à d’autres activités de type artisanal ou proto-industriel, comme la dentelle (doc. 3), ou encourage les migrations saisonnières pour y exercer des métiers de service, comme le ramonage (doc. 5). 2. Répertoriez toutes les formes de mobilité pratiquées ou rencontrées par les ruraux. Les ruraux connaissent par conséquent différentes formes de mobilité vers les villes, qu’elles soient temporaires (doc. 5) ou définitives, qu’elles s’exercent à proximité, ou en direction des grandes villes du territoire. Elles concernent toutes les classes d’âge et tous les genres (doc. 4). Progressivement, les déplacements des ruraux vers les 10

Chapitre 4 – L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France

villes peuvent provoquer une pénurie de main d’œuvre agricole (doc. 4). 3. Quelle est la place des femmes dans le travail rural ? Les femmes exercent des fonctions essentielles dans le travail agricole, où les tâches sont genrées. Elles recueillent la paille une fois le battage effectué, qu’elles rassemblent en fagots, tout en s’occupant des enfants (doc. 2). Elles se livrent en sus à des activités de production industrielle, à l’exemple des dentellières. Leur temps de travail s’étale de l’enfance au plus grand âge (doc. 3). Les auteurs des documents, des hommes, ne semblent pas remettre en cause la lourdeur et l’ampleur du travail féminin. 4. Pourquoi l’exode rural débute-t-il au milieu du XIXe siècle ? L’exode rural, c'est-à-dire les migrations définitives vers les villes, s’amorce progressivement à partir du milieu du XIXe siècle. Le pouvoir impérial s’interroge sur ce processus. Il semble l’expliquer par l’extrême pauvreté des prolétaires ruraux, qui parviennent à peine à trouver de quoi se nourrir (doc. 1), et qui abandonnent progressivement leurs activités agricoles pour se tourner vers les industries. Le questionnaire met également en avant le développement de la mécanisation du travail agricole, qui réduit la demande de bras et pousse les journaliers à chercher du travail en ville (doc. 4). Synthétiser Sous le Second Empire, le monde rural ne se résume pas à l’activité agricole, même si elle demeure essentielle. La majorité des ruraux, hommes et femmes, travaille aux champs au rythme des saisons. Le travail agricole est encore largement manuel, et mobilise donc une importante maind’œuvre. L’hiver, paysannes et paysans complètent leurs revenus par la production de biens à domicile, comme les dentelles, ou bien se déplacent en ville pour exercer d’autres professions, comme maçon ou ramoneur. Ainsi, les campagnes sont en contact permanent avec les villes, à la faveur du désenclavement permis par l’essor des réseaux de transport. Les échanges sont constants, et les aller-retour rythment les années. Toutefois, les difficultés quotidiennes dans les campagnes et le développement des machines, qui remplacement progressivement les travailleurs pour certaines tâches (moisson, battage), incitent progressivement les ruraux à quitter définitivement les campagnes pour les villes, qu’il s’agisse des hommes, des femmes ou Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

des ménages. Ainsi, le Second Empire marque le début du processus d’exode rural.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Le monde ouvrier et la grève sous le second Empire > MANUEL PAGES 130-131

Réponses aux questions 1. Quelles sont les revendications des ouvriers ? Henri Tolain résume les revendications ouvrières dans un manifeste, publié en 1864, à son retour de l’Exposition universelle de Londres. Il y réclame pour l’ensemble des ouvriers la reconnaissance de droits politiques, et notamment le droit à agir collectivement. Il réclame également des droits sociaux, et notamment l’amélioration de leurs conditions de travail et de leurs salaires – la coalition est alors considérée comme un délit. Enfin, il estime juste le droit de souscrire une assurance contre le chômage. 2. Relevez les différentes catégories d’ouvriers représentés. La tuilerie de Montchanin emploie des hommes, des femmes et des enfants à la fabrication des tuiles. À l’arrière-plan, un enfant se tient à droite d’un ouvrier adulte, et lui apporte des galettes de terre prédécoupées. L’ouvrier les installe dans la presse à estamper, reconnaissable à sa vis, puis lance la pression de la vis. Des ouvrières récupèrent les tuiles moulées, puis éliminent les débords de terre et réparent les imperfections, avant de les déposer sur une toile sans fin. Une ouvrière les installe sur un monte-charge, afin qu’elles sèchent à l’étage du dessus. Au premier plan, un enfant emporte des tuiles formées, sans doute vers un autre lieu de séchage. 3. Quelle relation l’empire veut-il instaurer avec les ouvriers, et quelle image cherche-t-il à construire ? Napoléon III cherche à obtenir le soutien des ouvriers, alors que les notables semblent refuser d’appuyer sa politique. Il se rend ainsi au chevet des ardoisiers d’Angers, touchés par les graves inondations de la Loire en 1856, et, par sa présence, manifeste sa compassion et sa reconnaissance (doc. 3). Engagé dans un processus d’assouplissement du régime impérial après 1860, il décide, avec l’aide du républicain Emile Ollivier, de faire reconnaître aux ouvriers le droit d’agir collectivement. En 1864, le délit de coali11

Chapitre 4 – L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France

tion est supprimé, ce qui permet de fait d’organiser des grèves (doc. 4). Progressivement, le pouvoir impérial choisit de ne pas intervenir dans les conflits entre ouvriers et patrons. 4. Quelles sont les limites de la loi de 1864 ? Toutefois, cette politique connaît des limites. Dès 1855, les ouvriers ardoisiers qui se sont soulevés contre le régime impérial, ont été sévèrement punis. C’est aussi pour manifester son autorité et diffuser l’image d’un Empereur proche du peuple, résumé par cette peinture, que Napoléon III se rend à Angers en 1856. Quant à la loi de 1864, elle ne signifie pas que le droit de grève est garanti. Si les arrêts de travail sont tolérés, les intérêts du patronat priment encore sur ceux des ouvriers. L’État, par la parole des préfets, n’hésite pas à menacer les grévistes d’une intervention de la troupe pour réprimer les mouvements de grève, comme à Fourchambault. Synthétiser Sous le Second Empire, le monde ouvrier regroupe des hommes, des femmes et des enfants, tous soumis à des conditions de travail difficiles. Rythme intense, contrôle par le livret ouvrier, salaires faibles et durées de travail allongées (doc. 2) font naître des revendications sociales et politiques spécifiques. Henri Tolain les résume dans un manifeste, en 1864. Il réclame pour les ouvriers une hausse des salaires, une amélioration des conditions de travail et la reconnaissance d’un droit de réunion et d’action collective (doc. 1). La même année, une loi dépénalise le délit de coalition, ouvrant la voie à l’exercice concret du droit de grève. En effet, le régime impérial tente alors de séduire les ouvriers, mais ne renonce pas à une politique favorable aux industriels et à une politique de l’ordre. Si le délit de coalition est supprimé en 1864, ce qui permet de fait d’organiser des grèves, cette apparente concession ne doit pas masquer les limites de la politique impériale. La répression des grèves, avant comme après la loi, demeure courante, et les leaders ouvriers sont lourdement condamnés lorsqu’ils organisent des actions politiques. Ainsi, tout en manifestant ostensiblement son soutien aux ouvriers touchés par les inondations de la Loire, l’empereur ne revient pas sur les terribles condamnations prononcées contre les ardoisiers d’Angers l’année précédente. Parfois, le maintien de l’ordre tourne au drame, comme à la Ricamarie, où 14 ouvriers, hommes, femmes et enfants, sont tués par des soldats en 1869. Plus largement, le maintien du livret ouvrier, et même son extension aux femmes et aux travailleurs à domicile en 1854, montrent que le pouvoir impéHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

rial se méfie des ouvriers et cherche avant tout à les contrôler. Affaibli en 1870, l’Empire ne trouve donc aucun soutien dans le monde ouvrier. Itinéraire 2 Réaliser une carte mentale Les cartes mentales se lisent dans le sens des aiguilles d’une montre. Au besoin, il est pertinent de numéroter les idées pour faciliter la lecture. Il est également conseillé d’utiliser les couleurs pour ancrer la mémorisation en distinguant les idées de la carte.

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE > MANUEL PAGES 132-133

Réponses aux questions 1. Relevez les arguments utilisés par M. Steinbach pour justifier le travail des enfants. M. Steinbach justifie le travail des enfants de plusieurs manières. D’abord, il met en avant les intérêts de l’usine et les questions d’organisation du travail, par nature flexible et irrégulier. Ainsi, des horaires scolaires réguliers ne répondraient pas toujours au besoin de l’industrie. Il évoque ensuite les intérêts de l’enfant, qui serait livré à lui-même s’il ne travaillait pas. Il achève sa démonstration en invoquant le droit des parents à bénéficier du salaire de leurs enfants, dont ils ont besoin. L’ensemble de sa démonstration repose sur la volonté de limiter les contraintes réglementaires. 2. Relevez les arguments utilisés par M. Engel pour limiter davantage le travail des enfants. M. Engel, industriel du textile lui aussi, défend l’interdiction du travail des enfants. Il établit que le travail à l’usine n’apprend rien aux enfants, amenés à intervenir au gré des besoins, et non dans une perspective de formation. Il montre ensuite que les industriels, sans obligation légale, ne parviennent pas à faire réellement appliquer leur projet de scolariser a minima les enfants qu’ils emploient. Il conclut en subordonnant les intérêts du patronat à ceux des enfants. 1. Expliquez la phrase soulignée dans le document 1. La réglementation sur le travail des enfants date de 1841. Elle interdit le travail des enfants de moins de 8 ans, et limite celui des enfants âgés de 8 à 12 ans à 8 heures quotidiennes. Si les enfants de moins de 8 ans échappent peu à peu aux ateliers, ceux de 8 à 12 ans y demeurent largement plus de 8h par jour, au nom de la nécessaire flexibilité du travail évoquée par M. Steinbach. Ainsi, le patro12

Chapitre 4 – L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales en France

nat abuse de la latitude accordée par la loi de 1841, et ce d’autant plus que les contrôles sont rares et peu efficaces. 4. À quel industriel le document 2 vient-il donner raison, et pourquoi ? Le constat de l’inspecteur de l’enseignement primaire de l’arrondissement d’Altkirch confirme les abus déplorés par M. Engel. Évoquant les écoles de fabrique, destinées à accueillir les enfants sur des demi-journées, il montre que leur fréquentation est trop irrégulière pour permettre le moindre apprentissage. Il constate également que la fatigue des enfants est telle qu’ils ne sont plus en état de suivre les leçons prévues pour eux. Il note la présence d’enfants de 6 ans dans les usines, ce qui constitue une infraction caractérisée à la loi de 1841. Il achève son terrible constat en évoquant les conséquences du travail des enfants, qu’elles soient physiques ou morales : accidents du travail allant jusqu’au décès, problèmes de santé, absence de formation.

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CHAPITRE

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La France et la construction de nouveaux États (1848-1871) › MANUEL PAGES 140 À 163

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE La scène européenne connaît de profonds bouleversements à la fin du XIXe siècle, le sentiment national éveillé en 1848 se concrétise par la construction de nouveaux États par l’intermédiaire de l’action diplomatique mais aussi de la guerre. L’empire français soutenant le principe des nationalités et acteur majeur de la scène européenne ne demeure pas à l’écart de ces profonds bouleversements territoriaux. La France et la construction de nouveaux États par la guerre et la diplomatie est le dernier chapitre abordé dans le 2e thème de l’année, « La France dans l’Europe des nationalités : politique et société. »

admirent et saluent deux personnages clefs de l’unité italienne, Garibaldi à gauche et VictorEmmanuel II à droite. L’œuvre multiplie les références au Risorgimento avec le drapeau tricolore surplombant l’étoile de la Maison de Savoie de la famille royale ou encore la Chemise rouge des combattants de Garibaldi posée à l’arrière-plan sur la chaise. Le peintre démontre par cette œuvre que l’unité italienne ne se résume pas aux actions diplomatiques et militaires du royaume de Piémont-Sardaigne mais qu’elle est également un engagement au quotidien pour les populations de la péninsule. Ce tableau est lui-même un vecteur mémoriel de ces combats pour l’indépendance italienne en popularisant les figures et symboles liés à cette histoire.

Document 2. La proclamation de l’empire allemand à Versailles, en 1871

OUVERTURE › MANUEL PAGES 140-141 Les deux œuvres permettent d’ouvrir le chapitre sur chacun des deux États étudiés. Ils permettent de comprendre le sentiment national à l’œuvre dans le processus d’unification territoriale mais aussi le rôle joué par le politique et le militaire dans ce processus. Si le tableau de G. Toma insiste sur l’adhésion de la population dans ces combats d’unification nationale, l’œuvre de A. von Wermer témoigne du rôle essentiel joué par les royaumes dans la construction de ces unités nationales. La ferveur patriotique présente dans les deux territoires ne suffit pas à construire l’unité. Ce sont les actions de deux monarques et de leur gouvernement qui s’avèrent déterminantes.

Document 1. La célébration des acteurs de l’unité italienne Gioacchino Toma est un militant de l’unité italienne, engagé auprès des troupes de Garibaldi. Il investit sa peinture de ses idées politiques. Il choisit ici de représenter l’engagement des classes populaires à travers cette scène de jeux d’enfants au sein d’un intérieur modeste. Les deux garçons

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La proclamation de l’empire allemand incarne l’art officiel de la cour de Guillaume 1er. Peintre ayant participé à la guerre de 1870, Anton von Wermer met en scène l’acte de naissance de l’empire. Une première version est offerte en 1877 pour le 90e anniversaire de l’empereur. Détruite durant la Seconde Guerre mondiale, c’est ici une œuvre de 1885 qui est présentée, toile offerte à Bismarck à l’occasion de son 70e anniversaire. L’artiste répond dans les deux cas à une commande du pouvoir politique. Deux personnages se détachent nettement dans les espaces distincts du tableau : Guillaume 1er devant les princes allemands et Otto von Bismarck au centre des officiers assemblés, tous les deux incarnent la naissance de l’empire allemand. La scène se déroule dans la galerie des Glaces du château de Versailles. Lors des hostilités, le château était fermé au public et occupé par les troupes prussiennes, la galerie des Glaces transformée en infirmerie. Le 18 janvier 1871, la galerie est aménagée pour la cérémonie de la proclamation de l’empire. Les négociations pour l’unité se sont déroulées pendant le conflit entre Bismarck et les princes allemands. Certains États (notamment la Bavière) se montrent réticents et sollicitent des

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Chapitre 5 – La France et la construction de deux nouveaux États (1848-1870)

droits réservés contre leur intégration dans l’empire. Ces princes réunis sont clairement identifiés dans le tableau sur l’estrade derrière l’Empereur. Les drapeaux des différents territoires sont élevés et réunis au-dessus de l’estrade. Au pied de l’empereur, Bismarck lit la proclamation officielle du Reich. Fréderic Ier, grand-duc de Bade, annonce le bras levé « Vive Sa Majesté l’empereur » sous les acclamations de près de 600 officiers réunis pour l’occasion. Au centre de l’estrade, l’empereur Guillaume 1er domine la foule des officiers qui l’acclament l’arme levée. « On ne fait pas un empereur, la vraie couronne de l’Empereur sera gagnée sur le champ de bataille » affirmait Bismarck en 1870. La scène est également celle de la victoire de l’Allemagne naissante sur la France. Le nouvel État allemand est ainsi marqué par le pouvoir et les valeurs militaires. Si dans la version de 1877 Bismarck disparaît dans la foule par ses habits sombres, son uniforme blanc le distingue tout particulièrement dans l’œuvre de 1885. Au centre des spectateurs qui acclament l’empereur, Bismarck semble faire le lien entre la foule et le pouvoir impérial. Ce costume blanc est bien un artifice mis en place par le peintre puisque Bismarck porte l’uniforme bleu de l’armée prussienne. Le blanc permet de distinguer nettement le chancelier au centre, d’attirer sur lui lumière et attention, de le placer ainsi comme un fondateur de l’Empire.

REPÈRES › MANUEL PAGES 142-143  La carte de l’Europe de 1850 La carte de l’Europe de 1850 permet de faire prendre conscience des équilibres et des évolutions connues par l’Europe depuis le Congrès de Vienne de 1815. À côté des grands royaumes et empires constitués, la péninsule italienne et la confédération germanique apparaissent comme des territoires morcelés en diverses unités politiques.

cet espace. L’Empire autrichien assure son hégémonie sur ces territoires. Les duchés du Schleswig et du Holstein peuplés majoritairement de germanophones appartiennent à la Confédération mais sont administrés par le roi du Danemark. En 1848, les populations des duchés se révoltent, obtiennent le soutien de la Prusse mais le Danemark organise la répression. À la mort du roi Frédéric de Danemark en 1863 la succession pose question du principe des nationalités et entraîne une première guerre menée par la Prusse. La carte permet de comprendre la construction progressive de l’unité allemande au fil des différents conflits contre l’Autriche puis contre la France et des recompositions territoriales et politiques. Les États germaniques sont également unis économiquement par la formation du Zollverein en 1834 rassemblant une vingtaine d’États autour d’accords économiques dont l’Autriche est exclue.  Les étapes de l’unité italienne La péninsule italienne est morcelée entre différents acteurs et systèmes politiques. Le Nord est dominé par l’Empire d’Autriche. Les États pontificaux occupent le centre de la péninsule. Le Royaume de Piémont-Sardaigne est à l’origine de l’unification par l’affrontement militaire contre l’Autriche en 1859 ; le conflit entraîne un soulèvement des duchés de Parme, Modène et Toscane qui demandent le rattachement par plébiscite au royaume de Piémont. La victoire des Piémontais est réalisée avec l’aide de l’armée impériale française. En échange de ce renfort militaire, Napoléon III obtient le rattachement de la Savoie à la France. Garibaldi à la tête d’une expédition s’empare ensuite du royaume des Deux-Siciles. Seuls les États pontificaux demeurent alors en dehors du royaume d’Italie proclamé en 1861, protégés par les troupes de Napoléon III au nom de la protection des catholiques. La chute de l’empire français entraîne l’achèvement de l’unité italienne.

Réponses aux questions  Les étapes de la construction du Reich al-

lemand Les territoires germaniques sont organisés autour de la Confédération germanique mise en place suite au Congrès de Vienne en 1815. Elle rassemble plus de 30 États qui prennent ensemble des décisions permettant le maintien de la paix dans

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1. Relevez les différents États qui composent la péninsule italienne en 1850. La péninsule italienne est composée de royaumes comme celui des Deux-Siciles ou celui de Piémont-Sardaigne, de différents duchés comme celui de Toscane, de Modène ou de Parme, des États

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Chapitre 5 – La France et la construction de deux nouveaux États (1848-1870)

pontificaux mais aussi de territoires sous la domination de l’Autriche.

tête de volontaires pour la conquête de différents territoires.

2. Présentez la situation des territoires germaniques en 1850. Les territoires germaniques sont morcelés en différents royaumes et duchés comme le royaume de Prusse, de Saxe, le duché de Bavière, de Bade ou de Wurtemberg…

Quelles influences extérieures ont participé à la construction du royaume d’Italie ? Le royaume de Piémont-Sardaigne a bénéficié de l’aide active de la France dans les premières étapes de la construction de l’unité italienne dans sa lutte contre l’Autriche.

3. Expliquez pourquoi l’Autriche peut apparaître comme un obstacle au sentiment national en Italie comme en Allemagne. L’Autriche domine la Lombardie et la Vénétie, deux territoires appartenant à la péninsule italienne. L’Autriche appartient en partie à la confédération germanique, empêchant les territoires la composant de construire une unité forte.

COURS 2 L’unité allemande, 1848-1871

COURS 1 L’unité italienne, 1859-1870

Comment l’idée d’unité allemande survit-elle après 1850 ? Après l’échec de la révolution de 1848, le sentiment national ne s’éteint pas, il s’exprime à travers différentes organisations et manifestations. La confédération germanique demeure en place et le Zollverein instaure une coopération concrète et efficace entre de nombreux États.

› MANUEL PAGES 144-145

Réponses au Testez-vous ! Relevez les grandes étapes de la construction de l’unité italienne. L’unité italienne se construit autour de l’action du royaume de Piémont-Sardaigne. Cavour, 1er ministre du roi Victor-Emmanuel s’allie à la France pour obtenir un soutien militaire dans sa lutte contre l’Autriche. La 1e guerre d’indépendance permet alors le rattachement de la Lombardie au royaume de Piémont mais celui de Nice et de la Savoie à la France en échange de cette aide dans le conflit. C’est également par la conquête militaire que les États du Sud de l’Italie se rallient au royaume avec les expéditions de Garibaldi. La diplomatie permet le rattachement de la Vénétie en 1866 suite à la défaite de l’Autriche contre la Prusse. Enfin, la chute de Napoléon III entraîne la conquête des États Pontificaux et la prise de Rome jusqu’ici protégée par les soldats français. Présentez les grands acteurs de l’unité. Victor-Emmanuel, roi de Piémont-Sardaigne et son premier ministre Cavour sont des acteurs majeurs de la construction de l’unité italienne. Ils organisent les accords diplomatiques et militaires qui permettent le rattachement progressif de différents territoires de la péninsule. Le républicain Garibaldi est un des acteurs clefs du Risorgimento par les différentes expéditions qu’il a mené à la

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Réponses au Testez-vous !

Pourquoi l’Autriche est-elle un obstacle au projet de Bismarck ? Tandis que le royaume de Prusse s’affirme économiquement et militairement, son influence sur les autres États allemands est entravée par la présence de l’Autriche au sein de la confédération germanique. Pourquoi la guerre de 1870 est-elle décisive dans le processus d’unification de l’Allemagne ? La guerre de 1870 unit les États du Sud de la Confédération germanique autour de la Prusse dans la lutte contre un ennemi commun : la France.

DOCUMENTS POINTS DE PASSAGE La France, l’Italie, Nice et la Savoie > MANUEL PAGES 148-149  Doc 1. Proclamation de Napoléon III à

l’armée française d’Italie Il s’agit d’un discours de la victoire, qui légitime l’engagement controversé de la France auprès des Italiens trois ans seulement après la guerre de Crimée. La France se tient aux côtés du Royaume

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Chapitre 5 – La France et la construction de deux nouveaux États (1848-1870)

de Piémont-Sardaigne depuis les débuts de l’affrontement avec l’Autriche en mai 1859. L’armée impériale française participe aux batailles particulièrement sanglantes de Montebello le 20 mai, Magenta le 4 juin puis de Solferino le 24 juin. Le 11 juillet 1859 est signée la paix de Villafranca ; elle marque la fin des hostilités avec l’Autriche mais aussi la fin de la campagne d’Italie pour la France. L’empereur présente ici à son armée les principes de la paix signée, la déclaration est reprise dans les quotidiens français de l’époque. La victoire sur l’Autriche permet le rattachement de la Lombardie au royaume de Piémont Sardaigne. La France interrompt cependant son engagement sans avoir obtenu le rattachement de la Vénétie. En effet, les pertes sont particulièrement élevées et l’armée française est éprouvée. L’empereur est par ailleurs inquiet de la mobilisation des troupes prussiennes sur le Rhin, la Prusse étant alliée de l’Autriche au sein de la Confédération Germanique. Cette déclaration est l’occasion pour Napoléon III de décrire sa vision de l’unification italienne : une confédération d’États sous l’autorité pontificale. Il réaffirme ainsi son soutien au Pape et consolide son image auprès des catholiques français. Ces derniers sont en effet réservés face à la politique italienne de la France, ils considèrent l’intervention française comme un affaiblissement du Pape Pie IX et une menace sur Rome mais aussi un conflit avec une autre puissance catholique, l’Autriche.  Doc 2. Napoléon III et Victor-Emmanuel

mettent le feu à l’Italie Sur cette caricature de 1859 sont présents les différents acteurs de la péninsule italienne. Les deux personnages à l’initiative de l’unification, le roi de Piémont Sardaigne à gauche de la caricature mettant le feu de la liberté à l’Autriche, et Napoléon III devant le palais des Tuileries, se présentant comme le protecteur de l’Italie. Il s’agit tout d’abord d’embraser le représentant de l’Autriche qui domine la Vénétie et la Lombardie, l’empereur François Joseph 1er. Au centre, placé à l’extrémité du canon, le Pape Pie IX est aisément identifiable. Le Royaume des Deux-Siciles est incarné par Ferdinand II, dont le surnom, « bomba » est inscrit sur le torse. Suite à la révolution de 1848, après avoir accordé une constitution, Ferdinand II organise la répression marquée notamment par le bombardement de la ville de Messine d’où lui vient le surnom « le roi bombe ».

 Doc 3. Victor-Emmanuel II justifie le rattachement à la France de la Savoie et de Nice, 1860.

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Le roi Victor-Emmanuel présente les conclusions du traité de Turin conclu le 24 mars 1859 aux habitants de Nice et de la Savoie directement concernés par les modifications territoriales conséquentes à l’engagement de la France dans l’unification italienne. Cette déclaration est diffusée notamment sous la forme d’affiches placardées et reprise dans la presse de l’époque. Les décisions diplomatiques prises à Turin ont la particularité d’être assorties de l’organisation d’un plébiscite pour s’assurer du consentement des populations.  Doc 4 et 5. L’Église catholique en faveur du

rattachement ; Le jour du plébiscite en faveur du rattachement à la France à Chambéry, avril 1860. Les deux documents évoquent l’organisation de ces plébiscites pour le rattachement de Nice et de la Savoie. La gravure montre l’engouement des populations le jour du vote. La lettre de l’évêque témoigne de la mobilisation des catholiques lors de ces élections. Napoléon III apparaît comme le protecteur de l’Église tandis que VictorEmmanuel comme une menace par la politique d’unification territoriale qui pose la question du maintien des États Pontificaux ou de leur intégration dans un futur royaume d’Italie unifié.

Réponses aux questions 1. Identifiez les obstacles à l’unité italienne. La domination de l’Autriche sur la Lombardie et la Vénétie représentée sur le poteau de gauche sous les traits de François-Joseph, premier obstacle à l’unification du territoire italien. La puissance du royaume de Naples et les États pontificaux sont les deux autres éléments qui gênent le processus d’unification. 2. Quels sont les liens entre la France et le royaume de Piémont-Sardaigne ? Victor-Emmanuel, roi de Piémont Sardaigne mandate son premier ministre Cavour pour nouer une alliance avec Napoléon III. Selon les accords de Plombières de 1858, l’empereur français s’engage à être aux côtés du royaume de Piémont Sardaigne dans sa lutte contre l’Autriche. 3. Analysez l’engagement de la France dans la construction de l’unité italienne et les avantages qu’elle en retire. La France s’engage militairement auprès de Victor-Emmanuel et participe aux victoires de Montebello, Magenta et Solferino en 1859. Cette participation militaire est assortie d’un accord pré-

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Chapitre 5 – La France et la construction de deux nouveaux États (1848-1870)

voyant la cession des cantons de Nice et de la Savoie à la France. 4. Pourquoi les plébiscites sont-ils des succès aussi nets en faveur du rattachement ? Le vote des catholiques explique le succès du plébiscite en faveur du rattachement de la Savoie à la France. La démarche d’unification du territoire entreprise par Victor-Emmanuel apparaît en effet comme une menace pour les États Pontificaux tandis que Napoléon III s’affiche comme fervent défenseur des catholiques et de son allié le pape Pie IX. 5. Synthétiser La proclamation du Second Empire en France remet en question les équilibres européens. En effet, Napoléon III, favorable au principe des nationalités, s’oppose aux principes hérités lors du Congrès de Vienne. Conscient de cette opportunité politique et informé du goût de l’Empereur pour la péninsule italienne, Victor-Emmanuel, roi de Piémont-Sardaigne, envoie en secret son Premier ministre Cavour négocier une alliance avec la France. Les Piémontais ont en effet besoin de soutien pour affronter l’Autriche. L’accord de Plombières de 1858 prévoit une assistance militaire de la France et la cession de Nice et de la Savoie. Si Napoléon est favorable au principe des nationalités, il n’en demeure pas moins fidèle à son alliance avec la papauté : il envisage l’unification de la péninsule au sein d’une confédération dirigée par le Pape. En 1859, les Français s’engagent aux côtés des Piémontais, l’armée autrichienne est vaincue. La Lombardie revient au royaume de Piémont, Nice et la Savoie doivent être rattachés à la France. Ces deux territoires ont été occupés et annexés en 1792 avant d’être remis au royaume de Piémont en 1815. La Savoie, berceau de la dynastie piémontaise, est majoritairement francophone, Nice en revanche connaît un fort parti italien. Le traité de Turin du 24 mars 1860 prévoit la réunion des territoires à la France « sans nulle contrainte de la volonté des populations ». Des plébiscites sont organisés. Le parti français, aidé du clergé, parvient à mobiliser les populations et le « oui » l’emporte très largement. L’engagement de la France pour la cause de l’unité italienne lui a donc permis d’affirmer sa puissance sur la scène européenne mais aussi d’étendre son territoire. Itinéraire 2

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La carte mentale doit permettre de remobiliser les éléments de connaissances liés au sujet posé. Ici, elle doit mettre en avant les liens entre la France et la cause de l’unité italienne. Elle doit également présenter les grandes actions et leurs conséquences pour la péninsule italienne mais aussi pour la France.

DE LA SOURCE A L’HISTOIRE Les Macchiaioli > MANUEL PAGES 150-151 Après 1850, des artistes florentins décident de se retrouver de manière informelle pour rejeter les canons de l’Académie de Florence décrite comme « le cimetière de l’art ». Ils interrogent les modes de représentations picturales mais aussi les sujets au cœur des œuvres. Parmi ces peintres, certains artistes décident de s’engager pour la cause italienne et de faire de leurs œuvres des témoignages engagés au service du Risorgimento.

 Doc 1. Départ du volontaire garibaldien G. Induno place l’engagement pour l’unité italienne au sein du quotidien des classes populaires en représentant une scène de départ d’un « chemise rouge », combattant volontaire auprès de Garibaldi après 1859. Le peintre choisit de ne pas représenter le champ de bataille, les manœuvres et combats mais l’émotion du départ, liée au sacrifice d’une partie de la population pour la formation d’un royaume unifié. C’est l’adhésion et l’engagement des classes populaires qui est ainsi réaffirmé par le peintre. Dans le tableau, l’artiste ne fait pas d’allusion à Victor-Emmanuel, roi de Piémont-Sardaigne mais plutôt à des héros républicains comme Mazzini ou Garibaldi.

 Doc 2. Soldats français, Giovanni Fattori Giovanni Fattori est un des peintres macchiaioli les plus connus. Après avoir représenté des scènes de batailles historiques, il présente ici une œuvre singulière où les soldats français sont représentés de manière imprécise, indistinctes, mettant en valeur les combattants anonymes dans une position d’attente, rompant avec la représentation traditionnelle des soldats en mouvement sous la direction d’un général sur les champs de batailles. Les visages n’ont pas de traits, le soldat français est reconnaissable à sa tenue dont les contrastes de

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Chapitre 5 – La France et la construction de deux nouveaux États (1848-1870)

couleur sont amplifiés. Il n’est pas possible pour le spectateur de comprendre la position des soldats au pied d’un mur, repos, refuge ou préparation d’une attaque à venir.

Réponses aux questions 1. Présentez l’œuvre. Un grand sacrifice est une œuvre de G . Induno représentant le départ d’un volontaire garibaldien. L’œuvre est réalisée en 1860, elle est contemporaine de l’expédition des Mille menée par Garibaldi pour conquérir les territoires du Sud de la péninsule italienne. Le peintre choisit de centrer son tableau sur l’émotion de l’étreinte entre un fils et sa mère au moment du départ pour les combats. 2. Quel est le thème développé ? pourquoi ? Induno dépeint l’engagement des classes populaires italiennes en plaçant la scène au sein d’un intérieur modeste. Il insiste sur la douleur consentie des familles pour mener le combat de l’unité italienne. 3. Montrez comment les conceptions d’égalité sociale de ces peintres apparaissent dans leurs œuvres. Les deux peintres mettent au cœur de leur œuvre les acteurs anonymes de l’unification de la péninsule italienne. Induno présente l’engagement quotidien des familles, tandis que Fattori choisit de mettre au centre de la toile des soldats français anonymes. Si le spectateur peut distinguer le commandant à la tête de la colonne, les traits du visage ne sont pas esquissés et la plupart des combattant sont présentés de dos dans une scène loin de l’héroïsme des représentations traditionnelles des champs de bataille. 4. Expliquez pourquoi les Macchiaioli sont considérés comme des artistes engagés dans l’unité italienne. Ces deux œuvres montrent comment les Macchiaioli choisissent de mettre leur art au service de l’unification italienne en mettant en scène l’engagement des acteurs du quotidien pour cette cause.

PASSÉ / PRÉSENT Pourquoi l’unité italienne est-elle toujours en débat ? > MANUEL PAGES 152-153

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 Doc 1 et 2. Des soldats italiens arrêtent une bande de Brigands / La situation en Sicile en 1863 Les guerres d’indépendance menées à partir de 1859 par le Royaume de Piémont-Sardaigne ont permis la réalisation du Royaume d’Italie unifié en 1861. Une fois l’unification territoriale majoritairement acquise (à l’exception de la Vénétie et des États Pontificaux), le gouvernement conduit un ensemble de mesures pour construire un ÉtatNation italien. Cette politique ne fait pas l’unanimité, des forces d’opposition se construisent. Le brigandage méridional est une des formes les plus impressionnantes de résistance à la centralisation politique. Entre 1860 et 1870, le Mezzogiorno est agité par de nombreuses révoltes menées au nom du refus du ralliement au Piémont ou encore aux décisions gouvernementales telle que la conscription ou la levée des impôts. Le profil des brigands est particulièrement diversifié : d’anciens partisans de Garibaldi s’engagent comme Carmine Crocco ou encore Francesco Crispi, un des principaux organisateurs de l’expédition des Mille, mais aussi des légitimistes siciliens soucieux du retour des Bourbons et refusant le ralliement au Piémont. La lettre de Francesco Crispi témoigne de ce rejet de la maison de Savoie. Ce républicain partisan actif de l’expédition des Mille de Garibaldi en Sicile souligne la déception des populations face à la politique menée par le royaume unifié et compare les mesures gouvernementales avec l’action de l’ancienne dynastie régnante. Les Brigands recrutent également de nombreux paysans pauvres dont les difficultés sociales n’ont pas été améliorées par l’unification. Pour toute une partie de la population méridionale, le nouveau royaume d’Italie apparaît comme le projet de la bourgeoisie piémontaise. Le gouvernement mène une répression active. À partir de la Legge Pica de 1863, c’est l’armée régulière qui est en charge de réprimer les insurgés et les tribunaux militaires de les juger. Plus de 40 000 soldats sont présents dans les provinces insurgées. De 1861 à 1865 plus de 5000 brigands sont tués et près de 5000 également sont emprisonnés (tableau de P. Ferreti). Les actions des brigands sont relayées par toute une forme d’imagerie populaire mais aussi des chansons qui construisent une image des brigands généreux, au service des populations locales. Ces évènements et cette culture populaire enracinent une forme de méfiance de l’État chez les populations du Mezzogiorno et alimentent l’idée d’une Italie méridionale non intégrée.

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Chapitre 5 – La France et la construction de deux nouveaux États (1848-1870)

 Doc 3 et 4. La création de la Ligue du Nord La Ligue du Nord est un mouvement né dans les années 1990, fondé par Umberto Rossi qui milite pour l’indépendance de la Padanie. Ce territoire situé entre la Lombardie et la Vénétie ne correspond à aucune entité historique réelle. Umberto Rossi dénonce le gouvernement central, il accuse l’Italie méridionale de spolier les régions du Nord comme le montre l’affiche du mouvement. Devenu parti politique, la Ligue du Nord rencontre un certain succès électoral, les idées de sécession sont désormais moins présentes, le programme se concentrant davantage sur des thématiques d’extrême droite.  Doc 5. Campagne pour l’indépendance de

la Vénétie En 2001, une réforme constitutionnelle est adoptée, elle permet aux régions de « demander des formes ultérieures d’autonomie » au gouvernement central sur un certain nombre de compétences ou domaines précis. Comme dans de nombreux États européens, le régionalisme progresse en Italie. Certains mouvements se structurent et proposent tout d’abord des consultations informelles comme l’affiche appelant à réaliser un vote en ligne pour l’indépendance de la Vénétie mais aussi à un référendum officiel en 2017 pour la Lombardie et la Vénétie.

Réponses aux questions 1. Expliquez les difficultés rencontrées par le royaume d’Italie dans les années 1860. Le royaume d’Italie doit faire face à un certain nombre d’oppositions notamment dans les régions méridionales où des insurrections éclatent. Les Brigands refusent de se soumettre à l’autorité du nouveau royaume qu’ils considèrent illégitime ou dont ils refusent la politique. 2. Expliquez les facteurs à l’origine des mouvements indépendantistes en Italie. Les inégalités territoriales de la péninsule italienne alimentent les formes de colère qui aboutissent à une remise en cause du pouvoir central. La question de la répartition des richesses est un point central dans l’argumentation des mouvements régionalistes italiens. Le Mezzogiorno, plus rural, est considéré par certains hommes politiques de l’Italie septentrionale comme un poste de dépenses trop élevé dans un contexte économique incertain.

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3. Expliquez la fragilité du pouvoir central italien et de l’unité italienne du XIXe siècle au XXe siècle. Le propos doit inscrire la fragilité du pouvoir central italien dans le temps long. L’unification italienne a été menée par le royaume de PiémontSardaigne, le nouveau royaume unifié apparaît donc pour certains comme l’œuvre de l’Italie septentrionale. La forte répression menée à l’encontre du brigandage méridional nourrit les formes de méfiance à l’égard du gouvernement. Les inégalités territoriales de la péninsule italienne ne disparaissent pas au XXe siècle. Elles nourrissent un discours sécessionniste à partir de la fin des années 1990. La réforme constitutionnelle de 2001 permet aux régions italiennes de déployer de nouvelles formes d’autonomie. Elle ne fait pourtant pas disparaître certaines velléités d’indépendance pour les régions de la Lombardie et de la Vénétie.

DOCUMENTS La question allemande1848-1870 > MANUEL PAGES 154-155 La Révolution de février 1848 en France enclenche un phénomène insurrectionnel dans les territoires germaniques. Les manifestations se multiplient, elles revendiquent la souveraineté populaire et davantage de justice sociale. Certains souverains quittent le pouvoir, Frédéric Guillaume IV de Prusse renonce à l’absolutisme et forme un gouvernement libéral. Un Pré-Parlement (Vorparlament) se réunit à Francfort, il réunit les représentants des États germaniques. Il met en place un gouvernement provisoire, proclame les droits fondamentaux et les libertés individuelles et affiche sa volonté d’unir les différents territoires en un même État-Nation. Le nouveau régime peine à se mettre en place : la Constitution élaborée par le Parlement n’est pas acceptée par tous les états et Frédéric Guillaume IV refuse de prendre la couronne impériale. Un mouvement insurrectionnel se développe alors pour imposer la Constitution, il est fortement réprimé par les forces armées. Les duchés de Holstein et du Schleswig peuplés majoritairement de populations germanophones mais sous domination danoise, se soulèvent et proclament leur libération. La Prusse vient au secours des populations face à la répression danoise. Suite à l’armistice, le territoire réintègre le Danemark, nourrissant un sentiment de trahison des populations vis-à-vis du Parlement impuissant à défendre le sentiment national face aux puissances étran-

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Chapitre 5 – La France et la construction de deux nouveaux États (1848-1870)

gères. La répression menée et le rétablissement de la confédération germanique mettent fin à l’espoir d’une solution politique alliant réformes libérales et construction de l’unité allemande.

 Doc 1. La désunion allemande selon Marx. Penseur et journaliste, K. Marx, né dans le royaume de Prusse, ne reste pas indifférent aux bouleversements politiques de la Confédération germanique. Si ses engagements politiques le contraignent à l’exil, il rentre à Cologne suite aux soulèvements nationaux de 1848. Il y devient directeur de la Nouvelle Gazette Rhénane dans laquelle il publie de nombreux articles appelant à l’insurrection. En 1848, Cologne est un foyer insurrectionnel où la ligue des communistes fait acclamer par la foule un projet animé par le suffrage universel, l’instruction gratuite et généralisée et la mise en place d’une armée populaire. Poursuivi pour ses écrits par la justice, Karl Marx finit par trouver refuge à Londres où il poursuit ses activités. Dans sa correspondance il revient sur la question de l’unité allemande. Il décrit dans cette lettre la grande hétérogénéité des forces politiques dans la Confédération Germanique ; le manque de consensus politique sur la question de l’unité germanique apparaît comme un obstacle majeur à la construction d’un État nation uni. Les libéraux n’ont guère d’influence dans la Prusse de Fréderic Guillaume IV qui craint une réaction de l’empire d’Autriche face à des projets d’unité.

 Doc 2. Manifeste du Nationalverein Le sentiment national est relayé par un réseau d’associations qui organisent des évènements populaires et festifs. Le Nationalverein est une organisation fondée en 1859 à Cobourg dont le but est de construire l’unification politique de l’Allemagne autour des principes libéraux. C’est une des plus grande organisation politique, elle possède son propre journal, le Wochenschrift et rassemble plus de 20 000 adhérents à partir de 1862, parlementaires, juristes, universitaires ou encore journalistes. Elle rassemble les bourgeois libéraux qui souhaitent construire l’unité autour du puissant royaume de Prusse afin de permettre à l’Allemagne de jouer un rôle sur la scène européenne. Elle organise des congrès mais aussi des manifestations autour de grands symboles ou personnages symbolisant la nation allemande comme lors du centième anniversaire de la mort du poète Schiller en 1859. Le Nationalverein est concurrencé par le Reforverein, parti soutenu par l’Autriche dont le programme consiste à réformer la Confé-

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dération Germanique de manière à la rendre plus efficace grâce à l’élection au suffrage universel indirect des délégués de la confédération. L’échec de l’Autriche dans les guerres italiennes en 1859 interroge l’hégémonie autrichienne au sein de la confédération germanique.

 Doc 3. Le thaler prussien, monnaie du Zollverein Lors de la mise en place de la Confédération germanique en 1815, un article prévoit la mise en place d’une système douanier unitaire mais l’Autriche, favorable au protectionnisme économique, décline cette proposition. La Prusse s’attache dès lors à construire et mettre en œuvre ce projet pour mettre fin au morcellement des territoires économiques et permettre d’améliorer les échanges commerciaux au sein des territoires germaniques. En 1834 nait le Zollverein, organisation rassemblant 25 États germaniques autour d’une frontière douanière et d’un tarif commun. L’organisation économique entraîne certaines unifications des poids et mesures afin de favoriser les échanges. Afin de faciliter les levées fiscales et la redistribution aux différents États, est instauré un système monétaire commun puis un thaler pour l’ensemble des partenaires est mis en place en 1857. Au sein du Zollverein, la Prusse apparaît en position dominante puisqu’elle représente 40 % de la population mais plus de 65 % de la puissance économique de l’organisation, elle mène souvent les négociations commerciales au nom du Zollverein et multiplie les investissements dans cet espace économique notamment autour de la mise en place des chemins de fer mais aussi d’un réseau télégraphique électrique. Cette organisation économique participe de la prise de conscience d’un espace commun pour les populations germaniques mais aussi de la construction d’un ensemble culturel commun qui nourrit le sentiment national et les projets politiques ultérieurs. Marx évoque d’ailleurs le Zollverein dans son courrier comme le plus haut degré de centralisation atteint en Allemagne. L’organisation est également une guerre commerciale contre l’Autriche. Inquiète de la montée en puissance de la Prusse, l’Autriche engage des négociations pour entrer dans cette union douanière. La candidature n’aboutit pas au nom des principes du libre-échange défendus par la Prusse et réaffirmés lors d’accord conclus avec la France en 1862 qui amorcent une nouvelle baisse des tarifs douaniers que l’Autriche ne peut soutenir. Le Zollverein est dès lors l’occasion d’une guerre commerciale. Ces questions économiques

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Chapitre 5 – La France et la construction de deux nouveaux États (1848-1870)

démontrent bien que Bismarck désigne avant tout l’Autriche comme ennemi de la Prusse.

 Doc 4. Vers l’unité allemande En juin 1866, les troupes prussiennes entrent dans le duché de Holstein et déclarent la guerre à l’Autriche. Publiée dans le journal satirique Charivari fondé en 1832, la caricature paraît au lendemain de la victoire de Sadowa où la Prusse l’emporte contre l’Autriche. Bismarck en uniforme militaire réalise un exercice de couture réunissant deux parties de toile sur laquelle on peut lire « Prusse » à gauche et Saxe, Hanovre et d’autres lieux de la confédération germanique sur la partie droite. « Le coup de tonnerre de Sadowa » remet en question les équilibres européens. Cette victoire prussienne est en réalité le résultat d’une longue préparation. Militaire tout d’abord, puisque de profondes réformes ont été entreprises dans l’armée prussienne tant sur le plan du matériel que celui du commandement. Bismarck a également conclu un certain nombre d’accords diplomatiques lui permettant de mener cette guerre où la Prusse est indéniablement l’agresseur. Bismarck négocie la neutralité de la France en échange de la cession du Luxembourg lors de l’entrevue de Biarritz avec Napoléon III en 1865. Bismarck s’assure du soutien italien en promettant de rendre la Vénétie occupée par l’Autriche au nouvel État unifié. La guerre est brève, si le rapport des forces militaires apparaît défavorable à la Prusse, la victoire éclatante du 3 juillet 1866 à Konniggrätz (Sadowa) entraîne le retrait des troupes autrichiennes. Bismarck négocie alors rapidement une paix pour ne pas faire obstacle à la réconciliation entre les États allemands qui s’étaient tous rangés du côté autrichien mais aussi pour obtenir de l’Autriche la dissolution de la Confédération germanique. La Prusse en position hégémonique met en place la Confédération de l’Allemagne du Nord rassemblant autour d’elle le royaume de Hanovre, la Hesse, le duché de Hesse Nassau, le royaume de Saxe. La Confédération d’Allemagne du Nord mise en place en 1867 est présidée par le roi de Prusse qui dirige diplomatie et armées, Bismarck devient chancelier fédéral. Deux assemblées forment les institutions, le Bundesrat, conseil fédéral et le Reichstag dont les députés sont élus au suffrage universel. La constitution écrite par Bismarck est largement fédéraliste, puisque les États conservent largement leurs prérogatives à l’exception de la politique étrangère, de la défense et des droits de douanes.

L’affiche de 1870 appelle à l’unité des populations allemandes (Seid einig !) dans leur lutte contre la France. Germania, allégorie de l’Allemagne se place en sentinelle sur le Rhin. Cette figure féminine à l’habit médiéval, se présente sous les traits d’une guerrière, le glaive levé dans la main droite et s’appuyant sur un bouclier. Elle devient particulièrement populaire après 1848. L’affiche multiplie les symboles du sentiment national allemand avec la présence de Germania couronnée de feuilles de chênes, arbre sacré chez les Germains, omniprésent dans l’iconographie du Reich, l’aigle à deux têtes qui rappelle le Saint-Empire-RomainGermanique et l’utilisation du noir, rouge et or, couleurs de la révolution de 1848 et du sentiment national allemand. Suite à l’affaire de la dépêche d’Ems, la France déclare la guerre à l’Allemagne en 1870.

Réponses aux questions 1. Distinguez les différents projets d’unité allemande qui coexistent au lendemain de la révolution de 1848 dans la Confédération germanique. La révolution de 1848 nourrit le sentiment national allemand, mais les forces de la scène politique de la Confédération germanique possèdent des projets différents autour de l’unité allemande. Depuis l’échec de 1848, les Libéraux se sont résignés et se rallient à la monarchie constitutionnelle et d’un projet d’union restreinte autour de la Prusse à l’instar du mouvement du Deutscher Nationalverein. Les démocrates en revanche poursuivent leur idéal de mise en place d’une République réunissant les différents États allemands. Suite à la guerre austro-prussienne, la Confédération germanique est dissoute, une Confédération de l’Allemagne du Nord rassemble ces États autour de la Prusse. 2. Observez les éléments de cette affiche et décrivez-la (doc. 5). L’affiche présente Germania, allégorie de la Nation allemande postée en sentinelle sur le Rhin, glaive à la main pour défendre son territoire. De multiples symboles de la Nation allemande sont représentés : la couronne de feuille de chênes sur la chevelure de la jeune femme, l’aigle à double tête du Saint Empire romain germanique sur le bouclier aux couleurs de la nation allemande. En 1870, le royaume de Prusse est engagé dans un conflit contre la France qui est l’occasion de mobiliser le sentiment national des États allemands

Doc 5 Soyons Unis, affiche allemande

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notamment de l’Allemagne du Sud et de soutenir Guillaume II de Prusse. 3. Comment une union douanière peut-elle être facteur d’unité dans la Confédération germanique ? Le Zollverein se traduit par une frontière commerciale et un tarif douanier commun pour tous les États membres. Les décisions sont prises par une assemblée de représentants, les recettes fiscales sont prélevées et redistribuées à l’ensemble des membres de l’organisation. Le système monétaire est uniformisé. La multiplication des échanges et des investissements entraîne des formes d’uniformisation des mesures ; l’équipement ferroviaire permet aux biens et à l’information de circuler au sein de cet espace favorisant la prise de conscience des populations d’un destin commun. 4. Pourquoi représenter un soldat prussien en train de coudre ? Cet exercice de couture réalisé par un soldat prussien symbolise la politique d’unification entreprise par la Prusse suite à sa victoire sur l’Autriche en 1866. La Confédération germanique disparaît. La confédération de l’Allemagne du Nord est mise en place en 1867 autour de la Prusse rassemblant les États et villes libres présents sur la partie droite du tissu. Le soldat prussien tient l’aiguille symbolisant les initiatives de Bismarck pour construire une unité autour du royaume de Prusse. 5. Expliquez quel est le but de cette affiche (doc. 5). L’objectif de cette affiche est de mobiliser les États de l’Allemagne autour de la Prusse dans son combat contre l’ennemi français. Elle montre Germania en position de défense, aux aguets face à la menace de la France. Cette peur de l’empire français doit être le ciment de l’unité allemande. Synthétiser La chronologie doit reprendre un certain nombre de jalons autour du sentiment national allemand. 1848 avive les consciences nationales mais ne permet pas de renverser la Confédération germanique. Des mouvements politiques se structurent et soutiennent l’idée d’une unité, le Zollverein construit un espace économique commun. La chronologie réalisée doit mettre en valeur clairement le rôle de la Prusse à partir des années 1860 et reprendre un certain nombre d’éléments présents dans le cours. L’unification des États allemands se construit également dans l’opposition à un ennemi commun : l’Autriche jusque 1866, la France audelà.

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DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Bismarck et le Reich > MANUEL PAGES 156-157  Doc 1. La puissance de la Prusse selon Bismarck Quelques jours après sa nomination par Guillaume 1er en 1862, le 1er ministre Bismarck s’adresse à une commission du Landtag de Prusse. Le roi de Prusse est alors en conflit avec le Landtag au sujet du vote des crédits militaires dans le cadre d’un projet de réforme de l’armée prussienne. Il entend ainsi doubler les effectifs de l’armée et moderniser l’armement. Ces propositions sont rejetées par un Landtag à majorité libérale pour des raisons essentiellement financières. S’ouvre alors un profond conflit entre l’assemblée et le roi atteint dans sa souveraineté. Le discours du nouveau premier ministre est marqué par le rejet des idées libérales. Bismarck est un monarchiste convaincu pour lequel la Prusse doit avant tout mener une politique de puissance. Il n’est pas un militaire mais considère que la guerre fait partie des instruments de politique étrangère selon les principes de Clausewitz. « Eisen und Blut », par le fer et par le sang, est l’expression qui marque la fin de son discours, elle incarne les principes de politique de puissance de Bismarck. Le Premier ministre dépasse le conflit entre le Landtag et le roi de Prusse en faisant adopter la réforme en dépit de l’opposition des libéraux au nom de la puissance de l’État.

 Doc 2. Bismarck et l’unité allemande Guido Schmitt (1834-1922) est un célèbre peintre allemand connu notamment pour son art des portraits. L’estampe est une reproduction d’un de ces tableaux restés célèbres de 1866 et aujourd’hui disparu « Bismarck et l’unité allemande », elle permet de prendre conscience de l’utilisation de l’image par le nouvel empire et de la construction progressive d’un culte autour de Bismarck. Bismarck y est représenté avec son tablier de forgeron, tendant l’épée de l’unité qu’il vient de terminer à Germania en armure de combat.  Doc 3. Un jugement sur la politique de Bismarck La correspondance de ce juriste allemand démontre que la politique de Bismarck n’a pas soulevé l’adhésion immédiate, et le tournant de la

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victoire de Sadowa. La première lettre dénonce clairement la politique étrangère menée contre l’Autriche tandis que la deuxième est imprégnée de l’exaltation de la figure de Bismarck. L’engagement d’une guerre contre l’Autriche suscite en effet de nombreuses réticences après 1864 y compris chez le roi Guillaume 1er. Nombreux sont ceux qui y voient une guerre fratricide ou encore une démonstration de l’autoritarisme de Bismarck. Pour le chancelier, le duché de Holstein est non seulement l’occasion pour la Prusse d’obtenir un débouché en mer du Nord mais aussi celui d’unir les États protestants du Nord contre l’Autriche catholique. La victoire contre l’Autriche renforce considérablement le Premier ministre puisque la guerre a été limitée, le territoire de la Prusse s’est considérablement agrandi, l’Autriche perd le contrôle d’une partie de l’espace germanique, renforçant les aspirations de la construction d’un État national allemand. La majorité du Landtag soutient alors Bismarck.  Doc 4. Bismarck et la France Quelques mois après son retrait de la vie politique allemande, Bismarck contacte une maison d’édition. Pensées et souvenirs est un ouvrage écrit par Bismarck lui-même dans lequel il se construit une image de bâtisseur de l’Empire allemand. L’ancien chancelier raconte ses souvenirs à Lothar Bucher qui organise la rédaction de ce témoignage pour la parution. Le lecteur y découvre un Bismarck isolé dans ses décisions face à l’incompréhension de ses contemporains mais toujours visionnaire. Ainsi, après la victoire de Sadowa, Bismarck ne peut réellement anticiper la réaction de la France, dépossédée du Luxembourg. Le chancelier mobilise le sentiment national allemand pour ne pas honorer son engagement vis-àvis de la France. L’unité se construit désormais face à l’ennemi français dont il ne peut prévoir la réaction. Napoléon III, malade et préoccupé par la montée des contestations, ne réagit pas à ces changements de la scène européenne.  Doc 5. Bismarck et Napoléon III La caricature « Des arbitres rivaux » paru dans l’hebdomadaire satirique britannique Punch en 1866 traduit bien les équilibres de la scène politique européenne de l’époque. Napoléon III à droite du dessin réfléchit en analysant une carte de l’Europe tandis que Bismarck tient derrière lui un fusil. Le dessin paraît à la suite de la victoire de Sadowa qui conforte la puissance de la Prusse en

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Europe centrale. Napoléon III demande alors le Luxembourg, promis comme compensation territoriale contre la neutralité française dans le conflit austro-prussien. Bismarck refuse d’honorer son engagement en dénonçant la remise en cause de la frontière naturelle du Rhin par l’empereur français. Inquiet de la montée de puissance de la Prusse, Napoléon III tente de se rapprocher de l’empire d’Autriche à qui il propose en vain un traité d’alliance. La question de l’hégémonie en Europe continentale ne cesse dès lors d’alimenter la tension franco-prussienne.

Réponses aux questions 1. Recensez les moyens mis en œuvre pour créer les conditions de l’unité allemande. Bismarck mène une politique de puissance pour le royaume de Prusse. Il entend mener une politique d’unification des territoires germaniques y compris par la guerre si nécessaire. 2. Observez et présentez cette image de Bismarck (doc. 2). Bismarck est présenté en forgeron ; il vient de terminer son épée qu’il remet à Germania en tenue de combat. Il est ainsi présenté en bâtisseur de l’empire allemand grâce notamment à la guerre. 3. Démontrez le rôle des victoires militaires pour légitimer la politique de Bismarck. La victoire de Sadowa consolide la légitimité de Bismarck. L’Autriche en sort considérablement affaiblie et la Prusse gagne en influence. 4. Pourquoi la relation à la France est-elle essentielle dans le projet de Bismarck ? La France est utilisée par Bismarck pour construire l’unité allemande notamment avec les États de l’Allemagne du Sud unis contre un ennemi commun avec la Prusse. 5. Quelle image Bismarck acquiert-il ? Bismarck acquiert l’image de père de l’unité allemande. 6. Présentez les actions menées par Bismarck pour réaliser l’unité allemande. Pour réaliser la synthèse, l’élève peut également s’appuyer sur les éléments vus dans le cours sur l’unité allemande. Nommé chancelier de Guillaume 1er de Prusse en 1862, Bismarck entreprend une politique pour consolider la puissance de la Prusse au sein de la Confédération germanique, notamment sur le plan militaire. Les coups diplomatiques de Bismarck et

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ses entreprises guerrières vont progressivement construire l’unité allemande. Bismarck considère qu’une armée forte et moderne peut mener à bien l’unité allemande. Il ne croit guère aux négociations diplomatiques et s’en remet à l’efficacité de l’action guerrière. La question de la succession dans les duchés de Holstein et du Schleswig offre la possibilité à la Prusse de démontrer sa force dans une intervention conjointe avec l’Autriche contre le Danemark en 1864. Mais le sort réservé au duché de Holstein est l’occasion d’un conflit entre la Prusse et l’Autriche en 1866. Avant de s’engager militairement, Bismarck s’assure de la neutralité de la France dans le conflit en lui proposant l’annexion du Luxembourg en cas de victoire et du soutien du Royaume de Piémont en lui promettant de soustraire la Vénétie à l’Autriche. La Prusse affronte l’Autriche en 1866 et l’emporte. La Confédération germanique disparaît alors et la Prusse domine clairement la Confédération de l’Allemagne du Nord. Une nouvelle querelle de succession offre l’occasion d’un conflit diplomatique entre la France et la Prusse. Par une habile ruse, Bismarck parvient à falsifier un document diplomatique, la dépêche d’Ems, menant la France à la rupture. Pour affronter Napoléon III, les Etats du Sud s’allient à la confédération d’Allemagne du Nord. La victoire sur la France est l’occasion d’unir l’ensemble des Etats dans le Reich allemand en 1871. Bismarck a mené une intense action diplomatique et guerrière pour construire l’unité allemande au sein du Reich dont il devient chancelier en 1871. Itinéraire 2 Rédiger une biographie Bismarck a été l’objet d’un véritable culte, il existe de nombreuses images mettant en scène le chancelier et sa politique. Le travail implique tout d’abord une sélection de dates importantes correspondant à la politique d’unité menée par Bismarck. À partir de ces évènements, le travail de recherche d’images peut être réalisé. Elles peuvent correspondre à des images officielles puisque la cour de Prusse puis la cour impériale a utilisé un certain nombre d’artistes pour la mise en scène de ses hommes politiques, mais aussi des caricatures de l’époque ou encore des photographies.

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CHAPITRE

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La mise en œuvre du projet républicain (18701914) › MANUEL PAGES 164 À 193

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Pour commencer le thème 3 (« La Troisième République avant 1914 : un régime politique, un empire colonial »), ce chapitre propose d’étudier « La mise en œuvre du projet républicain ». Le professeur peut y consacrer 4 heures environ. Le programme de première est structuré par deux axes directeurs : l’affirmation des nations en Europe aux dépens des empires et la transformation politique et sociale de la France. « La mise en œuvre du projet républicain » s’inscrit au carrefour de ces deux axes. En effet, ce chapitre étudie comment peut s’affirmer une nation républicaine au lendemain de la déchéance du Second Empire. La transformation politique et sociale de la France joue alors un rôle fondamental dans cette affirmation, qu’elle suscite, ou dont elle se nourrit. Il s’agit de montrer la manière dont le régime républicain se met en place et s’enracine, ainsi que les nombreuses oppositions qu’il rencontre. Des oppositions qui tantôt le fragilisent, le mettent à l’épreuve, ou le renforcent. « La mise en œuvre du projet républicain » ne décrit pas – de manière linéaire – l’installation de la République : c’est plutôt un questionnement à propos des idéaux et du modèle de société. Bibliographie indicative • Arnaud-Dominique Houte, La France sous la IIIe. La République à l'épreuve, 1870-1914, La documentation photographique n°8101, septembre 2014. • Henry Rousso (dir.), Vincent Duclert, La République imaginée (1870-1914), collection Histoire de France, Belin, 2010. • Vincent Duclert et Christophe Prochasson (dir.), Dictionnaire critique de la République, Flammarion, 2002. Sources documentaires : Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

• Victor Hugo, L’Année terrible, édition d’Yves Gohin, collection poésie, Gallimard, 1985. • Louise Michel, Mémoires, collection [Re]découverte, La Découverte, 2002. Bandes dessinées : • Raphaël Meyssan, Les Damnés de la Commune, 2 volumes, éditions Delcourt, 20172019. • Mary Talbot, Bryan Talbot, Louise Michel, La Vierge rouge, La Librairie Vuibert, 2016. • Tardi, Le cri du peuple, 4 volumes, Casterman, 2001-2004. • Emmanuel Moynot, Le temps des bombes, Casterman, 2014. Sites Internet : • Webdossier du magazine L’Histoire, « Le pouvoir exécutif en France (1814-1962) » : https://www.lhistoire.fr/parution/ens-2 • Un site du ministère de la culture : Dreyfus réhabilité http://www.dreyfus.culture.fr/fr/ • Les deux sièges de Paris, Album pittoresque, 1871, sur Gallica (la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France) : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6443641 6 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6442297 w/f29.item.zoom Musées à visiter : • Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis (collections sur la Commune de Paris), http://musee-saint-denis.com/portfolio/lesiege-et-la-commune-de-paris/ • Musée Carnavalet, Paris (histoire de Paris), http://www.carnavalet.paris.fr/ • MUNAÉ, Musée national de l’éducation, Rouen, https://www.reseau-canope.fr/musee/ • Le Panthéon, http://www.paris-pantheon.fr/ • Maison Victor Hugo, Paris, http://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/

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OUVERTURE › MANUEL PAGES 164-165 Jules Didier et Jacques Guiaud, deux peintres au service du projet républicain, représentent une scène de communion populaire à Paris le 4 septembre 1870, quand la déchéance de l’Empire est proclamée. La scène est construite comme l’expression d’un idéal républicain (doc 1). Pour concrétiser cet idéal, la fondation de l’école républicaine constitue un levier important (photographie, doc 2). La confrontation de ces deux documents permet ainsi de se poser la question suivante : comment la Troisième République regroupe-telle les Français autour d’un projet politique commun ?

Document 1. Le 4 septembre 1870, la République est proclamée à Paris Cette toile est peinte par Jules Didier (18311914) et Jacques Guiaud (1810-1876). Ils exposent à plusieurs reprises au Salon de peinture et de sculpture à Paris. En 1834, Jacques Guiaud se met au service de la Monarchie de Juillet qui lui commande le décor des Salles Empire du château de Versailles. Jules Didier et Jacques Guiaud sont donc deux peintres qui connaissent les codes de l’art académique et qui savent transmettre un message politique à travers leur peinture. Ils collaborent ensemble à plusieurs reprises. Par exemple, en 1872, ils immortalisent le Départ de Gambetta pour Tours sur « l’Armand-Barbès », le 7 octobre 1870 (huile sur toile, 250 x 400 cm, Musée Carnavalet). Le tableau est commandé par Alfred Binant, un riche marchand de tableaux et de fournitures qui se spécialise dans la fabrication de toiles de très grandes dimensions. À la fin de l’année 1870, durant le Siège de Paris, sa maison est reconvertie en hôpital militaire temporaire. Il y installe également un groupe de peintres à qui il fait exécuter une série de trente-six toiles monumentales, pour constituer une sorte de reportage historique du siège de Paris. Ces toiles sont d’abord exposées dans la galerie de Durand-Ruel en 1871. Afin qu’elles soient conservées dans leur ensemble, Alfred Binant les a ensuite léguées à la ville de Paris. Aujourd’hui, elles sont conservées au musée Carnavalet, le musée municipal parisien consacré à l’histoire de Paris.

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Le tableau est une peinture à l’huile sur toile aux dimensions monumentales. Avec une hauteur de 2,4 mètres et une largeur de 4 mètres, sa superficie atteint 10 m2. Les toiles de grandes dimensions sont habituellement réservées aux grands genres de la peinture, auxquels appartiennent les représentations de scènes historiques. Alfred Binant veut ainsi montrer le 4 septembre 1870 comme un événement important pour l’histoire de France. Contexte historique : Bataille de Sedan, 2 septembre 1870. Napoléon III se laisser capturer par l’ennemi prussien. À Paris, le lendemain, les députés de l’opposition républicaine proposent de mettre fin au Second Empire. Le 4 septembre 1870, sous un soleil radieux, plus de 100 000 personnes se regroupent autour du Palais-Bourbon pour connaître leur décision. Des gendarmes à cheval se positionnent pour défendre l’entrée du Palais-Bourbon, accompagnés des sergents de ville et des fantassins de la garde de Paris. Ils sont rejoints par des bataillons de la garde nationale, constituée de nombreux volontaires issus des couches sociales les plus populaires. Beaucoup de ces gardes nationaux n’ont pas d’uniforme, ce qui ajoute à la confusion. Alors qu’une ligne de cavaliers gendarmes est prête à charger, les ordres ne viennent pas. Les cavaliers rengainent leurs sabres et sont submergés par la foule. Les manifestants passent les grilles du Palais-Bourbon. A 14h15, l’hémicycle est envahi. Quelques instants plus tard, les députés républicains – à l’image de Léon Gambetta, Jules Favre, Jules Ferry ou Jules Simon – sortent du Palais-Bourbon et communient avec cette foule. La fin de l’Empire a sonné. C’est ce moment que représente le tableau de Jules Didier et Jacques Guiaud. Les députés républicains amèneront ensuite cette foule à l’Hôtel de Ville, pour proclamer la République et former un « gouvernement de Défense nationale ». Analyse de l’œuvre : Au premier plan, on observe une foule de Parisiens, où sont mêlés des hommes, des femmes et des enfants, appartenant à toutes les catégories sociales. Ils se mêlent aux gendarmes à cheval et aux gardes nationaux dans un mouvement de communion. Ils effectuent également une haie d’honneur à l’intention des dé2

Chapitre 6 – La mise en œuvre du projet républicain (1870-1914)

putés républicains qui sortent du PalaisBourbon. La limite entre le premier et le deuxième plan est matérialisée par la grille d’entrée du PalaisBourbon, mais cette limite tend à s’effacer. D’une part, la foule a franchi cette grille et a envahi le Palais-Bourbon, qu’elle s’approprie comme un symbole démocratique. Et d’autre part, elle ouvre un passage aux députés qui sortent du Palais-Bourbon. Sur les marches, ces derniers communient avec la foule en levant le bras et en ôtant leur chapeau. Au troisième plan, élevée sur un podium de trente marches, s’impose la façade du PalaisBourbon. Avec douze colonnes surmontées d’un fronton triangulaire, cette façade est construite comme un temple de la raison dédié aux Lois, en référence à l’architecture grecque de l’Antiquité. Le Palais-Bourbon abrite alors le Corps législatif, où travaillent les députés. C’est un lieu de pouvoir caractérisé par la présence du drapeau français à son sommet. Interprétation de l’œuvre : Le tableau de Jules Didier et Jacques Guiaud a pour intention de raconter la proclamation de la déchéance de l’Empire avec exactitude historique. Cependant, cette représentation n’est pas exempte d’intentions politiques. Au contraire de certains dessinateurs de presse, les peintres n’ont pas choisi de montrer l’envahissement de la salle du Corps législatif par les manifestants : un moment marqué par des bousculades et des débats houleux, à l’issue desquels les députés républicains – à l’image de Jules Favre – refusent de proclamer la République en ce lieu. Les peintres choisissent plutôt de montrer le moment qui suit : celui où Jules Favre et Léon Gambetta paraissent sous la colonnade pour annoncer la déchéance de Louis-Napoléon Bonaparte et de sa dynastie. Pas d’insurrection générale, pas d’émeute, mais une révolution de velours, où bourgeois et ouvriers se côtoient paisiblement. Comme Jules Favre et Léon Gambetta sont peu clairement identifiables, c’est bien la communion du peuple parisien qui est célébrée dans cette œuvre. Enfin, on peut noter que quelques nuages s’élèvent dans le ciel à la droite du tableau. Pourtant, les témoins de l’événement racontent qu’un soleil radieux illumine cette journée du 4 septembre 1870. Alors, Les peintres utilisentils ces nuages comme un procédé pictural desHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

tiné à équilibrer leur composition ? Ou bien ces nuages sont-ils annonciateurs des difficultés importantes que va rencontrer cette République naissante avec le siège de Paris ? Mise en perspective possible : Le journal Le Temps, daté du 5 septembre 1870, raconte les événements qui se sont déroulés la veille à Paris : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2244053/ f1.item

Document 2. La mairie et l’école, symboles de la république Cette carte postale du début du XXe siècle présente une photographie prise à Gières, une commune de l’Isère qui compte alors environ 1000 habitants. Elle montre la réunion, dans un même bâtiment, de la mairie et de l’école, comme c’était souvent le cas dans les campagnes françaises sous la IIIe République. Le drapeau tricolore flotte au sommet du fronton. Les écoliers qui posent pour la photographie sont relativement nombreux. Ils témoignent de la mise en œuvre des lois scolaires de Jules Ferry (1881-1882), qui rend l’enseignement primaire gratuit et obligatoire. Par le vote des lois scolaires, les républicains veulent aussi limiter l’influence de l’Église. Jules Ferry impose la neutralité religieuse dans l’enseignement scolaire public (1882), tandis que René Goblet confie cet enseignement à un personnel exclusivement laïque (1886). La photographie montre donc que l’enseignement public, qui côtoie un lieu de pouvoir la République, n’est pas sous l’influence du clergé. La laïcité garantit l’indépendance de la morale et de la science face aux religions. L’entrée de l’école est surmontée par l’inscription : « Instruction et Liberté ». Cette devise montre la volonté de développer dans la société la valeur sacrée du savoir et de l’esprit critique : il s’agit d’aider l’élève à se défaire des préjugés, pour le faire aboutir librement à l’idée de République. Ainsi, cette photographie montre que la République s’appuie sur l’éducation pour créer, grâce à l’école, un sentiment national qui n’est plus celui de la France monarchique ou impériale. Ce projet patriotique, indissociable de la République, doit permettre d’affirmer une conception unitaire de la communauté nationale.

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Chapitre 6 – La mise en œuvre du projet républicain (1870-1914)

REPÈRES › MANUEL PAGES 166-167 Cette double page « repères » définit tout d’abord quelques notions importantes pour comprendre ce chapitre où l’histoire politique tient une place importante. La frise chronologique montre ensuite que le régime républicain se met en place et s’enracine à travers quelques réformes fondamentales, mais qu’il est également l’objet de crises et de contestations. Enfin, la connaissance du fonctionnement des institutions (doc. 1) permet de comprendre la nature parlementaire du régime et les contestations dont il fait l’objet (antiparlementarisme). Il n’existe pas réellement de Constitution de la IIIe République. Un certain nombre de lois constitutionnelles précisent progressivement le fonctionnement des institutions entre 1871 et 1877, au fur et à mesure qu’évoluent les rapports de force entre républicains et monarchistes. Par exemple, la crise du 16 mai 1877 a pour conséquence d’amenuiser le rôle du Président de la République. À la suite du triomphe des républicains aux élections législatives de mars 1876 (360 républicains pour 155 monarchistes), le président Mac-Mahon, monarchiste, se retrouve face à une Assemblée qui lui est majoritairement hostile. Le 16 mai 1877, Mac-Mahon renvoie le chef du gouvernement républicain, Jules Simon, dont il désapprouve la politique. Il nomme à sa place Albert de Broglie, mais ce dernier n’obtient pas la confiance de la Chambre. Mac-Mahon dissout alors la Chambre des députés. Cependant, les élections viennent confirmer la majorité républicaine. Mac-Mahon est donc contraint de démissionner le 30 janvier 1879. Ainsi, cette crise du 16 mai 1877 discrédite le recours au droit de dissolution, qui est désormais perçu comme antirépublicain. Plus aucun président de la IIIe République n’ose ensuite l’utiliser. La nature parlementaire du régime est donc renforcée. Toutefois, comme le Parlement peut renverser à tout moment le gouvernement, cela génère une importante instabilité parlementaire, car les gouvernements se succèdent souvent au rythme d’alliances fragiles et provisoires.

Réponses aux questions Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Les réponses aux questions s’effectuent en croisant les informations des différents documents : notions, frise chronologique, schéma des institutions. 1. Identifiez les éléments qui permettent d’affirmer que la Troisième République est une démocratie. La Troisième République est une démocratie, car elle garantit le respect des libertés fondamentales, à l’image de la loi sur liberté de la presse (1881). Elle garantit également l’égalité des droits politiques pour tous les hommes de plus de 21 ans, qui peuvent élire les députés (suffrage universel direct), les sénateurs et le Président de la République (suffrage universel indirect). 2. Expliquez pour quelle raison la Troisième République est une démocratie imparfaite. La IIIe République est une démocratie imparfaite car les femmes n’ont pas le droit de vote. 3. Montrez que la Troisième République est un régime parlementaire. La IIIe République est un régime parlementaire car le gouvernement est responsable devant le Parlement. Ce dernier peut donc, sans crainte, renverser le gouvernement. De plus, c’est le Parlement qui procède à l’élection du Président de la République.

COURS 1 La fondation de la République (1870-1879) › MANUEL PAGES 168-169

Réponses au Testez-vous ! Pourquoi peut-on dire que l’épisode de la Commune de paris est une guerre civile ? Une guerre civile est un conflit armé non international, qui oppose les forces armées d’un État à des groupes armés identifiables. Du 18 mars au 28 mai 1871, les partisans de la Commune de Paris s’opposent aux forces armées du gouvernement de la République, dirigé par Adolphe Thiers et installé à Versailles. On peut donc parler d’une guerre franco-française. Comment expliquer la révolte des Parisiens en 1871 ? Le 26 janvier 1871, lorsque le gouvernement signe l’armistice avec l’Allemagne, une grande 4

Chapitre 6 – La mise en œuvre du projet républicain (1870-1914)

partie des Parisiens se sentent humiliés. En effet, malgré un siège de plusieurs mois, les Allemands ont échoué à prendre la ville, défendue avec courage par les Parisiens. Ensuite, des élections législatives portent au pouvoir une majorité monarchiste, alors que les Parisiens sont majoritairement républicains. De plus, Adolphe Thiers décapitalise Paris et autorise l’armée allemande à défiler triomphalement dans la ville. Ainsi, le 18 mars 1871, quand Thiers ordonne de s’emparer des canons de la garde nationale sur la butte Montmartre, il s’attaque à un autre symbole : ces canons ont été financés par les Parisiens grâce à une souscription publique et leur permettent de défendre la ville. Cet événement marque le début de l’insurrection. Pourquoi les conservateurs échouent-ils à restaurer une monarchie ? Les conservateurs échouent à restaurer une monarchie en raison de leurs nombreuses divisions. Ils n’arrivent pas à faire émerger un candidat unique au trône. De plus, la « restauration de l’Ordre moral » favorise la combativité des républicains qui s’unissent autour de l’anticléricalisme et connaissent des succès électoraux. Le vote des lois constitutionnelles (1875) consolide la nature républicaine du régime, qui s’affirme désormais comme un régime parlementaire.

COURS 2 La diffusion d’une culture républicaine › MANUEL PAGES 170-171

Réponses au Testez-vous ! Quelles sont les grandes lois républicaines qui affirment les libertés fondamentales ? Les lois garantissant la liberté de la presse (1881), la liberté de réunion (1881), la liberté syndicale (1884), ou la liberté d’association (1901), sont des grandes lois républicaines qui affirment les libertés fondamentales. Des libertés qui s’inscrivent dans l’héritage de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Quelles valeurs les républicains veulent-ils diffuser ? Si on définit les valeurs comme un idéal à atteindre ou à défendre, les républicains veulent Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

démocratiser l’expérience politique, promouvoir le respect des libertés fondamentales, fabriquer l’égalité républicaine, développer un patriotisme républicain, et imposer la laïcité. Pourquoi la laïcité scolaire est-elle mise en place ? La laïcité scolaire est mise en place après les tensions consécutives à la « restauration de l’Ordre moral » (1873-1875). Ces tensions ont favorisé la combativité et l’unité des républicains autour de l’anticléricalisme. À partir de 1879, ils détiennent les rênes du pouvoir et veulent réduire l’influence de l’Église catholique, qui leur est majoritairement hostile. Ils commencent par mettre en œuvre ce principe dans l’école publique (lois de 1882 et 1886). Dans l’esprit de Jules Ferry, il s’agit également de garantir l’indépendance de la morale et de la science face aux religions.

COURS 3 La République face aux contestations › MANUEL PAGES 172-173

Réponses au Testez-vous ! Avant l’affaire Dreyfus, quelles sont les principales oppositions que rencontre la République ? Avant l’Affaire Dreyfus, la République est d’abord menacée par le nationalisme du général Boulanger, qui propose d’instaurer un régime autoritaire (1886-1889). Puis la République est ébranlée par une vague d’attentats anarchistes (1892-1894), à l’image de l’assassinat du président Sadi Carnot en 1894. Ces oppositions se nourrissent de l’antiparlementarisme, qui se développe notamment à la suite d’une succession de scandales de corruption. Identifiez les valeurs que défendent les dreyfusards et les antidreyfusards. Classez-les dans deux colonnes différentes. Valeurs défendues par les dreyfusards

Valeurs défendues par les antidreyfusards

Les droits de l’homme

La défense de l’armée

La justice

Le nationalisme

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Chapitre 6 – La mise en œuvre du projet républicain (1870-1914)

La République

L’antisémitisme

Quelle loi marque un moment de rupture entre l’Église catholique et la République ? À quelle date ? La loi de séparation des Églises et de l’État (1905) marque un moment de rupture entre l’Église catholique et la République. Cette rupture se cristallise ensuite lors de la crise des inventaires.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Louise Michel et la Commune de Paris (1871) > MANUEL PAGES 174-175 Comme point de passage et d’ouverture, le programme de Première propose l’étude de Louise Michel « pendant » la Commune de Paris ». Toutefois, le choix de cet intitulé interroge. En effet, pendant cette guerre francofrançaise, même si l’engagement de Louise Michel est total (doc. 1), cette dernière ne joue qu’un rôle marginal. Elle entretient une proximité avec les principaux représentants de la Commune, mais elle ne joue aucun rôle politique décisionnel : lors des élections organisées pour élire ces représentants, seuls les hommes ont le droit de voter et d’être élus. De plus, une fois la Commune proclamée (28 mars 1871), lorsqu’elle propose son aide et offre de se rendre à Versailles afin d’assassiner Adolphe Thiers (doc. 4), les délégués de la Commune ne donnent pas suite à sa proposition. À travers cette double page, il paraît donc plus intéressant de faire l’étude de Louise Michel « et » la Commune de Paris. Il s’agit alors d’étudier les représentations sur l’engagement de Louise Michel au printemps 1871, pour comprendre comment Louise Michel devient – a posteriori – une figure majeure de la Commune. Un processus dans lequel son procès joue un rôle prépondérant (docs 4 et 5). Dès lors, elle incarne la Commune, pour ses partisans (doc. 3) comme pour ses détracteurs (doc. 2).

Réponses aux questions 1. Quelles sont les principales idées que défend Louise Michel ? Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Dans ce manifeste, Louise Michel brandit les aspirations des ouvrières de Paris : la ville doit se gouverner elle-même, inventer une société idéale, républicaine, sociale et libertaire. Louise Michel combat également pour l’émancipation des femmes. 2. Quelles sont les principales actions de Louise Michel, dans sa participation à la Commune de Paris ? L’engagement de Louise Michel dans la Commune de Paris est total : membre de l’Union des femmes pour la défense de Paris, elle intègre aussi les comités chargés de recruter des ambulancières et des combattantes pour les barricades aux derniers jours de la lutte (doc. 1). De plus, elle offre aux représentants de la Commune de se rendre à Versailles pour assassiner Adolphe Thiers, et elle participe à l’incendie de Paris pour opposer une barrière de flammes destinée à ralentir l’avancée des troupes versaillaise. Enfin, c’est une grande oratrice, qui « excite les passions de la foule » (doc. 4). 3. Montrez que la figure de Louise Michel suscite des ressentiments parfois violents. Justifiez votre réponse en employant des exemples précis. La figure de Louise Michel suscite des ressentiments parfois violents. En décembre 1871, le rapport d’accusation la qualifie de « louve avide de sang », et la présente comme la principale instigatrice des violences commises (doc. 4). Dix ans plus tard, elle est associée au mythe de la « pétroleuse » (doc. 2). 4. Comment le peintre Jules Girardet fait-il de Louise Michel une représentante du peuple ? Justifiez votre réponse en employant des exemples précis. Le peintre Jules Girardet présente une figure de Louise Michel rajeunie et idéalisée. Le peuple est associé à sa personne, en mobilisant quelques stéréotypes efficaces : des fédérés, des hommes et des femmes du peuple, dont une mère allaitant son enfant. Tous en haillons, ils écoutent Louise Michel avec respect et recueillement. 5. Synthétiser Pour Louise Michel, combattre pour la Commune de Paris c’est d’abord combattre pour des idéaux : inventer une société idéale, républicaine, sociale et libertaire. Des aspirations ouvrières, mais aussi féministes, qu’elle pro6

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meut grâce à son talent oratoire. Son engagement prend de multiples formes : elle participe au soulèvement de la Commune de Paris le 18 mars 1871 ; elle combat sur les barricades ; elle recrute des ambulancières et des combattantes en publiant des affiches ; elle participe à l’incendie de Paris que les communards organisent pour tenter de ralentir l’avancée des troupes versaillaises lors de la Semaine sanglante (21-28 mai 1871). Emprisonnée, elle continue la lutte par ses discours à l’intention des autres détenus. Condamnée à la déportation en NouvelleCalédonie, Louise Michel devient un symbole. Dans l’iconographie, son rôle dans la Commune de Paris est, tantôt sublimé, tantôt critiqué. Le peintre Jules Girardet exalte son talent oratoire au service du peuple, tandis que de nombreuses caricatures la réduisent au mythe de la « pétroleuse » qui a participé aux incendies de Paris pour ralentir l’avancée des troupes versaillaises. Itinéraire 2 Étudier un document Cet itinéraire a pour objectif d’effectuer une analyse critique de document. Ce compterendu de procès permet d’abord de relever les charges retenues contre Louise Michel par le rapport d’accusation, afin de comprendre le rôle qu’elle a joué pendant la Commune. Puis, contre toute attente, lors de son interrogatoire, elle revendique fièrement les faits et gestes dont on l’accuse, au lieu de minimiser ses actes pour obtenir la clémence du tribunal. Elle réclame la mort à grands cris, ce qui la rend célèbre. La comparaison avec les autres documents montre ensuite que la figure de Louise Michel est particulièrement clivante. Victor Hugo, admirant sa bravoure, lui dédie un poème intitulé Viro Major : « Plus grande qu’un homme » (doc. 5). Jules Girardet célèbre aussi dans sa toile la figure héroïque (doc. 3), au contraire de la caricature qui la réduit au mythe de la pétroleuse et qui critique son combat féministe (doc. 2).

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Le 14 juillet > MANUEL PAGES 176-177

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 Doc 1. La célébration du 14 juillet 1880 sur la place de la république (Paris) Le peintre : Alfred Roll (1846-1919) ne suit pas une formation académique. Ainsi, pour obtenir la reconnaissance au Salon, il se consacre au « grand genre » de la peinture, en réalisant de très grands formats dédiés à des sujets militaires ou historiques. Alfred Roll se montre aussi très sensible aux préoccupations sociales. Par exemple, il immortalise L’exécution d’un trompette sous la Commune en 1871, ou encore La grève des mineurs en 1880. Le commanditaire : En 1879, le gouvernement vient d’adopter la date du 14 juillet comme Fête nationale. Jules Ferry, alors ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, veut fixer le souvenir de cette journée patriotique dans trois œuvres décoratives : la première est confiée à Édouard Detaille (doc. 3), la deuxième à Becker, Roll reçoit la commande de la troisième. Le matin de la revue, il est à Longchamp, observant les mouvements de troupes, prenant des notes, quand Jules Ferry l’aperçoit. « M. Roll, lui dit-il, nous avons déjà ici MM. Édouard Detaille et Becker. Pourquoi n’iriezvous pas, vous, dans la rue. Donnez-nous La Fête du 14 juillet. » Roll rentre donc à Paris : tout un jour et toute une nuit, il se mêle à la foule, assiste aux réjouissances populaires, entend les acclamations qui saluent les soldats. Et, imprégné de toute cette joie nationale, il se met au travail. La réception de l’œuvre : L’œuvre, exposée au Salon de 1882, subit de violentes critiques. L’œuvre est jugée trop réaliste. Quand Alfred Roll se présente aux Beaux-Arts pour recevoir sa rémunération, on la lui refuse pour le motif suivant : l’artiste s’était engagé à représenter la Remise des Drapeaux sur l’hippodrome de Longchamp, et non La Fête du 14 juillet. Alfred Roll invoque alors l’ordre que lui a donné Jules Ferry : on lui en demande donc la preuve écrite. Le tableau, quant à lui, est roulé, enveloppé dans de vieux journaux, et stocké dans un dépôt de l’État. On l’en tire au bout de trois ans pour l’offrir à la Ville de Paris qui, ne sachant qu’en faire, l’attribue au Cabinet du Préfet. « Il nous suffira, dit simplement l’architecte, de rogner un mètre de chaque côté et autant dans 7

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le haut. » Farouchement opposé à cette solution, Alfred Roll obtient d’exposer l’œuvre au Palais de la Ville de Paris de la Place de la Concorde. L’œuvre est aujourd’hui visible au Petit Palais, le musée des beaux-Arts de la ville de Paris. Mise en perspective possible : Le journal Le Gaulois, daté du 15 juillet 1880, raconte les événements qui se sont déroulés la veille à Paris. Il décrit abondamment ce moment de ferveur populaire qui traverse la ville, notamment sur la place de la République : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k523512z. item

Réponses aux questions 1. Localisez la scène représentée en identifiant la statue en arrière-plan, puis relevez les trois couleurs qui dominent le tableau. La scène se déroule à Paris, sur la place de la République, où est inaugurée une maquette en plâtre d’un monument à la République en cours de réalisation (doc 2). Figure allégorique, Marianne constitue d’ailleurs le point de fuite de la perspective. Des drapeaux bleu-blancrouge, fixés sur des mâts, rythment le décor. Ce tableau célèbre donc les symboles de la République. 2. Montrez la diversité des personnages représentés (âge, catégorie sociale). Alfred Roll montre un panorama de liesse populaire où la foule nombreuse, formée de tous les âges de la vie et de toutes les catégories sociales, représente la communion d’une nation. Au premier plan au centre, un jeune garçon vend aux spectateurs des cocardes tricolores disposées sur un plateau suspendu à son cou. Il regarde le spectateur et invite ainsi ce dernier à pénétrer dans la scène. Au premier plan à droite, une foule de passants et de camelots acclame le défilé des troupes. À gauche, des couples dansent au son de l’orchestre installé sur une estrade. 3. Pourquoi le peintre Alfred Roll a-t-il choisi d’apparaître sur le tableau ? Le peintre Alfred Roll s’est représenté de dos, en redingote noire, en compagnie de son épouse. Non seulement il témoigne de sa participation à cet événement, mais surtout il affirme son engagement politique en s’inscrivant comme un peintre officiel de la République.

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4. Calculez l’aire du tableau et expliquez pourquoi Alfred Roll a choisi de peindre ce sujet sur une toile de cette dimension. Le tableau d’Alfred Roll est immense : 63 m2. À cette époque, la représentation d’une scène populaire appartient à un genre mineur de la peinture, associé à des toiles de petit format. Alfred Roll choisit pourtant une toile aux dimensions importantes, habituellement réservées au « grand genre » de la peinture qui se consacre aux scènes militaires ou historiques. Ce choix symbolise l’importance que revêtent les préoccupations sociales pour la République. 5. Montrez Qu’Alfred Roll décrit le 14 juillet 1880 très différemment de Jean-Baptiste Édouard Detaille. La peinture d’Alfred Roll révèle le goût de l’artiste pour la lumière et le mouvement. Son panorama de liesse populaire montre que les fêtes républicaines ne sont pas un spectacle comme un autre : leur objet c’est le spectateur lui-même. La vision d’Édouard Detaille (doc. 3) est très différente : il s’intéresse surtout à la cérémonie officielle qui célèbre le lien entre l’armée et la République. Le pouvoir militaire, sur la gauche du tableau, se soumet au pouvoir politique situé sur l’estrade. Detaille propose une composition beaucoup plus structurée. La colonne, au centre de l’œuvre, symbolise la solidité du pouvoir républicain.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Victor Hugo, une icône républicaine (1885) > MANUEL PAGES 178-179 Victor Hugo (1802-1885) est député sous la Deuxième République. En 1851, il est condamné à l’exil, car il dénonce le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Le 5 septembre 1870, au lendemain de la proclamation de la République, Victor Hugo revient en France. Son retour est triomphal. À la foule gigantesque qui l’attend, il s’exclame : « Citoyens, j’avais dit : le jour où la République rentrera, je rentrerai. Me voici. » Ce retour scelle alors définitivement l’union entre le grand écrivain et la République. À sa mort en 1885, la République célèbre des funérailles nationales, une cérémonie qui est l’objet de ce point de passage. Le corpus do8

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cumentaire de cette double page propose ainsi d’étudier : - L’importance de l’événement pour ses contemporains (docs 2, 3 et 5) ; - La célébration d’une synthèse républicaine, destinée à unir la nation autour de la République (doc 1) ; - L’instrumentalisation de cette cérémonie par les républicains qui réaffirment un de leurs fondements idéologiques – l’anticléricalisme – à travers la question symbolique de la laïcisation du Panthéon (doc 4).

Réponses aux questions 1. Relevez la phrase qui montre que la figure de Victor Hugo fait consensus chez les monarchistes comme chez les républicains. Quand Henry Maret (doc. 1) parle « des partisans des vieux trônes » qui « se joindront aux fils de la Révolution » pour célébrer les funérailles de Victor Hugo, il montre que la figure de ce dernier fait consensus chez les monarchistes comme chez les républicains. En effet, Victor Hugo a traversé le XIXe siècle en étant affilié à une grande diversité de courants politiques. Ses premiers poèmes sont légitimistes et il célèbre le sacre de Charles X à Reims (1825). Sous la monarchie de Juillet, il soutient activement le règne de Louis-Philippe et ne cache pas ses sentiments bonapartistes. C’est la révolution de 1848 qui marque son attachement au camp républicain. Un attachement renforcé par le coup d’Etat de celui qu’il appelle désormais Napoléon-le-Petit (1852). 2. Décrivez le déroulement des funérailles de Victor Hugo. Le 1er juin 1885, le cercueil de Victor Hugo est d’abord exposé sous l’arc de triomphe (doc. 3), avant d’être transporté jusqu’à sa dernière demeure : le Panthéon (doc. 5). Plus d’un million de personnes assistent à ces funérailles. Pour voir passer le cortège, les places sont chères. Ainsi, des Parisiens habitant le boulevard Saint-Germain louent l’accès à leur appartement, au premier étage, pour assister au passage de ce cortège funéraire (doc. 2). 3. Pourquoi l’inhumation de Victor Hugo au Panthéon peut-elle constituer un « obstacle » ? Selon Le Radical, un journal républicain, l’inhumation de Victor Hugo peut constituer un « obstacle », car l’Assemblée nationale Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

décide de lui décerner des funérailles nationales, « purement civiles » (doc 4a). Toutefois, comme le Panthéon est une église, cela suppose de porter un projet de loi pour désaffecter le monument et le rendre au culte des grands hommes. 4. Par qui et pourquoi la laïcisation du Panthéon est-elle critiquée ? Cette laïcisation du Panthéon est critiquée par Le Monde, un journal conservateur et clérical (doc 4b), qui considère cet acte comme « une insulte à la France chrétienne », un « sacrilège ». Le doc 4b est issu du journal Le Monde, fondé en 1860 et disparu en 1896. Conservateur et clérical (il publie des actes pontificaux en latin), il est contre-révolutionnaire. Il est donc nécessaire de le distinguer du quotidien actuel Le Monde, créé en 1944, dont la ligne éditoriale est radicalement différente. Synthétiser Pour la synthèse, la réflexion peut s’organiser selon le plan proposé ci-dessous dans l’itinéraire 2. Itinéraire 2 Construire une argumentation historique

Docs utilisés Arguments retenus

Exemples précis issus des docs

Les funérailles de Victor Hugo unissent les Français derrière la République Doc 1 Doc 2, 3 et 5 Victor Hugo fait consensus chez les monarchistes comme chez les républicains. Plus d’un million de Français accompagnent le cortège funéraire vers sa dernière demeure.

« Les passions s’apaiseront, et les partisans des vieux trônes se joindront aux fils de la Révolution pour accompagner, tristes et recueillis, les restes du chantre

L’entrée de Victor Hugo au Panthéon fait débat

Doc 4a Doc 4b Les républicains réaffirment un de leurs fondements idéologiques (l’anticléricalisme) à travers la question symbolique de la laïcisation du Panthéon. La laïcisation du Panthéon est critiquée par les conservateurs et les cléricaux. L’inhumation de Victor Hugo peut constituer un « obstacle », car l’Assemblée nationale décide de lui décerner des funérailles nationales, « purement civiles ». Toutefois, comme le

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Chapitre 6 – La mise en œuvre du projet républicain (1870-1914) sublime de toutes les gloires et de tous les malheurs. » (doc 1) Le 1er juin 1885, le cercueil de Victor Hugo est d’abord exposé sous l’arc de triomphe, avant d’être transporté jusqu’au Panthéon. Pour voir passer le cortège, les places sont chères. Ainsi, des Parisiens habitant le boulevard Saint-Germain louent l’accès à leur appartement, au premier étage, pour assister au passage de ce cortège funéraire (docs 2, 3 et 5).

Panthéon est une église, cela suppose de porter un projet de loi pour désaffecter le monument et le rendre au culte des grands hommes (doc 4a). Cet acte est « une insulte à la France chrétienne », un « sacrilège » (doc 4b).

DOCUMENTS La liberté de la presse (1881) / La liberté syndicale (1884) > MANUEL PAGES 180-181

Réponses aux questions Équipe 1 La loi du 29 juillet 1881, qui garantit la liberté de la presse, ouvre un âge d’or de la presse. En effet, on observe l’augmentation du nombre de titres de journaux quotidiens en France entre 1880 (250 titres) et 1914 (299 titres). Les citoyens ont donc accès à une véritable pluralité de l’information, qui leur permet de se positionner idéologiquement et de se forger une conscience citoyenne, indispensable pour l’exercice de la démocratie, socle de l’idéal républicain. On remarque surtout une très forte croissance du tirage des journaux quotidiens : de 2,75 millions d’exemplaires en 1880 à 9,5 millions en 1914. Ainsi, en 1914, près d’un quart de la population française achète un journal quotidien. C’est surtout en province que cette croissance est la plus forte. Cela s’explique notamment par la mise en œuvre des lois scolaires (18811882) : l’instruction primaire gratuite et obligatoire permet la progression de

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l’alphabétisation, en particulier dans les espaces ruraux. On assiste alors au développement d’une presse d’opinion, qui prend des positions marquées dans les débats politiques, comme au moment de l’Affaire Dreyfus où les journaux dreyfusards et antidreyfusards constituent une caisse de résonnance. Par exemple, c’est la publication de la lettre ouverte d’Émile Zola au président de la République (« J’accuse ») qui relance l’Affaire en 1898. Les citoyens ont donc accès à une véritable pluralité de l’information, qui leur permet de se positionner idéologiquement et de se forger une conscience citoyenne, indispensable à l’exercice de la démocratie, socle de l’idéal républicain. Équipe 2 La reconnaissance de la liberté syndicale est conçue comme un moyen d’intégration des ouvriers à la république. Ainsi, dans son discours à la Chambre des députés (doc. 1), Jules Ferry affirme que cette loi est un « gage d’apaisement social ». Elle a d’abord comme objectif de « réduire le nombre des grèves, de rendre les solutions amiables plus faciles, de favoriser les arbitrages ». La représentation syndicale permet alors aux ouvriers d’exprimer leurs revendications à travers un dialogue social, qui représente une alternative au recours systématique à la grève, afin que la République ne soit pas mise en péril par une révolution sociale. De plus, Jules Ferry affirme que « les syndicats professionnels […] sont un puissant moyen d’éducation pour les ouvriers ». Il pense en effet qu’au sein des syndicats, les ouvriers peuvent faire l’expérience d’une démocratie représentative. Une démocratisation de l’expérience politique qui permet de fabriquer l’unité de la nation républicaine. Cette démocratisation de l’expérience politique s’effectue par exemple au sein de la bourse du travail de Paris, créée en 1887 : les syndicats disposent désormais d’un lieu pour se réunir et où les travailleurs peuvent trouver des informations professionnelles. Sur la photographie (doc. 2), la banderole témoigne que la bourse du travail est un lieu où se construit la coordination syndicale, autour de la revendication d’un allègement du temps de travail : « à partir du 1er mai 1906, nous ne travaillerons que 8 heures par jour ».

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En commun Les Républicains, qui ont été durant presque tout le XIXe siècle les victimes de l’arbitraire de l’État impérial, monarchique ou autoritaire, veulent confier au citoyen le pouvoir de se défendre contre l’État, d’exister comme individu libre. La loi sur la liberté de la presse (1881) constitue alors une étape fondamentale. Elle permet l’affirmation d’un « Quatrième pouvoir », c’est à dire un contre-pouvoir qui a pour mission de dénoncer les abus des trois autres pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). La pluralité de l’information, la diffusion massive de la presse et l’affirmation de la presse d’opinion, établissent progressivement le socle d’une culture républicaine. Et pour que la République ne soit pas mise en péril par une révolution sociale, la loi Waldeck-Rousseau autorise la formation de syndicats par branches professionnelles (1884). La création des syndicats répond aux préoccupation de la classe ouvrière et permet son intégration au projet républicain en démocratisant l’expérience politique.

s’avisa de vouloir jeter le trouble et le désarroi dans les sections de vote. Réunies au square Delaborde, ces dames étaient une centaine environ. Elles se mirent en route, après s’être donné pour mission d’aller culbuter les urnes. [..] Dans une section du quatrième arrondissement, ces dames [..] se lancèrent à l’assaut de l’urne ; l’un d’elle s’en empara et la précipita sur le sol. Cette injure au suffrage universel avait médusé les assistants. Quand ils reprirent leurs esprits, ils crièrent à la garde. On s’empara des deux suffragettes les plus intrépides et on les mena au commissariat, où on les garda jusqu’à la fermeture du scrutin. L’une de ces dames se déclara enchantée de son équipée : « J’ai tenu, s’écria-t-elle, cette urne de mensonge qui est un outrage à l’égalité des sexes, et je l’ai jetée par terre, et je l’ai foulée aux pieds… » Voilà vraiment de quoi se glorifier… Et c’est une étrange façon de s’y prendre pour faire accepter par les gens de bon sens les revendications du féminisme politique…

Réponses aux questions

PASSÉ / PRÉSENT Le combat pour la représentation des femmes en politique > MANUEL PAGES 182-183  Doc 2. Les manifestations de suffragettes Le Petit Journal est l’un des plus grands quotidiens français, dont une partie du succès repose sur l’introduction de la couleur. C’est un journal républicain et conservateur, qui présente l’action féministe de manière péjorative. Le document 2 représente ainsi des femmes au regard menaçant, qui effectuent un acte de vandalisme à l’encontre d’un moment démocratique : les élections municipales. De plus, Le Petit Journal accompagne cette iconographie d’une légende qui dénonce avec véhémence les manifestations des suffragettes. Ce texte, qu’il peut être intéressant de lire – ou faire lire – aux élèves, est disponible sur la bibliothèque numérique de la BNF : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k716800s/ f2.image En voici un extrait : Le jour du vote, un groupe composé des plus intrépides meneuses de l’action féministe Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

1. Quelles sont les revendications des femmes sous la Troisième république ? Sous la Troisième République, les femmes revendiquent l’accession à l’égalité civique par le droit de vote et d’éligibilité. 2. Comment Hubertine Auclert justifie-t-elle son combat ? Pour justifier son combat, Hubertine Auclert fait référence à « l’idée républicaine [qui] exclut l’aristocratie de sexe ». Elle dénonce le fait qu’il y a « neuf millions de femmes majeures qui forment comme une nation d’esclaves dans la nation d’hommes libres. » Et elle fait référence à 1848, où la Deuxième République instaure le suffrage universel masculin. 3. Pourquoi pensez-vous que les suffragettes brisent une urne électorale ? En 1908, Hubertine Auclert participe à un bris d’urne lors d’élections municipales, pour protester contre l’interdiction du vote des femmes. 4. Montrez que le combat pour la représentation des femmes en politique a changé de nature. Le droit de vote est accordé aux femmes le 21 avril 1944. Le combat pour la représentation

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Chapitre 6 – La mise en œuvre du projet républicain (1870-1914)

des femmes en politique a donc changé de nature. Les femmes sont désormais en quête de la parité dans l’exercice du pouvoir. Par exemple, la loi du 6 juin 2000 oblige de présenter un nombre égal de femmes et d’hommes lors des scrutins de liste. 5. Expliquez pourquoi ce combat est encore aujourd’hui inachevé. Ce combat est aujourd’hui encore largement inachevé, car seuls les conseils départementaux observent aujourd’hui la parité (50 % de femmes élues). Par exemple, seules 16 % de femmes sont élues maires en 2014.

DOCUMENTS L’affaire Dreyfus (1894-1906) > MANUEL PAGES 184-185

Réponses aux questions 1. Identifiez les adversaires d’Alfred Dreyfus. Le document 4 permet d’identifier les principaux adversaires d’Alfred Dreyfus : l’armée (« les généraux complices des faussaires »), l’Église (« les jésuites » ; « les hommes noirs »), et de manière générale « les adversaires de la démocratie républicaine ». 2. Quels sont les arguments utilisés contre Dreyfus ? Les documents 2 et 5 montrent la récurrence des arguments antisémites utilisés contre Alfred Dreyfus. Maurice Barrès affirme ainsi : « Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race. » Un antisémitisme qui s’exprime de manière véhémente, comme en témoigne la caricature : l’épée plantée dans la queue du serpent suggère que pour combattre Dreyfus, il ne faut pas hésiter à employer la violence. 3. Quelles sont les accusations formulées par Zola ? Contre qui sont-elles portées ? Au début de l’année 1898, l’affaire Dreyfus semble être définitivement étouffée. Alfred Dreyfus est toujours au bagne, en Guyane. Pourtant, le véritable coupable est démasqué en 1896, mais ce dernier est acquitté par un conseil de guerre qui ne veut pas reconnaître l’erreur de l’armée. Le scandale explose lors de la publication d’un article d’Émile Zola dans le Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

journal de Georges Clemenceau, L’Aurore (13 janvier 1898). C’est d’ailleurs Clemenceau qui donne le titre à cet article : « J’Accuse ». Zola s’attaque à l’armée, à l’État, au gouvernement et à l’Église catholique, qui refusent de reconnaître l’erreur judiciaire. Il les accuse aussi d’entretenir une campagne de désinformation, « pour égarer l’opinion et couvrir leur faute ». Accusé de diffamation, Zola est condamné à la prison, mais l’Affaire est relancée. 4. Quelles valeurs sont défendues par les dreyfusards ? « Ce n’est pas pour Dreyfus lui-même que nous vous invitons à lutter. C’est contre le verdict inique qui consacre le triomphe de nos mortels ennemis, les hommes noirs qui s’apprêtent à nous ravir toutes nos libertés si chèrement conquises. » Cet extrait de tract de la Ligue de défense républicaine (doc. 4) montre que s’opposent deux conceptions différentes de la nation française. Pour les dreyfusards, la nation c’est celle de la démocratie, des droits de l’homme et de la République. Pour les antidreyfusards, la nation est incarnée par l’armée, l’aristocratie et l’Église qui, au nom du nationalisme et de l’antisémitisme peuvent invoquer la raison d’État. Une raison d’État à laquelle s’attaque Zola dans sa lettre ouverte au président de la République (doc. 1). 5. Pourquoi la presse joue-t-elle un rôle important dans l’affaire Dreyfus ? L’Affaire Dreyfus représente un moment déterminant dans l’histoire des rapports entre médias et opinion publique à la fin du XIXe siècle. Elle montre combien la presse écrite est alors devenue en France le média privilégié entre le citoyen, les grandes forces politiques et l’État. Ainsi, c’est la lettre ouverte d’Émile Zola au président de la République en 1898 qui relance l’affaire (doc. 1). La presse antidreyfusarde, alors largement majoritaire dans le paysage médiatique, réagit de manière très vive, notamment à travers des caricatures antisémites (doc. 5). La lithographie de Victor Lenepveu appartient à suite de 52 caricatures lithographiées en couleurs, qui forment un bestiaire représentant les grandes figures dreyfusardes. Ces dernières constituent le « Musée des horreurs ». Dans le document 5, Dreyfus est la tête principale d’un serpent, un animal qui dans la tradition chrétienne représente le péché : sa culpabilité ne fait donc aucun doute. Face aux dangers multiples que représente cette créature, il ne faut pas hésiter à employer 12

Chapitre 6 – La mise en œuvre du projet républicain (1870-1914)

la violence, comme le suggère l’épée plantée dans sa queue. La violence de cet antisémitisme témoigne des divisions de la société société française, comme le montre la caricature de Caran d’Ache, Un dîner en famille (doc. 3). La presse contribue ainsi à une bipolarisation de l’opinion publique. 6. Synthétiser Proposition de plan pour la synthèse : I-Une crise majeure de la Troisième République : 1-La découverte d’une entreprise de trahison en faveur de l’Allemagne entraîne la condamnation de Dreyfus 2-L’engagement des défenseurs de Dreyfus fait l’objet d’une riposte antidreyfusarde II-Le combat pour l’innocence de Dreyfus est aussi celui de la République et de ses valeurs 1-Pour les dreyfusards, la nation c’est celle de la démocratie, des droits de l’homme et de la République 2-Pour les antidreyfusards, la nation est incarnée par l’armée, l’aristocratie et l’Église qui, au nom du nationalisme et de l’antisémitisme peuvent invoquer la raison d’État.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE La loi de séparation des Églises et de l’État > MANUEL PAGES 186-187  Doc 4 b. La réponse de 23 catholiques libéraux Les signataires de cette lettre sont surnommés les « cardinaux verts », car six d’entre eux sont membres de l’académie française. Mais on compte aussi des membres de l’Institut de France ou des parlementaires. La lettre est rendue publique à leur insu, le 26 mars 1906 dans Le Figaro. Si elle est reçue favorablement par la majorité des évêques français, elle déplaît à Rome, qui refusera la création des associations cultuelles.

Réponses aux questions 1. Quelles sont les divisions internes des républicains en préparant cette loi ? À l’image de Maurice Allard, certains républicains considèrent « que l’Église, danger poliHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

tique et social, doit être combattue de toutes les façons. » Ils considèrent que le projet de loi porté par Aristide Briand est trop libéral. Au contraire, le républicain Aristide Briand envisage la loi de séparation des Églises et de l’État dans une perspective de conciliation : une conciliation des intérêts de l’État et de la liberté de conscience. 2. Quelles sont les divisions internes des catholiques après le vote de cette loi ? Une fois votée, la loi de 1905 est fermement condamnée par le pape Pie X, qui la trouve « injurieuse vis-à-vis de Dieu » (doc 4a). Toutefois, dans une lettre aux évêques de France, vingt-trois catholiques libéraux envisagent plus favorablement cette loi, qui ne contraint ni leur croyance ni leur pratique religieuse (doc 4b). 3. Les idées d’Aristide Briand se retrouventelles dans cette loi ? Justifiez votre réponse. Les idées d’Aristide Briand se retrouvent dans la loi de 1905, car « la République assure la liberté de conscience » et « garantit le libre exercice des cultes » (Art. I). 4. Décrivez et analyser cette caricature (doc. 3). Sur la droite de la caricature, on distingue un homme d’Église, dont les mains sont croisées. Sur la gauche, lui tournant en partie le dos, une représentation de la République est reconnaissable grâce à plusieurs symboles : les couleurs (tricolores), le bonnet phrygien et la cocarde. Au centre, Aristide Briand tente de les réconcilier, malgré les hésitations de la République qui met un doigt à ses lèvres. Cette carte postale témoigne donc de la volonté de conciliation d’Aristide Briand, lorsqu’il a élaboré la loi de 1905. 5. Montrez comment les catholiques manifestent leur opposition à la loi de 1905. La loi de 1905 prévoit la création d’associations pour gérer les biens de l’Église. Mais pour qu’elles se constituent, il faut faire un inventaire des biens. Pour marquer leur opposition à cette loi, le clergé et les fidèles refusent parfois ces inventaires, ce qui entraîne l’intervention des forces de l’ordre. Ainsi, la photographie montre qu’à Yssingeaux (HauteLoire), les fidèles ont barricadé l’entrée de l’église pour en empêcher l’inventaire des biens. Afin d’y pénétrer, les gendarmes sont contraints d’enfoncer la porte, sous le regard des fidèles venus nombreux.

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CHAPITRE

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Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914 › MANUEL PAGES 194 À 221

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Ce chapitre s’inscrit dans la continuité de l’étude de la France sous la Troisième République. Après avoir étudié les moyens mis en œuvre pour consolider le régime républicain, les élèves sont amenés à comprendre comment la société française est transformée par le processus d’industrialisation. Les choix des études de documents ont été réalisés avec pour objectif de faire le point sur l’évolution de la population active (progression de la population ouvrière, diminution du nombre des actifs agricoles, croissance du travail féminin et appel à la main-d’œuvre étrangère) mais aussi de décrire les évolutions du monde du travail (transformation et modernisation des campagnes, développement de la grande usine et naissance du paternalisme, développement du travail des femmes à l’usine). Une place importante est aussi accordée à l’organisation du mouvement ouvrier, qui, grâce à l’appui des syndicats et des partis socialistes naissants, revendique une amélioration de ses conditions. Il est question ici de montrer que la République qui s’affirme et qui cherche à unifier sa population autour de valeurs communes (thématique traitée dans le chapitre qui précède) peine à reconnaître cette part importante de la population active qui contribue par son travail à l’enrichissement du pays. C’est donc l’occasion de montrer les tensions entre le monde ouvrier, sur lequel repose le développement d’une puissance industrielle, et le régime républicain, qui peine à le reconnaître et à l’intégrer. L’étude du point de passage « la fusillade de Fourmies » est particulièrement éclairante de ce point de vue.

célébré ici par les Expositions universelles de 1889 et 1900 (point de passage) et l’organisation et le développement du mouvement ouvrier. Sur la page de gauche, le tableau de G. Roux représente la tour Eiffel au moment de l’Exposition universelle de 1889. Cette œuvre met en scène les progrès de l’industrialisation alors en plein développement. La tour Eiffel, construite pour l’occasion, célèbre l’art des ingénieurs et l’âge du fer. La peinture met en valeur le caractère féerique de l’Exposition universelle. Le point de vue adopté par le peintre, sous la tour Eiffel, accentue la dimension grandiose du nouveau monument. La foule massée pour l’évènement semble bien petite face aux dimensions géantes de la plus haute tour du monde. En réponse, sur la page de droite, une illustration d’un cortège d’ouvriers manifestant leur colère dans les rues du coron de Courrières en 1906, après une catastrophe minière. Cela permet de montrer dès l’introduction du chapitre que, malgré les progrès remarquables de l’industrie, célébrés par l’organisation d’Expositions universelles aux dimensions impressionnantes, les ouvriers, dont le travail est indispensable à l’enrichissement de la France, travaillent dans des conditions difficiles et souvent dangereuses, et peinent à être reconnus par le régime républicain. La république célébrée est en tension avec le monde ouvrier. Bibliographie indicative • Arnaud-Dominique Houte, La France sous la IIIe, La République à l'épreuve 1870-1914, Documentation photographique, 2014. • Arnaud-Dominique Houte, Le triomphe de la République (1871-1914), Seuil, 2014.

REPÈRES

OUVERTURE › MANUEL PAGES 194-195 Les deux documents mis en regard l’un de l’autre permettent d’introduire deux thématiques transversales du chapitre : le processus d’industrialisation Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

› MANUEL PAGES 196-197

Réponses aux questions

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Chapitre 7 – Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914

1. Comment évolue la population active en France ? La population rurale ? La population urbaine ? Entre 1851 et 1911 nous pouvons observer à la fois une progression de la population active (de 16,5 à 20 millions) et une légère augmentation de la part des femmes dans l’ensemble (de 30 à 35 %). Les secteurs d’activité connaissent aussi une évolution : la part du secteur primaire diminue considérablement alors que les secteurs tertiaire et secondaire connaissent une vraie progression. Le graphique du document 4 fait apparaître une diminution continue de la population rurale par rapport à la population totale, de 68,9 % en 1872 à 55,9 % en 1911. La part des urbains augmente régulièrement tout au long de la période. 2. Dans quelles régions se concentre la population immigrée en France ? Pourquoi selon vous ? D’après la carte proposée dans le document 2, la population immigrée se concentre très nettement dans les régions frontalières de l’est de la France. Cela s’explique par l’origine des immigrés qui viennent de l’autre côté des frontières et qui s’installent une fois arrivés, mais aussi par l’importance des besoins en main-d’œuvre dans ces régions parmi les plus industrialisées. 3. Comment évolue le nombre de grévistes au cours de la période ? Que peut-on en déduire sur les conflits du travail à cette époque ? Le nombre de grévistes augmente fortement et de façon continue entre 1885 et 1910 (le nombre de grévistes rapporté à la population ouvrière uniquement est multiplié par plus de 10 entre les deux dates). Cette forte progression de la conflictualité dans le monde du travail s’explique pour une large part par l’apparition des syndicats et l’organisation du monde ouvrier qui favorise le développement des revendications en faveur d’une amélioration des conditions de travail.

COURS 1 Industrialisation et transformation de la population active (1870-1914) › MANUEL PAGES 198-199

Réponses au Testez-vous ! Expliquez pourquoi l’entreprise Schneider est un bon exemple de concentration industrielle ?

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L’entreprise Schneider est un bon exemple de concentration industrielle parce que le nombre d’ouvriers y est très important et y progresse très vite : en quarante ans la main-d’œuvre ouvrière est multipliée par quatre. Pourquoi peut-on dire que la transformation des campagnes est lente ? La transformation des campagnes est lente car l’activité agricole reste dominante et repose encore à la fin du XIXe siècle sur de petites exploitations fondées sur la polyculture qui n’ont pas les moyens d’investir dans la modernisation de leurs outils. Pourquoi les entreprises françaises font-elles appel à la main-d’œuvre immigrée ? La France connaît plus tôt que ses voisins européens une chute de sa natalité qui a des conséquences sur la croissance de la population. Celleci étant ralentie, la main-d’œuvre disponible en France est insuffisante pour faire face au développement des usines et les patrons font appel à des ouvriers d’origine immigrée pour y travailler.

COURS 2 Des populations marginalisées en république › MANUEL PAGES 200-201

Réponses au Testez-vous ! Pourquoi les ouvriers utilisent-ils la grève comme moyen d’expression ? Les syndicats étant autorisés depuis 1884, la grève, c’est-à-dire la cessation du travail (progressivement légalisée depuis 1864) devient le moyen d’expression le plus efficace des ouvriers pour revendiquer une amélioration de leurs conditions de travail. Par un ralentissement de la production, elle exerce une pression sur les patrons. Pourquoi peut-on dire que les femmes sont oubliées par la République ? Dans le monde du travail, les femmes sont deux fois moins payées que les hommes. Elles ne disposent par ailleurs pas de droits sociaux. Il faut attendre le début du XXe siècle pour que, dans le monde du travail, des lois en leur faveur soient votées. Toutefois, de manière générale rien n’est pensé pour leur émancipation sociale, même l’école dans lesquelles une instruction spéciale leur est réservée. Peu accèdent au bac et donc aux études supérieures. 2

Chapitre 7 – Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914

Comment expliquer la xénophobie de certains ouvriers français ? Les ouvriers français voient dans la population ouvrière d’origine immigrée une concurrence. Ces derniers étant moins payés, on leur reproche d’être responsables du chômage et donc de la misère des ouvriers français.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Les Expositions universelles de 1889 et 1900, vitrines de la modernisation > MANUEL PAGES 202-203 1. Présentez les documents en les classant selon les dates des Expositions universelles. Les trois premiers documents portent sur l’Exposition universelle de 1889. Les documents 1 et 2 sont de nature iconographique. Le premier est une peinture réalisée par George Garen à l’occasion de l’Exposition universelle. L’embrasement de la tour Eiffel souligne la féerie créée par les éclairages de nuit et met en scène sa taille, impressionnante en regard des autres monuments, foudroyés par ses faisceaux lumineux. Le second est une photo réalisée dans la nef du palais des machines. Ces deux documents soulignent à la fois le gigantisme de l’évènement et le foisonnement des inventions exposées. Le document 3 est un extrait du discours prononcé par le président de la République Sadi Carnot à l’occasion de l’ouverture de l’Exposition universelle, le 6 mai 1889, et retranscrit dans le Petit journal, quotidien très populaire, 2 jours plus tard. Il permet d’analyser les enjeux pour le régime en place d’organiser un tel évènement dans la capitale. Les documents 4 et 5 sont deux textes qui célèbrent l’Exposition universelle de 1900. Le premier, extrait des mémoires de Jeanne Bouvier, militante syndicaliste et féministe, permet de mesurer l’effet produit par l’Exposition universelle sur les visiteurs et son caractère international. Le second présente plus précisément le pavillon du Creusot, dans lequel la famille Schneider expose ses différentes productions dans un contexte de concurrence européenne évoquée dans le document 4 (« elles tenaient à comparer les progrès de leurs industries avec ceux des autres nations »). 2. Quelles sont les impressions laissées sur les visiteurs ? Confrontez les documents pour illustrer votre réponse. Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Les documents 1, 2 et 4 permettent de mesurer les fortes impressions laissées par ces deux Expositions universelles sur les visiteurs. Le document 1 souligne par ses couleurs et le caractère nocturne de l’œuvre, la féerie décrite dans le document 4 par Jeanne Bouvier dans les lignes 7 à 10. Le document 2 illustre l’incroyable développement des nouvelles machines industrielles évoquées elles aussi dans le document 4 « toutes ces constructions constituaient un ensemble riche et pittoresque et représentaient un travail formidable ». L’immensité du palais et le coût de sa construction permettent de mesurer l’importance que revêt l’évènement. L’enthousiasme de Jeanne Bouvier à décrire l’Exposition qui célèbre le progrès (« l’exposition de 1900 fut une merveille », « une véritable féérie ») reflète l’état d’esprit dans lequel se trouve toute personne qui y assiste. 3. Quels aspects de la puissance de la France la république veut-elle faire découvrir au cours de ces expositions ? La République cherche à mettre en valeur à travers ces expositions ses capacités d’innovation et de production industrielle. Le gigantisme du palais des machines (document 2) ou le pavillon du Creusot (document 5) permettent d’exposer les différentes nouveautés en matière de technologie industrielle. 4. Quel est l’intérêt pour l’entreprise Schneider d’être présente à l’Exposition universelle ? Dans un contexte de très forte concurrence européenne, l’entreprise Schneider trouve ici l’occasion de démontrer la puissance et la variété de ses productions industrielles. 5. Expliquez la phrase en italiques dans le document 4 et croisez-la avec le document 5. Les nations invitées ont tout intérêt à participer à l’Exposition universelle pour révéler aux yeux du monde leur puissance industrielle. Chaque État présent rivalise d’inventivité pour mettre en scène ses propres capacités de production. C’est la raison pour laquelle les Schneider font construire spécialement pour l’occasion un imposant bâtiment, surmonté d’un gigantesque dôme de verre et d’acier, sur les rives de la Seine. 6. Justifiez à l’aide des documents l’affirmation suivante : « La France utilise les Expositions universelles pour glorifier son industrie ». La France connaît un processus d’industrialisation au XIXe siècle, célébré par l’organisation à Paris des Expositions universelles de 1889 et de 1900. Le spectacle offert aux visiteurs venus du monde 3

Chapitre 7 – Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914

entier impressionne par sa démesure et son inventivité. Il s’agit de montrer la grandeur de la France et de sa capitale, et de mettre en avant tous les progrès de l’industrie. Le Palais des machines construit sur le champ-de-Mars est une gigantesque nef dans laquelle sont présentées toutes sortes de nouvelles machines. Le pavillon construit pour l’occasion par les Schneider, met en scène les nouvelles productions industrielles des usines du Creusot : canons et autres « engins de guerre », locomotives et autres productions métallurgiques telles que des « plaques de blindage en acier et au nickel ». Les différentes mises en scène de nuit en plusieurs lieux de la capitale ont pour effet d’émerveiller les visiteurs. Jeanne Bouvier se souvient dans ses Mémoires avec enthousiasme de ses impressions face à cette féerie des éclairages nocturnes offerte sur le Champ-de-Mars (lignes 8-9). La peinture de George Garen en fait aussi état par ses couleurs éclatantes et ses faisceaux lumineux qui traversent la nuit et qui lient les différents monuments. La mise en scène a chaque fois pour but, dans un contexte de forte concurrence européenne, de valoriser les capacités de production et d’inventivité des entreprises françaises. Il s’agit d’éblouir les visiteurs étrangers. Itinéraire 2 Préparer un exposé. L’exposé doit en grande partie reposer sur l’exploitation des documents mais il peut être utile de compléter les informations de la double page. Pour cela, les élèves peuvent s’appuyer sur le catalogue de l’exposition : Sur les traces des expositions universelles, Sylvain Ageorges, éd. Parigramme, paru en 2006 et sur le site des expositions : http://www.expositions-universelles.fr/ qui présente par année les différents lieux de l’exposition. L’exposé peut adopter un plan chronologique en distinguant l’organisation des deux Expositions universelles (1889 et 1900) mais il semble plus pertinent de traiter les deux à la fois en montrant qu’elles ont le même but : célébrer les progrès de l’industrie et mettre en avant la grandeur de la France. - Une première partie pourrait porter sur un descriptif assez classique et une comparaison des deux Expositions universelles (date, contexte, espaces concernés, nombre de visiteurs, exposants, bâtiments ou monuments construits pour l’occasion). Cela permet de souligner que celle de 1900 est encore plus impressionnante par ses dimensions que celle de 1889.

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- Une seconde partie pourrait traiter des impressions fortes ressenties par les visiteurs à travers l’analyse des documents. - Une dernière pourrait porter davantage sur les buts recherchés : - d’un côté par le gouvernement républicain français qui organise les expositions ; - de l’autre par les exposants et les différentes nations présentes. Il faut veiller à ce que les élèves s’appuient sur l’ensemble des documents, c’est-à-dire qu’ils les exploitent et les décrivent avec précision. Ils doivent être répartis dans les 3 parties afin que l’exposé soit articulé et équilibré.

DOCUMENTS L’accélération de l’exode rural / La modernisation des campagnes > MANUEL PAGES 204-205

L’accélération de l’exode rural  Conseils La population rurale diminue lentement et de façon régulière entre 1881 et 1911 tant en valeur absolue qu’en pourcentage de la population totale. Il faut souligner que dans le document 1 ce sont essentiellement des jeunes qui partent, à la recherche d’une situation sociale plus aisée. C’est la scolarisation, devenue obligatoire, qui rend possible la perspective du départ comme la recherche d’une autre situation sociale. Dans le document 1 les meilleurs élèves ont la possibilité de devenir instituteurs en passant par l’École normale toute proche géographiquement. Ces jeunes ont en commun d’être originaires de milieux plutôt modestes ou de familles nombreuses mais viennent d’horizons professionnels différents (fils de gendarme, fils de cultivateur). Il faut évoquer le développement des voies de chemin de fer, qui, à la même époque, favorise les déplacements et donc le départ vers un ailleurs (document 2).

La modernisation des campagnes  Conseils Les documents proposés ici permettent de souligner les deux aspects principaux de la transformation des campagnes : l’introduction des engrais chimiques, liée au développement de l’industrie chimique, et la mécanisation du travail agricole grâce au développement de machines issues de la 4

Chapitre 7 – Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914

nouvelle industrie mécanique. On peut évoquer à travers les documents les différentes étapes de la production agricole et en quoi la modernisation favorise chacune de ces étapes. Le document 2 permet de présenter les avancées qu’offre l’introduction des machines en termes de préparation du sol (labours) et de récolte (moisson) alors que le document 1 insiste sur l’amélioration de la fertilité des terres et donc sur la croissance et la multiplication de la plante.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Le Creusot et les Schneider > MANUEL PAGES 206-207

Réponses aux questions 1. À partir de ces documents, définissez les activités industrielles des usines du Creusot. Les activités des usines Schneider au Creusot relèvent de la sidérurgie, c’est-à-dire de la production de fer et de fonte. Le document 1 explique le procédé de transformation du minerai, extrait des mines, en fer et en fonte utilisables par l’industrie sidérurgique. Le document 3 fait apparaître : - les hauts-fourneaux où le minerai est fondu (comme cela est décrit dans le document 1) ; - la forge où le métal est travaillé pour obtenir du fer, de l’acier ou de la fonte ; - des ateliers de construction mécanique où on produit des armes (comme les canons) ou encore des voies de chemin de fer, en pleine expansion à cette époque d’industrialisation rapide. 2. Qu’est-ce qui prouve que l’industrie est omniprésente dans la ville du Creusot ? Les deux documents montrent une présence très forte de l’industrie dans le paysage de la ville. La description du paysage, telle qu’elle est réalisée dans le document 1, permet de saisir l’omniprésence de l’industrie dans la ville, visible par ses nombreuses hautes tours (les hauts fourneaux) qui brillent dans la nuit. La lithographie montre clairement l’imbrication des différents lieux de l’usine dans la ville, ce qui donne l’impression que la ville et l’usine ne font qu’une. 3. Montrez le rôle joué par la famille Schneider au sein de la ville. La famille Schneider s’est investie au-delà de l’usine en prenant une part très importante à la vie politique de la ville du Creusot. En effet, les maîtres des forges successifs ont fourni un grand Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

nombre de maires. Ils ont aussi participé au développement d’une politique paternaliste qui prend plusieurs formes et qui a pour but d’attacher les ouvriers à l’usine : œuvres de bienfaisance, école, hôpitaux, maison pour les vieillards sont évoqués dans le document 1, auxquels il faut ajouter la caisse de retraite évoquée par le journalise du document 5. On pourrait y ajouter la politique du logement, visible dans le document 3 avec les cités ouvrières. Les Schneider veulent aussi être visibles et, outre la présence dans le paysage de la ville du château de la Verrerie, un grand nombre des dirigeants de l’entreprise se sont faits représentés dans la ville, soit sur les vitraux des principales églises (document 4) soit par l’érection de statues en différents lieux. Le document 5 montre que cette politique paternaliste a toutefois fait l’objet de remise en cause chez les ouvriers. 4. Expliquez le point de vue critique de l’ouvrier sur la politique paternaliste des Schneider. L’ouvrier interrogé évoque de façon critique la politique paternaliste mise en place par les Schneider. Ses réponses contrastent avec l’enthousiasme débordant du discours de l’adjoint au maire du document 1. Il met en avant les conditions de vie difficiles des ouvriers qui remettent en cause la possibilité physique d’atteindre l’âge de la retraite. La question des revenus est ici centrale. Les ouvriers s’endettent pour accéder au logement pendant que les patrons s’enrichissent grâce au travail harassant de leurs ouvriers : « Si seulement on avait de quoi vivre ! […] Ce qu’il faudrait, c’est que les patrons ne gagnent pas tant ». Il apparaît aussi clairement que le travail dépendant du patron, sa remise en cause est difficile. La question n’est pas d’aimer son patron mais de garder son emploi, ce qui oblige à un certain silence. Enfin l’existence des syndicats dans l’usine est remise en cause par la pression exercée par le patronat « Dans le temps, il y eu des réunions socialistes. Tous les ouvriers qui y sont allés ont été renvoyés, tous. » 5. Synthétiser Le Creusot, une villeusine en pleine croissance Chiffres clés - Population ouvrière multipliée par 3 envi-

Une entreprise sidérurgique et métallurgique

Le lieu d’expérimentation d’une politique paternaliste

Document 1 : paysage de hauts fourneaux et description du procédé de

Document 2 : discours à la gloire d’Henri Schneider, à la fois patron des forges et maire de la

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Chapitre 7 – Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914

ron entre 1850 et 1914. - Population de la ville multipliée par 4 dans le même temps.

transformation du minerai de fer. Une usine qui produit chaque jour plus de 500 000 kg de fonte ou de fer. Document 3 : description du paysage d’une usine imbriquée dans la ville: installations liées à la sidérurgie (hauts fourneaux, forge et ateliers de construction) autour de l’ancien village.

ville. Evocation de la politique mise en place à destination des ouvriers (œuvres de bienfaisance, école, hôpitaux, maison pour les vieillards). Une définition du paternalisme est donnée : « être le père de vos ouvriers » Document 4 : Henri Schneider se fait représenter en saint sur les vitraux de l’église principale. Symbole de la domination paternaliste. Document 5 : Une remise en cause de la politique paternaliste par un ouvrier.

Itinéraire 2 Rédiger un texte argumenté Le plan étant proposé dans la consigne, il peut s’avérer utile de rappeler aux élèves quelques conseils méthodologiques : - L’introduction doit présenter le corpus documentaire de façon organisée. Dans ce cas, deux regroupements sont possibles pour les classer : soit par nature soit par thématique. - Toujours dans l’introduction, ne pas oublier de reformuler le sujet, éventuellement sous la forme interrogative. - S’appuyer sur les documents pour justifier les idées : soit en les citant entre guillemets, soit en les décrivant, quand il s’agit de documents iconographiques. - Organiser clairement son texte en faisant apparaître les parties par des sauts de ligne, les sous parties par des alinéas. - Rappeler en introduction de chaque partie, par une phrase, l’idée générale qui est défendue. Elle peut, afin d’en prendre l’habitude être formulée de la façon suivante : « dans cette partie je vais montrer que… »

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DOCUMENTS POINT DE PASSAGE La fusillade de Fourmies et la question ouvrière > MANUEL PAGES 208-209

Réponses aux questions 1. Relevez les éléments qui décrivent la difficulté des conditions ouvrières. L’affiche de la CGT porte sur la question du temps de travail. La CGT revendique son abaissement à 8 heures. L’image de gauche insiste sur les conséquences de l’épuisement au travail : conséquences sociales (baisse de salaire et chômage qui entraînent la misère et l’effondrement des structures familiales) et conséquences sur la santé des ouvriers (tuberculose et alcoolisme). En effet, les rapports médicaux montrent une forte morbidité due aux conditions de travail des ouvriers. Le document 5 fait référence à la question des salaires, jugés trop bas, souvent à l’origine de la mobilisation ouvrière. 2. Quelles sont les différentes revendications portées par les ouvriers et leurs représentants syndicaux ? Les revendications traditionnelles de baisse du temps de travail et de hausse des salaires sont au cœur du mouvement ouvrier. La journée de 8 heures est l’une de principales revendications de la CGT dès la fin du XIXe siècle et le reste au début du XXe siècle, comme le montre l’affiche datée de 1912. La journée de 8h est votée en 1919. 3. Que se passe-t-il à Fourmies en 1891 ? À Fourmies, petite cité industrielle du nord de la France majoritairement constituée d’ouvriers, les salaires ont baissé et des périodes de chômage partiel se sont imposées. Le 1er mai 1891 les ouvriers se mobilisent massivement pour protester contre cette paupérisation. Conformément aux directives de l’internationale ouvrière, la grève du 1er mai fait aussi partie des différents moyens déclinés dans le but d’obtenir la journée de huit heures. Le patronat fait pression sur les ouvriers et obtient du préfet qu’il mobilise des troupes de maintien de l’ordre. Les deux compagnies d’infanterie présentes interviennent ensuite à la demande du maire de la ville et sous la pression du patronat pour réprimer la manifestation. Le bilan est lourd : 9 manifestants sont tués (dont quatre jeunes femmes et un enfant évoqués au début du discours de Clemenceau et visibles sur la couverture du Petit parisien), une cinquantaine sont blessés. 6

Chapitre 7 – Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914

4. Montrez que Clemenceau souhaite que la République entende les revendications ouvrières. Pour Clemenceau, la montée en puissance du mouvement ouvrier, qu’il désigne ici « quatrième État » est inéluctable, ce qui rend nécessaire sa prise en compte pour éviter la guerre civile. La république, les députés à qui il s’adresse ici, doivent entendre ses revendications et tenter d’y répondre. 5. Synthétiser C’est à partir de la fin du XIXe siècle que le mouvement ouvrier s’organise avec l’appui des syndicats, autorisés depuis 1884, et des partis socialistes. Son objectif est notamment d’obtenir des réponses aux revendications d’amélioration des conditions de travail des ouvriers. Les moyens d’action sont essentiellement la grève et la manifestation. La question du temps de travail est rapidement première et la revendication de la journée de 8 heures devient vite centrale. La question des salaires est aussi essentielle afin de lutter contre la misère ouvrière. Le régime républicain met du temps à apporter des réponses à ces revendications. Il s’y montre même hostile en s’opposant brutalement par la répression militaire aux grèves de plus en plus nombreuses et qui ont pour objectif de permettre aux ouvriers de se faire entendre et d’exercer une pression sur les patrons. À Fourmies, petite cité industrielle du nord de la France, premier centre de fabrication de laine peignée, les ouvriers ont dû supporter une baisse de salaire et des périodes de chômage partiel. L’organisation de la journée du Premier mai y prend un sens particulièrement fort et les ouvriers sont nombreux à se mobiliser pour protester contre cette paupérisation. Le patronat menace les ouvriers grévistes de licenciement et obtient la mobilisation des troupes de maintien de l’ordre qui ouvrent le feu sur les manifestants faisant 9 morts, dont des femmes et un enfant, et une cinquantaine de blessés. Ces morts, considérés comme des martyrs, symbolisent aux yeux des ouvriers la violence de la répression menée par la République contre les classes populaires et les tensions entre le monde ouvrier et le régime républicain. Les lois de limitation du temps de travail et les bases d’une protection sociale sont toutefois mises en place progressivement avant la guerre. Itinéraire 2 Rédiger un texte argumenté Le plan du texte à composer est donné aux élèves afin qu’ils se concentrent sur l’enrichissement de leurs connaissances sur ce point de passage du

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programme. Si les documents permettent de cerner les causes, le déroulement et la mémoire de cette journée il peut s’avérer en effet nécessaire d’approfondir la maîtrise de l’évènement par une recherche personnelle plus approfondie. Outre le lien proposé par la consigne, les élèves vont devoir faire face à la difficulté de trier, dans l’abondance de sites qui traitent de ce sujet, ceux qui relèvent de la connaissance objective et qui se contentent de relater les faits, de ceux qui relèvent davantage de l’instrumentalisation partisane. Cette différence peut non seulement faire l’objet d’un travail sur les usages d’Internet, mais elle peut aussi être exploitée dans la dernière partie du travail à rédiger. En effet, les élèves ont à traiter de la mémoire de cette journée. Ils peuvent enrichir leur propos en montrant combien, à très long terme, cette fusillade est restée dans les mémoires ouvrières et de la gauche militante.

PASSÉ / PRÉSENT Pourquoi peut-on dire que depuis le XIXe siècle les femmes exercent un travail difficile à l’usine ? > MANUEL PAGES 210-211

Réponses aux questions 1. Dans quels types d’usines travaillent les femmes ? D’après ces documents, les femmes travaillent traditionnellement dans l’industrie textile, comme Lucie Baud, tisseuse de soie, ou encore les ouvrières de la confection du document 4. Mais elles sont aussi nombreuses dans l’industrie agroalimentaire. Dans ses formes premières elles sont sardinières (document 2) mais aujourd’hui elles sont nombreuses dans les usines de transformation des aliments, comme la fabrication de sushis du document 5. Elles jouent aussi un rôle dans l’industrie d’extraction minière. Si elles ne descendent pas dans la mine avec les hommes, elles trient le charbon qui arrive par wagonnets à sa sortie (document 3). 2. Comment peut-on caractériser leur travail ? Que ce soit au XIXe siècle ou au XXe siècle, la caractéristique principale du travail des femmes à l’usine est sa pénibilité pour de multiples raisons : - Les journées sont longues, particulièrement au XIXe siècle. Lucie Baud parle de journée de 12 heures, 13 heures ou 14 heures de travail, les sar7

Chapitre 7 – Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914

dinières travaillent parfois jusqu’à 20 heures par jour. - Par ailleurs, les cadences sont infernales (« les patrons engageaient le plus possible leurs ouvrières à conduire deux métiers à la fois ») pour un salaire misérable (« Après 20 heures d’un travail opiniâtre, elles ont gagné 4 francs »). La chanson des ouvrières (document 4) évoque aussi les « cadences accélérées ». - Les ouvrières de la mine travaillent dans la poussière du charbon et exercent un travail manuel physique harassant qui sollicite le corps. Les sardinières doivent supporter une odeur extrêmement forte qui imprègne tout, cheveux et peau. - Les documents 4 et 5 évoquent le travail à la chaîne au XXe siècle qui contraint à la répétition des gestes (« le même geste toute la journée » document 4) et à une immobilité totale pendant plusieurs heures consécutives avec impossibilité de toute forme de communication (« avec interdiction de parler » document 4). 3. Décrivez les points communs entre les deux documents. Les documents 2 et 5 évoquent le travail des femmes dans la transformation des produits alimentaires. On ne peut pas encore évoquer de véritable industrie agro-alimentaire pour les sardinières de Saint-Guénolé, mais le travail réalisé ressemble globalement à celui des ouvrières qui confectionnent les sushis : transformation du poisson, gestes répétitifs, cadence élevée, salaire misérable. 4. Quelles sont les pressions exercées sur les ouvrières ? Les documents 1 et 4 évoquent les pressions exercées sur les ouvrières au sein de l’usine. Elles concernent essentiellement la question de la rentabilité de leur travail. Lucie Baud parle du patron qui pousse à accélérer les cadences pour une meilleure productivité et évoque la nécessaire et permanente adaptation aux nouvelles machines. Dans le document 4, c’est à travers la figure des « contredames » qu’apparaît la pression du patronat. Elles sont présentes pour surveiller le travail des ouvrières et exercer une pression sur le rythme dans un souci unique de productivité. Dans les deux cas, la pression s’exerce aussi par la menace permanente du licenciement (« car on risque d’être licenciées »).

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DE LA SOURCE À L’HISTOIRE La catastrophe de Courrières > MANUEL PAGES 212-213

Réponses aux questions 1. Présentez le document 1 en le situant dans son contexte et en précisant en quoi il est une source directe pour l’historien. Ce document est la Une du supplément illustré du Petit Journal. Elle est datée du dimanche 25 mars 1906, soit deux semaines après la catastrophe de Courrières qui fit 1200 victimes parmi les mineurs. Le Petit Journal est alors un des quotidiens les plus populaires en France. Cette Une est un dessin réalisé par un illustrateur de romans, LouisCharles Bombled. Il représente la panique dans laquelle les secours se sont mis en place juste après la catastrophe. Ce document est une source directe, dans le sens où il a été réalisé pour la presse au moment même des évènements évoqués. Le fait que cette Une paraisse deux semaines après l’explosion permet à l’historien de mesurer la portée de l’évènement sur l’opinion publique en France à court et à moyen terme. L’analyse de l’image permet quant à elle de reconstituer le paysage de la mine et d’analyser l’attitude des mineurs et de la foule présente. 2. Analysez la Une en décrivant précisément l’image. À l’arrière-plan on aperçoit le ciel sur lequel se découpe le paysage de la mine avec ses cheminées et son chevalement en bois. Le reste de la Une, clairement localisée à l’entrée des fosses, révèle un paysage confus, celui de l’immédiat après catastrophe où tout le monde s’agite pour sauver des vies ou remonter les corps des victimes. S’ils sont peu visibles ils sont omniprésents dans l’activité des hommes en mouvement. Au premier plan par exemple, un homme est agenouillé et emballe un corps invisible dans un linceul noir ou tente de l’identifier. Derrière lui, dans la foule confuse, un groupe d’hommes remonte péniblement un autre corps à la surface, lui aussi dans un linceul noir. Derrière eux on devine l’agitation d’autres ouvriers venus pour remonter les camarades morts. Un homme semble leur donner des consignes. Sur le côté, à droite, à l’entrée de la mine, c’est le monde des spectateurs apeurés venus aux nouvelles ou pour chercher les corps de leurs proches. Une femme, affolée, semble vouloir aller voir de plus près et participer à l’activité de sauvetage. Elle est tenue à l’écart par un policier chargé de maintenir la foule. 8

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3. Quel sentiment ce document fait-il naître chez le lecteur ? Cette Une nous permet de saisir le sentiment de panique et d’agitation de l’après catastrophe. Tous les corps sont en action. Les regards, à peine visibles, rendent palpable le sentiment d’inquiétude. L’image est presque confuse tant il y a de mouvement. Mais elle souligne aussi la solidarité ouvrière : les mineurs sont venus secourir immédiatement leurs camarades au fond des fosses au moment de l’explosion. Le lecteur ne peut que ressentir inquiétude et empathie pour les mineurs. 4. Que va provoquer cette catastrophe d’après le document 3 ? Pourquoi ? La catastrophe est suivie d’une grande émotion collective qui laisse rapidement la place à l’action. Les patrons se montrent plus soucieux de préserver les gisements dans une perspective de rentabilité que de s’investir dans la recherche des corps des disparus ou d’éventuels survivants. Les secours sont rapidement abandonnés. Cette attitude déclenche la colère des ouvriers et un long mouvement de grève accompagné de manifestations dans tout le bassin minier. Le document 3 montre comment les patrons ont tenté d’y faire face : mobilisation des troupes et réquisition de mineurs. D’après cet article, les ouvriers s’y opposent violemment. 5. Pourquoi la catastrophe de Courrières estelle devenue un symbole des conditions de travail des mineurs et de la lutte des ouvriers français pour leur dignité et leurs droits ? La catastrophe de Courrières est devenue un symbole des conditions de travail déplorables des mineurs mais aussi plus généralement des ouvriers, conditions dénoncées par les syndicats depuis de nombreuses années. C’est la plus grande catastrophe minière en Europe. Les évènements confirment la pénibilité et la dangerosité du travail réalisé au fond des puits. La gestion de la crise par la compagnie permet aussi de mesurer combien la vie de ces hommes et leurs conditions de travail importent peu face à la dimension financière de la mine. Leurs vies semblent moins compter que la rentabilité de leur travail. Le mouvement de grève qui suit permettra aux ouvriers de gagner une légère augmentation de salaire mais aussi d’imposer des conditions de sécurité plus adaptées. L’évènement est encore commémoré de nos jours. À l’occasion de son centenaire, un timbre-poste a été mis en vente.

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DOCUMENTS Les Italiens en France (1880-1914) > MANUEL PAGES 214-215

Réponses aux questions 1. Relevez pour chacun des documents le lieu d’arrivée en France. Quelles sont les régions d’immigration qui se dégagent ? Aidez-vous de la carte p. 196. Les différents documents dessinent une géographie des régions d’accueil des immigrants italiens. Ici ils arrivent tous dans les régions localisées à l’est de la France. Le billet de passeur indique l’arrivée de migrants italiens à Rive-de-Gier, au sud de Lyon, dans la Loire, La carte postale du document 2 montre l’arrivée d’Italiens à Modane, dans les Alpes à la frontière avec l’Italie. Les enfants du document 3 sont à Marseille. La pétition d’ouvriers provient du département de l’Aube, et enfin la photographie du dernier document est prise en Lorraine, à la frontière avec l’Allemagne. Cela recoupe les informations de la carte page 196 qui fait apparaître une forte concentration d’immigrés dans les régions frontalières de l’est de la France et sur le littoral méditerranéen. 2. Qui est à l’origine de la venue des Italiens dans cette ville ? C’est un passeur, une personne qui se fait payer pour faire passer la frontière, qui a permis la venue à Rive de Gier de quatre Italiens venus pour travailler. Le passage a été payé par « Messieurs Richarme et Cie », qui sont probablement des employeurs à la recherche d’ouvriers pour leur entreprise. 3. Pour quelle raison les ouvriers français s’adressent-ils au préfet ? Quelles sont leurs demandes ? Les ouvriers terrassiers français s’adressent au préfet, c’est-à-dire au représentant de l’État, pour se plaindre de la présence d’un grand nombre de travailleurs italiens sur le marché du travail. Ils contestent le fait que, moins payés, ils leur font concurrence (« les Italiens travaillent pour un prix inférieur au nôtre »). Scandalisés qu’on leur vole leur pain quotidien, ils demandent que la protection de leur travail et leurs droits à une existence digne soient assurés. 4. D’après le doc. 4, peut-on dire que les Italiens sont bien acceptés en France ? Justifiez votre réponse.

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Chapitre 7 – Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914

Ce document témoigne de la poussée xénophobe dans les régions de forte présence de travailleurs étrangers. Les termes employés sont révélateurs de la façon dont les italiens sont perçus. Le verbe « pulluler » (« les étrangers pullulent sur nos travaux ») est péjoratif et plutôt utilisé pour dénoncer une forte présence d’insectes ou de vermine. La fin du texte repose sur l’utilisation de stéréotypes racistes : l’Italien qui joue au couteau (« ceux qui nous enlèvent notre travail ne craignent pas de nous tuer à coups de couteau »). Le texte exprime clairement un rejet de la présence italienne. 5. Définissez ce qu’est une « petite Italie ». Les « petites Italies » sont des quartiers où les immigrants Italiens, récemment arrivés en France, se regroupent et reconstituent une sorte de « village italien » autour de commerces, de cafés, restaurants ou encore de traditions de vie. Ces communautés permettent d’assurer une forme d’entraide et ainsi de faciliter l’arrivée dans un pays inconnu dont la langue n’est pas maîtrisée. 6. Synthétiser Pour aider les élèves à construire leur exposé oral et afin d’approfondir leurs connaissances, les liens suivants peuvent leur être proposés :  Pour la géographie et les conditions de l’immigration, voir la petite vidéo suivante de l’historien Pierre Milza : https://www.youtube.com/watch?v=pZM67XdNh Dg  Sinon plus généralement sur le site de l’histoire de l’immigration : http://www.histoire-immigration.fr/dossiersthematiques/caracteristiques-migratoires-selonles-pays-d-origine/les-italiens-en-france http://www.histoire-immigration.fr/1860-1960-limmigration-italienne-en-4-grandes-periodes  En bibliothèque, le catalogue de l’exposition Ciao Italia ! Un siècle d’immigration et de culture italiennes en France aux éditions de la Martinière.  Petite vidéo qui présente l’exposition et un rapide historique de l’immigration (avec rapide évocation de la xénophobie) : https://www.youtube.com/watch?v=yFcWews7kc A (à partir de 2’8 minutes)

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CHAPITRE

8

Métropole et colonies › MANUEL PAGES 222 À 247

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE Le chapitre 8 porte sur l’empire colonial français au moment de sa mise en place. Il s’inscrit dans la troisième partie du programme d’histoire qui porte sur la IIIe République avant 1914. Après avoir abordé la question du projet républicain (chapitre 6) puis celle de la société française (chapitre 7), on étudie la politique coloniale de la République naissante et les débats qu’elle suscite (cf p. 246). On étudie aussi les conquêtes et les rivalités entre pays européens nées de ces conquêtes ainsi que la mise en place du système colonial. Le fonctionnement des sociétés coloniales est mis en évidence à travers plusieurs études notamment celles sur les résistances à la colonisation (en Indochine et à Madagascar). Les trois points de passage sont traités dans des double-pages spécifiques : une pour la crise de Fachoda qui permet d’approfondir la question de ces rivalités entre puissances coloniales, une pour la ville de Saïgon comme exemple de ville et de société coloniale, ce qui permet aussi d’aborder la question des effets de la colonisation sur les territoires colonisés. Pour le code de l’indigénat, nous avons fait le choix d’un double-page sur le cas particulier de l’Algérie puisque c’est pour l’Algérie que ces dispositions ont d’abord été prises et réunies en un ensemble en 1881 avant d’être progressivement généralisées à l’ensemble des colonies à partir de 1887. Par ailleurs le cas de l’Algérie est cité dans les objectifs du programme. Pour répondre aux exigences du programme qui préconise d’inciter les élèves à réfléchir sur les sources, nous avons proposé, d’une part, la lecture d’un document d’archives, le rapport Brazza, un document de l’administration coloniale unique, à la fois par les éléments de l’enquête de Savorgnan de Brazza menée en 1905, qu’il reprend, et à la fois par son histoire même, puisqu’il a été « perdu » jusqu’en 1965. Nous avons proposé, par ailleurs, une étude des traces de la colonisation en NouvelleHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Calédonie devenue colonie pénitentiaire au XIXe siècle.

OUVERTURE › MANUEL PAGES 222-223

Document 1. La réalité vécue dans les colonies Dès la conquête de Madagascar en 1896, le général Galliéni prévoit de développer le chemin de fer considéré comme « un instrument de civilisation ». Le premier chantier de chemin de fer de Tananarive à la mer, photographié ici, a été ouvert en 1901 et achevé en 1913 (369 km). Alors que l’esclavage a été aboli dès la conquête, l’essor du chemin de fer pousse à celui des différentes formes de travail forcé car la main-d’œuvre volontaire salariée manque. Ainsi, les ouvriers visibles ici, encadrés par des colons français et des Sénégalais, constituent sans doute une main-d’œuvre réquisitionnée, peu ou pas payée selon les cas. Ces réquisitions de main-d’œuvre interviennent soit en application du code de l’indigénat importé du Sénégal et promulgué en 1901, soit au titre des obligations de la communauté villageoise soit à celui de la « persuasion » coloniale. Ce système de contrainte, mis en place en 1901-1902, prive les villages des hommes valides (109 550 hommes mobilisés en 1903) et contribue par la même à l’appauvrissement des populations qui n’ont plus le temps de travailler sur leurs terres tandis que ces travailleurs malgaches du chemin de fer font l’objet de mauvais traitements (voir l’usage du bâton sur la photo). À lire : https://www.cairn.info/revue-afriqueet-histoire-2006-2-page-161.htm3

Document 2. L’ambition coloniale vue de la métropole

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Chapitre 8 – Métropole et colonies

Bien loin de la réalité évoquée par la photographie, l’image du doc. 2 datée de 1900, qui s’adresse à un public scolaire, met en avant à la fois la « mission civilisatrice » que la République (ici représentée par une Marianne conquérante) mène dans la conquête coloniale (cf sur le bouclier les trois mots « progrès, civilisation et commerce ») et l’accueil très pacifique des populations indigènes (à gauche populations africaines et arabes, à droite populations indiennes et indochinoises). Les documents proposés se répondent : le premier met en évidence le système de contrainte et d’exploitation des coloniaux par la puissance colonisatrice tandis que le deuxième est un document de propagande extrait d’un cahier scolaire. Il ne s’agit plus de réalité vécue par les colonisés mais du discours produit en métropole sur la colonisation. L’analyse de ces documents permet, dès le début du chapitre, de distinguer discours et réalité de la colonisation. Le document 2 peut aussi être confronté avec la carte 2 p. 225 (ampleur des conquêtes et résistances des populations à la conquête).

REPÈRES › MANUEL PAGES 224-225

Réponses aux questions 1. Comparez les zones colonisées par les Européens en 1860 et en 1914. Entre 1860 et 1914, la colonisation européenne a connu une expansion considérable en Asie et surtout en Afrique. En effet en 1860, l’Afrique est largement inconnue des Européens qui n’occupent que quelques points sur le littoral tandis qu’en 1914 la quasi totalité du continent est occupée. De même en Asie, les Anglais ont étendu leurs possessions sur le sous-continent indien et la France a conquis des territoires en Indochine. 2. Localisez les principales possessions coloniales françaises. En 1914, l’Empire colonial français s’étend principalement à une grande partie de l’Afrique de l’ouest (AOF et AEF), à l’Afrique du Nord (Tunisie, Maroc, Algérie), à des possessions dans l’océan Indien (Madagascar, comptoirs en Inde par exemple) et à l’Indochine, territoires qui s’ajoutent aux anciennes colonies (Caraïbes et Réunion). Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

3. Où l’expansion coloniale a-t-elle particulièrement fait l’objet de tensions entre Européens ? Les tensions entre Européens ont été provoquées par leurs rivalités quant à la conquête de l’Afrique (cf Fachoda, 1898) 4. Quelles sont les zones de résistance à la conquête ? Contre l’image donnée d’une conquête pacifique dans l’imagerie officielle (cf doc. 2 p. 223), la carte permet d’appréhender les résistances parfois longues et vives des populations autochtones : c’est le cas en Algérie, en Indochine, à Madagascar ou en Afrique centrale et de l’ouest.

COURS 1 La France et la conquête coloniale › MANUEL PAGES 226-227

Réponses au Testez-vous ! Quelles motivations expliquent la conquête coloniale après 1880 ? Plusieurs motivations expliquent la conquête coloniale après 1880 : une motivation politique dans un esprit de revanche après la défaite de 1871 et surtout des motivations économiques du fait de l’effet de l’industrialisation et de la crise économique de la fin du siècle. Selon quelles modalités se fait cette conquête coloniale ? Les modalités de la conquête sont multiples, négociation ou guerre avec les populations locales. Parfois la résistance armée est forte, c’est le cas en Algérie et en Indochine. Quelles rivalités entre puissances européennes naissent de la conquête coloniale ? La conquête coloniale révèle les rivalités entre puissance européennes (France, Royaume-Uni et Allemagne) qui, malgré des efforts de négociations (conférence de Berlin), sont susceptibles d’entrer en conflit (en 1898 à Fachoda ; en 1905 et 1911 au Maroc).

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Chapitre 8 – Métropole et colonies

COURS 2 L’empire colonial français avant 1914 › MANUEL PAGES 228-229

Réponses au Testez-vous ! La domination française est-elle continue sur toute l’étendue de l’Empire ? L’empire colonial français est très étendu (10 millions de km²) mais la domination réelle est discontinue, surtout forte dans les villes-ports et faible dans les campagnes. Elle demeure aussi contestée (Algérie par exemple). En quoi les sociétés coloniales sont-elles inégalitaires ? Les sociétés coloniales sont très inégalitaires, à la fois du point de vue politique et juridique, puisque le droit distingue citoyens et sujets de l’Empire, colons et colonisés soumis au code de l’indigénat, mais aussi du point de vue économique (colons riches, colons pauvres, populations étrangères, colonisés) et culturel. Quel est le fondement idéologique de cette inégalité ? Cette inégalité est justifiée par les théories racistes qui se développent au XIXe siècle et qui proposent une classification pseudo scientifique des peuples.

COURS 3 L’empire colonial français avant 1914 › MANUEL PAGES 228-229

Réponses au Testez-vous ! La domination française est-elle continue sur toute l’étendue de l’Empire ? L’empire colonial français est très étendu (10 millions de km²) mais la domination réelle est discontinue, surtout forte dans les villes-ports et faible dans les campagnes. Elle demeure aussi contestée (Algérie par exemple). En quoi les sociétés coloniales sont-elles inégalitaires ? Les sociétés coloniales sont très inégalitaires à la fois du point de vue politique et juridique puisque le droit distingue citoyens et sujets de

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l’Empire, colons et colonisés soumis au code de l’indigénat, mais aussi économique (colons riches, colons pauvres, populations étrangères, colonisés) et culturelle. Quel est le fondement idéologique de cette inégalité ? Cette inégalité est justifiée par les théories racistes qui se développent au XIXe siècle et qui proposent une classification pseudo scientifique des peuples.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Rivalités impériales : la crise de Fachoda (1898) > MANUEL PAGES 230-231  Doc. 2. La crise de Fachoda vue de France : une menace britannique Le Petit Journal est un journal d’information populaire qui a un immense succès (1 million d’exemplaires en 1890). Sans appartenance politique affichée, il est cependant très nationaliste et suit l’opinion publique qu’il cherche à conquérir par des articles à sensation. Le dessin de sa couverture révèle sans doute l’état de l’opinion publique française qui ressent les ambitions anglaises comme une menace (le loup) pour les intérêts français et une véritable agression d’une puissance dont l’appétit de conquêtes est représenté ici (conquête de l’Égypte, ambition sur Fachoda et le Soudan).  Doc. 3. La crise de Fachoda vue du Royaume-Uni : une menace française Le texte de Chamberlain, qui représente le gouvernement anglais, permet, en le confrontant avec le précédent document, de mesurer l’écart de point de vue entre la France et l’Angleterre, chacune percevant l’autre comme agressive, chacune se présentant comme une nation pacifique. À ce stade, on pourra mettre en relation les ambitions politiques des deux Etats avec leur expansion économique étudiée dans d’autres chapitres (chapitres 4 et 7). Doc. 4. Une représentation populaire de la crise de Fachoda L’image d’Épinal est une gravure à usage populaire, de style assez naïf, dont Épinal a été l'un des principaux centres de fabrication (fon3

Chapitre 8 – Métropole et colonies

dation de l’imprimerie par Jean-Charles Pellerin en 1796). Elle donne donc une version simpliste et exagérément optimiste de l’évènement représenté. Ici la vie du capitaine Marchand est représentée de façon héroïque ce qui correspond bien à l’accueil triomphal qui lui a été fait à son retour à Paris alors même qu’il avait dû quitter le fort de Fachoda après l’accord signé entre la France et l’Angleterre pour éviter la guerre. Cet accord confirme les ambitions de l’Angleterre sur le Soudan. La contrepartie donnée à la France par l’Angleterre est de ne pas s’opposer à son protectorat sur le Maroc.

aussi en concurrence à Madagascar, en Tunisie et en Indochine. 5. Synthétiser Reprendre le plan donné dans l’itinéraire 2 en trois parties (récit de la crise, mise en évidence l’enjeu que représente le fort de Fachoda, élargissement à d’autres rivalités). Voir ci-dessous. Itinéraire 2 : préparez en autonomie un exposé oral. Aide possible sur les sites :

https://histoirecoloniale.net/la-missionMarchand-Fachoda.html et

Réponses aux questions 1. Repérez sur la carte en quoi le fort de Fachoda est un enjeu pour les deux puissances. Le fort de Fachoda est un enjeu pour la France et l’Angleterre qui veulent établir leur domination sur le Soudan. Le fort a en lui-même peu d’intérêt, mais il se trouve sur l’axe d’expansion de la France entre ses possessions occidentales (en partant du Congo ou de Dakar vers le Soudan) et la côte orientale de l’Afrique (Djibouti), et en même temps sur l’axe d’expansion de l’Angleterre qui souhaite faire la jonction entre ses possessions au Nord (Le Caire en Égypte et vers le Soudan) et au SudEst de l’Afrique (Le Cap). 2. Identifiez les principaux acteurs de cette crise entre la France et le Royaume-Uni. Les principaux acteurs sont, du côté britannique, lord Kitchener, commandant en chef de l’armée anglaise en Égypte et du côté français, le capitaine Marchand, à la tête d’une expédition militaire. 4. Quelle image le document donne-t-il de Marchand ? Pourquoi ? Le document donne une image héroïque du capitaine Marchand parce qu’il a défendu l’honneur de la France en résistant au siège anglais à Fachoda et ce, même si son entreprise s’est soldée par un échec puisque, in fine, il doit évacuer le fort. L’enjeu entre les deux grandes puissances est beaucoup plus large que le simple fort de Fachoda, il s’étend à l’ensemble des conquêtes coloniales de la France et de l’Angleterre comme le montre en particulier le texte de Chamberlain. Les deux pays ont, en effet été

Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

https://www.histoireimage.org/fr/etudes/general-marchand À lire aussi l’article de Jacques Frémeaux, Fachoda : le calcul français, collection de l’Histoire n°58, janvier-mars 2013 Demander aux élèves de rédiger un récit à partir de la chronologie p. 230. Proposer ensuite de rédiger un paragraphe à partir de la carte 1 p. 230 pour montrer en quoi Fachoda est un enjeu pour les deux puissances. On pourra mettre en regard le doc. 2 et le doc. 3 qui donnent la perception française d’une part et d’autre part la perception anglaise de l’évènement. Évoquer à partir du doc. 3 les autres rivalités entre la France et l’Angleterre et proposer d’utiliser le cours p. 227 paragraphe C pour lister d’autres types de rivalités (FranceAllemagne par exemple à propos du Maroc) et les efforts de négociation qui avait été consentis pour les éviter (cf conférence de Berlin).

DOCUMENTS En Indochine, une forte résistance à la conquête / À Madagascar, différentes formes de résistance > MANUEL PAGES 232-233

En Indochine  Conseils On peut associer la carte et la chronologie pour montrer la lenteur de la conquête de l’Indochine qui s’est faite par étapes : le Sud de la péninsule (Cochinchine) a d’abord été conquis au milieu du XIXe siècle puis le Nord 4

Chapitre 8 – Métropole et colonies

(Tonkin) dans les années 1880. La carte permet de distinguer la façade orientale de l’Indochine conquise sur l’empire du Vietnam entre 1859 et 1884 des territoires de l’intérieur cédés par le Siam. Le nombre de zones de résistance et de révoltes cartographiées donne la mesure de la forte résistance de l’Indochine à la colonisation. On peut éventuellement mettre ce document en opposition avec le doc. 2 p. 223 qui présente la conquête française des colonies comme sans difficulté et plutôt pacifique. Le texte permet de comprendre qui sont les acteurs des révoltes contre l’occupation française. Contrairement à l’idée courante véhiculée à l’époque, l’insurrection n’est pas menée par des brigands mais par les populations paysannes de l’Annam et du Tonkin et organisée par les notables du royaume. En effet en 1885 un mouvement d’« aide au roi » (Cân Vuong) est organisé par des mandarins et des lettrés en soutien à la proclamation du jeune empereur et de son régent appelant à la résistance et au soulèvement général contre l’occupation française. Organisée par les mandarins et les lettrés, les troupes sont constituées de paysans ou d’éléments marginaux de la société rurale. Ce mouvement d’insurrection anticolonial traditionnaliste et patriotique dure 10 ans.

une région après l’autre en combinant répression et conciliation de la population. Texte complémentaire de Galliéni à propos de sa stratégie : « Le meilleur moyen pour arriver à la pacification dans notre nouvelle et immense colonie de Madagascar avec les ressources restreintes dont nous disposons, est d’employer l’action combinée de la force et de la politique. Il faut nous rappeler que dans les luttes coloniales que nous impose trop souvent malheureusement l’insoumission des populations, nous ne devons détruire qu’à la dernière extrémité, et, dans ce cas encore, ne ruiner que pour mieux bâtir. Toujours nous devons ménager le pays et ses habitants [...]. Chaque fois que les incidents de guerre obligent l’un de nos officiers coloniaux à agir contre un village ou un centre habité, il ne doit pas perdre de vue que son premier soin, la soumission des habitants obtenue, sera de reconstruire le village, d’y créer immédiatement un marché et d’y établir une école. Il faut donc éviter avec le plus grand soin toute destruction inutile. .»

À Madagascar

 Doc 2. La conquête militaire de Madagascar

 Doc 1. La résistance après la conquête

L’expédition militaire est présentée dans la presse française comme une grande affaire nationale mais contrairement à ce que laisse supposer la représentation du Petit Journal, le contingent français est peu nombreux. Sur les 15 000 hommes envoyés (8 000 recrues du contingent et 7000 Algériens), 5756 sont morts de maladie. L’absence de résistance malgache vraiment organisée permet donc au général Duchesne de prendre la capitale Tananarive avec une colonne de 7000 hommes.

Le général Galliéni a été envoyé dans l’île pour résoudre la résistance de la population malgache qui perdure bien au-delà de la conquête proprement dite. Dans son rapport, il fait référence à plusieurs raisons pour l’expliquer : « l’esprit de résistance » « d’une population plus ou moins consciente de sa nationalité » et la faiblesse numérique de la présence française comme sa faible autorité. Effectivement entre la première expédition française (1883) et la pacification (1905), il s’écoule plus de 20 ans. La résistance a d’abord été menée par la reine qui s’est opposée à la mainmise française, puis elle a été relayée par la population soutenue par ses élites quand la reine s’est inclinée. Comme le souligne le texte, le corps expéditionnaire envoyé à Madagascar est peu nombreux (15 000 hommes) et la présence française y demeure sporadique jusqu’à l’intervention de Galliéni. Ce dernier mène une stratégie en « tâche d’huile » qu’il a déjà éprouvée en Indochine et qui consiste à gagner Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

http://www.archivesnationales.culture.gou v.fr/anom/fr/Action-culturelle/Dossiers-dumois/1511-GallieniMadagascar/Gallieni.html

En équipes Équipe 1 Pour décrire les résistances en Indochine, mettre en évidence la longueur de la phase de conquête et de pacification d’une part et d’autre part, les principaux acteurs de cette résistance. Équipe 2 Pour rédiger le texte, utilisez la chronologie pour identifier deux étapes : d’abord celle de la 5

Chapitre 8 – Métropole et colonies

résistance royale puis celle de la résistance populaire. Mise en commun Faire un tableau pour préparer l’exposé de façon synthétique et voir que les deux cas sont similaires bien qu’il s’agisse de territoires très lointains loin de l’autre : En Indochine

À Madagascar

Situation avant la conquête française

Royaume du Siam et empire du Vietnam/présence chinoise

Royaume Hova (reine Ravalona)

Dates et étapes de la conquête

1858 à 1897

1883 à 1905

Formes de la conquête

Installation de missionnaires puis conquête militaire

Expédition militaire puis négociation avec la reine

Formes et raisons de la résistance

Défense de la patrie et soutien au roi.

Défense de la patrie.

Résistances des élites et de la population.

D’abord résistance de la reine puis opposition populaire soutenue par les élites.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE L’Algérie coloniale et la question de l’indigénat > MANUEL PAGES 234-235  Doc. 2. Le régime pénal de l’indigénat Le code de l’indigénat a été mis en place progressivement dans le contexte d’une forte résistance de la population algérienne à la conquête française. Il s’agit d’un régime d’exception temporaire mais sans cesse reconduit composé de textes législatifs et règlements divers qui ne sont organisés qu’en 1881. Le code prévoit des peines spécifiques appliquées aux seuls indigènes (amende, mise sous séquestre des biens, internement) pour réprimer des infractions déterminées par la puissance Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

coloniale au titre du maintien de l’ordre. Ces peines sont décidées sans jugement par l’administration coloniale. Il ne s’applique donc ni aux Français ni aux Européens étrangers ou naturalisés mais seulement aux populations locales musulmanes dites indigènes au statut de sujets et non de citoyens français. Pour mieux comprendre ce document, on peut compléter avec les deux docs proposés p. 244.  Doc. 3. La dénonciation du code de l’indigénat

Gustave de Molinari (3 mars 1819 Liège 28 janvier 1912 Adinkerque) est un économiste belge partisan du libre-échange. Il passe une partie de sa vie en France et devient en 1881 rédacteur en chef de la revue libérale, le Journal des économistes.  Doc. 4. La mise en valeur de la colonie algérienne célébrée Publié pour la première fois en 1881 en complément du journal Le petit colon, l’Almanach s’adresse aux colons et Algériens ou « à ceux qui veulent le devenir » pour leur donner « des clartés de tout », selon son fondateur Charles Marchal. Fils de colon algérien d’origine lorraine, ce dernier est un journaliste et un homme politique radical antijuif, élu député d’Alger en 1898. La couverture réalisée par le peintre orientaliste A. Birck est représentative de l’esprit de cette publication qui apporte des informations concrètes au colon dans l’idée que l’Algérie est une nouvelle France dont il faut exploiter les richesses. Pour une lecture de l’almanach :

https://archive.org/details/almanachdupetit c00marc/page/n35 Réponses aux questions 1. Relevez dans la chronologie et sur la carte les éléments montrant les difficultés de la conquête de l’Algérie depuis 1830. La conquête de l’Algérie, commencée dès 1830, dure longtemps. Seulement littorale pendant 10 ans, la domination française ne s’étend qu’aux régions du nord au milieu du siècle. La conquête de la partie saharienne du pays a lieu à la fin du siècle (1870-1900). Pendant ces 70 ans de conquête, plusieurs révoltes armées s’opposent à la domination française : en parti-

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Chapitre 8 – Métropole et colonies

culier celle d’Abd el-Kader (1830-1847) et celle d’el-Mokrani (1871).

confiscation des terres est l’une des peines prévues dans le code de l’indigénat.

2. Répertoriez les différentes populations et statuts existants en Algérie. On peut distinguer en Algérie au moins trois types de population aux statuts très différents. Les Algériens répertoriés « musulmans » par l’administration française forment le groupe majoritaire mais ils ne sont pas citoyens français et sont donc soumis au code de l’indigénat. Les colons français d’origine sont citoyens français et soumis au code civil et les colons européens d’autres nationalités comme les Espagnols, considérés comme étrangers mais qui peuvent être naturalisés et donc devenir citoyens. N’apparaissent pas dans les statistiques les Algériens de confession juive qui ont obtenu la citoyenneté française en 1870 (décret Crémieux).

6. Synthétiser Les caractères spécifiques de l’Algérie coloniale :

3. Montrez en quoi le code de l’indigénat est inégalitaire et abusif. Le code de l’indigénat est inégalitaire puisqu’il crée une justice spécifique applicable aux seules populations indigènes d’abord d’Algérie et progressivement de l’Empire. Il entraîne de nombreux abus car les peines sont décidées par l’administration civile et non par des juges. 4. Quelle image de la colonisation cette image (doc. 4) veut-elle renvoyer ? Le document 4 donne une image très positive de la colonisation et particulièrement de la valorisation du territoire algérien grâce au travail des colons. On peut relever les éléments de cette prospérité : aménagement portuaire et ville en haut de l’image, vigne et blé, bétail, village en bas mais aussi, en arrière-plan, train et sur les genoux du colon, le journal. 5. Observez l’évolution de la propriété de la terre et mettez-la en relation avec celle de la population. Le tableau permet de mettre en évidence le déclin de la propriété algérienne au profit de l’État et des colons européens. Cette expropriation est d’autant plus grave pour la population locale que cette dernière connaît une forte croissance (multipliée en 50 ans) et que les terres perdues sont les meilleures terres, les plus fertiles, ce qui d’ailleurs explique les famines répétées. Le document 2 p. 234 donne un élément d’explication pour comprendre comment se font ces expropriations puisque la

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Modalités de Chrono et doc. la conquête 1

Conquête militaire longue de 1830 à partir des villes principales du littoral puis vers le sud. Jusqu’à la fin du siècle, une forte résistance de la population.

Type de co- info lonie

Colonie de peuplement, organisée en départements (1848).

Diversité des Info et doc. 4 populations

Algériens musulmans, colons français, colons européens.

Statuts diques

juri- Doc. 2, doc. 3

Propriété de Info et doc. 4 la terre

Citoyens français, étrangers, indigènes. Transfert par expropriation de la propriété algérienne à une propriété européenne ou domaniale.

Itinéraire 2 Rédiger un texte Pour rédiger un texte sur l’histoire du code de l’indigénat, on peut proposer aux élèves de répertorier toutes les idées contenues dans les documents en les classant dans un tableau en trois parties (une pour chaque partie) puis de faire une petite recherche sur les éléments manquants : Mise en place et principales dispositions du code de l’indigénat

Le code de l’indigénat, reflet d’une société inégalitaire

Une généralisation progressive à l’ensemble des colonies

Doc. 1 : faites le lien entre le code de

Doc. 3 : montrez que le code de l’indigénat établit une

Cours 2 + éléments supplémentaires :

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Chapitre 8 – Métropole et colonies l’indigénat et la conquête. Doc. 2 et doc. 3 : relevez les principales dispositions du code.

inégalité juridique entre les habitants de la colonie algérienne. Cours 2 : reprenez d’autres éléments caractéristiques de l’inégalité des sociétés coloniales + docs p. 244

Le code de l’indigénat est généralisé progressivement à beaucoup de colonies à partir de 1887 - AOF, AEF, Indochine, Madagascar, NouvelleCalédonie - mais toujours sous la forme d’un statut temporaire renouvelé tous les 7 ou 10 ans. Il n’a pas été appliqué en Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion ni dans les protectorats (Tunisie et Maroc). Il s’applique de façon variable selon les colonies : la liste des infractions spéciales aux indigènes est différente d’une colonie à l’autre et est modifiée à chaque renouvellement du code mais partout ce sont les administrateurs de la colonie qui jugent les délits et déterminent les peines.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Saïgon, un exemple de ville coloniale > MANUEL PAGES 236-237

Réponses aux questions 1. Identifiez les différents points de vue sur la ville de Saïgon. Les trois textes permettent d’avoir trois points de vue très différents et pourtant concordants à certains égards. Le document 1 est un texte de Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine de 1897 à 1902. Il s’agit donc du point de vue du colonisateur. Paul Doumer publie ses Souvenirs en 1905, alors qu’il n’est plus en charge de l’Indochine. Ces Souvenirs sont l’occasion pour lui de mettre évidence l’œuvre qu’il a accompli dans cette colonie. Le document 3 est au contraire, le témoignage, d’après un voyage fait en 1901, d’un opposant à la colonisation, F. Challaye, qui dénonce le Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

traitement des indigènes en Indochine. Ce texte est extrait d’un livre de souvenirs à charge contre la colonisation. Enfin le dernier texte, le document 5, est extrait d’un roman autobiographique de Marguerite Duras très critique à l’égard de la société coloniale. Bien qu’il ne s’agisse pas de souvenirs, ce texte a valeur de témoignage puisqu’elle a vécu en Indochine jusqu’en 1932. 2. Citez les éléments montrant la prospérité de la ville. On peut relever les éléments suivants dans le document 1 : « une belle ville tropicale » « certains de ses monuments sont superbes » « les maisons forts coquettes, les rues bien ombragées et le tout est noyé dans un océan de verdure » « quelques bâtiments trop vastes ou trop élevés » ; dans le document 2 : « « éjectait des buildings chaque année plus hauts » « les rues et les trottoirs du haut quartier étaient immenses » « ces rues étaient aussi bien entretenues… ». Ces éléments donnent à la ville une image de ville prospère que confirment les deux photos avec la cathédrale, très imposante et la rue Catinat qui correspond à la description précédente (rue soignée, bordée d’arbres). 3. Selon l’auteur, comment s’organise la société de Saïgon ? Le texte de Marguerite Duras permet de montrer à quel point la société coloniale est hiérarchisée : elle oppose les Blancs, c’est-à-dire les colons, aux indigènes mais aussi deux catégories de populations parmi les colons, les riches et les pauvres. Le document permet donc de mettre en évidence la complexité de cette société qui ne se partage pas simplement entre colons et colonisés. 4. En confrontant les documents et le plan, montrez que l’organisation sociale de la ville se traduit dans l’espace. L’organisation de la société coloniale se traduit dans l’espace. On peut, en effet, distinguer sur le plan la ville européenne, création du colonisateur, de plan géométrique, des villages indigènes repoussés à l’extérieur de la ville, près des rizières, et situés le long des axes de transport. Dans la ville elle-même, le centre financier du haut quartier est bâti de buildings élevés (doc. 5) ; à sa périphérie, se trouvent les quartiers résidentiels des plus riches et les bâtiments du pouvoir officiel (palais du gouverneur, cathédrale, citadelle) puis entre ces quar-

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Chapitre 8 – Métropole et colonies

tiers et les villages indigènes se trouvent les quartiers d’habitation des colons pauvres. 5. Synthétiser La synthèse est à rédiger en deux paragraphes. Montrer d’abord la division colons et colonisés : en partant du plan et des photos il s’agit de montrer que les indigènes sont absents de la ville coloniale sauf pour y travailler (domesticité, pousse-pousse). La population y est européenne tandis que les bâtiments et le plan suivent le modèle européen (cf vêtements portés sur les photos et présence de l’église, contreallées bordées d’arbres). On pourra aussi utiliser le doc. 3 pour montrer que les indigènes y sont méprisés et mal traités (à mettre en relation avec l’idéologie raciste). On montrera dans un second paragraphe les divisions au sein même de la société coloniale européenne : opposition colons riches/colons pauvres, ces derniers, habitant presque à l’extérieur de la ville. Itinéraire 2 Préparer un exposé Proposer aux élèves de répertorier tous les éléments contenus dans les documents montrant : la prospérité de la ville : Saïgon a été fondée au XVIe siècle sur un bras du Mékong. Elle n’est, avant l’occupation française, qu’un petit port de pêche ; elle passe à 20 ou 30 000 habitants à la fin du siècle. Prise par les Français en 1859, elle est reconstruite à l’européenne après 1880. Son développement est organisé par l’administration coloniale qui en fait une ville administrative, siège du gouvernement de la colonie ; les fractures sociales entre colons et colonisés et leur traduction dans l’espace : dans la ville européenne on trouve le quartier des affaires, le quartier administratif (haut quartier), le quartier d’habitation des Européens ; les quartiers indigènes sont à l’extérieur de la ville ; les fractures sociales entre colons eux-mêmes et leur traduction dans l’espace. Compléments d’informations pour Alger Comme Saïgon, Alger est le symbole de la ville coloniale. Elle comprend en fait deux villes ; la ville ancienne, la Casbah, caractérisée par ses rues étroites, sinueuses, et la ville nouvelle qui est la ville européenne, celle du port et des bâtiments administratifs, des rues larges et rectilignes.

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Dans les deux cas, la ville européenne, de plan géométrique, se veut la représentation de la puissance du colonisateur mais aussi de son rôle missionnaire et civilisateur (palais du gouverneur, église, hôpital). Les indigènes sont relégués au pourtour de la ville dans un habitat traditionnel (Casbah à Alger et villages près des rizières à Saïgon) alors que les colons essaient de recréer en ville le cadre de vie métropolitain. On peut proposer de faire un tableau de synthèse à partir des deux villes pour montrer qu’il existe un modèle de la ville coloniale au-delà des différences entre les deux villes étudiées : Modèle de la ville coloniale La ville européenne

La ville indigène

Quartiers

Caractéristiques

Activités

Haut quartier Plusieurs quartiers distincts : Quartier des affaires (financier pour Saïgon, le port pour Alger) Quartier administratif Quartier de loisirs et d’habitation (près du quartier administratif).

Plan géométrique Bâtiments administratifs, religieux, palais des gouverneurs imposants Aménagement urbain (éclairage urbain, route asphaltée et rue bordée d’arbres).

Administration, commerce, loisirs, habitat. L’indigène y est employé mais n’y habite pas.

Quartier des colons pauvres à la périphérie du haut quartier et avant les faubourgs indigènes (Saïgon).

Peu d’aménagement

Habitat des colons pauvres et commerces indigènes.

Village ou ville des premiers habitants : Casbah d’Alger Faubourgs des villages indigènes à Saïgon.

À l’écart de la ville européenne. Petite taille.

Habitat de la population exclusivement indigène.

Pour aller plus loin : La documentation photographique n° 7042, La colonisation européenne. Avec d’autres exemples de villes.

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Chapitre 8 – Métropole et colonies

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Le rapport Brazza > MANUEL PAGES 238-239

Réponses aux questions 1. Identifiez les auteurs du rapport et leur fiabilité concernant les faits rapportés. Les auteurs du rapport sont tous des membres de l’administration française ; ils travaillent à partir des documents rédigés sur place par la mission Brazza. Ils rédigent un rapport objectif, fidèle aux documents collectés sur place par Brazza, ce que prouve le refus de l’administration de le rendre public. Cependant, par esprit de corps, ils minorent le rôle joué par le commissaire général, M. Gentil, et donc par l’administration française qu’il représente. 2. Expliquez pourquoi la source a été classée « confidentiel » et n’a pas été publiée. Le rapport n’a pas été publié car il est à charge pour l’administration française. Cette dernière a prêté son concours ou bien n’a pas empêché les exactions commises par les sociétés concessionnaires. Les mauvais traitements (prise d’otages, portages excessifs, violences, travail gratuit sous la contrainte) sont exposés de façon explicite et le gouvernement français pouvait craindre que la presse ne s’empare de la question comme ce fut le cas pour la Belgique, et surtout que l’opinion ne comprenne que ces abus n’étaient pas isolés mais nombreux et fréquents. En l’absence du rapport proprement dit, et bien que la lettre de Brazza ait été publiée, le système colonial français en Afrique, qui s’apparente à de l’esclavage, n’a pas été gravement dénoncé à ce moment-là et n’a donc pas été réformé jusque dans l’entre-deux guerres. C’est pourquoi il est à nouveau dénoncé dans les années 1920 (cf André Gide, Voyage au Congo (1926) et Albert Londres, Terre d’ébène, la traite des Noirs, 1929). 3. Analysez les différences entre le rapport confidentiel et la lettre écrite par Brazza. La responsabilité de l’administration française et surtout sur celle du commissaire général Gentil sont clairement dénoncées par Savorgnan de Brazza qui met en évidence les abus commis pour obtenir l’impôt de caoutchouc alors que le rapport fait plutôt porter la responsabilité des abus au régime concessionnaire.

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4. Montrez l’intérêt historique du rapport sur le Congo quant à la compréhension du système colonial en Afrique équatoriale française. Le rapport de 1905 est une source de première main pour comprendre le système colonial en Afrique équatoriale. Il met en évidence le rôle joué par les sociétés concessionnaires auprès de l’administration française à laquelle elles se substituent pour prélever l’impôt puisqu’elles ont le monopole de l’exploitation des terres. Ce système, qui permet à l’Etat de peu investir en Afrique en hommes et en capitaux, entraîne un traitement abusif de la population africaine soumise à l’arbitraire de ces concessionnaires. Il permet donc de comprendre comment l’esclavage qui a été officiellement aboli, est en fait rétabli, sans être nommé, sous la forme des réquisitions de main-d’œuvre gratuite. Il montre aussi l’écart entre la vision coloniale officielle et la réalité ainsi que l’importance des intérêts privés dans la politique coloniale. Enfin l’oubli même de l’existence de ce rapport (pourtant conservé aux archives) comme de son contenu, rend compte de la difficulté collective à assumer un passé colonial encore largement mal connu. À lire : le rapport publié en 2014 aux éditions « Le passager clandestin » avec une préface de Catherine Coquery-Vidrovitch sous le titre : Le rapport Brazza - Mission d’enquête du Congo : rapport et documents (1905-1907).

PASSÉ / PRÉSENT Quelles traces la colonisation a-telle laissées en NouvelleCalédonie ? > MANUEL PAGES 240-241 Compléments d’informations à propos de la colonisation de la Nouvelle-Calédonie : Au XVIIIe siècle, des navigateurs britanniques et français sillonnent le Pacifique en quête de découvertes. James Cook débarque le premier, en 1774, sur la Grande Terre qu’il baptise « New Caledonia », par référence au nom latin de l’Écosse, qu’elle lui rappelle. Ce sont ensuite les Français, Bruny d'Entrecasteaux et Huon de Kermadec qui y accostent le 7 juin 1792, et en 1825, Jules-SébastienCésar Dumont-d'Urville entreprend un relevé 10

Chapitre 8 – Métropole et colonies

des côtes de la Nouvelle-Calédonie. À partir de 1840, des missionnaires protestants et catholiques tentent de convertir les autochtones. La mission mariste française s’installe dans les îles en 1843 mais face à la résistance des autochtones, elle demande la protection de la marine de guerre. Dès 1844, les premiers militaires français débarquent donc sur la Grande Terre. Des violences sont commises à l’égard des Mélanésiens, qui ripostent jusqu’à ce que la marine française prenne possession, au nom de Napoléon III, de la Grande Terre et de l’île des Pins en 1853.  Doc 2. L’album de l’île des Pins L'Album de l'île des Pins comporte essentiellement deux récits suivis de Léonce Rousset : l'un, intitulé De France en Océanie, raconte en quatre pages le voyage des déportés ; l'autre, L'Ile des Pins, décrit l'île et ses habitants. Il nous reste treize illustrations de Massard.

Réponses aux questions 1. Relatez les différentes phases de peuplement de la Nouvelle-Calédonie. La Nouvelle-Calédonie était peuplée de kanaks, un peuple mélanésien dont on a retrouvé des traces jusqu’en 1100 avant notre ère. Après 1853 la France prend possession de l’île mais au début de la colonisation, peu de colons français s’y installent (777 colons en 1866, 2 752 en 1877). L’île est transformée en 1863 en colonie pénitentiaire. Les anciens condamnés au bagne reçoivent la concession de terrains, ce qui explique l’accroissement du nombre de colons européens, mais aussi d’Algériens comme ceux condamnés au bagne après la révolte d’El Mokrani (1871- 2000 Algériens). La colonisation modifie donc complètement le peuplement de l’île. 2. Pourquoi la France choisit-elle la Nouvelle-Calédonie pour y transporter ses condamnés ? D’après le document qui date de la fin du XIXe siècle, le choix de la Nouvelle-Calédonie s’explique à la fois par les qualités de l’île (climat tropical salubre, ressources, situation aux antipodes) et par la nécessité d’étendre la domination française sur un territoire encore peu exploité.

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3. Montrez l’importance du bagne dans l’histoire et le peuplement de l’île. Le bagne a transformé le peuplement de l’île qui s’est diversifié avec l’arrivée de populations nouvelles, européennes et algériennes. Et il a aussi modifié son histoire : l’État français a pris possession des terres kanakes qui ont été données en concessions aux anciens condamnés. 4. Expliquez les « conflits » de mémoire de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Les indépendantistes kanaks s’opposent à l’exaltation de la mémoire coloniale comme le montre le doc. 4 : la statue du gouverneur Olry est considérée comme un affront puisque ce dernier a réprimé durement la révolte indépendantiste du chef Ataï. En effet, après la révolte de 1878, les villages de l’insurrection ont été brûlés, la population dispersée et le territoire confisqué. Au nom de la mémoire kanake bafouée par la statue qui exalte, en plein centre de Nouméa, le souvenir héroïsé du gouverneur, la plaque a été enlevée en 1974 et une pétition a demandée récemment que la statue soit déboulonnée. Par ailleurs le doc 3, une photo du centre Tjibaou, met en évidence les efforts consentis pour rétablir la mémoire du peuple kanak dont la présence et la culture ont été écartés pendant la colonisation. Document complémentaire sur le peuplement de la Nouvelle-Calédonie : Recensement du 15 juin 1887 Nombre d’habitants de la NouvelleCalédonie Indigènes

41 874

Océaniens, immigrés provisoires

1 825

Bagnards

7 477

Individus libres

9 061 dont 1762 fonctionnaires, employés et familles 1714 militaires 5 585 civils (dont 4710 Français)

Total

60 237

Source : https://gallica.bnf.fr/blog/25072018/le-temps-dela-colonisation-penale-1864-1931https://hal.archivesouvertes.fr/hal-01612178/document

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CHAPITRE

9

1914-1918 : un embrasement mondial et ses grandes étapes › MANUEL PAGES 248 À 275

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE

OUVERTURE

L’intitulé du thème 4 (La Première Guerre mondiale : le « suicide de l’Europe » et la fin des empires européens) indique clairement la vision du conflit proposée, celle d’un point d’orgue dans lequel se conjuguent les différentes dynamiques du long XIXe siècle : affirmation des nationalismes et déchirement entre nations, industrialisation, modernisation et innovation, bouleversement de la hiérarchie des puissances. Pour le vieux continent européen, le conflit marque aussi une rupture : les puissances extra-européennes (États-Unis, Japon) s’affirment, la domination européenne sur le monde - spécialement la domination coloniale - est désormais contestée. Enfin, la Première Guerre mondiale signe la « fin des empires » : désagrégation des vieux empires européens multinationaux (empires austro-hongrois et russe), implosion de l’empire ottoman, dynamique du jeune Reich allemand brisée. La notion de « suicide » renvoie donc d’abord à un constat rétrospectif établi en sortie de guerre. Intitulé « La Première Guerre mondiale : un embrasement mondial et ses grandes étapes », le chapitre 9 ouvre l’étude du thème. Il est consacré à une approche événementielle du conflit, renouvelée par l’étude de certains théâtres d’opérations (le front d’Orient par exemple), par l’interrogation de son caractère mondial, comme par l’attention portée aux dimensions plurielles du combat (une guerre sur terre, sur mer, dans les airs). Son enjeu est essentiellement de transmettre des repères structurants, tant spatiaux que temporels. En témoignent particulièrement les points de passage et d’ouverture, tous centrés sur une bataille ou une offensive spécifiques. Deux études documentaires (l’une consacrée à la mémoire des mutineries, l’autre à l’apport des fouilles archéologiques à la connaissance historique) confèrent un éclairage plus large à cette lecture du conflit.

Les deux documents proposés ont vocation à interroger la situation sur le continent européen à l’aube du conflit (été 1914) et à son presque terme (juillet 1918). Centrés respectivement sur l’Europe et ses déchirements (document 1) et sur la victoire à venir par l’alliance des nations alliées autour de la France (document 2), leur mise en perspective pose d’emblée la question de l’extension du conflit et de sa dimension mondiale : d’un conflit né sur le sol européen à un conflit dont le règlement reposerait sur une intervention extra-européenne. Le choix de documents émanant du monde anglosaxon souligne cette dynamique. Surtout, leur confrontation permet de centrer l’étude sur la nature du conflit, en interrogeant le rôle de l’affirmation des nationalismes dans son déclenchement (document 1) comme celui de l’alliance de nations autour de valeurs universelles, ici portées par la France, dans sa résolution (document 2). La vision proposée par la mise en perspective de ces deux documents – du chaos à un ordre des nations – suggère un travail sur leur point de vue.

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› MANUEL PAGES 248-249

Doc 1. 1914 : la montée des tensions Cette carte humoristique britannique, qui porte en titre « Hark, Hark, The Dogs do bark » (Attention, les chiens aboient) a été créée par l’agence « Johnson, Riddel & Co » et publiée à Londres en 1914. Elle témoigne du succès que remportent à l’aube de la Grande Guerre des cartes de l’Europe usant de la personnification et/ou de l’animalisation des pays européens. On peut citer parmi les plus connues la Mappa Humorístico da Europa, produite en 1914 par l’illustrateur et peintre moderniste portugais António Soares (1894-1978), ou les Humoristische Karte von Europa im Jahre 1914, deux cartes publiées à Dresde en 1914 et réalisées par Karl Lehmann-Dumont. Outre son point de vue spécifique, l’intérêt de cette carte britannique tient à la richesse des niveaux de lecture : une illustration des périls qui

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Chapitre 9 – 1914-1918 : un embrasement mondial et ses grandes étapes

menacent l’Europe à l’été 1914, une mise en scène de la rivalité franco-allemande, une mise en récit de l’engrenage à l’œuvre, un tableau de la puissance des nations qui met en exergue la puissance britannique… (voir fiche d’exploitation pédagogique).

Doc 2. 1918 : l’alliance des nations Cette affiche américaine, placardée en France à l’été 1918, annonce un meeting organisé le 14 juillet 1918. Son message (« All for one and one far All ! Vive la France ») est repris dans un bref texte situé en bas (et coupé ici) : « Allied Tribute to France : July 14, at 8 p.m. Mass meeting on the French National Holiday to show we all stand together till we win Peace by Victory ». À l’été 1918, dans le contexte de la contre-offensive alliée dans laquelle les troupes américaines désormais présentes en nombre sur le territoire français sont appelées à jouer un rôle majeur, l’enjeu de cette affiche est de porter un message mobilisateur, et ce à double titre. D’une part, en préfigurant, de manière performative, la paix à venir. D’autre part, en mettant en exergue le rôle décisif joué par l’alliance des nations – que soulignent la formule « Un pour tous et tous pour un », l’emploi du terme « together », l’effacement derrière l’évocation de la seule France – dans la victoire. La composition de l’image – des lignes obliques privilégiées, l’essentiel de la scène tenant dans un triangle qui culmine au niveau du terme « and » – sert rigoureusement la démonstration. L’alliance entre les nations est soulignée par le cercle formé par les fantassins autour de la France, l’uniformité de leurs habits, la confusion des drapeaux qui mêlent leurs couleurs bleue, blanche et rouge (on distingue nettement le drapeau français, le drapeau des États-Unis, l’Union Flag et sans doute le drapeau italien orné du blason de la maison de Savoie). L’indistinction prévaut pour les soldats : deux sont sans doute des soldats français (tenue bleu horizon), deux autres des fantassins britanniques (des tommies), reconnaissables à l’habit kaki, au casque plat, au pantalon resserré aux jambes par des bandes molletières en laine. Cette indistinction, l’absence de mise en exergue de la participation spécifique des soldats américains, sert la mise en relief de la France. Placée à la croisée des lignes verticale et horizontale centrale, l’allégorie de la France est une femme qui renvoie tant à la Liberté, à la République (les couleurs du drapeau, le bonnet phrygien), qu’à une figure de la paysanne éternelle – dont elle porte les sabots. Cette idéalisation fait Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

écho à la formule empruntée aux mousquetaires (Un pour tous et tous pour un) et trouve son prolongement dans la représentation des sabres – le sabre au clair de la France qui mène le combat, les sabres unis des fantassins… La dynamique de l’affiche, suggérée par les lignes obliques, renforcée par la position du groupe central en contreplongée, est encore accentuée par la représentation de masses qui semblent arriver, de loin, sur le sol de France, pour poursuivre le combat vers la victoire finale.

REPÈRES › MANUEL PAGES 250-251 Les deux cartes proposées servent la construction d’une vision du conflit élargie à sa dimension mondiale. L’extension du conflit est soulignée par la similitude dans l’organisation des deux légendes, qui ouvrent toutes deux sur les États en guerre.

Réponses aux questions 1. Carte 1. Identifiez les différents fronts : comment les États de l’Entente comptent-ils faire céder les Empires centraux ? Distinguez l’évolution de la situation sur le front occidental et sur le front oriental entre 1914 et 1918. En dehors des deux principaux fronts (occidental et oriental) d’autres fronts existent en Europe (front italien, front des Balkans ou front d’Orient) et sur ses marges (Caucase, Mésopotamie, Palestine et Sinaï). Les Empires centraux doivent d’emblée combattre sur deux fronts. La multiplication des fronts, qui encerclent les Empires centraux, doit les contraindre à cesser le combat. Entre 1914 et 1918, l’évolution sur les deux fronts majeurs est très différente. À l’ouest, le front est vite figé et devient le théâtre de nombreuses batailles de longue durée qui ne parviennent pas à le percer. Seule la reprise de la guerre de mouvement au printemps 1918 autorise un déplacement de la ligne de front. À l’est en revanche, la distance qui sépare les lignes de front en 1914 et en 1918 est considérable. En 1914, malgré la victoire allemande de Tannenberg, la situation n’est pas tranchée : des territoires allemands ou austro-hongrois occupés par les Russes, des territoires russes occupés par les Allemands ou Austro-hongrois. Le déplacement de la ligne de front vers l’est, à plusieurs centaines de kilomètres des positions initiales, signale la désagrégation de l’empire russe, dont une partie conséquente du territoire passe, 2

Chapitre 9 – 1914-1918 : un embrasement mondial et ses grandes étapes

entre 1915 et 1918, sous contrôle allemand. Avec le traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918), la Russie perd ses droits territoriaux sur de nombreux territoires, dont l’Ukraine, la Biélorussie, les futurs États baltes… 1. Le conflit implique immédiatement les colonies et dominions. Relevez au moins deux manifestations de cette implication. Montrez que les pays de l’Entente sont en position de force dans le cadre d’une guerre sur mer. Parmi les manifestations de l’implication des dominions et colonies peuvent être relevés l’envoi de troupes comme le fait que les colonies soient aussi des théâtres d’opération. La légende signale par ailleurs que les colonies ou dominions sont en guerre dès lors que leurs métropoles le sont. Dans le cadre d’une guerre sur mer, les pays de l’Entente tirent leur force de leurs possessions coloniales, qui forment autant d’étapes pour la maîtrise des routes maritimes. Les différentes batailles navales mentionnées (Falklands, Jutland) témoignent de la puissance navale des Alliés, spécialement de la Royal Navy britannique. Le blocus organisé à l’encontre de l’Allemagne est une autre manifestation d’un rapport de force déséquilibré au profit des Alliés.

COURS 1 Les origines de la Première Guerre mondiale › MANUEL PAGES 252-253

Réponses au Testez-vous ! Identifiez au moins trois facteurs majeurs de déstabilisation de l’équilibre européen Les principaux facteurs de déstabilisation de l’équilibre européen sont d’ordre politique et/ou géopolitique. L’ordre européen est d’abord mis à l’épreuve par le mouvement des nationalités, particulièrement dans les Balkans, où l’affirmation de la Serbie contribue à la désagrégation de l’empire ottoman et à l’exacerbation de la rivalité entre empires russe et austro-hongrois. L’affirmation de la puissance allemande, d’abord économique, est le second facteur majeur de déstabilisation car elle trouve son prolongement dans l’expression de revendications qui remettent en cause la hiérarchie des puissances coloniales et débouchent sur des crises (crises d’Agadir). Le troisième facteur qui peut être relevé tient dans la préparation des États, comme des esprits, à la guerre. Si la construction Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

de systèmes d’alliances ou la course aux armements ne rendent pas, en soi, le conflit inéluctable, elles participent à la déstabilisation d’un consensus noué autour de la paix en Europe. Expliquez pourquoi les systèmes d’alliances sont souvent présentés comme un engrenage Les systèmes d’alliance (Triple Alliance, Triple Entente) sont présentés comme un engrenage au sens où ils lient étroitement les États signataires entre eux. Si l’un des États membres d’une alliance s’estime menacé, voire agressé, il peut recourir à l’assistance des autres États signataires. De plus, les États signataires de ces alliances sont eux-mêmes engagés par des accords bilatéraux avec certains pays, comme la Russie avec la Serbie. La mobilisation de l’un entraîne ainsi la mobilisation de l’autre, dans une réaction en chaîne. Pourquoi l’attentat de Sarajevo est-il le déclencheur de la guerre ? L’attentat de Sarajevo est le déclencheur de la guerre parce que, dans la situation explosive qui caractérise les Balkans (deux guerres balkaniques en 1912-1913 permettent à la Serbie d’affirmer ses prétentions à l’échelle régionale), cet événement est un prétexte savamment utilisé pour mettre à l’épreuve les alliances : l’assurance du soutien allemand autorise la diplomatie hongroise à hausser le ton. Pour autant, dire que Sarajevo est l’étincelle qui met le feu aux poudres ne suffit pas à régler la question des causes de la guerre, largement centrée sur celle des responsabilités dans le débat historien. Longtemps dominante, la thèse de la responsabilité allemande a récemment été relativisée par Christopher Clark, qui met en avant le rôle belligène de la Serbie, et donc ceux de la France et de la Russie et, plus généralement, défend l’idée d’une responsabilité partagée de dirigeants européens qui auraient concouru aveuglément au déclenchement de la guerre. Gerd Krumeich combat cette thèse qui équivaut tant à minimiser la responsabilité allemande qu’à proposer la vision d’un été serein brutalement interrompu par la guerre. CLARK Christopher, Les somnambules : Été 1914 : comment l'Europe a marché vers la guerre, Paris, Flammarion, 2013. KRUMEICH Gerd, Le feu aux poudres. Qui a déclenché la guerre en 1914 ? Paris, Belin, 2014.

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Chapitre 9 – 1914-1918 : un embrasement mondial et ses grandes étapes

COURS 2 Les phases de la guerre sur les différents fronts européens › MANUEL PAGES 254-255

Réponses au Testez-vous ! Comment passe-t-on d’une stratégie offensive à une stratégie défensive en 1914 ? Le passage d’une stratégie offensive à une stratégie défensive s’effectue rapidement à l’automne 1914, du fait de l’échec des plans d’attaque initiaux. À l’ouest en effet, le plan Joffre échoue à éviter l’invasion du territoire français. La stratégie offensive allemande (plan Schlieffen) est, dans un premier temps, plus convaincante, l’Allemagne gagnant la bataille des frontières. Mais la bataille de la Marne, en stoppant l’offensive allemande, oblige les deux protagonistes à adopter une stratégie défensive : tenir ses positions, les renforcer par une avancée ou empêcher toute avancée, selon le cas. Montrez que le front occidental reste le théâtre majeur des opérations tout au long du conflit. Stabilisé à l’automne 1914 à l’issue de la « course à la mer » (tentative de débordement mutuel des forces en présence), le front occidental est le théâtre majeur des opérations du fait de son ampleur (800 kilomètres de la mer du Nord à la Suisse). Il mobilise donc l’essentiel des troupes, de l’Entente comme de l’Alliance. C’est par ailleurs sur ce front qu’ont lieu les batailles les plus longues et les plus meurtrières de la guerre (Verdun, la Somme, mais aussi le Chemin des Dames, ou la seconde bataille de la Marne). Caractérisez le front des Balkans. Comme les autres fronts, le front des Balkans est créé par suite de l’échec d’une stratégie offensive, ici l’offensive des Dardanelles. Il se caractérise d’abord par sa date assez tardive. Surtout, il se distingue des autres fronts par la composition des troupes mobilisées côté Alliés : un appel massif aux troupes des dominions (spécialement l’ANZAC), une armée française d’Orient à l’itinéraire particulier. Autre caractéristique : le nombre des protagonistes, rangés du côté des Alliés comme la Serbie puis la Grèce, ou du côté des Empires centraux comme l’Empire ottoman puis la Bulgarie. Enfin, le front des Balkans se singularise par sa longévité, puisque les opérations dans les Balkans se prolongent au-delà de l’armistice de novembre 1918.

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COURS 3 Guerre européenne, guerre mondiale, quelle mondialisation du conflit ? › MANUEL PAGES 256-257

Réponses au Testez-vous ! Identifiez au moins trois raisons pouvant expliquer l’implication de pays extra-européens dans la guerre. La domination coloniale est la première raison expliquant l’extension du conflit hors Europe. En dehors de cette mobilisation inégalement voulue (il convient de distinguer la mobilisation forcée dans les colonies de l’appel au volontariat dans les dominions), on peut relever l’implication de pays extra-européens animés par une volonté d’expansion à la faveur du conflit : c’est particulièrement le cas du Japon, dont la guerre contre l’Empire allemand est l’occasion de conquérir ses possessions dans le Pacifique (îles Mariannes, Marshall, Carolines). La difficulté pour les pays exportateurs de conserver leur neutralité dans le contexte de la guerre sous-marine à outrance explique aussi l’entrée en guerre des États-Unis comme du Brésil. Enfin, l’implication de certains pays peut relever de préoccupations géopolitiques, dans la perspective de l’après-guerre (exemple de la Chine qui veut garantir son indépendance territoriale face aux prétentions du Japon). Pourquoi peut-on qualifier les colonies françaises et britanniques d’arrière-front ? Les colonies françaises et britanniques peuvent être qualifiées d’arrière-front dans la mesure où, situées très à l’arrière du front, elles en autorisent l’existence. D’abord en constituant le vivier dans lequel les belligérants européens puisent pour abonder l’effectif de leurs troupes. Ensuite en représentant un véritable réservoir de ressources, exploité en temps de guerre comme il l’était déjà en temps de paix. Le territoire des colonies, escales essentielles à la marine marchande comme à la marine de guerre, forme aussi une base majeure à la poursuite du conflit. Enfin, on peut ajouter que la mobilisation humaine constitue aussi un apport non négligeable pour l’industrie de guerre, spécialement française (emploi conséquent de travailleurs indochinois dans les industries d’armement). Quel(s) lien(s) peut-on faire entre la dimension mondiale du conflit et la guerre maritime ? 4

Chapitre 9 – 1914-1918 : un embrasement mondial et ses grandes étapes

Comme la guerre est d’emblée une guerre sur mer (affrontements entre marines de guerre britannique et allemande), la guerre maritime participe à la dimension mondiale du conflit. L’une des plus importantes batailles navales de la guerre a lieu dans les Falklands, à des milliers de kilomètres du continent européen. De plus, la guerre maritime à outrance initiée par l’Allemagne pour répondre au blocus maritime qui lui est imposé contribue à l’extension mondiale du conflit : les États-Unis entrent dans le conflit en avril 1917 d’abord pour défendre une liberté des mers essentielle à leur puissance commerciale. Enfin, la dimension mondiale du conflit liée à la mobilisation des colonies oblige aussi les puissances coloniales, spécialement la Grande-Bretagne, à conserver la maîtrise des mers, donc à livrer une guerre maritime. Guerre maritime et dimension mondiale du conflit sont donc intimement liées.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Les batailles de l’été 1914 : Tannenberg (26-30 août 1914) / La bataille de la Marne (6-13 septembre 1914) > MANUEL PAGES 258-259 Le programme associe les batailles de Tannenberg et de la Marne (les batailles de l’été 1914) dans un point de passage et d’ouverture qui peut éclairer l’échec de la guerre de mouvement et le passage à une guerre de position. L’étude de documents associe les deux batailles dans une approche résolument symétrique : même questionnement, même type de documents proposés (une carte, une carte postale), une mise en activité qui conduit à la confrontation. Choix des documents La carte postale illustrée, dont l’usage se développe pendant la Révolution industrielle, connaît son âge d’or au début du XXe et devient un support majeur de la correspondance entre les familles. Dans le contexte du conflit, elle s’impose comme un outil de contrôle de l’opinion. Son usage est encouragé par les autorités militaires car elle facilite la censure. Surtout, elle est un vecteur de propagande idéal, qui permet la diffusion de visions orientées des événements en cours. À ce titre, elle participe au gouvernement des esprits.

En équipes

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L’activité proposée repose sur un travail de groupe (4 élèves dans l’idéal), dans lequel l’étude de chacune des batailles est réalisée par un binôme puis objet d’une mise en commun au sein du groupe, destinée à être présentée à l’oral par l’un des membres du groupe. Elle permet donc de travailler l’oral lors de l’échange au sein du binôme puis du groupe (capacité à argumenter) comme à l’occasion de l’exposé individuel (capacité à communiquer). Équipe 1. Expliquez le déroulement et les conséquences de la bataille de Tannenberg. Vous mettrez en évidence le héros national célébré à l’occasion de cette bataille. La carte montre les victoires russes initiales, l’avancée maximale des troupes russes, la menace que fait immédiatement peser sur le territoire allemand le rouleau compresseur russe. La riposte allemande est rapide (dès le 26 août), efficace (dès le 30 août, victoire acquise à Tannenberg), et autorise un retournement de situation et l’avancée considérable des troupes allemandes. Hindenburg, général en retraite, est présenté comme l’artisan majeur de cette victoire. Équipe 2. Expliquez le déroulement et les conséquences de la bataille de la Marne. Vous mettrez en évidence le héros national célébré à l’occasion de cette bataille. La carte montre la mise en œuvre des plans offensifs, l’invasion de la Belgique, le caractère foudroyant de la percée allemande, le coup d’arrêt représenté par la contre-offensive franco-anglaise sur la Marne, le gel des positions occupées par les armées et donc la naissance d’un front (premières tranchées allemandes). La bataille de la Marne a pour résultante le passage à la guerre de tranchées. Autre conséquence : l’apologie de Joffre, laquelle, par la valeur conférée au chef militaire, doit servir la confiance dans la victoire. Mise en commun La comparaison des deux batailles et de leurs conséquences peut être effectuée dans un tableau, support à la mise en évidence des points communs et des différences.

Situation initiale

Tannenberg

La Marne

Points communs/différe nces

Offensive russe victorieuse

Application plan Schlieffen

L’Allemagne au cœur.

Offensive allemande victorieuse // retraite fran-

Se battre sur deux théâtres…

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Chapitre 9 – 1914-1918 : un embrasement mondial et ses grandes étapes çaise Situation finale

Victoire de Tannenberg, puis des lacs Mazures

Coup d’arrêt de l’avancée allemande

Armée russe repoussée. Avancée allemande sur le territoire.

Création des premières tranchées.

Le héros national

Général HINDENBURG

Général JOFFRE

Des militaires de la génération précédente.

Apport de la carte postale

Une bataille qui oppose deux armées très différentes : cosaques / fantassins.

Une image dont la composition privilégie des références militaires (la médaille militaire, le texte de sa remise, la référence à l’armée soudée « soldats » et « généraux »). Une armée au service de la Nation : représentation de la France en armes, armée d’un sabre et brandissant les lauriers de la victoire.

Un médaillon dans les deux cas. Un héros en surplomb.

Conséquences

Le portrait de Hindenburg est associé à la charge inutile des cosaques, il est donc l’artisan de leur défaite.

Dénouement imprévu dans les deux cas

Un front figé/un front mouvant Des territoires occupés par l’Allemagne à l’ouest comme à l’est.

Même insistance sur la victoire.

Oral conclusif de l’étude : Centré sur la mise en perspective des deux batailles, l’oral prend appui sur la dernière colonne. Il peut mettre en évidence : - La situation initiale, en centrant le propos sur l’Allemagne ; - La situation finale ; - La construction de héros nationaux. Peuvent être évalués : - Son caractère synthétique et l’exploitation des documents, spécialement des cartes ; Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

- La clarté de la présentation (aisance, distance par rapport aux notes, choix du vocabulaire…).

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE L’empire britannique au combat : les Dardanelles (1915) > MANUEL PAGES 260-261 L’offensive des Dardanelles (1915), point de passage et d’ouverture proposé par le programme, est présentée de manière à permettre le traitement de l’implication des empires coloniaux britanniques et français. Son étude permet aussi d’illustrer l’extension progressive du conflit comme son enlisement. Choix des documents La mobilisation des forces australiennes est au cœur de l’étude. Le document 2, photographie des artilleurs australiens en tenue adaptée aux fortes chaleurs, est révélateur de la déclinaison de la guerre de position hors cadre « traditionnel ». Il permet d’évoquer les conditions sanitaires effroyables subies par les combattants comme les difficultés logistiques. Le document 3 (affiche australienne de recrutement de 1915) éclaire les modalités du recrutement dans les dominions. En 1915, de nombreux Australiens ont déjà rejoint les rangs de l’Australian Imperial Force (AIF), créée dès le début du conflit. En novembre 1914, les volontaires de l’AIF – et, parmi eux, ceux qui forment spécifiquement l’ANZAC (Australian New Zealand Army Corps) – ont rejoint l’Égypte pour y être entraînés. C’est depuis l’Égypte qu’ils gagnent les Balkans et participent à l’offensive des Dardanelles. Le débarquement du 25 avril 1915 et la poursuite des opérations sur la péninsule de Gallipoli sont effroyablement meurtriers : plus de 7000 morts et près de 20 000 blessés. L’Australie multiplie donc les campagnes de recrutement pour abonder les forces de l’AIF.

Réponses aux questions 1. Doc 1. Dans quel contexte se déroule l’offensive des Dardanelles ? Quels sont les enjeux militaires de cette opération navale, puis terrestre ? L’offensive des Dardanelles, déclenchée au printemps 1915, se déroule dans un contexte doublement défavorable aux Alliés : un combat enlisé à l’ouest, une menace pesant sur le ravitaillement de

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Chapitre 9 – 1914-1918 : un embrasement mondial et ses grandes étapes

l’Empire russe du fait de la décision de l’Empire ottoman de bloquer le détroit des Dardanelles. Ses enjeux sont donc de créer une diversion pour rendre une mobilité stratégique au conflit et de percer les détroits pour rompre l’isolement de la Russie et anéantir l’ennemi ottoman. L’opération navale, tenue en échec par les batteries ottomanes, se mue en opération terrestre (débarquement sur la péninsule de Gallipoli), destinée à anéantir les lignes de défense ennemies pour créer les conditions d’une possible mainmise sur les détroits. 2. Doc 1 et 2. En quoi l’offensive des Dardanelles illustre-t-elle à la fois la guerre de mouvement et la guerre de position ? L’offensive des Dardanelles illustre la guerre de mouvement par sa mise en œuvre (une attaque navale massive, des débarquements d’hommes en nombre) censée autoriser une victoire rapide. Mais les délais mis au déclenchement de ces opérations (l’offensive navale, prévue à l’hiver 1914-1915 est différée ; de même, les débarquements n’ont pas lieu immédiatement ce qui laisse le temps aux troupes ottomanes de préparer le terrain), la qualité de la défense organisée par les troupes turques, comme les caractéristiques du terrain (un détroit qui est un goulet d’étranglement dans lequel les navires sont sous le feu des batteries ottomanes, des plages de débarquement situées en contrebas des positions turques renforcées) transforment l’offensive en guerre de tranchées. L’immobilisation du conflit se lit au face-à-face qui oppose les forces alliées et les positions turques (document 1), aux batailles qui les opposent, comme au creusement de tranchées depuis lesquelles les forces en présence défendent, à grand renfort d’artillerie, leur position (document 2). 3. Doc. 3 et Info. Commentez le poids numérique du recrutement opéré en Australie. La faiblesse relative du chiffre porté sur l’affiche – 50 000 hommes – s’explique par le fait qu’il s’agit de campagnes de recrutement successives. Au total, ce sont 420 000 Australiens qui ont été mobilisés, ce qui place l’Australie en troisième position parmi les territoires de l’Empire. L’Australie représente à elle seule 15 % des soldats de l’Empire britannique mobilisés. L’infographie met en évidence une mobilisation supportée pour moitié par les colonies (l’Inde et les colonies africaines) et par les dominions. 4. Doc. 3 et 4. En Australie, le recrutement des volontaires s’inscrit dans la fidélité à l’Empire

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britannique et renforce le sentiment national. Justifiez cette affirmation. L’affiche de recrutement montre la fidélité à l’Empire britannique : il s’agit d’une « promesse », qui relie l’Australie à la Grande-Bretagne comme elle relie l’Australie à ses habitants (YOU/US). L’affiche met en scène une colonne indistincte de laquelle émerge un soldat reconnaissable à son chapeau mou aux larges bords, le slouch hat. Le kangourou, animal emblématique de l’Australie réputé pour ne jamais reculer, semble guider la marche. Signe de la fidélité du dominion à l’Empire, le recrutement des volontaires contribue à renforcer sa cohésion. En témoignent l’accusation de « subversion » formulée à l’encontre de ceux « qui ne soutenaient pas avec assez d’enthousiasme l’effort militaire », comme le surnom « digger », qui fait du soldat des tranchées le dernier héros australien (document 4). Le sacrifice consenti – 60 000 australiens morts – « gonfla la fierté nationale » (document 4). 5. Synthétiser Rédigez un bref texte caractérisant la contribution des dominions à l’effort de guerre britannique sur le front d’Orient. Le texte attendu, centré sur les seuls dominions, répond partiellement à la question clé et permet d’opérer une synthèse, dont la difficulté réside dans la nécessité de caractériser cette contribution donc d’en relever les éléments saillants, distinctifs. On peut ainsi proposer le plan suivant : - Une contribution massive reposant sur l’appel au volontariat ; - Une contribution qui équivaut à baptême du feu dans des conditions éprouvantes ; - Une contribution qui impose un sacrifice. L’enjeu est de travailler la capacité à centrer le propos et à argumenter, chaque idée devant prendre appui sur un exemple précis extrait des documents. Itinéraire 2 Réalisez une carte mentale. Centrée sur l’engagement des soldats australiens sur le front d’Orient, la carte mentale doit en faire apparaître les causes (Pourquoi ?), les modalités (Comment ?) mais aussi la portée. La réalisation de la carte mentale repose sur une prise en compte globale des documents, organisée en fonction des trois axes proposés. Elle mobilise donc deux opérations de difficulté inégale : un prélèvement d’informations, une mise en évidence des idées illustrées par ces informations.

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Chapitre 9 – 1914-1918 : un embrasement mondial et ses grandes étapes

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE La bataille de la Somme, juilletnovembre 1916 > MANUEL PAGES 262-263

Réponses aux questions 1. Doc. 1 et 4. Localisez précisément la ligne de front et les gains de territoire réalisés. Au 1er juillet 1916, la ligne de front traverse l’est du département de la Somme, depuis Beaumont jusqu’à Chaulnes, sur une trentaine de kilomètres. Six mois après, la ligne de front a été repoussée vers l’est, sur une profondeur maximale de moins de 10 kilomètres. Les gains de territoires réalisés sont donc très faibles. Le communiqué britannique du 15 septembre 1916 (doc. 4), publié dans la presse française le lendemain, permet de visualiser cette difficulté inégale à progresser puisqu’il évoque des combats à proximité de Thiepval mais aussi de Combles. Surtout, en faisant état de « succès considérables », d’avancées « en certains endroits jusqu’à deux et trois kilomètres », près de trois mois après le déclenchement de l’offensive et à proximité immédiate de la ligne de front initiale, il témoigne en creux de la difficulté à percer. 2. Doc. 3 et 4. Relevez les expressions qui témoignent du caractère nouveau du combat Le journal du soldat Frank Walter (doc. 3) décrit sa fascination, et celle des soldats d’infanterie, face à la nouveauté que représentent les combats aériens, qui proposent « là-haut dans les nuages » des « tournois », des « duels » qualifiés de « grandioses », qui interrompent le rythme traditionnel de la guerre (« l’activité guerrière s’était arrêtée »). L’utilisation des chars (« un nouveau modèle d’auto blindée lourde »), dont le surnom destiné à tromper l’ennemi signale la nouveauté, est relatée dans le communiqué britannique du 15 septembre 1916. 3. Doc. 1 à 5. Pourquoi la bataille de la Somme est-elle parfois considérée comme le « Verdun des Britanniques » ? La bataille de la Somme implique les forces anglaises et françaises (51 divisions contre 48) sur une ligne de front tenue par les deux forces à part égale et dans un combat commun, ce que traduit le relais donné aux communiqués britanniques par la presse française (doc. 4). C’est cependant la première fois que les forces anglaises engagent autant d’hommes dans une offensive, Anglais mais aussi volontaires venus de tout l’Empire et particulièrement des dominions britanniques. La participation Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

des volontaires canadiens (à laquelle fait écho le journal du soldat Franck Walter, doc. 3) est massive. Surtout, ce sont les Britanniques qui paient majoritairement le prix du sang (Chiffres clés). Le caractère extrêmement meurtrier de la bataille est représenté crûment par l’œuvre de Sir William Orpen (doc. 5). Le fait que la Grande-Bretagne ait fait appel à des peintres officiels pour représenter le conflit montre l’importance qui lui est attachée. L’expression « Verdun des Britanniques » suggère que la bataille de la Somme tient une place similaire, pour les Britanniques, à celle qu’occupe Verdun pour les Français : une offensive qui mobilise toutes les forces, mais aussi un sacrifice tel que la bataille incarne la Grande Guerre dans les mémoires. En témoigne l’importance du tourisme mémoriel émanant de ressortissants des pays du Commonwealth dans la Somme (plus de 200 000 touristes tous les ans). 4. Doc. 1 à 5. Les nouvelles armes utilisées lors de la bataille de la Somme montrent-elles leur efficacité ? Justifiez votre réponse. Les nouvelles armes utilisées lors de la bataille de la Somme (avion, char) sont présentées positivement par les documents, qui évoquent les « prouesses » des aviateurs et « les grands services » rendus par les chars. Néanmoins, leur efficacité ne semble pas probante puisque leur utilisation ne permet pas d’effectuer la percée espérée. L’infanterie continue à payer le prix fort d’offensives qui exigent toujours plus de combattants (près de 3 millions de soldats engagés de part et d’autre dans la Somme). Synthétiser 5. Sous la forme d’un organigramme, d’un tableau, ou d’une carte mentale, mettez en évidence les caractéristiques de la bataille de la Somme : une guerre moderne et industrielle, une guerre mondiale, une guerre meurtrière. Le choix du tableau, rempli à l’aide des informations prélevées, en autorise le classement en fonction des trois axes indiqués. Un tableau à double entrée : axes/documents permet de vérifier la bonne compréhension des informations et de leur intérêt (capacité à restituer). La carte mentale, organisée à l’identique selon les trois axes, autorise une hiérarchisation plus fine de l’information et un regroupement des documents (capacité à organiser). Le choix de l’organigramme est destiné à la mise en évidence des relations entre les informations mais aussi entre les axes (capacité à raisonner). Itinéraire 2 – Préparer un exposé 8

Chapitre 9 – 1914-1918 : un embrasement mondial et ses grandes étapes

Montrez que la bataille de la Somme est une bataille d’un genre nouveau. Le choix de l’itinéraire 2 met à l’épreuve la compétence orale. L’exposé, qui doit faire la démonstration du caractère nouveau de la bataille de la Somme, peut être organisé autour des différents éléments attestant ce caractère : - l’introduction d’armes nouvelles dans le cadre d’une guerre moderne et industrielle ; - le recours à des troupes venant du monde entier ; - le bilan effroyable de la bataille. Il prend par ailleurs appui sur un ou des documents du corpus, qui doivent être correctement exploités. La durée impartie à l’exposé peut être limitée (une dizaine de minutes). L’exposé peut être suivi d’un temps de questions. En particulier, les limites de la consigne pourraient être interrogées, de manière à donner toute sa mesure à la question clé posée par l’étude : En quoi la bataille de la Somme est-elle une bataille d’un genre nouveau ? La formulation « En quoi » invite en effet à éclairer le caractère neuf du conflit donc à interroger ses modalités (de quelle manière ?), tout en cherchant à discuter ce caractère novateur (dans quelle mesure ?). Dans ce cas, l’exposé permet d’évaluer : - un oral de communication (qualité de l’élocution, clarté du propos, qualité de la présentation) ; - un oral d’argumentation (choix des documents, pertinence de l’information retenue) ; - un oral de réactivité (justification, raisonnement sur les limites).

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Les fouilles de sépultures > MANUEL PAGES 264-265

Réponses aux questions 1. Dans quel contexte cette sépulture a-t-elle été découverte ? Pourquoi cette découverte est-elle surprenante ? Cette sépulture est découverte par les archéologues de l’INRAP dans le cadre d’une mission confiée à l’occasion de travaux d’aménagements effectués ici dans la région de Reims. La loi de 2001 sur l’archéologie préventive prévoit en effet la création d’un organisme public (l’INRAP, créé en 2002) chargé d’effectuer un diagnostic et des fouilles préventives lors de la réalisation d’aménagements, de manière à éviter la disparition de vestiges (comme le site gallo-romain de Rodez, Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

presque entièrement détruit par un aménageur en 1997). Le territoire concerné par les fouilles se situe dans le département de la Marne, traversé par le front, théâtre des deux batailles de la Marne, impliqué par les offensives de Champagne. Le caractère surprenant de la découverte vient de la conviction que le transfert des restes humains vers des nécropoles, réalisé dans les années 1920, avait concerné l’ensemble des corps inhumés dans ce cimetière provisoire installé dans une commune occupée par les Allemands pendant le conflit. Or, les fouilles montrent que de nombreux soldats ont été oubliés, quand certains ont été partiellement transférés. 2. Quelles difficultés, matérielles et morales, pose la fouille d’une sépulture de la Grande Guerre ? Toute fouille, particulièrement de sépulture, suppose des opérations minutieuses et délicates : enlèvement de la première couche du sol, travail à la truelle et au pinceau. Dans le cas des sépultures du cimetière de Boult-sur-Suippe, la difficulté spécifique tient à l’inégal transfert des corps : l’imprécision avec laquelle a été effectuée l’exhumation des années 1920 – des plaques d’identité prélevées sans que le corps ne le soit, des squelettes partiellement prélevés… – ajoute une difficulté supplémentaire au travail des archéologues. L’espoir de rendre une identité aux défunts, dans un travail qui touche à l’intime, ajoute une dimension morale aux difficultés rencontrées. 3. En quoi la présence de sépultures collectives témoigne-t-elle de la violence de guerre et de la mort de masse ? La présence de sépultures collectives (à Boult-surSuippe, jusqu’à 12 individus) témoigne de la mort de masse. Des hommes ont été tués en nombre, dans des conditions d’extrême violence (corps enfoui dans la terre du champ de bataille) impliquant une gestion sommaire de la mort : inhumations provisoires (sur le champ de bataille, le défunt est récupéré par des équipes sanitaires, enveloppé dans sa toile de tente individuelle qui fait office de linceul, puis mis en bière à l’arrière, souvent dans des cimetières provisoires), regroupement de corps, parfois par défaut d’identification, le plus souvent par manque de temps du fait de la mortalité journalière. Pour autant, la tombe des Grimsby Chums évoquée dans le document 4 témoigne de la sollicitude avec laquelle les soldats ont cherché, malgré ces conditions effroyables, à rendre hommage à leurs frères

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d’armes, ici par la disposition des corps « au coude à coude ». 4. Pourquoi les sources archéologiques de la Grande Guerre sont-elles particulièrement fragiles ? La fragilité des sources archéologiques de la Grande Guerre tient à l’ampleur du territoire concerné par les combats – particulièrement sur le front occidental – et donc à la dispersion des traces. Les tranchées forment ainsi d’immenses dépotoirs, qui recèlent des sources (déchets, détritus) dont la conservation est soumise aux aléas d’un terrain non préservé. L’exemple du cimetière oublié de Boult-sur-Suippe témoigne aussi de la difficulté à présumer de la localisation des sources. Le chiffre des disparus est éloquent : 700 000 soldats sont encore ensevelis dans les champs de bataille. 5. Montrez que l’histoire et l’archéologie se conjuguent pour permettre une meilleure connaissance de la guerre. En s’intéressant de près à la Grande Guerre, l’archéologie éclaire la connaissance historique en exhumant littéralement des sources nouvelles. La connaissance de la vie quotidienne au front, abordée traditionnellement par le biais des journaux tenus par les soldats dans les tranchées ou par leur correspondance, s’enrichit des objets personnels exhumés à proximité des corps, des objets du quotidien (pipes, stylos-plumes, montres, couteaux…), dont certains témoignent de l’attachement à la patrie et à ses chefs (comme le portrait du général Hindenburg au dos d’un miroir) ou de la piété des combattants (médailles pieuses). La découverte de plaques d’identification, qui autorise l’éventuelle identification du défunt, trahit le non-respect du règlement allemand, selon lequel les effets militaires devaient être récupérés. L’étude anthropologique permet de documenter l’expérience combattante (éclats d’obus, plaies infectées…) comme la chirurgie de guerre (nombreuses amputations, réalisées dans l’urgence comme le signalent les traces de découpe sur les os).

PASSÉ / PRÉSENT Quelle place dans la mémoire nationale pour la désobéissance et les refus de guerre ? > MANUEL PAGES 266-267

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Réponses aux questions 1. Doc. 1. Que nous apprend ce tract sur les mutineries de 1917 ? Montrez que les mutineries de 1917 s’inscrivent dans un contexte particulier et dans un mouvement plus vaste de désobéissance. Le terme de tract peut surprendre : il est utilisé pour désigner l’intention portée par ce message écrit au verso d’une carte postale militaire, pour le moins détournée ici de sa fonction première. Le message, émanant de soldats à destination d’autres soldats, vise à diffuser l’information sur la mutinerie initiée par les soldats du 3e corps (« Savez-vous ce qui se passe… ? ») de manière à favoriser la propagation du refus : « Faîtes en tous autant ». La mutinerie apparaît comme un refus « de monter ». Le tract nous informe donc sur le fait que la mutinerie concerne au premier chef les soldats qui sont dans les cantonnements de l’arrière-front. C’est un mouvement qui est réfléchi, comme le montre la mention de l’absence d’alcool et celle du « silence ». Ce refus de combattre, qui témoigne d’un refus de la guerre (évocation d’un futur de paix), est un refus collectif : le texte évoque le groupe que forme le 3e corps, utilise le « nous ». Les mutineries de 1917 s’inscrivent dans le contexte particulier du déclenchement de l’offensive du Chemin des Dames, une énième offensive déclenchée par le général Nivelle. Le mouvement de désobéissance est plus vaste puisque l’arrière est concerné (grèves dans l’industrie française), la contestation s’inscrivant par ailleurs dans un contexte plus large (Première Révolution russe, mais aussi grèves et mutineries dans les différents pays en guerre). Enfin, la désobéissance n’est pas spécifique à 1917 : la désobéissance militaire existe depuis 1914. Et elle est sanctionnée depuis cette date : sur les 617 fusillés de la Grande Guerre, les deux-tiers le sont en 1914 et 1915. 2. Doc. 4 et 5. En 2017, la commémoration de la bataille du Chemin des Dames est une première : pourquoi ? Dans le cadre du programme commémoratif du Centenaire de la Première Guerre mondiale, 2017 permet de commémorer 1917, donc la bataille du Chemin des Dames restée « dans le silence » (doc.4). D’après le discours officiel de François Hollande, cette relégation tient au fait que cette bataille est associée à l’échec et aux mutineries. Déclenchée le 16 avril 1917 entre Soissons et Reims, elle est exemplaire de l’obstination aveugle des chefs militaires (ici, le général Robert Nivelle, à la tête des armées françaises en remplacement de Joffre depuis décembre 1916). Bien que 10

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la percée espérée n’ait pas lieu et que l’échec de l’offensive soit d’emblée manifeste, le général Nivelle poursuit bien au-delà de sa promesse d’une offensive en 24 ou 48 heures. On dénombre 30 000 morts et 100 000 blessés en 10 jours ! Le remplacement de Nivelle par Pétain le 15 mai 1917 ne signe pas l’arrêt de la bataille. Le Chemin des Dames est donc bien, comme le dit François Hollande, un « Chemin des Morts ». Surtout, cette bataille ravive le souvenir des mutineries, ce moment où « des milliers ont un jour refusé d’obéir » (doc. 4). Sa commémoration est donc « délicate », comme le souligne le directeur de la Mission du Centenaire (doc. 5) car elle convoque deux mémoires : une « mémoire d’extrême gauche », favorable à la commémoration des mutineries, et une « mémoire plus patriotique, plus militaire », qui y est farouchement opposée. 3. Doc. 1 et 4. Quelle vision des mutineries est proposée par le discours officiel ? Confrontez cette vision avec celle portée par les documents de 1917. Dans le discours officiel (doc.4), les mutineries s’inscrivent dans un contexte d’épuisement des soldats, lié à la durée du conflit (« 30 mois de guerre »), aux conditions dans lesquelles il est mené (« des hommes qui avaient déjà vu mille fois l’enfer »), à son caractère meurtrier (« des unités décimées ») et vain. L’impact de la Révolution russe est évoqué de manière évasive (« les mouvements immenses qui agitaient toute l’Europe »). Les mutineries, « nombreuses à l’arrière », répondent à l’annonce de la nouvelle offensive comme à la rigueur de l’autorité militaire (mention du refus des permissions). La confrontation avec les documents de 1917 montre que cette vision est partielle. Elle dit le caractère massif du refus (« des milliers… des mutineries nombreuses ») mais pas réellement son caractère collectif, le fait qu’il s’agisse d’un mouvement social réfléchi. Surtout, le refus de monter est présenté comme un refus lié aux conditions du conflit (sa durée, des chefs militaires sourds à la nécessité de concessions) et non pas au conflit luimême. Le refus de la guerre n’apparaît pas, ou peu. 4. Doc. 2 à 5. Pourquoi la mémoire de 1917 reste-t-elle un enjeu dans la France de 2017 ? Dans la France de 2017, la photographie du président de la République (doc. 3), chef des armées, auquel la Garde républicaine (au premier plan, un officier du régiment de cavalerie attaché aux missions d’honneur) présente les armes dans le cime-

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tière militaire de Cerny-en-Laonnois, en présence de représentants des associations patriotiques et de leurs porte-drapeaux, illustre l’importance du protocole dans le cérémonial, comme celle de la mémoire du sacrifice dans une mémoire officielle soucieuse de rassembler tous les Français. Or, la mémoire de 1917 divise et reste, de ce fait, un enjeu. D’abord parce que cette mémoire entretient le souvenir des mutineries, donc de la contestation de l’autorité militaire. La chanson de Craonne dans sa version de 1917 (doc. 2) exprime clairement le refus de la guerre porté par les mutineries : une « guerre infâme », qui fauche une génération de « sacrifiés » (à des intérêts contestables, comme le dit par ailleurs la chanson). La place faite à la Chanson de Craonne dans la cérémonie officielle illustre la « prudence » (doc. 5) qui a prévalu pour concilier ces deux mémoires dans un paysage politique marqué par l’affirmation des extrêmes et, qui plus est, à une semaine du premier tour de la présidentielle : une interprétation distincte du déroulé militaire de la cérémonie (ni au même endroit, ni au même moment). La mémoire de 1917 demeure aussi un enjeu du fait de la confusion qui entoure le souvenir des fusillés de la Grande Guerre, objets d’une demande de réhabilitation portée par différents courants politiques. La mémoire des fusillés est en effet inextricablement mêlée à celle des mutins, bien que la répression des mutins de 1917 ne représente qu’une part marginale des fusillés de la Grande Guerre (554 mutins du Chemin des Dames ont été condamnés à mort, 26 ont été exécutés). Le discours de Lionel Jospin de 1998 est empreint de cette confusion : il fait à Craonne, symbole des mutineries, un hommage à la mémoire des fusillés « pour l’exemple ». En 2017, la conclusion de Hollande ne distingue pas entre mutins et « fusillés pour l’exemple » mais dit clairement la différence entre réhabiliter et réintégrer dans la mémoire collective nationale : « Il ne s’agit plus de juger. Il s’agit de rassembler ».

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE 1918 : la dernière offensive allemande > MANUEL PAGES 268-269

Réponses aux questions

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1. Doc. 1 et 3. Relevez les indications montrant le caractère décisif et massif de l’offensive allemande. Le communiqué britannique (doc. 3) témoigne du caractère massif de la première offensive : « forces considérables », « environ 40 divisions, soutenues par une très nombreuse artillerie », « grand nombre de divisions nouvelles », « combats extrêmement violents », etc. Le coût humain est très élevé : des « pertes élevées (…) en rapport avec l’importance de la bataille ». La carte (doc. 1) montre la succession des offensives allemandes, qui frappent d’abord la Picardie, puis l’Aisne et la Champagne. En juillet 1918, le tracé de la ligne de front a considérablement évolué, signe du caractère décisif, mais inégal, des offensives allemandes. 2. Doc. 4. Selon cette affiche, en quoi l’apport des États-Unis est-il essentiel en 1918 ? Non datée, cette affiche française peut être inscrite dans le contexte du printemps 1918 : postérieure au traité de Brest-Litovsk et à l’offensive allemande (« L’Allemagne aurait voulu rompre le front occidental ») mais antérieure à l’arrivée massive des renforts américains à l’été 1918 (évocation de l’effort militaire initié par le président Wilson, soit le vote de la loi de conscription -18 mai 1917- et la création de l’American Expeditionary Force). Avant même la présence physique en nombre des « sammies », les ÉtatsUnis jouent un rôle majeur dans l’effort de guerre par leur puissance industrielle - mention des mines et du tonnage disponible pour l’acheminement des produits - et financière, qui leur permet de supporter le coût de la guerre. Cet apport est posé comme essentiel puisque l’ombre du soldat américain suffit à effrayer le soldat allemand. 3. Doc. 1 et 2. Pourquoi ces soldats sont-ils mis à l’honneur ? Aidez-vous de la carte. Les soldats du 33e régiment d’infanterie coloniale sont mis à l’honneur en raison de leur rôle dans la dernière bataille de Champagne, où ils stoppent l’avancée allemande à Epernay. La dernière grande offensive allemande, déclenchée le 15 juillet 1918 pour encercler Reims, est donc un échec. Ce coup d’arrêt représente un tournant décisif dans la guerre, puisque le général Foch lance dans la foulée (18 juillet 1918) la contre-offensive alliée qui autorisera la victoire de la 2ème bataille de la Marne. La photographie permet de donner un visage au président du Conseil qui incarne la poursuite du conflit. Elle met aussi en évidence le bataillon de tirailleurs sénégalais intégré au régiment

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d’infanterie coloniale décoré (ici de la fourragère de la Croix de Guerre, décoration qui vise un régiment entier). 4. Doc. 5 et Info. Pourquoi les chars sont-ils un atout important des Alliés ? Les chars Renault utilisés en 1918 sont un atout majeur pour la contre-offensive. La photographie met en évidence les avancées réalisées par rapport aux premiers chars utilisés en 1916 : chenilles propulsives, donc possibilité de gravir des pentes et mobilité accrue en terrain chaotique ; vitesse accrue aussi, ce qui doit autoriser une meilleure protection de l’infanterie. Les Alliés disposent de l’avantage du nombre (800 chars contre 10 pour les Empires centraux). Synthétiser 5. Sous la forme d’un schéma de causalité, mettez en évidence l’évolution du rapport des forces sur le front occidental entre le printemps et l’automne 1918.

Itinéraire 2 Rédiger un bref texte structuré. Le texte structuré peut prendre appui sur l’élaboration d’un tableau organisé autour des différentes causes de cet échec. La réflexion autour des limites de cette analyse permet de faire émerger différentes hypothèses, parmi lesquelles l’absence de réserves de l’armée allemande, sa difficulté à prolonger le combat sur plusieurs fronts (Balkans en particulier), la multiplication des offensives sur l’ensemble du front, l’épuisement de l’arrière… Pour aider la formulation de ces hypothèses, il est possible de prendre appui sur le schéma de causalité réalisé dans le cadre de l’itinéraire 1 qui, par comparaison, signale le rôle majeur des réserves dans la victoire alliée. Le texte suivant peut aussi guider la réflexion : Le 15 juillet, les Allemands reprennent leur offensive. Cette fois, ils attaquent le front de Champagne entre Reims et l’Argonne. La Marne est franchie (…) Mais, pour la première fois, l’attaque n’est pas réellement victorieuse. Le temps pris par les Allemands – plus d’un mois 12

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depuis la dernière attaque – est une aubaine pour les Alliés qui ont pu ainsi reconstituer le front, se préparer et finalement tenir face aux coups de boutoir de l’ennemi. Pourquoi Ludendorff a-t-il attendu autant pour entamer son ultime offensive ? (…) Ludendorff a multiplié les fronts… parce qu’il n’avait jamais assez d’appui, de réserves, pour en forcer un seul. (L’armée allemande) ne dispose pas d’assez de pièces d’artillerie lourde, ce qui la contraint à déplacer régulièrement celles qu’elle utilise d’un secteur de front à un autre. Or, cette manœuvre est rendue difficile par des moyens de locomotion inadaptés. Ainsi, Ludendorff doit-il se rabattre sur un parc automobile de 40 000 véhicules, cinq fois moins fourni que celui des Alliés. En prime, la pénurie de carburant –affecté en priorité à l’aviation et la marine – mais aussi la carence en pneumatiques empêchent nombre de véhicules de rouler. Quant aux chevaux qui pourraient déplacer les batteries, ils sont trop peu nombreux … Autre point noir : les offensives de Ludendorff ont saigné les régiments. 227 000 soldats allemands sont morts dans les combats de mars à juillet. Jean-Jacques Allevi, « Et Ludendorff joua son vatout », 14-18, l’album référence de la Grande Guerre, GéoHistoire Hors-série, octobrenovembre 2014.

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CHAPITRE

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Les sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre › MANUEL PAGES 276 À 303

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE

pris pour cibles et de civils acteurs, mobilisés pour l’effort de guerre.

L’objectif de ce chapitre est de comprendre comment la Grande Guerre a bouleversé les sociétés européennes. Le programme précise qu’il s’agit de « souligner l’implication des sociétés, des économies, des sciences et des techniques dans une guerre longue ». L’intitulé « les sociétés en guerre » et la mention des civils comme « acteurs et victimes de la guerre », doit amener les élèves à appréhender la notion d’expérience. Dans le processus de totalisation du conflit, la guerre exerce en effet une emprise toujours plus forte sur les civils. Pour les historien·nes, le défi est de saisir, à travers le corpus de sources disponibles, le vécu des populations et des individus. Or, ce vécu diffère selon les pays, la situation géographique (en zone occupée ou à l’arrière), l’âge ou le genre. La totalisation du conflit est aussi, dans un contexte de violence paroxystique, une première étape de l’abolition progressive des frontières entre le monde civil et combattant : les civils, acteurs du conflit par leur mobilisation, leur participation, leur résistance, leur adhésion ou rejet de la guerre, sont également directement pris pour cibles (bombardements, exactions et déportations en zone occupée, génocide des Arméniens…). Ce chapitre permet ainsi d’aborder la Première Guerre mondiale au croisement d’une histoire sociale et culturelle des groupes sociaux, des individus, des économies et des États. En abordant l’expérience des civils en guerre, expérience collective qui est aussi affaire de représentations, ce chapitre fournit aux élèves une clé essentielle de compréhension du monde contemporain.

Document 1. Les civils pris pour cibles : les bombardements aériens

OUVERTURE

Document 2. Les femmes et l’effort de guerre

› MANUEL PAGES 276-277 Les deux images sélectionnées en ouverture permettent de saisir cette double dimension de civils Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Cette carte postale illustrée allemande date de 1917, année des plus forts bombardements aériens allemands sur la capitale britannique (le 13 juin 1917, les bombes larguées sur la gare de Liverpool Street font ainsi 162 morts). Londres fut visée par des raids aériens à partir du mois de mai 1915 (premiers raids de zeppelins, puis d’escadrons de Taube). Même si les bombardements sont encore rudimentaires (les bombes sont larguées à la main), ces raids provoquent une vive émotion dans la population. Une partie des escadrons de chasse anglais sont rappelés et on installe des ballons de barrage qui obligent l’aviation allemande à voler plus haut et larguer les bombes avec encore moins de précision. En 1917, Londres est également la cible des bombardiers Gotha allemands. Mais à partir du mois de septembre, la défense aérienne devient plus performante, ce qui contraint l’aviation allemande à se limiter à des raids de nuit qui s’achèvent en mai 1918. Plus de 1 500 britanniques perdirent la vie sous ces bombes. On pourra amener les élèves à réfléchir aux commanditaires et destinataires de ce type de document. Dans le contexte de la guerre (et alors que le haut commandement militaire accentue sa mainmise sur la direction de l’État allemand), la publication d’une telle carte postale est conditionnée à un agrément préalable. La mise en scène (de nuit ; taille des zeppelins ; flammes ; le titre « Zeppelins sur Londres » Zeppeline über London) est de toute évidence destinée à vanter, aux yeux de la population allemande, la technicité et supériorité des avions et zeppelins capables d’atteindre Londres. Il s’agit donc d’une image de propagande.

Cette photographie d’une ouvrière américaine en train de souder un cylindre de refroidissement illustre la mobilisation de la main-d’œuvre fémi1

Chapitre 10 – Les sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre

nine. Les pages Cours et les documents pages 294295 permettront de revenir sur la réalité de cette mobilisation et de battre en brèche l’idée reçue d’une « entrée » des femmes sur le marché du travail. En réalité, les femmes étaient déjà nombreuses dans les usines avant la guerre : celle-ci a toutefois contribué à une forte accélération du taux d’activité féminin. Le travail des femmes a particulièrement marqué les contemporains en raison du glissement sectoriel opéré : les femmes deviennent plus visibles et accèdent à de nouvelles responsabilités, au cœur de l’effort de guerre, comme ici dans cette usine.

REPÈRES › MANUEL PAGES 278-279 L’objectif de cette double page est de proposer aux élèves des repères spatiaux et temporels. La frise et les différentes données cartographiques et statistiques fournissent des éléments de contextualisation sur les dimensions économiques, sociales, industrielles de la guerre et sur le sort des civils.  Carte 1 Les bombardements allemands sur Paris (1914-1918) Cette carte localise les différents impacts de bombes larguées depuis des avions et zeppelins allemands tout au long de la guerre. L’indication de noms de quartiers, de monuments et de points de repères, facilite la lecture de ce document que l’on pourra croiser avec le dossier « De la source à l’Histoire » pages 296-297 (dessin d’enfant consacré aux bombardements du 29 janvier 1916).  Carte 3 L’Allemagne exténuée par la guerre (1916-1918) Cette carte recoupe et localise (en fonction des données connues), les réactions des civils aux difficultés provoquées par le conflit : émeutes de la faim (1916), grèves contre les pénuries alimentaires (avril 1917), grèves aux motivations plus directement politiques et pacifistes contre la poursuite de la guerre (janvier 1918). C’est ainsi une géographie sociale et politique qui est donnée à voir. Cette carte pourra être croisée avec le dossier point de passage « Les grèves de l’année 1917 », pages 292-293, et aussi, dans ce dossier repères, avec le graphique 4. La guerre et le niveau de vie en Allemagne et au Royaume-Uni. Cet histogramme permet de comparer (sur la base d’un indice 100 en 1914) le rapport entre salaires réels des ouvriers et coût de la vie de 1915 à 1918. Il Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

offre ainsi un outil pour mesurer le coût social de la guerre et comparer les situations. La forte dégradation des conditions de vie des ouvriers allemands (à plus forte raison que les chiffres proposés n’intègrent pas la question du marché noir) contraste avec celle, plus limitée, de leurs homologues britanniques.  Graphique 2. Faire face au coût de la guerre : l’explosion des dépenses publiques Ce graphique représente l’évolution de la part des dépenses publiques dans le revenu national (en % du PIB) de quatre belligérants (Allemagne, France, Royaume-Uni et Etats-Unis) de 1913 à 1918. Ce graphique en courbes traduit ainsi l’effet de la guerre, son coût, sur le rôle de l’Etat.  Tableau 5. L’économie de guerre : les travailleurs dans les industries d’armement en France Ce tableau permet d’aborder la question de la mobilisation de la main d’œuvre dans le cadre des économies de guerre (voir p.294 mobilisation de la main d’œuvre féminine). Ce tableau, basé sur les effectifs recensés à la fin 1918, classe en valeurs absolues et relatives les différentes catégories de travailleuses et travailleurs employés dans le domaine spécifique de la fabrication d’armes.

Réponses aux questions 1. Quelles villes allemandes sont particulièrement touchées par les troubles sociaux durant la guerre ? Comme on peut l’observer sur la carte 3, toutes les régions d’Allemagne ne sont pas touchées avec la même intensité. Le sud (Hesse, BadeWurtemberg, Bavière, Thuringe) est un peu moins touché par les mouvements de grève mais connaît toutefois quelques émeutes de la faim en 1916 et grèves pacifistes en 1918. Inversement, quelques villes et régions se distinguent par des situations de forte conflictualité sociale, concentrant les trois phénomènes répertoriés par la carte : c’est ainsi le cas dans les villes du Nord comme Hambourg et, à l’Est, de Leipzig à Berlin en passant par Magdebourg. Les régions minières de l’Ouest comme la Ruhr sont quant à elles essentiellement touchées par les émeutes de la faim en 1916. À Duisburg et Essen, comme à Dresde et Chemnitz (ces deux villes de la région industrielle de la Saxe), aux émeutes de 1916 s’ajoutent les manifestations à coloration plus politique de 1918. 2. Quelle est la conséquence de l’important coût de la guerre sur les dépenses des États ?

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Le coût de la guerre (graphique 2) se lit dans la forte hausse des dépenses publiques : de 10 % (France) ou moins du PIB, on passe à plus de la moitié (Allemagne, France) ou plus d’un tiers (Royaume-Uni) dès 1917. Entrés plus tardivement en guerre, en 1917, les États-Unis voient leurs dépenses publiques augmenter brutalement. Pour faire face à cette hausse des dépenses, les États belligérants tentent d’augmenter leurs recettes fiscales (hausse des impôts, emprunts auprès de l’épargne publique et de créanciers internationaux). 3. Quelles sont les conséquences de la guerre sur l’économie et sur le niveau de vie des populations ? On peut observer et mesurer (graphique 4) la dégradation des conditions de vie, notamment en Allemagne (on peut alors mettre en regard le décalage croissant entre les salaires réels et le coût de la vie avec l’agitation sociale représentée sur la carte 3). La mise en relation de cette dégradation des conditions de vie avec l’explosion des dépenses publiques (graphique 2) permettra d’ouvrir la réflexion sur les pénuries, l’inflation et le marché noir (voir Cours 2, p. 283, partie C. Des sociétés épuisées).

COURS 1 Les civils victimes de guerre › MANUEL PAGES 280-281

Réponses au Testez-vous ! De quelle façon les civils sont-ils pris pour cible pendant la Grande Guerre ? Citez trois formes différentes de violence. Les civils sont parfois victimes de violences exercées par les armées au cours de l’invasion. En zone occupée, ils peuvent être soumis au travail forcé et sont parfois déportés. Les villes de l’arrière, comme Paris, Londres ou Karlsruhe, peuvent également être la cible de bombardements aériens. Pourquoi des minorités sont-elles persécutées ? Dans les empires autoritaires, face aux difficultés, les minorités sont désignées comme boucsémissaires. Soupçonnées, accusées, de trahison, elles sont victimes d’arrestations, de pillages et de tout un spectre de violences. Dans l’Empire ottoman, les Arméniens, érigés par le régime en véritable figure de l’ennemi intérieur (et persécutés

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depuis la fin du XIXe siècle), sont victimes d’un génocide. Combien d’Arméniens sont assassinés durant le génocide ? Entre 1,2 et 1,5 millions d’Arméniens sont assassinés au cours du génocide. On peut y ajouter les 500 000 à 700 000 chrétiens d’Orient (AssyroChaldéens) qui subissent le même sort.

COURS 2 La mobilisation des sociétés et des économies › MANUEL PAGES 282-283

Réponses au Testez-vous ! Quels sont, pour les États, les moyens de financer la guerre ? Les États doivent augmenter leurs recettes fiscales. Le cours envisage trois moyens : l’augmentation (ou création) d’impôts ; l’émission massive de billets ; le recours au crédit par des emprunts auprès de l’épargne publique (emprunts nationaux) ou auprès de créanciers étrangers comme les États-Unis. Quelle place occupent les femmes dans l’effort de guerre ? Les femmes jouent un rôle essentiel dans l’effort de guerre. Traditionnellement associées au rôle de « gardienne » du foyer, elles sont investies en temps de guerre du rôle de « gardiennes » du territoire, celles qui gèrent les terres (remplaçant les hommes, prenant la tête des exploitations agricoles). Le manque de main-d’œuvre, notamment dans les usines d’armement, contribue à une accélération de l’activité féminine : les femmes accèdent à de nouveaux secteurs d’activités (métallurgie, industrie mécanique, chimie) et aussi à plus de responsabilités et de visibilités (conduite des tramways, infirmières au front, « marraines » de guerre). Cette visibilité accrue engendre en retour une suspicion et un contrôle social accru (inégalité salariale, division sexuée des tâches sur les lieux de travail, renvoi brutal des travailleuses à la fin de la guerre). Quel est l’impact de l’inflation sur la vie quotidienne ? Avec quelles conséquences ? L’inflation, particulièrement forte à partir de 1916, entraîne une forte hausse du coût de la vie (prix multipliés par deux ou trois) et donc une dégradation matérielle des conditions de vie. Pour sur3

Chapitre 10 – Les sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre

vivre, il faut se contenter d’expédients (navets, rutabagas), d’ersatz. Certains en sont réduits à devoir voler nourriture ou charbon. Le marché noir qui se développe, contribue à aggraver les difficultés et inégalités. Les États autoritaires (Empires allemand, austro-hongrois, russe) ont du mal à maîtriser la « surchauffe » de l’économie et s’avèrent incapables de surmonter ces difficultés.

COURS 3 La mobilisation des esprits › MANUEL PAGES 284-285

Réponses au Testez-vous ! Quels sont les objectifs de la censure et de la propagande ? L’objectif est d’abord de rassurer les populations pour maintenir l’effort de guerre et un consensus national. Il s’agit aussi de justifier le combat mené : la guerre est présentée comme une guerre juste contre des ennemis que la propagande s’efforce de diaboliser. Des formes de résistance à la guerre ont-elles existé ? Bien que minoritaires, des remises en cause du conflit se font entendre. Les populations espèrent que le conflit prenne fin au plus vite ; les pénuries suscitent des affrontements révélateurs des tensions qui traversent les sociétés ; les grèves se politisent progressivement. Des mouvements pacifistes se réorganisent : des réunions, d’abord clandestines, se tiennent dans les pays neutres (La Haye en 1915, en Suisse en septembre 1915 et avril 1916, à Stockholm en septembre 1917). Au sein des pays belligérants, des brèches apparaissent dans les unions sacrées (autour de Karl Liebknecht et du SPD en Allemagne, des députés Blanc, Brizon et Raffin-Dugens en France…). Pourquoi parle-t-on de « brutalisation » des sociétés ? Bien que le terme fasse débat, on peut parler d’une brutalisation des sociétés, tant la violence de la guerre modifie le rapport à la mort et s’accompagne parfois d’un processus « d’ensauvagement ». Mais pour certains historien·nes, la guerre a plutôt contribué à banaliser et radicaliser la culture de guerre antérieure et la violence qui existait notamment en contexte colonial. Après-guerre, on semble assister dans un pays comme l’Allemagne, à un transfert de

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l’expérience de la guerre dans le champ politique : la guerre continue ici à imprégner la vie civile et politique. En France, la normalisation semble plus rapide et la population est plutôt imprégnée par le pacifisme.

DOCUMENTS Le génocide des Arméniens (19151916) > MANUEL PAGES 286-287 Avec ce dossier, l’objectif est de comprendre comment la Première Guerre mondiale a fourni l’occasion au pouvoir ottoman (aux mains des nationalistes jeunes-turcs qui ont instauré une dictature en 1913) de mettre en œuvre la destruction des Arméniens vivant dans les frontières de l’Empire. Avant d’aborder (à la double page suivante) le point de passage du programme consacré à la déclaration de la Triple Entente du 24 mai 1915, il convient, au préalable, d’étudier ce qu’est ce génocide (déjà abordé une première fois en classe de 3e) en analysant les modalités selon lesquelles il a été mis en œuvre.

Réponses aux questions 1. Doc 1. Où vivent les minorités arméniennes de l’Empire ottoman à la veille du conflit ? Où sont-elles déportées ? Cette carte de synthèse permet d’abord de situer les principales zones de peuplement arménien : le centre et l’est de l’Anatolie, jusqu’au Caucase. Elle indique dans un second temps les modalités de l’assassinat dans une perspective spatiale (points de départs des convois de déportés, routes de déportation). Les Arméniens sont déportés vers les provinces orientales de l’Empire et vers le sud (notamment en direction du désert de Syrie et des provinces arabes de l’Empire ottoman dans des camps de concentration), loin des fronts de la guerre et du regard des ennemis. 2. Doc 1, 2 et 3. Dans quel contexte politique et militaire les déportations et massacres sont-ils décidés par le gouvernement ottoman ? Les déportations et massacres sont décidés en pleine guerre mondiale, alors que les yeux sont rivés sur les théâtres d’opération de la guerre. C’est précisément ce contexte de guerre qui donne l’occasion au gouvernement jeune-turc (doc. 2 et 3) de concevoir et de déclencher le programme génocidaire. 4

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L’Empire ottoman, en difficulté face à la Russie tsariste suite à la défaite de Sarikamich en janvier 1915 (carte 1) se sert de ce prétexte pour décider de mettre en œuvre ce plan de destruction considéré à ses yeux comme la condition même de leur projet de « régénération » de l’Empire : les défaites sont imputées à la présence de nombreux Arméniens dans l’est de l’Empire. Fin mars 1915, la décision est prise d’appliquer un plan d’extermination (sous couvert de déportations censées, officiellement, les éloigner des zones du front). Les premières opérations massives de tueries débutent à la mi-avril 1915 dans la région de Van. Les frontières sont fermées, les diplomates, enseignants et missionnaires sont expulsés, les protestations des pays neutres ignorées. 3. Doc 2 et 3. Quels arguments sont invoqués par le gouvernement pour agir contre les Arméniens ? Le gouvernement ottoman invoque des « considérations militaires » (doc. 3), une trahison des Arméniens au profit des Russes. Les Arméniens sont suspectés d’agir en intelligence avec l’ennemi. Le gouvernement décide d’abolir « le droit des Arméniens de vivre et de travailler sur le territoire de la Turquie » (doc. 2). On prête également aux Arméniens des révoltes imaginaires (doc. 3) pour justifier le génocide. Les témoins comme Max Erwin von ScheubnerRichter (doc. 3) ne sont pas dupes : il souligne que ce sont des « vieillards, des femmes et des enfants » que l’on déporte. Max Erwin von Scheubner-Richter est un agent du consulat allemand d’Erzurum qui s’adresse ici à son ambassade de Constantinople ; cette lettre figure dans l’un des premiers travaux historiques consacrés au génocide, Les Archives du génocide des Arméniens du théologien protestant allemand Johannes Lepsius. Le télégramme de Talât Pacha (doc. 2) adressé à la préfecture d’Alep laisse entrevoir cette volonté génocidaire en insistant sur le sort des enfants (« n’en même pas laisser les enfants au berceau ») et le fait qu’il ne faille faire aucune exception (« Sans admettre leurs raisons, femmes ou enfants, quels qu’ils soient, même ceux qui sont incapables de se mouvoir »). Talât, alors ministre de l’Intérieur et membre du triumvirat à la tête de la dictature jeune-turque – avec Ismail Enver et Mustafa Kemal – est l’un des principaux architectes du génocide. 4. Doc 2, 3 et 4. Comment et par qui les opérations sont-elles organisées ? Décrivez les modalités d’assassinat des Arméniens.

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Comme on peut le voir avec ce télégramme officiel (doc 2) ou les témoignages (doc. 3 et 4), les opérations sont planifiées par l’État qui regroupe les Arméniens et les déporte sur des milliers de kilomètres, dans des conditions effroyables pour entraîner leur mort. Des assassinats systématiques sont perpétrés dans des « sites abattoirs » (doc. 1) par des escadrons de l’OS (Organisation spéciale). Les différentes modalités d’assassinat rendent compte d’une violence extrême qui semble devenir sa propre fin (femmes enceintes éventrées, fœtus exhibés, corps mutilés, noyades, survivants des derniers camps jetés dans des grottes où ils sont brûlés vifs, noyés ou égorgés, refus de toute sépulture…) : il s’agit d’aller au-delà du meurtre, d’exercer une cruauté destinée tout à la fois à assassiner et effacer les traces, le souvenir, de la communauté arménienne. La violence ainsi exercée (ce que l’anthropologue Véronique NahoumGrappe appelle l’« usage politique de la cruauté ») rompt la coexistence qui existait au sein de l’Empire ottoman et contribue à exprimer l’altérité profonde de celles et ceux qui étaient jusque-là des voisins, des « autres-proches ». 5. Doc 1 à 5. Montrez le caractère intentionnel, planifié et systématique du programme génocidaire. Le souci comptable exprimé à la fin de son télégramme par Talât Pacha (doc 2 : « Veuillez me communiquer toutes les semaines les résultats de votre activité en rapports chiffrés ») traduit la planification et le caractère systématique du génocide. Les hommes en âge de combattre ont d’abord été les cibles des premières mesures pour priver les Arméniens de toute possibilité de défense. Vient alors le tour des femmes, des enfants, des vieillards : les routes de déportation entraînent loin des regards des observateurs étrangers les victimes. Le témoignage de Garabed Mouradian (doc. 4, recueilli le 13 décembre 1918 : ce document fait partie d’une série de témoignages de rescapés des camps de concentration de Syrie et de Mésopotamie, consignés entre 1916 et 1919 par Aram Andonian, puis traduits et publiés par l’historien Raymond H. Kévorkian) raconte ici une ultime déportation destinée à « liquider » les derniers survivants. Le corpus documentaire doit ainsi permettre aux élèves de saisir combien les opérations sont méthodiquement coordonnées pour parvenir à un unique objectif : éradiquer l’ensemble de la population arménienne. Seule une minorité parvient à fuir et sauver sa vie. Les deux-tiers des Arméniens

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de l’Empire ottoman, entre 1,2 et 1,5 millions de personnes, périssent au cours du génocide. Synthétiser 6. Rédigez un texte structuré. Votre texte devra présenter le contexte et les accusations portées par le gouvernement ottoman contre les Arméniens et les différentes phases du génocide. Vous terminerez par le bilan humain et montrerez que les opérations menées contre le peuple arménien relèvent bien d’un génocide. Pour rédiger le texte structuré, les élèves peuvent suivre les conseils suivants : Étape 1 : organiser la réponse La consigne donne le plan à suivre, en trois étapes : 1. le contexte et les accusations portées par le gouvernement ottoman contre les Arméniens : origine et déclenchement du génocide ; 2. les différentes phases et modalités du génocide (déroulement) ; 3. le bilan humain et la démonstration que les opérations menées relèvent bien d’un génocide. Étape 2 : rédiger l’argumentation Pour le 1er paragraphe, on peut s’appuyer sur les réponses aux questions 1, 2 et 3 (il convient de rappeler qui sont les Arméniens, leur position dans l’Empire ottoman et l’émergence d’une « question arménienne ». Pour le 2e paragraphe, il faut s’appuyer sur les réponses aux questions 1 et 4 (rappel des grandes étapes chronologiques du génocide ; présenter les acteurs du crime et les méthodes d’assassinat de masse en lien avec les étapes chronologiques). Le 3e paragraphe reprend la réponse à la question 5. Le bilan humain (nombre de victimes) peut être complété par la mention de l’exil des survivants et être l’objet d’une réflexion sur l’effacement d’un monde. Il apparaît essentiel de terminer en utilisant le terme de « génocide » en s’appuyant, à partir de la définition proposée, sur les caractéristiques d’un génocide (destruction intentionnelle, planifiée et systématique d’un peuple).

PASSÉ / PRÉSENT POINT DE PASSAGE 24 mai 1915 – La déclaration de la Triple Entente à propos des « crimes contre l’humanité et la civilisation » perpétrés contre les Arméniens de l’Empire ottoman Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

> MANUEL PAGES 288-289 Ce dossier élargit la réflexion sur le terme de génocide et les difficultés d’une reconnaissance officielle. Si les sources parlent à l’époque de « massacres » (le terme n’ayant pas encore été forgé), il s’agit toutefois d’un « génocide », puisqu’il s’est agi de détruire méthodiquement tous les Arméniens de l’Empire ottoman. Si le crime semble reconnu dès le lendemain du génocide et que s’ouvre la voie d’un règlement judiciaire, cette parenthèse est rapidement refermée par la nouvelle République de Turquie : non seulement les survivant·es ne peuvent regagner leur patrie, mais aucune réparation ni reconnaissance n’est accordée. Le génocide perpétré contre les Arméniens bascule alors dans l’oubli et le déni. Du passé, le dossier ouvre ainsi la réflexion sur le présent : sur le combat pour la reconnaissance et qualification du crime de génocide ; sur la difficile et douloureuse place qu’occupe sa mémoire confrontée au déni et au négationnisme.  Doc 1. Déclaration de la Triple Entente, 24 mai 1915. Document Point de passage Ce document a un caractère officiel : il s’agit d’une déclaration commune des puissances de l’Entente en guerre contre les pays de la Triple Alliance (aux côtés desquels l’Empire ottoman est entré en guerre en novembre 1914). Le jour même de cette déclaration (24 mai 1915), la version française du texte est remise à l’agence télégraphique Havas par le ministère des Affaires étrangères de France et envoyé à Berlin et Constantinople. La déclaration est remise au grand Vizir, Said Halim Pacha, par l’ambassadeur des ÉtatsUnis à Constantinople, Henry Morgenthau (en raison de la rupture des relations diplomatiques entre l’Entente et l’Empire ottoman, la mission est confiée à un tiers). La Russie est à l’origine de cette déclaration commune des pays de l’Entente (l’idée est proposée à ses alliés par Sazarov, ministre des Affaires étrangères russe, alors en mission à Paris et Londres). À la date de cette déclaration, le génocide a débuté depuis plus d’un mois. À l’arrestation et exécution des élites de Constantinople ont succédé les premiers massacres systématiques et généralisés.

Réponses aux questions 1. Doc 1. Relevez les éléments qui attestent que dès l’époque du génocide les massacres sont

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connus. Pourquoi cette déclaration témoigne-telle toutefois de l’impuissance des Alliés ? Cette déclaration officielle est précoce. Les premiers échos des massacres confirment les inquiétudes des pays de l’Entente qui redoutaient des exactions contre les Arméniens (inquiétude aiguisée par le précédent des massacres de 1894-1896 et 1909). Le texte de la déclaration montre que l’on a déjà connaissance de l’ampleur et du caractère systématique des massacres qui frappent hommes, femmes et enfants (« contre la population arménienne inoffensive »), caractéristiques d’un processus génocidaire (« les habitants d’une centaine de villages aux environ de Van ont été tous assassinés »). Cette déclaration reste toutefois sans effet, à plus forte raison qu’il n’existe pas encore de droit international (malgré des tentatives pour l’instaurer). Et alors que dans les mois qui suivent le génocide s’intensifie, les Alliés ne réitèrent pas leurs accusations (les massacres sont cependant mentionnés par le président américain Wilson comme une des justifications de l’entrée en guerre de son pays). Aucune opération de sauvetage n’est lancée, à l’exception, en septembre 1915, du débarquement au nord de la base d’Antioche de troupes d’assaut françaises, sous les ordres du vice-amiral Dartige du Fournet, pour sauver plus de 4 000 Arméniens réfugiés sur la montagne de Musa Dagh. 2. Doc 3. Pourquoi, et par qui, le journaliste Hrant Dink a-t-il été assassiné ? Journaliste et écrivain turc d’origine arménienne, fondateur en 1995 de l’hebdomadaire Agos (publié en turc et en arménien), Hrant Dink est assassiné à Istanbul le 19 janvier 2007 par un jeune homme membre d’un groupe ultranationaliste. Hrant Dink appartenait à l’élite intellectuelle démocrate pour laquelle la reconnaissance du génocide n’est pas seulement un enjeu moral, mais doit être l’occasion de repenser et déconstruire l’histoire turque au profit d’un récit ouvert sur une société moderne et multiculturelle. H. Dink s’est notamment attaqué au « fantôme arménien » en s’efforçant de montrer qu’en dépit de leur invisibilité les Arméniens ont continué d’exister. 3. Doc 2 et 3. Que nous disent ces documents de la reconnaissance du génocide des Arméniens en Turquie ? La société turque partage-t-elle dans son ensemble la position officielle ? Le génocide n’est toujours pas reconnu par la Turquie qui entretient un négationnisme d’État en niant le caractère systématique des massacres,

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l’ampleur des victimes et en inversant les responsabilités entre bourreaux et victimes. Pourtant, et notamment depuis la découverte dans de nombreuses familles turques de leurs ascendances arméniennes, la société civile turque est travaillée par les enjeux de mémoire, comme le montrent l’émotion suscitée par l’assassinat de Hrant Dink dont les funérailles rassemblent plus de 200 000 personnes (doc. 3) ou le succès et l’écho rencontré dans le pays par l’ouvrage Les Petits enfants de Ayşe Gül Altınay et Fethiye Çetin dont est tiré le témoignage de Deniz (doc. 2). En 2008, quatre universitaires (Ali Bayramoglu, Baskin Oran, Ahmet Insel et Cengiz Aktar) lancent une pétition intitulée « Özür Diliyorum » (« nous leur demandons pardon »). Une partie de la société civile turque, en quête d’une vérité éloignée de la position officielle, œuvre ainsi à la reconnaissance de ce pan de l’histoire. 4. En quoi la déclaration de l’Entente peut-elle être considérée comme un texte précurseur du droit international et de la reconnaissance du génocide ? Ce texte préfigure un droit international qui n’existe pas encore. En effet, les Alliés condamnent sans ambiguïté l’Empire ottoman (« le gouvernement ottoman sévit contre la population arménienne inoffensive »), qu’ils mettent face à ses responsabilités (« qu’ils tiendront personnellement responsable des dits crimes »). Le texte parle de « crimes contre l’Humanité et la Civilisation » : la notion juridique de « crime contre l’humanité » n’existe pourtant pas encore. Une telle déclaration s’inscrit dans une tradition de droit humanitaire forgé au XIXe siècle selon lequel le sort des individus et des groupes nationaux concerne l’humanité toute entière (et ne peut donc être opposé à un principe de souveraineté exclusive des États sur leurs ressortissants). Le « principe d’humanité » et « la conscience publique et des règles de l’humanité » ont notamment vu le jour lors des congrès internationaux de La Haye de 1899 et 1907 consacrés au désarmement et au droit international (mais aucun dispositif pénal n’est alors prévu en cas de viol de ces principes et l’Empire ottoman avait lui-même adhéré à la convention de La Haye). Le texte préfigure également le principe d’une prévention de ce type de crimes par l’annonce de sanctions potentielles. Au lendemain de la guerre, la possibilité s’est ouverte d’une mise en jugement des responsables du génocide : lors de la conférence de la Paix à Paris qui propose la création d’un tribunal international ; à l’initiative des 7

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forces d’occupation britannique dans l’Empire ottoman ; par les procès organisés par la justice ottomane à Constantinople en 1919 et 1920 (mais en l’absence des principaux accusés ayant fui l’Empire ottoman) ; et enfin par le procès à Berlin de Soghomon Tehlirian, membre du commando Némésis. Mais cette voie judiciaire se solde finalement par un échec. Après le démantèlement de l’Empire ottoman et la guerre d’indépendance menée par les nationalistes turcs derrière Mustafa Kemal (1919-1922), la nouvelle République de Turquie signe avec les grandes puissances le traité de Lausanne. La promesse du traité de Sèvres d’instaurer une juridiction internationale pour juger les responsables du génocide est enterrée : l’amnistie générale est décrétée. Le génocide passe alors sous silence. À plus long terme, le génocide des Arméniens a contribué à nourrir les réflexions sur la prévention et la lutte contre ce type de crimes. Le juriste Raphael Lemkin, qui forge en 1943 le concept de génocide pour définir les crimes nazis (destruction des juifs d’Europe), explique ainsi s’être référé au précédent arménien. Dès les années 1930, il tenta d’introduire l’idée de droit des groupes humains. Le concept de « génocide » (que Lemkin définit comme « la pratique de l’extermination de nations et de groupes ethniques ») est évoqué lors des procès de Nuremberg (1945-1946), mais est absent des chefs d’accusation (il figure dans une rubrique relative aux crimes de guerre). Il entre véritablement dans le droit international en 1948. Quant au concept de « crimes contre l’Humanité » évoqué dans cette déclaration des puissances de l’Entente de 1915, il entre dans le droit international lors des procès de Nuremberg, grâce au travail du juriste Hersch Lauterpacht. 5. Expliquez comment la reconnaissance du génocide et de ses victimes se heurte encore au déni et au négationnisme. La question invite les élèves à recouper les éléments du dossier et à montrer que la reconnaissance du génocide par l’Entente dès 1915 se heurte à un échec et que la parenthèse ouverte par les premiers procès est rapidement refermée et cède la place à un déni et négationnisme officiel qui perdure aujourd’hui. Mais les documents associés à la chronologie permettent de comprendre que – de la Turquie à la communauté internationale – ce travail de reconnaissance est à l’œuvre.

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DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Marie Curie, la guerre et la médecine > MANUEL PAGES 290-291 Cette double page doit amener les élèves à comprendre le rôle de Marie Curie dans la guerre en replaçant son action dans le contexte de l’histoire de la médecine de guerre. La problématique du dossier est axée sur l’évolution des pratiques médicales.

Réponses aux questions 1. Doc 1 à 5. Relevez les différents domaines médicaux évoqués par les documents. Les documents, en faisant la part belle à la radiologie (doc. 2, 4, 5), évoquent également les soins aux blessés (doc. 1 et 2) et la chirurgie, notamment la chirurgie réparatrice maxillo-faciale (doc. 3). 2. Doc 4 et 5. Qui est Marie Curie et comment participe-t-elle au conflit ? Selon elle, quel est l’apport de la radiologie ? Scientifique de renom, Marie Curie s’engage dès le début de la guerre au service de blessés. Elle commence par recenser les appareils de radiologie disponibles, se forme aux rudiments médicaux de l’examen radiologique, passe son permis de conduire et obtient du ministère de la Guerre l’autorisation de mettre en place une équipe de manipulateurs pour les services de radiologie. Elle devient directrice du service de radiologie de la Croix Rouge. Elle lève des fonds, équipe une vingtaine de voitures radiologiques et forme des soignants. Elle se rend elle-même sur les zones de front (à Creil, Funnes, Joinville, Amiens, Reims, Verdun…) pour démontrer l’intérêt de la radiologie. Comme elle l’explique dans le doc. 4 (tiré de l’ouvrage qu’elle publie après-guerre La radiologie et la guerre), les appareils à rayon X permettent de repérer les blessures, les éclats d’obus et de balles. Marie Curie considère qu’il ne faut pas déplacer les blessés, mais qu’il faut transporter les appareils vers le front. Elle crée ainsi cette unité de véhicules radiologiques mobiles, surnommés les « petites Curies » (doc. 5). Équipés de matériel médical et photographique, ces véhicules abritent une dynamo de 110 volts/15 ampère, un appareil à rayon X Drault et quelques écrans. La dynamo, actionnée par le moteur de la voiture, permet d’alimenter le tube à rayon X. Chaque « petite

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Curie » comprend une équipe formée d’un médecin, d’un manipulateur et d’un chauffeur. Une vingtaine de véhicules furent ainsi équipés, plus 200 postes fixes de radiologie dans les hôpitaux et plus de 150 manipulatrices radio formées en deux ans (puis envoyées dans les zones du front) dans l’école montée par Marie Curie. On estime qu’un million de soldats blessés ont ainsi bénéficié de ces installations radiologiques. 3. Doc 3 et 4. Pourquoi peut-on dire que la Première Guerre mondiale fut d’une brutalité sans précédent et avec quelles conséquences sur les corps des soldats ? La mort de masse s’accompagne d’un nombre toujours plus important de malades et de blessés. Les corps sont meurtris, dilacérés, et les visages détruits (doc. 3) par des blessures d’un nouveau type lié aux progrès et à la puissance de l’armement. Les parties les plus touchées des corps : les bras ou les jambes (51 % des blessures), thorax (21 %), tête et visage (17 %). Les pathologies sont également psychiatriques. 4. Doc 1 à 5. À quelles difficultés nouvelles se retrouvent confrontés les médecins ? Quels progrès techniques sont développés pour les aider à y répondre ? Face à ces blessures d’un nouveau genre, les médecins (qui pour l’essentiel étaient de jeunes médecins, parfois encore étudiants) se sont retrouvés dans l’obligation de s’adapter, d’intervenir sur place et de pratiquer soins (qui progressent avec le traitement des plaies par la méthode CarrelDakin : la plaie est nettoyée chirurgicalement, désinfectée à l’antiseptique Dakin puis refermée une fois la prolifération microbienne stoppée) et actes chirurgicaux (doc. 1, 2, 4). L’histoire d’Albert Jugon (doc. 3) rappelle le défi posé par la gravité des blessures et les progrès en matière de prothèses et chirurgie réparatrice. Début 1915, en lien avec le déploiement des « petites Curies », c’est également la chaîne sanitaire qui est réorganisée sur la ligne de front (doc. 1 et 5) : chirurgiens, radiologues, manipulateurs radio, médecins sont formés et envoyés dans les zones de front où s’organise l’évacuation des blessés vers des centres de soin et hôpitaux à l’arrière. 5. Synthétiser Rédigez un texte structuré. Présentez les défis nouveaux posés, à la médecine, par la modernisation de l’armement. Puis montrez comment la médecine tente d’y répondre. Vous insisterez sur le rôle de Marie Curie.

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Les élèves pourront reprendre le plan suggéré par la consigne : 1. Les défis posés aux médecins et l’engagement de Marie Curie. 2. Les réponses : dans l’urgence ; les innovations et l’organisation de la chaîne sanitaire avec notamment les petites Curies. Itinéraire 2 Travail en autonomie. Réalisez un poster sur Marie Curie. Conseils pour réaliser le poster qui pourra être présenté en classe : Étape 1 : prélever, classer les informations. Autour du rôle de Marie Curie placée en position centrale, les élèves pourront reprendre les éléments de réponse à la question 5. Avant de passer à la réalisation du poster, ils pourront réaliser au brouillon un storyboard (plan crayonné) pour mettre en avant les principaux axes. Étape 2 : organiser et réaliser le poster Le poster est un support de communication visuelle : il doit attirer l’attention et permettre la compréhension rapide du sujet (le rôle de Marie Curie ; l’évolution des pratiques médicales). Le poster doit donc être attractif, structuré pour favoriser la lecture (avec diverses parties et/ou un sens de lecture clair) et être concis (aéré, phrases courtes…). Les élèves pourront compléter le poster par un travail de recherches (au CDI et en ligne : ressources suggérées dans la version numérique du manuel) sur l’œuvre scientifique de Marie Curie ou sur la médecine de guerre. Des pistes d’approfondissement possibles : - gestion des morts et blessés : intervention au front, évacuation vers l’arrière ; - radiologie ; - chirurgie et transfusion sanguine ; - psychiatrie et chocs traumatiques ; - en amont du conflit : la vaccination des soldats.

DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Les grèves de l’année 1917 > MANUEL PAGES 292-293 Ce dossier doit permettre aux élèves de mesurer les ressorts, l’ampleur et les modalités des mouvements de grève qui éclatent en 1917. Il s’agit de comprendre en quoi cette période de conflictualité

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sociale révèle la persistance de tensions et l’ouverture de brèches dans le soutien porté à l’effort de guerre. Des tensions sociales à l’expression d’un rejet de la guerre même, les grèves de l’année 1917 traduisent la lassitude des sociétés.

Réponses aux questions 1. Doc 1 à 4. Relevez les moyens utilisés par les grévistes pour exprimer leurs revendications et leur mécontentement. Dans les différents mouvements de grève, ouvriers et ouvrières prennent publiquement la parole, battent le pavé lors de manifestations où des banderoles et pancartes expriment les revendications. Les grèves tournent parfois à l’affrontement (doc 2). 2. Doc 1 à 4. Recensez les revendications exprimées et classez-les en deux catégories : sociales et politiques. Les premières revendications sont d’abord sociales et traduisent les difficultés d’un quotidien en guerre (particulièrement en Russie et en Allemagne). Les grévistes protestent ainsi contre la vie chère, les pénuries de nourriture ou de charbon : doc 1 (« du rab » ; « nourrissez »), 2 (« pain noir », « manque de combustible »), 3 (« amélioration de l’ordinaire »). À Leipzig (doc 4), la décision de réduire les rations de pain met le feu aux poudres. Dans un contexte de forte inflation, des augmentations de salaires sont également réclamées (doc 3 et 4). Au doc 2, l’auteur, de passage à Paris à l’occasion d’une permission note dans ses carnets une allusion aux midinettes (« la couture et la mode ont obtenu satisfaction »). Les grèves de ces ouvrières parisiennes de la couture (janvier et mai 1917) -qui se sont ensuite étendues aux munitionnettes- ont rassemblé plus de 20 000 couturières qui réclamaient la semaine anglaise (congé le samedi après-midi) et des augmentations de salaires. Parfois, les grèves se teintent de revendications plus directement politisées et font entendre l’espoir, tant attendu, que la guerre prenne fin. Le doc 2 évoque ainsi ces femmes réclamant le retour de leurs maris. Mais c’est parfois la guerre même qui est dénoncée (ces ouvrières françaises réclamant leurs maris, défilaient ainsi en mai 1917 aux cris de « A bas la guerre ! Nous voulons nos maris ! »). Les échos de la révolution russe (doc 1) se font également entendre : doc 2 (« vive la révolution »), doc 3 (« en chantant L’Internationale).

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3. Doc 1, 2, 3 et 5. Pourquoi les femmes sontelles à l’avant-garde des mouvements de grève ? Si les femmes sont à l’avant-garde des grèves c’est d’abord parce qu’elles sont au cœur de l’effort de guerre dans cet « autre front » qu’est le « front intérieur » (voir page suivante, p. 294 : l’appel à la main d’œuvre féminine). Recrutées dans les usines d’armement comme dans cette poudrerie de Bergerac (doc 3), les « munitionnettes » (doc 2) travaillent dans des conditions difficiles et subissent les logiques d’une division sexuée du travail : il n’est pas étonnant de les trouver à l’initiative de nombreuses grèves. On pourra également souligner qu’en vertu de leur rôle traditionnel de gestion du foyer, elles sont les premières concernées par les difficultés quotidiennes provoquées par la guerre. Les revendications du retour des maris (doc 2), la colère contre les pénuries, les bousculades et invectives dans les files d’attentes (doc 5 : on amènera les élèves à s’interroger sur les conditions de réalisation de ce cliché, sur l’omniprésence des femmes et enfants le regard tourné vers l’objectif) sont autant de formes de mobilisations. Des mobilisations qui définissent une « économie morale » fondée sur une exigence de justice sociale mise à mal par le conflit (voir à ce sujet les travaux de l’historienne Belinda Davis). 4. Doc 1, 3, 4 et 5. Selon vous, pourquoi les autorités hésitent-elles à réprimer ces mouvements ? Au préalable, le document 2 (et le cours 2 qui relate les émeutes turinoises) permettra de rappeler que les grèves se sont accompagnées d’affrontements et d’une répression parfois forte. Toutefois, les documents laissent entrevoir une répression mesurée. Le commissaire de police de Bergerac renonce ainsi à intervenir contre les femmes grévistes (doc 3) ; à Leipzig, le bureau de la guerre est mandaté comme médiateur et tente de trouver une sortie de crise (doc 4 : tiré des archives militaires de Vienne, ce document -traduit ici en français- est cité dans S.Dobson, Authority and Upheaval in Leipzig, 1910-1920, New York, Columbia University Press, 2001). Ces exemples donnent quelques indices de réponse : dans ce contexte de guerre, et à plus forte raison qu’il s’agit de secteurs stratégiques (industrie, armement), les autorités s’efforcent de trouver des compromis et solutions pour que le travail puisse reprendre au plus vite et ne pas compromettre l’effort de guerre. Il s’agit aussi de rassurer et d’éviter la contagion. Mais, face aux mutineries 10

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et en raison de l’inquiétude suscitée par la révolution russe (voir chapitre suivant Cours 3 : Révolutions et guerre civile en Russie), les positions se durcissent au fil de l’année et les compromis cèdent la place à une reprise en main plus brutale. 5. Synthétiser Rédigez un texte structuré. Reliez ces grèves au contexte de l’année 1917 : la situation des civils en Europe, la révolution russe et les mouvements de mutineries dans les armées (voir chap 9 p.266). Le texte rédigé peut suivre le plan suivant : brève présentation du sujet (ampleur des grèves) ; rappel du contexte civil et militaire (enlisement/difficultés du quotidien) ; modalités, actrices et acteurs ; revendications (de la lassitude au refus de la guerre ; échos de la révolution russe) Itinéraire 2 Oral. Vous êtes journalistes et vous devez rédiger un article sur les grèves de 1917. Cet article pourra être lu en classe ou être enregistré (audio ou vidéo). La version numérique du manuel propose des pistes d’aides et d’activités différenciées pour compléter les consignes proposées ici (prélèvement des informations / contextualisation). La production finale pourra suivre les axes suivants : rappel du contexte ; modalités et revendications des grévistes ; une politisation des mouvements sociaux. L’article reprendra la structure d’un article de presse et pourra ainsi être composé d’un titre (et éventuellement d’un sous-titre), d’un chapeau introductif (résume l’essentiel, le contexte), et du corps du texte (accroche ; récit ; chute).

DOCUMENTS La mobilisation des sociétés : l’appel à la main-d’œuvre féminine / Patriotisme et propagande > MANUEL PAGES 294-295

L’appel à la main-d’œuvre féminine Le premier ensemble de deux documents pose la question du rôle stratégique des femmes pendant la guerre, en particulier ici de la main-d’œuvre féminine et de leur place dans la guerre totale.  Doc 1. Les femmes à l’usine

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Marcelle Capy (1891-1962) est l’une des grandes figures féministes du premier XXe siècle. Militante socialiste, autrice en 1916 d’un ouvrage préfacé par Romain Rolland, Une voix de femme dans la mêlée, elle fut rapidement censurée pour sa dénonciation de la guerre et son plaidoyer pacifiste. Cet article, extrait de La Voix des femmes (journal fondé par Eugénie Niboyet en 1848), relate l’expérience de munitionnette vécue par Marcelle Capy entre novembre 1917 et janvier 1918.  Doc 2. Les femmes gèrent les exploitations agricoles Cette photographie de 1918 rappelle que les femmes n’ont pas été seulement employées dans les industries. Dans les campagnes, elles maintiennent (avec les enfants et vieillards) la continuité des activités agricoles indispensables pour subvenir aux besoins de la population. À leurs activités traditionnelles s’ajoute la gestion des exploitations.

Patriotisme et propagande Ce second ensemble de deux documents aborde une autre dimension de la mobilisation en lien avec le processus de totalisation de la guerre : celui de la propagande destinée à entretenir le patriotisme par la diffusion d’une culture de guerre, et à consolider le consensus national guerrier.  Doc 1. Mode et mobilisation patriotique Ce premier document est un objet à la fois du quotidien et luxueux : un foulard orné de motifs patriotiques. Le dessin central, qui reprend le thème classique du départ du guerrier, est ourlé de fleurs dont les corolles et calices reprennent les couleurs des drapeaux alliés (les élèves repèreront facilement l’Union Jack). Au centre, le soldat en uniforme bleu horizon fait ses adieux à son aimée et lui tend une rose (cueillie sur le rosier abondamment fleuri qui contraste avec le paysage désertique de l’arrière-plan). De part et d’autre des deux personnages et de l’arbre, l’image se scinde en deux parties : le monde guerrier et masculin d’une part et le foyer et monde féminin protégé de l’autre. Le motif mêle réalisme (la violence de la guerre à gauche bien qu’éloignée de la guerre des tranchées) et onirisme puisé dans l’iconographie chrétienne (l’arbre qui rappelle la Croix ou l’arbre de la connaissance par qui est introduit dans le jardin d’Eden le mal et la mort ; la rose rouge symbole des plaies du Christ…). La circulation, enfin, d’un tel objet (ici limitée car luxueux et

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réservé à une élite sociale) témoigne de la diffusion de la propagande par des vecteurs variés.  Doc 2. Une propagande patriotique et religieuse Cette carte postale de 1915 est typique de la propagande « patriotico-religieuse française » (S. Audoin-Rouzeau). Ce photomontage d’une religieuse qui prie (son chapelet visible) pour le salut des soldats, incarnation du sacrifice (comme les soldats à la Patrie, la religieuse a fait don de sa personne au Christ), véhicule l’idée d’une guerre morale, d’une véritable croisade pour la « défense de la civilisation ».

En équipes Équipe 1 Montrez le rôle stratégique joué par les femmes sur le front intérieur. De la continuité des activités agricoles (et leur rôle de « gardiennes » du territoire), à l’accès à des postes de responsabilité ou dans des secteurs stratégiques comme les usines d’armement, les élèves sont invités à souligner la place prépondérante tenue par les femmes dans l’économie de guerre et l’évolution des rôles traditionnels féminins. Équipe 2 Montrez le rôle de la propagande dans l’effort de guerre. Les élèves doivent s’interroger sur la façon dont la propagande devient une activité centrale de l’effort de guerre : ses objectifs (tenir/convaincre), ses formes, sa diffusion. On peut les inviter à réfléchir aux limites de la propagande, à la réception par les civils de ces formes de contrôle politique et discuter le concept de culture de guerre (qui fait débat chez les historien·nes : s’agit-il réellement d’un véritable système, d’une culture partagée, ou plutôt d’un discours dominant ?) Mise en commun. Écriture collaborative. Rédigez un texte structuré dans lequel vous montrerez l’ampleur et les formes de mobilisation des sociétés. Après une rapide introduction qui interrogera le sujet (l’ampleur et les formes de mobilisation face à la totalisation de la guerre), le texte structuré peut s’organiser en deux axes. Tout d’abord, la mobilisation de la main-d’œuvre (la durée et l’intensité de la guerre nécessite une reconversion des économies en économies de guerre et la nécessité de trouver de la main-d’œuvre ; cette partie devra s’attarder sur le rôle stratégique des femmes dans le processus de guerre totale). Puis la mobilisation idéologique (entretenir le moral ; renforcer l’unité en s’intéressant aux vecteurs de propaHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

gande, à leur circulation). Une courte conclusion pourra s’interroger sur les limites de la diffusion de la culture de guerre (formes de refus de la guerre).

DE LA SOURCE À L’HISTOIRE Les dessins d’enfants pendant la guerre > MANUEL PAGES 296-297 Cette double page s’intéresse à une source originale au cœur du travail de l’historienne Manon Pignot, spécialiste de l’enfance et de l’adolescence en guerre. Dessins et journaux intimes sont deux sources privilégiées qui permettent d’aborder une histoire à « hauteur d’enfant » et ainsi d’entendre une parole enfantine sur la guerre (non un discours sur l’enfance). Le dessin, comme celui de l’élève Pérès présenté ici (tiré de l’exceptionnel fonds Sainte-Isaure conservé au musée du Vieux Montmartre), nous renseigne à la fois sur les réalités de la guerre (ici les bombardements sur l’arrière) et les représentations que se font les enfants du conflit.

Réponses aux questions 1. Présentez ce document en précisant d’où il provient, sa nature, son auteur, les commanditaires et destinataires éventuels, la date et le contexte dans lequel il a été réalisé. Ce dessin, réalisé par un élève parisien de cours supérieur (équivalent du CM2) à la demande de son instituteur, fait référence aux bombardements particulièrement meurtriers de la nuit du 29 au 30 janvier 1916. Cette nuit-là, plusieurs bombes furent larguées par l’aviation allemande sur le nord de Paris, touchant les quartiers Couronne et Belleville et faisant 75 morts et 33 blessés. 2. Quelle nouvelle dimension du conflit est évoquée par ces documents ? Comment son jeune auteur insiste-t-il sur son caractère particulièrement meurtrier et destructeur ? Le dessin illustre le développement de cette nouvelle stratégie guerrière que sont les bombardements. Bien que rudimentaires et sans caractère systématique (par contraste avec la Seconde Guerre mondiale), ces bombardements sur les zones civiles commencent à se multiplier et entraînent destructions matérielles et victimes nombreuses. Le dessin de l’élève Pérès est particuliè-

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rement frappant par ces flammes très travaillées qui ravagent les bâtiments et les corps qui jonchent le sol ou sont projetés dans le vide par les déflagrations. 3. Relevez les éléments qui montrent que les cibles des bombardements sont les civils. Les écriteaux sur les immeubles (notamment au centre la cordonnerie) soulignent que ce sont des zones civiles qui sont prises pour cible. Les corps, le personnage fuyant l’immeuble (2e plan à droite) ou la femme secourue par les pompiers sont autant de dénonciations d’une violence arbitraire qui s’abat sur des victimes innocentes. 4. Quelles dimensions montrent que les bombardements marquent particulièrement les esprits et sont un élément majeur de perception de la guerre pour des enfants ? Quels aspects évoqués dans le document 2 sont absents du dessin ? Les choix graphiques (flammes, corps, victimes innocentes) de l’élève Pérès, traduisent l’impact de ces bombardements sur l’esprit d’un jeune enfant. Dans son journal, Louise Weill (de passage à Paris) insiste sur l’affolement provoqué par l’alerte. La ponctuation, qui accentue le côté saccadé du récit et le présent de narration rendent palpable la scène jusqu’au détail humoristique du père ayant oublié de retirer son chapeau une fois l’alerte passée. Louise Weill aborde, après l’alerte, une deuxième étape des bombardements (absente du dessin de Pérès) : celui la descente aux abris.

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5. Des dessins peuvent-ils, à eux seuls, et si l’on prête attention aux conditions dans lesquelles ils sont élaborés, permettre de saisir toute la réalité historique ? Comme le souligne Manon Pignot dans ses travaux, la parole enfantine n’est pas plus objective, « innocente », que tout autre témoignage. Les productions enfantines (à plus forte raison quand elles sont, comme ici, sollicitées par les adultes) relèvent également de construction, de formes de mise en scène de soi. Surveillées, parfois encadrées, elles ne sont pas toujours dénuées d’autocensure. On pourra alors insister avec les élèves sur le fait que tout témoignage (qu’il soit écrit ou iconographique) exprime un point de vue, un point de vue situé, et qu’il s’agit d’historiciser cette parole en croisant les sources. 6. Pourquoi sont-ils toutefois une source exceptionnelle d’accès à l’expérience vécue des enfants ? Ces limites étant posées, ces dessins ou journaux d’enfants n’en demeurent pas moins des sources exceptionnelles. Elles sont en effet des formes d’expressions autonomes, personnelles et nous offrent un accès rare et direct à l’expression de la parole enfantine en guerre. Des sources qui nous permettent ainsi d’accéder aux expériences vécues de la guerre.

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CHAPITRE

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La tentative de construction d’un ordre des nations démocratiques › MANUEL PAGES 304 À 331

OBJECTIFS ET PROBLÉMATIQUE DU CHAPITRE

à la Seconde Guerre mondiale et la période 19141945 n’est pas une guerre de trente ans.

Les recherches sur l’après Première Guerre mondiale doivent beaucoup au renouvellement dont a bénéficié l’historiographie de la Grande Guerre depuis une trentaine d’années. Les études ont porté en priorité sur les sorties de guerre, les démobilisations, les reconstructions, l’impossible « retour à la normale », mais aussi sur les mémoires, le deuil et les commémorations. On ne s’étonnera pas que le nouveau programme de première, comme les précédents, intègre ces questions dans le cadre de ce chapitre. Les traités de paix, leurs objectifs et leur application, ont eux aussi fait l’objet d’études renouvelées, tant en Europe occidentale qu’en Europe centre-orientale, où leur mémoire, bien souvent instrumentalisée à des fins politiques, a resurgi avec force après la chute des régimes communistes. S’ils n’ont longtemps été jugés qu’à l’aune de leur échec final, ils sont désormais considérés comme un ensemble de textes cohérents dont la mise en œuvre impliquait une refonte en profondeur et globale du système international, de ses acteurs et de ses pratiques. C’est ce que rappelle le titre de ce chapitre : « La tentative de construction d’un ordre des nations démocratiques », qui place la question de l’après-guerre sur le terrain juridique, idéologique et structurel. Le chapitre s’organise autour des trois « points de passage » qui en fournissent les clés et en précise les problématiques.

2. La célébration du soldat inconnu, point d’entrée d’une réflexion sur le deuil et les mémoires de la Grande Guerre : deuils individuels et collectifs, commémorations héroïques ou douloureuses, mémoires de vainqueurs et mémoires de vaincus. Si la guerre a produit des conditions communes à l’ensemble des sociétés européennes, elle est aussi l’addition d’une multitude d’expériences individuelles qui ont laissé, dans les mémoires, des représentations complexes et souvent contradictoires.

1. Les traités de paix : on rappellera qu’ils ne se limitent pas au seul traité de Versailles, mais qu’ils concernent l’ensemble du continent européen, l’ancien empire ottoman et, puisque le pacte de la Société des nations et l’acte fondateur de l’Organisation internationale du travail sont explicitement inscrits dans chacun d’entre eux, le monde entier. On insistera sur leurs principes, leurs objectifs, leurs contradictions et sur la façon dont ils sont reçus, par les vainqueurs comme par les vaincus. On les considérera pour ce qu’ils sont, sans déterminisme : ils n’ont pas conduit tout droit

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3. La question des réfugiés et la création du passeport Nansen, point de passage permettant de rappeler que les sorties de guerre ne se font pas sur l’ensemble du continent européen selon les mêmes modalités et la même chronologie. En Pologne, en Russie, en Turquie, la guerre se prolonge bien audelà de 1918, sous d’autres formes et à travers d’autres conflits dont les populations civiles sont les principales victimes. Ces guerres, qui impliquent de nouveaux acteurs internationaux (organismes de la SDN, ONG) préfigurent nombre de conflits contemporains. L’objectif du chapitre est donc de fournir des éléments de réponse à trois questions simples : comment faire la paix après la Grande Guerre ? Comment se souvenir de la guerre ? Comment gérer les conflits d’après-guerre ?

Bibliographie indicative • À l'Est, la guerre sans fin : (1918-1923), catalogue de l’exposition du Musée de l’Armée, Gallimard, 2018. • Annette Becker, Les monuments aux morts : mémoire de la Grande Guerre, Errance, 1991. • Jean-Jacques Becker, Le traité de Versailles, PUF « Que sais-je ? », 2002. • Bruno Cabanes, La victoire endeuillée: la sortie de guerre des soldats français, 1918-1920, Seuil, 2004

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• Robert Gerwarth, Les vaincus. Violences et guerres civiles sur les décombres des empires, 1917-1923, Seuil, 2017. • Catherine Goussef, L’Exil russe. La fabrique du réfugié apatride, CNRS éditions, 2008. • Margaret MacMillan, Les artisans de la paix, J.C. Lattès, 2006 (éd. Livre de poche, 2008). • Michel Marbeau, La Société des nations, Presses universitaires de Tours, 2017. • « 1918. Comment la guerre nous a changés ? », L’Histoire, n°449-450, juillet-août 1918. • Nadine Picaudou, La décennie qui ébranla le Moyen-Orient 1914-1923, Complexe, 1992 • « Le siècle des réfugiés », L’Histoire, n°365, juin 2011. Site internet Les clés du Moyen-Orient (cf. « Dix ans qui ébranlèrent le Proche-Orient et le Maghreb », entretien avec Henry Laurens, 2014 : http://orientxxi.info/l-orient-dans-la-guerre-19141918/dix-ans-qui-ebranlerent-le-proche-orient-etle-maghreb,0705)

OUVERTURE › MANUEL PAGES 304-305 Les deux documents proposés tentent de mettre en perspectives deux approches différentes de l’immédiat après-guerre, deux sentiments, d’ailleurs plus complémentaires que contradictoires, qui affectent alors l’ensemble des sociétés touchées par le premier conflit mondial, selon qu’on mette l’accent sur la sortie de guerre ou sur l’entrée en paix. La première approche privilégie l’étude des démobilisations, du deuil et des mémoires ; la seconde celle des reconstructions en tout genre : matérielles, économiques et politiques.

Document 1. Sortir de la guerre We are making a new world, peint au début de 1918, est l’un des tableaux les plus connus de Paul Nash (1889-1946), peintre, photographe et critique d’art anglais, qui a combattu sur le front occidental, notamment dans le secteur d’Ypres. Il représente un paysage de lendemain de bataille où ne subsistent que quelques arbres morts et sur lequel le soleil se lève. La composition est rigoureuse, malgré le désordre apparent des formes qui constituent le tableau (cf.

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animation vidéo dans le manuel numérique). Les couleurs sont peu nombreuses, froides et ternes : gris (le ciel), blanc (le soleil et ses rayons), ocre (les nuages), bleu (la mare au fond à gauche), vert/kaki (le sol), noir (les troncs d’arbres et les ombres). Tout concourt, dans ce tableau, à donner une impression de mort et de désolation. Toute vie en est absente : pas un brin d’herbe, pas une feuille d’arbre. La violence de la guerre est ici suggérée par les traces qu’elle a laissées dans un paysage qui devait être, avant 1914, celui d’une forêt. Le sol ravagé, les arbres abattus évoquent la violence des combats ; les trous d’obus, les « marmites », les tranchées dont on distingue à peine les restes, évoquent l’intensité des bombardements, l’impossibilité de s’abriter et d’échapper à la mort ; la boue omniprésente renvoie aux conditions difficiles de la vie dans les tranchées. Les corps des soldats morts sont absents mais la mort est suggérée de façon symbolique : la couleur des nuages fait penser à celle du sang, celle de la terre aux uniformes des soldats ; le tronc abattu, au premier plan à gauche, figure un corps déchiqueté ; le tronc dressé à droite fait penser à un bras qui sort de terre. Le titre du tableau, a priori optimiste, contraste fortement avec la scène représentée. Il lui donne également une dimension intemporelle et générale, qui ne renvoie pas à un épisode précis du conflit. Ce titre est ambigu et ouvre la voie à deux interprétations : une vision malgré tout optimiste, incitant à rebâtir après la guerre, à reconstruire un monde nouveau sur les décombres de l’ancien ; une vision ironique, ancrée dans le présent, qui dénonce le genre de monde que l’homme est effectivement capable de construire. Dans les deux cas, l’impression laissée est la même : la mort, même une fois les combats terminés, reste omniprésente. Sa présence s’inscrit dans les paysages ravagés, elle se manifeste à travers le deuil qui frappe chaque famille. Le tableau, peint au début de 1918, annonce des sorties de guerre difficiles, marquées par l’impossibilité de tourner la page et d’oublier.

Document 2. Entrer en paix Clemenceau, Wilson et Lloyd George sortent du château de Versailles après la signature du traité, le 28 juin 1919. Ils sont acclamés par la foule venue en nombre pour les saluer, au milieu d’une nuée de journalistes, photographes, militaires, diplomates et experts en tout genre qui ont participé à l’élaboration de la paix. Quelques minutes plus tôt, la délégation allemande était sortie la 2

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première de la Galerie des Glaces, lieu symbolique où le 18 janvier 1871, à l’issue d’une autre guerre, avait été proclamé l’empire allemand. L’armistice du 11 novembre 1918 marquait la fin des combats, la signature du traité de Versailles signifie, juridiquement parlant, la fin de la guerre. C’est l’aboutissement de longs mois de négociations entre alliés, souvent difficiles et tendues. La Conférence de la paix s’est ouverte à Paris le 18 janvier 1919 – elle se poursuit d’ailleurs, sous une forme réduite, jusqu’à l’entrée en vigueur du traité, le 10 janvier 1920. Nul ne songe à contester le sérieux avec lequel ont travaillé ces « artisans de la paix » (Margaret MacMillan). La conférence rassemble 27 États – ceux qui étaient en guerre contre l’Allemagne – les 4 Dominions britanniques et les Indes ; elle mobilise 52 commissions techniques qui procèdent au total à 1646 séances de travail. Les décisions sont prises parfois en séances plénières, le plus souvent, par souci d’efficacité, en formation restreinte : Conseil des 10, puis Conseil des 4 (France, États-Unis, Grande-Bretagne et Italie), réduit à trois après le départ fracassant du premier ministre italien, Orlando, mécontent de la façon dont étaient traitées les revendications territoriales de son pays. Ce dernier Conseil, auquel reviennent in fine les décisions les plus importantes, s’est réuni 145 fois durant la conférence. Les trois chefs d’État (Wilson) et de gouvernement (Clemenceau et Lloyd George) qui figurent sur la photographie sont donc bien les principaux auteurs du traité, et la foule ne s’y trompe pas. Les trois hommes ne se ressemblent guère et avaient chacun, au début de la conférence, ses priorités : la SDN pour Wilson, la sécurité pour la France, la destruction de la flotte allemande pour la GrandeBretagne. Wilson et Lloyd George sont plutôt satisfaits du résultat. Clemenceau a dû céder sur le Rhin et se résoudre à une occupation temporaire de la rive gauche, mais il s’est entendu avec Lloyd George sur la question des réparations. Si en France, la popularité de Clemenceau est naturellement considérable, il faut également insister sur celle de Wilson, accueilli en héros à son arrivée à Brest, le 13 décembre 1918. Aux yeux de millions de Français, mais aussi de Britanniques, voire d’Italiens et même d’Allemands, il incarne l’espoir d’un monde nouveau, d’un nouveau système international fondé sur le droit et les principes démocratiques, susceptible de garantir une paix durable sur l’ensemble du continent européen.

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REPÈRES › MANUEL PAGES 306-307  Carte 1 : L’Europe des traités : nouvelles

frontières et nouveaux États La carte est classique. Elle montre le nouveau visage d’une Europe profondément remodelée, surtout dans sa partie centrale et orientale. On insistera sur deux points : - La disparition des quatre empires qui, au XIXe siècle, se partageaient une large part du continent : les empires allemand, austro-hongrois, russe et ottoman. Ce n’est pas seulement une forme de régime qui disparait mais le principe même de l’empire, conçu comme regroupement de nationalités diverses en un même État, qui est remis en cause. Par ailleurs, si l’Autriche-Hongrie et l’Empire ottoman sont totalement rayés de la carte, ce n’est pas le cas de l’Allemagne, ni de la Russie, qui subsistent sous d’autres formes. - La création de 9 nouveaux États, dont l’Autriche et la Hongrie, et, en conséquence, de 11 000 km de frontières nouvelles. Plus que jamais, l’Europe, comme le disait déjà Hume au XVIIIe siècle, apparaît comme « le continent morcelé ». Le principal reproche fait par l’économiste britannique John M. Keynes aux rédacteurs des traités est d’avoir voulu résoudre des questions politiques (créer de nouveaux États en tenant compte du principe des nationalités) sans en avoir mesuré les conséquences économiques : ces frontières constitueront autant d’obstacles aux échanges et à la reconstruction économique globale du continent. Membre de la délégation britannique à la conférence de la paix, Keynes démissionne de son poste en avril 1919.  Carte 2 L’Europe entre guerres et paix

(1918-1923) L’objectif de la carte est de rappeler qu’en juin 1919, alors qu’on fête la paix dans les rues de Paris ou de Londres, on continue de se battre sur d’autres terrains : guerres russo-polonaise et gréco-turque, qui ne prennent fin respectivement qu’en 1921 et 1922, guerre civile en Russie, qui prend des formes multiples et ne se termine réellement qu’en 1922. On notera aussi qu’en 1923, à quelques exceptions près (mais non des moindres), la SDN rassemble la quasi-totalité des pays d’Europe, réalisant au moins sur le Vieux continent son ambition d’organisation internationale à vocation universelle. Si seuls les signataires du traité de Versailles, et donc les vainqueurs de l’Allemagne, 3

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sont ses membres fondateurs, elle accueille rapidement en son sein les États restés neutres durant la guerre, et des États vaincus (Autriche et Bulgarie dès décembre 1920, Hongrie en 1922). Les deux grands absents, outre les États-Unis, restent en 1923 l’Allemagne et l’URSS, soit les deux principaux exclus de la Conférence de la paix.

 Doc. 3 : Le bilan humain de la Première Guerre mondiale (pertes militaires) Le nombre des soldats morts à la guerre peut varier d’un ouvrage à l’autre, notamment pour des pays comme la Russie ou les États-Unis. Le tableau comprend les soldats morts de maladie et les prisonniers de guerre décédés en captivité. On peut le compléter en donnant d’autres chiffres : 34 millions de blessés, 11,5 millions de prisonniers, environ 3 millions de veuves de guerre et 6 millions d’orphelins. L’armée qui a subi le plus de pertes, au regard de ses effectifs, est l’armée serbe, relativement mal équipée et qui eut à affronter dans des conditions très difficiles les troupes austro-hongroises, bien supérieures en nombre. On peut en dire autant de l’armée ottomane, qui devait se battre sur 4 fronts différents (les Détroits, le Caucase, la Mésopotamie, la Palestine).

Réponses aux questions 1. À quels nouveaux États la fin de la Première Guerre mondiale donne-t-elle naissance ? La Finlande, les trois États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie), la Pologne, la Tchécoslovaquie, l’Autriche, la Hongrie, le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (qui prend officiellement le nom de Yougoslavie en 1929). On peut y ajouter, hors d’Europe, la Turquie ainsi que les États arabes issus de la décomposition de l’Empire ottoman. 2. Dans quels pays le bilan humain de la guerre est-il le plus lourd ? En chiffres absolus, il s’agit de l’Allemagne et de la Russie. En % des soldats mobilisés, de la Serbie, puis de l’Empire ottoman et de la Roumanie. 3. Quels pays d’Europe ne font pas partie de la Société des nations en 1923 ? L’Allemagne et l’URSS, qui n’entrent à la SDN qu’en 1926 et 1934. La Turquie y entre en 1932. L’Islande, quant à elle, ne jouit pas encore d’une totale souveraineté - c’est le Danemark qui gère sa politique étrangère.

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COURS 1 Les traités de paix et leur difficile mise en œuvre (1919-1923) › MANUEL PAGES 308-309

Réponses au Testez-vous ! De quels grands principes se réclame le traité de Versailles ? Du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et du principe des nationalités. Ces principes ne figurent pas, tels quels, dans le traité ni dans le discours des 14 points de Wilson, mais ils en constituent l’armature idéologique. Dans quelles régions d’Europe la guerre se poursuit-elle après 1918 ? En Russie, la guerre civile succède à l’armistice signé à Brest-Litovsk le 15 décembre 1917. À la frontière russo-polonaise, les premiers affrontements commencent dès février 1919. En Asie mineure, les Grecs débarquent à Smyrne le 15 mai 1919. Quels sont les objectifs de la SDN ? La Société des nations est une organisation internationale qui se donne pour but de régler les conflits de façon pacifique, en prônant la sécurité collective, l’arbitrage et le désarmement. Elle entend aussi s’attaquer aux causes profondes des conflits en favorisant des conditions économiques et sociales propices à la paix. Après l’échec, en 1914, du Concert européen, elle incarne un nouveau type de système international fondé sur le droit.

COURS 2 Sorties de guerre et reconstructions › MANUEL PAGES 310-311

Réponses au Testez-vous ! Quelles sont les principales conséquences démographiques de la guerre ? Des pertes considérables tant militaires (10 millions de morts) que civiles (environ 6 millions), une chute de la natalité entre 1914 et 1918 (les « classes creuses »), une chute de la population active, un déséquilibre hommes/femmes, le dépeuplement de nombreux villages.

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Quels sont les lieux privilégiés des commémorations officielles ? Les monuments aux morts, à l’échelle de la commune ; les cimetières militaires, sur les champs de bataille ; la tombe du soldat inconnu, pour les pays qui adoptent cette pratique, à l’échelle de la nation. Qu’est-ce que le passeport Nansen ? Le passeport Nansen est un document administratif délivré dans un premier temps aux exilés russes et arméniens apatrides pour leur permettre de circuler et de bénéficier de la protection des États qui en reconnaissent la validité.

COURS 3 Révolutions et guerre civile en Russie (1917-1922) › MANUEL PAGES 312-313

Réponses au Testez-vous ! Qu’est-ce que la révolution d’Octobre ? La révolution d’Octobre (25 octobre 1917 du calendrier julien, 7 novembre du calendrier grégorien) est la deuxième phase du processus révolutionnaire qui touche la Russie en 1917 ; elle amène au pouvoir les bolcheviques qui, dans la nuit du 25 au 26 octobre, s’emparent des principaux centres du pouvoir. Quelles mesures sont prises dans le cadre du communisme de guerre ? La guerre civile conduit le gouvernement bolchevique à adopter des mesures exceptionnelles : rétablissement du service militaire, organisation de l’armée rouge, réquisitions forcées, étatisation de l’économie, mise en place d’un système de terreur politique. À quel conflit le traité de Riga met-il fin ? Le traité de Riga du 18 mars 1921 met fin à la guerre russo-polonaise. À la suite des victoires polonaises, les nouvelles frontières de la Pologne se situent désormais à environ 200 km à l’est de la ligne de démarcation qui avait été envisagée en 1919 par les Alliés (ligne Curzon).

DOCUMENTS Le traité de Versailles et ses enjeux > MANUEL PAGES 314-315 Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

 Doc 1. Les « 14 points » du président Wilson, 8 janvier 1918 Dans ce discours retentissant, immédiatement célèbre et constamment cité, Wilson, alors même que la victoire militaire est loin d’être acquise sur le terrain, énumère les principes qui devront, selon lui, inspirer la paix future et le nouvel ordre international qui en découlera. Sa portée, d’emblée, se veut universelle : Wilson ne réclame rien pour les États-Unis – ni territoires, ni réparations : « C’est le programme de paix dans le monde qui constitue notre programme » ; le texte est fondateur d’un courant de politique étrangère, le wilsonisme, qui, au nom des grands idéaux – la liberté, le droit des peuples, la justice – confère aux États-Unis la mission d’étendre au monde entier les principes qui ont fait leur fortune : la démocratie, le libéralisme. Les 14 points résument les buts de guerre des États-Unis. Les quatre premiers sont d’ordre général et participent directement de cette refonte de l’ordre international voulue par Wilson : ils s’adressent tout autant, sinon plus, à la France et la Grande-Bretagne – où ils ont d’ailleurs provoqué des réactions hostiles – qu’aux empires centraux. Les points 2 et 3 (liberté des mers, établissement de conditions commerciales égales pour tous) visent la prédominance du commerce britannique ; le point 4 (désarmement) le militarisme français ; le point 1 (diplomatie ouverte, c’est-à-dire publication non de la teneur des négociations diplomatiques, mais du résultat de ces négociations) s’attaque aux accords secrets comme le traité de Londres d’avril 1915 qui promettait à l’Italie un certain nombre de territoires pour prix de son entrée en guerre, ou les accords Sykes-Picot de mai 1916 qui découpaient le Moyen-Orient arabe en zones d’influence française et britannique. Les points 5 à 13 illustrent le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes – c’est-à-dire des nations à devenir des États et des populations à choisir leur forme de gouvernement. Ceux qui réclament l’évacuation des territoires envahis ou occupés ne posent pas problème (points 6, 7, 8 et 11 concernant respectivement la Russie, la Belgique, la France et les Balkans ; à noter que l’Alsace-Lorraine entre dans cette catégorie). Le point 10, sur l’Autriche-Hongrie est plus ambigu (Wilson ne parle pour les nations de l’empire que d’un « développement autonome »), de même que le point 5, aux formulations alambiquées, qui concerne les empires coloniaux (Wilson ne fait pas d’anticolonialisme de principe et se contente de réclamer la prise en compte des « intérêts des populations en jeu » ; la France et le Royaume-Uni 5

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feindront de croire que le texte ne visait que les colonies allemandes). Le point 13, enfin, spécifiquement consacré à la Pologne, contient en soi une contradiction riche de conflits futurs, puisque Wilson veut à la fois un État habité de « populations indiscutablement polonaises » et qui dispose d’un « libre accès à la mer » : la réalisation de la seconde condition (le corridor de Dantzig) se fera au détriment de la première. Wilson termine par ce qui a le plus de prix à ses yeux, la création de la future Société des nations, clef de voûte du nouvel ordre mondial dont il résume les traits caractéristiques : sécurité collective, système fondé sur le droit, égalité juridique entre toutes les nations.  Doc 2. Principaux articles du traité de Versailles, 28 juin 1919 Le traité de Versailles ne se contente pas de mettre fin à la guerre avec l’Allemagne. Il sert de modèle aux traités qui seront signés avec ses alliés : traités de Saint-Germain avec l’Autriche, Neuilly avec la Bulgarie, Trianon avec la Hongrie et Sèvres avec la Turquie. Tous s’ouvrent par les 26 articles du Pacte de la SDN ; tous adoptent la même architecture et traitent successivement des questions suivantes : frontières, droits des Allemands (Autrichiens, Hongrois, etc.) hors de leur pays, clauses militaires, prisonniers de guerre, sanctions, réparations, clauses financières, clauses économiques, navigation aérienne, ports, voies d’eau et voies ferrées, Organisation internationale du Travail, garanties d’exécution. L’objectif est de bâtir un édifice juridique homogène sur l’ensemble du continent européen. L’article le plus important du traité, sur lequel repose tout l’ensemble, est l’article 231, qui déclare que l’Allemagne et ses alliés sont les seules responsables du conflit. C’est cette responsabilité qui constitue le fondement juridique du traité, le postulat duquel découle tout le reste (réparations, inégalité de traitement, désarmement, etc.). L’article 231, dans l’esprit des rédacteurs du traité, sert avant tout à justifier le paiement des réparations (article 232), et c’est pour cela qu’il figure dans la partie VIII consacrée à cette question. Si l’Allemagne doit « réparer », dans tous les sens du terme, ce n’est pas parce qu’elle est vaincue, ni en raison du droit du plus fort, c’est parce qu’elle est juridiquement responsable. On remarquera que, par l’article 232, l’Allemagne s’engage à payer une somme dont elle ignore le montant (elle ne le connaît qu’en mai 1921 : 132 milliards de marksor).

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 Doc. 3 Vu de France : une revanche Dans cette illustration tirée de l’un des quotidiens nationaux les plus lus en France (environ 1,5 million d’exemplaires), la signature du traité est clairement perçue comme une revanche de Marianne sur Germania. Dans la scène du haut, en noir et blanc, on distingue Bismarck imposant à la France défaite le traité de Francfort, qui lui arrache deux de ses enfants (l’Alsace et la Moselle). La scène du bas, toute illuminée, montre Marianne foulant aux pieds l’épée du vaincu et lui ordonnant de haut de signer le nouveau traité. La victoire est avant tout militaire, et la tenue des deux personnages le rappelle. On note que Germania, en 1919, est revêtue d’un casque à pointe, tout comme les Prussiens de 1871. Dans l’esprit des Français, on ne s’embarrasse pas de prendre en compte un quelconque changement de régime : c’est bien l’Allemagne de toujours, l’ennemi héréditaire, qui a été vaincue. Tout concourt d’ailleurs à alimenter auprès des Français ce type de représentations : la conférence de la paix s’ouvre un 18 janvier, jour anniversaire de la proclamation de l’empire allemand, en 1871, et la signature du traité se tient dans la galerie des Glaces du château de Versailles, lieu de cette même proclamation (conçue elle-même par Bismarck comme une réponse aux humiliations subies du temps de Louis XIV et de Napoléon…).  Doc 4. « Une Europe de droit » ? Le texte est écrit par Clemenceau à la toute fin de sa vie, alors qu’il se penche, avec 10 ans de recul, sur l’œuvre de Versailles et son application. Il s’emploie à défendre « son » traité et charge ses successeurs à la tête du gouvernement, l’Allemagne, mais aussi la Grande-Bretagne et les États-Unis, des échecs de sa mise en œuvre. Dès le jour de l’armistice, devant la Chambre, il prévenait : « Nous avons gagné la guerre, mais maintenant, il va falloir gagner la paix, et ce sera peutêtre plus difficile ». Il reprend ici cette même idée, mais en sortant du contexte national et en l’élargissant à l’ensemble du continent. Il est certain qu’en 1919, les principaux auteurs de Versailles avaient bien conscience de l’imperfection du traité et des difficultés qui naitraient de son application. Mais ils avaient aussi conscience du caractère absolument novateur des principes sur lesquels il était fondé et de l’ambition du projet. On notera dans le texte le coup de patte du Tigre à Foch (décédé l’année précédente), qui durant la conférence de la paix s’était frontalement opposé à Clemenceau sur la question de l’occupation de la

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rive gauche du Rhin (Foch voulait que les provinces rhénanes soient détachées du reste de ‘Allemagne pour que la France puisse y exercer une sorte de protectorat).  Doc 5. Vu d’Allemagne : un Diktat L’image est dure, sobre et expressive ; elle se passe de toute légende ; les couleurs, noir et rouge, sont celles du deuil et du sang. Elle paraît alors que le traité n’est pas encore signé mais que ses clauses sont connues (l’Allemagne en a pris connaissance le 5 mai). Le document parle de luimême ; parmi les bourreaux qui s’apprêtent à exécuter l’Allemagne, c’est Clemenceau qui tient le rôle principal : c’est lui actionnera la guillotine (mode d’exécution d’ailleurs propre à la France). Pour les Allemands, comme pour les Français, la guerre a beau avoir une dimension européenne, voire mondiale, elle reste avant tout un affrontement franco-allemand.

Réponses aux questions 1. Que montrent les deux scènes ? Les deux scènes nous donnent deux représentations opposées du traité de Versailles, celle du vainqueur et celle du vaincu. Elles se rejoignent toutefois sur deux points : le thème de la revanche et celui d’une paix imposée. Le document 3, pourtant tiré de la presse française, illustre à merveille la thèse allemande du Diktat. 2. Qui sont les personnages représentés ? On distingue nettement Wilson, à gauche, Clemenceau, au centre, et Lloyd George. Alors que les Allemands, au moment de l’armistice et encore à l’ouverture de la conférence de la paix, nourrissaient de grands espoirs dans les principes wilsoniens, ils ont compris désormais qu’ils ne s’appliqueraient pas à eux. Wilson est ici clairement identifié comme un bourreau, duquel il n’y a plus rien à attendre. 3. Sur quels principes nouveaux les rédacteurs du traité de Versailles veulent-il bâtir la paix ? Le principe du droit des peuples à disposer d’euxmêmes et le principe des nationalités ne sont pas à proprement parler « nouveaux », mais c’est la première fois qu’on cherche, du moins en théorie, à les appliquer de façon systématique. Encore plus fondamental, la volonté de construire un nouvel ordre international fondé sur le droit : à l’échelle du monde pour Wilson, à travers la SDN ; à celle de la seule Europe pour Clemenceau, qui ne croit

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guère à la SDN et ne veut pas voir les principes wilsoniens gagner les empires coloniaux. 4. Pourquoi le traité a-t-il été perçu en Allemagne comme une humiliation ? On peut apporter trois éléments de réponse. L’Allemagne n’a pas été invitée à la conférence de la paix (contrairement à toutes les pratiques antérieures où le vaincu était convié aux négociations) : on lui a remis le texte le 5 mai en la priant de faire ses observations par écrit. Une seule sera prise en compte (l’établissement d’un plébiscite sur la Haute-Silésie, qui initialement, devait revenir tout entière à la Pologne). De là naît l’idée du Diktat, d’un traité imposé par la force. Deuxième point, dont les conséquences sont sans doute les plus importantes : l’article 231, qui fait l’objet, en Allemagne, d’une condamnation immédiate et unanime. L’Allemagne interprète la notion de responsabilité sur le plan moral et non simplement juridique : le traité fait d’elle une coupable. Les Allemands étaient prêts à accepter des responsabilités partagées mais pas à endosser seuls le fardeau du déclenchement de la guerre. Troisième point : les inégalités de traitement qu’elle doit subir : le principe des nationalités ne s’applique pas à elle puisqu’on interdit aux Autrichiens de se prononcer sur un éventuel rattachement à l’Allemagne (art. 80) ; le principe du désarmement ne concerne qu’elle et pas les autres puissances belligérantes (art. 160) ; la mise en accusation des responsables politiques et militaires (principe tout à fait nouveau en droit) n’affecte que ses ressortissants (art.237), etc. Si l’Allemagne sort humiliée de Versailles, son sort n’est toutefois pas pire que celui de l’Autriche-Hongrie, qui disparaît purement et simplement. Même amputée d’une partie de son territoire, l’Allemagne reste un État unitaire, puissant, qui a gardé intact son potentiel économique. Mais les Allemands n’étaient évidemment pas disposés, au sortir de la défaite, à se représenter les choses de cette façon. Synthétiser On pourra mettre en regard l’article 160 et le point 4, de même que la nouvelle carte de l’Europe et les points 9, 10 et 13 (frontières de l’Italie, démantèlement de l’Autriche-Hongrie, création de la Pologne). De même le dernier point, sur la SDN, sera illustré par la carte de la p. 307, qui montre que la plupart des pays d’Europe, grands et petits font bien partie de la nouvelle organisation. Les articles 119 (sur les colonies allemandes, qui seront confiées aux vainqueurs) et 232, sur les

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réparations, sont clairement en faveur des vainqueurs. De même que le point 8, qui ne prévoyait pas de demander l’avis des Alsaciens sur leur retour à la France. Le point 13 illustre parfaitement les ambiguïtés du traité et des contradictions (ici pleinement assumées par Wilson) entre principes théoriques et considérations géopolitiques : pour donner à la Pologne (État considéré comme vainqueur) un accès à la mer, il fallait lui accorder des terres peuplées de Kachoubes, qui du temps de l’empire avaient toujours envoyé au Reichstag des députés allemands. Itinéraire 2. Organiser un débat On pourra aussi faire jouer aux élèves le rôle d’un Français et d’un Allemand, voire aussi d’un Britannique ou d’un Américain, si l’on veut étendre le débat au-delà de deux groupes. On pourra également, si l’on préfère, demander à travailler plus particulièrement une question précise comme celles des réparations ou des frontières de la Pologne.

PASSÉ / PRÉSENT Pourquoi le traité de Trianon est-il encore aujourd’hui perçu en Hongrie comme une injustice ? > MANUEL PAGES 316-317  Doc 1. Les arguments des vainqueurs Le traité est envoyé au gouvernement hongrois le 6 mai 1920, soit environ un mois avant sa signature (le 4 juin). Comme cela avait été le cas pour les Allemands et Versailles, les Hongrois n’ont pu en discuter les clauses. La lettre est signée du président du Conseil français, Alexandre Millerand, qui parle ici, en tant que président de la Conférence de la paix, au nom de l’ensemble des « Puissances alliées et associées » (les États-Unis, dès 1917, n’ont pas voulu apparaître comme « alliés » des Français et des Britanniques et ont préféré le qualificatif plus souple d’« associés »). Le ton est dur : l’extrait commence par un rappel de la « responsabilité » incombant à l’Autriche-Hongrie dans la crise de l’été 1914, faisant écho à l’article 231 du traité de Versailles. Il pointe particulièrement la responsabilité du gouvernement hongrois, accusé, notamment en France, d’avoir été l’élément le plus réactionnaire de la Double Monarchie et, en 1914, d’avoir poussé Vienne à l’intransigeance.  Doc 2. Un traumatisme national Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

Cette carte postale a fait l’objet d’une très large diffusion et a été reçue par l’ensemble des parlementaires français, accompagnée d’une vaste documentation pro-hongroise. Il en existe des versions semblables, construite sur le même modèle, à destination des Britanniques, des Italiens ou des Américains. La carte du bas représente la Hongrie issue de Trianon, en blanc, comparée à la Transleithanie (en noir), c’est-dire la partie hongroise de l’empire jusqu’en 1918 (la partie autrichienne étant la Cisleithanie). Sous l’empire, la Hongrie, qui disposait d’un gouvernement et d’institutions propres, jouissait d’une large autonomie, notamment vis-à-vis de la politique qu’elle pratiquait à l’égard de « ses » minorités.  Doc 3. Les frontières de la Hongrie avant et après le traité La carte met l’accent sur l’importance des minorités hongroises situées hors de Hongrie après le traité de Trianon : plus de 3 millions de Hongrois, soit 40% de la population de la nouvelle Hongrie. Si 350 000 d’entre eux décidèrent d’émigrer pour venir s’installer en Hongrie (un des nombreux cas de ces « réfugiés de la paix » consécutifs aux traités – cf. cours suivant), la grande majorité resta sur place. C’est précisément pour faire face au révisionnisme hongrois que les trois pays voisins abritant ces minorités se rapprochèrent pour constituer en août 1920 la Petite Entente, alliance tripartite directement dirigée contre l’irrédentisme hongrois.  Doc 4. Un passé instrumentalisé Le traumatisme de Trianon, soigneusement entretenu durant l’entre-deux-guerres par le régime nationaliste de l’amiral Horthy et mis sous cloche durant la période communiste (la Hongrie devait entretenir de bonnes relations avec ses voisins et l’internationalisme prolétarien devait transcender les différends frontaliers), ressurgit avec force après 1990, comme le rappelle Catherine Horel. La dérive populiste des gouvernements Orban conduit ici, en 2018, le premier ministre hongrois à établir un parallèle entre les frontières hongroises imposées en 1920 par les vainqueurs et la législation européenne en matière migratoire qui serait elle aussi imposée de l’extérieur à la Hongrie. Il oublie de dire que la Hongrie fait bel et bien partie de l’Union européenne depuis 2004 et qu’elle n’a jamais cherché à en sortir. Il n’empêche que le thème des minorités hongroises de Slovaquie, de Serbie et surtout de Roumanie, qui ne jouiraient pas des mêmes droits que les

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autres, continue d’alimenter les discours nationalistes. Depuis son retour au pouvoir en 2010, Viktor Orban s’emploie à choyer ces minorités, en déployant en leur faveur un intense lobbying, en leur permettant d’obtenir la citoyenneté magyare et de voter aux élections législatives hongroises.  Doc 5. « Justice pour la Hongrie » L’extrême-droite hongroise ultranationaliste continue de dénoncer régulièrement le traité de Trianon. C’est notamment le cas du parti Jobbik, fondé en 2003, qui s’est imposé aux élections législatives de 2018 comme la deuxième force politique de Hongrie en recueillant près de 20% des suffrages. Le parti a d’ailleurs des antennes en Transylvanie, auprès des minorités hongroises de Roumanie. La carte brandie lors de cette manifestation fait écho à celle du document 2. Cette représentation de la « Grande Hongrie » est depuis quelques années déclinée sous les formes les plus diverses et il n’est pas rare de la retrouver dans les boutiques de souvenirs de Budapest, sur le mur d’une maison de village ou à l’arrière du comptoir d’un café ou d’un commerce ordinaire.

Réponses aux questions 1. Sur quels arguments les partisans et les opposants du traité de Trianon s’appuient-ils ? Les partisans du traité mettent en avant la rhétorique déjà à l’œuvre à Versailles : la responsabilité de la Hongrie dans les origines du conflit, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les Alliés reconnaissent d’ailleurs, non sans une certaine hypocrisie, que les frontières des peuples étaient trop complexes pour pouvoir, dans le cas hongrois, correspondre aux nouvelles frontières politiques : c’est admettre certaines entorses au principe des nationalités et reconnaître à demi-mot que lorsqu’il a fallu choisir, le tracé s’est fait systématiquement au détriment du vaincu. L’argument qui pourrait être valable pour les populations hongroises situées à l’est de la Transylvanie (des « noyaux » de plusieurs centaines de milliers d’individus !), ne tient pas lorsqu’il s’agit de minorités hongroises limitrophes qui se retrouvent purement et simplement rejetées de l’autre côté de la frontière. Les adversaires du traité s’appuient, eux, sur des arguments historiques, arguant des frontières qui étaient celles de la Transleithanie. Dans cette « Grande Hongrie », la population magyare représentait en 1910 48% de la population, ce qui laissait place à de nombreuses minorités, essentiellement slaves, mais aussi roumaines, allemandes et Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

italiennes. Les gouvernements hongrois d’avantguerre pratiquaient d’ailleurs, à l’égard de ces minorités, une politique centralisatrice et de magyarisation forcée, ne laissant aux nationalités qu’une place infime, tant sur le plan politique qu’administratif et culturel. Le ressentiment des Slovaques, des Roumains et des Yougoslaves à l’égard des Hongrois après 1919 s’explique aussi de cette façon. 2. Que signifient ces deux représentations cartographiques ? Dans quel objectif, en 1920 et en 2015, sont-elles mises en avant ? L’objectif des deux représentations est d’illustrer de façon directe l’ampleur des pertes territoriales subies par la Hongrie avec le traité de Trianon. Elles ne sont toutefois pas brandies avec le même objectif : en 1920, il s’agissait d’obtenir une révision du traité et des frontières. Ce n’est plus le cas en 2015 et nul ne songe sérieusement aujourd’hui à modifier les frontières existantes. Trianon apparaît plus comme le symbole d’une Hongrie victime d’injustices et qui aurait, tout au long du XXe siècle, constamment dû subir la loi du plus fort : les vainqueurs de 1918, l’URSS après 1945, l’UE aujourd’hui. Au-delà de tout discours politique, évoquer Trianon renvoie aussi, plus largement, à l’expression d’une certaine nostalgie, du temps où la Hongrie était une grande puissance d’Europe centrale et Budapest une capitale qui pouvait rivaliser, tant sur le plan démographique qu’économique et culturel, avec les plus grandes villes d’Europe. 3. Comment peut-on expliquer la présence de nombreuses minorités hongroise hors de Hongrie ? La présence d’importantes minorités hongroises hors de Hongrie s’explique encore aujourd’hui par le traité de Trianon. Il faut toutefois apporter un certain nombre de nuances : la Seconde Guerre mondiale a également produit ses effets et de nombreux Magyars de Voïvodine ont notamment été expulsés de Yougoslavie après 1945. Il ne faudrait par ailleurs considérer que ces minorités vivent toutes dans la nostalgie de la « Grande Hongrie » et adhèrent au discours nationaliste du gouvernement Orban. Beaucoup d’entre elles sont parfaitement intégrées et entretiennent d’excellentes relations avec les populations du pays où elles vivent depuis maintenant quatre générations. 4. Quelle « lecture historique » Viktor Orban et les nationalistes hongrois font-ils aujourd’hui du traité de Trianon ?

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La lecture historique officielle est celle d’un traité profondément injuste, fruit d’une entreprise délibérée de destruction de l’empire austro-hongrois et principalement de la monarchie hongroise. Dans cette perspective, l’anticlérical Clemenceau est notamment accusé d’avoir voulu le démantèlement du très catholique empire des Habsbourg. Alors que la question (qui constitue de fait un réel débat historiographique) mériterait d’être traitée de façon nuancée, elle est instrumentalisée au profit d’un discours de victimisation, qui ferait du peuple hongrois, tout au long du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui, la cible privilégiée de ses nombreux et puissants voisins, qu’ils soient slaves, allemands ou latins.

DOCUMENTS De Sèvres à Lausanne : la naissance de la Turquie moderne > MANUEL PAGES 318-319  Doc 1. Une guerre de libération L’armistice de Moudros, signé le 30 octobre 1918 avec les Alliés, laisse l’Empire ottoman dans un état de décomposition totale. Le sultan ne peut empêcher l’occupation par les troupes françaises, britanniques et italiennes, de la majeure partie du pays, le contrôle des détroits par les Alliés et le démembrement de l’Empire. Il ne peut non plus s’opposer au débarquement à Smyrne, le 15 mai 1919, en plaine Conférence de la paix, de 20 000 soldats grecs chargés de réaliser la « Grande Idée » (l’extension territoriale en Asie mineure). C’est dans ce contexte qu’avant même la signature du traité de Sèvres, le général Mustafa Kemal, qui s’est rendu célèbre lors des combats des Dardanelles en 1915, lance le signal de la révolte. Celleci comprend trois volets : la libération de la Turquie des troupes étrangères, la révision du traité de Sèvres, la destitution du sultanat et la proclamation de la République. Le programme est successivement réalisé entre 1920 et 1923.  Doc 2. Évacuation de la population grecque de Smyrne (Izmir), 13-22 septembre 1922 C’est en juillet-août 1919, lors du congrès d’Erzurum, que Mustafa Kemal, en rupture ouverte avec le sultan, prend la tête d’un mouvement nationaliste, bien décidé à s’opposer au rêve d’une Grande Grèce entretenu par le premier ministre Venizelos. La guerre gréco-turque dure trois ans, de 1919 à 1922. Les Grecs sont soutenus par le Royaume-Uni, tandis que les forces kémalistes, à Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

partir de 1921, bénéficient de l’appui de la France, qui veut contrer l’influence britannique en Méditerranée orientale. Les victoires turques s’enchaînent en 1921 ; les Grecs résistent un an dans Smyrne, l’actuelle Izmir, où ils se sont réfugiés et qui est finalement prise le 9 septembre 1922. L’incendie de la ville dure une semaine et détruit les quartiers chrétiens de la cité, épargnant la plupart des quartiers juifs et musulmans. Smyrne est alors une ville commerçante et cosmopolite, mais dont environ la moitié de la population est grecque. L’évacuation s’effectue dans des conditions très difficiles, les navires grecs ne commençant à embarquer les survivants qu’à partir du 24 septembre. Le nombre de victimes grecques et arméniennes, très difficile à évaluer, s’élève sans doute à plusieurs dizaines de milliers.  Doc 3. Du traité de Sèvres (1920) au traité de Lausanne (1923) Le traité de Sèvres du 10 août 1920, signé par le sultan Mehmed VI alors que la guerre continue de faire rage entre Grecs et kémalistes, n’est ni ratifié, ni appliqué. Traité mort-né, il réduisait la Turquie à une peau de chagrin, lui enlevant quasiment toute souveraineté, tant en matière politique qu’économique et militaire. Le traité de Lausanne, obtenu par Mustafa Kemal après la victoire de ses armées, renverse totalement la situation : il est le premier traité révisionniste, qui remet directement en cause l’ordre versaillais. On voit bien sur la carte les pays qui en font les frais : la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et la Grèce. Les Kurdes, qui avaient obtenu lors du traité de Sèvres la création d’un « territoire autonome des Kurdes », doivent renoncer à leurs aspirations, tandis que les Arméniens, qui ont proclamé leur indépendance en mai 1918, voient leur éphémère république succomber fin 1920 sous les assauts conjugués de la Russie communiste et de la Turquie.  Doc 4. La reconstitution de la Turquie après le traité de Lausanne Le texte, qu’il faut lire en se repérant sur la carte, fait la liste des concessions obtenues par la Turquie à Lausanne : d’importantes révisions frontalières (Thrace orientale, totalité de l’Asie mineure), l’abolition du vieux système des capitulations (conventions imposées par les puissances européennes à l’Empire ottoman en faveur de leurs ressortissants) et la présidence de la Commission des Détroits (qui restent démilitarisés). Les Kurdes et les Arméniens doivent renoncer à toute indépendance. Le ton du texte est celui d’un pays qui s’est libéré de la tutelle étrangère pour 10

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gagner son indépendance. C’est toujours comme cela que la guerre gréco-turque est comprise en Turquie : comme une guerre d’indépendance. À ce titre, sa mémoire est beaucoup plus vivace que celle de la Première Guerre mondiale.

Réponses aux questions 1. Quels arguments M. Kemal utilise-t-il pour convaincre les Syriens de Cilicie de le rejoindre ? Kemal tente de dresser les Syriens de Cilicie contre les Français qui occupent leur région. Il en appelle à la vieille solidarité ottomane qui avait réussi, avant la défaite de 1918, à préserver l’Empire de la colonisation. Il en appelle aussi à la solidarité religieuse qui, au-delà des divergences politiques, devrait unir l’ensemble des musulmans contre les infidèles : le tract s’achève d’ailleurs par un appel au Djihad, à la guerre sainte (hors extrait). Il est clair que ce discours est de circonstance : Kemal cherche avant tout à reconstituer une Turquie turque et fait peu de cas des populations arabes de l’Empire ; mais il joue habilement des restes d’un patriotisme ottoman, qu’il sait être encore réel parmi les consciences arabes. Les troupes françaises évacueront la Cilicie fin 1921. 2. Quels territoires la Turquie récupère-t-elle en 1923 ? La Turquie récupère à l’ouest la région de Smyrne ainsi que les possessions d’Europe qui lui restaient à l’issue des guerres balkaniques (dont la ville d’Andrinople, qui reprend son nom turc d’Edirne). À l’Est, elle met fin à la République d’Arménie. Au sud, elle gagne quelques terres sur la Syrie et l’Irak mandataires. Sur l’ensemble de son territoire, elle obtient l’évacuation des troupes étrangères. Elle ne parvient pas toutefois à obtenir de la Grande-Bretagne la région riche en pétroles de Mossoul, qui reste en Irak, ni à gagner sur la Syrie, le long de la côte méditerranéenne, le Sandjak d’Alexandrette. Ce dernier objectif sera réalisé en 1938. 3. Quels sont les effets du conflit gréco-turc sur les populations civiles ? La fin de la guerre et le traité de Lausanne donnent lieu à de gigantesques mouvements forcés de population. 1,3 million de Grecs (au sens de chrétiens grecs orthodoxes) sont contraints de quitter l’Asie mineure, dans des conditions souvent terribles, alors que certaines communautés y étaient fixées depuis la plus haute antiquité. De leur côté, 400 000 Turcs (musulmans) doivent quitter la Grèce. La convention de Lausanne du 30 janvier Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

1923 établit les modalités de cet échange forcé, le premier de ce type, qui préfigure les grands déplacements de populations de l’après 1945 en Europe centrale et orientale ou les échanges de populations indiennes et pakistanaises après la partition de 1947. L’afflux de ces 1,3 million de réfugiés (dont 900 000 dès 1922 du fait de la guerre et des massacres perpétrés par les armées turques) dans une Grèce alors peuplée de 5 millions d’habitants a profondément marqué les mémoires. La « Grande Catastrophe » est l’un des épisodes les plus douloureux de l’histoire de la Grèce contemporaine. 4. Les frontières de la Turquie, à Sèvres et à Lausanne, tiennent-elles compte du principe des nationalités ? Ni à Sèvres, ni à Lausanne, l’on a cherché à respecter le principe des nationalités, comme si celuici ne valait que pour l’Europe « civilisée ». Dans les deux cas, ce sont bien les considérations géopolitiques et économiques qui l’ont emporté, chaque État vainqueur cherchant avant tout à tirer son épingle du jeu. La volonté de Mustafa Kemal d’homogénéiser la population de la nouvelle Turquie a conduit à adopter des opérations d’ingénierie démographique aux conséquences dramatiques. En quelques années, on passe d’un Empire ottoman regroupant un ensemble de nationalités diverses à une république turque poussant à l’extrême la logique de l’État-nation. 5. Synthétiser La guerre joue un rôle essentiel dans la création de la Turquie moderne. Il faut en réalité parler plutôt des guerres. La Première Guerre mondiale met fin à l’Empire ottoman, la guerre gréco-turque amène à la révision du traité de Sèvres et à la proclamation de la république turque. Si l’on considère que l’Empire était déjà en guerre dès 1911 (contre l’Italie) puis en 1912 et 1913 (les deux guerres balkaniques), ce sont près de 12 années de conflits ininterrompus, bien que revêtant des formes très différentes, qui se sont succédé. On voit à quel point, dans cette région d’Europe et du MoyenOrient, la chronologie ordinaire (1914-1918) n’est pas adaptée aux réalités. Itinéraire 2. Réaliser une carte mentale On pourra insister dans un premier sur la nécessité de bien maîtriser la chronologie des événements qui, tant à Paris que sur le terrain, affectent la situation de l’Empire puis de la Turquie, de l’armistice de Moudros au traité de Lausanne. On mettra en relief la complexe dualité gouvernementale qui, sur le plan diplomatique place les Fran11

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çais et les Britanniques face à deux autorités prétendant incarner l’ensemble du pays (le gouvernement d’Istanbul et celui d’Ankara) et la façon dont se résout ce conflit de légitimité, à mesure de la progression des armées kémalistes.

DOCUMENTS Réfugiés et apatrides dans l’Europe de l’après-guerre > MANUEL PAGES 320-321  Doc 1. Les réfugiés dans l’Europe de l’aprèsguerre La question des réfugiés n’apparaît évidemment pas avec la Première Guerre mondiale mais elle se présente d’une façon tout à fait nouvelle, pour au moins trois raisons : le caractère de masse du phénomène, qui ne touche pas quelques groupes d’individus mais des populations entières (on estime à 10 millions le nombre de personnes contraintes de quitter leur foyer de façon forcée entre 1914 et 1923) ; la diversité des populations touchées : toute l’Europe est concernée et devient terre d’exil, de transit ou d’accueil, toutes les catégories sociales sont concernées ; les circonstances du refuge, qui ne sont plus seulement dues à la guerre (on fuit devant l’avancée des troupes ennemies) mais aussi à la paix : à la catégorie traditionnelle des réfugiés de la guerre s’ajoutent, à l’issue des traités, celle des réfugiés de la paix (comme les Allemands contraints de quitter l’Alsace dès l’armistice ou les Grecs et les Turcs victimes de l’échange des populations de 1923 – cf. cours précédent).  Doc 2. La prise en charge des réfugiés par les organisations humanitaires Autre trait caractéristique : l’internationalisation d’un phénomène, qui n’est plus seulement traité dans un cadre interétatique ou national, mais qui implique quantité de nouveaux acteurs (la Société des nations, des organisations privées, des fondations), mobilise les opinions publiques et accompagne la naissance d’une nouvelle diplomatie humanitaire. Dans le cas des réfugiés arméniens comme des réfugiés grecs et turcs, le CICR (Comité international de la Croix-Rouge – la plus ancienne des ONG fondée dès 1864 par le Suisse Henri Dunant), les Croix-Rouges nationales et le Croissant-Rouge turc jouent un rôle très actif. Mais elles ne sont pas les seules : l’ONG britannique Save the children, créée en 1919, la Fondation Rockefeller ou l’American Relief Fund, chaHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

cune dans leur domaine, sont également présentes. Elles s’emploient à organiser l’évacuation, assurer le ravitaillement, lutter contre les épidémies, soigner les enfants, gérer les camps de réfugiés. Les organisations privées américaines suppléent ainsi, à leur façon, l’absence des États-Unis à la SDN et le retrait du gouvernement américain des affaires politiques européennes.  Doc 3. Les réfugiés russes en banlieue parisienne Nina Berberova est une romancière russe, née en 1901, qui quitte la Russie en 1922, trouve refuge dans plusieurs villes d’Europe avant de s’installer à Paris en 1925. Dans Chroniques de Billancourt, elle décrit, à travers plusieurs textes courts, la vie quotidienne des réfugiés russes venus trouver du travail dans les usines Renault. La scène ici décrite nous paraît presque banale, tant la figure du réfugié nous est devenue familière. Elle ne l’était pas dans les années 1920 et la romancière dépeint l’étonnement, la curiosité et les interrogations des habitants de Billancourt face à l’arrivée de ces familles entières. Après le départ et le voyage, l’accueil est la troisième phase du processus, celle qui est peut-être la plus redoutée, car la plus incertaine. On estime à 200 000 le nombre de Russes qui trouvent refuge en France à l’issue de la révolution et de la guerre civile.  Doc 4. Passeport Nansen de l’émigrant

russe Sergey Stoyanov L’un des principaux obstacles auxquels doit faire face le réfugié est de nature juridique. Le 20 décembre 1921, le gouvernement bolchevique décide de déchoir de leur nationalité tous les Russes qui ont quitté leur pays sans autorisation après le 7 novembre 1917, ainsi que ceux qui ont séjourné 5 ans ou plus à l’étranger sans certificat des autorités soviétiques. Le gouvernement turc prend des mesures semblables à l’égard des Arméniens en 1923 et 1927. Ces mesures de dénationalisation massive créent des apatrides, sans existence légale, refoulés de pays en pays, en situation de clandestinité permanente, sans l’incapacité de trouver un domicile ou un travail. L’idée de Nansen, en 1922, est de créer dans le cadre juridique de la SDN un passeport international pour les apatrides, des papiers d’identité leur garantissant un minimum de reconnaissance légale et de protection sociale dans les pays qui le reconnaitraient. Le passeport Nansen est accepté par 16 pays dès sa création, par 40 en 1926. Des célébrités comme Chagall, Stravinsky, Rachmaninov ou Nabokov en bénéficient. C’est aussi le cas de Nina 12

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Berberova. Le document nous montre le passeport d’un réfugié russe établi en deux langues : celle du pays où il a été délivré (en l’occurrence la Tchécoslovaquie) et le français, langue officielle utilisée à la SDN. On remarque au bas du document le timbre de la Société des nations à l’effigie de Nansen.

Réponses aux questions 1. Quels sont les principaux flux de réfugiés ? Les principaux flux concernent : les réfugiés russes et ukrainiens fuyant la guerre civile et le régime communiste (la majorité des Ukrainiens trouvent refuge en Pologne) ; les Arméniens, rescapés du génocide de 1915-1916 (qui pour une part se dirigent vers la République soviétique d’Arménie) ; les Grecs d’Asie mineure fuyant les armées kémalistes ; les Grecs et les Turcs victimes des échanges organisés en vertu de la convention de Lausanne du 30 janvier 1923. D’autres flux ne figurent pas sur la carte : les Allemands d’Alsace et Moselle contraints d’évacuer dès l’armistice de novembre 1918, ceux du Danemark et de Pologne (environ 1 million d’Allemands au total), les Hongrois de Roumanie ou de Tchécoslovaquie qui font le choix de venir s’installer dans leur nouveau pays (350 000). La plupart de ces flux, à quelques exceptions près, se font d’est en ouest et dans un cadre européen (les États-Unis limitent dès 1921 les possibilités d’immigration – lois des quotas). 2. Dans quelles conditions le départ et le voyage des réfugiés se sont-ils effectués ? Quelles que soient les circonstances du départ, qu’on soit en guerre ou en paix, il se fait toujours dans la précipitation et dans le déchirement. Hommes, femmes et enfants abandonnent une terre, une maison, un commerce, mais aussi des amis, des relations, un mode de vie. Ils emmènent avec eux le strict nécessaire et les objets auxquels ils sont le plus attachés (cf. les théières et les icones évoqués à la fin du premier paragraphe). L’état de fatigue et de dénuement des réfugiés russes décrits par Nina Berberova, ainsi que les souliers émergeant de leurs bagages en disent long sur les conditions de leur voyage. Les 200 000 Russes qui finissent, au terme de leur périple, par s’installer en France, le font en moyenne 4 ans après avoir quitté leur pays : 4 années d’errance, de situations provisoires et de camps de fortune. 3. Pourquoi les Russes sont-ils massivement concernés par le passeport Nansen ?

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Parce qu’ils sont victimes de mesures de dénationalisation massives ordonnées par le gouvernement soviétique en 1921 (cf plus haut). 4. Comment les réfugiés sont-ils reçus dans le pays d’accueil ? Quel regard porte-t-on sur eux ? Le document 3 décrit plusieurs types de réaction : méfiance, interrogation, solidarité, étonnement quand on apprend que ces réfugiés viennent de la lointaine Russie, l’ancienne alliée de 1914. Un tiers des réfugiés russes qui s’installent en France y entrent munis d’un contrat de travail : ils ont été recrutés par la Société générale d’immigration. Ils trouvent des emplois, dans le meilleur des cas, dans les usines automobiles (Renault à Billancourt), dans la métallurgie, les industries textiles de la région lyonnaise ou les industries chimiques des vallées alpines. De nombreux Ukrainiens sont embauchés dans les mines de Lorraine. Pour beaucoup de Russes fortunés, l’exil s’accompagne d’un déclassement parfois difficile à vivre (cf. la caricature du prince devenu chauffeur de taxi), mais certains parviennent, à Nice ou dans les beaux arrondissements parisiens, à maintenir un train de vie relativement élevé. La situation des « Grecs » réfugiés d’Asie mineure est particulièrement catastrophique : à leur arrivée en Grèce, dans un pays où tout leur est étranger et dont ils ignorent la langue, ils sont rassemblés dans des camps de fortune à la périphérie des centres urbains et sont mal acceptés par une population totalement dépassée face aux afflux massifs de ces nouveaux venus (en 18 mois, la population d’Athènes passe de 300 000 à 700 000 habitants). Il faudra des décennies pour réaliser leur intégration. 5. Synthétiser On insistera dans la synthèse sur tous les aspects inédits, en 1919, de la question : ampleur du phénomène, situation d’apatridie, multiplicité des acteurs impliqués (nationaux, internationaux et transnationaux, publics et privés). On mettra en valeur les dimensions politiques, juridiques et humanitaires d’une question dont on découvre alors les enjeux et les conséquences dramatiques. On pourra s’interroger sur les effets des guerres, y compris des guerres civiles, sur le système international, ses principes, ses acteurs et ses pratiques. Itinéraire 2. Rechercher en groupe On veillera à bien décrire les phases du processus (départ, trajet, accueil) et à replacer une trajectoire individuelle dans un contexte plus général, de

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façon à mieux dégager les spécificités d’un cas particulier.

nier, La vie et rien d’autre (1989), peut-être le film qui évoque le mieux les questions du deuil et de la reconstruction dans la France l’après-guerre.

DOCUMENTS En France, la célébration du soldat inconnu / En Allemagne, une commémoration impossible ?

 Doc 3. Les pays qui rendent hommage à un soldat inconnu On assiste après-guerre à une « homogénéisation mondiale de l’espace public consacré au souvenir de la guerre » (Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker). C’est également le 11 novembre 1920 que la Grande-Bretagne rend hommage à un soldat inconnu, dont la tombe prend place à Londres dans l’abbaye de Westminster. Les exemples français et britanniques sont par la suite repris dans nombre de pays belligérants, en Europe comme en Amérique. Parmi les principales nations, seules l’Allemagne et l’URSS n’adoptent pas cette pratique. Pour les pays nés du démembrement de l’Autriche-Hongrie, le choix d’un soldat pose parfois problème. Alors que les soldats tchèques et slovaques ont dans leur très grande majorité combattu dans l’armée austro-hongroise, le gouvernement tchécoslovaque choisit en 1922 d’honorer un combattant des légions qui se sont engagées aux côtés des Alliés (un soldat tombé lors de la bataille de Zborov, en juillet 1917, où 3 500 soldats volontaires de la Légion tchécoslovaque ont remporté une victoire cruciale sur les troupes austro-hongroises et allemandes). Le choix par la Pologne d’un soldat mort en 1920, lors du siège de Lwów face à l’Armée rouge, permet de contourner le problème. Il montre aussi que pour les Polonais, la guerre menée entre 1919 et 1921 contre la Russie est aussi importante, sinon plus, que la Première Guerre mondiale (durant laquelle les Polonais étaient engagés dans des armées rivales, russes, allemandes ou autrichiennes).

> MANUEL PAGES 322-323

En France, la célébration du soldat inconnu  Doc 1. L’inhumation du soldat inconnu sous l’Arc de triomphe le 28 janvier 1921 La mémoire officielle de la guerre prend vite des formes codifiées. Les commémorations répondent à un triple objectif : rappeler l’héroïsme des combattants ; consoler ceux qui pleurent leurs proches ; renforcer la communauté nationale dans le souvenir commun, façon de ressusciter l’Union sacrée. Les commémorations se font à la fois autour des monuments aux morts, sur les champs de bataille, dans les cimetières militaires et, pour les pays qui adoptent cette forme, autour de la tombe du soldat inconnu. En France, si l’inhumation sous l’Arc de triomphe a lieu le 28 janvier 1921, c’est bien le 11 novembre 1920 que se déroulent les premières cérémonies. Le gouvernement a voulu associer à cette commémoration la célébration du cinquantenaire de la Troisième République : ce sont donc deux chars, l’un transportant le cercueil du soldat inconnu, l’autre le cœur de Gambetta, qui se dirigent de l’Arc de triomphe jusqu’au Panthéon. C’est bien la République qui a réalisé le rêve de Gambetta : la Revanche sur l’Allemagne efface à jamais l’humiliation de 1870.  Doc 2. Un « petit soldat glorieux et anonyme » L’idée de célébrer un soldat inconnu date d’avant la fin de la guerre. « C’est l’invention commémorative par excellence de la Grande Guerre : l’anonymat garantit l’héroïsme de tous et permet le deuil de tous » (Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, Retrouver la guerre, Gallimard, 2000). Le nombre de victimes dont on ne parvient à définir l’identité, phénomène totalement nouveau, justifie également qu’on ait recours à ce type de commémoration. La scène du « choix » du soldat inconnu, parmi les corps de huit soldats français tombés à Verdun, est restée célèbre. Elle a été portée à l’écran dans le film de Bertrand TaverHistoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

 Conseils 1. Que recherche le gouvernement français en voulant célébrer un soldat inconnu ? À susciter un lieu de commémoration nationale, autour des valeurs républicaines ; à ranimer l’esprit de l’Union sacrée (les socialistes sont présents quand le cercueil du soldat inconnu est béni par l’archevêque de Paris) ; à rappeler l’héroïsme des soldats français, alors célébrés plus comme des vainqueurs que comme des victimes de la guerre. 2. Qu’ont en commun les pays qui célèbrent un soldat inconnu ?

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Il s’agit de pays vainqueurs. Dans les pays vaincus, la commémoration prend d’autres formes plus complexes (cf. page suivante). 3. Tous les soldats peuvent-ils se reconnaitre dans les termes employés par le député Maunoury ? Le discours du député participe, jusqu’à la caricature, d’un processus d’héroïsation dans lequel la plupart des anciens combattants ne se reconnaîtront pas. De tels propos contribuent à creuser un fossé entre les politiques, accusés d’ignorer les réalités du champ de bataille, et les anciens combattants, dont bon nombre d’associations adopteront dans les années 1930 une rhétorique antiparlementariste.

En Allemagne, une commémoration impossible ?  Doc. 1 : Célébrer une victoire Le mémorial de Tannenberg est édifié entre 1924 et 1927 sur le lieu de la victoire remportée par les troupes allemandes sur l’armée russe à la fin août 1914. Cette victoire est pour l’Allemagne symbolique à plus d’un titre : elle marque l’arrêt de la progression des armées russes en Prusse-Orientale, la seule partie de son territoire où, de toute la guerre, l’Allemagne aura combattu ; elle permet au général Hindenburg de s’illustrer à la tête d’une armée largement inférieure en nombre à celle des Russes ; elle sonne la revanche de la bataille où, au même endroit, les chevaliers teutoniques avaient été vaincus en 1410 par les Polonais et les Lituaniens. L’architecture est celle d’une forteresse médiévale, le plan octogonal, chaque côté étant affublé en son centre d’une tour carrée en pierres rouges haute de 20 mètres. Au centre de la cour intérieure s’élève une gigantesque croix, autour de laquelle s’ordonnent les cérémonies commémoratives. Le 7 août 1934, Hindenburg, président du Reich depuis 1925, est solennellement enterré dans la crypte du monument. Le lieu, jusqu’en 1944, sert de cadre grandiose à plusieurs manifestations orchestrées par le régime nazi. Il est détruit en grande partie sur ordre d’Hitler en janvier 1945 pour éviter qu’il ne tombe aux mains des Soviétiques. Il sera totalement démantelé dans les années 1950 par les services du génie polonais.

du XIXe siècle, la Neue Wache (« Nouvelle garde »). C’est en 1931 qu’il est inauguré, en mémoire des « victimes de la Première Guerre mondiale ». En 1960, le gouvernement de la RDA en fait un monument dédié aux « victimes du fascisme et du militarisme » ; depuis 1993, il s’adresse désormais aux « victimes de la guerre et de la tyrannie ». Cet élargissement successif des mémoires illustre bien la difficulté pour l’Allemagne vaincue de commémorer ses soldats sans pour autant donner l’impression de raviver le douloureux souvenir de la défaite. La destination pacifiste du mémorial est renforcée aujourd’hui par la présence en son centre d’une statue de Käthe Kollwitz (1867-1945), La mère et son fils mort, sculptée par l’artiste quelque temps après la mort de son fils au combat en 1914.

 Conseils 1. Ces deux monuments sont très différents. Quelles impressions veulent-ils laisser sur le visiteur ? Le premier laisse une impression de gigantisme : l’individu doit se sentir écrasé par la majesté du lieu. Il sert de cadre à des manifestations collectives. Le second, intime et sobre, est propice au recueillement et à l’expression du deuil personnel. Le premier est en plein jour, tandis que le second baigne dans une semi-obscurité, la lumière provenant de la seule ouverture pratiquée dans le plafond du bâtiment. 2. Comment ces deux monuments parviennentils à faire passer au second plan l’idée de la défaite ? Le premier en commémorant une victoire ; le second en dépassant la notion de victoire et de défaite et en considérant tous les soldats comme des victimes de la guerre.

En équipes ! Les élèves veilleront à ne pas traiter en première partie de la France et en seconde partie de l’Allemagne, mais à dégager deux ou trois thématiques communes autour desquelles la comparaison pourra s’établir. Les questions : « que cherche-t-on à commémorer ? » et « que peut-on commémorer ? » seront au cœur de la réflexion.

 Doc. 2 : Se souvenir des victimes Le mémorial est situé en plein cœur de Berlin et prend place au cœur d’un bâtiment édifié au début Histoire Première, coll. Sébastien Cote © Nathan 2019

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DE LA SOURCE À L’HISTOIRE > MANUEL PAGES 324-325  Doc 1. Le roman d’un ancien combattant allemand Nombreux sont les écrivains mobilisés qui prennent après le conflit la guerre comme sujet de leurs romans, ou les anciens combattants qui se découvrent une fois rentrés chez eux Sune âme d’écrivain. Dans les années 1920, le roman de guerre devient un genre littéraire à part entière, à la suite d’œuvres pionnières comme Le Feu d’Henri Barbusse (1916). À la fin de la décennie surgit une deuxième vague d’œuvres littéraires, à tonalité plus pacifiste, comme s’il avait fallu plusieurs années à leurs auteurs pour trouver les mots et accepter, après une longue maturation, de tourner la page de la guerre en livrant leurs souvenirs par écrit. À l’Ouest rien de nouveau (1928), d’Erich Maria Remarque, fait partie de celles-là, comme Adieu à tout cela de Robert Graves (1929), Mort d’un héros de Richard Aldington (1929), L’adieu aux armes d’Ernest Hemingway (1929) ou Le grand troupeau de Jean Giono (1931). Plus rares sont les romans qui s’attachent à décrire les sorties de guerre, le retour à la normale et les démobilisations. C’est le cas de Capitaine Conan de Roger Vercel (1934), du Voyage au bout de la nuit de Céline (1932) ou d’Après (Der Weg Zurück, « Le chemin du retour ») de Remarque, conçu dans la continuité de son premier succès.  Doc 2. Le marchand d’allumettes Le marchand d’allumettes (Streichholzhändler) est un tableau de taille moyenne (160 x 141 cm), signé et daté de 1920 (sur le rebord du caniveau, en bas à droite). Construit autour du personnage central, il exprime trois idées fortes : les violences de la guerre, évoquées ici de façon indirecte par les multiples blessures, amputations et invalidités dont est victime le vendeur d’allumettes ; la difficile réinsertion de ces anciens combattants, et notamment des blessés, insuffisamment pris en charge par l’État, souvent réduits à des métiers de fortune et qui vivent mal le déclassement dont ils sont l’objet ; l’indifférence et le mépris dont fait preuve à leur égard une société qui aspire à oublier la guerre et ses horreurs. Les trois passants (des personnes aisées au vu de leurs chaussures et de leurs vêtements) accélèrent leur marche et sortent du cadre pour mieux fuir le marchand, un chien urine sur lui ; les paroles qui sortent de sa bouche sont illisibles/inaudibles.

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Réponses aux questions 1. Comment se traduit, dans le texte, l’opposition entre mémoire officielle et mémoire combattante de la guerre ? La mémoire officielle s’exprime à travers le discours du directeur, impersonnel et convenu ; la mémoire combattante à travers le récit de Willy, soutenu par l’ensemble de ses camarades, qui décrit crûment la réalité et cite explicitement le nom du soldat qu’il a vu mourir. Ces deux mémoires semblent pouvoir s’accorder à la fin de l’extrait, lorsqu’on sent le directeur hésiter et prendre sans doute conscience de la vacuité de ses paroles face à la force du témoignage de Willy. 2. Repérez les effets littéraires qui accompagnent le récit. Comment viennent-ils renforcer les idées exprimées par l’auteur ? Il s’agit bien d’un roman, et donc d’une œuvre de fiction, avec ses codes et ses procédés littéraires. Remarque met en scène la confrontation entre le directeur et le groupe d’anciens combattants, dont on sent progressivement l’exaspération croître, puis soudain éclater. Il a recours à une description extrêmement réaliste, à la limite de l’insoutenable, de l’agonie du soldat Hoyer, et à des mots crus (la dernière phrase), qui font contraste avec les paroles creuses du directeur. En multipliant les interjections et les interrogations, ce n’est pas seulement Willy qui s’adresse au directeur, c’est l’auteur qui prend son lecteur à partie et s’emploie à provoquer chez lui une réaction de rejet face aux horreurs de la guerre. 3. Quelles relations pouvez-vous établir entre le texte de Remarque et le tableau d’Otto Dix ? Le texte et le tableau se rejoignent pour dénoncer le refus de la société de faire face aux réalités de la guerre, en développant une mémoire officielle qui idéalise les combats, héroïse les soldats, ignore leurs souffrances et gomment les violences dont ils ont été les victimes. C’est aussi pour faire entendre leur voix que les anciens combattants s’organisent en associations, prennent la plume ou publient leurs carnets de guerre. 4. Quelle lecture l’historien peut-il faire du roman de Remarque ? Que lui apprend-il sur la société allemande des années 1920 ? Le message véhiculé par le roman est pacifiste. Mais la scène ici décrite montre une société partagée entre deux types de discours et de représentations. Le discours du directeur fait écho à la « légende du coup de poignard dans le dos », selon laquelle l’armée allemande aurait été trahie par les

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civils, qui auraient demandé aux Alliés en octobre 1918 les conditions d’armistice contre son avis ce qui est naturellement faux. Mais l’idée que l’armée est rentrée invaincue et qu’elle aurait pu poursuivre la lutte est largement partagée, au-delà des cercles nationalistes, par une large partie de la société allemande des années 1920.

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