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French Pages 312 Year 1997
INTRODUCTION À KAIZEN
REMERCIEMENT
« Gemba kaizen » est le fruit des dix années d'activité de conseil kaizen qui ont suivi la publication en 1986 de mon livre Kaizen, la clé de la compétitivité japonaise, traduit en français en 1989. Ce livre est le produit de la collaboration de mes confrères consultants de l'Institut KAIZEN, des dirigeants de nos entreprises clientes et de nombreux spécialistes qui ont soutenu notre travail, collaboration pour laquelle je leur suis profondément redevable. En dehors de ceux dont le nom apparaît dans ce livre, je suis particulièrement reconnaissant au professeur Zenjiro Sawada de l'université Kurume, dont le livre publié en anglais en 1991 chez Nikkan Kogyo Shinbun, Visual Control of Factory Management (Maîtrise visuelle du management de l'usine), a été ma source d'inspiration pour le management de la maison du gemba; à Ichiro Majima, doyen de la Faculté d' Administration des Affaires de l'université Miyazaki Sangyo-Keiei qui m'a procuré de nombreuses informations précieuses pour la rédaction de ce livre; aux consultants kaizen Kenji Takahashi, Yukio Kakiuchi, Hitoshi Takeda et à tous ceux qui ont animé avec nous de nombreuses séances chez des clients à travers le monde. Mes remerciements vont aussi à Stu Chalmers, Kim Kaddatz, Tom Lane, Serge Le Berre, Désiré Demeulenaere, Jaap Postma, Hiromi Omoto, Kimie Anshita, Yumi Yuzawa et aux autres membres de l'Institut KAIZEN; à Carlos D. Tramutola, Renzo Terzano, Jorge Zino Gutierrez, Jorge Tesler et Mario Muriago de STRAT (Argentine); à Joop Bokern et au Dr. Siegfried Hoyler, qui ont puissamment contribué à l'avancement de la cause kaizen mais sont malheureusement décédés depuis. Je voudrais aussi remercier tous ceux qui nous ont aidés à rédiger les cas figurant en fin d'ouvrage, et parmi eux, Natacha Muro et Fernando Coletti de la Buenos Aires, Nestor Herrerra des Moulins Rio de la Plata, Axel Pause de Lucas Automotive, Fokko Bangma de Renault aux Pays-Bas, Gary Buchanan et Valerie Oberle de l'université Disney, Debra Henry de Bear Creek, Darla Hastings de Quality Inc., Bill Nigreen et Sandra Sucher de Fidelity, Jean Labadie, Shoji Shiratori d'Aisin Seiki, Vittorio Neri d'Infotec, Yutaka Mori de Toyoda Automatic Loom Works, de même que Yoshikazu Sano et Katsuo Inoue de Toyoda Machine Works.
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Enfin, et ce n’est pas le moindre, je tiens à remercier mon assistante Ruth Eiyama qui a collaboré à ce livre pendant des mois et des mois, y a consacré de très nombreuses heures, et ma femme, Noriko, qui dut accepter mon nouveau style de vie, consistant à passer une grande partie de mon temps à voyager à travers le monde, bien qu’elle eut la consolation de m’accompagner dans un grand nombre de circonstances, et ceux qui ont assisté dans la réalisation de ce livre en particulier Bob Zenowich, qui a revu mes manuscrits, Jane Palieri et Philip Ruppele, McGraw-Hill, dont le rôle a été essentiel pour faire du livre une réalité
INTRODUCTION À KAIZEN
PREFACE
ON précédent livre, Kaizen, la clé de la compétitivité japonaise* expliquait les principaux composants de kaizen— maîtrise de la qualité totale, maintenance productive totale, juste-à-temps, cercles de qualité et système de suggestions — de même que les différents principes et concepts kaizen.
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Genba introduit dans la culture managériale occidentale un nouveau vocable : gemba signifie « lieu de travail et ce livre explique la façon d'utiliser le processus kaizen grâce à une approche à faible coût du management du lieu de travail — lieu où l'on crée dc la valeur ajoutée — qu'il s'agisse d'une chaîne de production, d'un département d'assurance ou d'un bureau de comptabilité. Ce livre n'est pas un ouvrage théorique, mais un livre d'action. Son message final est que la quantité de connaissances que peut acquérir le lecteur est sans importance réelle, si ces connaissances ne peuvent être mises en pratique de façon quotidienne. Ce livre n'apporte pas de nouvelles connaissances théoriques, mais il fournit un simple cadre de référence à utiliser pour résoudre les problèmes. A cette fin, il comporte de nombreuses listes de contrôle (checklists), de nombreux exemples et un grand nombre d'études de cas.
Une approche de l'amélioration faisant appel au bon sens, et à faible coût Aujourd'hui, les cadres s'efforcent souvent d'appliquer des outils et des technologies sophistiqués à des problèmes qu'ils pourraient résoudre avec du bon sens. Il leur faut perdre l'habitude de faire appel à des technologies toujours plus compliquées pour des problèmes quotidiens, qu'ils pourraient résoudre pour la plupart simplement en mettant leur bon sens en pratique. Mettre le bon sens en pratique, voilà le sujet de ce livre. Celui-ci s'adresse à tous : cadres, ingénieurs, agents de maîtrise, employés et ouvriers de la base. En mettant le bon sens en pratique à la façon kaizen, ce livre traite notamment du rôle de l'encadrement et du besoin de développer une organisation fondée sur l'apprentissage. Je crois que l'un des rôles du chef doit être d'assigner à ses collaborateurs des défis toujours plus élevés. Malheureusement, nombreux sont les responsables à avoir cessé de jouer ce rôle,
*Kaizen, la clé de la compétitivité japonaise (traduction de René Piétri - Eyrolles, 1994, 3e édition).
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Un autre problème qui caractérise aujourd’hui la plupart des entreprises est leur tendance à beaucoup trop insister sur l’enseignement des connaissances et à mépriser le prix d’un enseignement simultané des valeurs fondamentales dérivées du bon sens, comme la discipline librement consentie, l’ordre et l'économie Un bon management doit s'efforcer de tendre vers la discipline librement consentie, l’ordre et l'économie; à cet égard, ce que l'on appelle le «management au plus juste » doit tendre à occuper la plus grande place. Dans cet ouvrage, nous traiterons de ce sujet en liaison avec L’élimination du muda (gaspillage). Il existe deux démarches pour résoudre un problème. La première englobe l'application de la technologie la plus récente — y compris l'informatique et autres instruments dernier cri — et l'investissent d'une grande quantité de capitaux. J'appelle cette démarche l'innovation. La seconde démarche fait appel au bon sens, à des outils simples, à des listes de contrôle et à des efforts qui ne coûtent pas beaucoup d'argent. On appelle cette démarche kaizen. Kaizen fait intervenir tout le monde dans l'entreprise, et le travail d'équipe est la clé du succès. Ce livre présentera la façon dont Kaizen parvient à une amélioration significative, en tant que composant préparant l'entreprise à des réalisations qui en valent véritablement la peine. L'«ART DE BIEN GERER SA MAISON», L'ELIMINATION DU MUDA ET LA STANDARDISATION Dans l'entreprise, tout le monde doit travailler de concert au respect de trois règles de base pour la pratique de kaizen au gemba : • • •
l'art de bien gérer sa maison; l'élimination du muda (ou gaspillage); et la standardisation.
L'art de bien gérer sa maison constitue l'ingrédient indispensable d'un bon management. Apprendre à « bien gérer sa maison » est la meilleure façon d'aider le personnel à acquérir et pratiquer une discipline librement consentie. Si les ouvriers ou les employés ne sont pas naturellement disciplinés, il leur sera impossible de fabriquer des produits ou de prodiguer des services de bonne qualité à l'intention du client. Muda est le mot japonais pour gaspillage. Toute activité ne créant pas de valeur ajoutée est muda. Au sein du gemba, les gens créent de la valeur ou n'en créent pas. Ceci s'applique à d'autres ressources comme les machines et les matériaux. Si l'on crée neuf parts de muda pour une part de valeur ajoutée, la productivité doublera si l'on réduit le muda à huit parts, en portant la valeur ajoutée à deux parts. En se plaçant du point de vue des coûts, l’élimination
INTRODUCTION À KAIZEN
des muda est la façon la plus efficace d'améliorer la productivité et de réduire les coûts de fonctionnement. Kaizen met davantage l'accent sur l'élimination du muda que sur la création de valeur ajoutée. Un exemple simple peut illustrer le rapport coût-avantages de kaizen. Supposons des opérateurs en train d'assembler un appareil ménager, se tenant face à leurs postes de travail respectifs pour placer certaines pièces sur l'unité principale. Les pièces à assembler sont disposées dans un grand panier situé derrière chaque opérateur Le seul fait pour celui-ci de se retourner lui prend cinq secondes, alors que le temps d'assemblage réel ne lui en prend que deux. Supposons maintenant que les pièces soient disposées face à l'opérateur. Celuici n'a qu'à tendre le bras vers l'avant pour saisir une pièce, opération qui ne lui prend qu'une seconde. L'opérateur peut utiliser le temps ainsi économisé pour se concentrer sur l'opération de création de valeur. Un simple changement dans l'emplacement des pièces, en éliminant le muda dû à l'action de se retourner pour les atteindre, a rapporté un gain de quatre secondes qui s'est traduit par une augmentation du triple de la productivité! Pendant ce temps, un cadre à l'esprit porté à l'innovation pourrait être enclin, en revanche, à faire l'acquisition d'un dispositif permettant à l'opérateur d'effectuer sa tâche d'assemblage beaucoup plus vite. Mais cette solution n'éliminerait pas le muda tenant au fait que l'opérateur se retourne chaque fois pour prendre la pièce placée derrière lui. De plus, l'acquisition d'un nouveau dispositif coûte de l'argent, sans éliminer pour autant le coût du muda. La troisième procédure des pratiques kaizen au gemba est la standardisation. On peut définir un standard comme la meilleure façon d'effectuer une tâche. Pour des produits ou services créés à l'issue d'une série de processus, un certain paramètre doit être conservé pour chaque processus afin d'assurer la qualité. Les standards ont pour objet d'assurer la qualité à chaque processus, prévenant ainsi la réapparition des problèmes. A vue de nez, nous pouvons dire que si l'on apprend au gemba à « bien gérer sa maison », le pourcentage des défaillances sera réduit de 50 et une nouvelle fois de 50 % grâce à la standardisation. Pourtant, nombreux sont les responsables qui se limitent à introduire au gemba la maîtrise statistique des processus et les cartes de contrôle, sans faire l'effort nécessaire de nettoyer la maison, d'éliminer le muda, et de standardiser. Peter Teufel, associé-gérant de l'Institut KAIZEN d'Europe, raconte qu’un de ses clients ayant plus de travail qu'il ne pouvait en effectuer, était sur le point d’acheter des imprimantes supplémentaires. Quand Teufel s'aperçut que le pourcentage d'utilisation de l'équipement existant était de 38 %, il recommanda à la direction d'augmenter ce pourcentage en mettant en place kaizen, plutôt qu'en achetant des machines. Ceci économisa à l'entreprise quinze millions de Deutsche Marks.
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Les cadres dont l'esprit est tourné vers l'innovation ont tendance à acheter de nouvelles machines ou à recruter du personnel supplémentaire, spécialement quand les perspectives d'activité sont brillantes, En revanche, un cadre à l'esprit kaizen examinera d'abord s'il existe d'autres façons d'utiliser le personnel existant et d'autres ressources permettant d'améliorer la productivité. L'appui accordé aux procédures kaizen constitue la base même de la maison du gemba, autrement dit d'activités liées à l'homme : apprentissage en commun, travail d'équipe, élévation du moral, discipline librement consentie, cercles de qualité et suggestions. Sans cette base, les activités kaizen introduites au sein de l'entreprise auront la vie courte. Ainsi, me semble-t-il, l'un des problèmes les plus urgents pour l'encadrement (spécialement en Occident) est, aujourd'hui, de retrouver le chemin du bon sens et de commencer à l'appliquer au gemba. Cette pratique une fois fermement mise en place, l'encadrement verra se présenter l'occasion d'une nouvelle phase de croissance rapide par l'innovation — partie dans laquelle excelle l'encadrement en Occident. Quand les cadres occidentaux auront associé à kaizen leur ingéniosité en matière d'innovation, leur vigueur dans la compétition sera grandement améliorée.
INTRODUCTION À KAIZEN
Remerciements Préface
TABLE DES MATIERES INTRODUCTION À KAIZEN ........................................................................... 13 Les principaux concepts kaizen .......................................................................... 15 Processus ou résultats .......................................................................... 16 Suivre le cycle PDCA / SDCA ................................................................ 16 La qualité d'abord .................................................................................. 17 Parler avec des données ....................................................................... 17 Le processus suivant est le client .......................................................... 18 Les principaux systèmes kaizen ......................................................................... 18 La Maîtrise de la Qualité Totale (TOC) et le Management par la Qualité Totale (TQM)2 ........................................................................................ 18 Le système de production Juste-à-Temps (Système de production Toyota) .................................................................................................. 19 La Maintenance Productive Totale (TPM) .............................................. 20 Le déploiement de la stratégie ............................................................... 20 Un système de suggestions ................................................................... 21 Activités en petits groupes ..................................................................... 21 But ultime de la stratégie kaizen : la réalisation simultanée du QCD (Qualité, coût, Délai) ............................................................................................................ 22 GEMBA KAIZEN ............................................................................................ 25 Les règles d'or du management du gemba ....................................................... 31 Aller au gemba ...................................................................................... 31 Vérifier le gembutsu............................................................................... 36 Prendre des mesures provisoires sur place ........................................... 37 Découvrir la cause première .................................................................. 37 Standardiser pour prévenir le retour du problème .................................. 39 Transformer les bureaux en gemba ................................................................... 39 Application des règles d'or .................................................................................. 41 La maison de gemba............................................................................................ 42 Standardisation ..................................................................................... 43 Les « 5 S » (l' « art de bien gérer sa maison) ......................................... 44 L'élimination du muda ............................................................................ 44 Les fondations de la maison du gemba ................................................. 46 COMMENT GÉRER AU GEMBA LA QUALITÉ, LE COÛT ET LE DELAI ...... 47 La Qualité, plus qu'un simple résultat ................................................................ 48 Le management de la qualité au gemba ........................................................... 52 La gestion des coûts ............................................................................................ 55 1. Améliorer la qualité ............................................................................ 56 2. Améliorer la productivité .................................................................... 56 3. Réduire les stocks ............................................................................. 57 4. Raccourcir la chaîne de production, le temps de traitement et le flux de travail .................................................................................................... 57 5. Réduire le temps d'immobilisation des machines ............................... 57 6. Réduire le temps d'exécution (le temps de production) ...................... 58 7. Réduire l'espace ................................................................................ 58
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Le rôle du gemba dans la réduction du coût global ......................................... 59 La gestion de la livraison ..................................................................................... 59 L'amélioration de la qualité et la réduction des coûts sont compatibles ........ 60 LES STANDARDS.......................................................................................... 63 Toyoda Machine Works ....................................................................................... 69 Kaizen Story .......................................................................................................... 71 LES « 5 S »..................................................................................................... 73 campagne en faveur des « 5S »......................................................................... 75 Campagne en faveur des « 5 C » ...................................................................... 75 Seiri (Trier)............................................................................................................. 75 Seiton (Ranger)..................................................................................................... 77 Seiso (Nettoyer) .................................................................................................... 79 Seiketsu (systematiser) ....................................................................................... 80 Shitsuke (Standardiser) ....................................................................................... 80 Introduction des « 5 S » ....................................................................................... 81 LE MUDA ....................................................................................................... 83 Le muda de la surproduction............................................................................... 84 Le muda du stockage ........................................................................................... 85 Le muda des rejets ............................................................................................... 86 Le muda du déplacement .................................................................................... 86 Le muda du traitement ......................................................................................... 87 Le muda de l'attente ............................................................................................. 87 Le muda du transport ........................................................................................... 88 Épisode .................................................................................................................. 88 Le muda de temps ................................................................................................ 90 Trouver des occasions d'économiser le temps....................................... 91 Muda, mura, muri.................................................................................................. 91 Mura (irrégularité) .................................................................................. 91 Muri (travail exigeant un effort) .............................................................. 92 LES FONDATIONS DE LA MAISON DU GEMBA .......................................... 93 LE MANAGEMENT VISUEL ......................................................................... 101 Rendre les problèmes visibles .......................................................................... 102 Rester au contact de la réalité .......................................................................... 103 Le management visuel dans les « 5 M » ......................................................... 103 Le management visuel dans les «5S» ............................................................. 104 Affichage des standards .................................................................................... 105 Fixation des objectifs.......................................................................................... 107 RÔLE DES AGENT DE MAÎTRISE DU GEMBA........................................... 109 Les composants du management (main-d'œuvre, matières et machines) . 113 Le marché du matin............................................................................................ 117 Maintien des standards ...................................................................................... 119 Toyoda Automatic Loom Works ........................................................... 120 Certification de la meilleure chaîne pour l'assurance qualité ........................ 120 Définition des défis ............................................................................................. 121
INTRODUCTION À KAIZEN
Fonctions pseudo-managériales des agents de maîtrise au gemba ........... 123 Épisode ................................................................................................................ 124 RÔLE ET RESPONSABILITÉ DES RESPONSABLES DU GEMBA KAIZEN ..................................................................................................................... 125 Le chef de groupe............................................................................................... 131 Le contremaître ................................................................................................... 131 L'agent de maîtrise ............................................................................................. 132 Points nÉcessitant d'Être gÉrÉs au gemba .................................................... 132 Exemples tirés du manuel des chefs de groupe ............................................ 133 Exemples tirés du manuel du contremaître..................................................... 137 Exemples tirés du manuel de l'agent de maîtrise........................................... 138 Rôle et responsabilité du chef de section........................................................ 140 Conditions d'une définition réussie des rôles et responsabilités .................. 141 Formation sur le tas............................................................................................ 142 Formation formelle en salle de classe ............................................................. 142 Activités volontaires............................................................................................ 142 LE JUTE-A-TEMPS : LE SYSTEME DE PRODUCTION SUPPREME.......... 145 L'usine Anjo d'Aisin Seiki ................................................................................... 146 Le temps « takt » (temps « à la baguette ») ................................................... 148 Le temps de cycle................................................................................ 149 Production « poussée » et production « tirée » .............................................. 149 La production par flux......................................................................................... 151 Introduction au JIT - L'histoire d'Aisin Seiki..................................................... 152 La première étape de kaizen ............................................................... 153 La seconde étape de kaizen ................................................................ 154 Aplication du Juste-à-Temps à de nombreuses industries ........................... 155 LE JUSTE-A-TEMPS CHEZ WIREMOLD ..................................................... 157 KAIZEN ETENDUE A LA TOTALITE DE L’ENTREPRISE ........................... 167 Kaizen en deux jours.......................................................................................... 169 Les listes de contrôle, outil kaizen.................................................................... 172 Gemba kaizen à l'Institut KAIZEN .................................................................... 174
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Kaizen success Stories Cas 1. MK ELECTRONICS COMPANY ...................................................................... 178 Prise de conscience de la qualité par le personnel. « Ne l'acceptez pas, ne le fabriquez pas, ne le transmettez pas! » 2. LE DÉPASSEMENT DES ATTENTES DES CLIENTS CHEZ WALT DISNEY WORLD..................................................................................................................... 181 Les principes fondamentaux de kaizen, La standardisation et « l'art de bien gérer sa maison» 3. « LA PRESSE EST TOMBÉE À DEUX REPRISES! » : LES « 5 S » ET LA SÉCURITÉ À L'ATELIER DES PRESSES ........................................................... 185 Les « 5 S », la sécurité, la participation du personnel. 4. L’« ART DE BIEN GÉRER SA MAISON LA DISCIPLINE LIBREMENT CONSENTIE ET LES STANDARDS : TOKAI SHIN-EI ELECTRONICS ....... 188 Kaizen comme action, non comme théorie; l' « art de bien gérer sa maison » et la standardisation. 5. GEMBA KAIZEN DANS UN SERVICE DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT : LA RÉPONSE ÉTAIT DANS LES DOSSIERS .............. 195 Les « 5 S » dans la Recherche et le Développement. 6. COMMENT LES «5S » ONT ÉLIMINÉ LE BESOIN DE DÉMÉNAGER UNE USINE DE MATRICES ........................................................................................... 197 Les « 5 S » et l'économie d'espace. 7. CHEZ DAIWA JITSUGYO, LA PROPRETÉ EST ESSENTIELLE ............... 199 L'utilisation des « 5 S » dans une entreprise de service. 8. L'ÉLIMINATION DU MUDA CHEZ SUNCLIPSE .......................................... 201 Elimination du muda; organisation d'un groupe kaizen. 9. TRANSFORMATION D'UNE CULTURE D'ENTREPRISE L'ORGANISATION DE LA « RESPONSABILISATION » DU PERSONNEL : EXCEL ...................................................................................................................... 213 Construire un processus assurant la continuité et le succès de kaizen. 10. L'ITINÉRAIRE VERS KAIZEN CHEZ LEYLAND TRUCKS ...................... 219 Construire les fondations de la maison du gemba; le management de la qualité conduit à des économies de coûts. 11. TOUJOURS APPRENDRE CHEZ LÔBRO .................................................... 226 Intégration des systèmes kaizen; management visuel; suggestions.
INTRODUCTION À KAIZEN
Cas 12. SIEMENS OOSTKAMP - ADAPTATION AUX ÉVOLUTIONS DU MARCHÉ .................................................................................................................. 232 Déploiement de la politique; utilisations des données dans kaizen. 13. LA RÉSOLUTION DES PROBLÈMES DE QUALITÉ AU GEMBA - LA SÉCURITÉ CHEZ TRES CRUCES ....................................................................... 237 Collecte des données; rapport d'alerte. 14. LA QUALITÉ DANS UN ENVIRONNEMENT MÉDICAL - L’HÔPITAL INOUE ....................................................................................................................... 245 Collecte des données; rapport d'alerte. 15. RESSERREMENT DE LA LOGISTIQUE CHEZ MATARAZZO ............... 257 Collecte des données; kaizen pour les problèmes logistiques. 16. L'EXPÉRIENCE KAIZEN CHEZ ALPARAGATAS ...................................... 259 La puissance que procure la conformité à Kaizen Story. 17. INFOTEC : MAINTENIR UN ŒIL SUR LES DONNÉES............................. 268 La collecte des données dans le service. 18. L'APPUI DE LA DIRECTION GÉNÉRALE : FIDELITY INVESTMENTS273 L'engagement et la participation de la direction générale. 19. KAIZEN CHEZ LUCAS AUTOMOTIVE : PRIORITÉ À LA FORMATION .................................................................................................................................... 282 Planning de la formation au gemba kaizen. 20. KAIZEN DANS UNE COMPAGNIE D'ASSURANCE : LBA ........................ 291 Utilisation de kaizen pour appliquer la stratégie; déploiement de la politique. 21. KAIZEN DANS L'ENTREPRISE « A » EN EUROPE .................................... 296 Succès et échecs dans la façon d'introduire kaizen au gemba — souvenir personnel —
L'institut KAIZEN………………………………….…………304 Glossaire………………………………………….…………..305 Index des sociétés…………………………………..………312
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INTRODUCTION À KAIZEN
CHAPITRE INTRODUCTION À KAIZEN
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GEMBA KAIZEN
Le présent ouvrage Gemba kaizen fait suite à mon premier livre Kaizen. La clé de la compétitivité japonaise, publié en 1986 aux États-Unis et maintenant diffusé par McGraw-Hill à New York. Ces dix dernières années, le mot kaizen est devenu familier dans le monde entier. un grand nombre d 'entreprises ont créé des bureaux pour l’application de kaizen et désigné des cadres kaizen. On m’a demandé d'animer des séminaires kaizen en entreprise ou ouverts au public, dans d'innombrables occasions. Le 13 mars 1988, le New Strait Times de Malaisie informait ses lecteurs Premier ministre Datuk Seri DL Mahathir Mohamed avait exhorté les Malais à adopter le concept kaizen pour assurer le « progrès continu de la nation » . Au cours des toutes dernières années, des « Institut KAIZEN » se sont ouverts aux États-Unis, en Europe et au Japon, afin d'aider les entreprises à introduire kaizen chez elles. Les « Institut KAIZEN » (ou leurs organisations affiliées) ont également proposé leurs services comme consultants aux dirigeants d'entreprises d'autres pays, parmi lesquels Taiwan, Hong Kong, le Canada, le Mexique, le Brésil, l'Argentine, le Chili, l'Australie, l'Indonésie, les Philippines, l'Inde, les Émirats Arabes Unis et la République d'Afrique du Sud. J'ai même été invité prononcer des discours devant des personnalités gouvernementales chinoises en charge de la gestion de la qualité. L'édition 1993 du New Shorter Oxford English Dictionary introduisait le mot kaizen1, ainsi que les mots karaoké et yakitori définissant kaizen comme l'amélioration continue des pratiques de travail, de l'efficacité personnelle etc., une philosophie d'entreprise. Ainsi, kaizen a fini par obtenir sa citoyenneté dans le vocabulaire anglais. Les lecteurs qui ne sont pas familiers de kaizen trouveront probablement utile de débuter par un bref résumé des concepts kaizen. Pour ceux qui les possèdent déjà, ce chapitre pourra leur tenir lieu de révision. En japonais, kaizen signifie amélioration continue. Le mot implique une amélioration faisant participer tout le monde — cadres et ouvriers/employés — pour une dépense relativement faible. La philosophie kaizen suppose que toute notre façon de vivre, qu’il s'agisse de notre vie au travail, de notre vie sociale, ou de notre vie privée, devrait être l'objet d'efforts constants d’amélioration. Ce concept est si naturel et si évident pour un grand nombre de Japonais que souvent, ils ne réalisent même pas qu'ils le possèdent! Selon moi, kaizen a grandement contribué aux succès du Japon dans la compétition commerciale
I. Le New Shorter Oxford English Dictionary définit le mot kaizen. Il importe de noter toutefois, que l’Institut KAIZEN®, ses filiales et licenciés ont le droit exclusif d'utiliser les mots KAIZEN® et GEMBA KAIZEN® comme marque déposées dans les principaux pays du monde
INTRODUCTION À KAIZEN
Bien que les améliorations kaizen soient petites et marginales, le processus kaizen engendre avec le temps des résultats spectaculaires. Le concept kaizen explique pour quelles raisons, au Japon, les entreprises ne peuvent demeurer longtemps statiques. Pendant ce temps, en Occident, l'encadrement continue à vouer un culte à l'innovation : changements majeurs dans le sillage de percées technologiques; concepts de management et techniques de production les plus récents. L'innovation est spectaculaire, capte réellement l'attention. Kaizen, en revanche, est souvent peu spectaculaire et discret. Mais l'innovation est comme un fusil à-un-coup, et ses résultats sont souvent problématiques, tandis que le processus kaizen, fondé sur le bon sens et un faible coût, assure des progrès constants, qui s'avèrent payants à long terme. Kaizen est aussi une approche à faible risque. Les dirigeants peuvent toujours revenir à l'ancienne façon de travailler sans prend le risque de coûts importants. La plupart des pratiques de management, « uniquement japonaises » — Maîtrise de la Qualité Totale ou Maîtrise de la Qualité étendue à l'entreprise, Cercles de qualité, Style de relations sociales — peuvent se ramener à un seul mot : kaizen. Son utilisation en lieu et place de ces expressions à la mode que sont le TQM (Management de la Qualité Totale), le ZD (Zéro Défaut), le JIT (Juste-à-Temps) et le système de suggestions suffit à brosser un tableau clair de ce qui s'est passé dans l'industrie japonaise. Le concept kaizen a la forme d'une ombrelle recouvrant l'ensemble de ces pratiques. Je m'empresse, toutefois, d'ajouter que cellesci ne sont étroitement limitées au management japonais, mais qu'il faut y voir des principes sains, applicables par les cadres dans le monde entier. En suivant les bonnes étapes proprement appliquées, n'importe quelle entreprise, quelle que soit sa nationalité, peut tirer profit de kaizen. Dans ce qui suit, je vais énumérer les concepts et les systèmes de base nécessaires à la réalisation d'une stratégie kaizen. Je débuterai par les concepts principaux. LES PRINCIPAUX CONCEPTS KAIZEN Ce sont : • kaizen et management; • processus ou résultats; • suivre le cycle PDCA / SDCA; • la qualité d'abord; • parler avec des données; • le processus suivant est le client. En guise d'introduction, la direction générale doit énoncer une déclaration politique très soigneuse et très nette. Il lui faut ensuite dresser un planning d'application et démontrer qu'elle en assume le leadership en pratiquant les procédures kaizen au sein de ses propres rangs.
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GEMBA KAIZEN
Kaizen et management Dans le contexte de kaizen, le management a deux fonctions : la maintenance et l'amélioration. La maintenance se rapporte aux activités directement liées au maintien des standards actuels en matière de technologie, de management et de fonctionnement, et au respect de ces standards obtenu par la formation et la discipline librement consentie. Dans sa fonction de maintenance, l 'encadrement se voit assigner des tâches permettant à tout le monde de se conformer aux règles de travail (SOP Standard= Operating Procedure ou Procédure Opératoire Standard) Pendant ce temps, l'amélioration se rapporte aux activités orientées vers l’élévation des standards en cours. La vision Japonaise du management se ramène donc à un précepte simple : maintenir et améliorer les standards. L'amélioration peut être classée soit comme kaizen, soit comme innovation. Kaizen signifie de petites améliorations résultant d'efforts permanent. L'innovation entraîne une amélioration drastique, résultat d’importantes dépenses en équipement ou en nouvelles technologies. Quand l'argent est un facteur clé, l'innovation est coûteuse. Kaizen, en revanche, met l'accent sur les efforts humains, le moral, la communication, la formation, le travail d'équipe, l'engagement, et la discipline librement consentie; c'est une approche de l’amélioration à faible coût. Obsédés par l’innovation, les cadres occidentaux ont tendance à négliger les grands avantages que kaizen peut apporter à une entreprise.
Processus ou résultats Kaizen encourage un mode de pensée orienté vers le processus. Car pour améliorer les résultats, il faut améliorer le processus. Si les résultats ont quelque chose de faux, c'est que quelque chose était faux dans le processus. L'encadrement doit identifier et corriger les problèmes à la base du processus. Kaizen se concentre sur les efforts humains, orientés vers les hommes; cette orientation contraste fortement avec un mode de pensée fondé sur le résultat, qui est celui de la plupart des cadres en Occident. Une approche orientée vers le processus devrait aussi être appliquée pour introduire des stratégies kaizen, comme le Management par la Qualité Totale (TQM = Total Quality Management) le Juste-à-Temps (JIT = Just-In-time), et la Maintenance Productive Totale (TPM = Total Productive Maintenance). Si les stratégies kaizen ont échoué dans nombre d'entreprises, c'est que celles-ci ont ignoré le processus. L'engagement et l'implication de la direction doivent être les éléments cruciaux du processus kaizen.
Suivre le cycle PDCA / SDCA Le cycle PDCA (Plan, Do, Check, Act = Préparer, Faire, Vérifier, Agir) est le véhicule assurant la continuité de kaizen, et l'un des plus importants concepts du processus.
INTRODUCTION À KAIZEN
Plan signifie fixer un objectif à l'amélioration (kaizen étant un mode de vie, l'amélioration dans quelque domaine que ce soit doit toujours viser une cible), et concevoir des plans d'action pour atteindre cet objectif. Do signifie appliquer le plan; Check signifie déterminer si l'application a procuré l'amélioration visée; et Act signifie accomplir et standardiser les nouvelles procédures afin de prévenir toute réapparition du problème d'origine ou de fixer des objectifs en vue de nouvelles améliorations. Le cycle PDCA tourne sans cesse; aussitôt une amélioration opérée, le nouvel état qui en découle devient la cible d'une nouvelle amélioration. Le PDCA signifie ne jamais être satisfait de l'état de choses existant. Le personnel a tendance à se satisfaire de la situation existante et manque de l'initiative nécessaire pour améliorer les conditions. Il revient donc à l'encadrement d'initier le PDCA et de le maintenir en mouvement, en fixant en permanence de nouveaux défis. Au début, tout processus de travail est instable. Avant de commencer à travailler sur le PDCA, le processus en cours doit être stabilisé, sous la forme d’un second processus souvent appelé le SDCA (Standardize, Do, Check, Act : Standardiser, Faire, Vérifier, Agir). Toutes les fois qu'une anomalie se présente dans le processus en cours, les questions suivantes doivent être posées. Est-elle due à une absence de standard? Ou s'il y en avait, l'a-t-on transgressé? Ou bien le standard n’était-il pas adéquat? On ne doit passer au PDCA qu'une fois le standard établi et respecté, et le processus en cours, stabilisé. Ainsi le SDCA standardise et stabilise les processus en cours, tandis que le PDCA les améliore. Le SDCA se rapporte à la maintenance, et le PDCA, à l'amélioration; ce sont là les deux principales responsabilités de l'encadrement.
La qualité d'abord Des trois objectifs principaux, qualité, coût, délai, c'est la qualité qui doit toujours venir en premier. Aussi attractifs que soient le prix et les modalités de livraison proposés au client, ils ne serviront à rien si le produit ou le service pèchent par une qualité insuffisante. La pratique du credo « qualité d'abord » exige un engagement de l'encadrement, les cadres étant souvent tentés de faire passer en première priorité la satisfaction des exigences de livraison ou la réduction des coûts. Ce faisant, ils risquent de sacrifier non seulement la qualité mais l'existence même de l'entreprise.
Parler avec des données Kaizen est un processus de résolution de problèmes. Pour qu'un problème soit correctement compris et résolu, il doit être identifié, et les données correspondantes
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doivent être réunies et analysées. Essayer de résoudre un problème sans disposer des données brutes équivaut à s'en remettre à l'intuition et au sentiment; cette démarche n'est ni n’objective ni très scientifique. Collecter des données sur l’état de choses actuel aide à comprendre où l'on en est aujourd'hui; cela sert de point de départ à l'amélioration. « Collecter et analyser les données en vue de l'amélioration » est un thème qui reviendra tout au long de ce livre.
Le processus suivant est le client Chaque travail s'analyse en une succession de processus, et chaque processus a son fournisseur aussi bien que son client. Un matériau ou une information sont fournis par le Processus A (fournisseur), on y travaille au Processus B (vous), qui lui ajoute de la valeur, puis on l'adresse au Processus C (le client). On doit toujours considérer le processus suivant comme un client. Cet axiome « le processus suivant est le client » signifie qu'il y a deux types de clients : le client interne (au sein de l'entreprise) et le client externe (en dehors de l'entreprise, au sein du marché). Dans une entreprise, la plus grande partie des gens ont affaire à des clients internes. Si chacun en prenait conscience, il s'engagerait à ne jamais adresser de pièces ou d'informations défectueuses à ceux qui sont situés au cœur du processus suivant. Lorsque dans l'entreprise, tout le monde met cet axiome en pratique, le client final, sur le marché, obtient un bon produit ou un bon service. Un réel système d'assurance qualité signifie que, dans l'entreprise, tout le monde souscrit à cet axiome et le met en pratique. LES PRINCIPAUX SYSTEMES KAIZEN Voici les principaux systèmes kaizen à mettre en place pour mettre en œuvre avec succès une stratégie kaizen : • la Maîtrise de la Qualité Totale et le Management par la Qualité Totale : • le système de production Juste-à-Temps (système de production Toyota); • la maintenance productive totale (TPM = Total Productive Maintenance); • le déploiement de la stratégie; • un système de suggestions • des activités de petits groupes.
La Maîtrise de la Qualité Totale (TOC) et le Management par la Qualité Totale (TQM)2 L'un des systèmes du management japonais est celui de la Maîtrise de la Qualité Totale (TQC = Total Quality Control) qui, dans le premier état de son développement, avait mis l'accent sur le « contrôle » du processus qualité.
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TQC = Total Quality Control TQM = Total Quality Management
INTRODUCTION À KAIZEN
puis il a évolué vers un système recouvrant tous les aspects du management, ce qui fait qu'on l'appelle aujourd'hui le Management par la Qualité Totale (TQM = Total Quality Management), expression utilisée internationalement. Si l'on voit dans mouvement TQC / TQM une partie intégrante de la stratégie kaizen, on comprend clairement l'approche japonaise. Il ne faut pas voir dans le TQC, TQM japonais une stricte activité de maîtrise de la qualité. Il a été conçu comme une stratégie pouvant aider les entreprises désireuses d'accroître leur compétitivité et leur rentabilité, à s'améliorer dans tous les aspects de leur activité. Dans le TQC / TQM, « Q » — la Qualité — a la priorité, mais il y a deux autres objectifs, le coût et le délai. Le « T » du TQC / TQM signifie « Total », en ce sens qu'il englobe tout le personnel de l'entreprise, de la direction générale aux cadres supérieurs et moyens, aux agents de maîtrise et aux ouvriers / employés. Il s'étend de plus aux fournisseurs, concessionnaires et grossistes. Le « T » se rapporte aussi à la direction générale, au leadership et aux performances, ce qui est essentiel pour réussir l'implantation du TQC / TQM. Le « C » signifie « Maîtrise » (control en anglais) ou maitrise des processus. Dans le TQC / TQM, les processus clés doivent être identifiés, maîtrisés et améliorés continuellement afin d'améliorer les résultats. Le rôle de l'encadrement est d'établir un plan pour vérifier le processus en en confrontant le déroulement avec les résultats, non d'utiliser les résultats pour le critiquer. Au Japon, le TQC/TQM recouvre diverses activités : déploiement de la politique, construction d'un système d'assurance qualité, standardisation, formation et enseignement, gestion des coûts, cercles de qualité.
Le système de production Juste-à-Temps (Système de production Toyota) Créé à l'origine par l'entreprise Toyota Motors sous la direction de Taichi Ohno, le système de production Juste-à-Temps vise à éliminer les activités de toutes sortes ne créant pas de valeur ajoutée, afin d'aboutir à un système de production «au plus juste», suffisamment flexible pour s'adapter aux fluctuations des commandes des clients. Ce système de production est soutenu par des concepts comme le temps de tâche ou temps de cycle, le flux unitaire, la production tirée, le jidohka (ou automatisation), les cellules en forme de U, l'utilisation du kanban et la réduction des réglages. Pour parvenir à l'idéal du système de production Juste-à-Temps, une série d'activités kaizen doivent être menées à bien de façon continue afin d'éliminer de l'atelier le travail ne créant aucune valeur ajoutée. Le JIT réduit les coûts de façon spectaculaire, livre le produit à temps, et augmente grandement les bénéfices de l'entreprise.
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La Maintenance Productive Totale (TPM) La TPM (Total Productive Maintenance) est maintenant pratiquée dans un nombre croissant d'entreprises de fabrication aussi bien au Japon qu'ailleurs. Tandis que le TQC met l'accent sur l'amélioration de la performance et de qualité du management global, la TPM est orientée vers l'amélioration de qualité de l'équipement. Elle cherche à maximiser cette efficacité grâce à un système total de maintenance préventive couvrant la durée de vie de l'équipement. De même que le TQC implique toute l'entreprise, la TPM implique toute l'usine. Les «5S», qui font partie de l'art de bien gérer sa maison, et que l'on considère comme une autre activité pivot du gemba, peuvent être vus comme un prélude à la TPM. Toutefois, les activités regroupées sous l'appellation de «5S» ont permis d'enregistrer des résultats remarquables, même quand elles étaient effectuées séparément de la TPM.
Le déploiement de la stratégie Certes, la stratégie kaizen vise à réaliser des améliorations, mais son impact peut se trouver limité si tout le monde se met à rechercher « le kaizen pour le kaizen », sans but précis, comme à « l'école de management de Christophe Colomb » : parti, il ne savait pas où il allait; arrivé, il ne savait pas où il était; revenu à son point de départ, il ne savait pas où il avait été. La direction doit établir des objectifs clairs pour servir de guide à tout le monde, et s'assurer que toutes les activités kaizen sont orientées vers l’atteinte de ces objectifs. C'est ainsi que fonctionne en réalité la stratégie kaizen. En premier lieu, la direction doit concevoir une stratégie à long terme, décomposée en stratégies annuelles et à moyen terme. La direction générale doit se doter d'un plan pour « déployer » la stratégie, c'està-dire la faire passer par tous les niveaux de la hiérarchie, pour atteindre finalement la base, les ouvriers et les employés. Au fur et à mesure de la descente en cascade de la stratégie jusqu'aux échelons les plus bas, elle se traduit par des plans d'action et de activités de plus en plus spécifiques. Par exemple, la déclaration politique « nous voulons réduire nos coûts de pour rester compétitifs », transmise tout au long de la filière hiérarchique, sera traduite au niveau de l'atelier en activités visant à accroitre la productivité, à réduire les stocks et les rebuts, et à améliorer les configurations hiérarchiques. Dépourvu d'objectifs, le kaizen n'est pas suffisant. L'efficacité du Kaizen culmine quand tout le monde travaille à atteindre un objectif. C'est à la direction qu'il incombe de le fixer.
INTRODUCTION À KAIZEN
Un système de suggestions Le système de suggestions fait partie intégrante du kaizen dans son orientation vers l'individu. Le trait distinctif du système de suggestions japonais est qu'il met l'accent sur les avantages d'une participation positive du personnel pour l'élévation du moral. Les cadres japonais estiment qu'il est de la plus grande importance de susciter l'intérêt du personnel pour kaizen et de l'encourager à proposer un grand nombre de suggestions, quand bien même celles-ci seraient de faible importance. Ils ne s'attendent pas tirer de chaque suggestion un grand bénéfice financier. Ils sont plus préoccupés de développer chez le personnel un état d'esprit kaizen et une discipline librement consentie. Cette attitude contraste follement avec celle des cadres occidentaux, qui, en introduisant des systèmes de suggestions, ont avant tout à l'esprit des bénéfices et des incitations d'ordre financier. Au Japon, le personnel est souvent encouragé à débattre verbalement de ses suggestions avec ses supérieurs hiérarchiques, puis à les appliquer sur le champ, même avant de les avoir soumises dans les formes voulues. Aussi, les suggestions émanant du personnel sont-elles considérées comme faisant partie intégrante des activités kaizen.
Activités en petits groupes Les activités en petits groupes concernent des groupes numériquement faibles, informels, composés de volontaires. Elles sont organisées dans le but d'effectuer des tâches spécifiques dans le cadre de l'atelier. Les cercles de qualité sont le type le plus populaire d'activités de petits groupes. Les cercles de qualité ne traitent pas seulement de problèmes de qualité, mais aussi de coût, de sécurité, de productivité; comme tels, ils entrent dans la catégorie des activités kaizen orientées vers le groupe. Il ne fait aucun doute que les cercles de qualité ont joué un rôle important dans l'amélioration de la qualité des produits et de la productivité au Japon. Toutefois, ce rôle a souvent été hypertrophié par des observateurs étrangers, persuadés que ces groupes constituaient le pilier des activités qualité au Japon. C'est l'encadrement qui joue un rôle d'entrainement dans la réalisation de la qualité, en s'appuyant sur une méthodologie comprenant les systèmes de construction de l'assurance qualité, la formation dispensée au personnel, l'établissement et le déploiement des politiques, et l'édification de systèmes interservices pour le QCD (Qualité, Coût, Délai). Le succès des activités des cercles de qualité est le signe que l'encadrement joue un rôle invisible mais crucial dans le soutien de ces activités. Aux activités des cercles de qualité, définis comme de petits groupes informels de volontaires, s'ajoutent celles d'autres petits groupes, appelés « groupes autonomes ».
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Ici, le qualificatif « autonome » signifie que les groupes sont organisés par ateliers, en regroupent tous les membres et fonctionnent sous la conduite d'un agent de maîtrise. Lorsqu'un groupe autonome s'engage dans la résolution d 'un problème particulier, cette tâche fait partie intégrante de son activité quotidienne. Au Japon, un grand nombre de petits groupes appartenant à l’industrie de la métallurgie, se classent dans cette catégorie, comme le font aussi les « groupes de maintenance autonomes », constitués dans le cadre des activités de TMP. BUT ULTIME DE LA STRATEGIE KAIZEN : LA REALISATION SIMULTANEE DU QCD (QUALITE, COUT, DELAI) Puisque Kaizen traite d'amélioration, nous devons rechercher les aspects des diverses activités de l'entreprise ayant le plus besoin d'être améliorés. Et la réponse à cette question est : QCD (Qualité, Coût, Délai). Dans mon précédent ouvrage, Kaizen, la clé de la compétitivité japonaise, j'ai utilisé les abréviations QCS (Quality, Cost, Scheduling = Qualité, Coût, Ordonnancement). Depuis lors, ce sont les lettres QCD qui ont été retenues dans la terminologie couramment acceptée. Le mot « Qualité » ne se rapporte pas seulement à la qualité des produits finis ou des services, mais aussi à la qualité des processus conduisant à ces produits et ces services. Le mot « Coût » se réfère au coût global comprenant la conception, la production, la vente et le service après-vente des produits et services. Quant au mot « Délai », il concerne la livraison de la quantité requise dans les délais. Lorsque ces trois conditions, résumées par ces trois lettres « QCD », sont remplies, les clients sont satisfaits. Les activités QCD coupent à travers les lignes hiérarchiques et fonctionnelles, traversant différents services : Recherche et Développement, bureau d'études, production, vente et service après-vente. Une collaboration interservices s'avère nécessaire, de même qu'avec les fournisseurs et les concessionnaires. Il est de la responsabilité de la direction générale d'examiner la position courante du QCD de l'entreprise sur le marché, et d'établir des priorités pour sa politique en faveur de l'amélioration du QCD.
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Gemba signifie en japonais « le lieu réel », celui où l'action réelle a lieu. Dans l'entreprise, les activités créatrices de valeur ajoutée, dont le but est de satisfaire le client, se déroulent au gemba. Dans toute entreprise, trois activités principales sont directement liées à l'Obtention de bénéfices : le développement, la production et la vente. Sans ces activités, l'entreprise ne peut exister. Au sens large, gemba signifie le lieu où se déroulent ces trois activités principales. Dans un contexte plus étroit, gemba signifie le lieu où les produits sont fabriqués. Dans ce livre, nous emploierons le mot dans ce contexte plus étroit, car de toutes les arènes de l'entreprise, C'est le lieu de production qui a toujours été le plus négligé par les dirigeants. Tout se passe comme s'ils considéraient la production comme un moyen secondaire de gagner de l'argent. Ils attachent donc habituellement une bien plus grande importance à des secteurs comme la gestion financière, le marketing et les ventes, le développement des produits. S'ils se concentraient sur le gemba, lieu où s'effectue la production ils y trouveraient des occasions de rendre l'entreprise bien plus rentable et plus prospère. Dans le secteur des services, gemba est le lieu où les clients viennent au contact des services proposés. Dans l'activité hôtelière, par exemple, gemba est partout : dans le vestibule, au restaurant, dans les chambres, au comptoir de réception, au guichet d'enregistrement et dans la loge du concierge. Dans les banques, les caissiers travaillent au gemba, ainsi que les gestionnaires de crédits recevant les demandeurs. Il en va de même pour les employés travaillant à leurs pupitres dans les bureaux, et pour les opératrices téléphoniques faisant face au standard. Ainsi, gemba recouvre une multitude de fonctions administratives et de bureaux. Gemba est un mot utilisé quotidiennement au Japon. Lorsque le grand tremblement de terre ébranla la ville de Kobe en janvier 1995, les correspondants de presse se présentaient l'écran en disant qu'ils parlaient du gemba. En arrière-plan, on pouvait voir brûler des immeubles ou s'écrouler des autoroutes surélevées. Dans l'industrie japonaise, le mot gemba est presque aussi populaire que kaizen. Joop Bokern, un des premiers consultants kaizen en Europe, avait travaillé chez Philips Electronics NV Europe, comme directeur de production, directeur d'usine, et en dernier lieu, directeur de la qualité du groupe. Bokern disait qu'en visitant des entreprises japonaises, il ne lui était pas difficile de vérifier si elles étaient bien ou mal gérées. Si, dans la conversation avec le directeur japonais, il entendait prononcer le mot kaizen dans les cinq premières minutes, et le mot gemba dans les 10 premières, il concluait que l’entreprise devait être bien gérée. L’exemple de J.Bokern montre que kaizen
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et gemba sont des thèmes étroitement liés et chers au cœur des dirigeants, qui prennent souvent leurs décisions sur la base de leur compréhension du gemba. Un appel téléphonique adressé au directeur général, au directeur de production, ou au directeur qualité de l'usine, aura pour réponse de l'assistant : « Il n'est pas là. Il est au gemba » C'est au gemba (ou en son sein) qu'est créée une valeur ajoutée satisfaisant le client, et permettant à l'entreprise de survivre ct prospérer. La Figure 2-1 met le gemba au sommet de la structure, pour montrer qu'il occupe la place la plus importante de l'entreprise. Les strates hiérarchiques régulières de l’encadrement — direction, encadrement moyen, ingénieurs, agents de maîtrise — n'existent que pour apporter le soutien nécessaire au lieu de production.
Figure 2-1. C'est la raison pour laquelle le gemba doit être le lieu de toutes les améliorations et la source de toutes les informations. L'encadrement doit aider à résoudre les problèmes qui se présentent, quels qu'ils soient. Il s'ensuit qu'il doit rester en contact étroit avec les réalités du gemba. Pour dire les choses autrement, l'assistance prodiguée par l'encadrement doit partir des besoins spécifiques du lieu de production. Lorsque l'encadrement ne respecte pas le gemba et ne l'apprécie pas, il a tendance à « laisser tomber du haut » ses instructions, ses projets et autres services de soutien, dans le complet mépris exigences réelles. L'encadrement existe pour aider le gemba à effectuer sa tâche au mieux en réduisant autant que possible, les contraintes pesant sur lui. En réalité, je suis surpris du petit nombre de cadres ayant une bonne compréhension de leur rôle. Le plus souvent, ils voient dans le gemba une source de défaillances, un lieu où les choses vont toujours mal. Ce faisant, ils négligent la responsabilité qui est la leur dans tous ces problèmes.
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Dans certaines entreprises occidentales, des syndicats forts influent occupent pratiquement et contrôlent le gemba. Les cadres évitent de s’impliquer dans ses affaires. Il leur arrive, parfois, de redouter l'usine, donnant l'impression d'être perdus ou impuissants. Des consultants kaizen pratiquant kaizen dans une entreprise allemande, voulaient déplacer un établi raisons d'efficacité. La mesure devant recueillir l'approbation du conseil des travaux, il s'écoula plusieurs jours avant que l'établi ne soit réellement déplacé. Même là où l'emprise du syndicat n'est pas ferme, le « travail du gemba » est laissé aux agents de maitrise les plus anciens, autorisés par l’encadrement à « faire marcher l'affaire » à leur guise. Dans de tels cas, l’encadrement n'est pas du tout déterminé à « manager » le lieu de production Dans les chapitres suivants, nous examinerons en profondeur ce que signifie réellement la « gestion du gemba Les agents de maitrise devraient jouer un rôle clé dans cette gestion, et pourtant ils manquent souvent de la formation de base pour gérer, c'est-à-dire pour effectuer leur fonction la plus importante : maintenir et améliorer les standards, et réaliser le QCD. Eric Machiels, qui se rendit d'Europe au Japon comme jeune étudiant pour apprendre les pratiques japonaises en matière de management, trouva emploi d'opérateur dans une usine d'assemblage automobile. Après avoir connu une expérience similaire dans un gemba européen. Eric Machiels observa au Japon une communication beaucoup plus intense les responsables et les opérateurs, se traduisant par un échange d'information efficace. Les ouvriers/employés avaient une compréhension plus claire des attentes de l'encadrement et de leurs responsabilités propres dans le processus kaizen d'ensemble. La tension constructive qui en résulte sur le lieu du travail rend le travail beaucoup plus stimulant pour les ouvriers/employés, incités à satisfaire les attentes de l'encadrement, mais leur procure aussi un plus grand sentiment de fierté vis-à-vis de leur travail. Pour maintenir le gemba tout en haut de la structure du management. Il faut un personnel fier. Les ouvriers/employés doivent être stimulés à remplir leur rôle pour ressentir la fierté de leur travail, et apprécier la contribution qu’ils apportent à leur entreprise et à la société en général. Instiller le sens d’une mission et la fierté du travail bien fait, fait partie intégrante de la gestion du gemba. Cette approche contraste fortement avec la perception traditionnelle qui dans le gemba (Figure 2-2), un lieu où les choses vont toujours mail (une source de défaillances et de réclamations du client). Au Japon, quand du travail lié à la production, on fait parfois mention des « 3 K », désignant en japonais ce qui est dangereux (Kiken), sale (Kitanai) et engendre une tension nerveuse (Kitsui). Traditionnellement, le gemba était le lieu où aucun cadre ne voulait aller; le fait d'y être assigné était perçu comme une fin de carrière. Toutefois, les présidents parmi les entreprises les plus connues ont souvent de riches
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antécédents dans ce domaine. Ils possèdent une bonne compréhension de ce qui se passe au gemba, et lui accordent un soutien particulièrement apprécié. Les deux visions opposées du gemba, suivant qu'on le place en haut de la structure du management (triangle inversé) ou en bas (triangle normal), se retrouvent également au chapitre des relations entre le gemba et l'encadrement. Tous deux occupent une place d'une égale importance, le gemba fournissant un produit qui satisfait le client, et l'encadrement procurant ses conseils au gemba. Ainsi, la poussée en faveur de l'amélioration doit-elle être à la fois ascendante et descendante. Sur la Figure 2-2, l'encadrement se tient en haut de la structure. Il prend l'initiative d'établir les politiques, de fixer les
Figure 2-2. objectifs, d'assigner les priorités, et d'allouer les ressources, (main-d'œuvre, financement, etc.). Dans ce modèle, l'encadrement doit exercer le leadership et déterminer le type de kaizen dont le besoin se fait sentir de façon pressante. On appelle « déploiement de la politique » ce processus visant à atteindre les objectifs de l'entreprise. Du fait de leur attachement au type de relations gemba-encadrement représenté sur le triangle régulier (Figure 2-2), un grand nombre de cadres supposent probablement que leur fonction consiste toujours dire au gemba ce qu'il doit faire. Cependant, avec le triangle inversé (Figure 2-1), comportant en tête de la structure le gemba, les cadres doivent réaliser qu'il leur faut écouter le personnel de l'usine et apprendre auprès de lui, afin d'être en mesure de lui apporter l'aide appropriée. Les rôles respectifs de l'encadrement et du gemba dans ces deux modèles ne devraient jamais être confondus.
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Le professeur Takeshi Kawase de l'université Keio a écrit ceci : Dans une entreprise, on peut répartir les hommes en deux groupes : ceux qui rapportent de l'argent et ceux qui n'en rapportent pas. Ce sont seulement ceux qui sont « sur le front », développent, produisent et vendent, qui rapportent de l'argent à l'entreprise. L'entreprise idéale serait celle où une seule personne, le président, ne rapporterait pas d'argent, laissant au reste du personnel le soin de s 'impliquer directement dans une activité génératrice de revenus. Les gens qui ne rapportent pas d'argent sont situés au-dessus de ceux qui en rapportent. Ils portent les titres de chefs, directeurs, etc. On compte aussi parmi eux le président et son état-major, le personnel des services financiers, des ressources humaines, de la publicité, de la qualité et de l'organisation industrielle. Peu importe la dureté du travail qu'ils ont à faire, ils ne rapportent pas directement d'argent à l'entreprise. Pour cette raison, il vaudrait mieux y voir des « subordonnés ». Si ceux qui rapportent de l'argent cessaient une seconde de travaille/; l'entreprise perdrait en une seconde toute chance de gagner de l'argent. La difficulté est que ceux qui ne rapportent pas d'argent pensent avoir de meilleures connaissances et être mieux qualifiés que ceux qui en rapportent, car ils ont bénéficié d'une meilleure instruction. Ils rendent souvent le travail des autres plus difficile. Il leur arrive de penser « Sans nous, ils ne pourraient survivre alors qu'ils devraient se dire, tout au contraire. « Que pouvons-nous faire pour les aider à accomplir mieux leur travail sans notre aide?« Si pour nous, le client est roi, nous devrions appeler Bouddha le personnel du gemba. » Dans le passé, l'état-major de l'entreprise a toujours joué à l'égard du gemba, le rôle dirigeant. C'est en faisant bénéficier le personnel du gemba de ses conseils qu'il avait la responsabilité d'atteindre une plus grande efficacité. Le défaut de ce système tient à la séparation existante entre ceux qui donnent les directives et ceux qui les appliquent. La nouvelle approche doit être de celles dont nous devrions dire qu'elles sont centrées sur le gemba. Suivant cette nouvelle définition, le gemba a la responsabilité non seulement de la production, mais aussi de la qualité et des coûts, tandis que l'état-major l'assiste en retrait. Voici les conditions ù remplir pour réussir l'application d'une approche ayant pour centre le gemba : •
le gemba doit accepter d'être responsable de la réalisation du QCD;
•
le gemba doit être autorisé à avoir les coudées franches pour kaizen;
•
l'encadrement doit donner pour objectif au gemba d'atteindre le résultat, mais conserver la responsabilité de celui-ci (de même, l'encadrement doit aider le gemba à atteindre I 'objectif).
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Les avantages de l'approche centrée sur le gemba sont nombreux : •
les besoins du gemba sont plus facilement identifiés par ceux qui y travaillent;
•
une personne « en prise directe » pense toujours à toutes sortes de problèmes et de solutions;
•
la résistance au changement est minimisée;
•
l'ajustement continu devient possible;
•
il est possible d'obtenir des solutions fondées sur la réalité;
•
les solutions sont simples et pratiques, au lieu d'être coûteuses et plus orientées sur la méthode que sur la réalité :
•
les gens se mettent à apprécier kaizen et sont volontiers inspirés;
•
la sensibilisation à kaizen et l'efficacité du travail peuvent être accrues simultanément;
•
les ouvriers/employés peuvent penser à kaizen tout en travaillant;
•
il n'est pas toujours nécessaire d'obtenir une approbation de l'encadrement supérieur pour effectuer des changements.
LES REGLES D'OR DU MANAGEMENT DU GEMBA La première étape dans la gestion efficace du lieu de travail est de se tenir en contact étroit avec le gemba et de le comprendre. De là, les cinq règles d'or du management du gemba : •
lorsqu'un problème (une anomalie) se pose, aller d'abord au gemba;
•
vérifier le gembutsu (le point dont il s'agit);
•
prendre des mesures provisoires sur place;
•
découvrir la cause première;
•
standardiser pour prévenir le retour du problème.
Aller au gemba L'encadrement est responsable du recrutement et de la formation du personnel, de la fixation des standards de travail, et de la conception des produits et des processus. Ainsi, c’est à lui qu’il incombe de fixer les conditions applicables au gemba, et tout ce qui s'y passe retombe sur lui. Les cadres doivent connaître
la situation de l'usine; d'où l'axiome « Aller au gemba d'abord » Automatiquement, les cadres et les agents de maîtrise doivent se rendre sur place
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immédiatement, y passer cinq minutes, et observer avec attention tout ce qui se passe. On peut apprendre beaucoup de choses en cinq minutes. Ayant pris l'habitude de se rendre au gemba, le cadre sera suffisamment sûr de lui pour s'en remettre aux procédures d'usage de résolution des problèmes spécifiques. La plupart des cadres préfèrent rester travailler dans leur bureau, ils tiennent à prendre de la distance par rapport aux événements qui ont lieu au gemba. Ils ne viennent au contact de la réalité qu'à travers leurs rapports quotidiens, hebdomadaires ou même mensuels, ou des réunions. Kristianto Jahja, consultant kaizen ayant travaillé en Indonésie pour l'entreprise en participation constituée entre le groupe Astra et l'entreprise Toyota Motor, se rappelle la première fois où il fut envoyé, pour sa formation, à l'usine Toyota au Japon. Le premier jour, un agent de maîtrise qui lui avait été assigné comme mentor le prit dans un coin de l'usine, traça sur le sol un petit cercle de craie, et lui recommanda de se tenir toute la matinée à l'intérieur du cercle en ouvrant les yeux sur ce qui allait se passer. Ainsi, Kristianto observa et observa. Une heure et demie, deux heures au fur et à mesure que le temps passait, il s'ennuyait, car ce qu'il observait, c'était simplement un travail répétitif et routinier. Puis, il se mit en colère, se disant à lui-même : « Que cherche-t-il à faire? Je suis supposé apprendre ici beaucoup de choses, mais il ne m'apprend rien. Tient-il à me montrer son pouvoir? Quelle sorte de formation est-ce là? » Avant d'avoir perdu toute patience, il vit revenir l'agent de maîtrise, qui le conduisit à la salle réunion. Là, il demanda à Kristianto de lui décrire ce qu'il avait observé, lui demandant « ce qu'il avait vu et ce qu'il pensait du processus ». Quand Kristian vit qu'il n'était pas en mesure de répondre à ses questions, il réalisa que dans son observation, il avait omis de nombreux aspects extrêmement importants. En s'aidant de dessins et de croquis tracés sur une feuille de papier, son interlocuteur lui expliqua patiemment les points sur lesquels il n'avait pas su répondre, et put ainsi lui décrire les processus avec clarté et précision. Ce fut alors que Kristianto comprit la profonde connaissance que son mentor avait du processus et réalisa son ignorance. Administrée lentement, mais avec fermeté, la leçon du mentor était devenue claire : le gemba est la source de toutes les informations. Puis, son mentor lui dit que pour devenir un collaborateur de Toyota, on devait aimer le gemba, et que chez Toyota, tout le monde était convaincu que le gemba devait occuper la place la plus importante de l'entreprise.
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« Manifestement , dit Kristianto, ce fut la meilleure formation que j'ai jamais reçue, car elle m'a aidé à devenir véritablement un homme gemba, et ce mode de pensée gemba m'a toujours influencé tout au long de ma carrière. Maintenant encore, chaque fois que je vois un problème, mon esprit m'adresse immédiatement un message que je reçois cinq sur cinq : Vas d'abord au gemba et jettes-y un coup d'œil! » C'est là une méthode de formation courante au gemba japonais. On attribue à Taichi Ohno le développement du système de production Toyota. Ayant observé qu'un agent de maitrise avait perdu le contact avec les réalités du gemba, Ohno le conduisit à l'usine, traça un cercle, et demanda à l'intéressé de s'y mettre, jusqu'à ce qu'il ait compris la leçon. Ohno exhortait aussi ses visiteurs à visiter le gemba. Il leur disait : « Rendez-vous tous les jours au gemba. Et quand vous y aurez été, vous n'aurez pas usé en vain les semelles de vos chaussures. Vous en reviendrez au moins avec une idée en faveur de kaizen. Quand il introduisit pour la première fois les concepts du Juste-à-Temps chez Toyota, Ohno rencontra une résistance de toutes parts. L'une des sources d'opposition la plus forte venait du service financier, dont le personnel ne croyait qu'à ce qui était consigné dans les comptes-rendus financiers et ne mettait souvent aucun empressement à affecter des ressources aux besoins kaizen liés au gemba, au motif qu'elles ne rapporteraient pas de bénéfices immédiats. Pour réduire cette opposition, Ohno exhortait les comptables à se rendre à l'usine. Il leur disait d'user deux paires de chaussures par an, uniquement pour se promener autour du lieu de production, en observant la façon dont les stocks, l'efficacité, la qualité, etc., y étaient améliorés, et comment ces améliorations contribuaient à des réductions de coûts. Dans ses dernières années, Ohno fut invité à prononcer des discours pour faire partager ses expériences. On dit que l'un d'eux commençait par ces mots : « Y a-t-il parmi vous, des personnes appartenant au service financier de l'entreprise? ». Lorsque des personnes levaient la main, il leur disait : « Vous n'allez pas comprendre ce que je vais vous dire. Même si vous le comprenez, vous ne pourrez pas l'appliquer, car vous vivez loin du gemba. Sachant combien vous êtes occupé, je crois que vous occuperez bien mieux votre temps à retourner travailler dans vos bureaux ». Bien entendu, il leur tenait ces propos sur le ton de la plaisanterie, sachant bien que l'appui des cadres financiers est décisif pour gemba kaizen. Le président de Fuji Xerox, Akira Miyahara, commença sa carrière chez Fuji Photo Film Company, comme comptable chargé des coûts. Sachant que le gemba était la source des données réelles, il s'y rendait pour s'assurer de la véracité des informations obtenues. Au moment de consigner le chiffre des jets sur le rapport financier, il se sentait obligé de se rendre au gemba pour en observer la raison, car il pensait que le travail d'un comptable ne se limitait pas à s'occuper des chiffres, et qu'il lui fallait aussi comprendre le processus existant derrière eux. Voyant souvent Miyahara venir au
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gemba, le responsable finit par mettre à sa disposition un pupitre particulier tout près de la chaîne de production. L'attachement de Miyahara pour le gemba persista bien après son transfert chez Fuji Xerox Company, et sa promotion à d'autres niveaux de l'encadrement. Devenu par exemple, directeur général de la division des ventes, il jugeait que le gemba se situait à l'endroit précis où se trouvait le personnel de vente et de service, c'est-à-dire chez les clients. Il accompagnait les représentants dans leurs visites chez les clients, ce qui lui donnait une bien meilleure compréhension de leurs besoins que la simple lecture de comptes-rendus. Lors d'un voyage en Amérique centrale, il m'est arrivé de visiter une filiale de Yaohan, chaîne japonaise de supermarchés dont le siège est à Hong Kong. et dont les magasins sont répartis à travers le globe. Je demandai au directeur général, qui avait son bureau dans le coin d'un entrepôt, s'il se rendait souvent au gemba (dans un supermarché, le gemba englobe le magasin proprement dit où ont lieu les ventes, l'entrepôt et les caisses). Mon interlocuteur me répondit, en s'excusant : « Vous savez, j'ai un assistant chargé du gemba, de sorte que je n'y vais pas aussi souvent que je le devrais » Je le pressai de me dire exactement combien de fois il s'y rendait. Il me répondit : « Bien, je dois y aller à peu près trente fois par jour Ce responsable s'excusait de n'aller au gemba que trente fois par jour! « Quand je parcours le gemba, me dit-il, je ne regarde pas seulement pour y observer le nombre de clients, la bonne disposition de la marchandise, les articles le plus souvent choisis, et ainsi de suite, mais je promène aussi mon regard au plafond et au plancher, pour voir s'il n'y a pas quelque anomalie. Parcourir le gemba et regarder devant soi est une chose que tout cadre peut faire, savez-vous? » Un endroit qui, de toute évidence, n'est pas le gemba, c'est le bureau du cadre. Lorsque, de son bureau, un cadre prend une décision fondée sur des chiffres sans s'être rendu au gemba, il doit s'interroger soigneusement sur la source d'informations dont il dispose. Voici un exemple illustrant cette affirmation, En raison de la nature volcanique de son sol, le Japon possède un grand nombre de sources d'eau chaude. Une attraction spectaculaire des stations thermales est le bain en plein air (rotemburo), où l'on peut se baigner en jouissant de la vue sur les montagnes et la rivière. Récemment, j'ai passé plusieurs jours dans un grand hôtel thermal disposant à la fois d'une piscine intérieure et d'une piscine extérieure. La plupart des clients de l'hôtel voulaient se baigner d'abord dans la piscine intérieure, avant de descendre les marches pour se rendre au bain extérieur, le rotemburo. Dans chaque bassin, je retrouvais normalement une moitié environ des clients. Un soir, je trouvai la piscine intérieure pratiquement vide. En y pénétrant, j'en compris la raison : l'eau était
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trop chaude! Dans le rotemburo, où la température était douce, il y avait foule. Il était clair que quelque chose n'allait pas dans le bassin intérieur. Une préposée, chargée des serviettes et du nettoyage de la piscine, n'avait rien remarqué d'anormal. Dès que j'eus attiré son attention sur le problème, elle s'empressa de donner un coup de téléphone et, en fin de compte, la température de l'eau redevint normale. Plus tard, je m'entretins de l'incident avec le directeur général de l'hôtel, un de mes excellents amis. Il me dit que la température du bain intérieur était fixée à 42.5°C et celle du bain extérieur à 43°C. Puis il poursuivit son explication : « Nous avons une chambre de contrôle, où notre technicien surveille étroitement la température des bains, celle de la salle, les alarmes incendie, etc. Toutes les fois qu'il constate une anomalie sur les appareils de mesure, il est supposé prendre une mesure corrective ». Je lui répondis : -Voilà l'erreur! ». La personne qui surveille les appareils se repose seulement sur une information secondaire. L'information sur la température des bains est d’abord collectée par un thermomètre immergé, puis transmise à la chambre contrôle par un appareil électromécanique agissant sur le cadran. Tout, dans ce processus, pourrait mal fonctionner. La réalité que l'on pouvait observer au gemba était qu'au moment des faits, il y avait très peu de monde dans le bain intérieur. Si la préposée avait été formée à plus d'attention, elle aurait pu remarquer la situation, plonger une dans l'eau et s'apercevoir qu'elle était trop chaude! J'ajoutai à l'intention de mon ami : « L'information que l'on obtient au gemba est la plus fiable. La sensation de chaleur que ressent la main trempée dans l’eau est une réalité. Souvent, lorsque l'on est au gemba, on n'a même pas besoin de données, car ce que l'on ressent et que l'on voit, c'est la réalité même, les données originales. Ce sont ceux qui sont au gemba qui devraient être responsables de la qualité, car ils y sont confrontés tout le temps. Ils ne devraient pas penser que le maintien de la qualité est la tâche de la personne qui se tient dans la chambre de contrôle! » Dr. Kaoru Ishikawa, l'un des « gourous » de la qualité au Japon, aimait à dire : « Quand vous voyez des données, mettez-les en doute Quand vous voyez des mesures, faites-en de même! » Il savait qu'un grand nombre de données sont collectées dans l'entreprise pour plaire au chef et que les mesures sont souvent faites ou enregistrées de façon incorrecte par les appareils. Au mieux, les mesures ne sont qu'une information secondaire qui ne peut pas refléter les conditions réelles. J'ai observé que de nombreux cadres occidentaux tendaient à choisir de ne pas se rendre au gemba. Il peut leur arriver de mettre leur fierté à ne pas y aller, et à ne pas en connaître grand-chose. Récemment, ayant appris du président d'une entreprise qu'il n'avait jamais visité l'usine, lui suggérai de le faire de temps en temps
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Il me répondit : « Je suis ingénieur de formation, je sais lire et interpréter des données. Je puis donc prendre de bonnes décisions en me fondant sur elles. Pourquoi devrais-je me rendre à l'usine? » Cette attitude démontre l'immensité du fossé qui sépare la direction du lieu de travail, situation qui conduit l'entreprise à affronter à la fois des gaspillages internes et la concurrence. Cette situation est exacerbée parallèlement par une absence d 'égards de la part des ouvriers. Dans une autre usine que j'ai visitée, on me dit que toutes les fois qu'un « gros bonnet » de l'état-major du groupe venait en visite, les responsables de l'usine devaient passer des heures debout dans la salle de conférence, pour répondre à des questions absurdes d'un cadre qui ignorait tout de ce qui se passait au gemba, et repartait après avoir laissé des instructions inadaptées et génératrices de désordres. « Nous nous serions bien mieux porté si ces réunions n'avaient pas existé » m'ont dit les responsables de l'usine.
Vérifier le gembutsu En japonais, gembutsu veut dire quelque chose de physique ou de tangible. Dans le contexte du gembutsu, le mot peut se rapporter à une machine en panne, un rebut, un instrument détérioré, des produits renvoyés, ou encore la réclamation d'un client. Informés d'un problème ou d'une anomalie, les cadres doivent aller au gemba et vérifier le gembutsu. En observant de près le gembutsu au gemba, en posant à plusieurs reprises la question « pourquoi? » et en faisant appel au bon sens, ils doivent être en mesure d'identifier la cause première du problème, sans appliquer de technologie compliquée ou d'outil de résolution de problèmes. Par exemple s'il s 'est produit un rejet, le simple fait de prendre l'objet en main, de le toucher, de le sentir, de l'examiner de près, d'observer la méthode de production en révèlera probablement la cause. Certains cadres pensent que si l'une des machines de l'entreprise tombe en panne, pour eux, le gemba ne se trouve pas là où est la machine, mais dans la salle de conférence. C'est là qu'ils se réunissent pour parler du problème sans avoir eu un regard pour le gembutsu (dans ce cas précis, la machine), et air tout le monde dégage sa responsabilité. Kaizen débute par la reconnaissance du problème. Une fois celle-ci effectuée, on est à mi-chemin du succès. L'une des fonctions de l'agent de maitrise doit être de garder constamment un regard pour le lieu de l'action et d'identifier les problèmes, sur la base des principes gouvernant le gemba et le gembutsu. Un agent de maîtrise me faisait récemment la remarque suivante : « Je parcours le gemba quotidiennement et m'efforce de porter mon attention sur le gembutsu pour y découvrir quelque chose d'inhabituel que je puisse ramener à mon bureau pour y travailler. Lorsque je ne trouve rien pour kaizen, je me sens frustré jusqu'à la fin de la journée
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président. On le trouvait toujours quelque part au gemba. Mécanicien de formation et ayant travaillé toute sa vie près du gemba, par exemple pour régler et ajuster des moteurs avec un tournevis et une clé, il avait des cicatrices plein les mains. Plus tard, visitant des écoles voisines pour s'entretenir avec des enfants, il leur montrait fièrement ses mains, leur permettant de toucher ses cicatrices.
Prendre des mesures provisoires sur place Il m'est arrivé de visiter une usine et d'y voir un petit balai attaché à une machine affectée à des opérations de découpage. Je remarquai que la machine s'arrêtait en raison de la chute de fragments de métal sur la courroie qui en commandait le fonctionnement, bloquant son mouvement. À cet instant, l'opérateur s'emparait du balai pour enlever les fragments, dégager la courroie et remettre la machine en marche. Un moment plus tard la machine s'arrêtait à nouveau, et l'opérateur répétait le même processus pour la faire repartir Si une machine s'arrête de fonctionner, il faut rapidement la remettre en marche. La représentation doit continuer. Quelquefois, un coup de pied dans la machine peut faire l'affaire. Toutefois, il ne s'agit là que d'une mesure provisoire, touchant seulement aux symptômes de l'interruption, non à sa cause première. C'est la raison pour laquelle nous devons vérifier le gembutsu et poser la question « Pourquoi? », jusqu'à ce que nous ayons identifié les causes premières du problème. Ce qu'il faut, c'est que la détermination et la discipline librement consentie ne suspendent jamais l'effort kaizen au troisième stade (celui des mesures provisoires), mais qu'elles se poursuivent jusqu'au stade suivant, celui de l'identification de la cause réelle du problème et de la prise de décision.
Découvrir la cause première Il est un type de problèmes que l'on peut résoudre très facilement en utilisant les principes gemba-gembutsu et le bon sens. Avec un bon examen du gembutsu sur le lieu du problème, et la volonté d'identifier les causes premières, on a des chances de résoudre sur le tas et en temps réel de nombreux problèmes liés au gemba. Il est un second type de problèmes qui exige pour sa solution une préparation substantielle et un plan; c'est le cas par exemple, de certains problèmes d'ingénierie, ou liés à l'introduction de nouvelles technologies ou de nouveaux systèmes. Dans ces cas-là, les responsables ont besoin de collecter différentes sortes de données, voire d'appliquer aussi des outils compliqués de résolution de problèmes. Par exemple, si la chute de fragments de métal sur une courroie de convoyeur est la cause d'interruptions, il est possible de confectionner sur le tas, avec une simple feuille de carton, un guide ou un couvercle. Une fois confirmée l'efficacité de la nouvelle
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méthode, un dispositif métallique permanent peut être installé. Ce genre de modification peut être effectuée en quelques heures, assurément en un jour ou deux. Les occasions de procéder à ce genre de modifications abondent au gemba, et l'un des axiomes les plus populaires de gemba kaizen est le suivant « Faites-le maintenant, faites-le sur-le-champ! » Malheureusement, les cadres sont nombreux à penser qu'il faut effectuer une « étude » détaillée de chaque situation avant d' appliquer quelque kaizen que ce soit. En réalité, près de 90 % de l'ensemble des problèmes du gemba peuvent être résolus sur-le-champ pour peu que l'encadrement voie ce dont il s'agit et insiste pour qu'ils soient traités sur le tas. Les agents de maîtrise ont besoin d'être formés à la pratique de kaizen et au rôle qu'ils devraient jouer. L'un des instruments les plus utiles pour la résolution des problèmes du gemba est de poser sans relâche la question « Pourquoi? » jusqu'à aboutir à la cause première. On donne parfois à ce processus l'appellation des « Cinq pourquoi », car il est fort probable qu'en posant cinq fois d'affilée la question « Pourquoi », on découvre la cause première. Supposons, par exemple, que l'on surprenne un ouvrier en train de répandre de la sciure de bois dans le couloir entre deux machines. Question :
Pourquoi répandez-vous de la sciure?
Réponse :
Parce que le plancher est glissant et peut présenter un danger.
Question :
Pourquoi le plancher est-il glissant et peut-il présenter un danger?
Réponse :
Parce qu'il y a de l'huile sur le plancher.
Question :
Pourquoi y a-t-il de l'huile sur le plancher?
Réponse :
Parce qu'elle fuit de la machine.
Question :
Pourquoi fuit-elle de la machine?
Réponse :
Parce que l'huile s'échappe du cardan à huile.
Question :
Pourquoi fuit-elle du cardan?
Réponse :
Parce que le revêtement de caoutchouc à I ' intérieur du cardan est usé.
Ainsi, en posant cinq fois la question « pourquoi on peut identifier la cause première et prendre une mesure, comme le remplacement du caoutchouc par du métal afin d'arrêter une fois pour toutes la fuite d'huile! Bien entendu, suivant la complexité du problème, il peut être nécessaire de poser la question « Pourquoi », plus ou moins de cinq fois. Toutefois, j'ai remarqué que les gens ont tendance à regarder un problème (dans ce cas, l'huile sur le plancher) et à se précipiter sur la conclusion que s'ils répandent de la sciure, tout sera résolu.
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Standardiser pour prévenir le retour du problème La tâche du responsable du gemba est de réaliser le QCD (Qualité, Coût, Délai). Toutefois, quotidiennement, toutes sortes de problèmes et d'anomalies se produisent dans l'usine. Des produits non conformes sont fabriqués entrainant des rejets, des machines tombent en panne, des objectifs de production ne sont pas atteints et des gens ne se présentent pas à l'heure au travail. Toutes les fois qu'un problème se pose, l'encadrement doit le résoudre et s'assurer qu'il ne réapparaitra pas pour la même raison. Une fois le problème résolu, les procédures doivent donc être standardisées. Autrement, le personnel est toujours occupé à combattre le feu (ceci est également vrai dans des situations qui se présentent en dehors de la fabrication). Aussi, la cinquième et dernière étape, règle d'or du management gemba, estelle la standardisation. Quand un problème survient au gemba, qu'il s'agisse d'une machine en panne en raison du blocage des convoyeurs par des fragments de métal ou d'une réclamation de clients de l'hôtel sur la façon dont les télécopies sont acheminées, il est nécessaire d'abord de l'examiner avec soin sur la base des principes gemba-gembutsu. Puis, il faut en rechercher les causes premières, et une fois confirmée l'efficacité de la procédure conçue pour résoudre le problème, standardiser la nouvelle procédure. Un couvercle permanent est posé sur l'outil de découpage de la machine, une nouvelle procédure d'acheminement des télécopies est mise en place. De cette manière, chaque anomalie donne naissance à un projet kaizen, qui doit conduire en fin de compte, soit à l'introduction d'un nouveau standard, soit à l'amélioration du standard actuel. La standardisation assure la continuité des effets de kaizen. On peut définir un standard comme « la meilleure façon d'accomplir une tâche ». Si le personnel du gemba se conforme à ce standard, le QCD est assuré et le client, satisfait. Si standard signifie meilleure façon, il s'ensuit que le personnel doit se conformer au même standard de la même façon et tout le temps. S'il ne se conforme pas aux standards d'un travail répétitif, ce qui est souvent le cas dans les gemba de fabrication, le résultat varie, conduisant à de plus larges fluctuations de la qualité. L'encadrement doit imposer les standards au personnel comme seul moyen d'assurer un QCD satisfaisant pour le client. Les cadres qui ne prennent pas l'initiative de standardiser les procédures de travail, et préfèrent laisser aux agents de maitrise le soin de faire marcher les choses à leur place, gèrent mal leur fonction de gestionnaires du gemba. TRANSFORMER LES BUREAUX EN GEMBA Chez Giorgio Foods, Inc., à Temple, Pennsylvanie, États-Unis, les bureaux étaient jadis installés en étage, le gemba au rez-de-chaussée. En étage, des cloisons séparaient les fonctions les unes des autres : ventes, marketing, bureau d'études, Recherche et Développement, personnel.
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Mais le président de l'entreprise, Fred Giorgi, était d'avis que tous ceux dont la fonction était de soutenir le gemba devaient y installer leurs bureaux. Aussi déclara-t-il un jour : « Nous allons tous nous déplacer pour nous installer au gemba et nous travaillerons tous ensemble dans une grande pièce dépourvue de cloisons! » Comme on pouvait s'y attendre, ce fut un concert de protestations. « Ce serait trop bruyant! « Nous ne pourrons plus nous concentrer sur notre travail! », « Nos collaborateurs nous quitteront! », « Nous ne pourrons garder secrets les problèmes de l'entreprise! ». F. Giorgi fut inébranlable : « S'il se produit des fuites ainsi, dit-il, c'est que de toute façon, rien ne peut rester secret. Si cela ne plaît pas à certains, qu'ils s'en aillent! » À la fin, tout le monde déménagea de bon cœur. Aujourd'hui un visiteur peut, d'un seul coup d'œil, voir tout le mon travailler dans une grande pièce. S'il est attentif, il découvrira F. Giorgi parmi eux, discrètement assis à un petit bureau flanqué de deux autres, occupés chacun par un cadre de l'entreprise. « Auparavant, dit E Giorgi, toutes les fois que je voulais réunir les cadres, je devais avant d'annoncer la réunion vérifier qui était là et qui n'y était pas. Maintenant, je regarde autour de moi et je vois qui est présent. Puis, je hurle : Hé! Allons dans la salle de réunion parler de cette question! Pas de muda (ici, temps perdu)! » Cette disposition offre aussi d'autres avantages : •
à l'entrée des bureaux, il y a deux petites pièces, l'une réservée à la standardiste, l'autre au service du personnel. La première dispose d'une ouverture permettant à la standardiste de s'assurer de la présence des gens, ce qui lui fait gagner beaucoup de temps;
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d'autre part, toutes les personnes ayant à se rendre dans un des bureaux doivent passer par le bureau du personnel; il leur est plus facile d'approcher les collaborateurs du personnel pour s'entretenir de sujets les concernant.
Tony Puglio, ancien chef du service de l'étiquetage chez Giorgio Foods, raconte : « Il y a cinq ans, je passais beaucoup de temps au bureau à faire de la paperasse. Je pensais avoir toutes les réponses, persuadé de pouvoir tout faire moi-même. Maintenant, je trouve que nous pouvons mesurer la différence, et nous la devons à nos activités kaizen — réunions des cercles de qualité, écoute des suggestions des ouvriers/employés, visites rendues sur le lieu de travail, temps passé à y examiner l'un après l'autre tous les problèmes et à les corriger. J'ai découvert que mes collaborateurs avaient de grandes capacités, talents artistiques, talents pour la menuiserie, les travaux d'électricité ou d'entretien, dont j'ignorais l'existence. Ils ont été capables d'effectuer eux-mêmes tout le travail kaizen et de s'imposer sur les lignes d'assemblage.
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La différence, maintenant, c'est que je passe près de 90 % de mon temps avec les ouvriers. Je pense qu'en passant plus de temps ici, cela m'a permis de voir leurs problèmes. Avant, quand ils venaient me voir au bureau et me confier leurs difficultés, je les écoutais, mais ne faisais pas grand-chose pour eux. Je ne réalisais pas que nous passions ainsi des années et des années pendant lesquelles je supposais que tout allait bien. Mais ce n'était pas le cas. En me rendant sur le tas, j'ai pu voir réellement ce dont les ouvriers parlaient. Maintenant, je note que tout le monde fournit un peu plus d'effort; tous sont excités, fiers de l'unité à laquelle ils appartiennent. Ils tiennent tout en ordre, chaque chose à sa place, et beaucoup plus propre. Le lieu de travail a un bel aspect et les nouveaux y travaillent volontiers. Ils se sentent bien. Ils en donnent l'impression et c'est réellement le cas. Ils voient ces changements à l’œuvre et ce qui est différent, c'est que cela leur rend le travail un peu plus facile. » APPLICATION DES REGLES D'OR Laissez-moi vous expliquer la façon dont ces règles d'or ont été appliquées dans un cas que j'ai rencontré personnellement. La télécopie devient un instrument indispensable pour l'entreprise. Consultant kaizen passant plus de la moitié de mon temps à parcourir le monde, je ne sais pas comment je pourrais faire mon travail sans télécopie. Lors d'un récent séjour à l'hôtel, il y a quelques jours, la façon dont les télécopies étaient traitées à leur arrivée me valut une série de difficultés. J'étais supposé en recevoir une de Tokyo. Ayant appelé mon assistant là-bas, il m'assura qu'elle m'avait été transmise quelques heures auparavant. Le document ne m'ayant pas été remis, je m'adressai à la réception pour en demander la raison. La personne au comptoir était sûre qu'aucune télécopie n 'était arrivée pour moi. J'avais reçu plus tôt, dans le même hôtel, plusieurs télécopies qui m'étaient adressées, ainsi que plusieurs autres qui ne m'étaient pas destinées. J'étais à ce point ennuyé que je me demandai finalement comment j 'agirais si j’étais directeur général de cet hôtel et si je recevais de nombreuses réclamations de clients sur la façon dont le personnel s'occupait des télécopies. Ma conclusion fut bien entendu d'appliquer les règles d'or! Je me mis ainsi à la place d'un directeur d'hôtel intéressé à pratiquer le gemba kaizen. La première chose fut d'aller au gemba, dans ce cas précis, le vestibule. Je montai sur une plate-forme située dans un coin de la pièce (mais sans tracer de cercle à la craie!) et j'y demeurai quelques minutes, observant attentivement la façon dont le personnel de la réception traitait les télécopies. Il ne me fallut pas cinq minutes pour m'apercevoir qu'il n'existait aucune procédure particulière! Par exemple, aucune place n'avait été prévue pour conserver les documents à l'arrivée (pas de standard). Certains employés les mettaient dans des boîtes individuelles, d'autres les laissaient sur le comptoir. D'autres encore les mettaient là où ils trouvaient une place. Aussi, quand les télécopies (gembutsu) sortaient de la machine (autre gembutsu) dans l'ordre
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Inverse pages, les employés ne prenaient même pas le temps de les mettre dans le bon ordre. Ceci me sembla être la raison pour laquelle des télécopies destinées à d'autres que moi m'avaient été remises. M'étant ainsi informé de la situation, j'invitai à se réunir le personnel du gemba et lui demandai de mettre au point une procédure pour le traitement des télécopies, prévoyant notamment le classement des pages dans le bon ordre, et le rangement des télécopies dès leur arrivée dans les compartiments des clés. Je lui conseillai également de noter l'heure à laquelle les télécopies étaient remises aux clients (standardisation) afin d'éviter d'éventuelles réclamations de clients qui prétendraient ne pas les avoir reçues. Il ne fallut guère plus d'une heure pour discuter de la nouvelle procédure et pour l'approuver. Voilà la signification essentielle de la phrase « Va au gemba, et fais immédiatement ce qu'il faut! » Une fois approuvée, la procédure est suivie régulièrement. S'il surgit des problèmes ou des réclamations de clients, la procédure peut être affinée, de telle sorte que le système de traitement des télécopies de l'hôtel s'améliore continuellement avec le temps. LA MAISON DE GEMBA
Figure 2-3
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La Figure 2-3, représentant la « maison de gemba », montre, en perspective, les activités exercées au gemba pour parvenir au QCD (Qualité, Coût, Délai). Une entreprise fabriquant des produits ou rendant des services de qualité à un prix raisonnable et les délivrant en temps voulu, satisfait ses clients, et conserve leur loyauté à son égard. (Pour plus de détails sur le QCD, se reporter au chapitre 3.) Convenablement appliqué, kaizen peut améliorer la qualité et réduire les coûts dans des proportions considérables, et satisfaire les exigences de livraison des clients sans investissement significatif ou introduction de technologie nouvelle. Trois grandes activités kaizen, la standardisation, les « 5 S » (qui recouvrent différentes tâches de gestion de la maison) et l'élimination du muda (gaspillage) contribuent à la réussite du QCD. Ces trois activités sont indispensables à l'obtention d'un QCD « au plus juste », efficace et réussi. La standardisation, l'élimination du muda et les « 5 S » sont faciles à comprendre et à appliquer, ils n'exigent pas de connaissances ou de technologies compliquées. Tout le monde — cadres, agents de maîtrise, ouvriers ou employés — peut accomplir aisément ces activités de bon sens et à faible coût. La difficulté est d'établir la discipline librement consentie nécessaire à leur maintien.
Standardisation Pour réaliser le QCD, l'entreprise doit gérer convenablement de multiples ressources. Celles-ci comprennent la main-d'œuvre, l'information, l'équipement, et les matières premières, le tout géré de façon quotidienne. Pour être efficace, la gestion exige des standards. Il s'agit dans ce cas, de standards de gestion des ressources. Chaque fois qu'un problème ou une irrégularité se produit, le cadre doit l'examiner, identifier la cause première, et revoir les standards existants ou en appliquer de nouveaux pour prévenir toute réapparition. Les standards deviennent partie intégrante de gemba kaizen et servent de base à la gestion quotidienne comme à l'amélioration. La standardisation au gemba revient souvent à traduire les exigences technologiques et de conception spécifiées par les ingénieurs en standards Opérationnels applicables au jour le jour par les ouvriers. Un tel processus de traduction n'exige ni technologie, ni complication superflue. Il réclame simplement un plan clair, élaboré par l'encadrement et déployé en phases logiques. Les implications des standards seront expliquées de façon détaillée au chapitre 4. Ainsi, pour ce qui concerne la gestion des ressources, deux activités principales s'exercent au gemba quotidiennement : la maintenance et kaizen. La première se rapporte au respect des standards existants et au maintien de l'état de choses existant, la seconde, à l'amélioration des standards. Les responsables du gemba engagés dans l'une ou l'autre de ces deux fonctions, obtiendront comme résultat le QCD. Dans certains domaines du gemba, kaizen a été à ce point sous-employé qu'en le mettant en œuvre, on obtient des résultats spectaculaires.
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Les « 5 S » (l' « art de bien gérer sa maison) Les « 5 S » correspondent à l'initiale de cinq mots japonais résumant tout l' « art de bien gérer sa maison Aujourd'hui, la pratique des « 5 S » est pratiquement devenue un must pour toute entreprise japonaise engagée dans la fabrication. Un observateur perspicace, expert en management du gemba peut, en visitant l'usine et en observant attentivement ce qui s'y passe, déterminer en cinq minutes dans quelle catégorie se situe l'entreprise, en particulier pour ce qui concerne l'élimination du muda et des « 5 S ». L'absence des « 5 S » au gemba est presque toujours synonyme d'inefficacité et de muda, de discipline librement consentie inexistante, de moral bas et de qualité faible, de coûts élevés et d'incapacité à respecter les conditions de la livraison. Les fournisseurs qui ne pratiquent pas les « 5 S » ne sont pas pris au sérieux par des clients potentiels. Ces cinq points de l' « art de bien gérer sa maison » deviennent le point de départ de toute entreprise cherchant à être reconnue comme un fabricant responsable (Voir Chapitre 5). Récemment, avant de démarrer ses opérations d'assemblage en Europe, un fabricant japonais d'automobiles envoya ses responsables des achats visiter plusieurs fournisseurs européens éventuels. Dans l'ardente prévision d'une nouvelle activité, l'un des fournisseurs avait préparé un programme détaillé pour recevoir ses clients potentiels : présentation d'une durée d'une heure, illustrée de graphiques et de diagrammes, décrivant les efforts accomplis pour améliorer la qualité. Les visiteurs eux demandèrent à visiter le gemba (les ateliers). À leur arrivée, ils avaient été conduits dans la salle des conférences. Les cadres japonais insistèrent, néanmoins, pour qu'on leur fasse visiter le gemba avant toute chose, bousculant l'ordre du jour de la conférence. Une fois rendus à l'usine, ils n'y restèrent que quelques minutes, puis se préparèrent à partir. Abasourdi, le directeur général les implora : « Dites-nous, de grâce, ce que vous avez trouvé! Voici la réponse qu'il obtint : - Nous avons vu que votre art de bien gérer la maison était d'un très faible niveau. Quant à l'usine, le désordre y règne en maitre. Pire encore, nous avons vu des ouvriers fumer sur la ligne d'assemblage. Si la direction permet que de telles choses se passent au gemba, c'est qu'on ne traite pas avec tout le sérieux nécessaire la fabrication de composants d'une importance vitale pour la sécurité automobile, et nous ne voulons pas traiter avec une direction qui n'est pas suffisamment sérieuse. »
L'élimination du muda Muda signifie gaspillage en japonais et se rapporte à une chose ou une activité qui ne créent pas de valeur ajoutée. Au gemba, seuls sont exercés deux types d'activités : celles qui créent une valeur ajoutée et celles qui n'en créent pas. La machine effectue une tâche créant de la valeur ajoutée; sans considération pour l'attention, sinon l'affection qu'il voue à la machine, l'ouvrier n'en crée
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pas. Lorsqu'un ingénieur de maintenance parcourt un long trajet, outil en main, il ne crée pas de valeur ajoutée. La valeur ajoutée n'est créée qu'au moment Où la machine est réparée, entretenue, où installée à l'aide de cet outil. Les clients ne paient pas pour des activités ne créant pas de valeur ajoutée. Pourquoi, dans ces conditions, y a-t-il donc au gemba tant de gens engagés dans des activités ne créant pas de valeur ajoutée? Un jour, le directeur d'une usine voulut vérifier la distance parcourue par un ouvrier à l'intérieur du gemba dans le cours d'une année. Il découvrit qu'il parcourait 400 kilomètres par an. Si au gymnase, la course est un bon exercice pour la santé, ce n'est le cas au gemba! Ironiquement, on peut noter que dans certaines usines équipées de gymnases où l'on s'entraîne à la course, les ouvriers passent plus de temps à courir à l'intérieur du gemba pendant les heures de travail qu'au gymnase, en dehors! Me trouvant un jour à l'aéroport Fort Worth de Dallas, au Texas, j'avais besoin de faire endosser mon billet afin de pouvoir le changer pour une autre compagnie. Après avoir patienté plusieurs minutes au guichet, mon tour arriva enfin, mais ce fut pour m'entendre dire que, pour obtenir cet endos, il fallait me rendre à un autre guichet dans un autre terminal. Les terminaux de Dallas-Fort Worth étant fort distants les uns des autres, je fus obligé de prendre une navette, un gros muda en termes de kaizen! Parvenu au nouveau guichet, il me fallut à nouveau prendre la file plusieurs minutes. Quand mon tour arriva, l'employé de la compagnie tamponna mon billet avec un Bang! » sonore et me dit « Voilà, Monsieur »! Je me posai la question « Ai-je mérité d'attendre près d'une demi-heure pour cela? À quel moment ai-je obtenu ma valeur ajoutée? » « Bang! » Pour moi, c'était le moment de la vérité. Lorsqu'une entreprise de services dirige ses affaires de façon inefficace, elle ne se borne pas à gaspiller ses propres ressources, elle vole un temps précieux à ses clients. Tout travail effectué au gemba s'analyse en réalité en une série de processus. En supposant qu'une centaine de processus se déroule depuis la réception des matières premières et des composants jusqu'à l'assemblage final et la livraison, le temps de création de valeur ajoutée à chaque processus est exactement comparable au « Bang! ». Il suffit de penser au temps infime qu'il faut pour emboutir une feuille de métal, façonner une pièce sur un tour, traiter une feuille de papier, donner une signature pour accord. Ces activités créatrices de valeur ajoutée ne prennent que quelques secondes. Même en supposant que chaque processus prenne une minute, l'activité totale de création de valeur ajoutée ne prendrait, pour une centaine de processus, que cent minutes, soit une heure quarante. Dans ces conditions, pourquoi donc, dans la plupart des entreprises, des jours ou des semaines s'écoulent-ils entre le moment où sont apportées les matières premières et les pièces et celui où sortent les produits finis, où pour qu'un document franchisse le processus de sa production? II y a beaucoup trop de muda entre chaque instant de création de valeur ajoutée. Nous devrions chercher à réaliser
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une série de processus permettant de nous concentrer sur chacune des phases de création de valeur ajoutée. « Bang! Bang! Bang! » et éliminer l'intervention des temps morts. L'élimination du muda et l’art de bien gérer sa maison vont souvent ensemble. Les installations d'où le muda a été éliminé font apparaître un niveau élevé de « 5 S »; en sens inverse, l'art de bien gérer sa maison, bien pratiqué, aide à éliminer le muda. Le chapitre 6 présente une explication plus détaillée du muda.
Les fondations de la maison du gemba Convenablement pratiqué, l'art de bien gérer sa maison est le signe que le moral du personnel et la discipline librement consentie sont bons. Toute entreprise peut obtenir de son personnel, pendant un certain temps, un degré élevé de discipline librement consentie. Conserver ce degré constitue, toutefois, un véritable défi. Et au moment où disparaît la discipline librement consentie, son absence se manifeste sous la forme d'un gemba en désordre. L'élévation du moral et du degré de la discipline librement consentie au gemba exige de l'encadrement et du personnel leur engagement et leur participation ainsi que la mise en commun des informations. Certaines activités accélèrent le processus kaizen en conservant leur rythme, ce qui mène en fin de compte à la culture gemba : travail en équipe, comme dans les cercles de qualité et autres petits groupes, et systèmes de suggestions du personnel permettant aux ouvriers de rester continuellement à l'affût d'objectifs kaizen potentiels. Quand les membres du personnel du gemba prennent part aux activités kaizen et constatent les changements spectaculaires qu'elles suscitent, ils sont de plus en plus enthousiastes et librement disciplinés. Une communication plus positive sur tout ce qui se passe dans l'usine et dans les bureaux, la participation la fixation des objectifs kaizen et l'utilisation des différentes variétés de management visuel jouent aussi un rôle déterminant pour soutenir l'élan en faveur de kaizen au gemba.
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Pour être rentable, l'entreprise doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour réaliser dans toutes ses activités, le QCD (Qualité, Coût, Délai). Les clients ne sont pleinement satisfaits que lorsque leurs attentes sont comblées par chacun de ces trois aspects. Qualité, Coût et Délivrance du produit ne constituent pas des catégories distinctes. Ou plutôt elles sont étroitement reliées entre elles. Il est inutile d'acheter des produits ou des services d'où est absente la qualité, quelque attractif en soit le prix. En sens inverse, proposer des produits ou services de bonne qualité à un prix attractif et ne pas les livrer dans les délais voulus pour la quantité demandée correspondant aux besoins du client, cela n'a aucun sens. LA QUALITE, PLUS QU'UN SIMPLE RESULTAT Dans ce contexte, la qualité s'entend de la qualité des produits ou des services. Toutefois, dans un sens plus large, elle signifie aussi qualité des processus et du travail ayant servi à les obtenir. Dans sa première définition, nous pourrions l'appeler « qualité du résultat » et dans la seconde, « qualité du processus ». Ainsi définie, la qualité parcourt toutes les phases de l'activité de l'entreprise, à savoir : l'ensemble des processus de développement, de conception, de production, de vente et de service nécessaires à l'obtention des produits ou des services. La Figure 3-1 (diagramme du système d'assurance qualité de Toyoda Machine Works) montre comment se déroulent les activités d'assurance qualité dans une entreprise de fabrication de machines-outils. On peut dire que ce diagramme représente le flux d'activités depuis l'identification des exigences du client et son passage par des phases comme l'étude de produit 1 (se rapportant à l'étude de produit du point de vue du client), l'étude de produit 2 (se rapportant à l'étude de produit du point de vue du fabricant), la conception du prototype et son expérimentation, les activités commerciales, la conception de la production, la production, le service au client et l'audit. La lecture du diagramme de la gauche vers la droite montre l'intervention du personnel des différents services. La partie principale du diagramme montre les activités qui assurent la qualité à chaque processus. Le flux d'informations liées à la qualité apparait aussi ici. Par exemple, sous la colonne « chef de division » apparaissent les quatre stades de la revue de conception (DR = Design Review), indiquant la participation du chef de division à tous les stades de la revue de conception. La colonne intitulée « conférence » représente les réunions et conférence-interservices auxquelles les services concernés doivent participer à chaque stade avant de passer au stade suivant. La dernière colonne à droite montre les standards, réglementations ou documents correspondant à chaque stade de l'assurance qualité. Ce diagramme montre qu'avant l'intervention du gemba dans la fabrication des produits, se
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situe une longue liste d'actions d'assurance qualité. Par exemple, les points 8 à 12 des standards et réglementations — comprenant le manuel de maîtrise du processus, le manuel d'instrumentation et de calibrage, le manuel d'inspection, la table des processus de maîtrise de la qualité, la procédure opératoire standardisée (SOP = Standard Operating Procedure), « mon manuel opératoire » et le manuel de l'inspection en cours - liste des procédures typiques assurant la qualité dans le gemba. Mais le diagramme montre aussi que les points 1 à 7 ont été atteints au moment où le gemba commence à travailler. Les activités précédant l'intervention du gemba (standards 1 à 7) sont appelées management en amont. Traditionnellement, quand la qualité était perçue principalement comme une affaire de maîtrise professionnelle, les efforts liés à la qualité étaient centrés principalement sur le gemba. Si la maîtrise professionnelle demeure l'un des piliers importants de la qualité, il est de plus en plus admis que la qualité dans les domaines de la conception, des concepts relatifs aux produits et de la compréhension des exigences du client, doit précéder le travail du gemba. La plupart des activités du gemba se rapportent à la maîtrise professionnelle et exercées au gemba puissent identifier le besoin pour kaizen de remonter vers l'amont ou puissent être déployées par la politique de la direction. La direction doit établir des standards pour la qualité de la planification. Une préparation initiale correcte - compréhension précise des besoins des besoins des clients, traduction de cette compréhension en exigences techniques et de conception, préparation anticipée pour un démarrage en douceur — permet d'éviter au gemba de nombreux problèmes durant les stades de la fabrication, de même qu'au service après-vente. En amont, l'encadrement effectue la plupart des travaux sur papier. Les défauts ou dysfonctionnements identifiés peuvent être rectifiés d'un trait de plume sans qu’il n’en coûte rien. Des dysfonctionnements identifiés tardivement, au stade de la production ou, pire encore, une fois le produit livré au client, nécessitent des corrections très coûteuses. Le Déploiement de la Fonction Qualité (QFD) est un instrument puissant Permettant à l'encadrement d'identifier les besoins des clients, puis de les Convertir en exigences techniques et de conception, et en fin de compte de déployer ces informations dans le développement des composants et des Processus, dans l'établissement des standards et dans la formation des ouvriers/employés. Le diagramme du système montre que l'entreprise utilise les outils du QFD dans les activités quotidiennes d'assurance qualité énumérées dans la colonne de droite. Ces instruments comprennent les tables d'assurance qualité.
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Le management en amont un rôle indispensable dans l’assurance qualité. D'autre part. si le gemba n'est pas suffisamment solide, l'entreprise ne pourra jouir pleinement des bénéfices du management de l'amont même le plus efficace. Une telle situation est analogue à celle consistant à échafauder un plan extrêmement compliqué pour l’escalade de l'Everest, pour s'apercevoir qu’on souffre d’une faiblesse de la jambe. C'est la raison pour laquelle ce livre traite principalement du gemba kaizen. LE MANAGEMENT DE LA QUALITE AU GEMBA Le gemba est confronté aux problèmes de la qualité sous un angle différent du management en amont. Tandis que ce dernier exige des outils comme la conception des expérimentations, l'analyse de la valeur, les techniques d'analyse de la valeur à la conception et les différents outils du QFD, de nombreux problèmes du gemba se rapportent à des domaines simples, comme ceux de la maitrise professionnelle, et le traitement des difficultés et des variabilités qui surgissent quotidiennement.. Pour réduire la variabilité, il faut établir des standards, développer une discipline librement consentie parmi le personnel pour que ces standards soient maintenus et s'assurer qu'aucun défaut ne sera transmis au processus suivant. Au chapitre 2, les règles d'or du management du gemba ont été expliquées. Ces 5 principes sont souvent appelés principes gemba-gembutsu, et suggèrent une solution en temps réel. Au gemba, la plupart des problèmes de qualité peuvent être résolus par ceux qui y travaillent, en appliquant les principes du gemba-gembutsu. La participation des opérateurs étant une question clé, l'encadrement doit introduire parmi eux l'esprit d'équipe. La maitrise statistique de la qualité (SQC = Statistical Quality Control) est souvent employée avec efficacité dans le gemba, mais le SQC est un outil destiné à restreindre la variabilité des processus. Son bon fonctionnement suppose que tout le monde — particulièrement l'encadrement — comprenne le concept de maîtrise de la variabilité et fasse les efforts suffisants pour la pratiquer. Par exemple, visitant un jour une usine dont le directeur était fier d'avoir réalisé le SQC, je vis un grand nombre de Cartes de contrôle affichées sur les murs de sa pièce. Mais après avoir pénétré au gemba, je m'aperçus que personne ne comprenait la variabilité. Les opérateurs ne disposaient pas de standards et effectuaient leur tâche différemment pour chaque pièce assemblée. Parfois, ils ne disposaient même pas d'une place désignée pour le travail d'assemblage. Au cours de ma visite, des machines tombèrent en panne à plusieurs reprises et de nombreuses pièces produites furent mises au rebut, et ce directeur était fier de son SQC! Au gemba, la plupart des problèmes peuvent être résolus — immédiatement sur le tas — dès lors que l'on adhère aux cinq principes du genba-gembutsu. L'amélioration de la qualité est un processus (en fin de compte sans fin) et ardu.
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Voici ce qu'écrivait le professeur Hitoshi Kume, de l'université de Tokyo : « Je pense que si en Occident l'on vise à maitriser la qualité, la démarche japonaise a pour caractéristique centrale de porter sur l'amélioration (kaizen) de la qualité. En d'autres termes, la démarche japonaise consiste à appliquer kaizen, de façon systématique et continue. » Pour illustrer ce point de vue, Kume cite un exemple : celui du cas faisant date de l'amélioration de la qualité du processus de soudure à bain de la ligne d'assemblage chez YHP (Yokogawa Hewlett Packard). Dans cet exemple, l'entreprise a réussi à réduire le taux de défaillance de 4 000 ppm à 3 entre 1978 et 1982. Chez YHP, l'amélioration de la qualité a connu deux périodes distinctes. L'une de 1978 à 1979, l'autre de 1980 à 1982. Les activités d'amélioration de la qualité ont considérablement différé entre les deux périodes. Durant la première phase, par exemple, YHP entreprit des actions comme l’amélioration des standards de travail, la collecte et l'analyse de données relatives aux défauts, l'introduction de gabarits pour une meilleure maitrise du processus, la formation des ouvriers, l'encouragement des activités des cercles de qualité, et la réduction des erreurs dues à des négligences des opérateurs. Pour ce faire, YHP réunit une équipe de projet composée d'agents de maîtrise du gemba et d'ingénieurs de production pour collecter les données, former les membres des cercles de qualité et fournir une assistance technique — par exemple, dans la confection des gabarits — pour ce qui dépassait les compétences du personnel. Ces actions contribuèrent à ramener le taux de défaillance de 4 000 ppm 40. (Voir Figure 3-2.)
Figure 3-2. Phase I. Amélioration du processus de la qualité (soudure au bain).
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Une fois atteint le niveau des 40 ppm, YHP eut besoin, pour conserver son élan, d'intensifier et d'affiner ses activités si elle voulait obtenir des gains supplémentaires (Voir Figure 3-3). Au même moment, elle dut appliquer de nouvelles technologies : révision des standards d’ingénierie, amélioration de la conception et des processus de ses cartes à circuit imprimé. Il lui fallut aussi revoir l'équipement de même que l'implantation. La conséquence fut qu'YHP atteint en 1982 le niveau de 3 ppm.
Figure 3-3. Phase II. Processus d'amélioration de la qualité (soudure au bain). Généralement parlant, aussi longtemps que le niveau de la qualité reste exprimé en centiles, les entreprises peuvent obtenir une amélioration grâce à des actions de base comme la révision des standards, la « bonne gestion de la maison », la collecte de données sur les rejets et la conduite d'activités de groupes pour la résolution des problèmes. Revoyons d'abord les procédures existantes en nous posant les questions et en prenant les mesures suivantes : •
avons-nous des standards?
•
que peut-on dire des «5S» (l' « art de bien gérer sa maison » au gemba?
•
quelle est la quantité de muda au gemba?
•
appliquer les cinq principes du gemba;
•
former le personnel à s'engager à ne jamais transmettre de rebuts au processus suivant
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•
encourager les groupes d'activité et les suggestions pour la résolution des problèmes;
•
commencer à collecter des données pour une meilleure compréhension de la nature des problèmes, puis résoudre ceux-ci;
•
commencer à fabriquer des outils et des gabarits simples pour rendre le travail plus facile et ses résultats plus fiables.
Ces activités terre à terre devraient, à elles seules, réduire les taux de rejets au dixième de leur niveau antérieur. Quand ces facteurs essentiels sont absents, les variables sont à ce point larges que des technologies compliquées n'auront guère d'effets sur l'amélioration du processus! C'est seulement une fois les variabilités élémentaires traitées, qu'interviendront les applications les plus stimulantes du SQC et d'autres approches compliquées, efficaces du point de vue des coûts. La qualité prend naissance au moment où tout le personnel de l'entreprise s'engage à ne jamais transmettre de rebuts ni d'informations imparfaites au processus suivant. L'axiome du Dr. Kaoru Ishikawa, « le processus suivant, c'est le client », se rapporte au client interne de la même entreprise. On ne doit jamais incommoder les clients dans le processus suivant, en leur transmettant des rebuts. Au gemba, cet état d'esprit est souvent résumé de la manière suivante : quand tout le monde souscrit à cette philosophie et la met en œuvre, c'est qu'il y a un bon système d'assurance qualité, comme le démontre le cas de M.K. Electronics Company (Voir cas 1 page 202). LA GESTION DES COUTS En parlant ici de « coûts », nous ferons référence, non à leur réduction, mais à leur gestion. L'encadrement surveille le processus de développement, de production et de vente de produits ou services de bonne qualité, en s'efforçant d'abaisser les coûts ou de les maintenir au niveau des objectifs fixés. Ceci constitue le management des coûts. La réduction des coûts au gemba devrait intervenir comme une conséquence des différentes actions de l'encadrement. Malheureusement, un grand nombre de cadres ont tendance à vouloir seulement rogner les coûts, pour les réduire : licenciement de personnel, restructuration, Pressions exercées sur les fournisseurs. De telles réductions de coûts perturbent invariablement le processus de la qualité, dont elles provoquent au bout du compte la détérioration. Les clients deviennent de plus en plus exigeants. Ils veulent une meilleure qualité, à un prix plus bas, dans des délais rapides. Si l'on répond à la demande de prix plus bas simplement par une réduction des coûts, on s'aperçoit bientôt que disparaissent la qualité et la rapidité de la livraison. Le management des coûts recouvre un large spectre d'activités, parmi lesquelles (l) la planification des coûts pour maximiser la marge entre coûts et revenus, (2) la réduction des coûts globaux au gemba et (3) la planification des investissements par la direction.
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Pour réduire les coûts au gemba, les sept activités suivantes doivent être menées de front. L'amélioration de la qualité est la plus importante d'entre elles. Les autres activités principales permettant de réduire les coûts peuvent être considérées comme faisant partie du processus qualité au sens large : • améliorer la qualité - réduire les erreurs et les renvois en fabrication, particulièrement dans les domaines liés à la qualité; • améliorer la productivité - réduire le nombre des personnes sur la chaine • réduire les stocks; • raccourcir la chaine de production, le temps de traitement et le flux de travail; • réduire le temps d'immobilisation des machines; • réduire le temps d'exécution; • réduire l'espace.
1. Améliorer la qualité L'amélioration de la qualité est réellement au point de départ de la réduction des coûts. La qualité dont il est ici question se rapporte à la qualité de traitement des cadres et du travail des ouvriers/employés. L'amélioration de la qualité du processus de travail se traduit par la diminution du nombre d'erreurs, de rejets et des retouches, et une moindre utilisation ressources — ce qui abaisse le coût total des opérations. La qualité du processus inclut la qualité du travail aux stades du développement, de la fabrication et de la vente des produits ou services. Au gemba, le terme se rapporte spécifiquement à la façon dont les produits ou services sont fabriqués ou délivrés. Il se rapporte principalement à la gestion des ressources du gemba : plus spécifiquement encore à la gestion de l'homme (l'activité humaine), la machine, de la matière, de la méthode et de la mesure, ce que l'on appelle les « 5 M ».
2. Améliorer la productivité La productivité s'améliore quand une moindre quantité de facteurs à l'entrée produit une quantité inchangée à la sortie ou quand la quantité à la sortie s'accroit pour une quantité inchangée de facteurs à l'entrée. Les facteurs à l'entrée sont des ressources humaines, des installations et des matières premières ou composants. Les facteurs à la sortie sont des produits ou des services, un revenu ou une valeur ajoutée. Réduire le nombre d'opérateurs sur la chaine. Moins il y en a, mieux c'est. L'objectif n'est pas seulement de réduire les coûts mais, ce qui est plus important encore, les problèmes de qualité, car moins il y a de personnes, moins
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d'erreurs sont commises (Je m'empresse d'ajouter, toutefois, que je ne suis pas partisan de licencier du personnel. Il existe de nombreuses façons de mieux utiliser le personnel que l'on retire des chaînes. L'encadrement doit considérer les intéressés comme une ressource libérée par kaizen pour d'autres activités créatrices de valeur ajoutée). Lorsque la productivité s'accroît, les coûts diminuent.
3. Réduire les stocks Les stocks occupent de l'espace, allongent les temps de production, créent des besoins de transport et d'entreposage et dévorent les actifs financiers. Des produits ou du travail en cours en souffrance sur le plancher de l'usine ou dans l'entrepôt ne rapportent aucune valeur ajoutée. Au contraire, ils détériorent la qualité et peuvent même devenir obsolètes du jour au lendemain, lorsque le marché change ou que des concurrents y introduisent un nouveau produit.
4. Raccourcir la chaîne de production, le temps de traitement et le flux de travail Une chaîne de production plus longue exige davantage de personnel, davantage de travail en cours et un temps d'exécution plus long. Davantage de personnel sur la chaîne signifie aussi un plus grand nombre d'erreurs, conduisant à des problèmes de qualité. Lorsqu’une chaîne est quinze fois plus longue que celle d'un concurrent, il est aisé d'imaginer le résultat en termes de nombre de personnes employées sur la chaîne, de niveau de qualité (davantage de personnel pose davantage de problèmes), de stocks (à la fois en travail en cours et en produits finis) et de temps d'exécution beaucoup plus long, toutes choses ayant pour effet d'accroître le coût des opérations. Il m'est arrivé d'examiner l'implantation d'une chaîne de production qui devait être introduite sous peu pour la fabrication d'un nouveau produit. À ma surprise, le nouveau processus n'était que la copie conforme de celui existant, à ceci près que les machines existantes étaient remplacées par les modèles les plus récents. Au Japon, on appelle « ingénieur catalogue » l'ingénieur dont la tâche consiste à collecter les catalogues de différents fabricants de machines et à passer des commandes parmi eux en vue d'une nouvelle installation. Ce n'est pas un titre très prestigieux. La direction devrait encourager cet ingénieur à concevoir des chaînes d'assemblage plus courtes employant de moins en moins de monde. La stimulation constante du personnel à effectuer un meilleur travail que la fois précédente doit faire partie intégrante du travail de tout responsable mû par kaizen.
5. Réduire le temps d'immobilisation des machines Une machine qui s'arrête interrompt la production. Des machines non fiables nécessitent une production par lots, un excès de travail en cours, des stocks
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et des efforts supplémentaires consacrés à la réparation. La qualité souffre aussi. L'ensemble de ces facteurs accroit le coût des opérations. Ces problèmes ne sont guère différents dans le secteur des services. Quand les systèmes informatiques ou de communication sont arrêtés, cela provoque des retards injustifiés, augmentant grandement le coût des opérations. Lorsqu'un employé nouvellement recruté est assigné à un poste de travail sans avoir reçu la formation suffisante concernant l'utilisation d’un équipement, le retard que cela entraîne peut être aussi coûteux que si l'équipement était en panne.
6. Réduire le temps d'exécution (le temps de production) Le temps d'exécution commence avec le paiement des matières premières et des fournitures par l'entreprise et ne s'achève qu'à la réception du paiement par les acheteurs des produits vendus. On pourrait donc voir dans le temps d'exécution un phénomène similaire à celui de la rotation de l'argent. Un temps d'exécution plus court signifie une meilleure utilisation et une meilleure rotation des ressources, une plus grande flexibilité dans la satisfaction des besoins des clients et un moindre coût des opérations. Le temps d'exécution est la vraie mesure de la capacité de la direction et le raccourcissement de cet intervalle de temps devrait être la préoccupation dominante des cadres. Le muda présent dans le temps d'exécution offre à kaizen de précieuses opportunités. Parmi les différentes façons de réduire le temps d'exécution figurent l'amélioration et l'accélération de la réponse aux commandes des clients et une meilleure communication avec les fournisseurs. La rationalisation et l'augmentation de la fiabilité des opérations du gemba peuvent aussi raccourcir le temps d'exécution de la production. Lorsque dans une entreprise, tout le monde travaille à cet objectif, cela crée un impact positif sur l'efficacité en termes de coût. Un directeur général avec lequel je m'entretenais estimait le délai d'exécution de son entreprise à plus d'une année et me disait que sa réduction de moitié pourrait augmenter ses bénéfices annuels d'une centaine de millions de dollars.
7. Réduire l'espace En règle générale, les entreprises utilisent quatre fois plus d'espace, emploient deux fois plus de personnel et passent dix fois plus de temps l'exécution qu'il n'est nécessaire en réalité. Généralement le gemba kaizen élimine les lignes de convoyeurs, réduit les chaines de production, incorpore des postes de travail séparés dans la chaine principale de production, réduit les stocks et diminue les besoins en transport. Toutes ces améliorations ont pour effet de réduire les besoins d'espace. L'espace libéré par gemba kaizen peut être utilisé pour ajouter de nouvelles chaînes ou réservé pour une expansion future
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LE ROLE DU GEMBA DANS LA REDUCTION DU COUT GLOBAL Si le gemba ne peut faire en sorte de rendre son processus de production très court, flexible, efficace, à l'abri des rejets et des pannes de machines, il n'y a pas d'espoir de réduire le niveau des stocks de fournitures et de pièces, ni de devenir suffisamment flexible pour satisfaire aux exigences du client de plus en plus contraignantes en termes de qualité, de coût et de délai de livraison. Il s'ensuit que le gemba kaizen doit être le point de départ de toutes les améliorations. S'il n'est pas suffisamment souple et solide, le gemba ne peut soutenir des améliorations effectuées dans d'autres services, concernant par exemple le développement des produits et la conception des processus, les achats, le marketing et les ventes. Kaizen doit débuter à la maison, et la maison c 'est gemba. Pour dire les choses autrement, en appliquant gemba kaizen et en identifiant les problèmes qui se manifestent sur le lieu de production, On peut identifier les défauts des autres services de soutien, tels Recherche et Développement, Conception, Maîtrise de le qualité, Organisation industrielle, Achats, Ventes et Marketing. En d'autres termes, gemba kaizen identifie les défauts du management de l'amont. Gemba est un miroir reflétant les systèmes de management de l’entreprise et une fenêtre par laquelle on peut voir les capacités réelles de L’encadrement. Ainsi, pour dire les choses simplement, le gemba abrite de nombreuses occasions de réduire les coûts. Il recèle une montagne de trésors ne demandant qu'à être découverts par celui qui sait où regarder. LA GESTION DE LA LIVRAISON La livraison implique le respect des délais fixés et du volume de produits ou services demandés. L'une des tâches de l'encadrement consiste à livrer ou délivrer le volume de produits ou de services requis dans les délais fixés pour satisfaire aux besoins des clients. Le défi consiste pour l'encadrement à tenir l'engagement de la livraison tout en respectant les objectifs de qualité et de coût. Conformément à l'axiome « Qualité d'abord », la qualité est la fondation sur laquelle sont construits le coût et la livraison. Sans la qualité, le coût et la livraison ne comptent pas. Quand la qualité s'améliore, le coût diminue et la livraison s'améliore aussi. Pour satisfaire ses exigences en matière de qualité, l'entreprise dépourvue d'un bon système de management de la qualité est condamnée aux retouches et aux ajustements, reportant ainsi ces coûts supplémentaires sur les clients. De la même façon, si elle ne dispose pas d'un bon système de livraison, elle livre ses produits à partir des stocks excessifs qu'elle a constitués. Encore une
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fois, ce sont les clients qui doivent payer ce coût supplémentaire de constitution de stocks. La Maîtrise de la Qualité Totale et le Management par la Qualité totale ont été développer avec pour but la qualité et se sont avérés très efficaces pour améliorer la qualité du « software» de l'entreprise. La Maintenance Productive Totale, elle aussi, vise la qualité en se concentrant principalement sur l'amélioration du « hardware », c’est-à-dire de l'équipement. En revanche, le Juste-à-Temps s'adresse à la fois au coût et à la livraison mais on ne peut l’introduire que si l'on dispose d'un bon système d’assurance qualité, éliminant toutes sortes d'activités non créatrices de valeur ajoutée, le Juste-à-Temps aide à réduire le coût. C'est, en effet, un moyen drastique de réduire les coûts, pour les entreprises qui n'en avaient jamais fait l'expérience précédemment. Il est également important de noter que le Juste-à-Temps concerne la livraison. L'approche conventionnelle consiste à livrer les produits à partir des stocks. Avec le Juste-à-Temps, tous les efforts sont faits pour produire et livrer les produits « juste-à-temps », ce qui revient à dire produire autant qu’il est nécessaire, quand c'est nécessaire, et pas plus qu'il n'est nécessaire. Le Justeà-Temps, grâce aux différentes activités kaizen, rend possible l'élaboration d'une telle flexibilité dans le système de management. Ainsi, nous en sommes venus au point où il est possible de réaliser le QCD de façon simultanée, en employant les différents systèmes de management développés au cours des années et de rendre l'entreprise plus rentable qu'elle n'a été dans le passé. À la vérité, il est dommage que la majorité des cadres dans le monde n’aient pas encore pris conscience de cette réalité à ce jour. L'AMELIORATION DE LA QUALITE ET LA REDUCTION DES COUTS SONT COMPATIBLES Le thème qui est souvent revenu dans ce chapitre a été que l’amélioration de la qualité et la réduction des coûts sont des objectifs compatibles. La sagesse traditionnelle voulait que la qualité coûte plus cher. Avec le recul nous nous sommes aperçus, toutefois, que la qualité non seulement ne coûte pas, mais qu'elle aide à réduire les coûts. En fait la qualité est le soubassement sur lequel le coût et la livraison peuvent être construits, sans l’édification d'un système ferme pour assurer la qualité, il n'y a pas d’espoir de construire des systèmes efficaces de gestion du coût et de livraison. Non seulement il est possible à la fois d'améliorer la qualité et de réduire le coût mais nous devons aussi satisfaire en même temps les exigences du client.
COMMENT GÉRER AU GEMBA LA QUALITÉ, LE COÛT ET LE DELAI
C'est le défi auquel les entreprises sont maintenant confrontées. Prenons, par exemple, la concurrence internationale sur le marché de l'automobile de luxe. Supposons une entreprise souscrivant à l'ancienne philosophie suivant laquelle la qualité coûtait plus cher. Ses principaux moyens pour assurer la qualité ont été d'acheter des machines plus coûteuses et un équipement de test, et de recruter du personnel supplémentaire pour aboutir à des retouches et des inspections. Supposons maintenant une nouvelle entreprise émergeant de la compétition. Cette entreprise croit qu'une meilleure qualité et un coût plus bas sont compatibles et réussit à fabriquer une voiture de qualité égale à celle de son concurrent, voire meilleure, mais à un prix plus bas. Comment la première entreprise fera-t-elle pour affronter sa rivale, nouvelle venue? C'est là, la nature réelle du « danger clair et présent » auquel sont confrontées aujourd'hui un grand nombre d'entreprises continuant à souscrire à la notion dépassée qui voulait que « c'est la qualité qui coûte cher ». La réalisation simultanée du QCD, voici la tâche à laquelle tout cadre à l'esprit kaizen doit s'attaquer étant donné les environnements concurrentiels d'aujourd'hui, alors que les clients font peser sur le QCD des exigences toujours plus contraignantes.
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LES STANDARDS
CHAPITRE LES STANDARDS
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Comme nous l'avons vu au chapitre 1, la vision japonaise du management se ramène à un précepte : maintenir et améliorer les standards. La maintenance se rapporte aux activités directement orientées vers le maintien des standards technologiques, de gestion et de fonctionnement. L'amélioration, de son côté, se rapporte aux activités directement orientées vers l'élévation des standards actuels. Nos activités quotidiennes sont gouvernées suivant certaines formules approuvées. Lorsque ces formules sont mises par écrit, on les appelle des standards. Lorsque les choses vont mal au gemba, qu'on y enregistre des rejets de production ou une insatisfaction du client, c'est à l'encadrement de rechercher les causes premières, prendre des mesures pour remédier à la situation et en fin de compte, changer la procédure de travail pour éviter la réapparition du même problème. C'est ce que l’on appelle le cycle SDCA (Standardize = standardiser, Do = faire, Check = vérifier, Acr = Agir). Dès lors que les nouveaux standards sont en place et que les ouvriers s'y conforment dans l'exécution de leurs tâches, sans anomalie, le processus est maitrisé. La prochaine étape consiste, en partant du nouvel état de choses, à améliorer les standards pour atteindre un niveau plus élevé. C'est ce que l’on appelle le cycle PDCA (Plan = préparer, Do = faire, Check = vérifier, Act = Agir). Dans les deux cas, «Act », le stade final du cycle, consiste à standardiser et à amener le personnel à se stabiliser dans sa façon de travailler. Ainsi, la standardisation fait-elle inséparablement partie du travail de tous. Comme nous l'expliquerons plus en détail, les standards ne sont pas seulement la meilleure façon d'assurer la qualité, mais aussi un moyen d'accomplir sa tâche plus efficacement du point de vue du coût. Encore une fois, prenons l’exemple de la remise des télécopies à l’hôtel. Chaque réclamation d'un client fait naître le besoin de revoir les standards existants. Suivant le degré de complication, il se peut que la direction ne trouve aucun standard pour commencer. L'ajout successif de standards rendra le système plus solide. Toutefois, tous les aspects de notre travail n'ont pas besoin d'un examen aussi minutieux. Par exemple, si la dilection de l'hôtel n'enregistre aucune réclamation des clients, c 'est peut-être que la procédure d'acheminement des télécopies satisfait au standard. Dans ce cas, peut-être vaudrait-il mieux rechercher le kaizen dans d'autres domaines, plutôt que d'essayer d'améliorer les procédures concernant les télécopies. Ceci ne veut pas dire, toutefois, qu'il n'est pas nécessaire de s'intéresser aux meilleures pratiques comparées du secteur, et de s'efforcer d'atteindre ce niveau, même si aucune réclamation n'est enregistrée. Une procédure améliorée pour les télécopies pourrait économiser du temps et du travail au personnel, ce qui le rendrait disponible pour d'autres tâches. Des priorités doivent être établies pour la révision des standards, sur la base de facteurs comme la qualité, le coût, la livraison, la sécurité, la gravité des conséquences et la sévérité des réclamations des clients.
LES STANDARDS
Dans le travail quotidien (appelé maintenance), les ouvriers/employés en accomplissant leur tâche comme il faut, soit ne rencontrent aucune anomalie, soit en rencontrent; dans ce second cas, cela déclenche une révision des standards existants et peut-être même l'établissement d'une nouvelle série de standards. La première définition du management demeure : maintenir les standards. Le système est maîtrisé lorsqu'il existe des standards, que les ouvriers/employés s'y conforment, et qu'il ne se présente pas d'anomalie. Une fois le système maîtrisé, le défi suivant consiste à maintenir l'état de choses existant. Par exemple, supposons qu'une forte demande nécessite d'accroître la production de 10%. Conformément à l'esprit kaizen, la meilleure façon de faire face à cette demande serait de faire un meilleur usage des ressources existantes. Pour satisfaire cet objectif, les opérateurs doivent changer leur façon de travailler d'une façon ou d'une autre. Les standards doivent être améliorés, comme conséquence des activités kaizen. À ce point, on a passé le stade de la « maintenance » pour atteindre celui de l’amélioration ». Une fois cette amélioration enregistrée, des standards nouveaux et améliorés ont installés et des efforts de stabilisation de la nouvelle procédure doivent suivre, celle-ci devenant un nouveau stade de maintenance. *
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Le mot « standard » ayant été utilisé à plusieurs reprises dans les pages précédentes, le moment est peut-être venu de le définir, car ce mot peut être interprété différemment d'une personne une autre et dans des circonstances différentes. Il existe deux types de standards. Les premiers sont appelés standards de gestion : ils sont nécessaires au personnel d'encadrement à des fins administratives. Ils comprennent les règles administratives, les directives au personnel et les politiques, la description des emplois, la préparation des comptes de dépenses, etc. Les autres sont des standards opérationnels se rapportant à la façon dont le personnel travaille à la réalisation du QCD. Tandis que les premiers se rapportent à l'objet interne de la gestion du personnel, les seconds concernent la nécessité externe de réaliser le QCD pour satisfaire les clients.
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Les standards dont nous parlons dans ce livre sont ceux de la seconde catégorie. Ils témoignent d'une grande disparité entre les entreprises japonaises et les entreprises occidentales. Au Japon, on insiste beaucoup sur l'établissement de standards, tandis qu’en Occident, le standard a souvent été traité au mieux avec une pointe de cynisme. Le mot standard est souvent mal interprété en Occident, car il suggère l'idée d'un travail dur imposé aux travailleurs, comme l'introduction d'un système de salaire basé sur le travail aux pièces. Toutefois, les « standards » dont nous parlons dans ce livre se rapportent à la meilleure façon d'effectuer son travail, ce qui signifie une façon plus sûre et plus facile pour le travailleur, une meilleure façon d'assurer la qualité pour le client, et le moyen le plus efficace du point de vue du coût pour l'entreprise. À la limite, les standards ont longtemps été considérés en Occident comme allant contre la nature humaine, et on croyait que les hommes ne devaient pas y être soumis, les êtres humains devant disposer de la plus grande liberté d'accomplir leur tâche comme ils l’entendaient. Cette croyance reposait, en Occident, sur l'idée suivant laquelle les comportements humains ne devaient pas être «contrôlés». Il me semble, toutefois, que nous devrions distinguer « contrôler » et « gérer ». Quand il est question dans l'entreprise de « contrôler », il faut penser aux processus, non aux êtres humains. La direction « gère » le personnel en établissant des standards qui permettront au personnel de « contrôler » (ou de maîtriser) le processus. Ainsi, n'y a-t-il rien de condamnable dans le fait d'imposer des standards. Se conformer à un standard, c'est comme conduire une voiture. Le conducteur doit se conformer à certaines réglementations, ce qui n'empêche pas qu’il soit plus libre, pouvant aller là où il le veut. Autrement dit, quand une personne se conforte au standard c'est qu’elle fait bien son travail, que le client est heureux du résultat de ce travail (produit ou service), que l'entreprise prospère et que l'on peut y jouir de la sécurité de l'emploi. Voici quelques caractéristiques principales des standards : l. Ils sont la façon la plus facile et la plus sûre d'effectuer son travail. Les standards représentent plusieurs années de sagesse et de savoir-faire accumulées par le personnel dans l'exécution de ses taches Quand le personnel travaillant par roulement effectue son travail de façon différente suivant l'équipe, l'encadrement est fautif. Car il a l'obligation de maintenir (et d'améliorer) le standard garantissant que tous les ouvriers des différentes équipes suivent le même standard. Les standards deviennent le
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moyen le plus efficient, le plus sûr et le plus efficace du point de vue du coût, d'effectuer le travail. 2. Ils sont la meilleure façon de préserver le savoir-faire et la compétence. Si un ouvrier ou un employé connaît la meilleure façon d'effectuer le travail, qu’il la garde pour lui, et qu'il s'en va, ce savoir-faire partira avec lui et il n'en restera rien. C'est seulement si ce savoir-faire est standardisé et institutionnalisé au sein de l'entreprise qu'il y reste à demeure. Ainsi, les standards font-ils d'un savoir-faire individuel un savoir-faire de l'entreprise. 3. Ils constituent une mesure de performance. Avec des standards établis, il est possible aux cadres d'évaluer les performances de travail individuelles. En l'absence de standards, il est difficile de le faire de façon équitable. 4. Ils montrent les relations de cause à effet. Le fait de ne pas disposer de standards ou de ne pas s'y conformer conduit invariablement à l'anomalie, à la variabilité, au gaspillage. Ne suffit-il pas, pour s'en convaincre, d'appliquer ce concept à la pratique du parachutisme. Quand commence à pratiquer ce sport, on se repose sur l’instructeur pour Je pliage du parachute. Lorsqu'on devient plus expérimenté, on le plie avec l'aide de l'instructeur. Devenu parachutiste en chute libre expérimenté, on sera capable de plier son parachute soi-même. Supposons qu'une personne ait plié un parachute pour la première fois de sa vie et aille faire un saut le lendemain. Elle se couche tôt mais ne parvient pas à s'endormir, car elle se demande : « Le plierai-je bien demain? » Elle sort du lit, déplie le parachute, remballe le tout, retourne se coucher, sans pouvoir se rendormir. Combien fois a-t-on besoin de refaire une chose avant de se convaincre que tout va bien? La réponse est qu'il n'est besoin de la faire qu'une seule fois. La façon de plier un parachute est aujourd'hui la meilleure, la plus facile et la plus sûre; elle reflète une expérience tirée des nombreux parachutes qui ne se sont pas ouverts dans le passé. Chaque fois qu'un parachute ne s'ouvrait pas, il donnait lieu à une question introspective : « Qu'y avait-il d'erroné dans la façon courante de plier le parachute? Comment pouvons-nous modifier et améliorer le processus pour éviter la réapparition du phénomène? Quelles conséquences découlent du fait de ne pas se conformer aux standards? » Quand vous vous en apercevez, peut-être est-il trop tard. 5. Ils servent de base commune à la maintenance et à l'amélioration. Par définition, la conformité aux standards est synonyme de maintenance, et leur élévation, synonyme d'amélioration. Sans standards, nous n'avons
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aucun moyen de savoir si nous avons réalisé ou non des améliorations. Le premier devoir de l'encadrement est de maintenir le standard. Dans le cas où une variabilité se produit par manque de standard, on doit en introduire une. Si la variabilité intervient en dépit de l'existence d'un standard, il s'agit alors, d'abord de déterminer la cause, puis de réviser et d'améliorer le standard existant, ou de former l'opérateur de telle façon qu'il effectue son travail correctement, comme il était spécifié par le standard. Peut-être quelque chose était-il inadéquat dans le standard existant, ou bien l'opérateur n'a-t-il pas fait preuve de discipline librement consentie dans l'exécution de sa tâche conformément au standard. Ces activités, appelées « de maintenance », devraient constituer la majorité des tâches des cadres dans leur action quotidienne au gemba. Une fois la maintenance réalisée, c'est-à-dire qu'un standard a été suivi, stabilisant et maîtrisant le processus, l'encadrement doit surmonter le défi suivant : l'amélioration, ou l'élévation des standards existants. On dit souvent que là où il n'existe pas de standards, il ne peut y avoir d'amélioration. Pour ces raisons, les standards forment la base à la fois de la maintenance et de l'amélioration. 6. Ils sont objectifs, simples et manifestes. Les standards peuvent être décrits comme un signal visuel montrant la façon d'effectuer sa tâche. Comme tels, les standards doivent être communiqués d'une manière simple, compréhensible. Normalement les standards se présentent sous la forme de documents écrits, mais quelquefois des dessins, des croquis et des photos peuvent suffire, pour autant qu'ils facilitent la compréhension. 7. Ils sont une base pour la formation. Une fois les standards établis, l'étape suivante consiste à former les opérateurs au point que cela devienne pour eux une seconde nature d'effectuer la tâche en se conformant aux standards. 8. Ils aident les responsables à vérifier si le travail progresse normalement, c'est-à-dire si tout le monde se conforme aux standards. Ils ne tiennent donc pas lieu simplement de pense-bêtes aux opérateurs. C'est la raison pour laquelle, au gemba, les standards de travail sont souvent affichés, montrant les étapes importantes et les points de vérification du travail de l'opérateur. Si la maintenance et l'amélioration sont deux tâches majeures de l'encadrement, la principale fonction des agents de maîtrise du gemba doit être de vérifier si les standards sont maintenus ou pas, ou si kaizen est appliqué comme prévu pour améliorer les standards en cours.
LES STANDARDS
9. Enfin, mais ce n'est pas le moins important, les standards sont le moyen de prévenir la réapparition des dysfonctionnements et de minimiser la variabilité. Comme nous l'avons dit, la standardisation est le dernier des 5 principes du gemba. C'est elle qui suit aussi la dernière étape des Kaizen Stories (récits sur la Maîtrise de la Qualité par kaizen). C'est seulement quand on standardise l'effet d'un projet kaizen, que l'on peut espérer ne pas voir ressurgir le même problème. Maîtrise de la qualité signifie maîtrise de la variabilité. La tâche de l'encadrement est d'identifier, de définir et de standardiser les points de contrôle clés de chaque processus et de s'assurer que ces points seront suivis tout le temps. Souvent, si une entreprise A est meilleure en qualité qu'une entreprise B, ce n'est pas parce qu'elle lui est supérieure sous tous les aspects du processus, mais parce qu’elle fait des efforts concertés pour s'assurer que tous les processus sont suivis comme il a été spécifié dans les standards, tandis que, dans l'entreprise B, on s 'aperçoit qu'un ou deux processus n 'ont pas toujours été suivis. Ainsi, la standardisation fait-elle partie intégrante de l'assurance qualité, et en son absence, il n'y aurait pas de moyens de construire un système de qualité viable. *
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TOYODA MACHINE WORKS Pour Yoshio Shima, directeur de Toyoda Machine Works, un avantage de la construction de systèmes et de standards pour l'assurance qualité dans les années 1980, est devenu apparent quand L’entreprise a introduit le TQM dans le but de recevoir le Prix Deming. Les efforts de la direction pour bâtir un cadre de référence pour un système d'assurance qualité ont culminé avec l’attribution du Prix Deming à l’entreprise en 1985. Shima admet que les différents standards institués durant ces premiers jours ont reflété non seulement des pas essentiels pour l'assurance qualité, mais aussi le désir propre des dirigeants, leur vision de la procédure idéale. « On pourrait dire que nous sommes partis en mettant d'abord la standardisation en forme, et puis nous y avons mis une âme. » Toutefois, Shima s'aperçut qu'une fois ces standards mis en pratique, ils n'étaient pas toujours utilisables; pour qu'ils restent pratiques, ils devaient
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être constamment revus et améliorés. Ainsi, l'itinéraire vers l'amélioration de la qualité dans l’entreprise signifiait la révision sans cesse des standards existants. Shima dit : « La partie difficile de la standardisation, c'est que les standards ne sont pas immuables. Si l'on croit que les standards sont gravés dans le marbre, on se trompe. Quand l’environnement change, les standards changent aussi. On doit penser que les standards sont là pour être changés. » Shima ajoute : « Une fois que les standards sont en place et qu'ils sont suivis, si l'on trouve une déviation, on sait qu'il y a un problème. Alors, on révise les standards, et soit on corrige la déviation par rapport au standard, soit on la change. Le processus du PDCA est un processus sans fin. C'est la raison pour laquelle on note de nombreux retours d'information sur le diagramme de notre système d'assurance qualité. » (Voir Figure 3-1, chapitre 3). Shima trouve que le diagramme du système d'assurance qualité a parfaitement réussi, car il lui a permis d'avoir une vision d'ensemble de tout le système d’assurance qualité au sein de l'entreprise. Quand des problèmes de qualité ont surgi avec le client, l'entreprise s'est servie du diagramme du système pour expliquer comment elle les résoudrait. Le client non seulement l'a accepté, mais il a réellement apprécié les efforts de l'entreprise. L'un des consultants kaizen a raconté ainsi sa première rencontre avec la potion magique de la standardisation : En 1961, j'étais directeur d'une grande entreprise d'électronique européenne. J'étais responsable du transfert du savoir-faire et de la livraison des machines de notre usine à une entreprise électronique japonaise avec laquelle nous avions des accords de participation. Avant que nous livrions l’équipement, l’entreprise japonaise envoya quatre opérateurs visiter notre usine pour y étudier notre processus de production. Vingt chaînes entièrement automatisées tournaient sur trois équipes. Chaque chaîne produisait 2 000 diodes par heure avec un rendement de 98 %. Environ six mois après que l'usine japonaise eut commencé ses opérations, nous avons reçu une lettre des Japonais nous remerciant pour notre coopération et la précision de nos machines. Ils ajoutaient que leur rendement était de 99.2% Aussi nous sommes-nous rendus au Japon pour voir ce qui avait été fait. Nous avons demandé à notre collègue japonais : « Quels changements avez-vous opérés pour parvenir à ce rendement plus élevé? » Il nous répondit : « Nous avons étudié votre gemba, et nous avons observé que vous suiviez soixante procédures différentes (vingt chaînes travaillant en trois équipes). Nous en avons parlé ensemble, et en accord avec les observateurs du gemba qui s'étaient rendus dans votre pays, nous avons décidé de la meilleure façon de standardiser le processus.
LES STANDARDS
KAIZEN STORY Kaizen Story est la formulation standardisée servant à enregistrer les activités kaizen conduites par des petits groupes comme les cercles de qualitél. La même formule est également employée pour l'enregistrement des activités kaizen conduites par l'état-major et par les cadres. Kaizen Story comprend les étapes suivantes : l. Choix du thème Il débute par la raison pour laquelle le thème particulier a été choisi. Souvent, les thèmes sont déterminés en conformité avec les politiques de la direction. Aussi, sont-ils choisis en fonction des priorités, de l'importance, de l'urgence, ou des données économiques du moment. 2. Compréhension de l'état actuel des choses Avant de démarrer le projet, il importe de comprendre et de revoir les conditions actuelles. L'une des façons de procéder consiste à se rendre au gemba et à suivre les 5 principes du gemba. La collecte des données en est une autre. 3. Les données ainsi collectées sont analysées pour identifier la cause première 4. Des mesures correctives sont adoptées sur la base de l'analyse des données 5. Les mesures correctives sont appliquées. 6. Les effets des mesures correctives sont confirmés. 7. Les standards sont révisés ou bien il en est créé de nouveaux pour éviter la réapparition du problème. 8. Les processus ci-dessus sont revus, puis l'on entreprend de travailler aux étapes suivantes. Kaizen Story suit le cycle PDCA. Les étapes 1 à 4 se rapportent à P (Plan = Préparer); l'étape 5, à D (Do = Faire); l'étape 6, à C (Check = Vérifier); et les étapes 7 et 8, à A (Act = Agir). Kaizen Story aide chacun à résoudre les problèmes sur la base de l'analyse des
1. Bien que la formule soit appelée au Japon « QC Stories », les entreprises sont de plus en plus nombreuses dans le monde à utiliser aujourd'hui l'expression « Kaizen Stories »
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données; l'un de ses mérites est de « visualiser » et de communiquer le processus de résolution de problèmes. C'est aussi un moyen efficace de conserver un enregistrement des activités kaizen. Pour aider le lecteur à comprendre le processus, différents outils de résolution de problèmes lui sont présentés. Aujourd'hui, c'est devenu presque un must pour une entreprise de demander la certification par rapport à un standard national ou international, comme ISO 9000 et QS 9000, si elle entend poursuivre son activité et gagner la confiance de ses grands clients globaux. Ces programmes de certification insistent beaucoup sur la standardisation des processus clés de l'entreprise et l'amélioration continue. Pour kaizen, le respect des standards constitue la meilleure méthode pour exécuter un travail, et gemba kaizen, avec l'élimination du muda et l' « art de bien gérer sa maison », devrait précéder leur rédaction. La mise par écrit du processus de travail tel qu'il est effectué couramment au gemba, est sans utilité, si le processus en cours contient beaucoup de muda et de variabilités. Une fois les standards établis, leur amélioration doit suivre. Aussi est-il impérieux que les activités gemba kaizen soient mises en œuvre lors de la demande de certification, et que les standards soient mis à jour une fois la certification obtenue. Il arrive parfois qu'un cadre préparant la demande de certification ISO 9000 ou QS 9000 déclare : « Nous sommes trop occupés par cette préparation et nous n'avons pas de temps à consacrer à kaizen! » Rien ne peut être plus éloigné de la vérité. Si kaizen n'est pas mis en œuvre concurremment, les standards qui s'en suivront ne seront qu'un bout de papier très éloigné du gemba, rarement mis en pratique dans le travail quotidien et sans aucun effet positif sur l'amélioration des performances de l'entreprise. Gemba kaizen devrait donc être intégré dans le processus d'obtention d'ISO 9000 ou de QS et, une fois la certification obtenue, devenir un moyen de mettre à jour ces standards de façon permanente.
LES « 5 S »
CHAPITRE LES « 5 S »
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La technique des «5S» a été développée grâce à un travail intensif dans le cadre d'activités de fabrication. Des entreprises orientées vers une activité de service peuvent trouver aisément des circonstances analogues dans leur propre « ligne de production », qu'il s'agisse d'un appel d'offres, de la clôture d'un rapport financier, d'une demande d'assurance-vie, ou d'une demande de clients potentiels pour des services juridiques. Quel que soit le fait générateur du processus de travail dans une société de services, il existe dans le processus de travail des conditions qui compliquent la tâche sans nécessité (un trop grand nombre de formules?), empêchent de progresser dans la voie de la satisfaction du client (la dimension du contrat exige-t-elle la signature de trois cadres?), interdisent pratiquement de satisfaire le client (nos frais généraux font qu'il nous est impossible de soumissionner ce travail!) Comme le montre la Figure 2-3 du chapitre 2, la standardisation, l'application des «5S» art de bien gérer sa maison ») et l'élimination du muda sont les trois piliers du gemba kaizen. Dans toute entreprise (qu'il s'agisse d'une entreprise de fabrication ou de services), kaizen doit commencer par ces trois activités : la standardisation, les «5S» et l'élimination du muda. Ceci est particulièrement important pour une entreprise désireuse d'atteindre une classe de niveau mondial dans la fabrication. Ces activités ne comprennent pas de technologies et de théories nouvelles de management. En fait, des expressions comme l'« art de bien gérer sa maison » et le muda ne figurent pas dans les livres de management. Ils n'excitent donc pas l'imagination des dirigeants, qui préfèrent se tenir à l'écart des dernières technologies. Ceux qui assistent à mes conférences semblent se demander pour quelle raison j'ai choisi ces thèmes. Toutefois, une fois qu'ils ont compris les implications de ces trois piliers, ils se passionnent à la perspective des énormes bénéfices que ces activités peuvent apporter au gemba. Les cinq règles de 1'« art de bien gérer sa maison » sont les suivantes : •
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Seiri : distinguer ce qui est nécessaire de ce qui ne l'est pas au gemba, et se débarrasser de ce qui n'est pas nécessaire; Seiton : ranger de façon ordonnée tout ce qui subsiste après le seiri; Seiso : conserver en état de propreté les machines et l'environnement de travail; Seiketsu : étendre la notion de propreté à soi-même et pratiquer continuellement les trois règles ci-dessus; Shitsuke : instituer la discipline librement consentie et, en établissant des standards, faire une habitude de l'engagement aux « 5 S
Lorsqu'elles adoptent 1'« art de bien gérer sa maison », les entreprises occidentales préfèrent souvent utiliser l'équivalent dans leur langue nationale des «5S» japonais. Dans le cas de l'anglais, on obtient par exemple les «5S» ou les « 5 C »
LES « 5 S »
CAMPAGNE EN FAVEUR DES « 5S »
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Sort (trier) : mettre de côté tout ce qui n'est pas nécessaire et l'éliminer. Straighten (ranger) : tout ce qui a été jugé nécessaire est mis en ordre pour être facilement accessible. Scrub (nettoyer) : tout nettoyer — outils, places de travail, tâches, éclaboussures, débris -et éliminer les causes. Systematize (systématiser) : faire du nettoyage et de la vérification une procédure de routine. Standardize (standardiser) : standardiser les quatre règles précédentes pour en faire un processus sans fin et propice à l'amélioration.
CAMPAGNE EN FAVEUR DES « 5 C »
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Clear out (débarrasser) : déterminer ce qui est nécessaire et ce qui ne l'est pas, et se défaire de ce qui ne l'est pas. Configure (configurer) : prévoir pour chaque chose une place commode, sûre et ordonnée, et la conserver. Clean and check (nettoyer et vérifier) : remettre en état les espaces. Conformity (conformité) : fixer un standard, former et maintenir. Custom and practice (habitude et pratique) : développer l'habitude d'une maintenance quotidienne et s'efforcer d'obtenir de nouvelles améliorations.
Nous allons maintenant développer en détail chacune des règles « 5 S ». SEIRI (TRIER) La première règle de 1'« art de bien gérer sa maison », ou seiri, comprend le fait de classer tout ce qui se trouve au gemba en deux catégories — ce qui est nécessaire et ce qui ne l'est pas — et de se débarrasser de ce qui n'est pas nécessaire en le retirant du gemba. On doit fixer un plafond au nombre des choses nécessaires. On peut trouver au gemba toutes sortes d'objets. Une observation minutieuse révèle que seul un petit nombre de choses est nécessaire au travail quotidien; de nombreuses autres ne serviront jamais ou ne seront nécessaires que dans un avenir lointain. Le gemba est rempli de machines inutilisées, de gabarits, de matrices et d'outils, de rebuts, de travail en cours, de matières premières, de fournitures et de pièces, de rayonnages, de récipients, de bureaux, d'établis, de piles de documents, de cartes, de casiers, de palettes et d'autres choses encore. Une règle simple consiste à enlever tout ce qui ne sera pas utilisé dans les trente jours à venir.
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Le seiri débute par une campagne d'étiquettes rouges. Une certaine zone du gemba est choisie comme emplacement du seiri; les membres de l'équipe «5S» désignée arrivent au gemba, les mains pleines d'étiquettes rouges, qu'ils collent sur tous les objets qu'ils jugent non nécessaires. Plus grandes sont les étiquettes, et plus il y en a, mieux c'est. Il faut les coller, même si l’on, n'est pas sûr que l'objet ne soit pas vraiment inutile. À la fin de la campagne la zone peut être couverte de centaines d'étiquettes rouges, Invitant à y voir comme un bosquet de pommiers à l'automne. Quelquefois, le personnel du gemba peut trouver une étiquette rouge apposée sur des objets qui lui paraissent nécessaires. Pour les conserver, il doit en faire la démonstration. Autrement, tout ce qui porte une étiquette rouge est retiré de l'atelier. Tout ce qui n'a aucune raison d'être au gemba, n'est pas nécessaire pour une utilisation future et n'a pas de valeur intrinsèque est jeté. Les choses qui ne seront pas utilisées dans les trente jours mais pourront être nécessaires à un certain moment dans l'avenir sont retirées pour être mises en bonne place (l'entrepôt, par exemple, dans le cas de fournitures). Le travail en cours qui excède les besoins du gemba doit être acheminé vers l'entrepôt ou être renvoyé au responsable du processus pour la production en surplus. Dans le processus du seiri, il est possible de se faire une assez bonne idée de la façon dont l'entreprise conduit son activité. La campagne d'étiquettes rouges laisse dans son sillage une montagne de gembutsu non nécessaires, et le personnel est confronté à des questions inconfortables comme celle-ci « Quel est le coût de ces produits fabriqués prématurément? » Les gens se demandent comment ils ont pu se comporter ainsi de façon aussi légère. Dans une entreprise, une campagne d'étiquettes rouges a mis à jour suffisamment de fournitures pour au moins vingt ans! Les cadres et les opérateurs doivent voir pareille extravagance au gemba pour y croire. C'est une façon pratique pour les cadres de jeter un coup d'œil à la façon dont les gens travaillent. Par exemple, après la découverte d'un amas de fournitures, on aurait dû demander au cadre : « De quelle sorte de système disposez-vous pour passer commande aux fournisseurs? Quelles sortes d'informations le personnel des achats utilise-t-il pour passer des commandes Quelle sorte de communication entretient-on entre le planning de production et la production? Le personnel des achats passe-t-il des commandes seulement quand il pense que c'est à peu près le moment de le faire? » Les cadres doivent également faire montre de rigueur quand ils trouvent du travail en cours effectué bien à l'avance : « Pourquoi y a-t-il des gens pour produire du travail en cours pour lequel il n'y a pas de besoins immédiats? Sur la base de quel type d'informations se mettent-ils à produire? ». Une telle situation indique des déficiences fondamentales du système, notamment entre le contrôle de production, les achats et le gemba. Elle révèle aussi une flexibilité insuffisante pour faire face à des modifications du planning de production.
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À la fin la campagne d'étiquettes rouges, l'ensemble des cadres — y compris le président, le directeur de l'usine mais aussi les responsables du gemba — doivent se réunir tous ensemble, examiner l'amas de fournitures, le travail en cours et autres gembutsu et commencer à mettre en œuvre Kaizen, afin de corriger un système qui a rendu possible un tel gaspillage. L'élimination de tout ce qui n'est pas nécessaire grâce à la campagne d'étiquettes rouges libère de l'espace en augmentant la flexibilité dans l'utilisation de la zone de travail. Une fois écarté tout ce qui n'était pas nécessaire, ce qui reste est ce dont on a besoin. A ce stade, le nombre maximum de choses à laisser subsister au gemba — pièces et fournitures, travail en cours, etc. — doit être déterminé. Le seiri doit être appliqué aussi dans les bureaux. Par exemple, un bureau possède en général deux tiroirs. Les choses y sont placées souvent indistinctement; c'est ainsi que l'on peut trouver dans un seul tiroir non seulement des crayons, stylos à billes, gommes, tampons encreurs, élastiques, cartes de visite et ciseaux, mais aussi des brosses à dent, sucreries et parfums, de l'aspirine, des pièces de monnaie, des allumettes, des cigares, des bijoux fantaisie, des bandes plastiques, et d'autres objets. Il convient d'abord de classer tout cela suivant l'usage. Dans un bureau comportant deux tiroirs, l'un doit être consacré aux affaires de bureau, l'autre aux affaires personnelles. Ensuite, on détermine le nombre maximum de choses. Par exemple, on décide de ne placer dans les tiroirs que deux crayons, une pointe-bille, une gomme, un tampon encreur, etc. On se débarrasse du surplus, c'est-à-dire qu'on l'enlève du tiroir et on le dispose dans le coin de la pièce où l'on range les fournitures du bureau. On appelle parfois cet espace de rangement le « comptoir de renouvellement ». Lorsqu'il n'y a plus de fournitures dans les tiroirs, c'est là que l'on se rend pour les regarnir. A son tour, l'employé chargé du comptoir surveille le stock et, quand il passe au-dessous du seuil minimum, commande de nouvelles fournitures. En ramenant à un minimum les fournitures placées dans les tiroirs du bureau, on élimine la nécessité de fouiller dans la collection de crayons, de papiers et de cosmétiques pour atteindre la chose que l'on désire. SEITON (RANGER) Une fois le seiri appliqué, tout ce qui n'était pas nécessaire a été retiré du gemba, où l'on n'a laissé que le nombre minimum de choses. Mais des choses dont on a besoin, comme les outils, peuvent ne pas être utilisées, si elles sont entreposées trop loin du poste de travail ou à un endroit où l'on ne peut les retrouver. Ceci nous amène à la règle suivante des « 5 S », Seiton. Seiton signifie classer les choses suivant leur utilisation et les ordonner de
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Façon à minimiser la durée de la recherche et l’effort à lui consacrer. Pour ce faire, il faut attribuer à chaque objet une adresse, un nom et un volume. L'emplacement ne suffit pas, mais on doit spécifier aussi le nombre des choses allouées au gemba. Par exemple, le travail en cours ne peut-être produit en quantités illimitées. Tout au contraire, il faut délimiter clairement la surface de plancher destinée à recevoir les récipients contenant le travail en cours (en peignant sur le sol un espace délimitant l'aire, etc.) et désigner le nombre maximum de récipients autorisés —Cinq par exemple. Un poids peut être suspendu depuis le plafond au-dessus des récipients, afin d'empêcher qu’on en entasse plus de cinq. Lorsque le stock maximum autorisé a été atteint, la production du processus précédent doit être arrêtée : il n'est pas nécessaire de produire davantage que ne peut absorber le processus suivant. De cette manière, Seiton assure le flux d'un nombre minimum d'articles au gemba de poste en poste sur la base du « premier entré, premier sorti ». Taichi Ohno fut invité un jour à visiter la chaîne d'assemblage d'une autre entreprise. Comme on lui demandait ce qu'il en pensait, il répondit : « il y a trop de travail en cours en attente au bord de la chaîne. Laissez-en un minimum et renvoyez la quantité en excès au processus précédent. » Une montagne de feuilles de métal embouties dut être renvoyée aux presses et les ouvriers durent y effectuer leur travail, entourés de feuilles de métal dans une atmosphère carcérale. Ohno dit : « C'est le meilleur moyen de montrer au personnel que plus dur est leur travail, plus l'entreprise perd d'argent! » Ce qui est laissé au gemba doit être placé dans une zone désignée. En d'autres termes, chaque objet doit avoir son adresse et, en sens inverse, chaque espace du gemba doit s'être vu désigner la sienne. Chaque mur doit porter un numéro de référence, comme mur A-l, mur A-2. L'emplacement des fournitures, du travail en cours, des bouches d'incendie, des outils, des gabarits et des moules, des cartes, etc. doit être désigné soit par son adresse soit par une marque particulière. Des marques sur le sol ou sur les surfaces de travail indiquent l'emplacement correct du travail en cours, des outils, etc. Peindre un rectangle sur le plancher pour délimiter la zone réservée aux récipients contenant le travail en cours, par exemple, crée un espace suffisant pour stocker le volume maximum de choses. En même temps, tout écart par rapport au nombre de récipients désignés apparaît instantanément. (Les lecteurs, familiers du Juste-àTemps comprendront qu'il s'agit du premier stade de l'introduction d'un système de production « tiré ».) Les outils doivent être disposés, bien à proximité, de telle sorte qu'on puisse les et les reposer facilement, et leur silhouette doit être peinte à l'endroit Où sont supposés être entreposés. Ceci permet de dire facilement s'ils sont cours d'utilisation. L'allée centrale doit aussi être marquée clairement. De même que d’autres emplacements sont conçus pour les fournitures et le travail en cours, l’allée
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centrale est conçue pour le transit. Rien ne doit y être laissé. L'allée centrale doit être totalement claire afin que tout objet abandonné en cet endroit apparaisse, permettant aux agents de maîtrise de remarquer instantanément l 'anomalie et d'y remédier. SEISO (NETTOYER) Seiso consiste dans le nettoyage de l'environnement du travail, y compris les machines et les outils, les planchers, les murs et toutes les autres parties du lieu de travail. Il existe un axiome : « Seiso vérifie ». Un opérateur en train de nettoyer une machine peut découvrir de nombreux mauvais fonctionnements. Lorsque la machine est couverte d'huile, de suie et de poussière, il est difficile d'identifier les problèmes qui peuvent être en train de se développer. Si l'on nettoie la machine, on peut toutefois apercevoir facilement une fuite d 'huile, le développement d'une fissure sur le couvercle, des boulons et des vis égarés. Une fois ces problèmes identifiés, ils sont facilement réparés. On dit que la plupart des pannes de machines débutent par une vibration (due à des boulons et des vis égarés), l'introduction de particules étrangères comme de la poussière (due, par exemple, à une fissure sur le couvercle) ou à une lubrification ou un graissage insuffisant. Pour cette raison, Seiso est une bonne expérience d'apprentissage pour les opérateurs car, en nettoyant les machines, ils peuvent faire de nombreuses découvertes utiles. Je m'étais intéressé un jour à des activités Seiso dans l'usine d'un fabricant de carrelages de bois contenant de nombreuses machines, parmi lesquelles des scies électriques. Tous les cadres supérieurs, y compris le président, s'étaient joints aux opérateurs dans une opération Seiso (il fut dit que c'était la première fois que les ouvriers voyaient le président au gemba, en bleu de travail, un balai à la main). Tandis qu'ils nettoyaient l'extérieur des machines, ainsi que les murs et les poutrelles du plafond, ils répétaient sans cesse : « Je ne peux y croire! » Une épaisse couche formée de fragments de bourre de laine et de poussière collait aux murs. Une fois les débris enlevés, le directeur financier découvrit des câbles électriques dénudés courant le long des parois. Le revêtement de vinyle était détérioré depuis longtemps. Il s'émerveilla qu'aucun incendie ne se soit jamais déclaré dans l'usine. Si, entendant vanter les nombreux avantages du Seiso, le président d'une entreprise est amené à dire : « Génial! Nous demanderons à notre sous-traitant de nous envoyer davantage de personnel pour nettoyer! » Je lui répondrais alors : « Voulez-vous priver votre personnel de l'une des plus précieuses expériences d’apprentissage? Seiso est la meilleure façon d'apprendre Comment travaillent les machines et comment surgissent les problèmes. C'est seulement quand votre personnel sera passé par là que vous pourrez attendre de lui qu'il affronte les problèmes lui-même! »
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SEIKETSU (SYSTEMATISER) Le Seiketsu signifie pour une personne rester propre, en portant des vêtements de travail propres, des lunettes, des gants et des chaussures de sécurité, de même qu’en maintenant un environnement de travail propre et sain. Une autre acception du Seiketsu veut dire travailler en permanence chaque jour au seiri, au setton et au seiso. Par exemple, il est facile de parcourir une seule fois le processus du seiri et d'enregistrer des améliorations, mais sans un effort pour continuer cette activité, la situation reviendra bientôt à son point de départ. Il est facile de réaliser kaizen au gemba une seule fois. Conserver kaizen en permanence, tous les jours, est une affaire entièrement différente. Il est donc impératif de bâtir des systèmes et des procédures assurant une continuité du Seiri, du Seiton et du Seiso. C'est le rôle du Seiketsu, et pour le faire fonctionner, des systèmes et des procédures devront être bâtis par l'encadrement. L'engagement de celuici, son soutien et son implication deviennent essentiels à la réussite des « 5 S ». Les cadres doivent déterminer, par exemple, combien de fois interviendront le Seiri, le Seiton et le Seiso. Ceci doit faire partie de la planification annuelle. SHITSUKE (STANDARDISER) Shitsuke signifie discipline librement consentie. Ceux qui pratiquent le Seiri, le Seiton, le Seiso et le Seiketsu de façon permanente — ayant pris l'habitude de faire de ces activités une partie de leur travail quotidien — ont acquis une discipline librement consentie. On peut appeler les «5S » une philosophie, un mode de vie dans notre travail quotidien. Leur essence est de se conformer à tout ce sur quoi on s'est mis d'accord. Les «5S » débutent lorsqu'on se débarrasse de ce dont on n'a pas besoin au gemba (Seiri) et qu'on y dispose tout ce qui y est nécessaire d'une manière ordonnée (Seiton). Puis, on doit maintenir l'environnement propre afin de pouvoir identifier facilement les anomalies (Seiso) et veiller en permanence au maintien des trois règles ci-dessus (Shitsuke). Le personnel se conforme à chaque étape aux règles établies et approuvées et quand il en arrive au shitsuke, il possède une discipline librement consentie, qui le conduit à respecter ces règles dans son travail quotidien. C'est pour cette raison qu'on appelle la dernière étape des «5S» la discipline librement consentie. À ce stade final, l'encadrement doit avoir établi des standards pour chaque étape des «5S» et s'être assuré que le gemba s'y conforme. La façon d'évaluer les progrès à chacune des cinq étapes doit faire partie des standards. Le responsable du gemba d'une entreprise chimique me disait un jour qu'ayant demandé aux opérateurs de mesurer les principaux paramètres du processus et de les pointer sur la carte de contrôle, ils n'avaient pas pris cette tâche au sérieux. Les chiffres restaient toujours au centre de la carte. Une fois les «5S»
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appliqués avec succès, tout le monde se mit à acquérir la discipline librement consentie et le responsable nota un changement d'attitude des opérateurs. Les données reportées sur la carte de contrôle présentaient des déviations. Il y a plusieurs façons d'apprécier le niveau des « 5 S » à chaque étape : • évaluation par soi-même; • évaluation par un consultant spécialisé; • évaluation par un supérieur; • combinaison des trois types d'évaluation ci-dessus; • compétition entre les groupes de gemba. Le directeur de l'usine pourrait organiser un concours parmi les ouvriers, examiner où en sont les « 5 S » dans chaque gemba, puis classer les gemba par ordre d'excellence. Le meilleur recevrait un prix ou toute autre marque de reconnaissance, le dernier un balai et un seau. Celui-ci serait incité à faire mieux la prochaine fois, laissant le balai et le seau à un nouveau groupe. Pour voir si les choses progressent, il faut effectuer cette évaluation de façon régulière; cette tâche incombe au directeur de l'usine et aux responsables des gemba. Une fois approuvé le travail accompli à la première étape, les ouvriers peuvent passer à la suivante. Le processus produit un sentiment d 'accomplissement. Une fois le Seiso réalisé, l'attention de l'encadrement se porte vers un autre horizon, le maintien et la garantie de l'élan et de l'enthousiasme. Après avoir travaillé dur au Seiri, au Seiton et au Seiso et observé les améliorations intervenues au gemba, le personnel se met à penser : « C'est nous qui avons fait cela! ». Il se détend, en prend à son aise pendant quelque temps, ou pire, interrompt ses efforts. De puissantes forces sont à l'œuvre au sein du gemba, tentant de ramener la situation au stade précédent. Il est donc impérieux que l'encadrement élabore un système assurant la continuité des « 5 S ». INTRODUCTION DES « 5 S » Kaizen apprécie autant le processus que les résultats. Si l'on veut que le personnel s'engage à poursuivre ses efforts kaizen, le projet doit être soigneusement préparé, organisé et exécuté. Les cadres s'impatientent souvent de voir des résultats et sautent par-dessus un processus crucial. Je dois aussi insister sur le fait que les « 5 S » ne sont pas une marotte, la coqueluche du mois. Ils font partie de notre vie quotidienne. Tout projet kaizen doit donc inclure le respect des étapes. Kaizen doit affronter la résistance de l’homme au changement. La première mesure sera donc de tendre à préparer mentalement le personnel à accepter les « 5 S », avant le début de la campagne. Comme préliminaire à l’effort à déployer pour « bien gérer la maison », un temps suffisant devra être accordé pour permettre de débattre de la philosophie sous-jacente aux « 5 S » et des bénéfices qu'ils doivent procurer :
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ils créent un environnement de travail propre, sain, plaisant et sûr;
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il s'ensuivra un regain de vitalité de la part du gemba, une amélioration sensible du moral et de la motivation du personnel;
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ils aident à éliminer les différentes sortes de muda. Ils suppriment la nécessité de rechercher les outils, rendent la tâche des opérateurs plus facile, réduisent l'effort physique, et libèrent l'espace.
L'encadrement doit aussi prendre en compte les nombreux bénéfices que l'entreprise tout entière tire de l'application des «5S» au gemba :
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ils aident le personnel à acquérir une discipline librement consentie. Un personnel discipliné de lui-même s'engage toujours dans les «5S», porte un intérêt positif à kaizen, adhère aux standards;
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ils révèlent les nombreuses sortes de muda existant au gemba. Reconnaitre l'existence de problèmes est la première étape de l'élimination du gaspillage;
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en sens inverse, L’élimination du muda améliore le processus des «5S»; ils révèlent des anomalies comme celle que constitue un excédent de rebuts et de stocks;
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ils réduisent les déplacements superflus, les pas et la fatigue inutiles;
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ils permettent d'identifier visuellement les problèmes liés à une pénurie de matières premières, aux déséquilibres de la chaine, aux pannes de machines, aux délais de livraison et, par conséquent, de les résoudre. Ils aident le gemba à résoudre d'une manière simple nombreux problèmes logistiques;
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ils rendent apparents les problèmes de qualité;
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ils améliorent l'efficacité du travail et réduisent les coûts de fonctionnement;
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ils aident à diminuer les accidents du travail en éliminant des environnements sales, des vêtements inadaptés et des opérations dangereuses;
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les «5S» (et particulièrement le Seiso) augmentent grandement la fiabilité des machines. Ils libèrent ainsi les ingénieurs chargés de la maintenance, du temps de travail passé à des machines tombant soudainement en panne. Les ingénieurs peuvent alors se concentrer sur un plus grand nombre de questions « en amont » — maintenance préventive, maintenance prédictive, création d'équipements n'ayant pas besoin d'entretien en collaboration avec les services de conception.
Ayant bien compris ces bénéfices et s'étant assurée que le personnel les comprenait bien, la direction peut progresser dans le nouveau projet kaizen.
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Ayant observé avec attention des opérateurs travaillant au gemba, Taichi Ohno dit un jour, s'adressant aux ouvriers : « Puis-je vous demander d'effectuer au moins la valeur d'une heure de travail par jour? » Les ouvriers avaient le sentiment d'avoir travaillé dur tout au long de la journée. Ils furent donc indignés par cette remarque. En fait, Ohno voulait leur dire : « Au moins une fois par jour, faites-vous réellement un travail créateur de valeur ajoutée? » Il savait que la plupart du temps, les opérateurs se déplacent dans le gemba sans créer de valeur ajoutée. Toute activité ne créant pas de valeur ajoutée est cataloguée au Japon comme muda (gaspillage). Ohno fut le premier à identifier l'énorme quantité de muda existant au gemba. Le mot japonais muda signifie « gaspillage », mais il possède une connotation plus profonde. Le travail s'analyse en une série de processus ou d'étapes qui commencent avec les matières premières et s'achèvent avec le produit fini ou le service final. À chaque processus, une valeur est ajoutée à la pièce sur laquelle on travaille (ou dans le secteur des services, au document ou autre support d'information), puis l'on passe au processus suivant. À chaque processus, les ressources — personnel, machines, matières — créent ou non une valeur ajoutée. Le muda se rapporte aux activités qui ne créent pas de valeur ajoutée. Ohno a classé le muda en sept catégories : l. Le muda de la surproduction. 2. Le muda du stockage. 3. Le muda des réparations/rejets. 4. Le muda des déplacements. 5. Le muda du traitement. 6. Le muda de l’attente. 7. Le muda du transport. LE MUDA DE LA SURPRODUCTION Le muda de la surproduction est fonction de la mentalité de l'agent de maîtrise de la chaîne. Préoccupé par les problèmes de défaillance de machines, de rejets, d'absentéisme etc., il se sent obligé de produire plus qu'il n'est nécessaire, simplement pour être du bon côté. Ce type de muda résulte de l'avance prise sur le planning de production. Lorsqu'une machine coûteuse fait partie du processus, son utilisation efficace est souvent privilégiée au détriment du respect de la quantité de produits à fabriquer. Toutefois, dans le Juste-à-Temps, il est jugé plus grave d'être en avance sur le planning de production que d'être en retard. Une production supérieure à la quantité nécessaire se traduit par un énorme gaspillage : matières premières consommées prématurément, personnel et accessoires introduits inutilement;
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machines ajoutée; poids des intérêts accrus, espace supplémentaire servant à entreposer les stocks en excès; transports supplémentaires et coûts administratifs induits. De toutes les formes de muda, la pire est l'excès de production. Elle donne au personnel un faux sentiment de sécurité, aide à dissimuler toutes sortes de problèmes, et obscurcit des informations qui pourraient servir d'indices aux ouvriers pour kaizen. Produire plus qu’il est nécessaire doit être considéré comme une faute grave. Parmi les causes de la surproduction, on trouve :
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la liberté de produire autant qu'on peut le faire, en négligeant la vitesse à laquelle le processus ou la chaine suivants pourront fonctionner;
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la place donnée à l'opérateur lui permettant de produire à sa guise; l'intérêt de chaque processus ou de chaque chaîne à accroître sa productivité propre;
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l'accélération du taux de progression en raison des défaillances de la chaîne;
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la liberté laissée aux machines de produire plus qu'il n'est nécessaire, simplement parce qu'elles ont une capacité en excès;
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l'introduction de machines coûteuses ne pouvant être amorties si le ratio de fonctionnement n'est pas amélioré.
LE MUDA DU STOCKAGE Conservés en stock, les produits finis, les produits semi-finis, les pièces détachées et les fournitures ne créent aucune valeur ajoutée. Au contraire, ils augmentent le coût de fonctionnement du fait de la place occupée, de l'équipement supplémentaire, et des installations tels les entrepôts, les chariots élévateurs, les systèmes de convoyeurs informatisés. En outre, un entrepôt exige une main-d'œuvre supplémentaire pour son fonctionnement et son administration. Quand des objets sont en stock et prennent de la poussière, aucune valeur ajoutée n'est créée. Leur qualité se détériore avec le temps. Bien pire, ils sont à la merci d'un incendie ou d'un autre désastre. S'il n'existait pas de muda de Stockage, on éviterait une bonne partie du gaspillage. Les stocks sont le résultat de la surproduction. Malheureusement, nous connaissons tous des dirigeants qui ne peuvent dormir la nuit s'ils ne disposent pas d'un « bon stock ». Les stocks font souvent partie de l'écran de fumée qui masque les problèmes. Lorsque le niveau des stocks est élevé, personne ne sera jamais assez sérieux pour traiter de problèmes comme la qualité, l'immobilisation des machines et l'absentéisme. Une occasion est alors perdue pour kaizen.
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Des niveaux de stocks plus bas aident à identifier les zones dont il faut s’occuper et obligent à traiter des problèmes qui surgissent. C'est exactement ce point précis que se situe le système de production juste-à-temps. Quand le niveau des stocks diminue pour atteindre en fin de compte le niveau correspondant à un flux de production pièce à pièce de la chaine, il fait de l’activité quotidienne une obligation kaizen. LE MUDA DES REJETS Les rejets interrompent la production et exigent de coûteuses retouches. Souvent, il faut s'en débarrasser et c'est alors le pire des gaspillages des ressources et des efforts. Dans l'environnement actuel, caractérisé par la production de masse, une machine automatisée très rapide peut, en cas de mauvais fonctionnement, vomir littéralement un grand nombre de produits défectueux avant que le problème n’ait été identifié. Il faudrait au minimum équiper ces machines de dispositifs d'arrêt mis en œuvre aussitôt qu'un tel produit est fabriqué. Dans leurs rapports avec leurs clients, les fournisseurs se plaignent souvent de l’excès de paperasse et du nombre excessif de changements apportés à la conception. Dans un sens plus large, ces deux problèmes incorporent du muda. Le premier se rapporte au muda qui pourrait être éliminé par la réduction de la paperasserie, des opérations de rationalisation et l'élimination des processus inutiles, L’accélération du temps de traitement de l'information écrite et de la prise de décision. Le second problème se rapporte au muda des rejets. Si les concepteurs avaient bien fait leur travail la première fois, s'ils avaient mieux compris les exigences du client et du fournisseur et celles de leur propre gemba., ils auraient pu éliminer le muda des changements de conception. LE MUDA DU DEPLACEMENT Tout déplacement d'une personne non directement lié à une création de valeur ajoutée est improductif. Une personne qui marche, par exemple, ne crée pas de valeur. En particulier, toute action exigeant de l'opérateur un grand effort physique —comme la levée ou le transport d'un objet pesant — doit être évitée en raison non seulement de la difficulté qu'elle représente mais aussi du muda. La nécessité de porter un objet pesant sur une certaine distance peut être éliminée par un réagencement de la pièce. Si l'on observe un opérateur au travail, on s'aperçoit que la création de valeur ajoutée ne prend que quelques secondes; le reste des mouvements représente des actions non créatrices de valeur, comme le fait de se saisir d’une pièce et de la poser. Souvent, une même pièce est d’abord saisie de la
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main droite et tenue de la main gauche. Une personne travaillant sur une machine à coudre, par exemple, saisit d'abord des pièces de tissu dans la boite à fournitures, les place sur la machine à coudre, pour finalement n'en prendre qu'une pour l'alimenter. Pour identifier le muda du mouvement, il faut observer avec soin la façon dont l'opérateur se sert de ses mains et de ses jambes, dispose les pièces sur lesquelles il doit travailler, développe ses propres outils et ses gabarits. LE MUDA DU TRAITEMENT Parfois, dans le traitement lui-même, ce sont une technologie ou une conception inadéquate qui occasionnent du muda. Une approche préalable trop longue ou un dépassement du temps de traitement de la machine, une frappe improductive de la presse, le débourrage, sont tous des exemples, évitables, de muda du traitement. A chaque processus, appliqué aussi bien à une pièce ou une information, une Valeur ajoutée est créée et transmise au processus suivant. Ici, le processus concerne une modification de la pièce ou de l'information. L'élimination du muda dans le traitement peut être obtenue fréquemment par une technique de bon sens à faible coût. En combinant des opérations, il est possible d'éviter un traitement générateur de gaspillage. Par exemple, dans une usine produisant des téléphones, le récepteur et le corps de l' appareil sont assemblés sur des chaînes séparées et réunis ultérieurement sur la chaîne d'assemblage finale. Pour protéger le corps des récepteurs d'éraflures pendant leur transport à la chaîne d'assemblage final, chacun d'eux doit être enveloppé d'un sac plastique. En connectant la chaîne d'assemblage du récepteur et la chaîne d'assemblage finale, l'entreprise peut éliminer l'opération d'emballage et le sac. Dans de nombreux cas, le gaspillage dans le traitement résulte aussi d'une défaillance dans la synchronisation des processus. L'opérateur a souvent tendance à s'engager dans le processus de travail à un degré plus fin qu'il n'est nécessaire, ce qui constitue un autre exemple de muda du traitement. LE MUDA DE L'ATTENTE Ce type de muda se présente quand les mains de l'opérateur sont inoccupées; quand son travail est mis en attente du fait d'un déséquilibre de la chaîne, d'une absence de pièces, de l'immobilisation d'une machine; ou quand il contrôle simplement une machine effectuant une tâche créatrice de valeur ajoutée. Ce type de muda est facile à détecter. Plus difficile à détecter est le muda d'attente d'une machine en cours de traitement ou d'un travail d'assemblage. Même si un opérateur paraît travailler
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Dur, il peut y avoir une bonne dose de muda dans les minutes ou les secondes passées à attendre l'arrivée de la pièce suivante. Durant cet intervalle, l'opérateur est simplement en train d'observer la machine, et gaspille son temps LE MUDA DU TRANSPORT Au gemba, on remarque toutes sortes de transports à l’aide de chariots, chariots-élévateurs et convoyeurs. Le transport constitue une partie essentielle des opérations, mais le déplacement des matières premières ou des produits ne crée aucune valeur ajoutée. Pire encore, des dommages se produisent souvent durant le transport. Deux processus séparés nécessitent un transport. Pour éliminer le muda dans ce domaine, ce que l'on appelle l’île isolée — tout processus physiquement distant de la chaîne principale — doit être, si possible, incorporé à celle-ci. Avec l'excès de stocks et l'attente inutile, le muda du transport est une forme très apparente de gaspillage. L'une des caractéristiques les plus remarquables de la plupart des gemba de fabrication en occident est leur forte dépendance par rapport aux convoyeurs à courroie. Ce type d'installation fait parfois me demander si l'ingénieur qui les a conçus est un partisan du modèle du chemin de fer. Toutes les fois que j'avise un convoyeur dans un gemba, ma première question devrait être « comment peut-on l'éliminer? » La meilleure chose qu'une entreprise puisse faire de ses convoyeurs est de les vendre à son concurrent. Mieux encore, elle devrait les envelopper dans un paquet cadeau et les lui envoyer gratuitement! ÉPISODE Le consultant kaizen Greg Back rappelle son expérience chez un fabricant d'automobiles bien connu. G. Back et ses collègues travaillaient, aux presses, à réduire les temps de changement et de réglage sur une presse à matrices multiples. Au départ du projet, G. Back avait fixé un objectif pour la fin de la semaine : réduire de 50 % le temps de réglage — alors de dix heures — sans changement technologique. L'agent de maitrise et les ouvriers réagirent avec colère et incrédulité « Toutes ces années, nous n'avons tout de même pas dormi! » À la fin de la semaine, le temps avait pourtant été réduit de cinq heures et demie, pour l'essentiel grâce à des changements du mode de pensée : incorporation des «5S» passage d'un travail interne à un travail externe pour le changement, etc. En effectuant des modifications techniques additionnelles mineures, puis en standardisant les procédures et les pratiques dans les deux mois qui suivirent, l'entreprise, de son propre chef, réduisit à trois heures et demie le temps de changement. Le contremaître de la chaine des presses confessa plus tard à G. Back : « Quand vous vous êtes présenté pour nous taire part des possibilités que vous
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entrevoyiez, j'en fus très irrité. Après tout, je suis un spécialiste de ces choseslà et mon personnel est très bon. Mais je me dis : Bon! Laissons ces consultants kaizen s’en débrouiller! Maintenant que j'ai vu les résultats et la façon dont vous vous y êtes pris, je me suis dit : comment n'avais-je donc pas vu tout ce muda auparavant? Et j'ai pensé à ce que je faisais alors : lorsque je parcourais ma chaîne et voyais mon personnel occupé et travaillant dur, j'étais satisfait. Je n'avais jamais regardé d'aussi près ce qu'ils faisaient, la façon dont ils le faisaient ou la raison pour laquelle ils le faisaient de cette façon! Ils étaient occupés, se plaignant de la quantité de travail; la tâche était difficile et n'avait jamais pris autant de temps. Je n'avais réellement jamais observé le processus de près au gemba! » Le muda étant tout ce qui ne crée pas de valeur ajoutée, la liste peut en être étendue presque indéfiniment. Chez Canon Company, le muda est classé en neuf catégories : travail en cours, rejets, installations, dépenses, travail indirect, conception, talents, marche, début d'un nouveau produit. Serge Le Berre, directeur de l'Institut KAIZEN en France me disait un jour qu'il faudrait ajouter à la liste le muda de l'ingénierie, car on peut voir aussi beaucoup de muda dans le travail des ingénieurs. Par exemple, ils ont tendance à concevoir une structure complexe, là où une solution simple serait facilement disponible. Avec dans leur bagage les connaissances les plus récentes de la science et de la technologie, ils brûlent d 'impatience à l’idée de les employer pour réaliser leurs projets, de préférence à des moyens moins complexes. Ce type de mentalité va à l'encontre des exigences du gemba, sans parler de celles du client. Les ingénieurs des temps modernes sont toujours en quête de plus de complexité et de complication, au lieu de chercher à réduire le gaspillage, conclut S. Le Berre. Tomoo Sugiyama, directeur de Yamaha Engine Company, propose « moins d'ingénierie » au gemba. Il a conçu la liste suivante comme moyen de mettre en lumière les choses qui devraient être éliminées : L'homme (l'ouvrier) : • regarder moins; • marcher moins; • chercher moins; • bloquer moins. La machine : • moins d'air; • moins de convoyeurs; • moins de coupures d'air; • moins de pression.
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La matière : • moins de boulons • moins de bourre : • moins d'attente; • moins d'arrêts. Les méthodes : • moins de goulets d'étranglement; • moins de stocks. La qualité : • moins de rejets; • moins d'erreurs de négligence; • moins de non-conformité, Sugiyama en est venu au « moins d'ingénierie » (« engineering less ») en essayant de concevoir un slogan qui aiderait le personnel du gemba à identifier les problèmes plus facilement. Bien que l'expression ne soit pas spécialement euphonique, elle capta l'imagination des gens. La popularité au Japon des « bandes sans fin » (« endless tapes ») et des « pneus sans chambre » (« tubeless tires ») a fait du mot anglais less (sans) un mot très familier dans ce pays. Sugiyama entreprit les activités kaizen sur le thème du « moins d'ingénie- rie »; il se rendit compte qu'elles étaient facilement acceptées. Par exemple, l'entreprise développa les trois principes de l'ingénierie sans air que voici : • ne pas transporter d'air; • ne pas en stocker; • éliminer l'espace qui ne crée pas de valeur ajoutée. Ayant déterminé que l'air constituait 93 % de l'emballage de l'entreprise les silencieux d'automobile et les pots d'échappement, Sugiyama assigna pour cible à kaizen le gaspillage et réalisa une grande quantité d'économies. Plus tard, l'ingénierie sans air fut aussi appliquée à l'utilisation plus efficace des entrepôts. Fort de cette expérience, Yamaha conçut une formule de calcul des économies d'espace en termes financiers et se lança dans une campagne dans toute l'entreprise sur le thème « moins d'air ». Suivant le point de vue de Sugiyama, n'importe qui peut ajouter d'autres points à la liste des « moins d 'ingénierie », simplement en prenant la peine d’identifier le muda. LE MUDA DE TEMPS Un autre type de muda observé quotidiennement est le gaspillage de temps, Une mauvaise utilisation du temps se traduit par une stagnation : matériaux,
LE MUDA
produits, informations, ou documents s'accumulant sans création de valeur ajoutée. À la production, le gaspillage temporel prend la forme d'un stock. Dans le travail de bureau, il se produit quand un document ou tout autre support d'informations demeurent sur une table ou dans un ordinateur, attendant une décision ou une signature. Toutes les fois que se produit une stagnation, le muda survient. Ce muda est beaucoup plus important dans le secteur des services. En éliminant les goulets d'étranglement déjà mentionnés, correspondant à du temps ne créant pas de valeur ajoutée, le secteur des services devrait pouvoir réaliser une augmentation substantielle en termes d'efficacité et de satisfaction du client. L'élimination du muda ne coûte rien. C'est donc pour l'entreprise, un des moyens les plus faciles d'améliorer ses opérations. Tout ce qu'on a besoin de faire, C'est d'aller au gemba, d'observer ce qui s'y passe, de reconnaître l'existence d'un gaspillage, et de prendre des mesures pour l'éliminer.
Trouver des occasions d'économiser le temps Une banque d'investissement avait une politique consistant à adresser à ses clients en fin de mois une situation des comptes en souffrance. Pour préparer ces situations, les comptables devaient travailler en heures supplémentaires toute la deuxième partie du mois. Un jour, quelqu'un fit observer : « Toutes les fois que nos clients nous remettent de l'argent ou en retirent, nous leur adressons un rapport de transaction montrant le solde impayé. Ont-ils réellement besoin d'avoir en plus une situation mensuelle? » Cette question incita l'entreprise à adresser un questionnaire aux clients. Les réponses révélèrent que la plupart des clients ne voulaient pas de la situation mensuelle; certains même la considéraient, en vérité, comme ennuyeuse. À partir de là, la banque n'adressa plus ce document qu'à ceux qui le demandèrent. MUDA, MURA, MURI Les mots muda, mura et muri sont souvent utilisés ensemble. On les désigne au Japon par l'abréviation des « 3 M ». De même que le muda tient lieu d'avertissement commode pour démarrer kaizen, les mots muri et mura sont utilisés comme un pense-bête pratique pour démarrer kaizen au gemba. Muri signifie effort et mura irrégularité. Tout ce qui est irrégulier et exige un effort indique l'existence d'un problème. En outre, le muri et le mura constituent des muda à éliminer.
Mura (irrégularité) Toutes les fois qu’un flux régulier de travail est interrompu, qu'il s'agisse du travail d'un opérateur, d'un flux de pièces, de machines ou du programme de production, il y a un mura.
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Supposons que des opérateurs travaillent sur la chaîne, et que chaque personne accomplisse une tâche répétitive donnée avant d'en transmettre le résultat à la personne suivante. Si l'un de ces opérateurs prend plus de temps que les autres pour effectuer cette tâche, il leur occasionne du mura aussi bien que du muda, car le travail de tous doit alors s'aligner sur le travail de la personne la plus lente. L'observation de ces irrégularités est un moyen facile pour démarrer gemba kaizen.
Muri (travail exigeant un effort) Muri signifie « conditions exigeant un effort » tant pour les ouvriers et les machines que pour les processus de travail. Par exemple, si un ouvrier nouvellement recruté est chargé d'accomplir la tâche d'un ouvrier plus ancien, sans y avoir été formé, celle-ci nécessitera de sa part un effort; il sera probablement plus lent et pourra même commettre de nombreuses erreurs, qui constitueront aussi du muda. Si un opérateur transpire abondamment pour effectuer une tâche déterminée, nous devons en déduire qu'elle lui est pénible et la lui retirer. Si l'on entend un grincement s'échapper d'une machine, c'est qu'elle rencontre une résistance et qu’une anomalie est en train de se produire. Ainsi, mura et muri sont-ils comme des avertisseurs commodes permettant d'identifier des anomalies au gemba, associées au muda. De toutes les activités kaizen, l'élimination du muda est la plus facile à démarrer, car il n'est pas très difficile d'identifier le muda une fois une certaine expérience acquise. L'élimination du muda consiste habituellement à cesser de faire une chose que nous effectuions jusqu'à présent; par conséquent, cela coûte peu de le faire. Pour ces raisons, la direction devrait prendre l'initiative de démarrer kaizen par l'élimination du muda au gemba, dans l'administration comme dans les services, pour autant qu'on puisse trouver du muda dans ces secteurs. Toutefois, l'élimination du muda devrait être effectuée en même temps que les activités « 5 S ».
LES FONDATIONS DE LA MAISON DU GEMBA
CHAPITRE LES FONDATIONS DE LA MAISON DU GEMBA
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Comme nous l'avons montré au chapitre 2, la maison du gemba repose sur de solides fondations. Les activités impliquant la participation du personnel : travail d'équipe, élévation du moral, pratique de la discipline librement consentie, cercles de qualité, suggestions et quantité d'activités connexes : communication, habilitation, développement des capacités. L'encadrement doit s'engager fermement à entretenir de façon permanente ces activités. C'est seulement lorsque l'encadrement démontre qu'il est hautement motivé, librement discipliné, et psychologiquement orienté vers kaizen, que le personnel du gemba peut accomplir ses tâches de maintien et d'amélioration des standards pour atteindre les objectifs du QCD et satisfaire ses clients. La plupart des entreprises qui échouent dans l'introduction de kaizen le doivent au fait qu'elles ne parviennent pas à édifier d'abord l'infrastructure nécessaire. Heureusement, pour voir l'amélioration se produire, il n'est pas nécessaire d'attendre que l'infrastructure soit complète et que tout le personnel du gemba ait réalisé la transformation. Les gens commencent à changer leur façon de penser et leur comportement aussitôt qu'ils commencent à travailler à kaizen. Par exemple, quand les «5S» sont fermement établis au gemba, le personnel mettra en œuvre la discipline librement consentie pour poursuivre ce qu'il a approuvé. Gemba kaizen produit des résultats si impressionnants que les opérateurs du gemba sont les premiers à en reconnaître les bénéfices. Marina Calcagni, opératrice chez Giorgio Foods Company, commente son expérience personnelle de kaizen dans l'entreprise : Quand le kaizen démarra, tout le monde en fut abasourdi. C'était quelque chose de différent. Jusque-là, les gens ne venaient ici que pour travailler, prendre leur paye et rentrer chez eux. Au lieu de cela, kaizen nous a ouvert les yeux. Je pense qu'il l'a fait réellement. Et il nous fait réfléchir à deux fois quand nous faisons quelque chose. Nous avons appris, je pense, que si nous faisons mieux les choses, c'est pour nous et non pour quelqu’un de l'extérieur. Notre place est plus propre et plus nette, c 'est une place plus sûre pour travailler. Personnellement, je crois que le kaizen m'a aidée, pas seulement au travail' mais même chez moi. Il me fait réfléchir deux fois. Je veux être meilleure chaque jour. On ne doit pas attendre qu’il y ait un problème. Nous devons faire quelque chose qui rende les choses meilleures dans n'importe quel domaine. Non parce qu'il y a un problème, seulement pour les rendre meilleures. C'est ce que Kaizen nous a enseigné. Bill Ford, sympathique professeur honoraire au Centre de recherches Relations industrielles à l'université de New South Wales, Australie, soutient la notion d'une entreprise qui apprend. Il cite Dick Dusseldorp : « La formation est pour les chiens et les chats. Les hommes apprennent » Une entreprise qui apprend, dit B. Ford, est une entreprise dans laquelle des
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individus, des équipes, l'entreprise elle-même sont continuellement en train d'apprendre et de partager, en développant, transférant et utilisant leurs connaissances et leurs capacités pour parvenir à une amélioration continue et à la création d'un avantage concurrentiel dynamique. Des entreprises comme celle-ci créent un climat de travail coopératif permettant à tous ceux qui prennent part à leur activité — actionnaires, dirigeants, ou personnel — d'avoir en partage le développement d 'objectifs communs. En construisant les fondations du gemba kaizen nous poursuivons le même but, construire une entreprise qui, tout entière, dirigeants et personnel, apprend, afin de développer des orientations et des valeurs communes. Ici, l'amélioration est un mode de vie, les hommes et les femmes tirent fierté de leur travail, améliorent continuellement leurs capacités et sont habilités à résoudre les problèmes du gemba. La tâche est vue comme une mission, un moyen d'accomplissement et de développement personnels. Ainsi, le gemba doit-il devenir une citadelle de l'apprentissage! Pour édifier une organisation qui apprend, la direction doit doter le gemba de pouvoirs, en procurant à son personnel des expériences d'apprentissage. Comme nous l'avons mentionné à plusieurs reprises, les outils nécessaires à l'apprentissage du gemba reposent en grande partie sur le bon sens; une simple liste de contrôle comme celle qui invite à poser cinq fois de suite la question « pourquoi? »; les « 5 S » de l'« art de bien gérer la maison »; le muda, muri, mura; et le mot d'ordre appliqué au muda : « Ne le reçois pas, ne le fabrique pas, ne le transmets pas! ». Au gemba, les expériences d'apprentissage doivent être fondées sur la prise en considération des valeurs humaines fondamentales, comme le respect de l'humanité, l'engagement, la détermination, l'économie (ou utilisation raisonnable des ressources), la propreté et l'ordre. Ici, « apprendre » doit être synonyme de « faire ». Plutôt que de trop apprendre, le personnel du gemba doit se voir offrir l'occasion d'un apprentissage par la pratique et l'acte, en s'impliquant physiquement, en se servant de ses mains aussi bien que de son cerveau. Après l'introduction des « 5 S » et de la standardisation chez Tokai Shin-ei, le président Yoshihito Tanaka disait : Avec le recul, nous avons appris que notre tâche consiste à faire ce que nous sommes supposés faire, c'est-à-dire faire ce que nous avons accepté. En d'autres termes, une bonne entreprise est celle où tout le monde fait ce qu'il est supposé faire. Nous avons aussi appris que la meilleure expérience d'apprentissage qu'on puisse acquérir est celle obtenue par la pratique, en utilisant son corps et en apprenant tout en le faisant. Il n'est pas suffisant de prodiguer des connaissances. Ainsi, en introduisant gemba kaizen et en travaillant sur des sujets comme la Standardisation, l’« art de bien gérer sa maison » et l'élimination du muda, ce qui Compte le plus c'est d'apprendre en faisant, et non d'acquérir simplement
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des connaissances et les outils. Le gemba a besoin d’action, pas de mots. Mais encore aujourd’hui, la majorité des formations proposées au gemba se concentrent sur le fait d’apprendre. Au gemba, on fait appel à des spécialistes de différentes disciplines : maitrise statistique de la qualité, psychologie, développement des ressources humaines. Sont-ils seulement là pour transmettre des connaissances ou pour conduire une expérience d 'apprentissage? Un point est clair : ceux qui ne comprennent pas les tâches et les problèmes auxquels est confronté le personnel du gemba ne seront jamais à même de l'aider. Comme l’a découvert précisément Tanaka, de Tokai Shin-ei, il est temps de réaliser que le point de départ de gemba kaizen réside dans le fait ensemble et d'identifier les sujets offrant un intérêt mutuel pour l’encadrement et le gemba. Au gemba. a appris Tanaka, l'encadrement doit d'abord atteindre le cœur des Hommes, avant de passer aux outils et aux technologies. C'est pour cette raison qu'au Japon, les activités gemba kaizen ont toujours insisté sur l'action. La pratique de kaizen au gemba répond aux dix règles de base suivantes : 1.
Se défaire de la vision rigide traditionnelle de la production.
2.
Penser à la façon de faire quelque chose, et non à la raison pour laquez elle n'est pas faite.
3.
Ne pas s'excuser. Commencer par s'interroger sur les pratiques actuelles
4.
Ne pas chercher la perfection. Agir, même si c'est pour n’atteindre que 50% de l’objectif!
5.
Corriger immédiatement les erreurs.
6.
Ne pas dépenser d'argent pour kaizen.
7.
Rechercher la sagesse qui se manifeste dans l'épreuve.
8.
Poser cinq fois de suite la question « pourquoi? » et chercher la première.
9.
Rechercher la sagesse de dix personnes plutôt que les connaissances d'une seule.
10. Partir de l'idée que les chances en faveur de kaizen sont infinies
D'anciennes façons de penser sont profondément enracinées dans le personnel du gemba. Lorsque gemba kaizen est introduit pour la première fois, de fortes résistances psychologiques sont à surmonter. Les dix règles ci-dessus sont employées par l'encadrement pour faciliter l’introduction de gemba kaizen.
LES FONDATIONS DE LA MAISON DU GEMBA
Quiconque croit que les entreprises japonaises n'ont jamais rencontré d'obstacles dans l’application de gemba kaizen se trompe lourdement. Gemba kaizen doit être introduit avec une ferme détermination de la part de l'encadrement. Après plusieurs années de promotion de kaizen dans son entreprise, Jim Crawford, vice-président et directeur général pour la gestion de la valeur, la recherche et le développement des produits chez Excel, formule les observations suivantes sur son passage personnel par le processus kaizen : Le changement personnel le plus profond occasionné par kaizen est d'avoir compris que nos processus de travail sont les mécanismes qui nous livrent les résultats. Cette compréhension amène à reconnaitre que nous pouvons améliorer de façon spectaculaire les résultats à long terme en améliorant nos processus de travail. Mes perspectives passées m 'ont conduit à croire que des résultats spectaculaires pouvaient être obtenus en travaillant plus vite et plus dur. Ces efforts n'ont livré que des résultats décevants. L'amélioration spectaculaire était encore insaisissable. Guidé par la croyance qu’une amélioration spectaculaire, à court terme, pouvait encore être obtenue, des efforts ont été conçus pour approcher l'amélioration des résultats par une augmentation des effectifs en personnel et des ressources en capital. Avec le recul, il apparaît que ces efforts ont échoué. La notion suivant laquelle on ne peut améliorer les résultats qu’en améliorant nos processus de travail est un concept simple, encore souvent méconnu. La question clé est de savoir pourquoi ce concept paraît si difficile aux dirigeants. Peut-être suis-je optimiste, mais je que mes observations personnelles peuvent nous aider à trouver la réponse. En effectuant différentes comparaisons, je me suis aperçu que dans les entreprises ayant réussi, les dirigeants se sont engagés dans le kaizen. Ils adhèrent à l'idée que l'amélioration des résultats n'est pas le fait du management en lui-même, s'il est pratiqué à court terme, mais de dirigeants appuyant les efforts à long terme de tous leurs collaborateurs dans la gestion de leurs processus de travail. Faire passer une organisation de l'ombre à la lumière exige aussi patience et courage. Chez Excel, ce changement est douloureusement lent. Le courage nécessaire au soutien des efforts à long terme est difficile à acquérir, étant donné la pression qui s 'exerce pour une amélioration spectaculaire des résultats. L'aptitude à diriger et faire preuve de patience pour obtenir une amélioration spectaculaire à long terme dépend seulement de notre compréhension d'un principe : une amélioration durable des résultats est la conséquence des améliorations à long terme de nos processus de travail.
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Les études de cas de Leyland Trucks et d'Excel montrent comment s'y sont pris les dirigeants de ces entreprises pour bâtir une structure interne apte à en faire des « entreprises qui apprennent ». Si l'on en croit la définition de la différence entre enseignement et formation, le premier apprend ce que l'on ne connaît pas encore, tandis que la seconde apporte ce que l'on connait déjà — mais elle le fait de telle façon que ce que l'on a appris devient presque une seconde nature. En d'autres termes, avec la formation, on apprend à faire — par une pratique répétée. Ce n'est pas simplement en lisant un livre ou en écoutant une conférence que l'on acquiert un savoir-faire, c'est par la pratique. *
* *
Des systèmes de suggestions et des cercles de qualité actifs constituent la preuve que le personnel participe activement à kaizen et que la direction a réussi à édifier l'infrastructure kaizen. Il existe des différences marquées entre les systèmes de suggestions pratiqués au Japon et ceux à l’honneur en Occident. Le modèle américain met l'accent sur les avantages économiques et les incitations financières; le modèle japonais insiste sur l’effet psychologique d' une participation active du personnel. Les systèmes de suggestions ne se limitent pas à sensibiliser les travailleurs à l'amélioration; ils leur offrent la possibilité de discussions franches avec leurs supérieurs et entre eux. Ils donnent également à l'encadrement l'occasion de les aider à traiter les problèmes. Ainsi, les suggestions ouvrent-elles la perspective d'une communication bilatérale au sein de l'atelier, de même que du développement personnel des travailleurs. Généralement parlant, les cadres japonais ont une plus grande latitude pour appliquer les suggestions du personnel que n'en ont leurs homologues occidentaux. Les cadres japonais ont le désir d'accompagner tout changement, dès lors qu'il contribue à l'un des objectifs ci-après :
•
rendre le travail plus facile;
•
éliminer la pénibilité;
•
éliminer les nuisances;
•
accroître la sécurité;
•
rendre la tâche plus productive;
•
améliorer la qualité du produit;
•
économiser du temps et de l'argent.
Ceci contraste fortement avec l'attitude des cadres occidentaux, qui ne se soucient presque exclusivement que du coût du changement et de ce qu'il rapporte, économiquement parlant.
LES FONDATIONS DE LA MAISON DU GEMBA
Les implications de la standardisation ont été mentionnées à plusieurs reprises dans ce livre. Lorsque le personnel du gemba participe au gemba kaizen et propose des standards nouveaux et améliorés, il développe naturellement un sentiment de propriété de ces standards, et par conséquent, fera preuve de la discipline librement consentie nécessaire pour s'y conformer. Si, en revanche, les standards sont imposés d'en haut par l'encadrement, le personnel du gemba pourra faire montre de résistance psychologique à l'obligation de s'y conformer. Cela devient « leur » problème et non plus « le nôtre ». C’est une autre raison pour laquelle il est à ce point crucial d'impliquer le personnel du gemba dans ces activités que sont les suggestions et les cercles de qualité. Il est inutile de le préciser, la discipline librement consentie est la pierre angulaire de la gestion des « fondations de la maison du gemba » On peut faire confiance à un personnel pratiquant la discipline librement consentie pour qu'il se présente à l'heure au travail, maintienne un environnement propre, ordonné et sûr, se conforme aux standards existants en vue d’atteindre les objectifs QCD. Dans les séminaires de kaizen ouverts au public, je demande souvent aux participants de mettre par écrit les façons d'aider les ouvriers/employés à acquérir la discipline librement consentie. Voici quelques réponses qui m'ont été donnée : 1.
Récompenser les pas en avant.
2.
Les surprendre à faire les choses bien.
3.
S'ouvrir à leurs questions.
4.
Développer une culture incitant dire que « c'est bien! ».
5.
Faire connaître le processus d'amélioration des standards.
6.
Effectuer une évaluation.
7.
Encourager l'implication envers le client.
8.
Appliquer un système de suggestions.
9.
Mettre en place des cercles de qualité
10. Échafauder un système de récompenses. 11. Communiquer clairement ce qu'on attend d'eux 12. Effectuer de fréquentes revues du processus.
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13. Fournir le résultat des mesures. 14. Favoriser un climat de coopération. 15. Donner des instructions spécifiques concernant les critères. 16. Être impliqué dans la fixation des standards. 17. Expliquer pourquoi. 18. Donner un bon exemple. 19. Enseigner le comment et le pourquoi. 20. Faire que les progrès soient rendus visibles. 21. Abolir les barrières. 22. Encourager la pression positive des collègues. 23. Créer un environnement exempt de menace.
LE MANAGEMENT VISUEL
CHAPITRE LE MANAGEMENT VISUEL
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Au gemba, des anomalies de toutes sortes surgissent quotidiennement. On n’y trouve que deux situations possibles : le processus est maitrisé, ou il ne l’est pas. La première situation signifie que les opérations se déroulent sans àcoups, la seconde est synonyme d'« ennuis ». RENDRE LES PROBLEMES VISIBLES Au gemba. les problèmes doivent être visibles. Si une anomalie ne peut être détectée, personne ne peut gérer le processus. Il s'ensuit que le premier principe du management visuel est de mettre les problèmes en lumière. Si des rejets sont produits par la rupture d'une matrice sur la presse et si personne ne les voit, il y aura bientôt une montagne de rejets. Une machine équipée d'instruments jidohka1, s'arrêtera à l'instant même où un rejet est produit. L'arrêt de la machine rend le problème visible. Lorsque le client d'un hôtel se rend à la réception et demande un comprimé d'aspirine ou une liste des bons restaurants situés aux environs, l'incapacité de l'hôtel à satisfaire ces besoins constitue une anomalie. En affichant la liste des demandes les plus fréquentes reçues de ses clients, la direction de l'hôtel peut susciter une prise de conscience des déficiences du service nécessitant d'être redressées. C'est un cas de management visuel : rendre les anomalies visibles à tout le personnel —cadres, maîtrise, employés — pour qu'une action corrective soit entreprise immédiatement. La plus grande partie des informations émanant du gemba franchissent de nombreuses strates hiérarchiques avant d'atteindre la direction, et les informations deviennent de plus en plus abstraites et éloignées de la réalité. Là où l'on pratique le management visuel, toutefois, un cadre peut voir les problèmes d'un coup d'œil dès qu'il pénètre au gemba et peut ainsi donner des instructions sur le tas en temps réel. Avec l'aide du management visuel, le personnel du gemba peut aussi résoudre ces problèmes lui-même dans de nombreux cas. Dans une entreprise de fabrication, la meilleure chose qui puisse se produire au gemba est que la chaîne s'arrête dès qu'une anomalie est détectée. Taichi Ohno disait un jour qu'une chaîne d'assemblage qui ne s'arrête pas est soit parfaite (ce qui est impossible, bien entendu) soit extrêmement mauvaise. Lorsqu'une chaîne est arrêtée, tout le monde peut voir problème a surgi et cherche à s'assurer que la chaîne ne s'arrêtera pas à nouveau pour la même raison. L'arrêt de la chaîne est l'un des meilleurs exemples de management visuel au gemba.
l. Jidohka ou « autonomation » : mot forgé pour décrire une caractéristique du système de production de Toyota, suivant laquelle une machine est conçue pour s'arrêter automatiquement toutes les fois qu'une pièce défectueuse est produite
LE MANAGEMENT VISUEL
RESTER AU CONTACT DE LA REALITE Si la première raison du management visuel est de rendre les problèmes visibles, la seconde est d'aider les ouvriers/employés à rester en contact direct avec la réalité du gemba. Le management visuel est une méthode pratique pour déterminer si tout est maîtrisé, et un système adressant un signal au moment où surgit une anomalie. Lorsque le management visuel fonctionne, tout le monde au gemba peut gérer et améliorer les processus pour réaliser le QCD. LE MANAGEMENT VISUEL DANS LES « 5 M » Au gemba, l'encadrement doit gérer les « 5 M » : Main-d'œuvre, Machines, Matières, Méthodes et Mesures. Toute anomalie liée aux « 5 M » doit être exposée de façon visible. Par exemple : La main-d'œuvre (l'opérateur) :
•
Quel est le moral du travailleur? Il peut être mesuré par le nombre de suggestions, le degré de participation aux cercles de qualité et les chiffres de l'absentéisme. Comment sait-on qui est absent de la chaîne aujourd'hui et qui le remplace? Tout ceci doit être visible au gemba.
•
Comment connaît-on le niveau de compétence des gens? Un tableau d'affichage au gemba peut donner la liste des personnes ayant été formées pour accomplir telle tâche, et de celles ayant besoin d'une formation supplémentaire.
•
Comment sait-on si l'opérateur effectue son travail correctement? Les standards montrant la bonne façon de faire le travail — par exemple, la feuille de travail standardisée et le standard à un point — doivent être affichés.
Les machines :
•
Comment sait-on si la machine fabrique des produits de bonne qualité? Si des appareils jidohka et poka-yoké2 sont fixés : la machine s'arrête immédiatement dès que quelque chose ne va pas. Lorsque l'on voit une machine arrêtée, il faut savoir pourquoi. Si elle s'est arrêtée, est-ce en raison : - d'une immobilisation prévue? - d'un changement ou d'un réglage? - de problèmes de qualité? - d'une panne de machine? - d'une réparation préventive?
•
Les niveaux de lubrification, la fréquence des changements et le type de lubrifiants doivent être indiqués.
2. Poka-yoké : dispositif anti-erreurs.
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•
Le boîtier de métal est remplacé par un couvercle transparent, de telle façon que l'opérateur puisse voir quand se produit un mauvais fonctionnement.
Les matières : •
Comment sait-on si les matières s'écoulent de façon régulière? Comment sait-on si l'on a plus de matériaux qu'on ne peut en manipuler et si l'on produit en quantité supérieure à celle prévue? Lorsqu’on spécifie un niveau de stock minimum et que l'on utilise un kanban3, ces anomalies deviennent visibles.
•
Le lieu où les matières sont entreposées doit être indiqué, en même temps que le niveau du stock et le nombre des pièces. Différentes couleurs sont utilisées pour prévenir les erreurs. Utiliser des lampes signaux et des signaux sonores pour mettre en lumière des anomalies, telle une rupture de stock.
Les méthodes : •
Comment un agent de maîtrise sait-il si les gens font bien leur travail? Ceci est rendu clair par des feuilles de travail standardisées affichées à tous les postes de travail. Les feuilles de travail doivent montrer la séquence des tâches, le temps de cycle, les points de sécurité, les points de vérification de la qualité, et ce qu'il faut faire quand la variabilité apparaît.
Les mesures : •
Comment vérifie-t-on si le processus se déroule régulièrement? Des indicateurs doivent être clairement marqués pour montrer les intervalles de fonctionnement sûr. Des bandes sensibles à la température doivent être fixées aux moteurs pour montrer s'ils ne génèrent pas de température excessive.
•
Comment sait-on si une amélioration a été faite et si l'on est en d'atteindre l'objectif?
Des graphiques de tendances doivent être apposés au gemba indiquant le nombre des suggestions, les plannings de production, les objectifs d'amélioration de la qualité et de la productivité, la réduction du temps de réglage et celle des accidents du travail. LE MANAGEMENT VISUEL DANS LES «5S» Les lecteurs ont probablement compris que le management visuel a beaucoup affaire avec les «5S» ou l' « art de bien gérer sa maison ». Quand on s’engage dans les «5S», on s'aperçoit qu'il a pour conséquence d'améliorer le
3. Kanban : fiche de commande de production, destinée à éviter la formation de stocks
LE MANAGEMENT VISUEL
management visuel. Une meilleure « gestion de la maison » rend les anomalies visibles, ce qui permet de les corriger. J'aimerais donc revenir à nouveau maintenant sur les « 5 S » en me plaçant cette fois-ci du point de vue du management visuel : •
Seiri (se débarrasser des choses inutiles) : il ne doit subsister au gemba que ce qui est nécessaire et seulement si l'on doit s'en servir maintenant ou dans l'avenir immédiat. En parcourant le gemba, y découvrez-vous des travaux en cours, des fournitures, des machines, des outils, des matrices, des étagères, des cartes, des containers, des documents, ou des objets personnels non utilisés? Débarrassez-vous en pour qu'il ne reste que le nécessaire;
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Seiton (mettre en ordre tout ce qui reste) : au gemba, tout doit être à sa bonne place, prêt à être utilisé dès qu'on en a besoin. Toute chose doit avoir sa propre adresse et y être placée. Au sol, les chaînes sont- elles marquées convenablement? Les allées centrales sont-elles dégagées de tout obstacle? Une fois que l'on pratique le Seiton, il est facile d'identifier ce qui n'est pas rangé;
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Seiso (nettoyage minutieux de l'équipement et des lieux) : l'équipement, les planchers, les murs sont-ils propres? Peut-on détecter les anomalies (vibrations, fuites d'huile, etc.) affectant l'équipement? Là où l'on pratique le Seiso, n'importe quelle anomalie devient bientôt apparente;
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Seiketsu (se tenir propre soi-même et travailler quotidiennement aux trois règles ci-dessus) : le personnel porte-t-il des vêtements de travail propres? Utilise-t-il des lunettes de sécurité et des gants? Travaille-t-il en permanence au seiri, au Seiton et au Seiso, comme faisant partie de son activité journalière?
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Shitsuke (autodiscipline) : les tâches «5S» de chaque individu doivent être spécifiées. Sont-elles visibles? A-t-on établi des standards pour les «5S»? Les ouvriers se conforment-ils à ces standards? Les ouvriers doivent enregistrer des données sur des graphiques Ou des feuilles de contrôle, par heure, par jour ou par semaine, suivant ce qui leur est demandé. Un moyen pour l'encadrement d'entretenir la discipline librement consentie consiste à demander aux ouvriers de remplir ces documents quotidiennement avant de regagner leur domicile.
Veiller à ce que les «5S» soient bien appliqués au gemba signifie que les machines sont en fonctionnement, qu'elles fabriquent des produits de bonne qualité. AFFICHAGE DES STANDARDS Quand nous nous rendons au gemba, le management visuel ne nous fournit que des indicateurs de performance. Nous savons qu'il existe une anomalie
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quand nous trouvons le long de la chaîne des caisses de fournitures en nombre plus grand que permis; quand un chariot transportant des fournitures abandonnées hors de sa place attitrée; quand une allée centrale est remplie de caisses, de cordes, de rebuts et de bouts de tissu (une allée est conçue pour servir de lieu de passage, non pour y entreposer des objets). Le management visuel implique l'affichage des standards de travail en face du poste dc travail. Ces standards ne rappellent pas seulement à l’ouvrier la bonne façon de travailler, mais ce qui est plus important, ils permettent au responsable de déterminer si le travail est effectué conformément aux standards. Lorsque l'opérateur quitte son poste, nous savons qu'il y a une anomalie, car les standards affichés en face de lui spécifient qu'il est supposé se tenir à son poste pendant les heures de travail. Si l'opérateur n'a pas achevé travail dans le temps de cycle, on ne peut espérer qu'il atteindra l’objectif de production de la journée. Si les standards énoncent en détail la façon dont les ouvriers doivent remplir leur tâche, souvent, ils ne spécifient pas les mesures à prendre dans l'éventualité d'une anomalie. Les standards doivent d'abord définir les anomalies, puis passer en revue les mesures à leur appliquer. Les objectifs de production journaliers doivent aussi être visibles. Avec objectifs horaires, ils doivent être affichés au regard des chiffres réels. Ces informations alertent l’agent de maîtrise pour qu’il prenne les mesures nécessaires à l'atteinte de l'objectif, comme d'affecter des ouvriers à la chaîne qui accuse un retard sur le planning. Les murs du gemba doivent tous pouvoir être transformés en instruments à management visuel. Les informations suivantes doivent être affichées sur les murs et les postes de travail afin que tout le monde sache où l'on en est par rapport au QCD. •
informations sur la qualité : chiffres des rejets journaliers, hebdomadaires et mensuels, graphiques de tendances, objectifs d’amélioration.
Le gembutsu des rejets doit être affiché pour que tous les opérateurs le voient. (On appelle parfois ces gembutsu des sarashi-kubi— mot de l'époque médiévale servant à désigner la tête du criminel affichée sur la place du village.) Ces rejets sont souvent utilisés à des tins de formation; •
informations sur le coût : chiffres de productivité, tendances et objectifs;
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Kosu (voir page 136);
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informations sur la livraison : graphiques de production objectifs
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immobilisations des machines : chiffres, tendances,
LE MANAGEMENT VISUEL
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Rendement général de l'installation (OEE = Overall Equipment Efficiency);
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Nombre de suggestions;
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Activités des cercles de qualité, pour chaque processus particulier, des chiffres ou des points particuliers peuvent être nécessaires.
FIXATION DES OBJECTIFS Les deux premiers buts du management visuel étaient de rendre les problèmes Visibles et de permettre à chacun de se tenir au courant de la réalité. Le troisième est de clarifier les objectifs d'amélioration. Supposons que des exigences externes aient poussé une usine à réduire en six mois le temps de réglage d'une presse donnée. Dans ce cas, un tableau d'affichage est installé auprès de la machine. On pointe d'abord sur un graphique le réglage actuel (par exemple, six heures pour janvier). Puis, on pointe la valeur de l'objectif (une demi-heure en juin). On trace alors une ligne droite entre les points, montrant l'objectif à atteindre à chaque mois. Toutes les fois que la presse est réglée, on mesure le temps que cela a pris et On le pointe sur le tableau. Une formation particulière doit être dispensée aux ouvriers pour les aider à atteindre l'objectif. Avec le temps, il se passe quelque chose d'incroyable : le temps de réglage réel se met à suivre la droite de l'objectif. Ceci est dû à la prise de conscience de l'objectif par les opérateurs, qui réalisent que l'encadrement attend d'eux qu'ils l'atteignent. Toutes les fois que le nombre passe au-dessus de l'objectif, ils savent qu'une anomalie a surgi (outils manquants, etc.). Ils prennent alors des mesures pour éviter qu'une telle mésaventure ne survienne. C'est un exemple de la puissance de l'effet du management visuel. Les chiffres ne sont pas suffisants pour motiver les gens. Sans objectifs, les chiffres n'ont pas de signification. La politique de la direction a pour finalité l'amélioration. L'un des rôles de la direction est d'établir des politiques à long et moyen terme, ainsi que des politiques annuelles, et de les donner à voir au personnel. Souvent, ces politiques sont présentées à l'entrée de l'usine, au restaurant d'entreprise, aussi bien qu'au gemba. Elles sont ensuite décomposées aux différents niveaux de la hiérarchie pour atteindre en fin de compte les ouvriers, et tout le monde comprend alors la raison pour laquelle il est nécessaire de s'engager dans les activités kaizen. Ainsi, les activités kaizen prennent toute leur signification dans l'esprit du
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personnel du gemba. Comprenant que ses activités ont un lien avec les stratégies de l'entreprise, il acquiert le sens de sa mission. Le management visuel nous aide donc à identifier les problèmes, à mettre en lumière les contradictions entre l'objectif et les réalités courantes. En d'autres termes, il est un moyen de stabiliser le processus (fonction maintenance), comme de l'améliorer (fonction d'amélioration). Le management visuel est un instrument puissant de motivation du personnel du gemba pour l'inciter à atteindre les objectifs de l'entreprise. Il procure aux ouvriers/employés de nombreuses occasions de renforcer leurs propres performances par l'affichage des cibles déjà atteintes et leur progression vers les objectifs visés.
RÔLE DES AGENT DE MAÎTRISE DU GEMBA
CHAPITRE RÔLE DES AGENT DE MAÎTRISE DU GEMBA
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Les agents de maitrise du gemba donnent souvent l’impression de ne pas savoir exactement ce qu'ils sont supposés faire. Ils combattent le feu, effectuent des comptages, réalisent des quotas de production sans égard pour la qualité. Parfois, ils n'ont pas même en tête des quotas de production journaliers : ils s'efforcent seulement de produire autant de pièces qu'ils peuvent en produire, pour autant que le processus soit maitrisé entre les nombreuses interruptions provoquées par l'immobilisation d'une machine, l’absentéisme et les problèmes de qualité. Selon moi, cette situation est due au manque de clarté de l'encadrement sur ce qu'il est supposé gérer au gemba, à l'imprécision du rôle des agents de maitrise et de leur responsabilité au regard de la mesure de leur performance. Dans ce qui va suivre, j'aimerais passer en revue le rôle des agents maîtrise, qui a évolué au Japon au cours des quarante années écoulées. Mais je m'empresse d'ajouter que le Japon doit beaucoup aux programmes « formation de l'encadrement » (MTP1) et « formation dans l'industrie » (TWI2), apportés à ce pays par les États-Unis, pour l'aider à développer la formation de ses cadres et de ses agents de maîtrise. Le premier visait l'encadrement moyen, le second les agents de maîtrise. Les pages suivantes sont extraites de « Formation, amélioration continue et relations humaines. Les programmes américains TWI et le style de management japonais », par Alan G. Robinson et Dean M. Schroeder, dans California Management Review, Vol. 35, 19933. W. Edwards Deming. Joseph Juran et d'autres spécialistes américains ont bien mérité leur place dans les livres d'histoire pour leur contribution significative au développement industriel du Japon. Toutefois, les programmes TWI, mis en place par les autorités d'occupation après la Seconde Guerre mondiale, ont peut-être eu une plus grande influence encore. Dix millions au moins de cadres, agents de maitrise et ouvriers japonais sont diplômés des programmes TWI, ou d'une de leurs nombreuses variantes, tous encore largement utilisés au Japon en 1992. Le TWI a eu en effet une forte influence sur la pensée et la pratique du management japonais. Un grand nombre des pratiques de management attribuées aux Japonais tirent leurs racines du TWI. Les programmes TWI ont été développés aux États-Unis il y a cinquante ans. Ils ont été conçus pour jouer un rôle majeur dans la propulsion de la production industrielle aux niveaux requis pour remporter la guerre. Bien que le TWI
1. MTP = Management Training Program. 2. TWI Training Within Industries. 3. Note de l’auteur : Copyright © 1993, by the Regents of the University of California Reprinted from the California Management Review, Vol. 35, n°2. By permission of the Regents
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ait parfaitement réussi, le programme a cessé d'être utilisé après la guerre, et en 1992, il ne l'est pratiquement plus aux États-Unis, si tant est qu'il y soit encore connu. Au Japon, l'histoire est tout à fait différente. Après la guerre, l'industrie japonaise tournait à moins de 10 % du niveau qui avait été le sien entre 1935 et 1937. Confrontés à la menace de troubles étendus, de famine, de désordres sociaux, les autorités américaines ont tout naturellement pensé au TWI, série de programmes spécifiquement conçus pour développer la productivité et la qualité à l'échelle d'un pays. Si le TWI a eu un impact dans de nombreux pays à travers le monde, il eut à n'en pas douter le plus grand effet au Japon. En 1992, même si les programmes ont peu changé depuis leur arrivée au Japon, ils jouissent encore d'une grande dans les cercles du management japonais et ils sont jugés suffisamment importants pour l'intérêt national pour être supervisés par le ministère du Travail, qui délivre aux instructeurs l'autorisation d'enseigner et veille au respect des standards de formation dans tout le pays. Le TWI offre aux agents de maîtrise et contremaîtres trois programmes de formation standardisés. Le premier, le JIT, leur enseigne l'importance de la formation propre de leurs collaborateurs et la façon de dispenser cette formation. Le second, le JMT, porte sur la façon de créer et d'appliquer des idées pour l'amélioration des méthodes. La troisième, le JRT, est un cours portant sur les relations entre agents de maîtrise et ouvriers, et le leadership. Ces programmes de formation ont été dispensés par différentes organisations professionnelles, telle l'Association japonaise de formation industrielle, mais en même temps un grand nombre d'entreprises japonaises ont adopté ces programmes, pour répondre à leurs besoins et les utiliser pour la formation de leurs agents de maîtrise. De son côté, le MTP a été initié, développé et introduit au Japon par l'Armée de l'Air américaine (US Air Force), durant la période d'occupation qui suivit la Seconde Guerre mondiale. L'enseignement, qui dure depuis plus de quarante ans, est supervisé par le MITI (Ministry of International Trade and Industry = Ministère du Commerce Extérieur et de l’Industrie) et le Nikkeiren (Fédération japonaise des associations d'employeurs). Il a fortement influencé la pensée et la pratique du management japonais. Et pourtant. Bien qu'une grande partie des pratiques en matière de management communément attribuées aux Japonais, ait son origine dans le MTP, ce cours n'est guère connu en Occident. 4. JIT = Job Instructional Training; JMT = Job Methods Training; JET = Job Relations Training.
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Fin 1994, plus de trois millions de cadres japonais auront obtenu le diplôme du MTP ou de l’une de ses variantes. Dans de nombreuses entreprises japonaises, le diplôme du MTP est devenu obligatoire pour toute promotion dans l’encadrement moyen. Le MTP a enseigné trois notions à un pourcentage significatif de cadres japonais pendant plusieurs générations : la première, c'est l'importance des relations humaines et de la participation du personnel, la seconde, la méthodologie et la valeur de l'amélioration continue des processus et des produits, la troisième, l'utilité d'une démarche scientifique et rationnel « préparer-faire-voir » pour gérer le personnel et les opérations . Le premier point (relations humaines et participation du personnel) a porté ses fruits au Japon avec la formation des cercles de qualité; le développement de facilitateurs internes (grands frères, grandes sœurs et jeunes animateurs, etc. ); et l'organisation des programmes de participation du personnel (clubs sportifs, clubs de livres destinés à promouvoir le développement physique et culturel chez les employés). Le second point (l'amélioration continue) s'est parfaitement harmonisé avec la façon kaizen de développer l'entreprise, née au Japon à l'époque et a aidé les cadres et les agents de maîtrise à améliorer leurs processus de travail. Le troisième point (la démarche scientifique et rationnelle « préparer-fairevoir ») bien connue au Japon (avec les cycles PDCA des enseignements de Deming) a contribué à instiller profondément dans les esprits la mentalité du cycle indéfini de l’amélioration « préparer-faire-vérifier-réagir » Encore aujourd'hui, de nombreux cadres japonais préfèrent utiliser les termes « préparer-faire-voir ». En remontant aux programmes du MTP et du TWI, nous pouvons trouver une trace laissant présager ce qui allait être bien connu et pratiqué par tout cadre japonais aujourd'hui encore : les « 5 Q » et le « C » (pourQuoi, Quoi, en Quel lieu. Quand, Qui et Comment). Cette série de lettres est largement utilisée comme liste de contrôle quand les membres d'un cercle de qualité s'attaquent à la résolution d'un problème, ou lorsque des cadres s'engagent dans un projet kaizen. En même temps, il est toutefois également vrai que si la structure d'origine du MTP et du TWI est restée pratiquement la même ces quarante dernières années (ou plus), de nouveaux thèmes ont été ajoutés ou incorporés dans les programmes, en particulier dans les entreprises ayant développé leurs propres programmes de formation. On trouve parmi eux, le QCD, la standardisation,
5 Strategic National HRI Initiations : « Lessons from the Management Training Program of Japan » par Alan G. Robinson et Sam Stem Human Resource Development Quarterly, Vol. 6 n°2, été 1995 © Jossey-Bass Publishers.
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le management visuel, l'élimination du muda, les « 5 S » et le temps takt. Ces ajouts reflètent la transformation du management japonais au cours des années, à la suite des différentes pratiques kaizen et de l'introduction des pratiques nouvelles que sont le TQ, le TPM et le JIT. *
* *
Je voudrais maintenant passer en revue les rôles d'un agent de maîtrise japonais moyen du gemba. LES COMPOSANTS DU MANAGEMENT (MAIN-D'ŒUVRE, MATIERES ET MACHINES) Avant tout, on peut définir l'agent de maîtrise comme une personne ayant la responsabilité hiérarchique de la supervision directe de plus de vingt opérateurs du gemba et des résultats obtenus. L'étendue du contrôle exercé par l'agent de maitrise peut différer d'un secteur de l'industrie à un autre, et d'une entreprise à l'autre. La dénomination de l'emploi peut varier aussi d'une personne à l'autre : chef de groupe, contremaître, hancho ou (en allemand) meister. À propos, le mot hancho est un terme japonais signifiant chef ou patron; utilisé au gemba, il veut dire agent de maîtrise. Au gemba, l'agent de maîtrise gère des composants d'entrée pour obtenir des sorties. Les premiers sont appelés les « 3 M » : main-d'œuvre, matières et machines. (On y ajoute quelquefois les « méthodes » et les « mesures », ce qui donne les « 5 M ».) Les sorties sont la qualité, le coût et le délai (QCD). On y ajoute parfois le moral et la sécurité, ce qui donne QCDMS. L'agent de maîtrise est responsable de l'obtention des sorties (QCD), mais pour les obtenir, il doit gérer les « 3 M ». Des « 3 M », il doit d'abord gérer la main-d'œuvre. Cependant, on entend Souvent les agents de maîtrise dire : « Oui, je sais que je suis supposé faire de bons produits suivant les prévisions, mais vous voyez, notre personnel n'est pas motivé pour faire un bon travail; il a été médiocrement formé et ne se conforme même pas aux standards établis. C'est mon problème! » Ce n'est pas l'affaire de l'agent de maîtrise de faire ce genre de déclaration. Si le personnel n'est pas motivé, des programmes de motivation doivent être introduits. Si le personnel ne se conforme pas aux standards, des mesures correctives doivent être mises en œuvre. Les standards actuels ne sont peut6. TQC = Total Quality Control = Maitrise de la Qualité Totale; TPM = Total Productive Maintenance = Maintenance Productive Totale; JIT= Just in Time = Juste-à-Temps.
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être plus à jour ou bien sont-ils impraticables, ou bien l'opérateur manque de formation adaptée. Ou bien y a-t-il peut-être trop de muda, mura et muri, ce qui rend les standards difficiles à suivre. Un agent de maîtrise qui rejette la responsabilité sur son personnel abdique son rôle. Dans une usine de production d'appareils électroniques, employant à temps partiel, l'après-midi, des femmes au foyer, l'encadrement s'aperçut que ce personnel à temps partiel enregistrait beaucoup plus de rejets que le personnel régulier. Les chiffres révélaient que la plupart des erreurs se produisaient aux alentours de 15 heures. Lorsqu'on demanda aux intéressées le genre de choses qu’elles avaient à l'esprit à ce moment de la journée, voici les réponses qu’on obtint généralement : « À peu près à cette heure-là, je me suis soudain aperçue que c'était l'heure de retour des enfants de l’école et je me suis demandé s'ils pourraient trouver les cookies que j'avais laissés au réfrigérateur. » « Je commence à penser au repas du soir et je me demande dans quel magasin du voisinage je pourrais me rendre pour acheter du poisson. Je veux savoir lequel propose le meilleur article pilote. Madame A, qui travaille à la chaîne voisine, est bien informée de toutes ces choses, et je devrais la rencontrer après le travail. » Les aperçus glanés au cours des entretiens avec ce personnel à temps partiel incitèrent l'encadrement à réserver une grande pièce de réunion à l'usage de ces femmes pour des pauses-thé à 15 heures. L'encadrement dit aux ouvrières qu'elles pourraient parler de cookies, de poissons, d'articles-pilotes ou de tout autre sujet leur tenant à cœur, mais qu'après la pause, il fallait qu'elles se Concentrent sur leur travail. En fin de compte, l'entreprise enregistra une réduction spectaculaire de son taux de rejets.
Figure 9-1. Diagramme en arête de poisson
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La Figure 9-1 montre un diagramme causes-effet du travail d'un agent de maitrise. On appelle ce type de diagramme, diagramme d'Ishikawa, d'après son concepteur, le professeur Kaoru Ishikawa. En raison de sa forme, on l'appelle aussi diagramme en arête de poisson. L'effet est le QCD et les causes, les « 5 M ». Suivant les circonstances, on peut ajouter d'autres causes sur le diagramme (par exemple, l'environnement). En gérant les causes, l'agent de maitrise peut réaliser le but de son travail, le QCD. Le diagramme montre que l'agent de maîtrise doit gérer la main-d'œuvre, de la même façon qu'il gère les matières et les machines du gemba; pour ce faire, il doit gérer des domaines plus petits, comme la formation, la communication, la standardisation, les cercles de qualité, les suggestions, les récompenses et les prix, l'absentéisme et le moral. Toutes les fois qu'il rencontre un problème lié à l'homme, il est supposé trouver une solution. Nissan Motor Company définit comme suit les deux tâches principales de l'agent de maîtrise. La première est d'atteindre le volume de production fixé comme objectif. Dans cet exemple, on suppose que les objectifs de qualité et de coût sont atteints simultanément avec le volume. La seconde tâche majeure est de développer et former ses subordonnés. Pour ce faire, L’agent de maitrise doit être en mesure de transférer ses compétences techniques et de management, de développer ses subordonnés qui pourraient le remplacer dans l'avenir et de former le personnel nouvellement recruté. Le consultant kaizen Shuichi Yoshida assista aux cours de formation à la MTP avant d'être promu en 1970, chef de section à l'usine d'assemblage de véhicules de Nissan Motor, dans la banlieue de Tokyo. Nissan Motor, comme d'autres grandes entreprises japonaises, a modifié son programme de MTP importé à l'origine des États-Unis pour satisfaire aux besoins de l'entreprise, et l'a utilisé comme programme de qualification pour la promotion du personnel à des niveaux d'encadrement. Yoshida fut choisi ultérieurement pour être l'un des instructeurs internes de la MTP chez Nissan. Comme plus de la moitié de ce programme de dix jours consistait en cours du TWI sur le JIT, le JMT et le JRT7, Yoshida obtint plus tard une licence d'enseignement du TWI et dispensa des cours de formation aux agents de maîtrise après son transfert en 1976 à l'usine Tochigi de Nissan Motor. En Ces temps-là, l'industrie automobile japonaise dépendait à un degré élevé, Pour produire ses voitures et satisfaire une demande intérieure et étrangère en expansion rapide, de travailleurs saisonniers non qualifiés. Exactement comme ce fut le cas pour l'industrie américaine durant la Seconde Guerre mondiale, l'industrie automobile japonaise devait former en peu de temps, ses ouvriers non 7. JIT = Job Instructional Training JMT =Job Methods Training JRT= Job Relations Training
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qualifiés et trouva les méthodes du TWI très efficaces. Chaque formation consistait en sessions d'une semaine comprenant des conférences de deux heures et des séances pratiques aptes les conférences, les participants revenaient au gemba pour mettre en pratique ce qu'ils venaient tout juste d'apprendre. Yoshida fut alors volontaire pour enseigner l'anglais aux agents de maîtrise, c'était la langue du jargon technique utilisé dans l'industrie automobile japonaise. On appelait les cours dc Yoshida les « YES » Yoshida English School. Aux beaux jours, Yoshida tenait ses classes en dehors de l'usine, sur les pelouses. Pour Yoshida, un agent de maîtrise ne devrait pas se comporter comme un gardien de prison à l'affût d'une faute et prompt à administrer une punition mais comme un tuteur, prenant soin de ses subordonnés. Chaque fois qu'il découvre une erreur, l’agent de maîtrise doit réfléchir à une éventuelle défaillance de son enseignement et la façon de faire mieux. L'agent de maîtrise a besoin de se servir à la fois de son cœur et de sa tête quand il s'occupe de son personnel, dit Yoshida. Chez Nissan, le rôle des agents de maîtrise est défini comme suit : •
préparer les standards de travail;
•
dispenser la formation et s'assurer que les opérateurs accomplissent leurs tâches conformément aux standards (maintenance de la fonction management);
•
améliorer l'état de choses existant en améliorant les standards (amélioration de la fonction management);
•
prendre note des anomalies et s'en occuper (traitement des anomalies);
•
créer un bon environnement de travail.
Les conditions qui constituent des anomalies sont les suivantes : •
la procédure de travail standardisée n'est pas suivie;
•
une déviation est notée dans les procédures de travail de l'opérateur, les matières, ou les pièces;
•
survenance d'une défaillance de l'équipement, des outils ou des matrices;
•
production d'un rejet, ou observation d'un symptôme pouvant conduire à un rejet;
•
processus échappant au contrôle, ou présence d'une distribution inhabituelle sur la carte de contrôle.
La première chose que l'agent de maîtrise doit faire pour traiter une anomalie est de savoir ce qui la constitue : les standards devraient spécifier ce que sont des conditions anormales et expliquer les étapes suivre dans le cas où de telles
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conditions sont observées. La plupart des standards spécifient la façon de travailler correctement, mais omettent de définir les anomalies et les procédures à suivre pour les traiter. Si une anomalie se présente, l'agent de maitrise doit se rendre immédiatement au gemba, se faire confirmer que le phénomène a bien donné lieu à une observation sur place ou a été attesté par des chiffres, et prendre rapidement des mesures. Pour ce faire, il doit suivre les cinq principes du gemba. Dans certaines entreprises, un entretien de trois minutes a lieu avec les opérateurs du gemba, au cours duquel l'agent de maîtrise explique les anomalies récemment notées, les mesures immédiates qu'il a prises et celles adoptées pour la solution permanente du problème. Parfois un cadre assiste à l'entretien, formule des commentaires et propose son aide, ce qui lui procure une bonne occasion de former l’agent de maîtrise et de faciliter la communication entre ce dernier et son supérieur. LE MARCHE DU MATIN « Le marché du matin » est une expression employée dans les entreprises japonaises pour désigner l'une des activités quotidiennes des agents de maîtrise et des opérateurs de la chaîne consistant à réduire les rejets au gemba. Elle tire son nom des marchés où les paysans apportent leurs produits pour les vendre. Sur le marché du matin du gemba, les rejets sont disposés sur une table le matin suivant le jour où ils ont été observés, de telle façon que des mesures correctives sont adoptées sur le tas dès qu'elles sont réalisables, sur la base des principes gemba-gembutsu. Tous les participants se tiennent debout. Le marché du matin diffère nettement des autres activités de résolution de problèmes liés à la qualité impliquant la réunion du personnel, en ce sens que l'agent de maîtrise doit y jouer un rôle d'animateur. Il n'est personne au gemba qui produise des rejets délibérément. Et pourtant, il continue à s'en présenter. Parmi les causes, nombreuses, on trouve les suivantes : •
panne subite de l'équipement;
•
détérioration involontaire de l'équipement au-delà des spécifications permises;
•
standards non respectés;
•
matières premières et pièces ne répondant pas aux spécifications;
•
maintien insuffisant des «5S»;
•
négligences et fautes d'étourderie.
Si l'encadrement ne détermine pas les causes de ces problèmes, pris un à un, gemba sera bientôt rempli d'une montagne de rejets.
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Le marché du matin du gemba comprend les étapes suivantes : •
un opérateur marque tous les rejets d'un processus donné, et les dispose dans une boite rouge, puis en dresse la liste dans un « rapport du marché du matin de la qualité »;
•
le lendemain matin, l'agent de maitrise en fonction apporte les rapports et les gembutsu à l'emplacement prévu pour le marché du matin et dispose les rejets sur la table;
•
l'agent de maitrise examine les rejets avec les opérateurs et s’entretient avec eux des mesures correctives;
•
les rejets sont classés en trois catégories (tableau ci-dessous), et les mesures, adoptées dès qu'elles sont réalisables.
Après résolution des problèmes de type A, des mesures peuvent être adoptées afin de prévenir toute réapparition. Quant aux problèmes de type B et C, l’agent de maitrise doit en rendre compte au chef de section, qui tiendra plus tard une réunion afin de concevoir des solutions et en présenter les conclusions au directeur de l'usine. Lorsqu'une entreprise tient son premier marché du matin, les participants pourront trouver le nombre de rejets trop grand pour tenir sur une table, s'il se poursuit pendant trois mois, le nombre de rejets, de même que la durée de la réunion, seront beaucoup réduits. Dans l'intervalle, la productivité et la rentabilité de l'usine se seront également améliorées. Quotidiennement, le directeur de l'usine devrait assister à tour de rôle aux marchés du matin se déroulant en différents endroits, afin de se familiariser avec les problèmes rencontrés. Type Nature PourExemple centage A Les causes sont claires. Des 70-80% • Standard non respecté mesures doivent être prises • Matière et fourniture immédiatement non conforme aux spécifications B Les causes sont connues, 15-20% • S’est produit au momais des mesures correcment du réglage tives ne peuvent être adop• S’est produit durant tées. les fréquents arrêts de l’équipement C Causes non identifiées 10-15% • La situation a subitement échappé au contrôle
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Voici l'exemple d’un rapport d’un marché du matin : Cadre
Agent de mai- Opérateur trise l. Date d'apparition des rejets 9 octobre 1995, 14:00 2. Numéro : 123456-G1002 3. Nom : Équipe A 4. Processus et machine : Processus principal des cannelures (F-3214) 5. Nombre d'apparitions : 4 pièces - Nombre de pièces traitées dans la journée : 920 - Taux de rejet; 6. Description du rejet 7. Causes (confirmées /sûres /non identifiées) Un des quatre boulons de la machine desserré provoque des vibrations. 8. Mesures correctives Les quatre boulons ont été resserrés avec la bonne clé dynamométrique. Depuis, aucune réapparition du même problème n'a été notée. 9. Prévention des réapparitions On a demandé au groupe de préréglage d'ajouter un nouveau standard : « S'assurer du bon fonctionnement de la clé dynamométrique servant au serrage des boulons de l'équipement ».
MAINTIEN DES STANDARDS Chez Toyoda Automatic Loorn Works, chaque opérateur reçoit un livret contenant tous les standards appropriés, peu de temps avant d'entreprendre des tâches de production de masse. Le livre — utilisé d'abord pour la formation, puis pour s'y référer une fois la production démarrée —contient les standards suivants : •
organigrammes et plans de distribution des lieux;
•
règles de sécurité des opérations (montrant ce qui se passe si elles ne sont pas respectées);
•
façon de construire la qualité dans le processus;
•
tableau de la séquence de travail;
•
Procédure Opératoire Standardisée (SOP = Standard Operating procédure);
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GEMBA KAIZEN
•
procédures de traitement des anomalies (la définition de l'anomalie, la façon de la détecter, la personne à qui en rendre compte);
•
définition des rejets (problèmes liés à la qualité);
•
règles d'utilisation du kanban.
Toyoda Automatic Loom Works Il fut un temps où les activités gemba kaizen étaient promues uniformément dans toutes les usines de Toyoda Automatic Loom Works. Plus tard, la direction réalisa qu'elle devait être fidèle à la philosophie sous-tendant le diagramme de Pareto : établir des priorités dans le choix des projets kaizen. Aussi, au lieu de promouvoir gemba kaizen sans discrimination dans toutes les parties de l'usine, la direction décida de choisir une chaine comme modèle; elle fournit à celle-ci l'aide et les ressources dont elle avait besoin, tant de la part de l'état-major du groupe que de la direction de l'usine. Une fois des progrès visibles réalisés, les améliorations furent alors étendues aux autres chaines. La direction générale visita la chaîne modèle une fois par mois pour voir comment se déroulaient les activités kaizen et celles de gestion quotidienne. L'examen porta sur les points principaux suivants : quelle sorte de standards ont été installés? •
comment les standards recueillent-ils l'adhésion?
•
qui gère les standards?
•
qui est engagé dans kaizen?
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quel est le rôle joué par les cadres de la chaîne?
La hiérarchie comprenant les contremaitres, agents de maîtrise, les chefs de groupes de l'usine, la direction générale suit le rôle de tous ces responsables et les points dont ils sont responsables. CERTIFICATION DE LA MEILLEURE CHAINE POUR L'ASSURANCE QUALITE Cela fait plus de vingt ans qu'au Japon, on ne se conforme plus à la démarche appelée niveau de qualité acceptable (AQL=Acceptable Quality Level). C'est un système d'assurance qualité permettant aux fournisseurs de livrer aux clients un certain pourcentage de rejets. Par exemple, un client pourrait permettre à un fournisseur de lui livrer des rejets suivant un pourcentage supérieur à un pour cent, moyennant une compensation accordée par le fournisseur à des conditions acceptées de part et d'autre. La plupart des entreprises japonaises se sont débarrassées depuis longtemps de cette approche de l'assurance qualité. À l'exception du premier lot, les entreprises acceptent sans aucune exception les livraisons du fournisseur.
RÔLE DES AGENT DE MAÎTRISE DU GEMBA
Durant la première inspection, si un seul rejet est découvert, la totalité du lot est renvoyée au fournisseur. Depuis les années 1980, lorsque des équipements hautement automatisés comme les robots industriels, sont venus à être utilisés sur une grande échelle, l'apparition d'un seul rejet dans le processus signifiait des conséquences sérieuses pour chaînes de production et, en retour, de grandes pertes financières pour les entreprises. Les fabricants automobiles japonais intensifièrent leurs exigences en matière de qualité, les faisant passer d'un taux de 0,1% à un taux compris entre 30 et 50 ppm (parties par million). Pour atteindre un tel niveau de qualité, il était essentiel d'éliminer les défauts dans le processus lui-même. Les fournisseurs furent ainsi obligés de revoir les pratiques de leurs chaînes de production en matière d'assurance qualité. Ce furent les agents de maîtrise de la chaîne qui prirent sur eux le défi d'améliorer la capacité du processus de leurs chaînes à fournir les résultats désirés, c'est-à-dire les niveaux exigés par leurs clients. Le véritable test de leurs efforts résidait dans le pourcentage des rejets en cours et des retours des clients. Ce système d'assurance qualité fut appelé chez les fournisseurs de Nissan, Certification de la Meilleure Chaîne pour l'Assurance Qualité (QA Best Line Certification). Le véritable test de la chaîne fut alors basé sur le pourcentage des rejets en cours et des retours du client. Une fois qu'une chaîne a atteint un certain niveau de qualité, l'agent de maîtrise décide d'appliquer la Certification de la Meilleure Chaîne pour l' Assurance Qualité. À cette fin, L’agent de maîtrise et le directeur de production effectuent ensemble un diagnostic de la chaîne. L'agent de maîtrise demande aussi au directeur du groupe responsable du service de l'assurance qualité, de venir Visiter et diagnostiquer la chaîne, sur la base de critères préétablis comprenant différentes statistiques des rejets et des retours du client. Les tableaux qui suivent montrent comment cette certification est obtenue chez un fournisseur de Nissan Motor Company. L'idée sous-jacente aux Meilleures Chaînes pour L’Assurance Qualité est qu'une chaîne réalise d'abord les améliorations nécessaires, puis que le processus soit étendu aux autres chaînes, jusqu'à ce que toutes les chaînes de l'usine aient atteint le même niveau d'assurance qualité et obtenu la certification correspondante. DEFINITION DES DEFIS Dans l'environnement dynamique et concurrentiel d'aujourd'hui, l'entreprise doit affronter les exigences de plus en plus contraignantes des clients qui veulent une meilleure qualité, un prix plus bas et une livraison rapide. Seul un plan d'entreprise clair pour l'amélioration permanente du QCD répondra à cette demande. L'encadrement doit par conséquent fixer à ses subordonnés des Objectifs QCD plus élevés et les mettre au défi de les atteindre. Aussitôt
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GEMBA KAIZEN
Système de certification des Meilleures Chaines pour Assurance Qualité Tableau 1 : Exigences requises pour l'approbation Performance Assurance Qualité Grade C B A Retours du client