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French Pages 256 [246] Year 2006
GUINÉE
LA DÉMOCRATIE
SANS LE PEUPLE
http://www .librairieharmattan.con1 diffusion.harmattan @wanadoo. fr harmattan [email protected]
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L'Harmattan,
2006
ISBN: 2-296-00040-1 EAN : 9782296000407
Maligui SOUMAH
GUINÉE
LA DÉMOCRATIE
SANS LE PEUPLE
L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique; 75005 Paris
FRANCE L'Hannattan
Hongrie
Kônyvesbolt
Espace L'Harmattan Kinshasa Fac..des Sc. Sociales, Pol. et Adm. ; BP243, KIN XI
Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest
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LES ABRÉVIATIONS UTILISÉES
ACTOG: BCRG: AFP: C.A: CEDEAO: CMRN: CNC: CNC: CNE: COD: CODEM : CRD: COSALAC: CTRN: Dyama : D.T.S. : FAS: FASR: FLUG : FMI: FRAD : GNP: Horoya :
Association des Cadres et Techniciens d'Origine Guinéenne Banque Centrale de la République de Guinée Agence France Presse Conseil d'Administration. Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest Comité Militaire de Redressement National Commission Nationale de Centralisation Conseil National de la communication Commission Nationale Electorale Collectif de l'Opposition Démocratique Coordination de l'opposition démocratique Communauté Rurale de développement Comité de soutien à Lansana Conté Conseil Transitoire de Redressement National Dyama Droit de tirages spéciaux du FMI Facilités d'ajustement structurel Facilités d'ajustement structuré renforcé Front de lutte et de Gouvernement Fonds Monétaire International Front Républicain pour l'alternance démocratique. Franc Guinéen Journal du gouvernement.
MIS: Ministère de l'intérieur et de la sécurité MOSELAC : Mouvement de soutien pour l'élection de Lansana Conté MORAD: Mouvement contre le Référendum et pour l'alternance démocratique MORELAC : Mouvement pour le Référendum et l'élection de Lansana Conté
ONG : PDA: PDG-RDA:
Organisation non gouvernementale Parti Démocratique africain Parti démocratique de Guinée- Rassemblement démocratique africain. PAGEN: Programme d'assistance à la gestion de l'économie nationale PAS: Plan d'ajustement structurel programme d'ajustement du secteur de PASE : l'Education PASR : Plan d'ajustement structurel Renforcé. PMA : Pays moins avancé PPTE: Pays pauvre très endetté. PPG : Parti du peuple de Guinée PRP : Parti du Renouveau et du Progrès PUP : Parti de l'unité et de progrès UFD: Union des Forces Démocratiques RPG : Rassemblement du peuple de Guinée RPD : Rassemblement pour la paix et le Développement RTG: Radio et Télévision Guinéennes. T.V.A: Taxe sur la valeur ajoutée UFDG: Union des Forces Démocratiques de Guinée UFR : Union des Forces Républicaines. UPG : Union pour le Progrès de la Guinée UPN : Union pour le progrès national UNR : Union de la Nouvelle République UNPG : Union Nationale pour la prospérité de la Guinée UNP : Union Nationale pour la prospérité. UNP Rénové: Union nationale pour la prospérité rénovée UPD : Union des Guinéens pour le Développement UPN : Union pour le progrès national UPR: Union pour le Progrès et le Renouveau (PRP+UNR)
A ma femme A mes enfants Mon combat pour la Démocratie en Guinée
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A VANT-PROPOS
La politique est un art de gouverner les hommes et les femmes dans leur consentement qui se manifeste dans le concret en législation, en administration, en justice, en consultation populaire, en formation, en diplomatie, etc.. En Guinée, ces différents ordres sont constamment mis à rude épreuve par la volonté du chef de l'Etat Lansana Conté qui ne cesse de violer toutes les règles de la constitution (dénommée Loi Fondamentale) et d'exercer sur le peuple guinéen une tyrannie aussi aveugle que celle de Sékou Touré, au nom d'une démocratie dans laquelle le citoyen guinéen ne se sent pas concerné. Le chef de l'Etat vit et dirige ce pays comme si le reste du monde n'existait pas; indifférent à tout: aux critiques, au sort de son peuple, à l'avenir de ce pays qui a pourtant tout pour se développer. Ce pays est riche en : Bauxite, teneur 65%, 18 milliards de tonnes de réserves,. premier producteur mondial,. - Minerai de fer, teneur 70%, 18 milliards de tonnes de réserves Diamant, or, uranium, calcaire, chrome, cobalt, cuivre, graphite, manganèse, nitrate, nickel, pegmatite, plomb, sable lourd, zinc, granit de toutes les couleurs et mêlne du pétrole. Seuls la bauxite, le fer, l'or et le diamant sont timidement exploités. La Guinée. qui fait partie des « Pays pauvres très endettés» subit actuellement la plus grande crise de son histoire: crise politique, crise économique et financière, crise sociale, crise culturelle. Le pluralisme politique, instauré en 1991, a du mal à prendre corps, tout simplement parce que le chef de l'Etat n y met que ce qui l'arrange. La Loi Fondamentale qu'il a
instaurée en 1991 ne lui convient plus,. il l'a changée le 11 novembre 2001 à son avantage, ce qui lui permet de rester au pouvoir à vie sauf si un sursaut républicain met fin à cette démocratie à sens unique où le peuple est tenu à l'écart de la gestion de la chose publique. Malgré cette situation chaotique, Lansana Conté est réélu le 21 décembre 2003 à la Présidence de la République pour sept ans,. ce qui laisse à penser que la démocratie participative n'est pas pour demain dans ce pays en dehors d'un sursaut républicain. Cet ouvrage décrit donc « le mal guinéen» qui associe à la fois la désorganisation profonde de l'Etat de droit à des fins personnelles et la mauvaise gouvernance du pays au nom de la démocratie pluraliste.
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INTRODUCTION
Ancienne Colonie française, la Guinée a obtenu son indépendance en octobre 1958, à la suite d'un référendum en septembre 1958, par lequel elle a catégoriquement rejeté l'adhésion à une union politique avec la France. La Guinée a été la seule colonie française à refuser d'adhérer à cette union. La France a immédiatement mis un terme à toute l'aide financière et administrative qu'elle accordait à ce pays. Le nouveau gouvernement, formé par le parti démocratique de Guinée (PDG) et dirigé par Ahmed Sékou Touré a donc été contraint de créer une administration entièrement nouvelle et a dû faire face à des difficultés économiques et à un manque de personnel qualifié. La rupture avec la France a profondément affecté l'économie guinéenne et fortement influencé la politique extérieure de Sékou Touré qui a adopté une attitude isolationniste, et ses relations avec certains pays africains; Côte d'Ivoire, Sénégal, sont restées tendues plusieurs années. Sa politique intérieure a accentué le désenchantement de la population et aggravé l'instabilité politique: l'écrasement de toute opposition, la politisation de tous les secteurs y compris le monde rural, le caractère inapproprié de l'aide extérieure, la désorganisation de l'enseignement et l'instauration d'un régime policier comparable à la gestapo en France en 1940, ont été érigés en système de gouvernement. La catastrophe économique qui s'en est suivie a conduit Sékou Touré à remettre en cause sa méthode de gestion du pays; sachant que le pays souffrait de la médiocrité, et profitant de la révolte des femmes en 1977, Sékou Touré s'est orienté progressivement vers la libéralisation économique interne, vers l'ouverture au monde occidental et aux États voisins, sans relâcher cependant sa pression dictatoriale sur la population.
Après la mort de Sékou Touré en mars 1984, un désaccord pour sa succession éclate publiquement entre ses héritiers politiques et familiaux, ce qui a permis à l'Armée de prendre le pouvoir par un coup d'état le 3 avril 1984 ; elle déclare vouloir instaurer un système démocratique pluraliste. Un Comité Militaire de Redressement national (CMRN) dirigé par le Colonel Lansana Conté a pris en charge les fonctions du gouvernement, les membres de cet organisme ont occupé des postes ministériels. Le CMRN, ensuite le Conseil de Transition de Redressement National (CTRN) ont entrepris des actions démocratiques indéniables: Rédaction de la Loi Fondamentale qui a été soumise au référendum et votée; Formation du gouvernement (militaire, et civil ensuite) ; Création de la Cour Suprême et de la Haute Cour de justice: - Création du Conseil Economique et social, de la Chambre de Commerce et d'agriculture; - Pluralisme politique avec formation des partis d'opposition ,. - Suffrage universel national. Malheureusement ce bilan présente des insuffisances et des échecs: Violation flagrante et répétée de la Loi Fondamentale par le Président de la République freinant ainsi le développement d'une culture démocratique; Manque d'indépendance des institutions; Contraintes de nature économique, financière et sociale, suscitant la désaffection du citoyen guinéen à l'égard du fait démocratique.
Dans un Etat de Droit, l'Armée, l'Administration sont au service unique du peuple et non d'un individu ou d'un groupe d'individus. Or, en Guinée il existe une atteinte flagrante à ce
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principe; toutes les institutions sont soumises à la dévotion du chef de l'Etat. L'arsenal législatif et juridique est certes réuni au complet, mais son application dépend de la seule volonté du Président de la République qui les transgresse à sa guise. Les droits de formation politique consacrés par la Loi Fondamentale sont constamment violés par l'exécutif; en outre, depuis la création de la loi anti-casseurs en 2000, aucun parti politique ou organisation syndicale n'a le droit de manifester ou de tenir des meetings publics. La Loi Fondamentale qui a parfaitement réglementé l'élection à la Présidence de la République a été modifiée pour permettre à l'actuel détenteur du pouvoir de se représenter à vie. La mauvaise gestion de l'économie a débouché sur une grave crise dont on ne voit point la porte de sortie sinon par un changement radical du régime.
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PREMIÈRE PARTIE
LA DÉMOCRATIE
GUINÉENNE
À L'ÉPREUVE
La démocratie est une organisation interne de l'Etat par laquelle l'origine et l'exercice du Pouvoir Politique incombent au Peuple. La démocratie suppose aussi l'existence de partis politiques égaux en droits, libres de s'organiser et de s'exprimer, pour autant que leur programme et leurs actions ne remettent pas en cause les valeurs fondamentales de la démocratie. Ainsi la démocratie va de pair avec le multipartisme. Elle doit assurer à l'opposition un statut clairement défini, exclusif de tout ostracisme. Mais, la démocratie est définie par des règles, les deux principales sont: le choix collectif et la liberté deformation des idées les plus diverses. La première règle est le choix collectif; il est révélé ou obtenu par le vote des citoyens. Le choix de la majorité dans ce vote est tenu pour être celui de la totalité non seulement des votants mais de tous les membres de la société ayant ou n'ayant pas droit de vote. La première règle de la démocratie est une méthode d'agrégation des choix individuels où ceux de la majorité prévalent sur ceux de la minorité et de personnes qui n'expriment pas de choix, quelle que soit la cause de cette abstention; Divers mécanismes appliquent cette règle suivant des modalités nombreuses et variées. Les deux principales sont: a) La démocratie directe, un choix précis proposé aux électeurs. La majorité est censée exprimer le choix de tous, donc un choix collectif de société. Les deux applications concrètes et distinctes de la démocratie directe sont le référendum ou plébiscite et l'élection directe d'un chef, en l'occurrence le chef de l'Etat. L'élection directe au suffrage universel d'un président de la République est inscrite dans la Loi Fondamentale guinéenne. b) la démocratie représentative: Les citoyens élisent des représentants ou députés qui utilisent ensuite la règle
majoritaire pour réaliser des choix dans leur Assemblée Nationale (ou Parlement) au nom de l'équité; les méthodes dites proportionnelles n'utilisent pas la règle de la majorité mais celle qui permet la représentation de toutes les opinions politiques. Les représentants, une fois élus, élaborent leurs choix suivant la règle de la majorité. La deuxième règle est la liberté de la formulation et de la diffusion des idées les plus diverses. Cette règle de la démocratie est donc d'être une société pluraliste. Une troisième règle est généralement associée à la démocratie; c'est l'état de droit et d'égalité de tout devant la Loi. L'une de ses causes est le droit de vote pour tous les adultes sans discrimination d'aucune sorte. Cette organisation permet au peuple gouverné de gouverner à son tour par le biais de ses représentants élus. Mais l'expérience guinéenne prouve le contraire, car à l'intérieur même du mécanisme électoral, par exemple, se trouvent en conflit un choix politique représenté par le vote et une abdication civique au moment précis où le bulletin est introduit dans l'ume; dans une élection non transparente, l'électeur guinéen transfère dans d'autres mains invisibles, sans autre contrepartie que des promesses entendues pendant la campagne électorale, la parcelle de pouvoir politique qu'il possédait jusqu'alors en tant que citoyen. Les élections sont souvent perçues par les dirigeants guinéens comme un moyen de garder le pouvoir afin d'assurer à leur profit le contrôle des richesses nationales, tout en instaurant un clientélisme sur des bases régionales ou d'affaires. Dans ce contexte, le rôle de militant pour une démocratie participative peut paraître sans issue: découpage électoral sur mesure, recensement administratif tronqué, contrôle exclusif des médias, mobilisation des finances publiques pour la campagne de la mouvance présidentielle ou du Président sortant, suppression des libertés publiques, de la libre circulation des leaders politiques sur toute l'étendue du territoire et arrestations arbitraires des adversaires politiques (sans lever l'immunité parlementaire pour les députés victimes), instauration d'un climat d'émeutes dans des régions peu favorables au régime en 18
place et qui votent massivement pour l'opposition, participation massive de l'administration (Gouverneurs, Préfets, Souspréfets, Présidents des Communautés Rurales de Développement (C.R.D.), chefs de quartiers, maires) à la mascarade électorale en faveur du camp de la mouvance présidentielle. Les moyens les plus contraires à la démocratie sont employés pour assurer l'élection du Président de la République: invalidation des votes des régions acquises à l'opposition; Référendum dont l'organisation n'a pas suivi la procédure prescrite par la Constitution. La Guinée traverse actuellement une crise profonde généralisée et multiforme: crise politique, crise institutionnelle, crise économique, crise financière, crise sociale, crise culturelle, crise juridique, crise sportive, crise structurelle... C'est dans ce contexte que nous analysons la pratique démocratique en Guinée et les dérapages politiques, économiques et sociaux qui ont amené les investisseurs et les bailleurs de fonds institutionnels (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International, Communauté Economique Européenne) à suspendre leurs aides et interrompre tout investissement en Guinée jusqu'à la reprise du dialogue politique avec les partis politiques de l'opposition, la restauration de la transparence, du dialogue politique, de la démocratie et de la bonne gouvemance. Après 26 ans de régime à parti unique (le PDG de Sékou Touré) et 6 ans de régime d'exception du Comité Militaire de Redressement National présidé par Lansana Conté, la Guinée a opté pour le régime démocratique à la suite du discours du Président du CMRN le 31 décembre 1988 qui a été suivi par la mise en place d'une commission nationale de rédaction de la LOI FONDAMENTALE; celle-ci a été adoptée par référendum le 23 décembre 1990 consacrant ainsi l'engagement du pays dans le processus démocratique. La démocratie, système de valeurs universelles, est fondée sur la reconnaissance du caractère inaliénable de la dignité et de l'égale valeur de tous les êtres humains; chacun a le droit
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d'influer sur la vie sociale, professionnelle et politique et de bénéficier du droit au développement. La démocratie exige en particulier la tenue à des intervalles réguliers d'élections libres, fiables et transparentes fondées sur le respect et l'exercice, sans aucun empêchement ni aucune discrimination du droit à la liberté et à l'intégrité physique de tout électeur et de tout candidat, du droit à la liberté d'opinion et d'expression notamment par voie de presse et autre moyen de communication, de la liberté de réunion et de manifestation, et de la liberté d'association; telles sont les grandes lignes de la Loi Fondamentale de 1991. Ce premier acte démocratique a été suivi par des élections municipales en mars 1991 à Conakry où les trois préfectures ont été remplacées par cinq communes (Matoto, Dixinn, Matam, Ratoma, Conakry) ; puis des élections municipales à l'intérieur du pays où les sous-préfectures centrales ont été remplacées par des communes urbaines.
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Chapitre l La trahison des Urnes Tirant les leçons de son passé (1958-1984) et du changement intervenu le 3 avril 1984, la Guinée, à l'instar d'autres pays africains, a eu à choisir dès les années 1988-1990 la voie démocratique pluraliste. Ce qui a conduit à la création des Institutions républicaines (Loi Fondamentale, création et séparation des trois pouvoirs: l'Exécutif, le Législatif et le Judiciaire, le pluralisme des partis politiques. Elles ont suscité des espoirs et connaissent actuellement, hélas, des échecs C'est le 3 avril 1992 que les 21 premiers partis politiques ont été agréés ainsi que le Parti de l'unité et de progrès ( PUP), le parti du Président Lansana Conté. Depuis, 47 formations politiques ont été autorisées à évoluer sur le terrain; mais, avec la fusion de l'UNR de Bâ Mamadou et du PRP de Siradiou Diallo, le pays ne comptait plus que 46 partis pour se retrouver en 2001 à 44 partis dont 8 sont réellement représentatifs et se présentent régulièrement aux élections municipales, législatives et présidentielles sauf en cas de boycott. Agréées en 1992, ces formations politiques ont attendu les élections de 1993 pour se voir impliquées dans les consultations électorales et se mesurer les unes aux autres en matière de mobilisation des populations. A l'examen rétrospectif de la vie politique guinéenne, l'observateur ne perçoit donc qu'un seul couple: le PUP (parti de l'unité et de Progrès) auquel se sont greffés des partis satellites de la mouvance présidentielle, d'une part, et des partis politiques de l'opposition (FRAD), d'autre part. Le débat national attendu du pouvoir militaire n'a pas eu lieu sur les rôles du pouvoir et de l'opposition, ainsi que sur le statut de cette opposition qui devrait être constitutionnalisée à l'image des autres corps des institutions. Tous les problèmes sociaux, politiques et économiques essentiels devraient être
examinés avec les partis politiques y compris la problématique du financement de ces derniers. Le pouvoir militaire, qui est habitué à donner des ordres et à exécuter, n'a jamais accepté le dialogue politique en dehors des périodes électorales ce qui, le plus souvent, s'est toujours soldé par un échec, parce que le pouvoir raisonne en termes de bilan du passé au moment où l'opposition pose la question guinéenne en termes de projets de société, de participation effective à la donne politique et de programmes. C'est l'une des premières frictions entre le pouvoir et l'opposition; l'autre friction majeure découle des conditions de l'organisation des élections et des méthodes de gouvernance du pays. Le jeu politique est piloté depuis vingt années par le chef de l'Etat Lansana Conté entouré par les caciques de l'ancien régime qui ont traversé toutes les crises politiques du régime défunt (nombreuses tentatives de coups d'Etat depuis l'indépendance) et qui ne voient pas d'inconvénients à « changer de veste », en se proclamant « démocrates» purs et durs et en se conformant au nouveau lexique de la scène internationale: le libéralisme politique et économique. Ainsi, les « révolutionnaires» et les « marxistes staliniens» du PDG de Sékou Touré sont devenus, comme par enchantement, des « redresseurs» et des « libéraux» du nouveau régime. Tandis que les leaders des partis de l'opposition, plus universitaires, tous issus de la diaspora, sont privés de statuts valorisants et sont déchirés par des luttes d'influence et de leadership. Ils brillent souvent par leur manque d'initiatives constructives tout en s'accrochant aux problèmes constitutionnels qui déterminent en définitive les modalités d'accès au pouvoir, en mettant de côté les réflexions relatives aux problèmes économiques et sociaux graves qui assaillent la population. Les violentes critiques souvent adressées au pouvoir ne prennent en général pour cibles que les effets sociaux de l'ajustement structurel. Elles n'ont jamais été accompagnées, dans le passé, de propositions constructives ni d'idées novatrices. A l'inverse, on reproche au PUP son «libéralisme» sans conviction, et sa position « majoritaire» suite aux fraudes massives organisées par le gouvernement lors des élections 22
présidentielles, législatives et municipales de 1993 à 2003, pour commettre son forfait en s'enfermant dans l'autoritarisme, l'arrogance, parfois dans le juridisme, et de ne pas imprimer un rythme accéléré au processus démocratique, de manquer d'audace pour déclencher une véritable stratégie de développement et d'être à la traîne de la modernisation et du libéralisme économique et politique. Après vingt ans du régime de Lansana Conté, nous ne pouvons plus continuer à nous enfermer dans des débats politiques sur des généralités, il faut maintenant approfondir et continuer ce débat récurrent sur la violation répétée des règles de la Constitution (la Loi Fondamentale) et le refus de Lansana Conté de gouverner sainement et de susciter un développement économique tant attendu par le peuple guinéen. En outre, le gouvernement refuse la libération des ondes; il s'identifie à la majorité parlementaire sortie des mascarades électorales et se glorifie des résultats des urnes bourrées donc de votes truqués. Par conséquent, cette majorité, compte tenu de ses fausses promesses au peuple, n'est point habilitée à imposer ses vues; elle devrait au contraire engager un dialogue franc et sincère avec l'opposition et laisser les débats politiques se dérouler normalement; malheureusement, le Gouvernement préfère appliquer dans son comportement et dans ses actes la force des baïonnettes qui relève des pratiques du parti unique d'un autre âge. Pour le chef de l'Etat, le principe de la démocratie pluraliste est celui du pouvoir de la majorité factice et non du consensus national. Une telle attitude ne peut qu'empoisonner davantage les relations pouvoir/opposition, au-delà des résultats des urnes bourrées dont personne ne croit ni à la sincérité ni à la justesse, hormis la mouvance présidentielle. Cette situation oblige l'opposition à se retrancher dans sa tour d'ivoire dans l'attente de troubles graves à la moindre occasion. Telle est la situation politique peu reluisante qui prévaut en Guinée en 2005 ; un pays dont les institutions démocratiques sont en place, mais où existe l'absence totale de participation effective du peuple ou de ses représentants à la gestion de la chose publique. Dès lors, se produit un désenchantement profond de l'opinion 23
publique nationale et internationale après la réélection, le 21 décembre 2003 pour 7 ans, de Lansana Conté, gravement malade de diabète et incapable de gouverner convenablement la Guinée. On ne voit pas ce qui pourrait initier une inversion non violente de cette situation où les arrestations arbitraires se succèdent et où la terreur revient en force au vu et au su de la communauté internationale. Pour prouver l'échec de la démocratie en Guinée, il suffit de parcourir le déroulement successif des élections au suffrage universel de 1993 à 2003 ; le lecteur y découvrira le vrai visage antidémocratique du régime de Lansana Conté. Le peuple guinéen a été appelé aux urnes de 1993 à 2003 pour élire soit le Président de la République, soit les 600 conseillers municipaux, soit les 114 députés, soit enfin pour le référendum. Ces consultations ont été entachées de manipulations des urnes et de magouilles de toutes sortes décriées par les partis d'opposition mais aussi par les observateurs de la communauté internationale A chaque consultation, le Pouvoir se montre disposé à dialoguer avec l'opposition mais refuse d'accepter les élections transparentes et entend fermement conserver pour lui seul tout le processus électoral en restreignant au maximum la participation des partis d'opposition. Il suffit d'une déclaration du chef de l'Etat précisant ses intentions lors de telle ou telle consultation pour que l'administration (gouverneurs, préfets, sous-préfets, présidents de CRD, chefs de quartiers, chefs de district) se mette en œuvre pour organiser les mascarades électorales et les résultats sont toujours connus d'avance; ainsi, dans son discours du 3 juin 2000 devant les femmes et jeunes du PUP à Conakry, le Président de la République a déclaré que les cinq communes de la capitale et de ses banlieues devraient obligatoirement être dirigées par les membres de son parti, le pu. Le ton de cette déclaration ressemblait fort à un ordre de magouilles donné à l'Administration y compris aux fonctionnaires affectés à l'organisation des élections. Faute de commission électorale indépendante, la déclaration du Président de la République signifie clairement que les élections ne seront pas libres, que les 24
urnes seront bourrées des bulletins d'électeurs morts ou vivants en faveur des candidats du Parti de l'Unité et du Progrès (PUP). C'est ce qui s'est réellement passé. Le PUP a remporté tous les sièges des cinq communes de la capitale et de ses banlieues, satisfaisant ainsi les vœux du chef de l'Etat. Les espoirs en une démocratie réelle instituée par la Loi Fondamentale de 1990 se sont depuis lors évanouis. Comme d'habitude, le chef de l'Etat a habilement manipulé son administration et les forces armées pour fixer les règles du jeu à sa guise, charcuter les circonscriptions, modifier subtilement les modes de scrutin, discréditer l'opposition, déverser des flots de propagande unilatérale et cynique, etc. C'est ainsi que les élections présidentielles, législatives et communales de 1993 à 2003 ont toujours conduit au triomphe de la mouvance présidentielle grâce au bourrage des urnes. Ce qui trahit le contenu et l'esprit de la Loi Fondamentale, mais aussi les déclarations du CMRN lors du coup d'État de 1984 et la mémoire de tous ces hommes et femmes (militaires et civils) qui ont lutté jusqu'à la mort pour que soient détruites les tares du régime de Sékou Touré.. En l'absence d'une commission électorale indépendante et avec le rejet des candidatures et des cartes d'électeur des membres de l'opposition, il est difficile de se fier à un tel verdict du peuple à sens unique qui comporte plus d'aveugles que de borgnes et non des citoyens libres de choisir démocratiquement leurs représentants. Ce qui a probablement incité les partis de l'opposition et les progressistes nationaux à renoncer en 1995 aux formes traditionnelles de la démocratie et préparer les citoyens guinéens à d'autres formes de lutte politique plus intense notamment à Conakry, thermomètre de la démocratie de notre pays. L'opposition étant la seule force génératrice de vrais changements dans ce pays, elle est seule habilitée à imaginer les formes de lutte politique pour contraindre le pouvoir à respecter les lois et à cesser de tromper le peuple. Il faut, dans ce cas, analyser dès maintenant toutes les stratégies pouvant conduire à l'insuccès du PUP. Nous savons aussi que ce parti, comme le Parti Démocratique de Guinée (PDG) de Sékou Touré, va à contre-courant des vœux du peuple 25
guinéen dont il méprise les aspirations même archaïques et dérisoires; il ne peut s'imposer que par la terreur qui, pour un démocrate, n'en est pas moins sinistre. Le Parti de l'Unité et de Progrès (PUP) sombrera faute d'appui populaire, parce qu'il sert d'alibi aux diverses formes de dictature que les Guinéens subissent depuis quarante-six ans. Nous avions cru qu'après le Parti Démocratique de Guinée (PDG), celle-ci serait un modèle de l'État de Droit en Afrique nous avons eu au contraire un modèle grossier de l'ancien régime. Les textes (lois organiques) ont promis une ère de démocratie et de justice, mais ils ont engendré dans la pratique vingt ans d'oppression, d'injustice, de régression, de détournements des deniers publics, d'abus de biens sociaux, de trafic d'influence, etc. Ce qui est contraire aux promesses des militaires putschistes en 1984 à la Nation. L'effort déployé par le pouvoir a toujours été de discréditer, intimider par des arrestations arbitraires les membres des partis de l'opposition et les civils et militaires sympathisants, pour que les électeurs se posent la question de leur crédibilité! La réponse est affirmative dans la mesure où ils dressent derrière eux des millions d'adhérents qui constituent entre 60 et 80 % de l'électorat guinéen. L'action politique du changement promis en 1984 a été dénaturée à partir du moment où elle a commencé à survoler les vrais problèmes en ne tenant pas compte des préoccupations quotidiennes si mesquines soient-elles de ceux qui constituent l'électorat et l'opinion publique, à savoir manger, boire, dormir, gagner de l'argent par son travail pour élever et faire vivre dignement ses enfants et sa famille, s'instruire, se soigner, assurer sa sécurité, se déplacer rapidement d'un point à l'autre, être libre de s'exprimer dans la dignité et dans le respect de soimême et des autres, pouvoir circuler librement sur toute l'étendue du territoire, etc. Comprendre cette nécessité et donner satisfaction au peuple, le cas échéant la défendre énergiquement partout, au parlement, par voie de presse, dans des meetings et par des actes concrets, n'a rien de déshonorant pour les partis politiques qui prétendent travailler à la promotion de tous les citoyens guinéens. Il est vrai qu'en 26
période électorale on se focalise sur les contestations des élections présidentielles, législatives et communales dans son principe organisationnel; c'est légitime! Mais, pour notre part, mieux vaut s'intéresser, avant, pendant et après, à l'électeur et se demander comment et pourquoi il est si souvent amené à se trahir lui-même en votant contre ses propres intérêts et même contre ses propres convictions dans le secret des urnes. Parmi les causes multiples de ce phénomène, les plus sérieuses sont sans aucun doute l'ignorance politique et le mensonge du pouvoir qui peuvent transformer des citoyens doués de raison, de discernement et de volonté dans la vie courante, en électeurs aveugles et désarmés dans le secret des isoloirs. Cette ignorance sert les intérêts du pouvoir et de la mouvance présidentielle, qui se plaisent à l'entretenir par tous les moyens notamment alimentaires et dictatoriaux. C'est aux partis politiques de l'opposition et aux démocrates sains et honnêtes, soucieux des intérêts du peuple et du pays, de s'attaquer à cette « ventrecratie» et à cette interdiction de la libération des ondes pour nous en délivrer, et d'entreprendre le lent et difficile travail d'information qui pourrait donner toute sa valeur à l'arbitrage populaire, d'où l'intérêt de lutter pour la libéralisation des ondes. Encore faut-il que ces partis de l'opposition et ces démocrates sachent trouver l'accent juste, la chaleur humaine et les explications claires qui peuvent atteindre l'entendement des électeurs; car le peuple a maintenant les armes des urnes, il n'a plus le droit de se tromper, il doit se ressaisir, avec l'aide des partis et des démocrates guinéens pour éliminer politiquement tous ceux qui ont mis ce pays en état de pauvreté extrême. Par la trahison de leurs promesses de 1984 non tenues, les dignitaires du pouvoir sont devenus des prédateurs dans notre économie et des profiteurs de la crise actuelle qui perdure pour créer une situation de pourrissement d'autant plus dangereuse qu'elle entrave toute démarche cohérente de développement de ce pays à potentialité économique élevée. Ces individus qui ont conduit la Guinée à la déconfiture et au déshonneur depuis 1958 doivent laisser la place à une suite 27
d'hommes et de femmes compétents et intègres pour relever la Guinée de ses ruines. Or, selon la constitution, cette évolution n'est possible que par la voie des urnes. Ces élections sont toutes truquées et ne reflètent pas la réalité des urnes. C'est en octobre 1992 qu'a commencé la préparation des premières élections pluralistes de Guinée, avec des hauts et des bas y compris quatre reports de date et un changement brutal de l'ordre des élections ayant placé les présidentielles avant les législatives contrairement à ce qui avait été prévu. Cette procédure a été gravement troublée en grande partie à cause du manque d'infrastructures et de difficultés d'ordre logistique; elle a été délibérément manipulée par le gouvernement en violation du droit électoral guinéen et des normes de pratique électorale acceptée au plan international. L'esprit de coopération dont a fait preuve, par intermittence, le gouvernement guinéen a disparu dans les mois qui ont précédé les consultations. Il y a eu un certain nombre de problèmes qui ont rendu l'environnement électoral trop vicié pour parvenir à des élections acceptables: - l'établissement des listes électorales et la distribution de cartes d'électeurs ont été entièrement gérés par le gouvernement, en violation du droit électoral guinéen; - la commission nationale électorale (CNE), qui a été chargée par le gouvernement de la responsabilité « morale» de garantir la transparence des élections, n'a prêté serment que 9 jours avant les élections et, par conséquent, elle s'est trouvée dans l'incapacité de jouer un rôle significatif dans la procédure électorale; - le manque d'ouverture entourant l'établissement des listes électorales et l'accès à celles-ci; - le défaut de faire prêter serment aux membres de la CNE dans les temps voulus. Tous ces faits ont créé une atmosphère extrêmement intimidante pour essayer de parvenir à des élections acceptables. Alors qu'il était prévu de procéder d'abord aux élections législatives, ensuite aux présidentielles, le gouvernement a 28
changé brutalement de position et a annoncé l'inverse. La violence avec laquelle de nombreux Guinéens au pays et à l'étranger ont réagi à la détermination du gouvernement de poursuivre les élections présidentielles a démontré que: - le gouvernement et les partis politiques n'ont pas réellement coopéré; - le corps électoral, et même les leaders des partis politiques et les organisations non gouvernementales, ont été très peu informés sur la procédure électorale (ce qui a exacerbé la frustration des militants des partis d'opposition) ; - des retards de procédure ont rendu l'emploi du temps des élections sujet à controverse, rendant improbables l'établissement et la livraison en temps voulu des listes électorales et de tous autres matériels relatifs aux élections; - il yale manque de dialogue continu avec les partis politiques; - il yale refus de supprimer toutes les limitations frappant les meetings publics organisés par les partis; - il yale refus de supprimer l'exigence d'une caution mise à la charge des partis pour entrer dans la compétition électorale; - il y a réticence à ouvrir la presse parlée à la participation effective des partis; - il yale refus de travailler avec les partis, groupes privés et groupes culturels pour vérifier le recensement; - il yale refus d'adopter une procédure uniforme pour identifier les électeurs potentiels; - il y a un manque d'uniformité d'action entre les préfets quant à la manière dont sont appliquées les lois régissant les partis politiques et les élections. A Boké les préfets sont partisans du pouvoir et limitent l'activité des partis d'opposition tandis qu'à Kankan le Préfet s'est montré neutre. Tous ces faits ont rendu suspecte la volonté du pouvoir de faire des élections libres et transparentes; ce qui a exacerbé les frustrations des militants des partis d'opposition et provoqué des manifestations et des troubles. Le gouvernement de Lansana Conté aurait pu éviter ce drame, en calmant les discours enflammés de part et d'autre, en acceptant de travailler en coopération avec les partis politiques 29
pour discuter des problèmes électoraux communs et d'élaborer ensemble des messages cohérents et positifs pour attirer les électeurs, en se servant de la presse écrite privée et publique en plus de la radio et télévision guinéenne RTG. Face au pouvoir, il y a eu un manque de coordination entre les 7 partis politiques d'opposition; les diverses alliances entre eux ont été inefficaces. Les Etats généraux, une coalition de 31 partis politiques et des organisations non gouvernementales, ont débuté en mai 1993 avec l'objectif élevé d'exiger du gouvernement qu'il se soumette au droit électoral guinéen ainsi qu'aux pratiques électorales internationales lors des élections à venir. Ce groupe s'est dissout pour ne plus exister à cause du refus des leaders de l'opposition de coopérer franchement. Par ailleurs, en dépit de la réponse négative à l'annonce inattendue faite par le Président Conté du changement de l'ordre des élections présidentielles et législatives, l'opposition a été incapable de mettre au point une stratégie efficace et coordonnée pour contester cette décision. Cela a laissé présager de l'échec de l'opposition à contester efficacement les manipulations ultérieures de la procédure électorale du gouvernement. C'est ainsi que certains problèmes concernant les préparatifs électoraux se sont révélés, en 1992, de manière clairement apparente: - la question de l'achèvement du recensement et de l'établissement des listes électorales en coopération avec les partis politiques n'a pas été résolue; - la création d'une commission électorale impartiale demandée de longue date par les partis de l'opposition a été promise par le gouvernement mais non annoncée; - le problème de la mise en place de bureaux de vote dans les bases militaires n'a pas été réglé; - le traitement inégal et injuste des partis politiques par divers fonctionnaires du gouvernement local est également demeuré un problème non résolu. Ce qui a provoqué une manifestation à Conakry (capitale) contre l'intransigeance continue du gouvernement sur les questions électorales qui s'est finie violemment faisant 62 morts selon le gouvernement et plus de 100 morts et des centaines de 30
blessés selon l'opposition, lorsque les forces de l'ordre ont ouvert le feu à balles réelles sur les manifestants. Les décès et les troubles ethniques qui en ont résulté ont déstabilisé les habitants de la capitale. Ces incidents ont obligé les deux partis (gouvernement et opposition) à coopérer; sont également entrés dans le jeu les chefs religieux musulmans et chrétiens pour tenter de désamorcer les tensions ethniques qui se sont développées entre les citoyens guinéens. Le gouvernement a reculé la date des élections de deux semaines, fixée au 19 décembre 1993 ; cependant, les partis politiques n'ont pas eu l'occasion d'examiner les listes électorales qui étaient pourtant utilisées pour imprimer les cartes d'électeurs. Ces partis ont été autorisés à faire identifier leurs représentants à la commission électorale éventuelle, ainsi que les représentants des Organisations Non Gouvernementales (DNG). La demande des partis d'opposition de reporter la date des élections fixée au 19 décembre 1993 et leurs observations se sont heurtées au silence du gouvernement; celui-ci a refusé tout renvoi. Les partis de l'opposition ont estimé qu'un retard de deux mois était justifié; le refus du pouvoir a été catégorique. Face à l'intransigeance du pouvoir, les partis tels que le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) d'Alpha Condé et IUnion de la Nouvelle République (UNR) de Bâ Mamadou ont indiqué qu'ils ne cautionnaient pas des élections qui seraient pratiquées dans de telles conditions; tandis que certains autres partis, tels que le Parti du Renouveau et du Progrès (PRP) de Siradiou Diallo et le Parti Démocratique de GuinéeRassemblement Démocratique Africain (PDG-RDA) de Marcel Cross, certes pas satisfaits de l'attitude du gouvernement, ont préféré se présenter aux élections. Cette division entretenue astucieusement par le pouvoir est due à l'immense frustration concernant le manquement de la part du gouvernement à ses promesses sur la préparation électorale. En plus de son manquement à faire prêter serment à la commission électorale aussitôt que possible avant les élections. Le gouvernement est 31
également revenu sur ses promesses à l'égard des points suivants: - le rôle de la commission électorale dans l'accréditation d'observateurs nationaux ; - l'utilisation uniquement des seaux en plastique et des urnes électorales offertes par le Canada; - l'exigence pour les électeurs d'avoir un délai de 30 jours pour obtenir leur carte d'électeur; - la possibilité pour les agents des partis de signer les registres des bureaux de vote; - la demande du 16 décembre 1993 de la CNE, après examen des dispositifs dans les 5 régions géographiques, de reculer la date d'élections fixée au 19 décembre 1993. Le président Lansana Conté ainsi que le Ministre de l'Intérieur Alseny René Gomez ont tous deux déclaré dans divers forums que les élections auraient lieu à la date prévue, c'est-à-dire le 19 décembre 1993. Il est clair que le gouvernement n'a pas voulu associer les partis politiques de l'opposition aux préparatifs des élections qui ont pourtant commencé en 1992. Dans les jours qui ont précédé les élections, un certain nombre de décisions concernant les formulaires à utiliser et les procédures à suivre dans les bureaux de vote ont été introduites, puis abandonnées. Les fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur et de la Sécurité (MIS), chargés des élections, ont reçu des ordres contradictoires; ce qui prouve que le Ministre n'a eu aucun contrôle sur les décisions qui ont été prises par le Président Lansana Conté concernant les élections. Malgré l'incohérence des dispositifs du Comité Démocratique de Guinée (CDG) destiné à mener à bien des élections transparentes, la coopération entre les partis politiques fut pratiquement inexistante. Les grands partis ainsi que les petits étaient d'accord sur de nombreux points concernant les élections et s'accordaient souvent sur les mesures à prendre, mais qui furent rarement mises à exécution; par exemple, l'échec de l'intervention des ambassadeurs africains accrédités à Conakry pour faire reculer la date des élections devait conduire à une décision conjointe des partis d'opposition, sur la manière 32
de répondre à l'échec de l'initiative africaine et à l'intransigeance continue du gouvernement. C'est ainsi que le vendredi précédant les élections, Siradiou Diallo du PRP,a décidé, sans consulter ses homologues, de demander officiellement à ses partisans de ne pas participer aux élections; il s'attendait à des positions similaires de la part des autres partis importants de l'opposition dont le RPG et l'UNR. Mais, ces derniers ont, disent-ils, eu des preuves qu'en même temps, Siradiou avait envoyé officieusement des circulaires à tous ses militants les mandant d'aller voter. Dans ces conditions, Alpha Condé du RPG et Bâ Mamadou de l'UNR ont décidé au dernier moment de dire publiquement qu'il n'y avait aucune unanimité dans la communauté internationale pour déclarer que les élections présidentielles de Guinée étaient illégitimes, et par conséquent, qu'ils avaient décidé à leur tour de participer aux élections du lendemain. Compte tenu de la participation élevée des électeurs, il va sans dire qu'entre les partis politiques il y a manifestement une absence de franchise; leurs déclarations respectives ont été précédées de préparatifs secrets pour contrebalancer leurs déclarations officielles. Cette situation n'a servi qu'à diviser encore davantage les principaux partis de l'opposition, et à réduire ultérieurement les chances d'une action conjointe concernant la réforme de la procédure électorale guinéenne. Par ailleurs, l'éloignement des Guinéens à l'étranger ne leur a pas permis d'être informés sur le processus électoral; et les informations sur la procédure électorale qui leur parvenaient leur paraissaient inacceptable; ils ont explosé de colère parce qu'il n'y avait souvent, aucune liste électorale; ce qui a fait croire à de nombreux guinéens de l'extérieur qu'on les empêche de voter. Dans de nombreuses capitales africaines, des Guinéens frustrés ont attaqué l'ambassade de leur pays: une foule de 200 Guinéens a saccagé l'Ambassade de Guinée en Côte d'Ivoire, une foule semblable au Sénégal s'est manifestée de la même manière; c'est ainsi que plusieurs pays africains ont annulé les élections des Guinéens sur leur territoire.
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Des violences sporadiques mais très violentes ont également eu lieu dans certaines régions de la Guinée avant et après les élections. Sept quartiers de Conakry ont été la scène de troubles à la veille des élections. Des bureaux de vote ont été saccagés dans la nuit qui a précédé les élections ainsi que le lendemain. Des fusillades ont eu lieu dans la capitale pendant toute la journée des élections; des véhicules non autorisés ont été interdits de circuler. Malgré cette atmosphère tendue, la participation aux élections a été impressionnante. Cependant, les agents des partis d'opposition n'ont pas été admis en grand nombre. Ceux qui ont été chargés de surveiller le scrutin n'étaient pas plus de deux agents par bureau de vote. Malgré cette confusion suivie de la violence provoquée par l'attitude négative du gouvernement (la livraison en retard des matériels servant au vote), certaines anomalies dans les résultats des élections ont remis en question toute crédibilité que cette procédure aurait pu gagner. Or, le soir du 19 décembre, le Ministre René Gomez a annoncé les résultats préliminaires: le Président Conté a obtenu 47,89 % des voix, suivi d'Alpha Condé du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) avec 22,40 %; 13,13 % pour Bâ Mamadou de l'Union pour la Nouvelle République (l'UNR) et 12,19 % pour Siradiou Diallo du Parti du Renouveau et du progrès (PRP); les autres adversaires 1 % ou moins. Le score du chef de l'Etat sortant le mettait en ballottage; et l'ensemble des voix de l'opposition dépassait celui de Lansana Conté. Au deuxième tour, il serait virtuellement battu. Mais, ces résultats ont été volontairement faussés par les magouilles sur la totalité des votes en provenance de l'étranger sans détail des votes par candidat, ce qui attribua arbitrairement à Lansana Conté toutes les voix; et lorsque les détails de ces suffrages ont été communiqués, le pourcentage de Conté avait été réduit à 46 %. Mais le gouvernement, citant l'intimidation des électeurs de la Haute- Guinée, a immédiatement pris des mesures pour annuler les résultats de Siguiri et de Kankan sous prétexte, pour Kankan, que les bulletins de vote de Mansour Kaba, leader de DYAMA, avaient disparu ! 34
Des annulations combinées de Kankan et Siguiri (favorables à Alpha Condé) ont fait passer à Lansana Conté le seuil des 50 %. Les résultats officiels annoncés le 23 décembre 1993 par le ministère de l'Intérieur et de la Sécurité ont donné 50,93 % à Lansana Conté contre 20,85 % à Condé Alpha, 13,11 % à Bâ Mamadou, et enfin Il,64 % à Siradiou Diallo; les autres candidats ont reçu 1 % ou moins. Malgré les recours en janvier 1994 de l'opposition devant la Cour Suprême de Guinée présidée par Sidimé Lamine (devenu par la suite Premier Ministre), cette Institution a entériné les résultats des élections. Cela comprenait les annulations de Siguiri et de Kankan, ainsi qu'une situation nouvelle: la révision des résultats montrant que Lansana Conté avait finalement obtenu 51,70 % des voix; tandis que Condé Alpha avait perdu 1 % pour finir à 19,55 % ; les résultats des autres candidats restant inchangés ou modifiés de manière minimale. Cette élection a fait tâche d'huile sur tous les processus électoraux survenus en Guinée de 1993 à 2003 ; et il en sera ainsi tant que Lansana Conté sera Président de la République; parce que ce gouvernement ne voudra jamais la transparence électorale et manifestera toujours son aptitude à diriger une procédure électorale avec inefficacité et malhonnêteté. Tableau 1 : Les résultats des élections présidentielles du 19 décembre 1993 en pourcentage des élections présidentielles de 1993 selon le Ministère de l'Intérieur et de la Sécurité. Moyenne Guinée Guinée» Haute Maritime Guinée Guinée Forestière 73,58 % 21,15 % 12,54 % 66,87 % Lansana Conté 2,91 % Alpha Condé 4,62 % 77,65 % 22,57 % 16,55 % 5,64 % 2,14 % 26,89 Bâ Mamadou 4,76 % 1,66 % 2,12 % Siradiou Diallo 39,44 Alpha Condé Bâ Mamadou Siradiou Diallo Lansana Total par Conté 20,85% 13,11% Il ,64% candidat 50,93% Facinet Touré 1,37 %; Jean-Marie Doré: 0,91 %; Mansour Kaba: 0, 60 % ; Ismaël Ghussein 0, 54% Candidats
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Le Il juin 1995, les premières élections législatives libres se sont déroulées en Guinée en l'absence de tout dialogue franc entre le gouvernement et l'opposition, émaillées de répressions, d'intimidations, d'arrestations arbitraires des militants et responsables locaux des principaux partis politiques de l'opposition. Ignorant complètement la Commission Nationale Electorale (CNE), le Gouvernement du Général Lansana Conté, par l'entremise de son ministre de l'Intérieur et de la Sécurité René GOMEZ, s'est attribué le rôle unilatéral de maître d'œuvre des élections. TI a disposé seul du pouvoir de conception, d'orientation, de gestion et de contrôle du processus électoral depuis la phase préparatoire jusqu'à la proclamation des résultats en passant par la révision des listes électorales, la distribution du matériel électoral, le recensement des votes et l'acheminement des résultats. Lors de ses différentes rencontres avec les Imams de Conakry lors de la fête de la Tabaski ou lors de ses tournées de campagne à Kissidougou, Macenta et Sérédou, le Général Lansana Conté, chef de l'Etat, a toujours tenu ce même discours: « J'invite les Guinéens à voter pour les gens qui sont avec moi. Ceux qui ont échoué à l'élection présidentielle veulent venir à l'Assemblée Nationale pour m'embêter et m'empêcher de travailler. Ils se trompent, car personne ne peut quelque chose contre moi. TIs sont venus de l'extérieur en service commandé par les Blancs. TIsont fait appel à ces derniers pour surveiller nos élections alors que la France vient d'organiser elle aussi ses élections et n'a pas eu besoin des Africains. Je n'ai d'ordre à recevoir de personne. Je ne me laisserai plus faire avec ces gens qui sont venus pour foutre la pagaille en Guinée. D'ailleurs, quand ils s'en iront cette fois-ci, ils ne reviendront plus jamais... » Un tel discours provocateur est un signe fort de la volonté du Président de la République de rendre non transparentes les élections, et une invitation adressée à l'administration de sortir de sa neutralité pour bourrer les urnes en faveur de la mouvance présidentielle. 36
De même, son ministre de l'Intérieur, parallèlement, a sillonné le pays pour mettre en place la stratégie de mascarades électorales, c'est-à-dire empêcher le libre exercice des droits et libertés de choix des électeurs; les déclarations officielles du Ministre de l'Intérieur chargé des élections sont parfois en contradiction avec celles tenues en privé aux agents de l'administration (gouverneurs, préfets, présidents des Communautés rurales de développement C.R.D), chefs de quartiers, chefs de districts) en leur faisant comprendre, dit-on, que la victoire d'un opposant équivaudra à la perte de l'emploi de l'agent chargé de l'administration du lieu. Ce qui nous amène à faire deux remarques: -II Depuis l'élection présidentielle de décembre 1993, le pouvoir a instauré un véritable climat de terreur dans les régions acquises à l'opposition. -21 La Commission Nationale Electorale (CNE) dont l'impartialité n'est pas avérée n'a qu'un rôle marginal dans l'organisation et le contrôle des élections. Les commissions de distribution des cartes électorales ne sont pas équilibrées dans leur composition. Dans certaines régions comme celle de Labé, leurs membres ont été le plus souvent des militants ou des sympathisants du Parti de l'Unité et du Progrès (P.U.P.) du chef de l'Etat. A Kankan de nombreux militants ou sympathisants du RPG n'ont pas reçu leur carte électorale. Dans plusieurs Régions, les personnels de commandement territorial, notamment les préfets et sous-préfets, ont fait preuve d'un esprit partisan caractérisé par une volonté de favoriser le P.U.P. C'est ainsi que le gouverneur de la Haute Guinée, en compagnie de ses préfets, a sillonné toutes les préfectures, souspréfectures et districts de sa circonscription en prononçant des discours partisans et provocateurs. Durant toutes les campagnes électorales, de paisibles citoyens ont été ainsi arrêtés, bastonnés et emprisonnés pour avoir accroché la photo de leurs leaders dans leur domicile ou pour délit d'opinion. Les présidents des Communautés Rurales de Développement (CRD) et de Districts, légitimement élus, ont 37
été destitués pour appartenance au RPG et remplacés par des éléments du P.U.P. Tout responsable élu devait faire allégeance au Président de la République et à son parti le PUP comme dans le régime de Sékou Touré. Tous les fonctionnaires devaient également adhérer au PUP avec ce slogan « c'est Lansana Conté qui vous paie. Si vous ne voulez pas adhérer au PUP, on vous licencie. Et quand votre leader deviendra Président, il vous donnera du travail. » Ceux qui ne sont pas renvoyés sont rétrogradés ou mutés arbitrairement. A Beyla où l'opposition avait remporté les élections présidentielles, le nouveau préfet, fraîchement affecté, a déclaré: « si l'opposition a gagné ici lors des présidentielles, je vous garantis que le PUP gagnera les législatives ». Depuis lors, les arrestations, intimidations, bastonnades et amendes lourdes sont devenues le lot quotidien des populations de Beyla et dans toutes les régions où l'opposition a présenté des candidats à la députation. Tout meeting public est interdit. Il est même défendu de chanter à plus forte raison de danser pour un parti de l'opposition. C'est le lieu de rendre hommage au courage de ces braves femmes et hommes qui, contre vents et marées, sont restés dignes de leur engagement politique. Le ministre de l'Intérieur et de la Sécurité, René GOMEZ, déclara sur les ondes de la radio nationale (RTG) « Je rappelle aux autorités administratives que les partis politiques sont libres de leurs mouvements en tout temps et sur toute l'étendue du territoire national. » Quelques jours après, Condé Alpha, leader du RPG, a été empêché à Faranah de tenir un meeting sur la place publique, même au siège de son parti et dans toutes les sous-préfectures de Beyla. En réponse aux protestations, le gouverneur de la région a répondu qu'il n'avait pas reçu de notification officielle de la déclaration du Ministre Alsény René GOMEZ. Nous nous sommes vite rendu compte que la déclaration du Ministre était destinée aux ambassades et à l'opinion internationale. 38
L'absence de neutralité de l'administration lors des consultations électorales en Guinée est toujours ordonnée et encouragée par le Pouvoir. Dès l'ouverture de la campagne, Lansana Conté a fait comprendre à ses ministres qu'ils devaient défendre et sauver leur poste en prenant une part active à la campagne électorale, chacun ayant la responsabilité de la victoire ou de l'échec de la mouvance présidentielle dans sa région natale. Partout les forces de l'ordre empêchèrent l'opposition de faire campagne, et encadrèrent celle des militants de la mouvance présidentielle. On a constaté, lors de ces élections, plusieurs anomalies: - retard dans la mise en place des isoloirs et des urnes; - le manque d'urnes dans certains centres de vote; -le manque de listes d'émargement; - dans un bureau de vote de la Préfecture de Lélouma (au Fouta), le scrutin s'est déroulé avec des bulletins incomplets en nombre. A Faranah (région forestière), dans deux bureaux de vote, il manquait de bulletins de vote de deux partis de l'opposition dont le RPG ; -ouverture tardive d'un bon nombre de bureaux de vote, parfois près de cinq heures de retard à la commune de Dixinn, banlieue de Conakry ; - présence d'agents de sécurité à l'intérieur des bureaux de vote. Dans certains cas, les éléments des forces de l'ordre ont été impliqués dans le processus de vote comme dans certains bureaux des communes de Dixinn, Ratoma, Kindia, Faranah et Mandiana ; - la présence parfois excessive des forces de l'ordre dans les bureaux de vote et aux alentours a souvent constitué des actes d'intimidation manifestes et a créé une atmosphère de tension peu propice au déroulement normal des opérations de vote. C'était le cas à Faranah, Lélouma, Mandiana et Dalaba. - le comportement partisan de plusieurs membres de bureaux pendant les opérations de vote a été perceptible dans toutes les préfectures; - certains isoloirs étaient tout à fait inopérants; et dans plusieurs bureaux de vote, les bulletins non utilisés furent 39
éparpillés sur le sol, les laissant à la vue de toute personne entrant dans l'isoloir ou parfois même dans le bureau de vote, mettant ainsi en cause le secret du suffrage; - la mesure d'identification des électeurs n'a pas été appliquée de manière uniforme dans l'ensemble des localités. Par exemple, elle n'a pas été appliquée de manière systématique dans la région de Labé. Au contraire, à Kankan, les mesures strictes d'identification ont empêché plusieurs personnes détentrices de carte électorale de voter; ailleurs, des listes supplémentaires ont été créées sur place pour permettre aux citoyens non inscrits de voter; - la formation des membres des bureaux de vote et la sensibilisation des populations aux procédures de vote se sont révélées souvent très insuffisantes dans les régions de Kankan, Labé, Faranah, Kindia, Boké et Boffa, certains membres de bureaux de vote remettant personnellement un jeu de bulletins aux électeurs (l'homonymat aidant, un électeur pouvait voter cinq à six fois en changeant de quartier ou de centre de vote en faveur du PUP) ; - de nombreux électeurs ignoraient l'existence des deux modes de scrutin: liste nationale et liste uninominale. Des cas significatifs ont été notés dans toutes les régions. Dans certains bureaux de vote, on a fait voter des enfants à la place de leurs parents absents qui étaient, dit-on, malades ou en voyage à l'étranger. Un tel vote par procuration ne suit aucune procédure particulière; - refus de plusieurs sous-préfets, des présidents des Communautés Rurales de Développement, et même des présidents des centres d'élections de recevoir les délégués de l'opposition dans les bureaux de vote; - bourrage systématique des urnes et vote des pères de famille ou propriétaires des concessions pour le compte de leurs parents malades ou de leurs locataires absents et sans aucun mandat de ces derniers. Dans les commissions Centrales de recensement des votes, la plupart des enveloppes contenant les procès verbaux n'étaient pas scellées;
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- Dans plusieurs préfectures, les sous-préfets apportèrent seuls à la Commission Centrale les enveloppes contenant les procès verbaux de l'ensemble des bureaux de vote de leur localité sans être accompagné par le président du bureau. - Dans certains bureaux, les délégués des partis politiques de l'opposition n'eurent pas la possibilité de contrôler le contenu des procès verbaux enregistrés par la Commission centrale de recensement des votes. - Les résultats enregistrés dans certaines Commissions Centrales paraissent très troublants au regard des faibles taux de participation enregistrés dans toutes les localités de la région. Ainsi, dans le bureau numéro 53 de la préfecture de Pita, 192 personnes ont été inscrites et le vote s'est terminé avec 196 suffrages valablement exprimés. Quant au bureau n° 3 de Kalia dans la sous-préfecture de Maréla, on notait 354 inscrits, 354 votants, 354 suffrages valablement exprimés et 354 voix pour le Parti de l'Unité et du Progrès (P.U.P.). A Dubréka centre, dans le bureau de Kénindé on a enregistré les résultats suivants: 328 inscrits, 330 votants, 330 suffrages exprimés, 330 voix pour le P.U.P ; on retrouve des résultats semblables dans la plupart des bureaux de vote de la préfecture de Dubréka, préfecture natale du Président Lansana Conté. Dans les casernes militaires de Conalcry et de l'intérieur on assiste au même processus: A Conalcry, au bureau de vote n03 du Camp Alpha Yaya Diallo (le bureau de vote se tient au foyer du soldat), les militaires ont voté sans cartes d'électeurs malgré les protestations des représentants des partis politiques de l'opposition, d'autres ont voté en tenue militaire avec leurs cartes d'identité; 89 militaires ont voté par dérogation et 9 autres par procuration, malgré l'interdiction officielle de ces mesures. Les membres de ces bureaux de vote des camps militaires sont composés uniquement d'officiers supérieurs, contrairement aux dispositions du code électoral.
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Toutes les observations et réserves des représentants des partis politiques de l'opposition à cet effet ont fait l'objet d'une fin de non recevoir du gouvernement. Au camp Almamy Samory Touré (Commune de Kaloum), le gouverneur de la ville de Conakry, civil de son état, a fait voter plusieurs militaires sur procuration, arguant qu'ils étaient au front au Libéria ou en Sierra Leone ou en mission. De tels exemples se sont produits dans toutes les casernes du pays. Au camp Kémé Bouréma de Kindia, les délégués des partis politiques autres que le PUP n'ont été reçus qu'à partir de Il heures. Ce qui pouvait donner le temps aux officiers commis d'office de bourrer les urnes. Conformément à la loi, le Ministère qui doit proclamer les résultats officiels 48 heures après, ne s'est exécuté que le 21 juin 1995. - Le PUP (le parti au pouvoir) a obtenu 71 sièges sur 114 (soit 30 des 38 sièges attribués au scrutin uninominal de circonscription, et 41 des 76 sièges mis en jeu au scrutin proportionnel de liste. - le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG: opposition) d'Alpha Condé: 19 sièges - le Parti du Renouveau et du Progrès (PRP : opposition) de Siradiou Diallo : 9 sièges - l'Union pour la Nouvelle République (UNR : opposition) de Bâ Mamadou : 9 sièges. Un tel processus électoral remet en question le caractère démocratique et transparent des élections législatives en Guinée. Malheureusement, toutes les consultations du peuple de 1993 à 2003 se sont déroulées de la même manière; nous ne signalerons dans les pages qui suivent que des cas atypiques. Les stratégies du gouvernement et les méthodes de manipulation des urnes se sont perfectionnées, les objectifs étant les mêmes: « gagner à tout prix les élections si besoin par la fraude massive ». Dans une déclaration commune rendue publique dès le 13 juin 1995, les principaux partis d'opposition RPG, PRP, UNR ont accusé le gouvernement de Lansana Conté et de son parti le 42
PUP de fraudes et de manipulations, et ont fait savoir qu'ils refusaient de siéger à la nouvelle Assemblée Nationale. Un mémorandum rédigé quelques jours plus tard a accusé le régime de la falsification et de la substitution d'un grand nombre de procès verbaux entre les bureaux de vote et la Commission Nationale de Centralisation (CNC) au moment de leur transmission. Le 14 juillet 1995, ces partis ont procédé à la création de la Coordination de l'Opposition Démocratique (CODEM) présidée par Bâ Mamadou leader de l'UNR. Le président Lansana Conté a déclaré que « tout cadre qui ne fait pas sa politique sera enlevé» c'est-à-dire licencié. C'est ainsi que le pouvoir a opté pour la suppression des élections de quartier, de district et de communauté rurale de développement (CRD) en violation des articles 66 et 101 du code électoral. Rappelons qu'en 1986, aux premières élections de l'après Sékou Touré, on a assisté au retour insidieux à des pratiques héritées de l'ancien régime qui a été illustré par la mise en place des conseils de quartier durant le mois d'avril 1986. Seuls les chefs de famille qui avaient payé leurs impôts étaient électeurs. Tout candidat devait savoir lire et écrire en arabe ou en français et pouvoir concevoir par écrit un plan de développement de son quartier. Ces élections excluaient de la consultation la grande majorité des habitants, dans le but d'empêcher la victoire d'une majorité négative composée essentiellement de sans travail et de chômeurs favorables à l'opposition. Le conseil comprenait six membres élus, mais quatre autres étaient nommés par l'Imam de la mosquée du lieu. Ce qui viole la règle de la laïcité de l'Etat. Désonnais les membres et présidents des quartiers, des districts et des communautés rurales de développement étaient nommés par le chef de l'Etat Lansana Conté; ils allaient désormais se livrer à des intimidations, corruption, falsification et à des opérations de substitution lors des élections présidentielles, législatives ou communales en faveur de la mouvance présidentielle.
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Les élections municipales du 29 juin 1995 : En tant que centre de gestion des intérêts de ses habitants, la commune est administrée par une assemblée de représentants élus: le Conseil municipal, qui dirige la municipalité avec l'aide du bureau municipal, est composé du maire, et de ses adjoints, que le conseil a élus et qui représentent son exécutif. Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. Le maire, assisté de ses adjoints, est investi du pouvoir exécutif; il prépare et met en œuvre les décisions du conseil municipal; il est responsable de la police municipale. La commune est dotée de services communaux et du budget communal; celui-ci est préparé par le maire et voté, après délibération, par le conseil municipal. Les élections municipales ont pour objet d'élire les conseillers municipaux qui siègent à l'assemblée délibérante de la commune, le conseil municipal. Les conseillers municipaux sont élus au suffrage universel direct, pour un mandat de cinq ans renouvelable, leur nombre variant selon l'importance de la commune. Les résultats des élections communales qui ont été publiés par le Ministère, le mardi 4 juillet 1995, sont les suivants: - le PUP a obtenu 20 mairies dont 2 sur 4 dans la capitale; -l'opposition a eu 10 mairies dont: 4 à l'UNR, 3 au RPG, 3 au PRP, - les indépendants ont obtenu 6 mairies; - à Conakry et à l'intérieur du pays, on attend tout d'un Maire. TIdoit être gestionnaire, animateur et communicateur. Il doit être un rassembleur et un gagneur. TI a donc, a priori, toutes les qualités d'un chef d'une communauté. Il doit être convaincu que les maires pour les prochaines élections municipales seront désormais jugés sur la qualité de leur gestion plutôt que de leur étiquette politique. - S'ils sont démocrates et forts de leur bilan positif, ils peuvent, avant les élections, commencer à confirmer leurs adjoints dans leur future équipe ou proposer à d'autres administrés de leur localité de participer à la vie publique locale. Etre élu Maire ou simple conseiller ne doit pas être un métier mais un engagement bénévole au service du peuple. 44
Nous avons constaté que, dans la capitale, les élus disposent de structures et de moyens; il n'en est pas de même dans les autres communes de l'intérieur où les problèmes sont nombreux et les moyens insuffisants. Il existe donc en Guinée une démocratie locale à deux vitesses: Les maires de la capitale et les maires des champs; ce qui n'est pas normal car le pouvoir local doit être à l'écoute des préoccupations quotidiennes des Guinéens. C'est souvent sur les petits détails et embarras de la vie quotidienne, plus que sur les grands projets, que le maire est apprécié ou critiqué en Guinée. - Le maire des années 2005 sera plus que jamais un agent économique avec des priorités: la lutte pour l'emploi notamment des jeunes, la solidarité, la fiscalité, mais aussi l'urbanisme, la sécurité, la vie associative. L'innovation fera son entrée dans les mairies notamment avec l'informatique. Les élections présidentielles du 14 décembre 1998, comprises comme le dernier mandat constitutionnel du Président sortant Lansana Conté, ont montré la vraie nature de ce régime. Le coût de cette élection présidentielle est estimé à 10,31 milliards de francs guinéens. Tous les bailleurs de fonds ont contribué à ce financement dans l'espoir que Lansana Conté se présente pour son dernier mandat qui devait prendre fin au mois de décembre 2003. Mais l'interview que la revue Guinée Vérités n04 du mois d'août 1998 lui a accordée atteste que Lansana Conté ne respectera pas les règles édictées par la Loi Fondamentale à la fin de son second mandat! A la question:« Tout laisse à penser, Monsieur le Président, que vous allez pour un dernier mandat? » Lansana Conté répond «C'est vous qui le dites; c'est vrai, la Constitution est claire « Le Président de la République est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois... mais ce pays est bizarre, au lieu que je prenne appui sur le PUP, mon parti, c'est lui qui prend appui sur moi. Parce que ces gens-là n'ont que mon nom à la bouche, ils ont peur d'aller convaincre le peuple sur le terrain ou alors ils veulent faire campagne, protégés par les préfets, sous-préfets et hommes en armes. TIs 45
ont peur de l'opposition et passent le temps à se bouffer le nez pour savoir qui va avoir tel poste. Et puis, qui vous dit que je ne vais pas moi -même soutenir un autre candidat" . L'expérience prouve que Lansana Conté ne peut soutenir que sa propre candidature, le contraire relèverait du bluff! D'ailleurs, le gouvernement a pris, à quelques mois des élections, un arrêté de démolition des bâtiments de tout un quartier de Kaporo-rails sous prétexte que le terrain avait été illégalement occupé et que les constructions avaient été réalisées sans permis de construire sur des terrains appartenant à l'Etat. Des manifestations violentes suivies de répressions sanglantes ont été les prétextes, au pouvoir pour arrêter quelques députés de l'opposition dont Bâ Mamadou, président de la coordination démocratique (CODEM); c'était une stratégie de diversion de la mouvance présidentielle pour intimider les électeurs. Les députés de l'opposition ont suspendu leur participation aux travaux de l'Assemblée Nationale en guise de protestation. Cette réaction a donné lieu à la libération des députés détenus qui ont été par la suite autorisés à se présenter à l'élection présidentielle. Trois candidats de poids ont été retenus pour les élections présidentielles du 14 décembre 1998: - Lansana Conté, le chef d'Etat sortant et chef de file du PUP; Bâ Mamadou, Président d'honneur de l'UPR (PRP+UNR) - Alpha Condé, leader de RPG. Lansana Conté qui a, comme d'habitude, le soutien actif de l'Administration (gouverneur, préfets, sous-préfets, présidents des CRD, chefs de quartiers, chefs de districts et les forces armées) a été réélu dans les mêmes conditions de fraudes et d'intimidation qu'en 1993, pour 5 ans non renouvelables, avec 56,12 % des voix selon le ministère de l'Intérieur et de la Sécurité nationale, suivi de Bâ Mamadou et Alpha Condé en troisième position. L'opposition a contesté en vain cette mascarade électorale.
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Pour Lansana Conté, l'occasion fut propice pour faire arrêter Alpha Condé; il décréta l'interdiction à tous les leaders politiques de sortir du territoire jusqu'à la promulgation définitive des résultats par la Cour Suprême; cela a coïncidé avec le déplacement d'Alpha Condé à Pinet, en territoire guinéen, pour rencontrer ses militants; ce déplacement du leader du RPG a été le prétexte pour le faire arrêter, séquestrer et condamner à cinq ans de réclusion sous le fallacieux prétexte de complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat. TIa fallu un mouvement international de soutien et la menace de sanctions financières et diplomatiques contre la Guinée pour que Lansana Conté libère Alpha Condé après deux ans d'emprisonnement. Quant à l'élection municipale du Il juin 2000, la campagne a été morose et pleine d'incidents. Les partis politiques n'ont pas réussi à mobiliser la population; les programmes des deux précédentes mairies n'ont pas pu être réalisés faute de moyens financiers que le pouvoir central leur a pratiquement refusés. Par ailleurs, dans son discours du 3 juin 2000 devant les jeunes et femmes du PUP de Conalcry, le chef de l'Etat a clairement déclaré qu'il ne voulait pas de commune à Conalcry et ses banlieues dirigée par l'opposition. Le résultat final lui a donné satisfaction. Par ailleurs, le pouvoir a refusé arbitrairement de valider la candidature de Madame Rougui Barry, membre de l'UFR et maire sortant de la commune de Matam, banlieue de Conalcry. Le PUP, parti du président Lansana Conté, avec les méthodes de falsification, d'intimidation et de corruption de son administration, a obtenu le quasi-totalité des élus soit 36 sur les 38 communes dont les cinq mairies de Conalcry et de ses banlieues. Ces derniers, en violation de la loi électorale, ont été nommés par le chef de l'Etat au lieu d'être élus par leurs pairs conseillers. Ces élections municipales constituent le prototype des opérations de fraudes et de falsification par excellence; par exemple, « à Siguiri, le PUP a été déclaré vainqueur, alors que ce parti n'a obtenu que 3 000 voix contre Il 000 pour le RPG » selon le Démocrate du 24 septembre 2000. 47
C'est dans cette atmosphère que les élections municipales de 1995 ont été marquées par de graves incidents qui ont occasionné des pertes en vies humaines, de nombreux blessés et d'importants dégâts matériels à Mamou, Boké, Fria, Conakry. Un peu partout à travers le pays, notamment à Lélouma, les militants de l'opposition ont subi des sévices corporels, des humiliations en tout genre, comme au temps de Sékou Touré, pour avoir exprimé librement leur vote et revendiqué une victoire qui leur avait été volée; alors que les consultations électorales devraient être l'occasion non d'affrontements violents et sanglants, mais de choix librement exprimé par les citoyens. Les élections organisées frauduleusement par l'exécutif guinéen se terminent toujours par la répression des militants de l'opposition qui manifestent contre l'usurpation de leur droit de vote; et tant que le pouvoir ne parviendra pas à instituer un mécanisme consensuel clair, capable d'organiser des élections transparentes, libres, réellement régulières et dont les résultats seront acceptés et respectés par tous les protagonistes de la scène politique guinéenne, il évitera difficilement soit la violence soit le blocage politique. En juin 2000, le PUP et la mouvance présidentielle, à l'instigation de Lansana Conté, ont évoqué la possibilité de modifier la Constitution (Loi Fondamentale) et d'organiser un référendum pour permettre à Lansana Conté de rester au pouvoir au-delà de 2003. L'opposition a transformé la CODEM en Mouvement contre le référendum et pour l'alternance démocratique (le MORAD) pour empêcher à tout prix le référendum et la prorogation du mandat du Président Lansana Conté au-delà de 2003. De nombreuses manifestations ont eu lieu à Labé, Kankan, Siguiri, Zérékoré qui ont été sauvagement réprimées par le pouvoir, tandis que les manifestations en faveur du référendum ont été organisées, encadrées par les forces de l'ordre dans tout le pays. Le président de l'Assemblée Nationale d'alors, Elhadj BIRO DIALLO, a déclaré le 4 octobre 2001 à Conakry que « le proj et de référendum dans la conception actuelle est illégal» et 48
a déclaré lors de son interview à l'AFP qu'il s'opposait personnellement en tant que citoyen guinéen à la révision circonstancielle de la constitution de son pays: «je ne cautionnerai jamais la pérennisation d'un pouvoir dans un système démocratique» a-t-il dit. Pour lui, «tout bon démocrate doit accepter un débat public, un débat démocratique, pour qu'à l'issue de celui-ci une position majoritaire se dégage; celui qui dit aujourd'hui en Guinée que la population, dans sa majorité, appelle de tout son souhait à un référendum taillé sur mesure, il ment; c'est faux, absolument faux» a-t-il ajouté. Quant on veut réviser la constitution, il y a la voie légale; il est donc inutile de passer par des chemins tortueux pour tordre le cou à la constitution; «Lansana Conté n'avait qu'à saisir par écrit l'Assemblée Nationale» a déclaré le Président de l'Assemblée Nationale El Hadji Biro DIALLO, en exercice au moment du référendum. Si le Président Lansana Conté a préféré la voie référendaire à celle d'une révision de la constitution par le parlement, c'est parce qu'il n'était pas sûr de pouvoir faire entériner ses amendements constitutionnels malgré sa majorité parlementaire, faute de quorum de 2/3 des députés en sa faveur à l'Assemblée Nationale. La déclaration de MORAD contre le référendum et sur les modifications de la Loi fondamentale a été signée le 8 octobre 2001 par les partis d'opposition suivants: Parti du Peuple de Guinée, Union des Forces Républicaines, Rassemblement du Peuple de Guinée, Union pour le Progrès et le Renouveau et DYAMA; elle a mis en garde ceux, organisés en système mafieux, qui apportaient leur caution et leurs aides financières et matérielles à cette mascarade qui assassinait la démocratie et le libéralisme dans notre pays. C'est le Président de la république lui-même qui a annoncé le 2 octobre 2001 son projet de référendum qui devait le maintenir à vie au pouvoir. « Ce coup d'état constitutionnel contre notre peuple» déclarait le communiqué des partis d'opposition « le Général Conté veut le réaliser en organisant un référendum que ses hommes de main sont prêts à truquer pour 49
lui assurer le succès souhaité. Peu leur importe si cela peut plonger le pays dans le chaos et la désolation voire la souffrance inutile. Le Mouvement contre le Référendum et pour l'Alternance Démocratique (MORAD) soutient que «cette volonté de pérenniser un régime qui s'est singularisé par les détournements fréquents des deniers publics et les violations répétées de la Loi fondamentale et des droits de l'Homme en toute impunité, est la preuve éloquente de l'amour du président Lansana Conté pour son pays qui rappelle le sentiment que le chasseur a pour le gibier ». Pour le MORAD, Lansana Conté que les «caisses de résonance» de l'Etat qualifient d' «Homme de paix», montre une fois de plus son vrai visage, celui d'un homme qui veut plonger la Guinée dans une crise politique et institutionnelle grave pouvant aboutir à la guerre civile. L'opposition s'est déclarée farouchement opposée à toute modification de la Loi fondamentale, tendant à instaurer une présidence à vie. Les signataires ont par ailleurs exprimé leur indignation et surtout leur étonnement face à la décision des opérateurs économiques de financer ce référendum. Ils rappellent que seul un régime démocratique, respectueux des lois du pays, peut assurer la prospérité des affaires et la sécurité des biens. Les ministres, gouverneurs, préfets, maires nommés, présidents des communautés rurales de développement (CRD), chefs de quartiers, chefs de districts, fonctionnaires affectés aux élections ont été une fois de plus mobilisés par le pouvoir pour le bourrage des urnes; ainsi, les modifications de la Loi Fondamentale concernaient les articles suivants: - Article 24 : la durée du mandat présidentiel est portée à 7 ans au lieu de 5 ans; Article 26 : la suppression de l'âge limite du candidat; - Article 48 : la perte du mandat d'un député pour cause d'exclusion ou de démission de son parti qui l'a présenté aux élections;
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- Article 85 : les membres de la Haute Cour de justice qui étaient élus par leurs pairs sont désormais nommés par le décret présidentiel, y compris leur Président; - Article 86: la mise en accusation du Président de la République, en cas de haute trahison par l'Assemblée nationale, celle-ci est désormais remplacée par la Cour suprême (dont le Président est nommé par le Président de la République et les membres sont fonctionnaires); - Article 88 : les collectivités territoriales: les régions, les préfectures, les sous-préfectures, les communes urbaines et les communautés rurales de développement, leur organisation et leur fonctionnement relèvent désormais du domaine réglementaire et non de la loi. Malgré le boycott des partis de l'opposition, et les bureaux de vote désertés, le gouvernement a publié, comme d'habitude, des résultats tronqués qui n'avaient rien à voir avec les réalités sur le terrain. Selon le Ministère chargé des élections « sur 4 310 081 inscrits, le nombre de votants est de 3.934344; le taux de participation déclaré par le Ministère est 87,20 %; bulletins nuls: 52.968 ; suffrages valablement exprimés: 3 881 376 ; suffrages obtenus par le «non» représentent 1,64 %; suffrages obtenus par le« oui» 3.817.721 soit 98,36 %» Cela prouve que le gouvernement de Lansana Conté maîtrise très bien l'art des fraudes massives et de la manipulation des chiffres. Cette modification de la Constitution a permis à Lansana Conté de briguer un troisième mandat en décembre 2003 et à vie; parce que, en utilisant les mêmes méthodes de bourrage des urnes et de répression, il sera toujours reconduit à vie sans problème. Depuis lors, toutes les manifestations de l'opposition sont, soit interdites, soit réprimées dans le sang par les forces de l'ordre; pire, un secrétaire général du Bureau politique national du PUP (parti du Président Lansana Conté) peut obliger les forces de l'ordre à réprimer un mouvement de militants de l'opposition en meeting. Ce qui constitue un abus de pouvoir et une violation des libertés fondamentales. 51
Les élections législatives du 30 juin 2002 ont exacerbé les partis de l'opposition. A chaque élection, le gouvernement montre sans conviction sa disponibilité au dialogue avec les partis politiques de l'opposition. Ces derniers, sans se concerter, répondent individuellement à l'invitation du pouvoir. Après l'échec des pourparlers entre le pouvoir et l'opposition sur les conditions de la transparence des élections, l'Union européenne a annoncé ne pas pouvoir financer ces élections législatives. A travers les émissions de la radio guinéenne, nous avons observé des signes de nervosité du gouvernement à la veille des élections législatives programmées pour le 30 juin 2002. Un éditorial particulièrement violent a été lu à la radio et à la télévision; il s'en prenait visiblement au représentant de l'Union européenne suite à sa lettre adressée au Ministre Moussa Solano de l'Administration du Territoire (nouveau MIS) pour l'informer que la C.E.E. ne participerait pas au financement des élections et qu'elle n'enverrait pas d'observateurs non plus. Cette lettre de la CEE évoquait le fait que le Conseil National Electoral (CNE) n'avait pas assez de temps pour remplir pleinement sa mission et ne serait pas en mesure d'assurer la transparence souhaitée d'une part, et d'autre part, que la date des élections avait été fixée alors que le dialogue entre les partis politiques et le gouvernement n'était pas encore achevé d'où la décision notifiée de la CEE suivie, entre autres, de l'annonce du boycott des élections législatives d'une partie importante de l'opposition. Cependant, lors de la réunion entre les partis, l'Union pour la République (PRP + UNR) de Siradiou DIALLO, l'Union pour le Progrès de la Guinée (UPG) de Jean Marie Doré, le Parti du Peuple de Guinée (PPG) de Pascal Tolno, issus pourtant de l'opposition, ont décidé d'aller aux élections. Le Ministre Moussa Solano, chargé des élections, a élevé un ton menaçant à l'encontre des partis politiques qui avaient décidé de boycotter les élections législatives: le RPG de Condé Alpha, UFR de Sidya Touré, DYAMA de Mansour Kaba, le Parti Démocratique Africain (PDA) de Marcel Cross et certaines 52
personnalités comme Elhadj Biro DIALLO, le Président sortant de l'Assemblée Nationale, et Bâ Mamadou, Président d'honneur de l'UPR en rupture avec son parti pour la cause. Ces partis ont refusé d'aller aux élections et voulaient perturber le déroulement du scrutin. TI a annoncé qu'il ne tolérerait aucune manifestation publique de ces partis dans les rues pendant et après la campagne électorale. C'est à l'issue de ce différend avec le pouvoir que les partis d'opposition ont transformé le Mouvement contre le Référendum et l'élection de Lansana Conté (MORAD) en Front Républicain pour l'Alternance Démocratique (FRAD). C'est le Chef de l'Etat en personne qui a établi la liste des futurs députés du PUP ; liste dirigée par le Secrétaire Général du PUP d'alors El Hadji Aboubacar Somparé (actuel Président de l' Assemblée Nationale), avec Germain Doualamou, Thierno Aliou Baniré DIALLO et deux anciens Ministres: Almamy Fodé Sylla (très proche de Lansana Conté et le premier à émettre l'idée d'introduire une proposition de loi tendant à proroger le mandat présidentiel de 5 à 7 ans et sans limite d'âge) et le Secrétaire Général actuel du PUP, Docteur Sékou Konaté. Ont été écartés de la liste: Yansané Sékou Mouké, CAMARA Sékou Décazi, Talibé Diallo, Don Soumah, BAH Oury etc... Seuls ceux qui surent nager en eaux troubles ont été repêchés par Lansana Conté pour occuper des postes de gouverneurs ou ministériels, postes qui exigeaient pourtant beaucoup d'imagination, de stratégie et de maîtrise ce qui dépassait leurs capacités intellectuelles; on revint donc à la pratique de ministère politique comme dans l'ancien régime; les échecs étaient d'ores et déjà assurés. Les résultats de cette élection législative ont été les suivants: « Sur 114 sièges à pourvoir, 85 sont revenus au PUP et 29 aux 5 des Il autres partis en lice dont 20 sièges à l'UPR de Siradiou DIALLO, 3 à l'Union pour le Progrès de la Guinée de Jean-Marie Doré Et zéro siège au parti de Pascal TOLNO. 53
Jean-Marie Doré, réélu mais convaincu de la substitution de certains élus de son parti par ceux du PUP, a déclaré: « TI nous est formellement interdit d'aller s'asseoir à l'Assemblée Nationale à côté des voleurs et des receleurs. C'est vraiment des voleurs effrontés, éhontés, sans pudeur. TIn'est pas normal que la vertu cohabite avec le vice, avec la mécréance ». TI a donc refusé de siéger au parlement jusqu'à la restitution, dit-il, de ses sièges usurpés par le pouvoir; les trois députés de son parti touchent malgré tout leurs indemnités de parlementaire. Enfin, l'élection présidentielle du 21 décembre 2003, boycottée par tous les partis politiques de l'opposition, a permis à Lansana Conté, gravement malade, d'être réélu, faute de combattant, Président de la République à vie,. mais comment? Lors de la campagne électorale, le chef de l'Etat a déclaré à la convention nationale de son parti «la démocratie à l'occidentale, je ne sais pas très bien ce que cela signifie ». Cette phrase éclaire davantage sur les intentions du chef de l'Etat face au processus démocratique en Guinée. Porté au pouvoir par un coup d'état militaire en 1984, élu président de la République en 1993 et réélu en 1998 lors des élections non transparentes, le Général Lansana Conté militaire de carrière, devait normalement, selon la constitution de 1991, quitter le pouvoir à l'issue de ses deux mandats totalisant vingt ans d'exercice. Mais son référendum du Il novembre 2001 a supprimé la limitation du nombre de mandats et de l'âge, ce qui lui a permis de briguer un troisième mandat, et de se porter candidat de son parti le 21 décembre 2003 contre l'avis d'une large majorité de Guinéens. Tout le processus électoral de 1993 à 2003, a été géré essentiellement par le Chef de l'Etat et son Administration. Pour les élections présidentielles de 2003 la plus flagrante violation de la loi électorale unanimement constatée a été l'ouverture de la campagne électorale pour la réélection de Lansana Conté, dix-huit mois avant l'ouverture officielle de la campagne. Cette pré-campagne a été diligentée par Fodé SOUMAH, ancien vice Gouverneur de la Banque Centrale au 54
moment des faits (actuellement ministre des sports) et parrain du parti du Président, le PUP, allant à l'encontre des articles L 41 alinéa 1 et L 167 de la loi organique et L /91/C12 du 23 décembre 1991 portant code électoral (partie législative) qui disposent que la campagne électorale ne peut être ouverte qu'un mois avant la date du scrutin. Or, dès le mois de mars 2000, Fodé SOUMAH, avec les moyens publics et l'hélicoptère du Président à sa disposition, a commencé à sillonner le pays pour inviter le peuple à voter le 21 décembre 2003 en faveur du Président Lansana Conté; tandis que les leaders des partis de l'opposition étaient interdits de tenir un meeting, de circuler sur tout le territoire ou de manifester. C'est ainsi que Sidya Touré Leader de l'UFR a été interpellé pour avoir organisé, comme le PUP, un meeting à Gbessia dans la commune de Matoto (banlieue de Conakry) et que son siège a été fermé. La Cour Suprême, qui devrait veiller au respect de la légalité en la matière, s'est volontairement dérobée à sa mission en restant muette devant les violations répétées de la loi électorale par le chef de l'Etat. Par ailleurs, le dialogue dit national pour préparer les élections présidentielles de décembre 2003 a débuté officiellement au mois de septembre 2003 ; il devrait créer les conditions d'une élection libre, juste et transparente, donc crédible pour toute la Nation. Ce dialogue a échoué faute de volonté politique réelle du pouvoir, caractérisée comme d'habitude par le refus du gouvernement de prendre en compte un certain nombre de quêtes préalables de l'ensemble des partis politiques, notamment: L'Organisation des élections libres, transparentes et régulières, c'est-à-dire: - Transparence du recensement électoral pour aboutir à une liste électorale fiable; - Création d'une commission électorale indépendante chargée entre autres de vérifier, préfecture par préfecture, les résultats du dernier recensement et redresser toutes les anomalies;
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- Mise en place des bureaux de vote, hors des camps militaires, composés uniquement des représentants des partis politiques et de l'administration notamment le représentant du ministère de tutelle, complétés, à défaut, par des représentants de la société civile; - Formation de scrutateurs de l'administration et des partis politiques chargés de veiller sur l'ensemble du processus électoral dans le moindre bureau de vote. - Distribution à des prix modiques des cartes d'identité à tous les citoyens guinéens pour éviter de voter sur simple témoignage de deux personnes âgées, ce qui est source d'irrégularité et de fraudes - Dans le bureau de vote, il doit y avoir des urnes transparentes, de l'encre indélébile; le vote secret dans un isoloir; le dépouillement et le décompte publics avec publication des résultats sur place suivis de procès verbal signé par les membres du bureau de vote; le même processus doit se faire au niveau de la préfecture après la centralisation des résultats des centres de vote: et les résultats seront affichés à la préfecture le jour même du vote après les décomptes signés par toutes les parties représentées au bureau de vote, avant le transfert des résultats définitifs au ministère de tutelle. - Une liste unique pour les élections présidentielles - Egalité d'accès aux médias publics pour tous les partis politiques candidats (Radio, Télévision, Presse) à défaut de la libération des ondes. - Neutralisation absolue de l'administration (gouverneurs, préfet, présidents de CDR, chefs de quartiers, chefs des districts.) - Droit à la création des radios et télévisions privées; la Guinée est le seul pays de la région ouest africaine à ne pas vouloir sur son territoire des radios et télévisions privées. - La libre circulation des leaders et militants politiques sur tout le territoire avec liberté de tenir des meetings. - Des leçons à tirer des précédentes élections, particulièrement le référendum du Il novembre 2001.
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- le recensement
et le vote des Guinéens de l'extérieur; - La participation des observateurs non guinéens. Tous les participants sont d'accord sur la nécessité d'établir un dialogue franc et constructif sur la base des données ci-dessus citées. L'opposition, préoccupée par la situation désastreuse et chaotique du pays, a cru bon de répondre favorablement à ces différentes rencontres initiées par le pouvoir en dépit du déficit de confiance créé depuis 1993 par les violations répétées de la loi électorale et les fraudes massives et permanentes de l'administration à l'occasion des élections. Mais, le compte rendu de la dernière rencontre, diffusé par la radio et la télévision d'Etat, a désagréablement surpris les participants et a démontré qu'en aucun cas, le gouvernement n'est disposé à renoncer à sa politique de désinformation et de manipulation de la population à travers ses médias. C'est ainsi que les partis politiques de l'opposition ont pris la décision de s'abstenir de toute participation au dialogue. C'est au cours de ce dialogue inachevé que Moussa Solano, Ministre chargé des élections, et Moussa Sampil, ministre de la Sécurité, se sont rendus au Ghana pour rencontrer John KUFFOR, Président de la République de ce pays, qui était en même temps Président de la Communauté Economique de Développement des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), pour lui expliquer la position des autorités guinéennes sur l'élection présidentielle du 21 décembre 2003. De l'avis des observateurs, la délégation guinéenne n'a pas eu, auprès des autorités ghanéennes, la compréhension et le soutien attendus; puisque Lansana Conté n'a pas tenu compte des recommandations de la CEDEAO. L'opposition, composée de l'Union Pour le progrès et le Renouveau (UPR) de Siradiou DIALLO, du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) d'Alpha Condé, de l'Union des Forces Républicaines (UFR) de Sidya Touré, du DYAMA de Kaba Mansour, de l'Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) de Bâ Mamadou, et de l'Union du Peuple de Guinée (upG) de Jean-Marie Doré, annonce le boycott de l'élection présidentielle du 21 décembre 2003.
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Lansana Conté n'a plus en face de lui aucun candidat de taille; pour effacer cet affront, la mouvance présidentielle a essayé de diviser en vain l'opposition; à un mois des élections, il a utilisé la stratégie d'intimidation en arrêtant massivement les officiers et sous-officiers militaires et de gendarmerie, mais aussi des civils; parmi ces officiers figurait le fils de l'ancien Président de l'Assemblée Nationale Elhadj Biro DIALLO que Lansana Conté redoutait et soupçonnait d'être le candidat unique de l'opposition. Le gouvernement appellait à candidature; huit candidats se présentaient: - une candidature a été invalidée pour défaut de présentation par un parti politique - cinq candidatures ont été refusées pour non-paiement de la caution de 25 millions de francs guinéens par candidat. - Deux candidatures ont été retenues: celle d'un soldat inconnu de la politique: Mamadou Bhoye BARRY de l'Union pour le Progrès National (UPN), et celle du chef de l'Etat sortant: Lansana Conté; tous les deux militent dans la mouvance présidentielle. A la veille des élections, le gouvernement, dans sa panique psychologique, ferma les frontières: air, mer, terre, et isola la Guinée du reste du monde. Ce qui signifie que le pouvoir n'était pas sûr de lui. Les forces de l'ordre, les loubards recrutés par le gouverneur de Conakry NBemba Bangoura, quadrillaient toute la capitale et les centres villes de l'intérieur; les leaders de l'opposition furent mis sous surveillance policière; la capitale ressemblait à une ville morte. Les bureaux de vote étaient déserts; la circulation des voitures privées interdite. Les journalistes ont révélé la présence dans les bureaux de vote d'enfants n'ayant pas l'âge de voter munis des procurations de leurs parents et qui mettaient les bulletins dans les urnes sans aucun contrôle réglementaire. Lansana Conté fut finalement déclaré vainqueur pour sept ans, renouvelables à vie, avec 3.884.594 voix contre 193.579 voix à Mamadou Bhoye BARRY.
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Le grand perdant fut bel et bien le peuple de Guinée qui sera, sept ans durant, soumis aux caprices d'un chef d'Etat qui aura montré son incapacité à gérer ce pays qui est pourtant doté d'énormes potentialités économiques et humaines pour se développer.
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Chapitre II La leçon des consultations électorales en Guinée
La seule élection que la deuxième République ait à connaître fut celle de 1993, toutes les autres, de 1995 à 2003, se sont déroulées sous la Troisième République (ou République de Lansana Conté sans le CMRN et le CTRN) qui date de 1994. L'élection est un choix, un mode de désignation du titulaire d'un mandat du peuple; elle implique la pluralité des candidats au mandat; elle s'oppose ainsi à l'hérédité ou à la cooptation dans lesquelles le gouvernant s'impose par la naissance ou la désignation par un petit nombre, voire par une seule personne. Aussi bien, l'élection fait-elle appel à l'idée de légitimité démocratique. On a considéré en effet, que là où il n'y a pas d'élection libre et transparente, il n'y a pas de démocratie. Nous sommes des partisans du multipartisme; la société contemporaine n'ayant encore inventé aucun autre système politique favorable à la démocratie, le parti unique, comme le parti démocratique de Guinée (PDG), ayant prouvé qu'il est un non-sens sociologique et politique, les expériences diverses menées de 1993 à 2003 et le fonctionnement opaque de notre société (le poids des traditions, les mentalités et les cultures et bien d'autres facteurs) s'imbriquent de manière incontrôlable dans la vie politique du fait du multipartisme mal conçu qui est devenu soit une simple mascarade crédibilisant un clan au pouvoir, soit un dangereux alibi pour les libertés fondamentales qui hypothèque le développement. Dans les deux cas, il ne garantit évidemment pas l'alternance politique qui est pourtant censée être son premier objectif.
En effet, il y a des préalables non négligeables aux élections qu'implique le pluralisme; ils vont du découpage des circonscriptions électorales jusqu'au choix du mode de scrutin. Dans ce système de pluralisme politique, le parti dominant est le PUP grâce aux mascarades électorales de 1993 à 2003 qui ont provoqué le déséquilibre des forces et ont constitué un frein à l'alternance politique; ce qui enlève à l'élection en Guinée sa véritable signification démocratique puisqu'elle provoque une déstabilisation des Institutions, des révoltes et des répressions sauvages qui nous conduit au blocage politique. Lansana Conté a toujours gagné les élections en jouant sur la division des partis politiques de l'opposition. A cela s'ajoute la problématique de la candidature unique de l'opposition. C'est la pomme de discorde des partis politiques de l'opposition. Des Etats généraux ont été transformés en MORAD et en FRAD afin d'aborder certains thèmes essentiels selon les circonstances dans le combat politique qui les anime, à savoir l'alternance politique. Pour y arriver, le programme des débats républicains tourne souvent autour des thèmes suivants: 1/ La définition d'une stratégie de lutte, d'un programme minimum et la structure de coordination. 2/ L'adoption d'une position consensuelle face aux échéances électorales arbitrairement arrêtées par le Général Président. Le problème n'est pas la fixation de la date des élections, mais la définition préalable des règles du jeu, à savoir: - création d'une commission électorale nationale indépendante; - recensement complet des populations; - établissement transparent des listes électorales et des cartes d'identité; - système de contrôle et dépouillement ouvert à tous, y compris à des observateurs internationaux.
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Sans accord total avec le pouvoir de ces règles précitées, l'élection ne serait qu'une mascarade génératrice de violence; dans ce cas, pour certains, le boycott devrait être envisagé. Pour les autres, il ne faut surtout pas boycotter les élections, ce serait laisser le champ libre au PUP. Une partie agissante de l'opposition est toujours convaincue que Lansana Conté, le chef de l'Etat, même en trichant, peut être battu par elle. Elle pense naïvement qu'avec la présence des observateurs étrangers et la mobilisation des militants, le pouvoir sera privé des moyens de truquage à grande échelle. L'expérience nous a prouvé le contraire. Quant au mode de sélection du candidat unique de l'opposition aux présidentielles, les désaccords ont toujours dominé les débats de celles de 1993, de 1998 et de 2003 et seront toujours d'actualité dans les années à venir. En 1993, le PRP de Siradiou Diallo, l'Union Nationale pour la Prospérité(UNP) rénové de Facinet Touré et le RDD de Georges Onilanogui ont fait connaître leur sentiment. TIs sont favorables à des primaires, c'est-à-dire à la présentation d'au moins six candidatures au premier tour pour choisir au second tour le candidat le mieux placé par le suffrage. L'UNP a précisé que les partis politiques étant organisés sur des bases ethniques, il est important, de présenter plusieurs candidats pour que chacun réduise dans son ethnie l'électorat de Lansana Conté. Mais à l'intérieur de l'UNP, l'unanimité est loin d'être acquise autour de cette question. Ainsi, au cours d'une réunion publique, Alhassane Condé, membre de direction de l'UNP qui fut ancien ministre de Lansana Conté, a affirmé avec raison et en connaissance de cause que « ceux qui proposent plusieurs candidatures aux élections présidentielles font une erreur de calcul» et qu'il n'est pas sûr qu'il y aura un deuxième tour. La multiplication des candidatures de l'opposition et la fraude massive organisée par le Pouvoir ont toujours permis à Lansana Conté, chef de l'Etat sortant, de se succéder à lui-même dès le premier tour. Pour d'autres leaders, cela pose la problématique suivante: admettons que la candidature plurielle soit adoptée au premier tour, et qu'entre les deux tours, les négociations pour le partage du pouvoir échouent, que vaudra 63
alors un accord bâclé une fois la victoire obtenue? Est-ce que le report des voix se fera pleinement? Ce qui n'est pas certain! «TI y a donc un risque pour l'opposition de perdre les élections ». Les freins sont de trois ordres: 1/ La base ethnique de la formation des partis politiques. 21 Les ambitions personnelles des leaders qui les incitent à la course coûte que coûte à la présidence de la République avec l'esprit de compétition et de démonstration de force politique de leurs partis respectifs. 31L'influence des conseillers internes et externes des partis politiques qui sont, le plus souvent, leurs bailleurs de fonds. Les arguments les plus avancés contre la candidature unique sont les suivants: - Le manque de définition des critères permettant de choisir le candidat idéal; et comment? a) Par des élections à l'intérieur de l'opposition ou par le classement des partis par ordre d'importance? b) Par le nombre des cartes de membres ou celui de cellules? D'autres leaders pensent que, dans un premier temps, il faudra mettre de côté le problème de personnes et élaborer d'abord un programme commun de gouvernement et un partage juste et équilibré des postes à responsabilités. Une fois ce travail accompli sera posé alors le choix du candidat idéal capable de réaliser ce programme à la satisfaction de tous. Son portrait-robot pourrait même être dressé d'un commun accord. Pour les partisans de cette méthode, l'élection présidentielle consiste moins à porter un parti au pouvoir qu'un homme porteur d'un message crédible et doté de qualités personnelles reconnues. Une fois le candidat élu, il n'est chef d'Etat d'aucun parti politique, il devient le Président de la République de tous. Le débat sur ce point est toujours à l'ordre du jour surtout pour les élections présidentielles à venir. La nécessité d'élaborer un programme de gouvernement de l'opposition, comportant les réformes institutionnelles indispensables, est chaque jour confortée par les bavures du pouvoir.
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Le gouvernement a dirigé seul les huit consultations qui ont été sérieusement viciées, mais il semble avoir peu souffert des effets négatifs, sinon pas du tout, de ses mascarades électorales et des répressions avec morts d'hommes. Après trois décennies d'un gouvernement à parti unique, ces élections sont censées être une expérience enrichissante pour chaque Guinéen. Malheureusement, le gouvernement de Lansana Conté a mené ces consultations populaires selon ses propres règles. La commission nationale électorale n'a joué aucun rôle important et ne pourra en jouer aucun dans les futures élections tant que Lansana Conté sera le chef de l'Etat. Les partis politiques de l'opposition se sont comportés d'une manière inefficace et, dans certains cas, déshonorante surtout en 1993. Ces problèmes ne seront probablement pas résolus si les militants et les leaders politiques ne se disent pas que seule l'union fait la force et s'ils ne sont pas convaincus que la démocratie, dans le régime de Lansana Conté, ne s'obtiendra jamais dans l'immobilisme et sans une candidature unique de l' opposition. Il est aussi vital d'évaluer l'environnement électoral. Des élections sont généralement gagnées ou perdues bien avant que le premier électeur ne dépose son bulletin de vote dans l'ume. La maturité politique des votants dont se gargarisent les opposants est souvent moins évidente qu'il n'y paraît. Bien sûr elle n'est pas mesurable ; et l'impératif démocratique de « un homme, une voix» commande que l'on postule son existence. Mais il ne faut pas se faire d'illusions car il faudra encore plusieurs longues années de pédagogie pour que certaines couches de la population guinéenne réagissent sur des idées et non par réflexe tribal ou par mimétisme. C'est pourquoi en Guinée n'importe quel citoyen fortuné peut se fabriquer très rapidement une clientèle de choix en créant son parti politique ou une secte. Le Président Lansana Conté l'a si bien compris qu'il s'assure par la corruption l'appui de l'Administration, des chefs religieux notamment musulmans, des ONG et des syndicats qui sont entièrement à sa dévotion. Ainsi, les conditions administratives, politiques et matérielles dans 65
lesquelles les élections se déroulent en Guinée sont telles qu'il ne peut pour l'instant y avoir de justice ni de vérité en la matière; tout est organisé, planifié et supervisé dans chaque région par la plus haute autorité administrative (généralement les Préfets et les Gouverneurs) qui n'est pas neutre et dispose des moyens d'infléchir le vote en faveur du parti auquel elle doit sa nomination. Ces responsables régionaux n'ont même pas besoin de recevoir des ordres du pouvoir central pour procéder à des truquages puisqu'ils estiment, en toute bonne foi, devoir le faire pour sauver leurs propres postes; car ils savent qu'en cas d'alternance politique, le nouveau pouvoir les remplacerait. Tant que la neutralité de l'Administration ne sera pas un fait établi, il faudra redouter que ces administrateurs utiliseront toujours les bonnes vieilles méthodes de magouilles qui ont déjà fait leurs preuves: intimidation, arrestations arbitraires, bastonnades et chantage à l'avancement contre les militants de l'opposition, bourrage d'urnes par la distribution massive de fausses cartes d'électeurs permettant aux membres et sympathisants du parti de l'unité et de progrès (PUP) de voter plusieurs fois; destruction des bulletins de vote non désirables; ouverture en retard et fermeture à I'heure exacte des bureaux de vote dans les circonscriptions électorales des opposants; constitution partisane des commissions de dépouillement. Rares sont les partis politiques de l'opposition qui disposent de moyens matériels et financiers comparables à ceux du parti au pouvoir, pouvant leur assurer une implantation nationale à moins d'être sponsorisés par des bailleurs de fonds nationaux et étrangers. Pour que ces problèmes qui constituent une menace pour l'ouverture et la transparence de la procédure électorale soient résolus, il faut veiller à ce que: II la conception, l'établissement et la distribution des cartes électorales soient faits par une commission nationale indépendante; les omissions injustifiées d'électeurs soient réduites au minimum dans les conditions requises par l'article L 18 de la loi électorale; 21le gouvernement et les partis politiques, en cas d'absence de la commission nationale indépendante, collaborent à la 66
distribution équitable des cartes d'électeur dans les conditions requises par les articles L 37, L 38 et R 22 de la loi électorale; 3/ la question du déplacement des électeurs causé par des tensions ethniques soit prise en considération en respectant le principe d'ouverture dans l'esprit de l'article L 32 ; 4/ le gouvernement prenne une ordonnance clarifiant les procédures suivies dans les bureaux de vote qui ne seraient pas expressément couvertes par le droit électoral en vigueur, et mette ce document à la disposition des fonctionnaires électoraux du gouvernement et des représentants des partis politiques dans les bureaux de vote pour éviter toute confusion sur la date des élections. 5/ la liste des bureaux de vote soit examinée pour en rechercher les anomalies et que la liste révisée soit communiquée à autant d'électeurs que possible avant le jour des élections, bien que les limites de temps imposées par l'article L 71 soient déjà indûment réduites. 61 les individus responsables et impartiaux soient identifiés et qu'on leur donne le pouvoir de diriger la préparation des élections; il faut en outre que le Conseil National Electoral Indépendant (CNEI) se voie attribuer un rôle plus spécifique et plus significatif dans l'organisation des élections; 7I le gouvernement respecte le droit électoral et sa propre promesse de collaborer avec les partis politiques en vue d'examiner et de corriger, si nécessaire, les listes électorales actuelles; 81 le gouvernement et les partis politiques guinéens coopèrent pour veiller à ce que la totalité des électeurs légalement enregistrés reçoivent leur carte d'électeur; 91 le gouvernement et le CNEI réexaminent les procédures électorales pour éliminer les pratiques contradictoires et injustes et pour rendre les élections suivantes plus équitables; 101 le gouvernement et le CNEI réexaminent la liste des bureaux de vote pour éliminer les anomalies, par exemple la suppression des bureaux de vote situés dans les bases militaires ou chez les particuliers. III le gouvernement, le CNEI et les partis politiques collaborent pour découvrir une solution acceptable au problème 67
des milliers d'électeurs déplacés qui se sont vu en réalité retirer leur droit de vote lors des élections présidentielles, législatives et communales précédentes. TIressort de l'examen des textes et des institutions que la Guinée s'est réellement dotée des instruments nécessaires au bon fonctionnement de l'Etat de Droit; malheureusement ce sont les applications qui font défaut.
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DEUXIÈME PARTIE
LA SOCIÉTÉ GUINÉENNE EN CRISE
La Guinée, depuis les élections de 2003, est, selon où l'on se situe, ou joyeuse ou mécontente; dans les deux cas elle est inquiète et morose. La morosité que les Guinéens éprouvent, c'est la conviction d'assister à la débandade de la société libérale guinéenne qui a raté ses objectifs; notre sentiment est que cette société, pour des raisons historiques, internes et externes, a désormais mauvaise conscience sur son passé. Les mises en garde répétées du Président de l'Assemblée Nationale actuelle, El Hadj Aboubacar Somparé, par ses critiques sur la décentralisation, la mauvaise gouvernance, le non dialogue avec l'opposition, la libération des ondes, expliquent le désarroi du pouvoir qui s'inquiète au même titre que l'immense majorité du pays, et tous réclament un peu plus de pureté, un peu plus de transparence et de vérité, un peu plus d'air de liberté, de vie meilleure, enfin un supplément d'âme. Mamadou MBHOYE BARRY, de la mouvance présidentielle et candidat malheureux à l'élection présidentielle du 21 décembre 2003, est allé plus loin dans son programme; il révèle l'insuffisance et les tares de la gouvernance du chef de l'Etat, leader de la mouvance présidentielle dont il est membre. Ainsi, ceux qui détiennent le pouvoir depuis vingt et un ans reconnaissent que tout va de pire en pire en Guinée. Ainsi, dans le vocabulaire des commentateurs de la presse privée guinéenne et internationale et des politiciens guinéens de tout bord, revient sans cesse le mot « crise»; qu'il s'agisse des questions monétaires, de la politique de l'énergie, de l'eau, de la dette, de la jeunesse, de la femme, des transports, de l'approvisionnement en nourriture comme le riz (base de l'alimentation des Guinéens) ou des relations avec les bailleurs de fonds institutionnels ou tout simplement des valeurs morales traditionnelles, le diagnostic est le même: la société guinéenne est en crise. Nous voilà loin du simple malaise et plus près de la vérité. Dans tous les domaines, la politique du gouvernement est confrontée à des problèmes qu'elle se révèle de plus en plus incapable de résoudre dans l'intérêt du peuple. La crise 71
politique, économique, sociale et culturelle profonde secoue teniblement la République de Guinée.
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Chapitre ill
Le droit de l'Etat contre l'Etat de droit
L'Etat de droit implique la soumission de l'ensemble des institutions à la loi, la séparation des pouvoirs, le libre exercice des droits de I'Homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'égalité devant la loi des citoyens (femmes et hommes) ; ces institutions représentent autant d'éléments constitutifs du régime démocratique. La joie qui a éclaté le jour de l'indépendance le 2 octobre 1958 et celle manifestée avec éclat lors de la prise du pouvoir par les militaires le 3 avril 1984 dont s'est nourrie, vingt ans durant la foi «démocratique» des Guinéens ne laissent que d'amers souvenirs. Les institutions légales sont de plus en plus dessaisies de leurs fonctions; ni le Gouvernement, ni l'Assemblée Nationale ne gardent d'initiatives. Le premier présente, le second enregistre les textes du Président de la République, qu'ils ne discutent même pas, à part quelques voix discordantes de ce qui reste de l'opposition. Ces textes sont la reproduction de la seule volonté d'un seul homme: le Président de la République qui s'attribue souvent, dans la vie nationale, un rôle qui n'est pas le sien. Dans ces conditions, les lois votées par l'Assemblée Nationale n'expriment que la volonté d'un seul individu, le chef de l'Etat et son clan politique ou plus exactement la volonté de quelques douzaines d'individus qui manipulent la conscience du peuple. C'est un véritable despotisme de minorité qui conduit ce pays au suicide économique, social et culturel. Les intérêts généraux sont ainsi sacrifiés à des improvisations de réformes économiques, sociales qui, par le mépris qu'elles affichent des réalités économiques et financières
du pays, se retournent contre le peuple guinéen qui en souffre atrocement. Cette politique aveugle impose à la nation un régime de dictature implacable. Ce qu'on reproche à Sékou Touré se retrouve d'une manière ou d'une autre dans le régime de Lansana Conté. Ces deux systèmes se ressemblent dans tous les domaines. A chaque étape de l'analyse du régime Conté, nous retrouvons traces du régime défunt. D'ailleurs, la boutade de EIHadj Somparé Aboubacar, Président de l'Assemblée Nationale, est symptomatique à cet égard quand il déclare: "Le PUP (parti de l'unité et du progrès de Lansana Conté) c'est le PDG (parti démocratique de Guinée de Sékou Touré) plus le « libéralisme ». Par conséquent, l'analyse de l'un des deux systèmes est valable, à quelques variantes près, pour l'autre. La deuxième République, celle du CMRN et du C.T.R.N., a eu une vie brève mais très riche. Elle a jeté les bases et le fondement de la démocratie sur le papier; tandis que la troisième République, celle de Lansana Conté après le renvoi des militaires dans les casernes, est censée exécuter le système démocratique mis en place par la deuxième République. C'est le contraire qui se produit. TI faut, en d'autres termes, ne pas se contenter de regarder les effets mais chercher les causes du mal guinéen et, parmi ces causes, retenir avant toute autre, la principale: l'immense mensonge dans lequel le peuple guinéen vit et qui est à la base de sa léthargie et de son impuissance devant l'intolérable. Nous citerons en premier lieu le mensonge de l'institution qui rend les citoyens de ce pays impuissants devant les dérives répétées du régime. Selon la LOI FONDAMENTALE (Constitution guinéenne), « la Guinée est une République unitaire, indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race, d'ethnie, de sexe, de religion et d'opinion. Elle respecte toutes les croyances. L'hymne nationale est liberté. La devise de la République est «Travail, Justice, solidarité ».
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Que constatons-nous au moment où nous écrivons ces pages en République de Guinée? - Vingt ans de régime de Lansana Conté sans partage qui ont débouché sur un échec cinglant sur tous les plans: politique, social, économique, culturel. Ce pays est plongé dans une crise sociopolitique et socioéconomique grave dont les origines sont - la dérive dans l'exercice du pouvoir et la violation régulière de la légalité républicaine; - le recours systématique aux fraudes électorales, à l'intimidation et à des arrestations arbitraires; - l'incapacité du régime à engager un dialogue constructif avec l'opposition; - la conduite d'une politique extérieure aventureuse et déstabilisatrice pour la sous-région; - la gabegie, les détournements récurrents des deniers publics, les abus de biens sociaux, les abus du pouvoir, les vols et la corruption à grande échelle, le trafic d'influence, qui font des ravages dans le pays; - le chômage endémique, parce que les fonds destinés à créer des emplois sont dilapidés ou détournés par les responsables de notre pays; - il n'y a pas de justice équitable: on arrête, séquestre ou emprisonne les éminents avocats sans suivre la procédure réglementaire, c'est le cas de Maître Paul Yomba Kouroumah, qui a défendu Alpha Condé et Antoine Soromou (tout en lui dérobant 10 millions de GNF chez lui au moment de son arrestation) ; ce qui a provoqué l'indignation et la réaction vive du barreau de Conakry en déclenchant une grève illimitée jusqu'à la libération de leur confrère injustement arrêté. - il n'y a pas d'électricité, ni d'eau potable ou de téléphone fiable; Le peuple en a assez de cette situation affligeante: - face à l'impossibilité de faire accepter par le pouvoir guinéen l'idée d'élections libres et transparentes au profit d'une démocratie non violente; - face au hold-up institutionnel tendant à instaurer illégalement une présidence à vie de Lansana Conté en Guinée. 75
La loi fondamentale déclare cependant: «Par son vote du 28 septembre 1958, le peuple de Guinée a opté pour la liberté et constitué, le 20 octobre 1958, un Etat souverain: la République de Guinée. Tirant les leçons de son passé et du changement politique intervenu le 3 avril 1984, le peuple de Guinée proclame: - L'égalité et la solidarité de tous les nationaux sans distinction de race, d'ethnie, de sexe, d'origine, de religion et d'opinion... » Les articles essentiels de cette constitution ont été constamment violés par la pratique de l'exécutif notamment par le chef de l'Etat. Ce qui nous amène à nous poser des questions sur la pratique de notre constitution par le chef de l'Etat qui a pourtant fait serment, devant la nation et devant l'opinion internationale, de veiller à son application. L'intérêt de l'examen, cas par cas, de ce qui constitue l'armature démocratique bafouée nous permettra de mieux saisir les réalités sur le terrain du système démocratique de la troisième République et les différents aspects de la grave crise des institutions qui secoue notre pays.
10) La souveraineté
du peuple guinéen en question
Depuis l'indépendance en 1958, les Guinéens sont plus que toute autre chose certains d'être souverains: - parce qu'ils croient que les lois auxquelles ils obéissent, traduisent la volonté générale; - parce qu'ils possèdent ce qu'ils appellent le suffrage universel; - parce qu'on leur a enseigné à l'école du parti unique (PDG) et par le canal des radios et télévisions nationales (RTG) qu'ils le sont; - parce que la Loi Fondamentale (la Constitution) leur prodigue l'hommage de cette souveraineté. Pour les dirigeants du pays, «la Guinée est un Etat, indépendant, souverain, maître de son destin»; certes, sur le
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plan politique, il est vrai que nous sommes indépendants et souverains à travers un certain nombre de symboles: - Le drapeau national (rouge, jaune, vert) ; - La gestion libre de l'administration à tous les niveaux. - L'accréditation des ambassades étrangères dans notre pays et les nôtres à l'étranger. Mais l'examen de la loi des Finances atteste que sur le plan économique et financier notre pays est plus que dépendant de l'extérieur notamment des pays que le chef de l'Etat a toujours qualifiés de néocolonialistes. La République de Guinée, malgré tous les discours à connotation nationaliste, est et demeure un pays sous perfusion économique et financière de l'étranger, un pays assisté qui fonctionne et subsiste grâce aux contribuables des pays riches Cependant, regardons les chiffres et, puisqu'il s'agit de notre souveraineté qui s'exprime par le suffrage universel, comptons les votes. Nous sommes environ 10 millions de Guinéens, y compris les Guinéens de l'extérieur et leurs enfants majeurs. Pour que le suffrage soit universel, il faudrait que ce suffrage s'exprime par au moins 8 millions de votes. Est-ce le cas? Pour les élections législatives et communales, seuls les Guinéens de l'intérieur ont ce droit de vote, tandis que ceux de l'extérieur et leurs enfants majeurs ne l'ont pas. La fraction qui est privée du droit de vote et qui ne participe pas à la souveraineté nationale (Guinéens de l'extérieur, abstentionnistes volontaires ou forcés de l'intérieur, opposants ne prenant pas part au vote: malades, voyageurs à l'étranger, etc.) comprend plus de 5 millions c'est-à-dire 50 % du peuple guinéen; la fraction d'en face à qui il est permis de voter et de se proclamer souveraine, ne comprend que moins de 3 500.000 guinéens, environ 25 % seulement de la nation, à peine un peu plus de son tiers. En d'autres termes, dans cette Guinée prétendue souveraine, un quart seulement des Guinéens peut exercer théoriquement cette souveraineté et les 3/4 en sont exclus. L'universalité qui devrait se traduire en chiffres par 100 % se traduit par 25 %. Et c'est pour conquérir ce droit mutilé et le 77
truquage électoral par l'administration chargée des élections que l'opposition guinéenne a pratiqué la chaise vide lors des élections législative de 2002 et présidentielle de 2003. On arrive à cette première mutilation du suffrage par deux injustices aussi criantes l'une que l'autre: - Les Guinéens de l'extérieur n'ont pas le droit de voter les législatives et les communales; - L'administration intervient ouvertement dans le processus électoral en prenant publiquement position en faveur des candidats de la mouvance présidentielle (les déclarations publiques à la presse des gouverneurs et des préfets, l'attestent) alors que la loi électorale insiste sur leur neutralité. Dans ce pays de suffrage prétendu universel, il n'y a ni représentant des Guinéens de l'extérieur au parlement ou dans une institution similaire à celles des autres pays voisins (Sénégal et Mali), ni de candidats libres non membres des partis politiques. Alors que dans le reste de l'Afrique à forte population immigrée, les expatriés ont le droit de vote et d'éligibilité, les Guinéens de l'extérieur sont privés de ce droit. Cependant, un Guinéen de l'extérieur de notre génération est d'abord natif de la Guinée, et issu de familles d'origine guinéenne; des lois scélérates votées à l'Assemblée Nationale guinéenne exclu ces nationaux à la double nationalité de toute représentation nationale élective et de tout emploi dans la fonction publique; il n'y a pas d'équivalent civique en Afrique; Sékou Touré n'a jamais pris une telle décision; à cette situation exceptionnelle réservée par le régime de Lansana Conté aux Guinéens de l'extérieur s'ajoute la falsification volontaire de l'administration du vote par le bourrage des urnes. Les résultats proclamés après chaque élection ne reflètent pas les réalités sur le terrain. Cette manipulation du nombre de votants est aggravée par d'autres moyens, par exemple la faculté laissée à l'administration d'amputer le nombre de votants favorables à l'opposition. Le cas d'annulation des votes favorables à Alpha Condé (Kankan et Siguiri en 1993) est patent. A cela s'ajoute l'empêchement par intimidation de ceux qui possèdent le droit de vote, d'user de ce droit en faveur de l'opposition. C'est l'abstention involontaire! 78
Cet abus d'autorité prive du droit de vote près de 30 % des citoyens guinéens. Comme si cela ne suffisait pas pour falsifier le suffrage, et non contents d'interdire le vote à 60 % de Guinéens, non satisfaits de permettre l'abstention à plus de 1 million de Guinéens, non contents de réduire ainsi à moins de 4 millions au plus sur 10 millions d'électeurs potentiels le nombre de Guinéens qui ont droit au vote, les décrets-lois ont réussi à donner d'inégales valeurs aux voix de ces moins de 4 millions de voix. On a aussi divisé arbitrairement le territoire en circonscriptions électorales, dont les unes comptent par exemple 2 000 électeurs et les autres 6 000. Il en résulte que chacune de ces circonscriptions, celles de 2 000 comme celles de 6 000, ne nomme qu'un député que les voix de chacun des électeurs de la première circonscription ont donc deux fois moins de poids que celles des électeurs de la seconde. Si le pouvoir avait eu le moindre souci de probité électorale, il aurait divisé la Guinée en circonscriptions également peuplées. On s'y est obstinément refusé de même que l'on s'était refusé soit à faire voter les Guinéens de l'extérieur, soit à limiter l'abstention volontaire après un débat public; mais la volonté de frauder massivement a survécu à tous les régimes guinéens de la première à la troisième République (vote dit libre et unique) ; il s'agit de l'unicité obligatoire des votes pour la mouvance présidentielle. Enfin, un quatrième moyen de falsification du vote et de trahison de la volonté générale est la déclaration des intentions ou des souhaits du Président de la République qui se concrétisent à la fin du processus électoral, par un bourrage des urnes. Le Président demande et obtient les résultats des élections qu'il réclame, c'est le cas des mairies de Conakry et de ses banlieues en juin 2000. On a fait mieux encore, il arrive que tel candidat de l'opposition se voie, avec 30 000 voix, fermer l'accès à l'Assemblée Nationale, alors que dans la même circonscription est proclamé élu tel concurrent (de la mouvance présidentielle) 79
qui n'en avait qu'environ 3000. Cette injustice flagrante a été constatée lors des élections législatives de 2002 qui ont amené certains opposants au boycott de l'Assemblée Nationale, pour protester contre ces détournements de voix. Ces cas d'injustice flagrante peuvent être évités, s'il y a une réelle volonté politique de la part de l'exécutif; il suffit d'adopter le principe d'une commission électorale indépendante et la loi proportionnelle qui permet aux minorités d'être représentées dans la proportion même du nombre qui les exprime; à condition que ce système proportionnel ne soit pas artificiellement falsifié avec ses «primes à la majorité» et ses «plus fortes moyennes» qui sont encore pires que le scrutin ma j ori taire.
Après avoir mutilé le suffrage dans son nombre et dans la valeur des voix, on l'a aussi mutilé en lui refusant d'intégrer la compétence que possèdent les Etats voisins: Mali, Sénégal, Sierra Leone. Devant cette amère expérience, la prochaine alternance politique sera celle de l'examen en profondeur du problème de la représentation nationale où le peuple, dans son ensemble (qu'il soit de l'intérieur ou de l'extérieur), restera le pivot central et devrait avoir un rôle plus important: - élire librement son Président de la République ou ses députés; - élire les gouverneurs des régions, les conseillers régionaux; - élire les juges sauf ceux de la Cour Suprême dont le Président sera choisi par un vote au Parlement et non par le Président de la République. - il doit pouvoir demander et obtenir la révision de la constitution. - proposer des lois et obliger l'Assemblée Nationale à les discuter, - il doit être appelé à ratifier les lois constitutionnelles, après vote obligatoire dans ce sens de l'Assemblée Nationale autorisant la voie référendaire. La seule fois où Lansana Conté a révisé la Loi Fondamentale (sans demander l'avis de l'Assemblée Nationale 80
comme la loi l'exige). Ce fut pour élargir son droit personnel tout en tentant de diminuer, en vain, celui du Président de l'Assemblée Nationale de 5 ans à 1 an. En éliminant la séparation des trois pouvoirs: l'exécutif le judiciaire et législatif, Lansana Conté a mis en cause la légitimité de son régime parce qu'il reste en dehors de la « souveraineté du peuple» définie par la Loi Fondamentale.
2°) Les mythes et les réalités des libertés fondamentales des Citoyens Les libertés accordées à l'individu ou libertés publiques donnent à l'homme la possibilité d'agir sans contrainte dans les limites de la loi. La Loi Fondamentale affirme le principe des libertés individuelles et collectives: liberté de pensée, d'opinion, d'expression, liberté de la presse, liberté d'association. Tout citoyen guinéen peut, selon la constitution, communiquer aux autres ses opinions, oralement, par écrit ou encore à travers la création artistique. Il peut s'informer par les moyens de son choix (presse, informatique, radio, télévision etc..). Le citoyen guinéen peut, selon la Loi Fondamentale, participer à la vie politique par le droit de vote, par le droit d'adhésion ou non à un parti politique de son choix, et par le droit de se présenter à différentes élections sous le couvert ou non d'un parti politique, d'autant plus que ce même citoyen a le droit d'adhérer ou non à un parti politique. Le citoyen guinéen peut également défendre ses droits face à un particulier, à l'Administration ou à son employeur. On peut distinguer trois grandes catégories de libertés: les libertés individuelles, les libertés politiques, les libertés économiques et sociales.
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Tableau 2 : Les libertés démocratiques Les libertés individuelles
Les libertés politiques
La sûreté de la personne La libre circulation
Le droit de vote
Les libertés économiques et sociales, Le droit syndical
La liberté de réunion
Le droit de grève
Le choix du domicile
La liberté d'association
La liberté d'opinion
La liberté d'expression Le droit d'appartenir ou de ne pas appartenir à un parti politique
Le droit au travail et au choix d'un emploi. Le droit à la protection sociale.
La liberté religieuse
La liberté d'enseignement Le secret de la correspondance Le secret professionnel
- La sûreté: elle protège contre des arrestations arbitraires. La loi délimite le permis et l'interdit. La personne soupçonnée doit avoir toutes les garanties pour sa défense. - Le respect de la vie privée: le domicile est inviolable, on ne peut y pénétrer sans autorisation; il est interdit de poser des écoutes, de photographier pour un usage commercial sans le consentement de la personne concernée. - Le secret de la correspondance: nul n'a le droit d'ouvrir les lettres qui ne lui sont pas adressées. - Le secret professionnel: ceux qui ont recueilli des informations de par leur profession (médecins, magistrats, experts-comptables, travailleurs sociaux, personnels de l'administration fiscale, ministres du culte) n'ont pas à les divulguer. Cependant le secret peut être levé dans l'intérêt de la justice hormis les journalistes. 82
Mais pour exercer pleinement ses droits et participer ainsi à la vie de la communauté, il faut être en possession des éléments nécessaires que soit la nationalité guinéenne, l'éducation; c'est pourquoi l'éducation constitue un droit fondamental N'étant pas souverains, il est difficile pour les Guinéens d'être libres et égaux; car la liberté et l'égalité sont, de toute évidence, des attributs de la Souveraineté. On constate, en regardant les faits, que les libertés des Guinéens sont singulièrement mutilées. a) Il n'y a pas de liberté de culte et de conscience: «Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public» art.! 0 de la Déclaration des droits de 1'Homme et du citoyen. Sydia Touré, le leader de l'UFR, s'est rendu pour prier à la Mosquée de Boulbinet ; on lui a offert une place où, paraît-il, le chef de l'Etat Lansana Conté avait l'habitude de s'asseoir (bien qu'il ne s'y rende plus). Le lendemain, l'Imam et les muezzins ont reçu la visite des militaires pour enquête; les responsables religieux de cette Mosquée ont été démis de leurs fonctions. L'Imam a été privé de ses droits de chef religieux qui sont dans une République, ceux de tous les croyants élus par leurs pairs pour occuper leur poste, c'est-à-dire: - faire prier les croyants; - enseigner le Coran, aux enfants et aux fidèles; - transmettre l'instruction civique traditionnelle aux fidèles, après la prière. La laïcité, qui veut une séparation nette entre pouvoir de la religion, a été bafouée. L'Imam infortuné a été soumis à des règles spéciales antidémocratiques et immorales, qui l'ont privé de ses droits élémentaires. Par cet acte, le Gouvernement a justifié clairement qu'un Imam, quel qu'il soit, n'est pas et ne peut pas être un citoyen libre. Un tel régime ne cesse de violer la liberté des cultes et la liberté de conscience. - Il n'y a donc pas de liberté de conscience en Guinée.
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b) La liberté politique: Elle est celle du citoyen qui lui donne le droit de choisir ses dirigeants et de devenir lui-même un gouvernant. Elle n'est pas mieux respectée que celle de culte et de conscience. c) La liberté des contrats: Si vous êtes un petit propriétaire qui a placé ses économies dans l'achat d'un terrain nu, que vous avez payé le prix après une loyale discussion et par un libre contrat; si demain un membre de la mouvance présidentielle désire acheter le même terrain, même à vil prix, une série d'arrêtés, de décrets réviseront votre contrat ou votre titre foncier et donneront votre bien au puissant membre du parti gouvernemental. Si, au lieu d'acheter un terrain ou une maison, vous achetiez des rentes de l'Etat et prêtiez votre avoir à la collectivité qui vous a promis en échange l'immunité fiscale, vous constateriez qu'en violation des engagements solennels sous le bénéfice desquels vous aviez consenti ce prêt, l'Etat, reniant sa parole, vous aura frappé par un décret-loi de l'impôt qu'il vous a promis de ne jamais vous appliquer. Et si vous gardez plus simplement encore vos économies dans un tiroir, la dépréciation, suite fatale du gaspillage, de la gabegie, de la planche à billets, de l'augmentation inconsidérée des prix et de l'inflation (1$ vaut 4000 F guinéens en 2005 contre 330 en 1986), vous menacera par la suite des pires amputations à la fin 2005 et dans les années à venir, tant que Lansana Conté sera au pouvoir. - On viole également la liberté de production et des échanges. Ceux qui font valoir dans l'industrie et dans le commerce soit leurs propres capitaux, soit ceux de leur épargne, leur liberté n'est pas moins mutilée. Les monopoles de l'Etat (qui subsistent encore), la corruption, les abus sociaux, les autorisations préalables, les réglementations arbitraires n'en laisseront pas subsister grandchose. On pénalise déjà, par des moyens détournés (au profit des entreprises défaillantes des membres ou des sympathisants du PUP), les industries prospères des investisseurs non 84
membres du PUP, qui sont étranglées par la pression fiscale de l'Etat. Sur la liberté de négoce, les importations sont contrôlées par des gens proches du pouvoir. Ces gens ne payent pas de taxes ni d'impôts, entraînant ainsi à son comble le déficit budgétaire de l'Etat. Par ailleurs, le manque d'eau, d'électricité et de système de communication efficace gêne énormément le secteur privé. Celui-ci a aussi besoin d'une justice transparente, non corrompue, d'une Administration efficace, ce qui est loin d'être le cas en Guinée La primauté du politique sur l'économique fait que l'Etat se trouve dans l'impossibilité d'honorer les contrats, d'aider les Guinéens à la création des entreprises, et incite de moins en moins les opérateurs économiques à investir, d'où une augmentation exponentielle du chômage dont les jeunes et les femmes sont les premières victimes. Faute de politique rationnelle dans tous les secteurs: agriculture, commerce, industrie, on assiste à des contrats léonins signés sans études approfondies, et suivis par des fonctionnaires corrompus, irresponsables et ignorants en la matière; de plus, la relation privée ou publique s'avère difficile suite au discours du Président Lansana Conté à la convention de son parti (PUP) en 2003, traitant les dirigeants des multinationales minières de voleurs et de brigands. TIressort donc que le système de falsification infligé à la souveraineté du peuple guinéen s'impose aussi à ses libertés fondamentales et au principe de l'égalité des citoyens. Ce n'est pas nouveau dans l'histoire de notre pays depuis son indépendance! Mais, en avril 1984, le chef de l'Etat Lansana Conté et ses garnisons militaires nous ont promis la démocratie, les libertés fondamentales, le développement, l'assainissement des finances publiques, la lutte contre la corruption, le droit de manifester, de contester, d'avoir une opinion autre que celle du pouvoir, de créer et d'animer librement des associations, des syndicats, des partis politiques; ils ont sollicité que nous collaborions à l'édification d'une nouvelle constitution baptisée pour la cause «LA LOI FONDAMENTALE ». Le peuple guinéen s'est senti libre après 85
26 ans de dictature sanglante; le seul mot d'ordre qui a circulé à cette époque à Conakry, Paris, New York, Abidjan ou Dakar se résume en ceci: « aidons le Gouvernement à gérer convenablement notre pays». Tous les fils du pays se sont donné la main, en rangs serrés, pour contribuer au développement de la Guinée. Le constat, après 20 ans de règne de Lansana Conté, est amer: nous assistons au retour du culte de la personnalité et de la dictature, le tout pimenté par la misère. Durant sa gouvernance, le Colonel devenu Général Lansana Conté a violé tous les articles de la LOI FONDAMENTALE, notamment les libertés fondamentales et les Droits de IHomme, inscrits dans la Constitution. d) La Liberté de pensée et d'expression: La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. Ces libertés fondamentales, contenues dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, ont été violées par le Chef de l'Etat. La cassette d'adieu de Monseigneur SARAH, Archevêque de Guinée, rappelé au Vatican pour d'autres fonctions internationales, a été saisie sur place par la police et soumise à la censure; par ailleurs, nos compatriotes de la Guinée forestière qui ont demandé aux autorités le départ de IULIMO, branche armée de l'opposition au Président Charles Taylor du Libéria, ont été massacrés à CaSA, dans la banlieue de Conakry, par les forces de l'ordre; jusqu'en mars 2005 leurs corps n'ont pas été rendus à leurs familles. La mouvance présidentielle, instrument du pouvoir centralisé, et Lansana Conté ne permettent aucune discussion même positive qui va à l'encontre du dictat du chef de l'Etat. L'intervention musclée de El Hadj SOMPARE Aboubacar (Président actuel de l'Assemblée Nationale) au parlement pour critiquer la mauvaise gouvernance en prenant pour cible l'inefficacité de la décentralisation administrative, a été mal perçue; l'opposant en herbe a été sérieusement malmené par 86
son clan politique, le PUP, qui n'accepte aucune critique, même constructive, comme celle-là. C'était aussi pour Somparé un moyen d'envoyer un signal fort à l'adresse de ceux qui magouillaient en secret pour le faire partir de la direction du P.U.P, à commencer par le Président de la République; celui-ci aiguille actuellement sa stratégie pour virer tous les caciques du pouvoir au profit des plus jeunes qu'il juge plus dynamiques mais aussi plus malléables. La liste des candidats du PUP aux élections législatives qu'il a préparée a créé bien des surprises. Les « intouchables» n'ont pas été reconduits sauf ceux qui savaient naviguer en eaux troubles qui ont été repêchés pour un poste ministériel ou de gouvernorat. e) La liberté d'information: L'article Il de la Déclaration des Droits de l'Homme précise «La libre communication des pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de I'homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Cette liberté est perpétuellement menacée et remise en question. Elle dépend étroitement du régime politique en place. Affirmer que la presse privée peut s'exprimer librement en régime démocratique et que tout dictature entraîne dans son sillage l'interdiction de journaux ou l'emprisonnement de journalistes semble un truisme (la récente arrestation du rédacteur en chef de la Lance BEN PEPITO en apporte la triste confirmation). La liberté de la presse est constamment violée en Guinée. Elle est pourtant garantie par la Constitution et la charte du journaliste. La plupart des directeurs de journaux, du Lynx à l'Indépendant et à l'Observateur, ont fait de la prison pour délit de presse. C'est la négation même des principes de la démocratie et de l'Etat de droit. Cela ne veut pas dire que la loi ne doit pas réprimer le délit de «fausses nouvelles» ou les délits de diffamation, l'injure, la provocation à la haine à la discrimination ethnique ou raciale, bien au contraire. D'ailleurs cette Charte fixe bien des règles de déontologie telles que: -un journaliste prend la responsabilité de ses écrits; 87
- il doit s'abstenir de calomnier, de plagier, d'utiliser des moyens déloyaux pour s'informer ou de falsifier des documents, etc. La presse en Guinée est dite libre mais l'information est en prison; seule est véhiculée sans restriction à la radio et télévision d'État (R.T.G.), l'information du Gouvernement; Les radios privées sont interdites. L'unique RTG est devenue l'instrument par excellence de la pollution mentale des Guinéens et du culte de la personnalité du chef de l'Etat. Par ailleurs, les articles 2 et 3 de la Loi Fondamentale confèrent aux Députés des rôles bien précis: « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants élus. .. » « Les partis politiques concourent à l'éducation politique des citoyens et à l'expression du suffrage universel. .. ». Ces articles ont été impunément bafoués par le sous-préfet de Kérouané à l'encontre de l'Honorable député N'Faly Camara. Ce dernier, accompagné de ses amis du R.P.G. a demandé au Bureau de l'Assemblée un ordre de mission pour prendre contact avec ceux qui l'avaient élu pour plus d'information Connaissant le caractère antidémocratique du régime de Conté, il a pris des contacts pour mener à bien sa mission avec le Secrétaire Général du Ministère de l'Intérieur et de la Décentralisation qui lui a donné son accord. Pourquoi le Souspréfet de Kérouané a-t-il mis sous surveillance policière le moindre déplacement du député? Obstruant de ce fait tout contact de ce représentant du peuple avec ceux qui l'ont élu et qui ont besoin des informations politiques mais aussi celles du Bureau central de leur parti; cette entrave au fonctionnement de la mission et du rôle du député Camara N'Faly dans sa circonscription devrait être sanctionnée avec la plus grande rigueur; le sous-préfet a reçu au contraire les félicitations de sa hiérarchie. Ce qui prouve que les Guinéens et leurs représentants à l'Assemblée Nationale n'ont droit à aucune liberté d'information pour exercer convenablement leur rôle conformément à la loi.
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f) La liberté d'association et de réunion: Tout citoyen a le droit de créer une association dans le cadre de la loi. Sont interdites les associations contraires aux bonnes mœurs ou dont le but porterait atteinte à l'intégrité du territoire ou à la forme républicaine du gouvernement. Le bâtonnier de l'Ordre des Avocats qui défend son organisation a failli être arrêté sur ordre de l'ancien Ministre de la Justice CAMARA Abou alors en fonction. Ce dernier a dissout arbitrairement l'Ordre National des Avocats pour créer de force deux barreaux: un à Conakry, et un autre à Kankan, cette dernière circonscription n'ayant que deux avocats alors qu'il en faudrait six pour valider une telle opération. TIa fallu la ténacité de l'ordre des avocats pour que « force reste à la loi» et la pendule judiciaire a été ajustée à l'heure de vérité. Aucune liberté d'association ou de réunion n'est tolérée en dehors du cadre défini par Lansana Conté; les manifestations de ces associations peuvent être interrompues à tout moment sur ordre du Ministre de la Justice "gnarimakha de Lansana Conté" qui a remplacé pratiquement le Ministre de l'Intérieur, des Collectivités territoriales et de la Décentralisation. Nous avons constaté à cette époque une confusion des rôles qui ne nous a pas surpris dans un tel régime de pagaille. g) La liberté de manifestation: Elle est inscrite dans la Loi Fondamentale; mais les manifestations des élèves et Etudiants contre leurs mauvaises conditions d'études (manque de professeurs, conditions matérielles désastreuses, bourses insuffisantes etc.) qui sont légitimes, ont été sauvagement réprimées; la réponse du Régime de Lansana Conté à toute manifestation est la fusillade à balles réelles avec mort d'hommes. La manifestation, don de la Loi Fondamentale au peuple guinéen est devenue très suspecte; elle est considérée comme menées subversives de l'opposition ou de l'Etranger contre le pOUVOIr.
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- La liberté
d'aller et de venir à l'intérieur et à l'extérieur du
pays:
C'est le droit de se déplacer et de choisir librement son domicile: « Nul ne peut être arbitrairement détenu» « tout individu a la liberté de se déplacer sur toute l'étendue du territoire sans entrave» selon la Loi Fondamentale. Les limites à cette liberté sont notamment: le respect de la propriété d'autrui ou en cas de crise grave, de catastrophe, d'état d'urgence. Le cas du député N'Faly Camara qui n'a pas pu circuler librement dans sa circonscription où il est élu, sous prétexte que sa présence troublait la quiétude des habitants, s'ajoute aux accusations mensongères du Pouvoir lors de l'arrestation du professeur Alpha Condé dont le seul tort avait été d'effectuer un déplacement à l'intérieur du pays, notamment à Pinet et à y omou en territoire guinéen. Il a été arbitrairement mis aux arrêts et injustement condamné, et n'a dû son salut qu'à des interventions et protestations de tous les pays du monde et des bailleurs de fonds; quant aux guinéens de l'extérieur qui rentrent en vacances ou qui ont l'intention de créer une entreprise dans leur pays, ils sont victimes des tracasseries administratives qui commencent à l'aéroport de Conakry jusqu'à leur retour dans leurs pays d'accueil. Dans les grandes villes, notamment à Conakry, une fois la nuit tombée, les barrages militaires, policiers, poussent comme des champigons pour dépouiller le pauvre Guinéen du peu qui lui reste après une longue et difficile journée de labeur; des arrestations arbitraires, sans discernement ni vérification des cartes d'identité, s'opèrent toute la nuit, humiliant ainsi les citoyens qui reviennent dans leur village ou de soirées dansantes; certains récalcitrants sont conduits au nouveau camp Boiro, le sinistre camp de Sékou Touré qui fonctionne sous le nom de Peloton n03 (PM3) de la Gendarmerie Nationale avec les mêmes humiliations qu'au camp Boiro de Sékou Touré. Dans la capitale et à l'intérieur du pays, les bandits tuent et violent tous les jours, et même en plein jour, sans aucune assistance à personne en danger; circulent librement, leurs 90
zones d'influence ne sont pas soumises aux barrages nocturnes; les policiers et gendarmes sont invisibles dans ces zones; sontils bien équipés, reçoivent-ils des ordres contradictoires? sontils complices? Tout est possible en Guinée. h) La Liberté et l'indépendance syndicales: Un syndicat est une organisation qui regroupe des personnes exerçant la même profession ou des métiers similaires ou travaillant au sein d'une même branche d'activité et qui a exclusivement pour objet l'étude et la défense des intérêts communs à une profession ou à une branche d'activité: étude et défense des droits et des intérêts matériels et moraux, collectifs ou individuels de l'ensemble de ses membres. Le syndicat national des travailleurs de Guinée (la CNTG) est, dans ses faits et gestes, considéré comme faisant partie de la mouvance présidentielle; peut-on dans ce cas parler de liberté syndicale en Guinée? Car la seule liberté qui existe dans ce cas est de se soumettre sans réticences aux directives du gouvernement de Lansana Conté, et de s'inféoder de gré ou de force au P.U.P aliénant ainsi toute possibilité de revendications légitimes des travailleurs. Heureusement, certains syndicats autonomes et professionnels sont libres, mais ils ne sont pas assez nombreux et puissants pour faire bouger le peuple non seulement pour la défense de leurs droits, mais aussi pour la démocratie et les droits de l'homme dans notre pays, qui sont intimement liés à leurs conditions de travail. i) Le droit à l'inviolabilité du domaine privé: Reconnu par nos coutumes et par la Loi fondamentale, il n'est guère respecté par le Général- chef de l'Etat. Les massacres du professeur d'Université Julien Onivogui, d'Opa Béavogui (menuisier), de Niankoye Koly Loua (lycéen), Mathias Pogba Béavogui (Vétérinaire) et de Bernard Kpohomou, à COSA, se sont déroulés à leur domicile privé; à ce crime gratuit se greffent les arrestations arbitraires à leur domicile des membres de leur association, de jour comme de nuit, et sans mandat de perquisition ou d'amener du procureur de la République. Ces paisibles citoyens ont connu aussi des actes de torture et des 91
brimades matérielles et morales exercées sur leurs familles. TI en est de même pour les opposants emprisonnés. Le Président Conté dispose actuellement de la vie, de la mort et des biens de ses administrés comme il l'entend. L'éminent avocat Paul y omba KOUROUMAH et le Rédacteur en chef du journal LA LANCE, BEN PEPITO ont été arrêtés à leur domicile après 23 heures, alors que la loi interdit toute arrestation de citoyen, chez lui, entre 18h et 6h du matin. Ce qui est troublant, dans l'attitude de Moussa SAMPIL, ministre ordonnateur de ces arrestations, c'est qu'il est avant tout magistrat de carrière; un tel comportement est donc inadmissible. j) La Liberté d'opinion et de pensée: La tolérance des partis d'opposition dans l'exercice de leurs fonctions est le fait du seul chef de l'Etat; dès que le pouvoir donne l'ordre de fermer le siège social du R.P.G. ou de l'U.F.R ou de l'UPR, l'exécution est immédiate; ces faits se reproduisent très souvent. De même, les charges d'Enseignement Supérieur de trois éminents professeurs: MM Ousmane Kaba, Docteur d'Etat èsSciences Economiques, Ancien Ministre, Madame MARA Makalé Traoré, Docteur d'Etat en Droit, Option Economie internationale, et Dr Mouctar DIABATE, ont failli ne pas être renouvelées en 2002 par l'Université de Conakry (qui manque pourtant cruellement de professeurs); parce que les deux premiers appartenaient à l'UFR et le troisième, semble-t-il, était sympathisant du RPG. Par conséquent, la liberté d'opinion et de conscience des différents courants politiques est octroyée ou refusée par un seul individu, Lansana Conté, qui donne en la matière des consignes fermes à tous les ministres: ces derniers n'obéissent qu'à lui et non au Premier Ministre. k) La Liberté culturelle et artistique: TI suffit de regarder notre unique télévision nationale ou d'écouter nos radios nationale et rurales, pour constater que toute culture traditionnelle et «savante» est administrée en fonction du culte de la personnalité du chef de l'Etat. Les artistes, devenus malgré eux les maillons forts de la mouvance 92
présidentielle, n'exercent leurs activités que pour reproduire ce que le régime actuel leur assigne de faire; c'est ainsi que les chansons, les disques, l'art plastique deviennent des instruments mis au service du culte de la personnalité ou de la propagande pour la mouvance présidentielle incarnée par une seule personne: Le Président de la République. Toute créativité indépendante est étouffée, toute initiative créatrice indépendante des normes indiquées par Lansana Conté est écartée; et si elle s'oriente vers une critique même positive de la mouvance présidentielle, elle sera considérée comme élément subversif à la solde de l'opposition et de l'étranger et subira la sanction du Pouvoir! 1)Le droit du peuple à la transparence financière de l'Etat: Le chef de l'Etat a dit clairement et librement que tous ses ministres et cadres supérieurs étaient des menteurs et des voleurs. C'est ce que nous n'avons jamais cessé de dire; luimême est-il au-dessus de tout soupçon? Car, dans un pays où le quart du budget national est affecté à la défense des forces armées et paramilitaires, et un autre quart au budget de la souveraineté dont on ne connaît pas les méthodes d'attribution et mis à la disposition du pouvoir sans contrôle, le reste étant soumis à des brigandages criminels des barons et fonctionnaires de l'Etat (exemple récent des 274 milliards de francs détournés entre le Ministère de l'Economie et des Finances et la Banque Centrale, sans compter d'autres milliards de GNP découverts utilisés mais non dépensés par les commissions de vérifications dont celle d'Hervé Bangoura), il ne reste plus d'argent pour développer le pays afin de le sortir du sous-développement et de la misère; les contribuables font les frais de l'opacité des informations financières. m) Le respect de la personne humaine: Pour humilier les magistrats, l'ex-Ministre de la Justice Abou CAMARA, alors en poste, les a nommés, en dépit du bon sens, par simples arrêtés par téléphone ou par messages radiophoniques, sans tenir compte de la procédure et du rôle du Conseil Supérieur de la Magistrature, aux termes desquels les 93
magistrats sont nommés par décret du Président de la République sur proposition du Ministre de la Justice et APRES AVIS DU CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE; il en est de même pour leur suspension. Hélas, Le Ministre de la justice, en prenant l'exemple du Président de la République, a violé à plusieurs reprises les lois qu'il était censé sauvegarder; il maintenait en prison des prévenus bénéficiant du non-lieu. En Guinée, on trouve des parents emprisonnés pour des faits commis, à leur insu, par leurs enfants majeurs. Arrestations en masse pour remplir le camp Boira (PM3) et bruits d'arrestations se succèdent malheureusement en Guinée, notamment à Conalcry, ce qui maintient le peuple dans sa coquille et le décourage de manifester son mécontentement, mais pour combien de temps? Nous ne pouvons malheureusement citer dans cet ouvrage toutes les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales inscrites dans notre Loi Fondamentale initiale; la liste serait hélas très longue et assez affligeante pour ce peuple innocent et laborieux qui subit sans défense l'injustice économique, l'injustice politique, l'injustice sociale et l'injustice judiciaire. Lutter contre ces injustices, sous toutes leurs formes, est une des raisons d'être un opposant au régime de Lansana Conté.
3°) Le piège de l'égalité des droits et des devoirs des citoyens guinéens
« Les hommes naissent libres et égaux en droits» article 1er de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, ratifié par la République de Guinée. Si la Déclaration universelle des droits de I'Homme affirme (article 2) que « chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration », elle précise également (article 29) que «l'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible ». 94
Pour les droits et devoirs du citoyen guinéen, la Loi Fondamentale affirme le principe des libertés individuelles et collectives; si les premiers ont été bafoués, les seconds restent entiers. En effet, être citoyen, c'est se montrer responsable, aussi bien dans la vie privée que dans la vie publique. Si le citoyen guinéen peut difficilement faire valoir ses droits, il doit obligatoirement respecter ses devoirs qui sont la contrepartie et le garant des libertés; par exemple l'éducation et l'instruction sont des droits, mais ils apparaissent aussi comme les premiers des devoirs: - Devoir des citoyens guinéens envers les autres et de soimême (s'informer de la pensée des autres, des évènements de son pays et du monde). - Devoir du citoyen envers ses enfants, sa famille. Le citoyen guinéen a des devoirs envers les autres citoyens: respect de la liberté d'autrui sans discrimination de race, de couleur, de sexe, de lieu géographique de résidence, de religion, de nationalité, d'opinion etc. ; - Obligation d'assistance à personne en danger physique ou moral. - Droit de témoignage d'un accident par exemple. - Devoir de jugement (tout citoyen désigné comme juré en cour d'assises a obligation de se présenter à l'audience) du respect des autres et de soi-même passe aussi par le respect de l'environnement commun et des richesses naturelles et culturelles. - Le citoyen a des droits envers l'Etat et la communauté nationale: soumission aux lois, acquittement des impôts (qui sont ensuite détournés), rester à la disposition de l'armée pour accomplir son service national. Si les Guinéens constituent un peuple souverain, ils sont surtout un souverain captif. Que dire de la «l'égalité », notion chère aux Guinéens (de l'intérieur et surtout de l'extérieur) dont le nom, comme celui de la liberté, est inscrit au fronton de la loi fondamentale. Cette égalité, les Guinéens ne la découvrent pas: ni devant les urnes, ni devant la loi, ni devant l'emploi, ni devant les
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tribunaux, ni devant l'impôt, ni devant le service militaire, ni devant les chances de la vie. Toutes les lois électorales ont lié le droit intégral de vote aux seuls Guinéens de l'intérieur, à quelques rares exceptions, notamment les présidentielles. L'égalité civile n'existera que si la plupart des citoyens peuvent exercer semblablement tous les droits qui sont de droit commun. Ce n'est pas le cas en Guinée. n n'y a pas d'égalité civile quand certaines catégories de Guinéens, en l'occurrence l'opposition, la presse privée à l'inverse du reste de la nation, sont privées soit du droit de parler ou d'écrire contre l'exécutif (sous peine de délit d'outrage au premier Magistrat), soit du droit de manifester ou de circuler librement sur toute l'étendue du territoire. n n'y a pas d'égalité civile si ces matières font, suivant les personnes, l'objet de réglementations qui se meuvent, arbitrairement, de cent à zéro. Il n'y a pas d'égalité civile si on veut tolérer certains groupes politiques et interdire certains autres suivant qu'ils plaisent ou non aux maîtres de l'heure; quand, pour ne citer qu'un seul exemple, on voit interdire les partis de l'opposition de tenir un meeting, de rencontrer à l'intérieur du pays leurs électeurs, de faire leur propagande dans les médias d'État pour les élections présidentielles, législatives et communales en violation de la loi électorale, alors que la mouvance présidentielle sillonne tout le pays, accompagnée d'importants cortèges et protégée par les forces de l'ordre pour rapporter les «bonnes paroles» du président Lansana Conté, candidat autoproclamé à sa propre succession par un coup d'Etat constitutionnel, ou pour soutenir ouvertement les candidats de la mouvance présidentielle avec les fonds publics; il Ya là deux poids deux mesures pour un même droit du citoyen; c'est ce qu'on appelle une inégalité civile avérée. La puissance d'oppression de la loi est illimitée: les affaires de Kaporo-rail ou de Causa, les interdictions faites aux partis d'opposition de manifester, de tenir un meeting public, de circuler librement à travers le pays pour rencontrer les électeurs, les injustices aux femmes dans l'affaire d'Enipra sont de nature
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à inciter le peuple à se révolter et nous n'avons pas besoin d'insister sur les conséquences d'une telle injustice! En Guinée, la loi n'est pas - contrairement à ce qu'on enseigne à l'école, à l'université ou à travers les mass médias d'Etat et à ce qu'on répète dans les discours, l'expression de la volonté générale; elle n'exprime en réalité qu'une très faible fraction, 5 à 8 %, de cette volonté représentée par le chef de l'Etat, son clan politique et ses compagnons d'affaires. - La seconde objection, c'est que la majorité légale qui fait les lois représente la minorité réelle du pays. - La troisième remarque a trait au pouvoir d'oppression et de répression de la loi guinéenne qui est illimité; Lansana Conté a changé les conditions du référendum, d'élections des maires en nommant les cinq maires de Conalcry au lieu de les faire élire par leurs pairs conseillers, en violation de la loi électorale, ceci dans le silence le plus absolu de la Cour Suprême. Le Chef de l'Etat pourra, de la même façon, supprimer la totalité des libertés fondamentales, la propriété, le droit de vote, frapper de confiscation ou de mort chaque citoyen, sans que personne ni même la Cour Suprême ne lève le petit doigt pour protester. Tel est le piège de l'égalité de droits et de devoirs des citoyens de notre pays devant la loi. La Foi présidentielle peut tout; elle est le moyen par lequel la minorité dite mouvance présidentielle sanctifie la volonté du chef de l'Etat au détriment de l'aspiration profonde du peuple guinéen. Dans un tel régime, la protection et le recours contre ce risque n'existent que sur papier. La démocratie réelle exige que lorsque le peuple, dans sa majorité, pense qu'une loi, un décret ou un arrêté sont injustes, ait le droit d'exiger qu'ils soient éliminés ou soumis à un vote de ratification; de même, lorsqu'un citoyen se croit lésé par une loi et privé par cette loi de l'un des droits que lui assure la loi fondamentale, qu'il ait le droit d'attaquer la loi devant n'importe quel tribunal de la République. Dans l'un et l'autre de ces cas, si un citoyen estime qu'un fonctionnaire (ou le Président de la République ou le Premier Ministre) lui a fait du tort, qu'il puisse de la même façon et toujours devant n'importe quel 97
tribunal, citer en justice ce fonctionnaire ou cet élément de l'exécutif. En un mot, quand les citoyens estiment qu'une loi votée par l'Assemblée Nationale, ratifiée et promulguée par le Président de la République, ou un acte accompli au nom de l'Etat sont contraires à leurs droits fondamentaux inscrits dans la constitution, qu'il leur soit possible de les défendre en s'appuyant sur la constitution guinéenne et les lois afférentes. Les Guinéens n'ont rien de pareil; ils n'ont pas de recours constitutionnel contre l'oppression par la loi; la Cour Suprême ou les tribunaux valident toujours la volonté du chef de l'Etat. Les droits et les moyens de défense individuelle, qui appartiennent aux citoyens dans d'autres pays africains et ailleurs, sont refusés aux Guinéens de Conakry. - La déclaration des Droits de l'homme et du citoyen n'a pas cours dans les applications de la troisième république. Comme les juges guinéens ne sont pas, en fait, un pouvoir de l'Etat inscrit dans la constitution (loi fondamentale), si l'on attaque un décret de loi devant eux, ils risqueront de répondre que cela ne les regarde pas et se déclareront, pour échapper à la foudre de Lansana Conté, incompétents au profit de la Cour Suprême; or, celle-ci est au service du pouvoir, comme l'attestent son silence devant les violations répétées de la Loi Fondamentale par le chef de l'Etat et la promulgation des résultats électoraux dont elle est convaincue qu'ils sont entachés d'irrégularités; alors que cette institution est la seule à pouvoir s'opposer à ces violations à répétition du chef de l'Etat. L'incapacité notoire de Lansana à gouverner pour raison de santé aggrave de ce fait l'immobilisme de l'Etat et favorise la gabegie financière; malheureusement, la Cour suprême ne peut se résoudre à prendre une décision déclarant l'inaptitude du chef de l'Etat à gouverner; il en est de même de l'Assemblée Nationale. Ces institutions composées de politiciens et de fonctionnaires ne disent rien et ne font rien depuis juillet 2002 (date de l'exil du président dans son village pour se soigner de maladie grave et incurable) au détriment du peuple guinéen qui continue à supporter le poids de la mauvaise gouvernance du pays.
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Ce privilège de fonctionnaires dans les hautes juridictions de l'Etat doit être violemment combattu par les républicains; la troisième République l'a soigneusement maintenu en immobilisant le contrôle du parlement qu'il a fait monologuer et qu'il a rendu muet hormis son Président et les quelques rares députés de l'opposition, qui forment une minorité agissante dans l'hémicycle.
4°) La Représentation
nationale dévoyée
L'article 2 de la loi fondamentale déclare: « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants élus et par voie de référendum. Aucune fraction du peuple, aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice ». Malheureusement, les Guinéens ne sont ni représentés, ni protégés par la pratique de la Loi Fondamentale. Nous avons toujours assisté, depuis l'avènement de la troisième République en Guinée, à une falsification de la représentation. Cette illustre institution est le fruit d'élections toujours truquées. TIest donc inévitable que les traits, par lesquels sont caractérisées les élections, réagissent aussi sur la Chambre des députés guinéens. Les élections étant falsifiées par le régime électoral, l'Assemblée Nationale est nécessairement une fausse représentation du pays. Les élections ne laissent le droit de vote qu'au tiers de la population guinéenne, c'est cette minorité du pays qui est représentée à l'Assemblée Nationale et, a fortiori; elle est la fraction de députés qui forme la majorité et vote les lois applicables à l'ensemble du pays, alors qu'elle représente une minorité plus réduite encore que n'est le corps électoral. Les fabricants des élections sont toujours le chef de l'Etat et le Ministère de l'Intérieur et de la Sécurité (MIS); actuellement ce MIS a pris la dénomination de Ministère du Territoire et de la Décentralisation dont les anciens Ministres René GOMEZ et Moussa SOLANO sont membres du PUP (le parti du Président de la République). 99
Si, après avoir considéré les chiffres, on considère les hommes, on discerne un autre risque d'inexacte représentation. Le corps électoral, truqué et faussé dans son nombre et dans sa compétence, n'est même pas libre de son action; car il est aux mains des fabricants d'élections. Nous savons aussi ce que sont les élections et comment elles se font en Guinée. Nous savons quel est le rôle de l'administration dont les préfets, gouverneurs, l'administration générale, les chefs de quartiers, présidents des communautés rurales de développement, syndicats et partis politiques gouvernementaux, comités militaires et paramilitaires... tiennent une place importante et dictent leur volonté à ceux qu'ils appellent «le bétail à voter ». En Guinée, beaucoup d'électeurs «votent comme on leur dit». De ce fait, les organisations du parti présidentiel dépossèdent ouvertement une large couche du peuple guinéen de son droit de choisir librement ses représentants. Ainsi, la quasi-totalité des élus (siégeant à l'Assemblée Nationale) ne relève pas du peuple, mais des oligarchies politiciennes groupées dans des comités occultes électoraux ou dans des administrations entièrement soumises à Lansana Conté et au P.U.P, à l'abri des regards critiques des journalistes et de l'opposition. Faute de commission d'enquête sur les fonds électoraux, bannie par la mouvance présidentielle, il n'y a pas d'investigation sur les fonds publics gaspillés à l'industrie des fraudes électorales. Le danger est que ces forces d'argent essaient, à chaque élection (présidentielle, législative, communale...), et par leurs libéralités, de prendre hypothèque sur les élections à venir pour sauvegarder leurs intérêts individuels au détriment de l'intérêt général. C'est ainsi que l'Assemblée Nationale de 2002 ne représente pas en toute logique la majorité du pays, loin de là : Le boycott des grands partis politiques de l'opposition aidant, elle ne représente même pas le quart des électeurs. Par ailleurs, ce n'est pas seulement la majorité du pays qui est privée de représentation parlementaire, mais aussi et surtout la majorité des électeurs. Ce qui revient à dire que le nombre des suffrages 100
représentés dans la Chambre des députés est toujours nettement inférieur à celui des suffrages non représentés. De ces chiffres et de ces constats, quelques conclusions se dégagent. - Les députés élus en 2002 n'expriment pas la souveraineté nationale. - La plupart des élus (3/4 PUP) ne représentent ni la totalité du peuple, ni la majorité du peuple, ni même la majorité de cette minorité du peuple qu'on appelle les électeurs. Il ne faut donc pas confondre le peuple avec le suffrage universel ou même la majorité de ce qu'on appelle ainsi. Nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que les députés qui votent nos lois depuis 2002 ne représentent jamais plus de 3 millions d'électeurs sur plus de 10 millions de Guinéens de l'intérieur et de l'extérieur; et leurs candidatures sont entachées d'irrégularités parce qu'elles sont l'œuvre du choix personnel de Lansana Conté qui a personnellement établi la liste de candidatures aux élections législatives en 2002. Il arrive toujours que ces derniers ne représentent même pas ce pourcentage; dans ce cas, les Guinéens ne sont pas honnêtement représentés. Et tout le tintamarre sur le triomphe de la mouvance présidentielle par les mass médias d'Etat (la radio télévision guinéenne, Horaya...) et les discours incantatoires des membres du PUP ne sont que des mensonges. Comment peut-on affirmer que ce régime est légitime?
5°) La légitimité du Pouvoir contesté Le terme « légitimité» évoque l'idée d'un droit fondé sur la justice et l'équité. C'est un droit supérieur qui est en contradiction avec l'application du droit en vigueur en 2005 en Guinée. Certes, la légitimité est l'assentiment général qui justifie le droit de commander appartenant aux gouvernements et le devoir d'obéir incombant aux citoyens.
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Mais l'assentiment général, dit encore consensus, est une adhésion de l'esprit à un régime efficace et consacré par la durée. Efficacité et durée sont les deux racines du principe de légitimité. Ce n'est pas le pouvoir en soi qui est accepté, c'est l'institution politique au nom de laquelle le pouvoir commande. D en résulte que la légitimité n'est pas attachée au pouvoir en tant que tel, mais qu'elle est liée au pouvoir institutionnalisé, c'est-à-dire au régime politique. Celui-ci sera efficace s'il joue le rôle de protection et de sécurité publique qu'attendent le peuple et l'opinion publique; quant à la légitimité du régime, elle va être fonction du degré d'efficacité de cette protection. La première mission que la loi fondamentale a confiée à l'Exécutif, donc à Lansana Conté, est d'assurer la sécurité de la population contre les déviations des règles édictées par cette constitution. Or, le gouvernement de Lansana Conté a démontré son inefficacité à assurer cette fonction; il est le premier à la violer impunément. Les partis politiques d'opposition ont pour rôle, entre autres, de dénoncer la carence de l'Etat et son inefficacité, de la contrôler par ses membres élus au parlement; or, ils sont muselés, intimidés, menacés d'arrestations et d'humiliation et sont aussi préoccupés par des luttes internes de leadership et de préséance. Au nom de la prétendue légitimité de Lansana Conté, la société guinéenne se laisse séduire par des pseudo-idéologues du PUP et les pratiques ségrégationnistes du chef de l'Etat notamment contre les Guinéens de l'extérieur. Ces discours sont corporatistes, prenant des formes violentes, empreintes de démagogie et de xénophobie (cancrelats, punaises, étrangers sont des dénominations attribuées aux Guinéens de l'extérieur par le chef de l'Etat lors de ses différents discours) ; Lansana Conté et son parti ont recours à l'assujettissement du citoyen, des communautés sociopolitiques, des ethnies, des religions; ce qui témoigne de ce que notre troisième République se délite en voulant méconnaître les valeurs républicaines. Faut-il rappeler, que lors de l'avènement de la deuxième République, il est apparu nécessaire de créer ou de réformer toutes les institutions républicaines, et de revitaliser un débat 102
politique en sommeil sous le régime sanglant de Sékou Touré. Le CMRN (Comité Militaire de Redressement National) et le CTRN ont entrepris un vaste travail de réflexion afin de formuler des propositions visant à recréer la République Ce qui a frappé le plus dans ce monde où vivent les Guinéens, c'est que la plupart des hommes et des femmes sont privés d'avenir; il n'y a pas de vie valable sans projection sur l'avenir, sans promesse de mûrissement et de progrès. Rien de tout cela n'est perceptible en Guinée. Naturellement ce n'est pas la première fois que les Guinéens se trouvent devant un avenir matériellement bouché; la première République est encore présente dans les esprits pour le rappeler; mais les citoyens en ont triomphé par la mobilisation révolutionnaire, par l'assiduité aux réunions du Parti; ils en appelaient à d'autres valeurs, il y avait une distribution des responsabilités qui faisait qu'un membre sur cinq était chef d'une fonction déterminée, et recevait en contrepartie le minimum pour subsister; les salaires étaient extrêmement bas mais il n'y avait pas de chômage et encore moins d'insécurité des biens et des personnes; tout cela n'a plus cours. La Guinée est menée par des forces aveugles et sourdes qui n'entendent pas les cris d'avertissement (sauf ceux des femmes) ni de conseils (le Président se vante d'être le seul chef d'Etat à n'avoir pas de conseillers), ni les supplications des citoyens. Quelque chose en eux a été détruit par ce macabre spectacle politique qui sévit depuis 1958 ; les Guinéens aspirent maintenant à une seule chose; l'alternance politique qui leur prodiguera justice, travail et sécurité pour tous.
6°) La protection illisible des biens et des citoyens La sécurité est synonyme de quiétude, de confiance et demande des moyens humains et matériels considérables. L'incendie de la poudrière du Camp militaire Alpha Yaya Diallo confirme les difficultés du service de la protection civile qui manque de logistique: matériels obsolètes, pas de camions citernes et à échelle suffisante pour l'extinction de feux, pas 103
d'ambulances adaptées, pas de motopompes, pas d'appareils respiratoires et absence de formation de nombreux jeunes et bénévoles qu'on appelle