France Catholique, 1987, n°2102, pp. 4-7 Et si le monde était entré dans la dernière semaine ?


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France Catholique, 1987, n°2102, pp. 4-7 
Et si le monde était entré dans la dernière semaine ?

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ENTRETIEN AVEC LE PÈRE MARIE-DOMINIQUE PHILIPPE

Et si le monde était entré dans la « dernière semaine »? C’est dans une lumière johannique qu'il faut aborder ces jours saints, cette grande semaine hors du temps qui commence à Béthanie. C’est à cette grande lueur d’accomplissement que le Père MarieDominique a éclairé toute sa vie, et c’est d’elle qu’il nous parle.

La congrégation Saint-Jean reçue par Jean-Paul II.

Pourriez-vous nous dire en quoi votre rencontre avec Marthe Robin a été importante pour vous? J'ai prêché pendant dix-huit ans à Châteauneufde-Galaure la retraite des prêtres et souvent celle des membres du Foyer. Chaque fois, il m’était donné de m'entretenir assez longuement avec Marthe. Je me souviens tout particulièrement d’un entretien qui eut lieu avant la fondation de la Con­ grégation Saint Jean. Alors que j’enseignais à l’université de Fribourg, j’étais constamment solli­ cité pour des prédications chez les Carmélites, les Bénédictines, les Dominicaines. Au point que je finis par mettre en doute la nécessité de poursuivre ma tâche d'enseignant. « Ne vaudrait-il pas mieux, demandai-je à Marthe, que je démissionne de mon poste de professeur de philosophie à Fri­ bourg, et que je me consacre entièrement à la pré­ dication ? Ne serait-ce pas plus utile à l’Eglise ? » Il y eut un silence. Puis Marthe me dit : « Non. Vous êtes beaucoup plus utile à l'Église en ensei­ gnant la philosophie à Fribourg qu’en allant prê­ cher aux contemplatives ». Cette réponse m’a beaucoup frappé, parce qu’elle tranchait sur la dis­ crétion habituelle de Marthe. 11 me sembla que cette réponse venait directement de l'Esprit Saint. Avec le recul, j’en ai compris toute la portée, que je n’avais pas alors soupçonnée. Si j’avais quitté Fribourg, la Congrégation Saint Jean ne serait pas née. Cette recherche de la vérité propre à l'étude philosophique et métaphysique a permis l'éclosion de cette jeune communauté.

Le Père Dehau, dominicain (et mon oncle), m’avait dit : « Engage-toi à fond dans cette étude de la métaphysique. Si tu ne vois pas les résultats, cela n’a aucune importance. Ce qui est nécessaire, c’est qu'il y ait dans l’Eglise une recherche cons­ tante et fidèle de la vérité. » Marthe, à sa maniéré, confirmait cette première orientation donnée par le Père Dehau.

• Une démarche de cinq étudiants, après leur licence de philosophie Et cela, dans un moment, où, précisément, la vérité dans l’Eglise semblait s’estomper, victime de grands ébranlements? Un père dominicain, que j'aimais beaucoup, me dit un jour : « Pourquoi s’obstiner dans ce genre de témoignage? Le principal c'est de s'adapter pleinement à la pensée d'aujourd'hui. » Je lui répondis en riant : « Voulez-vous m'inciter à la tra­ hison? » Oui, vouloir s’adapter à tout prix à la pensée contemporaine par souci d'être écouté, me parais­ sait trahir quelque chose de plus grand et de plus important qui est précisément de chercher avant

tout la vérité et d'en vivre. Lorsque Apparemment oui, mais en la vie surabonde, le vivant s'adapte remontant à la source, cherchant à spontanément. C'est lorsqu'elle redécouvrir ce qu’il y a de plus pro­ diminue ou se raréfie qu'apparaît le fond et de plus vrai dans la vie de besoin d'adaptation. l’Eglise. Tant du point de vue de la Cinq étudiants, après leur licence Lumière que de l’Amour, et spécia­ de philosophie, découvrant en eux lement de cette charité fraternelle un appel à se donner totalement au intense que réclame de nous le Christ, me demandèrent de m'occu­ Concile et « l’exhortation apostoli­ per spécialement d'eux et de les for­ que » Evangélii Nuntiandi de Paul mer non seulement à la philosophie VI. mais aussi à une vie contemplative Et selon tous ces signes, tous ces et communautaire. J’en parlai à appuis? Marthe. Car je devinais qu’en Oui, et pas seulement ceux que acquiesçant à leur demande, je j’ai déjà mentionnés. J’ai toujours m'exposais à une quantité de dif­ eu des frères dominicains qui m’ont ficultés. soutenu. Le Père Ramirez, par Le genre de service qu’ils sollici­ exemple, de l’Université de Sala­ taient n’entrait pas directement manque, qui a longtemps enseigné dans mon mandat apostolique de à Rome, puis à Fribourg où nous professeur de philosophie à l’uni­ avons discuté ensemble pendant versité. J'avais été professeur jus­ trois longs mois où tous les soirs il que là, et ce n’est pas à la fin d’une venait bavarder librement avec le vie qu'on peut assumer la responsa­ jeune professeur de philosophie qui bilité de former des jeunes à une vie venait d’arriver. Ensuite j’ai été très apostolique. Marthe, après avoir lié avec les communautés de l’Ar­ Marthe Robin : le mystère de la compassion en ce qu'il a de plus radical. prié, me répondit : « Père, à travers che de Jean Vanier (lien qui se pro­ ces jeunes c’est un appel de l’Esprit longe aujourd’hui avec Mont Joie, Saint, vous n’avez pas le droit de vous dérober. » n’était-t-elle pas aveugle, vivant dans une nuit Jean et Lucette Alingrin) ; d’autres communautés Alors, au plus intime de mon cœur, j’ai accepté, quasi complète, sans manger ni dormir, ne se du renouveau de l’Eglise, tout spécialement la mais sans savoir comment la Providence réalise­ nourrissant que de l’air qui lui permettait de vivre, Communauté des sœurs de Béthléem qui est bien rait ce désir au sein même de l’Eglise. immobilisée sur son lit dans sa petite chambre qui le grand renouveau contemplatif dans l’Eglise. Vous alliez mesurer combien vous étiez conduit ? était vraiment comme un sépulcre? Il m’a été aussi donné, pendant dix-huit ans, Ne pourrait-on pas employer, pour désigner ce d’enseigner aux Associations Familiales Catholi­ Tout à fait. Quand on me demanda si j’avais un projet pour cette communauté, quel était son même mystère, l’expression de « catacombes spi­ ques de Paris, ce qui m’a obligé à chercher à com­ « charisme », je ne savais que répondre. Vrai­ rituelles »? Nous ne sommes plus aujourd’hui au prendre et à faire comprendre ce qu’est la famille ment, j'étais mené, je crois, et dans une grande temps des premières catacombes, même s’il en dans l’Eglise, et l’Eglise dans la famille. Le ignorance de ce qu’il fallait faire. C’était d’ailleurs demeure toujours sous les persécutions des pou­ Concile Vatican II a parlé de la famille comme très bien ainsi : je ne voulais pas imposer quelque voirs ; nous sommes dans un temps de catacombes d’une « Eglise domestique », expression reprise chose de l'extérieur. Il me fallait donc écouter ces spirituelles, où la vérité est comme étouffée, par le Saint-Père. Il faut saisir toute la richesse jeunes. La question de l’habit? Celle de l’intégra­ occultée. théologale de cette expression, savoir qu’en tion dans l’Eglise? Les réponses se sont précisées période de crise, revenir à la famille, lui redonner progressivement grâce à une alliance avec l’abbé sens, est une sorte de nécessité vitale. Nous de Lérins. retrouvons ici ces deux grands axes de l’avenir : la En effet, au cours d’un repas, alors que je venais • Où nous retrouvons famille et le sacerdoce du Christ. de donner des cours aux novices de Lérins, le Père Et la crise du présent... les deux qrands Joseph, prieur et père maître, me transmit un Ce qu’on ne perçoit plus aujourd’hui, c’est l’exi­ petit billet où il avait écrit : « Pourquoi ne faitesgence d’une finalité de la vie humaine, l’existence axes de r avenir vous pas alliance avec Lérins? » A la fin du repas, d’un bien spirituel personnel. Si l’on parle beau­ j’ai dit à ce père : « Je croyais que c’était impossi­ coup d’« éthique » pour statuer sur l’usage des Marthe fut celle qui, mue par le Saint-Esprit, a techniques et des progrès en biologie, on saisit ble. Vous êtes des moines contemplatifs, et nous, nous voulons être apôtres. » Il sourit et dit : vécu ce grand mystère des catacombes spirituelles. beaucoup plus difficilement la nécessité d’une « Après tout, ce ne serait pas si mal. » Je fis part, Elle l’a vécu avec une telle intensité que, pour métaphysique pour sauvegarder l’éthique, ce qui bien sûr, de cette conversation à Marthe, qui con­ moi, elle a, de manière évidente, préparé « les pourtant est absolument nécessaire. Et, de même, clut d’une manière très nette : « Oui, cette renouveaux » que nous voyons surgir actuelle­ on ne peut avoir de vraie métaphysique sans éthi­ alliance avec Lérins, c’est cela qu’il faut. » C’était ment. Pour la Pentecôte d’Amour qu’elle annon­ que. Les deux vont ensemble. çait, il fallait cette pauvreté qui va jusqu'au sépul­ une confirmation, qui donnait force et espérance. L’être et le bien se tiennent, se distinguent sans Marthe est un signe pour notre temps? Com­ cre, cette mort à soi-même, comme le grain qui se séparer. Et la recherche de la vérité est au ser­ ment percevez-vous ce signe? tombe en terre et qui meurt, pour porter fruit. vice des deux : elle consiste à aller le plus loin La communauté Saint Jean est née à une époque possible dans la connaissance du réel, de ce qui Je crois que Marthe, c’est le mystère de la com­ passion dans ce qu’il a de plus ultime et de plus incertaine pour ce qui est des prêtres? est, de la personne humaine, et par là de répondre radical : Marie vivant le mystère du sépulcre. Sa Elle est née il y a douze ans, au moment des en même temps aux exigences de l’attraction du participation à la Passion du Christ allait jusque plus grands difficultés et des plus grandes luttes... bien, de la naissance de l’amour spirituel et du Vous alliez à contre-courant ? là, et d'une manière très concrète. Depuis 1940, respect de l’autonomie de chaque personne. FRANCE CATHOLIQUE N° 2102-17AVRIL 1987 5

ENTRETIEN AVEC LE PÈRE MARIE-DOMINIQUE PHILIPPE La question n’est pas de savoir d’abord si on est comprend rien à ce geste : pour lui ce geste est un en mesure d’être entendu... Car on ne peut l’être scandale, il prive les pauvres, hypocritement il toujours, ni toujours dans le bon sens? veut plaider pour ceux-ci : « Pourquoi ce parfum Oui, il faut l’accepter. Si l'on est entendu, on n’a-t-il pas été vendu 300 deniers qu’on aurait don­ est dans la joie. Si on ne l'est pas, il faut continuer nés à des pauvres?'» N’y a-t-il pas là un aspect et se dire qu’il est nécessaire d’aller plus loin et profond du drame vécu dans l'Eglise aujourd’hui ? d’aimer plus sans toujours être aimé. Car au delà Certains ont quitté l’Eglise sous prétexte qu’elle du refus humain, Jésus répond toujours et cela ne pouvait plus rien pour les pauvres, et ils sont suffit pour vivre. allés vers le marxisme, pensant, par là, pouvoir les N’y a-t-il pas une ambiguïté dans ce qu’on dit secourir vraiment. Mais n’allaient-ils pas alors aujourd’hui de la miséricorde? La miséricorde est vers une caricature de la vraie justice et de la vraie compatissante aux personnes, mais elle ne signifie miséricorde à l’égard des pauvres ! Ce que l’Eglise pas que tout se vaut? du Concile - et l’Eglise actuelle - manifeste et veut La vraie miséricorde consiste à sauver l’autre, vivre, c’est la présence du Christ-pauvre en elle. et non pas à se perdre avec lui. Se perdre avec Elle veut suivre l’Agneau jusqu’au bout en vivant l’autre, c’est intensifier son mouvement vers sa sa pauvreté, son dépouillement ultime, celui de la perte. L’exigence de vérité subsiste toujours, pour Croix. Elle veut être vraiment l’Eglise du Pauvre aimer véritablement l’autre. On ne peut s’y sous­ par excellence, et donc l’Eglise des pauvres. Si l’on traire par miséricorde. Cette exigence de vérité essaie de comprendre dans saint Jean la significa­ conduit à une recherche constante, inlassable, qui tion profonde de cette « dernière semaine », on nous fait saisir le primat du véritable amour. Cette découvre son extraordinaire densité et la beauté exigence part d’une attitude d’ouverture et de de cette signification ; elle nous donne en effet en conformité par rapport au réel, à ce-qui-est, et plénitude une vision du sacerdoce de Jésus : le d’une manière ultime par rapport à Dieu, à ce lavement des pieds et l’institution de l’Eucharis­ Bien vers lequel l’homme tend constamment. tie ; un enseignement prophétique sur la venue de l’Esprit Saint, qui doit nous conduire à « la vérité tout entière » ; la grande prière du Fils bien-aimé ; • Le sens sa mort sur la croix, le don de sa Mère... et après la Résurrection, l’alliance spéciale avec Pierre. philosophique de Il est important pour nous de souligner les trois la « dernière alliances que l’Evangile de saint Luc et celui de saint Jean nous révèlent d’une manière si profon­ semaine » : nos de. Ne correspondent-elles pas aux trois blan­ jours en ces jours cheurs dont parlait Don Bosco? En effet, c’est Jésus qui, instituant l’Eucharistie, annonce sa pro­ Comment comprenez-vous la situation de pre Pâque, et le salut que par elle il nous apporte. l’Eglise aujourd’hui, vingt-deux ans après Vatican C’est Jésus qui, en haut de la croix, en disant à H? Marie « Voici ton fils », et à Jean « Voici ta J’ai essayé de vivre le Concile dans la lumière mère », donne Marie comme Mère à l’Eglise et à de l’Evangile et de l’Apocalypse de saint Jean, et tous les hommes. Et c’est Jésus ressuscité qui, c’est toujours dans cette lumière que j’essaie de s’adressant à Pierre (« Pierre m’aimes-tu? »), regarder l’Eglise actuelle. S’il existe chez beau­ l’établit dans sa nouvelle mission : « Pais mes coup de chrétiens un désarroi, c’est dans la agneaux, pais mes brebis. » lumière de saint Jean que ce désarroi peut être, La dernière semaine est aussi celle d’un certain surmonté. L’Evangile de saint Jean nous montre éclatement de toute la mission de Jésus. Celui-ci admirablement les diverses étapes de la vie apos­ se trouve en présence de Grecs - « car il y avait là tolique de Jésus, et tout spécialement sa dernière quelques Grecs, de ceux qui montaient pour ado­ semaine vécue sur la terre. L’Eglise, toute relative rer pendant la fête ». Ces quelques Grecs ne sontà Jésus, ne doit-elle pas, elle aussi, dans son pèleri­ ils pas un symbole de la culture? On voit aussi nage terrestre, avoir sa dernière semaine? Et pré- Jésus face aux grands-prêtres, Jésus face à Pilate, cisément, depuis le concile Vatican II, ne sommes- Jésus face à la souffrance, et dans la souffrance. nous pas entrés dans cette dernière semaine? Evi­ S’il a souffert durant toute sa vie terrestre, c’est demment on ne peut pas l’affirmer d’une manière durant cette dernière semaine, celle de l’agonie et absolue, mais il y a des signes! Quand il s’agit de de la Croix, où il porte l’iniquité du monde, qu’il l’Evangile de saint Jean, il faut entrer dans le devient « l’homme de douleurs ». Au pied de la rythme de la vie apostolique de Jésus, en étant croix, un seul de ses disciples, Jean, est présent, très attentif aux divers repas : ceux-ci semblant avec Marie. Voilà le grand dépouillement, qui bien comme ponctuer cette vie apostolique. C’est continuera jusqu’au sépulcre. Dans ce mystère du le repas de Béthanie qui inaugure la dernière sépulcre, Joseph d’Arimathie et Nicodème - que semaine : « Six jours avant la Pâque, Jésus vint à nous appellerions dans le langage d’aujourd’hui Béthanie... On lui fit un repas... » (Jn 12,1) C’est des grands laïcs - sont là présents pour exercer la alors le geste de Marie, versant sur les pieds de liturgie : « Ils (Joseph d’Arimathie et Nicodème) Jésus le parfum d’un grand prix, geste de surabon­ prirent le corps de Jésus et le lièrent de linges... » dance d’amour et d’action de grâces, Judas ne Les Apôtres, pendant ce temps-là, très évidem­

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ment, étaient absents : ils avaient peur. On les cherche en vain au pied de la croix, alors qu’ils auraient dû y être tous. Jean, seul, a été alors fidè­ le. Il faudra les apparitions du Ressuscité et l’effu­ sion de l’Esprit pour que les absents soient chan­ gés en témoins, en martyrs! Notre Pape actuel est bien dans la ligne de la fidélité de Jean. Il est aussi dans la ligne de la générosité de Paul - Apôtre des Gentils -; il est enfin Pierre, celui qui a reçu de Jésus l’autorité de faire paître son troupeau. C’est étonnant pour un seul homme ! Ce nom est comme un condensé de l’Eglise? Oui, et cela grâce à Marie : elle enveloppe Pierre,en quelque sorte, comme dans les trois der­ niers dogmes promulgués l’Immaculée Concep­ tion et l’Assomption enveloppent l’infaillibilité pontificale. Marie porte Pierre dans la lutte que nous vivons. Car nous sommes, me semble-t-il, dans une grande époque, de caractère apocalypti­ que. Tous ces antéchrists, - tous ces athéismes d’aujourd’hui - sont nés de la déchristianisation de l’Europe chrétienne. Il y a là quelque chose d’angoissant? Certes! Ces grandes formes de l’athéisme contemporain m’apparaissent comme autant d’anti-béatitudes. On veut exalter l’homme dans une perspective purement humaine, en écartant Dieu. Et on lui promet des bonheurs extraordinai­ res en le trompant par une sorte de détournement de l’espérance. Il y a là une lutte profonde, de caractère spirituel, où l’Eglise est engagée, et à travers cette lutte elle connaît un nouveau prin­ temps. Car Marie prépare le retour du Christ. Où en sommes-nous exactement par rapport à ce retour du Christ? Je n’en sais rien et personne ne le sait. Mais des signes existent, auxquels il faut que nous soyons très attentifs. Cette grande angoisse prévue par l’Ecriture est un de ces signes. Une grande angoisse naît aujourd’hui parce que l’humanité est devenue capable de s'auto-détruire par les armes qu’elle même s’est construite. Et du fait même qu’elle ne s’en remet qu’à elle-même, elle découvre sa précarité. Dieu a voulu le pouvoir de l’homme sur l’uni­ vers pour quelque chose de très grand : lui offrir le fruit de son labeur et par là le louer. Mais si l’homme se détourne de cette fin, s’il refuse de se soumettre à la volonté de son Dieu, de se remettre dans ses mains, s’il se sert de son pouvoir pour s’exalter, se glorifier, il risque d’en faire l’instru­ ment de sa propre destruction.

• Une victoire acquise mais qui demeure encore cachée, à vivre en espérance Le pouvoir de l’Eglise est autre? Au cœur de cette précarité, l’Eglise rappelle les exigences les plus profondes du mystère du

P MJ Christ : mystère de petitesse, mystère d’Amour, mystère de gloire, en ce sens que la véritable gloi­ re. qui participe à celle du Christ, est d être témoin de la victoire de Son Amour. Victoire qui est déjà acquise et présente actuellement dans notre cœur, dans notre foi. mais qui n'est pas encore manifes­ tée dans sa plénitude. Elle demeure encore cachée, nous en vivons en espérance.

• Avançons comme le petit David, avec des ormes divines Ceux qui écrivent cette histoire dans ses vrais termes, ce sont les saints? La seule arme de l’Egli­ se, c’est ta sainteté?

Oui. c'est la sainteté, ou encore, en d'autres ter­ mes. les Béatitudes évangéliques. Chaque fois que des chrétiens, des théologiens, des hommes d'Eglise veulent prendre les méthodes mêmes des idéologies athées pour lutter contre ces idéologies

Une vente du « Comité des Quinze »

et les faire reculer, ils sont battus d'avance. Ils font penser au petit David, en ce sens qu'ils font le le Comité des Quinze, association de défense contraire de ce qu'il a fait. Au moment où David des droits de l’homme en URSS, organise une veut affronter Goliath. Saiil lui donne son armu­ vente exceptionnelle à la salle des Fêtes de la re : casque, cuirasse, épée, pour qu'il possède Mairie du XVIe, 71, avenue Henri-Martin, de l'équivalent de la tenue militaire de son adversai­ CQ 1 1 h à 20 h, le mardi 28 avril, au profit des re. Mais avec cette armure, David ne sc sent plus droits de l’homme en URSS. lui-même; aussi rejcttc-t-il tout cela et. prenant sa On y trouvera des vêtements pour adultes et fronde, il s'avance hardiment, mettant toute sa enfants, des livres, des bijoux, des plantes, des confiance, toute son espérance dans le secours de parfums et des objets divers. Restauration Dieu. Dans le grand combat que nous vivons, toute la journée au buffet. avançons comme le petit David, en prenant nos armes divines - armes de lumière : notre foi, notre prière, notre espérance, notre amour, autrement Claude Tresmontant dit. la sainteté. La sainteté, malgré la faiblesse des hommes et leur péché, enveloppe l’Eglise?

honoré

Oui, il faut accepter notre faiblesse et croire en cette grâce qui nous est donnée aujourd'hui, dans l'Eglise du Christ, conduite par l'Esprit Saint. Cette grâce enveloppe toute l'Eglise, elle nous enveloppe, nous fortifie, nous illumine et fait de nous des hommes victorieux dans le Christ.

L’Académie des Sciences Morales et Politi­ ques vient de décerner son Grand Prix a Claude Tresmontant, philosophe chrétien. C’est la quatrième fois qu’une telle distintion est décernée. Elle a été conférée successive­ ment à Alfred Sauvy, économiste, à Georges Vedel, juriste, à Louis Chevalier, historien.

Entretien recueilli par Rémi Montour

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