De Hattusa à Memphis 9782343000046, 2343000042

Au-delà de la culture hittite, ces contributions se penchent sur les origines les plus lointaines aussi bien que sur les

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SOMMAIRE
ON NE NAÎT PAS CHERCHEUR, ON LE DEVIENT… JACQUES FREU
BIBLIOGRAPHIE DE JACQUES FREU
REGARD SUR LES ORIGINES
À PROPOS DE LA CIVILISATION HITTITE 1. LES HOMMES ET LES FAITS
LES HITTITES ET LES RÉGIONS PÉRIPHÉRIQUES : ÉGYPTE, UGARIT ET CHYPRE
LA SURVIVANCE DU MONDE HITTITE 1. LES HITTITES DANS L’ANTIQUITÉ
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De Hattusa à Memphis
 9782343000046, 2343000042

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Collection KUBABA S é r i e Antiquité

Michel Mazoyer Sydney Hervé Aufrère (éd.)

De Hattuša à Memphis Jacques Freu in honorem

DE HATTUŠA À MEMPHIS Jacques Freu in honorem

Reproductions de la couverture : Logo KUBABA : la déesse KUBABA (Vladimir Tchernychev) Illustration : Autour de minuit, peinture de Jean-Michel Lartigaud. Directeur de publication : Michel Mazoyer Directeur scientifique : Jorge Pérez Roy Comité de rédaction Trésorière : Christine Gaulme Colloques : Jesús Martínez Dorronsorro Relations publiques : Annie Tchernychev, Sylvie Garreau Directrice du Comité de lecture : Annick Touchard

Comité scientifique Sydney H. Aufrère, Sébastien Barbara, Marielle de Béchillon, Pierre Bordreuil, Nathalie Bosson, Dominique Briquel, Sylvain Brocquet, Gérard Capdeville, Jacques Freu, Charles Guittard, Jean-Pierre Levet, Michel Mazoyer, Paul Mirault, Dennis Pardee, Eric Pirart, JeanMichel Renaud, Nicolas Richer, Bernard Sergent, Claude Sterckx, Patrick Voisin, Paul Wathelet

Ingénieur informatique Patrick Habersack ([email protected])

Avec la collaboration artistique de Jean-Michel Lartigaud et de Vladimir Tchernychev. Ce volume a été imprimé par © Association KUBABA, Paris © L’Harmattan, Paris, 2013 5-7, rue de l’École Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-00004-6 EAN : 9782343000046

COLLECTION KUBABA

Série Antiquité

DE HATTUŠA À MEMPHIS

Jacques Freu in honorem

Édité par Michel MAZOYER et Sydney Hervé AUFRÈRE

Association KUBABA, Université de Paris I Panthéon – Sorbonne 12, place du Panthéon 75231 Paris CEDEX 05

L’Harmattan

Bibliothèque Kubaba (sélection) http://kubaba.univ-paris1.fr/ CAHIERS KUBABA Barbares et civilisés dans l’Antiquité. Monstres et Monstruosités. Histoires de monstres à l’époque moderne et contemporaine. COLLECTION KUBABA Série Antiquité Dominique BRIQUEL, Le Forum brûle. Jacques FREU, Histoire politique d’Ugarit. ——, Histoire du Mitanni. ——, Suppiliuliuma et la veuve du pharaon. Éric PIRART, L’Aphrodite iranienne. ——, L’éloge mazdéen de l’ivresse. ——, L’Aphrodite iranienne. ——, Guerriers d’Iran. ——, Georges Dumézil face aux héros iraniens. Michel MAZOYER, Télipinu, le dieu du marécage. Bernard SERGENT, L’Atlantide et la mythologie grecque. Claude STERKX, Les mutilations des ennemis chez les Celtes préchrétiens. Les Hittites et leur histoire en quatre volumes : Vol. 1 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, en collaboration avec Isabelle KLOCKFONTANILLE, Des origines à la fin de l’Ancien Royaume Hittite. Vol. 2 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, Les débuts du Nouvel Empire Hittite. Vol. 3 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, L’apogée du Nouvel Empire Hittite. Vol. 4 : Jacques FREU et Michel MAZOYER, Le déclin et la chute du Nouvel Empire Hittite. Sydney H. AUFRÈRE, Thot Hermès l’Égyptien. De l’infiniment grand à l’infiniment petit. Michel MAZOYER (éd.), Homère et l’Anatolie. Michel MAZOYER et Olivier CASABONNE (éd.), Mélanges en l’honneur du Professeur René Lebrun : Vol. 1 : Antiquus Oriens. Vol. 2 : Studia Anatolica et Varia.

SOMMAIRE

Sydney H. AUFRÈRE, Michel MAZOYER

« On ne naît pas chercheur, on le devient… Jacques Freu

13

Michel MAZOYER

Bibliographie de Jacques Freu

19

PARTIE I REGARD SUR LES ORIGINES Jean-Pierre LEVET

Le hittite apporte-t-il un soutien lumineux à la théorie eurasiatique ?

25

PARTIE II À PROPOS DE LA CIVILISATION HITTITE. 1. Les hommes et les faits Massimo FORLANINI

Les routes du Palâ

43

Susanne HEINHOLDKRAHMER

Zur Lage des hethitischen Vasallenstaates Wilua im Südwesten Kleinasiens

59

Cyril LACHEZE

À propos de la musique des Hittites

75

Shihong DAI

À propos des chanteuses sacrées à l’époque hittite

87

Magdalena KAPEU

The town of Zithara

93

Michel MAZOYER

Le voyage de l’égide dans la mythologie hittite

2. Croyances et idéologie

105

SOMMAIRE

Raphaël NICOLLE

À propos de la mention du dieu de l’Orage dans CTH 726.1

113

Piotr TARACHA

How many grain-deities alki/Nisaba ?

119

PARTIE III LES HITTITES ET LES RÉGIONS PÉRIPHÉRIQUES : ÉGYPTE, UGARIT ET CHYPRE Pierre BORDREUIL

Les tablettes alphabétiques de la Maison d’Ourtenou : lieu de rencontre des archives de l’acropole d’Ougarit, des palais d’Ougarit et de la résidence de Ras Ibn Hani

133

Robert HAWLEY et Dennis PARDEE

Deux témoins douteux

143

Itamar SINGER†

Two notes on the sea links between Egypt and the Hittite Empire

165

Sydney H. AUFRÈRE

La polysémie du copte S  (< ég. wt). De l’infamie ou de l’abjection à la dépravation et de la réprobation à l’inaptitude

169

Fred C. WOUDHUIZEN

The Amathus Bilingual Inscription

193

PARTIE IV LA SURVIVANCE DU MONDE HITTITE 1. Les Hittites dans l’Antiquité Hugo NACCARO

Maliya au « banquet des douze divinités »

203

Sabrina RAHMANI

Étude du kukéôn d’après la lecture d’Homère

209

Sébastien BARBARA

Néron et Agrippine sur des émissions conjointes d’Eumeneia (Phrygie) : essai d’interprétation

215

10

DE HATTUA À MEMPHIS

Michèle BIRAUD

Le premier Hymne à Isis d’Isidoros : une structure d’ensemble soulignée par des clausules accentuelles

237

Valérie FARANTON

Agamemnon, le roi impie

249

René LEBRUN

Permanence de dieux louvites dans la Lycie hellénistique

259

2. Les Hittites et le monde contemporain Françoise BADER

E. Benveniste et R.M. Rilke

11

267

ON NE NAÎT PAS CHERCHEUR, ON LE DEVIENT… JACQUES FREU

Dans le développement de l’hittitologie et l’accélération des travaux sur l’histoire et les religions anatoliennes au cours des dernières années, une place éminente revient à notre estimé collègue Jacques FREU. Si on pouvait définir en un mot notre ami, né le 30 janvier 1925, on dirait qu’il est historien. Il y a bien longtemps, il a embrassé la vocation de l’histoire, qui l’a conduit, après des études classiques, à l’agrégation d’histoire (1951). Mais c’est à Emmanuel Laroche (1914-1991), dont il suit les cours pendant une dizaine d’années à l’École des Hautes-Études, qu’il doit de faire ses premiers pas dans l’étude du Hatti et de sa langue. Quelle était la place du Hatti, de son impact dans le bassin méditerranéen ? Voilà la tâche à laquelle ce passionné d’études anciennes consacre tous ses efforts. Ses travaux, fondés sur les recherches les plus récentes en archéologie et en philologie, abordent l’histoire politique du Proche-Orient. Il lui a consacré maints travaux alors qu’il dispensait un cours sur ce thème dans le cadre de l’Université de Nice. Les livres et parties d’ouvrages consacrés par lui à ces thématiques, dont certains en collaboration avec Michel Mazoyer, sont de ceux qui, non seulement changent l’optique disciplinaire en associant histoire, religion et idéologie considérées dans leur continuum, mais permettent au grand public de mieux connaître cette civilisation méconnue, en la replaçant à la croisée de différentes cultures que seule une solide formation classique permet d’appréhender dans son ensemble. Dans ces conditions, on ne s’étonnera donc pas si le projet d’un recueil d’articles reposant sur la collaboration et la réflexion de collègues mais aussi de jeunes chercheurs touchés par son enseignement, a suscité approbation et enthousiasme puisque le récipiendaire de ces mélanges, pendant son long parcours au service de la science, a su maintenir un équilibre entre un enseignement réussissant à captiver son auditoire, suscitant ainsi des vocations, et une recherche reconnue par la communauté disciplinaire et audelà. Pourtant, la bibliographie de Jacques FREU réunie ci-après ne témoigne que partiellement d’une vie consacrée à cette discipline exigeante. Ces

S.H. AUFRÈRE, M. MAZOYER

Mélanges qui lui sont consacrés, sont intitulés De Hattua à Memphis, pour bien s’inscrire entre les deux pôles entre lesquels son travail évolue, et par d’autres questionnements en lien avec les siens. Dans leur majorité, ces articles distribués en fonction de leur thématique, permettent de suivre les traces de cette civilisation qui a perduré bien longtemps, dans les esprits après sa disparition. Dans la première partie, REGARDS SUR LES ORIGINES, les éditeurs indiquent que Jacques Freu, en historien de sa discipline, s’est intéressé aussi bien aux origines de la civilisation hittite qu’à l’empreinte qu’elle a laissée dans le bassin méditerranéen. En écho, Jean-Pierre LEVET a accepté de se pencher sur la théorie eurasiatique. Pour répondre à la question posée dans le titre de son papier, il conclut que si l’on n’estime pas vain de travailler sur un ancêtre hypothétique de l’indo-européen, l’anatolien offre à l’analyse des faits susceptibles d’apporter des éléments de soutien à cette théorie. La deuxième partie, À PROPOS DE LA CIVILISATION HITTITTE, est scindée en deux. Dans le premier volet, Des hommes et des faits, l’article de Massimo FORLANINI rappelle au lecteur que Jacques Freu a consacré des efforts à la géographie hittite (II.1980, 1983a-b, 1987, 1998a, 2006b ; III.4). M. FORLANINI évoque les routes du Palâ, le nord de Hattusa étant particulièrement important pour comprendre la civilisation hittite et son histoire. Évoquant tout d’abord une nouvelle reconstruction de la géographie historique de Roger Matthews et Claudia Glatz (2009), il examine deux itinéraires, qui, à l’aide de quelques nouveaux renseignements, peuvent faire progresser notre connaissance de la région. Selon lui, la région du Palâ devait se trouver entre le Devrez Çay (fleuve Tahara) et Bolu (Kala ma), au nord de la chaîne de montagnes qui aujourd’hui s’appelle Köro lu Da ları et dont la portion centrale, à l’époque hittite, portait le nom de A harpaya ; cette chaîne séparait le Palâ de la région de Ki iya et appa. Susanne HEINHOLD-KRAHMER, quant à elle, traite des questions importantes de l’histoire hittite et les relations de ce royaume avec ses voisins en évoquant la situation de l’état vassal de Wilusa dans le sud de l’Asie mineure. Et, reconsidérant le problème, sur la base du § 14 du contrat Alaksandu, elle confirme la probabilité d’une localisation de Wilusa au sud-ouest de l’Anatolie. Cyril LACHESE, après avoir fait un état de la recherche sur la musique hittite, souligne son caractère sacré et met en évidence la place qu’occupe celle-ci dans les rituels. Elle n’est pas une source de distraction, mais appartient à la célébration du culte en faisant valoir dans ce monde l’importance de l’interaction entre la musique et le monde des divinités.

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ON NE NAÎT PAS CHERCHEUR, ON LE DEVIENT… JACQUES FREU

Du fait de sa réelle modestie, Jacques Freu a toujours prétendu que ses connaissances dans le domaine de la religion étaient trop sommaires pour qu’il puisse s’aventurer à quelques publications, ce qui ne l’a pas empêché d’en aborder divers aspects (II. 1990a ; 1994a). Mais les entretiens privés montrent qu’il n’en est rien car il admet que la religion lui a permis de saisir l’idéologie d’une société et de ses mentalités. En effet, l’histoire événementielle dont il est un défenseur lui a permis de remodeler certaine théorie sur le Mythe de Télipinu par exemple (I.2007). Les événements du règne de ce roi homonyme de la divinité en éclairent la genèse. Ajoutons que sa conception classique de l’histoire est indispensable à une analyse des mentalités et des représentations. Aussi, le second volet de la deuxième partie, Croyances et idéologie, s’inscrit bien dans cette perspective. Shihong DAI montre la place qu’occupaient les chanteuses sacrées. Le Prince hittite se rend régulièrement dans une auberge, assimilée à un lieu de culte. Entouré de jeunes chanteuses, il est livré à la prostitution cultuelle, destinée à le régénérer, revivifiant ainsi le royaume hittite en lui garantissant une descendance et une succession royale. Magdalena KAPEU (Université de Varsovie) met en lumière les spécificités de la ville de Zithariya dans le domaine religieux. Parmi les différents sites urbains, Zithara n’avait pas encore attiré l’attention des spécialistes. Michel MAZOYER (Université de Paris I) évoque les déplacements de l’égide, symbole sacré du royaume hittite, remise par le dieu fondateur Télipinu, lors de la fondation du royaume. Raphaël NICOLLE montre que ce même dieu peut recevoir à l’époque impériale une désignation qui est celle du dieu de l’Orage (Tarhunt), son père. D’après un texte bilingue associé à Lelwani, le dieu creuse le sol avant d’établir les fondations. On doit exclure que le dieu de l’Orage, qui est un dieu céleste, ait un rapport quelconque avec le sous-sol. Il est préférable de voir en cette figure de Télipinu le dieu qui creuse le sol. La question est d’importance vu qu’elle couvre un espace de la recherche encore mal connu. Piotr TARACHA (Université de Varsovie) soumet une réflexion sur la divinité Halki, « la divinité du grain », qui, désignée par le sumérogramme NISABA, est, mentionnée soit comme une déesse, soit comme un dieu et n’étant nullement, ainsi que le souligne l’auteur, considérée comme une divinité secondaire. La troisième partie, LES HITTITES ET LES RÉGIONS PÉRIPHÉRIQUES : ÉGYPTE, UGARIT ET CHYPRE rend un hommage différent au chercheur qui a tracé de nouvelles perspectives concernant l’histoire hittite ou les relations des Hittites avec ses voisins orientaux et méditerranéens, et a tourné les yeux du côté d’Ugarit (II. 1988, 1998b, 2000a, 2002a). On connaît son Histoire politique du royaume d’Ugarit (I.2006), mais aussi le livre qu’il a consacré à 15

S.H. AUFRÈRE, M. MAZOYER

l’Histoire du Mittani (I.2003), un des rares ouvrages récents sur cette civilisation ainsi révélée au grand public. Concernant le volet ougaritique, Pierre BORDREUIL (CNRS, UMR 8167) souligne l’importance des archives d’Ourtenou. Il estime qu’elles ont permis toutefois d’ouvrir un troisième dossier : après ceux de la religion et de l’État, celui de la société d’Ougarit. Robert HALWEY (CNRS, UMR 8167) et Dennis PARDEE (Université de Chicago) réexaminent des tablettes où sont censés être consignés les textes juridiques en langue ougaritique, et évoquent deux textes où les signes signifiant « témoin », soulèvent des doutes. D’autres liens avec l’étranger sont abordés. Le regretté Itamar SINGER (Université de Tel Aviv) évoque les liens maritimes entre l’Egypte et l’Empire hittite. Fred C. WOUDHUIZEN (éditeur de la revue Talanta) qui commente l’inscription bilingue « Amathus », avance l’hypothèse que la langue utilisée, l’Étéo-chypriote, présente un caractère louvite hiéroglyphique. Jacques Freu s’est toujours intéressé au puissant voisin en rivalité avec l’Empire hittite : l’Égypte ; il en a tiré d’intéressantes conclusions sur les différences profondes entre ces deux empires et les raisons de leurs affrontements à différentes périodes de l’histoire, dans son volume intitulé uppiluliuma et la veuve du pharaon (I.2004). Toutefois l’influence de l’écriture égyptienne sur l’alphabet (II.2000b) ne lui est pas étrangère. En son honneur, Sydney H. AUFRÈRE (CNRS, Université d’Aix-Marseille) traite de la problématique liée à la polysémie du terme copte  (djoout) que l’on peut approcher par le démotique ou les traductions en grec de la Bible dont l’étude permet de voir qu’il gravite autour des notions d’infamie, d’abjection, de dépravation. Les êtres auxquels on applique ce mot sont des réprouvés ou des personnes inaptes au bien. Ce terme saurait-il être comparé à l’entité hittite (adjectif ou substantif) idalu-, qui ne désigne pas un état mais une entité susceptible de transformer les êtres ou les choses ? La quatrième partie, LA SURVIVANCE DU MONDE HITTITE, se subdivise, elle aussi, en deux. Le premier volet concerne Les Hittites dans l’Antiquité. Il est consacré à la réception de la culture des Hittites et de leur religion parmi les peuples voisins, notamment chez les Grecs et les Romains. Hugo NACCARO (Université de Paris I), mentionnant un passage de Suétone, avance l’hypothèse que l’idéologie hittite et ses représentations religieuses étaient encore vivaces à l’époque d’Auguste. Sabrina RAHMANI (Université de Paris I) évoque le Kukeôn, boisson divine qui occupe une place déjà importante chez Homère. On sait que le monde hittite est riche d’aliments divins utilisés (le galaktar et le paruhenas) pour inciter les dieux à rentrer au 16

ON NE NAÎT PAS CHERCHEUR, ON LE DEVIENT… JACQUES FREU

pays. La place jouée par Cybèle, lointaine descendante de la déesse hittite Kubaba à l’époque de Néron, est bien mise en valeur sur la base du riche dossier illustré, réuni par Sébastien BARBARA (Université de Lille III). Michèle BIRAUD (Université de Nice Sophia-Antipolis, Institut Universitaire de France) propose ici une lecture poétique novatrice du premier hymne à Isis composé par Isidoros au début du premier siècle av. J.-C et gravé sur une paroi du temple de Médinet-Mâdi (Fayoum). Cette étude fait partie d’une recherche en cours sur les évolutions de la poésie dans l’Égypte hellénistique. Même s’il y a loin de l’Égypte ptolémaïque à celle de Ramsès, ce domaine géographique constitue un point de contiguïté avec les travaux de Jacques Freu sur les contacts entre Hittites et Égyptiens. Concernant les traces que le hittite a laissées après la disparition de son empire vers 1180, plusieurs chercheurs ont été mis à contribution : Valérie FARANTON (Université d’Artois) montre l’influence de la civilisation hittite à l’époque homérique ; inversant la thèse de Dumézil qui voyait dans Achille le guerrier impie, elle s’interroge sur l’Iliade, montrant qu’Agamemnon s’inscrit dans la tradition des premiers roi hittites, dont le pouvoir repose sur la guerre et les rapines, à ce titre exposé à l’impiété et à l’hubris. Agamemnon est un roi impie : il ne respecte pas les dieux. Il attire donc sur son armée le désastre et la désolation. Au-delà du personnage d’Agamemnon, le cadre de l’Iliade peut être rapproché d’un des topoi de la religion hittite. Une faute cultuelle entraîne le départ d’une force fondamentale assurant la prospérité — ici Télipinu, là Achille — ainsi que la violence meurtrière du dieu fondateur, Télipinu pour le monde hittite, Apollon pour le monde grec. René LEBRUN (Université catholique de Louvain ; Institut catholique de Paris) aborde, dans les textes lyciens, neuf noms de divinités lyciennes manifestement d’origine louvite et évoque la place qu’elles occupaient entre le premier millénaire et l’époque hellénistique. Le second volet, Les Hittites et le monde contemporain, est formé par l’article de Françoise BADER (École pratique des Hautes-Études) spécialiste de l’indo-européen, qui évoque les liens qui unissaient Rainer Maria Rilke et Émile Benveniste, le grand spécialiste des langues et des civilisations indoeuropéennes. Au terme de cette aventure commune, les éditeurs adressent toute leur gratitude à ceux qui ont bien voulu s’associer à ce projet. Offrant un large éventail d’études dans les champs abordés au cours de sa carrière par le récipiendaire, ces Mélanges s’adressent à un chercheur enthousiaste qui, aux dires unanimes de ses collègues, associe une immense érudition à des qualités humaines exceptionnelles. Aussi cet hommage collectif à son talent et à sa fructueuse carrière scientifique, n’est-il pas un hasard mais le 17

S.H. AUFRÈRE, M. MAZOYER

témoignage de l’estime et de l’amitié de tous. Les hasards de la vie font qu’on ne naît pas chercheur, on le devient… par une vocation qui s’affermit d’année en année, à l’exemple et au contact d’autres talents. Sydney Hervé AUFRÈRE CNRS, Université d’Aix-marseille

Michel MAZOYER Université Paris I Sorbonne

REMARQUE : Cette publication recourt à la police Ifao-grec-unicode de l’Institut français d’archéologie orientale (Le Caire). La police de translittération de l’égyptien est le Times New Roman, enrichi par le alef et le ayîn de la police Time LT Std IFAO.

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BIBLIOGRAPHIE DE JACQUES FREU I. Ouvrages et parties d’ouvrages 2003 : Histoire du Mitanni (Collection Kubaba, Série Antiquité), L’Harmattan, Paris. 2004 : uppiluliuma et la veuve du pharaon. Histoire d’un mariage manqué. Essai sur les relations égypto-hittites (Collection Kubaba, Série Antiquité), L’Harmattan, Paris. 2006 : Histoire politique du royaume d’Ugarit (Collection Kubaba, Série Antiquité XI), L’Harmattan, Paris. 2007 : Télipinu et l’Ancien Royaume de atti, dans Jacques Freu et Michel Mazoyer, Des Origines à la Fin de l’Ancien Royaume hittite, Les Hittites et leur histoire I (Collection Kubaba, Série Antiquité VII), L’Harmattan, Paris. 2008 : L’Affirmation du Nouvel Empire Hittite, dans Jacques Freu et Michel Mazoyer, Les Débuts du Nouvel Empire Hittite (c. 1465-1319 av. J.C.). Les Hittites et leur histoire II (Collection Kubaba, Série Antiquité XII), L’Harmattan, Paris. 2008 : Quatre-Vingts Ans d’Histoire Hittite (c.1320-1240 av. J.C.), dans Jacques Freu et Michel Mazoyer, L’Apogée du Nouvel Empire Hittite. Les Hittites et leur histoire III (Collection Kubaba, Série Antiquité XIV), L’Harmattan, Paris. 2010 : Les Derniers Grands Rois de atti, dans Jacques Freu et Michel Mazoyer, Le Déclin et la Chute du Nouvel Empire Hittite. Les Hittites et leur histoire IV (Collection Kubaba, Série Antiquité), L’Harmattan, Paris. 2012 : À la recherche des néo-Hittites, dans Jacques Freu et Michel Mazoyer, Les royaumes néo-hittites à l’âge du fer. Les Hittites et leur histoire V (Collection Kubaba, Série Antiquité), L’Harmattan, Paris.

II. Articles, communications et comptes rendus 1974 : « La lettre EA 116 de Rib-Addi, prince de Byblos au pharaon Akhenaton et les Hittites à el-Amarna », dans Hommage à P. Farges (= Annales de la Faculté des Sciences Humaines de Nice, n° 21), Nice, p. 15-47. 1979 : « Les débuts du Nouvel Empire hittite et les origines de l’expansion mycénienne », Annales de la Faculté des Sciences Humaines de Nice, n° 35, p. 7-57. 1980 : « Luwiya. Géographie historique des provinces méridionales de l’empire hittite, Kizzuwatna, Arzawa, Lukka, Milawatta », Publications du Centre de Recherches Comparatives sur les Langues de la Méditerranée Ancienne 6, Nice, p. 178-352. 1981 : « Entre l’Orient et l’Occident. L’Asie mineure à l’âge du Bronze », dans Actes du Colloque franco-polonais d’histoire. Les relations économiques et culturelles entre l’Occident et l’Orient, Nice-Antibes 6-9 novembre 1980, Université de Nice. Laboratoire d’histoire quantitative. Musée d’archéologie et d’histoire d’Antibes,p. 17-36.

M. MAZOYER

1983a : « Les archives de Maat Höyük, l’histoire du Moyen Royaume hittite et la géographie du pays Gasga », Publications du Centre de Recherches Comparatives sur les Langues de la Méditerranée Ancienne 8, Nice, p. 86-219. 1983b : « Minorités et phénomènes migratoires en Syrie à l’âge du Bronze Récent : Nomades, Hors-la-loi et Peuples de la Mer (c. 1550-1150 av. J.C.) », dans Actes du colloque international Entre l’Occident et l’Orient : Minorités, Echanges, Populations et l’Individu, Antibes-Juan-les-Pins 29-31 octobre 1981, Nice, p. 3-11. 1985 : « La Correspondance d’Abimilki, prince de Tyr et la fin de l’ère amarnienne », dans René Braun (éd.), Hommage à Jean Granarolo : philologie, littératures et histoire anciennes (= AFLSH 50), p. 23-60. 1987 : « Problèmes de chronologie et de géographie hittites, Madduwatta et les débuts de l’empire », Colloque anatolien, Paris 1-5 juillet 1985, Acta Anatolica E. Laroche oblata, Hethitica 8, p. 123-175. 1988 : « La tablette RS 88.2230 et la phase finale du royaume d’Ugarit », Syria 65, p. 395398. 1989a : « Le monde mycénien et l’Orient. Théra, la Crète et l’Egypte », Publications du Centre de Recherches Comparatives sur les Langues de la Méditerranée Ancienne 10, Nice. 1989b : « L’arrivée des Indo-Européens en Europe », Bulletin de la Société Guillaume Budé, mars 1989, p. 3-41. 1990a : « La royauté et les dieux dans l’Asie mineure ancienne », dans De la Préhistoire à Virgile : Philologie, Littératures et Histoires Anciennes. Hommage à R. Brun (= AFLSH 56), Nice, p. 11-37. 1990b : « Hittites et Achéens. Données nouvelles concernant le pays d’A iyawa », Publications du Centre de Recherches Comparatives sur les Langues de la Méditerranée Ancienne 11, Nice. 1990c : Compte rendu d’E. Masson, Les Douze Dieux de l’Immoralité. Croyances indoeuropéennes à Yazılıkaya, Syria 67, p. 531-534. 1992 : « Les guerres syriennes de uppiluliuma et la fin de l’ère amarnienne », Hethitica 11, p. 39-101. 1994a : « Les dieux des Aryas occidentaux dans les textes cunéiformes », dans Chantal Kircher-Durand et Danielle Pastor Lloret (éd.), Hommage à J. Manessy-Guitton : Nomina rerum, publications du Centre de Recherches Comparatives sur les Langues de la Méditerranée Ancienne, Nice, n° 13, p. 209-227. 1994b : « Histoire d’un peuple et d’un empire », dans Emilia Masson (éd.), Les Hittites. Civilisation indo-européenne à fleur de roche. Les Dossiers d’Archéologie n° 193, p. 2639. 1995 : « De l’Ancien Royaume au Nouvel empire : Les temps obscurs de la monarchie hittite », dans Onofrio Carruba, Mauro Giorgieri et Clelia Mora (éd.), Atti del II Congresso internazionale di hittitologia (Studia Mediterranea 9), Giani Iuculano, Pavia, p. 133-148. 1996 : « La révolution dynastique du Grand Roi de atti, Tut aliya I », Hethitica 13, 17-38. 1997 : « L’origine des Indo-Européens d’Anatolie et du ‘peuple hittite’ », dans Actes des Premières Rencontres d’Anthropologie du Monde Indo-Européen et de Mythologie Comparée (= Ollodagos X), Bruxelles, p. 249-331. 1998a : « Les relations entre Troie et le monde hittite. Un problème de géographie historique », dans Lambert Isebaert et René Lebrun (éd.), Quaestiones Homericae. Acta Colloquii Namurcensis, 7-9 septembre 1995, Louvain-Namur, p. 95-118.

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BIBLIOGRAPHIE DE JACQUES FREU

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M. MAZOYER

III. À paraître 1 : « Le pays de Damas entre Égyptiens et Hittites ». 2 : « Les Hittites et la Bible ». 3 : « Akhenaton, Smenkhkarê et Tutankhamon : nouvelles perspectives ? ». 4 : « Les pays de Wilua et d’A iyawa et la géographie de l’Anatolie occidentale à l’âge du Bronze », dans Michel Mazoyer (éd.), Homère et l’Anatolie II (Collection Kubaba, Série Antiquité).

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REGARD SUR LES ORIGINES

De Hattu a à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2013, p. 25-40. ————————————————————————————————————————

LE HITTITE APPORTE-T-IL UN SOUTIEN LUMINEUX À LA THÉORIE EURASIATIQUE ? Jean-Pierre LEVET Université de Limoges

Évoquer un soutien lumineux, voire divin, qui serait apporté à la théorie eurasiatique par le hittite et conséquemment par le rameau anatolien de l’indo-européen relève d’un humour d’une inspiration quelque peu équivoque. S’il reflète, en effet, d’une manière plaisante le contenu de la présente étude, à savoir une analyse du thème iun- du substantif iu « dieu » orientée dans une perspective diachronique qui s’étend bien au-delà des reconstructions classiques, il masque aussi, à sa façon, un trouble certain lié à un implicite, mais nécessaire, aveu de prudence d’un comparatiste qui tente d’orienter sa recherche vers les horizons théoriques et lointains de l’eurasiatique et du nostratique et sollicite d’emblée l’indulgence des lecteurs que laisserait sceptiques a priori ou hostiles après information toute tentative scientifiquement délicate de cette nature. La nôtre, fondée sur des enseignements de J. Greenberg, portera sur des faits hittites et anatoliens précis que le savant américain n’a pas insérés dans ses listes de correspondances. Pendant plus d’un siècle et demi, la recherche sur la macrofamille de langues dont relèverait l’indo-européen a connu des fortunes diverses et des moments le plus souvent difficiles. Elle vient de produire une série d’œuvres majeures1 qui fournissent des matériaux et des constats fiables, qu’il convient désormais d’exploiter et d’approfondir avec le souci constant 1

Voir principalement GREENBERG, Indo-European and its Closest Relatives = ID., Langues indo-européennes I pour la version française ; ID., Langues indo-européennes II) ; BOMHARD, Reconstructing Proto-Nostratic ; DOLGOPOLSKY, Nostratic Dictionary ; on se reportera à la bibliographie de GREENBERG, Indo-European…, II, p. 369-394 ; de GREENBERG, IndoEuropean…, I, p. 196-202 ; de BOMHARD, op. cit., I, p. 531-756 ; de DOLGOPOLSKY, op. cit., p. 2801-3078.

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d’apporter des preuves nouvelles ou mieux étayées de l’existence réelle des apparentements posés. Sur la base de comparaisons grammaticales et lexicales, J. Greenberg appelle eurasiatique l’ancêtre commun de l’indo-européen et de sept autres familles (étrusque ou tyrrhénien, ouralo-youkaghir, altaïque, coréo-nippoaïnou, guiliak, tchouktchi-kamtchatkien et eskimo-aléoute), descendant luimême, au même titre que l’afro-asiatique, le kartvélien et l’élamo-dravidien d’une proto-langue appelée nostratique2. Pour A. Dolgopolsky, l’étape intermédiaire eurasiatique n’a pas à être prise en compte, si bien que souvent chez lui le nostratique correspond à peu près à l’eurasiatique de Greenberg. La liste d’A. Bomhard est différente, puisqu’elle exclut le japonais et le coréen, mais retient le guiliak, le tchouktchi-kamtchatkien et l’eskimoaléoute, écartés par Dolgopolsky. L’existence d’un morphème *nV, c’est-à-dire nasale suivie d’une voyelle alternante, marqueur du « génitif »3 – en fait de l’appartenance – est une des plus intéressantes et des plus sûres correspondances grammaticales relevées dans la sphère eurasiatique, des plus fécondes aussi4. Lorsqu’il lit les deux volumes de J. Greenberg, le comparatiste hittitologue éprouve une déception. Il s’attend a priori, en effet, à ce que l’aspect archaïque du rameau anatolien de l’indo-européen vaille aux témoignages qu’il fournit une place de choix dans la liste des faits relevés et classés au titre de l’indo-européen dans la reconstruction de l’eurasiatique. Or il n’en est rien, mais ce constat donne l’espoir de l’existence de réalités linguistiques exploitables encore non sollicitées. Voilà pourquoi on a décidé de porter attention à un élément anatolien que J. Greenberg n’a pas retenu à l’actif de l’indo-européen dans son étude de *nV marqueur du « génitif ». Mais avant d’aborder le sujet dont on vient d’expliquer le choix, il ne sera sans doute pas inutile de faire état de quelques principes5 de méthode que semble imposer une volonté aussi ferme que possible de rigueur scientifique. 2 Le terme remonte à Pedersen, il a longtemps été défini comme représentant l’ancêtre commun supposé de l’indo-européen et du chamito-sémitique ; c’est dans ce sens, par exemple, qu’A. Cuny a utilisé ce terme (voir Recherches sur le vocalisme, le consonantisme et la formation des racines en « nostratique », ancêtre de l’indo-européen et du chamito-sémitique, Paris, 1943), certains chercheurs (Saul Levin, par exemple), lui attribuent encore cette acception. 3 GREENBERG, Indo-European and its Closest Relatives, II, p. 183-192. 4 Voir LEVET, « Voie des particules », p. 163-212 ; « Génitif pronominal lituanien mans », p. 3-8 ; « Tokharien tañ et lituanien tavs », p. 5-14 ; « L’eurasiatique : éléments d’un bilan », p. 15-23 ; « Tokharien ñä et lituanien mans », p. 13-21 ; « En amont de l’indo-européen », p. 195-214; « Quelques étincelles de lumière égyptienne », p. 71-82. 5 Pour une présentation plus développée de ces principes, on pourra se reporter à LEVET, « Recherche sur les éventuelles macrofamilles de langues », p. 59-87, avec un rappel des

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Contrairement à ce qu’admettent tacitement A. Bomhard et J. Greenberg, l’esquisse d’une grammaire comparée des macrofamilles ne peut pas, on en conviendra aisément, se construire comme celle des simples familles (comme l’indo-européen), qui est fondée sur l’examen et l’interprétation des seules traces de continuité, censées être les seules garantes fiables de l’existence des apparentements. Si, en effet, une proto-langue, en l’occurrence l’eurasiatique, a donné naissance à des familles nécessairement et de toute évidence reconnues comme différentes et séparées les unes des autres — il serait absurde d’intégrer6 une famille particulière de la macrofamille dans une autre, par exemple l’indo-européen dans l’altaïque ou l’ouralien dans l’afro-asiatique etc. —, c’est bien parce que des ruptures importantes, plus ou moins nombreuses et éventuellement liées les unes aux autres, se sont produites, sans toutefois avoir pour conséquence une disparition totale7 des vestiges de la trame de continuité originelle. Cela implique l’existence de systèmes linguistiques successifs et au moins l’ébauche souvent hypothétique et risquée de leur reconstruction à partir de traces subsistant comme archaïsmes dans un état nouveau succédant à des structures morpho-syntaxiques antérieures, susceptibles de relever de plusieurs étapes chronologiques. Cela implique également, pour les morphèmes grammaticaux, des fonctions renouvelées une ou plusieurs fois, certaines ne correspondant pas exactement à ce que connaissent les langues effectivement attestées. Là résident les difficultés majeures du macro-comparatisme ainsi que les doutes qu’il peut légitimement susciter. Il convient aussi d’admettre que si une catégorie grammaticale n’a jamais existé dans l’une des familles reconnues comme génétiquement liées (par exemple, le verbe conjugué à toutes les personnes du singulier et du pluriel, ou le marquage du nombre appliqué au nom), elle ne peut pas avoir appartenu à la proto-langue. La linguistique comparée des simples familles, de l’indo-européen, pour prendre un exemple concret, nous montre d’ailleurs des processus complexes de formation et d’évolution des systèmes morphologiques nominaux et verbaux. Faisons simplement référence à ce que nous savons de l’origine

enseignements d’A. Meillet sur l’exploitation des archaïsmes révélateurs de systèmes anciens dans des états de langue plus récents. 6 Ce que l’on évoque présentement est bien différent de ce que certains font lorsqu’ils rapprochent particulièrement, par exemple, l’ouralien de l’altaïque en posant un ancêtre ouraloaltaïque à l’origine et de l’ouralien et de l’altaïque. 7 Une telle disparition totale rendrait vaine les tentatives de comparaison, qui seraient absolument sans objet.

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sous forme de particules ou de pronoms de certaines désinences8 ou à ce que nous apprennent le hittite9 et le tokharien du verbe indo-européen, sans qu’il soit nécessaire d’en dire plus sur ce point. De toute évidence donc, les recherches sur les macrofamilles posent des problèmes particulièrement complexes, qu’il faut tenter de résoudre avec prudence, si l’on souhaite la rendre crédible. Ajoutons encore que la très longue durée à prendre en compte complique davantage les choses, l’ancêtre hypothétique étant éloigné au minimum de plus d’une centaine de siècles des premières reconstructions accessibles par la grammaire comparée classique. On peut, en effet, estimer, avec A. Bomhard10, que la dispersion des locuteurs du nostratique et des langues qui en sont directement issues remonte à la fin de la dernière glaciation, mais si l’on réintègre dans l’ensemble des langues regroupées, comme on n’hésitera pas à le faire, le japonais et l’aïnou, tout en les maintenant dans la sphère eurasiatique, ce qui entraîne des questions délicates auxquelles on ne cherchera pas à répondre ici11, il faut peut-être revoir à la hausse12 le nombre de millénaires séparant au moins certaines branches de l’eurasiatique du proto-indo-européen (en fait une représentation arborescente des composantes de la macrofamille n’est probablement pas adaptée à la réalité)13. Pour rendre seulement concevable, dans ces conditions, une recherche, à laquelle d’ailleurs il demeure quasiment impossible d’échapper au doute, il faut supposer que des évolutions linguistiques extrêmement lentes pendant des millénaires se seraient accélérées dans les débuts du néolithique, ce qui permettrait de combler une partie d’un fossé chronologique autrement infranchissable. Mais abordons maintenant le cœur de l’étude annoncée. Dans les nombreuses pages qu’il consacre au morphème *nV, J. Greenberg note qu’il a pu contribuer, par le jeu d’alternances vocaliques, non seulement à l’expression du « génitif », mais encore à la formation d’autres « cas » (« locatif », « datif », « instrumental »), et « qu’il s’est aussi propagé au nominatif »14, ce qui laisse supposer, d’une manière ou d’une autre, un bouleversement linguistique de grande ampleur qui a entraîné le glissement

8 Voir, par exemple, pour le génitif, BADER, « Problématique du génitif thématique sigmatique ». 9 On peut se reporter à JASANOFF, Hittite and the Indo-European Verb, p. 215 sq. 10 BOMHARD, Reconstructing Proto-Nostratic, p. 221 sq. 11 Voir GREENBERG, Langues indo-européennes, p. 33-44. 12 On évoquerait non plus la fin, mais le début de la dernière glaciation. 13 Voir LEVET, « Les paléomésolangues », p. 91-98. 14 GREENBERG, op. cit., p. 183.

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du « génitif » vers le « nominatif », impliquant la nature même du nom et celle du « verbe ». J. Greenberg en constate la présence en altaïque, en ouralien, en guiliak en tchouktchi-kamtchatkan, en japonais (massivement) et bien sûr en indoeuropéen. Dans cette dernière famille, on en relève l’attestation directe15 (indoiranien, balte, slave, celtique, tokharien etc.)16, comme désinence ou plutôt marqueur de « génitif », dans certaines formes pronominales, plus rarement nominales, les unes et les autres relevant d’archaïsmes manifestes. Plusieurs de nos études leur ont été consacrées. Elles ont permis de conclure à l’existence d’un système primitif cohérent, accessible à un essai de reconstruction et susceptible de constituer un commencement de preuve en faveur de la réalité eurasiatique, voire nostratique17. Les données japonaises, dont J. Greenberg a bien montré l’intérêt18, ont été également analysées dans la perspective eurasiatique19 : *nV y est d’un usage courant non seulement dans la structure de certains adjectifs et de quelques noms composés, mais aussi et surtout dans la fonction de marqueur du complément de nom, du déterminant, et dialectalement du « nominatif », si l’on peut employer ce terme, le verbe japonais relevant plus de la catégorie du nom d’action que de celle du verbe (le sujet est le thème dont le nom verbal est le prédicat). On est ainsi parvenu, pour le ,-eurasiatique, en tant qu’ancêtre notamment du japonais, à la définition hypothétique d’une structure formée de nom suivi de *nV (marqueur d’appartenance) plus nom d’action se transformant progressivement en verbe avant d’aboutir, dans la plupart des rameaux de la famille (en proto-indo-européen notamment), à ce qu’est le verbe proprement dit, avec évolution parallèle dans la même direction de constructions impliquant un nom d’agent entrant dans un rapport de détermination (susceptible d’être primitivement caractérisé par *nV). Ainsi s’expliquerait la propagation, à partir du « génitif », de *nV au « nominatif », sous l’effet d’une rupture morpho-syntaxique majeure, le passage du nom verbal au verbe et ses conséquences sur la grammaire du 15

On n’abordera pas ici les emplois indirects, sous la forme de suffixes, évoqués par J. GREENBERG, op. cit., p. 185-186, car ils appelleraient de trop longues discussions et n’apporteraient rien à l’étude que l’on souhaite proposer. 16 Voir LEVET, « Voie des particules », « Génitif pronominal lituanien mans », « Tokharien tañ et lituanien tavs », « Tokharien ñä et lituanien mans », « En amont de l’indo-européen », « Quelques étincelles de lumière égyptienne ». 17 Il a déjà été fait référence à ces études. Voir n. 16, supra. 18 GREENBERG, op. cit., p. 191. 19 Voir principalement LEVET, « Voie des particules ».

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nom proprement dit (apparition des catégories marquées comme telles du nombre et du genre, avec distinction première entre animé / inanimé). Alors que J. Greenberg ne mentionne pas l’anatolien dans sa rubrique consacrée à *nV, on a tenté de montrer, dans une étude présentée au colloque « Identité et altérité culturelles : le cas des Hittites dans le ProcheOrient ancien »20 et ayant pour titre « Palaïte a-a ap-na-a : un vestige eurasiatique en anatolien ? »21, que le palaïte avait conservé une trace, dans le nom du cours d’eau, d’un ancien génitif à morphème -na (< *no), refait en -na sur le modèle courant de la désinence du génitif (hittite -a ) et transféré secondairement au nominatif (a-a-ap-na-a nominatif et génitif à côté de hittite apa , également nominatif et génitif). Si cette explication des faits constatés est conforme à la vérité, on peut estimer que, à l’exception de palaïte a-a-ap-na-a , le palaïte et le hittite (et donc la branche de l’anatolien dont ils relèvent l’un et l’autre), ont substitué, au cours de leur préhistoire, une marque -a ( « céleste », « divin », « dieu », « qui appartient à l’eau », « qui est composé d’eau », d’où « cours d’eau », « rivière ». L’existence d’un tel génitif et de sa survie, d’ailleurs limitée, en anatolien permet d’expliquer la conservation ici (palaïte pna , hittite iuna , palaïte tiuna ) et la disparition là (hittite apa , lydien ciw etc.) de ces archaïsmes hérités. Aux degrés d’archaïsme relevés par F. Bader, il convient encore d’en ajouter un autre : wa tula est caractérisé non pas par -na , mais par -a (transféré du génitif au nominatif thématique). Si wa tula relève d’un héritage clairement indo-européen, apna et iuna sont assignables à l’eurasiatique même pour ce qui est de l’origine de la base de leur structure morphologique. Il convient, semble-t-il, d’admettre l’antériorité du génitif d’appartenance par rapport à celui de détermination dans les structures morpho-syntaxiques verbo-nominales de l’eurasiatique pour les animés naturels. L’action concerne un inanimé, mais elle peut aussi être déterminée par lui. Cet état de fait entraînera une concurrence entre le morphème *nV et des morphèmes de détermination. Cela aboutira à la disparition quasi complète de ce morphème *nV dans ces emplois primitifs et expliquera l’apparition du genre grammatical non naturel, arbitraire dans des langues descendant de l’eurasiatique, qui l’ignore, l’indo-européen par exemple. D’autres langues eurasiatiques feront le choix inverse. En japonais, par exemple, le morphème *nV demeurera le marqueur de l’appartenance sous 58

Voir LEVET, « Voie des particules », « Génitif pronominal lituanien mans », « Tokharien tañ et lituanien tavs », « L’eurasiatique : éléments d’un bilan », « Tokharien ñä et lituanien mans ». 59 BADER, « Problématique… », p. 91.

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des formes différentes, « nominatif » (dialectalement), « génitif », morphème avec un nom dans la composition des faux adjectifs (explication hypothétique), kirei na (« à qui appartient la beauté » « beau », rik na « à qui appartient l’intelligence », « intelligent», tetsu no « en fer », de tetsu « fer »). Le plus souvent les substantifs sont d’origine chinoise, ce qui prouve la stabilité de la structure linguistique en cause, à laquelle correspondrait, mutatis mutandis, hittite ***wa tulna. Rapprocher un archaïsme de l’indo-européen reçu de l’eurasiatique et transmis à l’anatolien de faits relevés dans des langues non indoeuropéennes paraîtra peut-être déplacé, totalement incongru, voire scandaleux (comment ose-t-on solliciter le témoignage appuyé du japonais, associé à celui de l’ouralien et de l’altaïque, pour rendre compte d’archaïsmes anatoliens par un eurasiatique posé comme ancêtre commun de l’indo-européen et de la langue principale de l’archipel nippon ainsi que d’autres familles encore !!!). On n’ignore pas que l’on peut se trouver en présence de pures coïncidences ou de phénomènes de typologie linguistique. Cependant il ne paraît pas scientifiquement interdit de s’interroger sur la pertinence ou l’illusion de rapprochements génétiques, lorsque l’on se trouve en présence de systèmes linguistiques semblables impliquant des morphèmes entre lesquels des ressemblances formelles existent. C’est bien ce que l’on a essayé de faire dans cette étude, en prenant prudemment appui sur les travaux du savant audacieux et fécond que fut J. Greenberg. Pour répondre à la question posée dans le titre choisi, on dira que, si l’on n’estime pas vain de travailler sur un ancêtre hypothétique de l’indoeuropéen, l’anatolien offre à l’analyse des faits susceptibles d’apporter des éléments de soutien à la théorie eurasiatique.

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À PROPOS DE LA CIVILISATION HITTITE

1. LES HOMMES ET LES FAITS

De Hattua à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2013, p. 43-58. ————————————————————————————————————————

LES ROUTES DU PALÂ Massimo FORLANINI

Ma première recherche sur la géographie hittite a été consacrée au nordouest de l’Anatolie, notamment à la Paphlagonie, où désormais on pouvait placer les régions hittites répondant aux noms de Palâ et Tumanna1 ; mes efforts dans la reconstitution d’un réseau de rapports entre villes et régions, à ancrer sur la carte, au moyen des caractéristiques du territoire ou d’identifications probables des toponymes à des toponymes classiques, m’avaient amené à établir un triangle formé par la province hittite de Ka iya (avec appa), le pays de Palâ et celui de Kala ma. Au centre de ce triangle se trouvait la chaîne de l’A harpaja, par laquelle passaient les routes du Ka iya au Palâ, mais qui s’étendait jusqu’à toucher les territoires placés entre appa et Kala ma, c’est-à-dire Lalha et I huppa/ ahhupa ; au nord de cette chaîne devait passer la route directe entre Palâ et Kala ma, celle qui fut parcourue par Hudubiyanza au cours de la vingtième année de Mur ili II, le long de laquelle se trouvaient arkuzza, Zabara ta et Mi uwanza. Du point de vue de la survie des toponymes, aux deux identifications déjà établies à l’époque (Tumanna=Domanitis, Palâ=Blaène), je pouvais en ajouter d’autres, comme I huppa/ ahhuba (/Sxup/ba/)=Scopas (flumen) et A harpaya/ aharpaya= Scorobas. La reconstruction générale était caractérisée par la position de la rivière Tahara, qui était identifiée au Devrez Çay ; cette solution permettait de placer plus facilement la ville ka ka de Timmuhala et les villes autour d’elle, en particulier Tababanuwa qui était près du Tahara, et était bien en accord

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FORLANINI, « L’Anatolia nordoccidentale nell’impero eteo ». Je partais surtout des travaux de Güterbock, Houwink ten Cate et von Schuler ; pour une histoire de la recherche sur la géographie de la région, cf. MATTHEWS & GLATZ, « Anthropology of a Frontier Zone », p. 52 et en général, DEL MONTE & TISCHLER, Orts- und Gewässernamen der hethitischen Texte (1992) ; DEL MONTE, Die Orts- und Gewässernamen der hethitischen Text (1978).

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avec une localisation de Turmitta sur l’Halys ; une localisation que, par la suite, j’ai dû modifier, en la déplaçant vers l’amont, le long de l’Halys, à la suite de la publication de l’inventaire KUB 48. 105+2. Les textes montraient que les ka kas qui s’étaient établis dans (le nord) de la province de Turmitta avaient des contacts avec la région du Tahara ; pour le reste, et contrairement à des hypothèses périmées qui voulaient la situer dans la région d’Amasya, Turmitta n’apparaissait pas dans les itinéraires militaires hittites vers le nord, ni, comme on a pu constater par la suite, dans l’archive de Maat/Tabikka ou, dans la limite de nos renseignements actuels, dans celui d’Ortaköy3. Cette reconstruction, qui permettait entre autres de confirmer l’identification déjà proposée du fleuve ahiriya au Sangarius, a été approuvée par Jacques Freu4 qui, dans son intérêt passionné pour l’histoire, était bien convaincu qu’elle ne pouvait pas être comprise sans avoir établi, au moins dans les grandes lignes, son cadre géographique. Depuis lors, c’est surtout la recherche archéologique qui a fait des progrès dans la région à l’ouest de l’Halys, grâce aux prospections de Catherine Marro autour de Kastamonu5 et de Roger Matthiews le long de l’axe Çankırı-Çerke6. Dans ce cadre, R. Matthews et Claudia Glatz se sont particulièrement intéressés au peuplement ka ka de la région concernée dans la deuxième moitié du 2e millénaire, avec le but de comprendre par l’archéologie ce que les textes hittites, évidemment peu objectifs à cet égard, nous laissent seulement entrevoir7. En partant des résultats de cette

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FORLANINI, « Appunti di geografia etea », p. 173-176. Pour le problème de la localisation de Turmitta je renvoie à mes travaux récents qui touchent à ce sujet (« Historical Geography of Anatolia », p. 68-74 ; « On the Middle Kızılırmak, II », p. 50-57). 4 FREU, Les Archives de Maat Höyük, p. 182-209 et carte II, où il plaçait encore Turmitta et Timmuhala dans la région de Merzifon et Havza. Par la suite il a accepté ma localisation deTurmitta (voir par exemple : FORLANINI, «The Offering List of KBo 4. 13 (I 17’-48’) », p. 429, et ID., « Historical Geography of Anatolia », p. 433). 5 Cf. MARRO, ÖZDDO AN et TIBET, « Prospection archéologique franco-turque dans la région de Kastamonu (mer Noire) », p. 282-284, qui mentionne trois sites du Bronze moyen et récent (Höyüktepe, Üyüktepe et Maltepe, près de Kastamonu). Sa recherche a été surtout axée sur les périodes du néolithique au Bronze ancien ; cf. MARRO, « Archaeological Survey in the Kastamonu Region, Turkey », où (p. 946-947) sont soulignées les difficultés de la recherche dans des zone boisées, d’où l’avertissement : « … the number of sites registered through our survey cannot be used as negative evidence to prove the alleged poverty of pre-classical Northern Anatolian occupation. » 6 Les résultats de ces prospections très soigneuses figurent, pour ce qui concerne le 2e millénaire, dans GLATZ, MATTHEWS et SCHACHNER, « Landscape of Conflict and Control ». 7 MATTHEWS, « Landscapes of Terror and Control » ; GLATZ, et MATTHEW, « Anthropology of a Frontier Zone ». Dans ces articles on met en évidence la présence, sur le territoire (en 3

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prospection, les auteurs viennent de proposer une nouvelle reconstruction de la géographie historique, qui, en maintenant l’équation Tahara=Devrez, ramène presque toutes les régions de l’Anatolie du nord-ouest mentionnées par les textes hittites au sud de la ligne Devrez-Gerede Çay ; et notamment le Palâ dans la région d’Ankara, le Tumanna au sud du Gerede Çay (en renonçant ainsi à leur identification avec Blaene et Domanitis), Tababanuwa vers la confluence du Devrez et de l’Halys et Turmitta près d’Iskilip. La raison de ces déplacements est surtout d’ordre archéologique : la rareté de sites du bronze récent dans la partie nord de la région, au moins au stade actuel des connaissances sur la céramique. Cette reconstruction, qui a pour but de donner une réponse historique aux données archéologiques, n’est pas toutefois sans créer des difficultés liées aux données textuelles ; si d’une part elle nous oblige à renoncer à certaines identifications bien établies de toponymes anciens, ce qui pourrait être acceptable, elle ne tient pas compte, d’autre part, du fait (par exemple) que si l’on veut localiser Turmitta vers Iskilip, on ne peut expliquer pourquoi sa province comprenait, au 13e siècle av. J.-C., les villes de Nena a et Ullama, deux étapes sur la route des marchands assyriens entre Kani et Puru handa9 ; de même, Ka/i kilu a et Tarukka, sur la route parcourue par uppiluliuma entre Wa haya et abittuwa, se trouveraient ici près de Çankırı, tandis qu’elles sont liées d’une

particulier autour de Çankırı), d’un réseau de sites organisés pour la défense de la frontière hittite, dangereusement proche de la capitale, vers les zones peuplées par le ka kas, qui ne purent jamais être soumises d’une façon permanente. 8 MATTHEWS & GLATZ, « The historical geography of north-central Anatolia ». 9 Dans mes études déjà mentionnés à propos de Turmitta, j’ai voulu mettre en évidence le fait que les premières trois provinces concernées par l’inventaire KUB 48. 105 (du XIIIe siècle), c'est-à-dire Wa haniya, Turmitta et Ka/i ija, formaient une continuité géographique. En effet l’itinéraire paléo-assyrien CT 3. 165 mentionne les étapes suivantes : Kani – Wa haniya – Nena a – Ullama – Puru hattum ; or, Nena a et Uwalma (=Ullama/Ulma) apparaissent dans KUB 48. 105 comme les deuxième et troisième villes de l’inventaire de la province de Turmitta, qui suit celui de la province de Wa haniya. Toujours dans l’inventaire des villes de Turmitta, la ville de Mallida kuriya occupe la sixième place, mais elle apparaît aussi comme l’une des villes du pays de Ki iya dans le serment prêté à Arnuwanda Ier par les LÚME DUGUD de cette province (KUB 50. 266a : 2’ ; ce fragment complète ceux déjà connus, KBo 26. 24 et KUB 31. 70). À cela on peut ajouter que soit Turmitta, soit Nena a étaient proches du Mara anda/Halys auquel cas la présence de tribus ka ka dans le nord de Turmitta expliquait bien la pénétration des ka kas jusqu’à Nena a à l’époque de Tuthaliya II (III) et jusqu’à uwadara (Soatra en Lycaonie) à l’époque de Muwattalli II. Si ces ka kas (les tribus de Halila et Tuttu ka), qui avaient occupé la partie septentrionale de la province de Turmitta, vers Kırıkkale, avaient pu atteindre Nena a (une centaine de Km. en amont sur le Halys), il n’est pas surprenant qu’ils eussent aussi pu créer des problèmes dans la direction de Zidabarha (vers Kalecik) et du fleuve Tahara, dont les sources sont une centaine de km plus au nord.

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part aux mythes de Nerik, d’autre part à Zalp(uw)a sur la mer Noire10. En réalité, le manque de sites du Bronze récent dans le nord de la Paphlagonie ne nous oblige pas à modifier la reconstruction de la géographie précédemment acquise, sauf si on en déduit que ces territoires devaient être complètement déserts, ce qui me semble absurde ; tout cela s’accorde pourtant plutôt bien à ce que nous apprenons des Annales de Mur ili II11, qui nous relatent : Du moment que le pays de Tumanna était resté du coté de mon père, les Kaska détruisirent la ville de Tumanna et les villes qui étaient fortifiées. Hudubiyanza, le prince, fils de Zida chef de la garde, ce Zida qui était frère de mon père, mon père confia donc à ce même Hudubiyanza fils de Zida chef de la garde, le pays de Palâ. Le pays de Palâ n’était d’aucune façon un pays protégé, il n’y avait pas de villes fortifiées ni aucune place dans laquelle se retrancher (EGIR-pa ap-pa-an-na-a), c’était un pays ‘assis par terre’ (da-gaa-an e-a-an-ta-at KUR-e e-e-ta). Mais Hudubiyanza protégea le pays de Palâ (même s’)il n’avait pas avec lui une armée et il établit des abris (atu) dans les montagnes…

Cette description peut bien s’accorder aux résultats des recherches archéologiques de Matthews et Glatz et nous amener à placer le Palâ dans la région de Çerke, sans trop modifier la reconstruction précédente12. On

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Les étapes de uppiluliuma Ier entre Tarittara et abittuwa (Annales de uppiluliuma, GÜTERBOCK, «The Deeds of Suppiluliuma », Fragm. 34, 109-110 ; DEL MONTE, Le gesta di Suppliluliuma, V I-A recto 25’-39’, 138-139) sont les suivantes : mont Elluriya, Wa haya, Ka[ ]kilu a, Tarukka, Hinariwanda, Iwadalli a. Nous savons par KUB 57. 84 (Bo 2715) + IBoT 2. 120 (FORLANINI, « Die Götter von Zalpa », p. 255-258) que les hommes de la ville de Zihnuwa, qui se trouvait dans le pays de Zalpuwa, étaient allés au pays de Tarukka pour prendre des jeunes filles dans plusieurs villes, dont une, Hilaluha, apparaît (dans la forme Ilaluha) après Tarukka dans la première liste de la prière d’Arnuwanda Ier (voir ci-dessous). Tarukka n’était donc pas loin de Zalpuwa et de la mer Noire et Tarukka, au même temps que Ki kilu a, joue un rôle dans le mythe d’Illuyanka, ce qui nous oriente aussi vers la mer (cf. PECCHIOLI-DADDI et POLVANI, La mitologia ittita, p. 41 n. 12). 11 KBo 5. 8 : II 18-25 : GÖTZE, Annalen des Murili, p. 152-155 ; DEL MONTE, L’annalistica ittita, p. 109. 12 Le philologue et l’historien peuvent bien se tromper dans la reconstruction de la géographie historique, surtout s’il veulent forcer la valeur des textes (dans le cas par exemple d’une liste de toponymes interprétée comme itinéraire, ou de deux villes considérées proches seulement parce qu’elle apparaissent dans un même contexte fragmentaire), s’ils se laissent séduire par des ressemblances de toponymes d’époques différentes, sans avoir au préalable limité la zone de recherche, ou, finalement, s’il n’ont pas les moyens de distinguer des noms de localités des ethniques purs ; pour les archéologues, les difficultés peuvent découler, dans le territoire prospecté, d’une absence de fouille avec stratigraphie complète à utiliser comme référence, du fait que certains sites ont été effacés par la construction de routes, de barrages ou

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reconnaît maintenant que les rapports entre ka kas et hittites étaient plus complexes que ce qu’on imagine, si l’on considère que certains cultes ont été maintenus par les ka kas après leur occupation du territoire pendant le règne d’Arnuwanda Ier et que Mur ili II, à son tour, les a respectés13 ; l’évaluation des données archéologiques doit, de plus, tenir compte aujourd’hui de la nouvelle datation de la tablette d’Inandık qui fait remonter à l’époque de Telebinu (dernier tiers du 16e siècle) les plus anciennes Landschenkungsurkunden14 et qui donc peut abaisser la datation de l’abandon de plusieurs sites du bronze moyen de l’époque de Hattu ili Ier ou de Mur ili Ier au milieu du 15e siècle (et même plus tard, à la fin de ce siècle et au règne d’Arnuwanda Ier). Après ces considérations générales, je vais aborder l’étude de deux itinéraires, qui, à l’aide de quelques nouveaux renseignements, peuvent faire progresser notre connaissance de la région. La campagne de la cinquième année de Mur ili II contre les Ka kas, qui occupaient le massif de l’A harpaya et avaient coupé les routes du Palâ (KUR URUPa-la-a KASKALME kar-a-a-an har-ta), fut associée à une opération dans le Ki iya contre les gens d’Arawanna qui avaient envahi cette province15 ; le massif de l’A harpaya se trouvait donc entre les

par les travaux agricoles, ou finalement du problème de reconnaître sur le terrain les différents typologies des sites (constructions en briques ou en bois, villages de plaine ou de montagne, sites type Höyük et sites plats, vie nomade, etc.). Il est intéressant de remarquer que les sites, dont la découverte a permis, à l’aide des trouvailles épigraphiques, de fixer des localisations sûres (Maat/Tabikka, Ortaköy/ abinuwa, Kuaklı/ are a, et maintenant Oymaaaç/Nerik et, très probablement, Kayalıpınar/ amuha), étaient en partie inconnus avant le début des fouilles. Un autre exemple est donné par le cluster des identifications diachroniques en Lycie occidentale rendues possibles par la publication de l’inscription de Yalburt, c’est-à-dire Wiyanawanda / Oenoanda, Talawa/Tlos, Pina/Pinara, Awarna/’WRN/Arna(Xanthos), Patara / Patara, qui sont considérées sûres par tous les savants, mais qui manquent totalement de preuves archéologiques. 13 Sur les rapports entre les Ka kas et les Hittites voir FREU, « Les “barbares” gasgas et le royaume hittite » ; SINGER, « Who were the Ka ka ? » ; cf. aussi MATTHEWS et GLATZ, « The historical geography of north-central Anatolia in the Hittite period, p. 56. Je souligne surtout la situation dans la région de Timmuhala : dans la campagne de sa dix-huitième année Mur ili II respecta le temple de Hatibuna à Kapperi et, même en détruisant la ville de Hurna, il y respecta le temple du dieu de la Tempête. Il y avait donc une continuité des cultes dans cette région, des villes habitées par les Ka kas et un camp fortifié hittite ; tout cela correspond bien à l’inventaire des sites du Bronze récent fait par MATTHIEWS & GLATZ (art. cit., p. 55 : 35 sites) dans la zone de Çankırı, où j’ai toujours placé Timmuhala et les autres villes qui l’entouraient. 14 Cf. MATTHEWS & GLATZ, art. cité, p. 54. Cette nouvelle datation a aussi des retombées historiques importantes, voir FORLANINI, « Attempt at Reconstructing the Branches of the Hittite Royal Family », p. 118-119. 15 Cf. DEL MONTE, L’annalistica ittita, p. 67-68, 85 ; FREU, « Quatre-vingt ans d’histoire hittite », p. 38. Pour la géographie : FORLANINI, « L’Anatolia nordoccidentale », p. 207-208.

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territoires contrôlés par le roi hittite et le Palâ. Le roi descendit de l’A harpaya à la ville de ammaha16 et atteignit le nouveau théâtre des opérations militaires (celles contre les Arawanna) à Ziulila. Voila donc une « route du Palâ » décrite en sens contraire : (Ki iya) – Ziulia – ammaha – mont A harpaya – Palâ ; cette reconstruction n’est pas arbitraire, comme on le verra en étudiant un itinéraire militaire passant par le Palâ, déjà connu (KUB 16. 40) et un autre nouveau (KBo 48. 25), qui montre de fortes analogies avec le précédent, même si, peut-être à cause de son état fragmentaire, il ne conserve pas le nom de Palâ. KUB 16. 40 recto ( ?) 1 URUHa-a-pí-na-za-kán ar-ha[URU ………… an-da-an 2 lu-kat-ti-ma-kán UD.KAM-ti EGIR[ 3 nu HUR.SAGGa-pa-zu-wa-an RA-zi[ 4 URUWa-wa-an-ku-u-a-za IGI-an-da[ RA-zi …..URU….. 5 URUTa-ad-du-en-za-an-na RA-an-z[i 6 na-at URUZi-pi-na an-da-an x[ 7 IGI-an-da RA-an-zi [x-x-x]x[ 8 nu-u-ma-a ku-it [ 9 lu-kat-ti-ma-kán[ 10 nu-za-kán a-pí-ya[ 11 nu GIM-an KUR-TUM har[12 na-a URUPa-la-a an-[da-an 13 UGU a-ri na-a[ 14 URUHa-wi5-li-ya( - ?)a[n-da-an ? 15 ta-pár-ya-a-ma-kán[ 16 lu-kat-ti-ma URUAl-x[ 17 lu-kat-ti-ma URUTa[ 18 lu-kat-ti-ma URUTa-a[h ? 19 lu-kat-ti-ma KUR URUa[-pí-id-du-wa ? 20 lu-kat-ti-ma URUa-pí[-id-du-wa 21 [k]u-it-ma-an KUR-TUM x[ 22 [ K]UR URUTu-ma[-an-na ……… Cet itinéraire, présenté lors d’une démarche oraculaire, utilise une terminologie typique (v. par exemple KUB 19.19 + 34. 33). (l. 5) Le verbe

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ammaha apparaît peut-être aussi dans KUB 12.45+KUB 53.22 : II 8’ (cf. DEL MONTE, Die Orts- und Gewässernamen der hethitischen Texte, p. 136).

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au pluriel demande un changement de sujet, puisqu’apparemment avaient lieu des opérations contemporaines. (l. 7) Pour une lecture Zi-pa -na v. cidessous. (l. 12) Ici il s’agit clairement d’une ville, pas d’un ethnique, le Palâ avait donc une capitale homonyme17 (l. 16) Lire Almina ou Altanna (qui s’accorderaient bien géographiquement) ne semble pas possible à cause de la trace du signe qui suit Al- et qui semble commencer par un coin vertical. (l. 17) Cf. peut-être la ville de Tahara, qui porte le nom du fleuve et apparaît dans KUB 23. 116 : Recto 13’. 18. Ou Ta-h[ar-.. (l. 19-22) La présence de abittuwa, comme étape qui précède la mention du pays de Tumanna, est possible ; aussi dans les Annales de uppiluliuma Ier, Tumanna est atteint après abittuwa. KBo 48. 25 recto 7’ [UR]UHa-a-pí-n[a?-za-k]án ar-ha URUZi-ú-li-la an-da-an 8’ [nu U]D.KAM da-pí-an URUZi-ú-li-la 9’ [nu UR]UUk-ki-ri-ya an-da-an nu-kán HUR.SAGGa-pal-lu-nu-wa-an 10’ [RA-zi ? URU… ?]an-da-an nu-za-kán URU[]a?-tar-ma-an GUB-za 11’ [ta-ma-a]-zi nu a-ru-na-an e-er nu URUPa-[x-x-x-y]a?-an 12’ [………….]x-ra i-i-i-ma-a-i ERINME U-T[I 13’ [……………]zi LÚtu-u[h-kán-ti (l. 7’) : même si le –na- est incertain (il faudrait collationner sur une photo), le nom de la ville ne peut pas être reconstitué différemment. (l. 8’) : on peut remarquer la permanence du roi (ou du tuhkanti ?) un jour entier à Ziulila. (l. 10’) : le début des lignes semble clair pour les lignes 7’-9’ et 11’ ; toutefois on rencontre des problèmes ici à cause du toponyme Kaballunuwa à l’acc., qui demanderait un verbe comme RA-zi (walhzi) par analogie à d’autres itinéraires oraculaires, mais, à ce stade, andan demande d’être précédée par un nom de ville, qui même en étant très court, trouverait difficilement ici sa place. (l. 11’) : une intégration possible pour le nom de cette ville serait Patalliya18, mais il ne serait pas impossible d’y voir : URUPa-

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Le déterminatif URU pourrait bien indiquer seulement un ethnique, comme dans le cas de Ka ka ; mais ici on passe par la ville dans la description d’un itinéraire ; la mention d’une grande porte de Palâ (KÁ.GAL URUPa-la-a, KBo 25. 163 : V 10’) pourrait fournir une autre preuve, mais aussi se référer à la porte d’une autre ville bâtie en direction de Palâ. 18 Il y a de la place pour ce nom. Padalliya est le nom d’une province conquise par les Ka kas sous Arnuwanda Ier (Prière d’Arnuwanda, CTH 375 A II 25’ ; LEBRUN, Hymnes et prières, p. 136-145), qui fait partie du groupe de celles les plus occidentales (voir ci-dessous). URU

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[la-a x-x-y]a?-an. (l. 13’) : pour la présence du tuhkanti cf. KUB 49. 103 verso 14’19. La ville de Ha pina semble être le point de départ en commun des deux itinéraires, mais avant d’aborder le problème de sa localisation, il convient d’étudier les témoignages sur Ziulila, toponyme qui lie le deuxième itinéraire à la descente de Mur ili II de l’A harpaja. Heureusement Ziulila apparaît à Boazköy aussi dans un texte oraculaire, que j’ai déjà eu l’occasion d’utiliser20 : KBo 13. 73. On y lit : 9’ -z]a I-NA URUZi-da-pár-ha pa-a-un URU Z]i-ú-li-la ú-wa-nu-un 10’ 11’ ]SÍSKUR-un nam-ma I-NA KUR URUGa-la-a-ma 12’ ]x-[y]a ? pí-ra-an ar-ha i-pa-an-dah-ah-hu-un 13’ ]za nam-ma EGIR-pa ú-wa-nu-un J’ai interprété ce passage comme un itinéraire : Zidabarha – Ziulila – Kala ma. En effet si Ziulila était à la lisière (ou à l’intérieur) du Ki ija sur la route qui descendait de l’A harpaja, elle pouvait bien se trouver sur une route pour Kala ma, qui à son tour pouvait passer par appa, Lalha, I huppa ou par l’A harpaja et le Palâ. J’ai localisé Zidabarha vers Kalecik, près d’un passage de l’Halys, pas trop loin de Turmitta, et Ziulila près d’Ankara, dans une position correspondante à un site intéressant comme celui de Bitik21.

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Dans ce texte oraculaire, qui nomme plusieurs dignitaires hittites (cf. MARIZZA, « Office of GAL GE TIN », p. 165), est mentionnée (Verso 9’), une campagne contre l’A harpaya : « … ] HUR.SAG A-har-pa-ya-an la-ah-hi-ya[-az-zi nu]URU Ga-ap-pa-at-[t]a an-d[a-an]… » Kappatta apparaît probablement aussi dans la lettre KBo 18. 57/57a, où il est question du mont A harpa(y)a (57 : 5’), de ahhuppa (I huppa) et Lalha (KUB 57a: 10’; 57: 16’) et du pays de Palâ (57: 35’) ; on peut ainsi reconstituer le nom fragmentaire ..]pa-ad-da-a-a (57 : 19’), suivi par un autre toponyme ? fragmentaire ..]x-ru-da-a-a. Pour cette lettre, voir FORLANINI, « L’Anatolia nordoccidentale », p. 207; HAGENBUCHNER, Korrespondenz der Hethiter, Teil 2, n° 65, p. 101-106 ; DE MARTINO, « Hittite Letters », p. 298. Il est difficile de considérer cette Kappatta identique à celle qui apparaît dans KBo 16. 65( : I 5’, II 8’) avec Ha hadatta, une localité liée aux cultes du pays de Zalp(uw)a, qui devrait être proche de la côte de mer Noire (FORLANINI, « Götter von Zalpa », p. 248, 251, 262-263) ; il s’agit en tout cas du même toponyme, ce qui montrerait une certaine homogénéité linguistique dans la Paphlagonie du 2e millénaire. 20 FORLANINI, « L’Anatolia nordoccidentale », p. 207 ; « The Historical Geographiy of Anatolia », p. 73, n. 81. 21 Pour la position de Ziulila cf. FORLANINI, « L’Anatolia nordoccidentale », p. 207-208, 225 (carte).

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Or, KBo 13. 73 peut maintenant être mieux compris par un renseignement fourni par A. Süel22 sur un document d’Ortaköy. Il s’agit d’une lettre de arla-Kurunta (probablement arlaDLAMMA) au roi à propos d’oracles à déterminer dans plusieurs localités ; dans un paragraphe, il s’agit des oracles des villes de Zidaparha, Palâ et Ziulila, nommées ensemble, ce qui confirme la possibilité d’une route Zidaparha – Ziulila – Palâ. Les villes nommées dans les autres sections de la tablette sont Palâ, Kappuwa (inconnue ailleurs, faut-il lire appuwa= appa ?), Lalha, I puha (inconnue ailleurs, fat-il lire I huppa ?), Walhuwa antiya, Tittipuwanda, Ayaranna (inconnues ailleurs) et Ziulila. Le cadre géographique proposé est donc confirmé par ce document. Il faut remarquer aussi que le nom arlakurunta pourrait être un nom local qui contient un toponyme connu à l’époque paléo-assyrienne, arla, nom d’un pays qui se trouvait au nord de Wah u ana et de abua (hitt. appuwa)23. La ville d’Ukkiriya, s’il faut lire URU le reste du signe qui précède ce nom, n’est pas sans rappeler Ukkueriya, l’une des villes des LÚME DUGUD de Kinnara. Le serment prêté à Arnuwanda Ier par ces fonctionnaires est le seul document qui nomme cette région et la liste des villes conservée dans ce texte ne permet pas, par elle-même, d’atteindre une localisation sûre de ce territoire24. Le fait que les trois serments de Ki ija, Kala ma et Kinnara soient contemporains et presqu’identiques dans leur formulation serait-il un indice du fait que ces trois régions constituaient un ensemble territorial compact ? Vu que le Ki ija, qui à l’époque comprenait appa, et le Kala ma étaient sûrement proches l’un de l’autre, cette conclusion est possible. Dans ce cas, la présence d’Ukkiriya dans l’itinéraire nous permettrait de placer Kinnara au nord du Ki iya et à l’est du Kala ma dans les montagnes au sud du Palâ ; aussi Zi-pi-na de l’autre itinéraire, qu’on peut lire aussi Zi-pa-na, pourrait être éventuellement une localité du Kinnara : Zi-pa-[. Tout cela reste encore très incertain. Je peux à présent revenir à Ha pina, la ville qui est le point de départ des deux itinéraires. Cette ville apparaît en effet dans l’inventaire de culte KUB

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SÜEL, « Another Capital City », p. 196). Pour a-bu-a et appuwa voir FORLANINI, « L’orizzonte geografico », p. 17. 24 La localisation sur la côte de la mer Noire que j’avais proposée (« L’Anatolia nordoccidentale », p. 218) a été retenue par FREU, « Les “barbares” Gasgas », p. 64 ; « L’affirmation du nouvel empire hittite », p. 137) qui pense qu’elle expliquerait le fait que les localités de Kinnara sont pratiquement toutes des hapax par la position périphérique de ce territoire et sa perte par les Hittites déjà au cours du règne d’Arnuwanda Ier. 23

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60. 117 avec Palâ ; on y lit : (2’ ss.) « Je fait (ou je fête) le mont Pirpirra de l’autel, et quand le roi arrive à Palâ, (on fait) le sacrifice au mont Pirpira pour la première fois » ; par la suite on fait référence à la déesse I tar reine « d’I tar de la ville Ilalimma » et dans ce contexte l’auteur nomme probablement Hakpi . Dans le paragraphe suivant il est question du culte d’I tar et Nubadig de Ha pinuwa, et, à la fin du fragment, les dieux d’A pinuwa sont nommés, suivis par le dieu de la tempête de Zi[ppalanda ?]. Il est clair qu’A pinuwa est ici une erreur banale pour Ha pinuwa. La présence de Palâ nous autorise-t-elle à considérer Ha pinuwa une variante de Ha pina (comme appa/ appuwa et Zalpa/Zalpuwa) ? Si l’on accepte cette hypothèse on peut recourir au fragment d’inventaire de culte KBo 13. 238, qui mentionne les villes de Ha pinuwaz[a] (à l’abl., comme lieu d’où viennent des offrandes?), ]wahha(nna)?, Kalabiyaza et A tanuwa (=I tanuwa) et les divinités Pirwa, Maliya et Telibinu. Dans le culte louvite d’I tanuwa on retrouve le fleuve ahiriya (Sangarius)26. Le texte annalistique ancien-hittite de KUB 26. 71 (verso IV), peut-être attribuable à Telibinu27, lie Ha pina à Partuwada dans la description de la campagne de la première année ; dans la deuxième on retrouve Partuwada avec ahhuiliya et, dans ces mêmes années, donc probablement dans le même contexte géographique, apparaît aussi la ville de Tibiya. Or, Partuwada était proche de la frontière d’Arzawa et ahhuiliya n’est autre qu’une variante de ahhuwaliya, qui apparaît dans la liste des dieux de KBo 4. 13 avec allaba, alladiwar et Lalanda28. Toutes ces villes nous orientent vers la région du ahiriya : des localités de Partuwada apparaissent dans le décret pour ahurunuwa immédiatement avant celles du fleuve ahiriya (CTH 225: A recto 29-30), allaba est atteinte par Mur ili II dans sa campagne de l’an 3 contre Arzawa immédiatement après avoir passé le ahiriya, Lalanda a été identifiée à Lalandos, immédiatement au sud du Sangarios et finalement alladiwar se trouvait, selon un itinéraire paléo-assyrien au-delà d’un fleuve, qui ne peut rien être d’autre que le Sangarios29. L’identité de Ha pina et

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Transcription : GRODDEK, Hethitische Texte in Transkription KUB 60, p. 114-115 (selon S. KO AK, ZA 84, 1994, p. 289-290). 26 Pour les cultes d’A/I tanuwa voir HAAS, « Geschichte », p. 582-583. Avec le culte de la déesse du fleuve ahariya on y trouve les gens de Lallubiya. Pour sa localisation : FORLANINI, « Toponymie antique d’origine hattie ? », 115 n. 23. 27 Pour ce texte : DE MARTINO, Annali, p. 81-87. Il s’agit d’une Sammeltafel qui contient aussi les res gestae d’Anitta et d’Ammuna (au recto). 28 Pour cette section de la liste cf. FORLANINI, « Offering List of KBo 4. 13 (I 17’-48’) », p. 270-271. 29 FORLANINI, « Historical Geography of Anatolia », p. 59-60.

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Ha pinuwa est, de ce fait, rendue très probable, ainsi que le lien géographique de cette ville avec le ahiriya/Sangarios. La présence d’une ville de Tibiya ne modifie pas ce cadre parce que cette ville ne peut correspondre au pays homonyme peuplé par des ka kas à l’extrême nord-est du Haut Pays hittite, mais plutôt à une localité phrygienne mentionnée par Étienne de Byzance30. Comme point de départ pour atteindre le Palâ, Ha pina ne pouvait pas être trop loin de la région d’Ankara et du Sakarya, près duquel j’avais déjà localisé I/A tanuwa. Un rapprochement possible, entre Kalabijaza (s’il ne s’agit pas d’un ablatif) et le nom classique de la Kalmizene, une région mentionnée dans une inscription de Karahöyük à 13 km au nord-ouest de Kalecık, la zone où j’avais localisé Zidabarha, conviendrait parfaitement31. Une position de Ha pin(uw)a près d’Ankara, l’Ankara Çay étant un affluent du Sakariya, correspondrait à un point de départ d’une expédition vers le nord (Ziulila et Palâ) ou d’une expédition vers l’ouest (Partuwada et ahhuilija) et en rapport avec des cultes, comme ceux d’I tanuwa, où l’on retrouve dans le nom du sanctuaire le nom d’un dieu hatti et dans son rituel l’utilisation d’un dialecte louvite. Les deux itinéraires traversent la montagne peu après leur début et les noms des deux cols, Kabazuwa et Kaballunuwa, pourraient avoir un premier élément en commun32. Les villes touchées par le premier itinéraire après la montagne (Wawanku a, Tattuenza et Zibi na) ont des noms du type anatolien comme celles qui se trouvent sur la route du Palâ au Kala ma ( arkuzza, Zabara ta, Mi uwanza), au moins à cause de leurs suffixes33. Également dans le premier itinéraire, les toponymes, en partie perdus, qui suivent Palâ (il s’agit de villes atteintes à chaque étape d’une marche : Hawiliya, Al[……], Ta[…], Tah[…], abittuwa), devraient se trouver dans

30 Steph. Byz., Ethnika (épitome, éd. A.Meineke, Berlin 1849, p. 622) : T ,   ; l’éditeur, à cause de l’ordre alphabétique irrégulier (Tibeion précède Tiberias), prenait en considération la forme Tibion (du codex Rehdigeranus). Cf. FORLANINI, « L’Anatolia nordoccidentale », p. 215, 223. 31 Pour Zid(a)barha, cf. FORLANINI, « On the Middle Kızılırmak, II », p. 57, 69. Pour la Kalmizene voir MITCHELL, Ankara District, p. 171-172. 32 Par comparaison avec le nom de la montagne K/Ga-pa-ga-pa (à normaliser en Gabagaba) près de Ka iba et du fleuve Kumme maha (campagne de la dix-neuvième année de Mur ili II ; cf. DEL MONTE, « L’annalistica ittita », 126), c’est-à-dire de Ksiba de l’inscription de Yassıçal (près d’Ezinepazar, au nord du Yeilırmak/Iris/Kumme maha ; cf. FORLANINI, « La ricostruzione della geografia storia del Ponto », p. 403), on pourrait isoler l’élément Gaba redoublé, que l’on retrouve aussi dans Kabazuwa et Kaballunuwa (à normaliser donc en Gabazuwa et Gaballunuwa ?). 33 arkuzza pourrait contenir le mot hittite kuzza « mur », les autres toponymes montreraient les suffixes -want-, -inza, -a, -na.

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le pays de Tumanna, mentionné à la fin. Malheureusement, la deuxième liste ne conserve que deux toponymes, a ?darma et Pa[….]ya (s’il ne s’agit pas de Palâ, voir ci-dessus), entre lesquels est mentionnée la/une mer ; il s’agit plus probablement d’un lac34 que de la mer Noire. La région du Palâ devait se trouver entre le Devrez Çay (fleuve Tahara) et Bolu (Kala ma), au nord de la chaîne de montagnes qui aujourd’hui s’appelle Körolu Daları et dont la partie centrale s’appelait à l’époque hittite A harpaya ; cette chaîne séparait le Palâ de la région de Ki iya et appa. Il est possible donc que, comme dans le cas du mont Ka u, devenu l’Olgassys classique, le nom de l’A harpaya puisse avoir survécu et correspondre au mont Scorobas du premier siècle av. J.-C.35. Nous connaissons cette montagne par Appien chez qui elle apparaît dans le douzième livre des Rhomaika, consacré aux guerres mithridatiques. Après la bataille de l’Amnias, succès remporté par Mithridate VI, Nicomède s’était retiré et avait installé son camp à côté de celui de Manius Aquilius ; Mithridate se dirigea vers les deux camps et monta sur le mont Scorobas, qui se trouvait « aux confins de la Bithynie et du royaume pontique »36 ; les éclaireurs de Mithridate capturèrent des chevaliers de Nicomède, qui s’enfuit vers l’armée de Cassius ; au même temps, deux généraux de Mithridate surprirent à Prôton Pachion (localité inconnue ailleurs) Manius, qui subit une terrible défaite et fut contraint à se retirer en fuite vers le Sangarius, qu’il traversa pendant la nuit. Le Scorobas se trouvait donc entre la Bithynie et la Paphlagonie, au nord du bassin du Sangarius, exactement où nous chercherions l’A harpaya37, les montagnes Kabazuwa et le Kaballunuwa des deux itinéraires traités ici n’étant autres que des noms liés aux cols qui traversaient la chaîne. Pour revenir au Palâ, il faut noter que cette région devait être aussi accessible du côté de l’actuelle Çankırı et du Devrez Çay (Tahara). Près de Çankırı devait se trouver la ville de Kazzaba, qui entourait, avec

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On peut penser par exemple au lac de Yeniçaa près de Gerede. FORLANINI, « Tavola XVI – Carta Storica Generale », note, § 5: l’Anatolia nordoccidentale. 36 Pour la situation de cette montagne, mentionnée seulement par Appien, cf. GOUKOWSKY, Appien, Histoire romaine, p. 145 n. 164 (avec références), notamment où il écrit : « Il est clair en tout cas que l’auteur dont s’inspire ici Appien considérait la Paphlagonie comme faisant partie du royaume pontique. » La montagne est donc à chercher sur la frontière entre la Paphlagonie et la Bithynie, qui passait entre Cratia (Gerede) et Bithynium (Bolu). 37 Une reconstruction différente est proposée par STROBEL, « Galatien und seine Grenzregionen », p. 62), qui place le Skorobas près de la côte ; cf. BELKE, Paphlagonien und Honorias, p. 271-272. Mais le texte d’Appien est clair ; il est difficile de penser ici que le Scorobas pouvait se trouver à plus de deux jour de marche du fleuve Sangarius. 35

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Tababanuwa sur le haut Tahara et Hurna, près du Mara anda, le territoire de Timmuhala occupé par les Ka kas38. Un fragment historique (probablement d’annales), KBo 22. 22 (11’ ss.) met en relation le Palâ avec le pays de [Laa]l ?-ha39 et celui de Kaz[zaba], le premier étant au sud-ouest du Palâ et le deuxième au sud-est. Le pays de Palâ apparaît dans un article bien connu du code hittite (I §5), remontant peut-être au règne de Labarna, comme l’une des grandes répartitions de l’empire, Hatti, Luwiya et Palâ ; si l’on accepte ma thèse sur l’unification de Hatti et du pays de Kani (plus tard le Haut Pays) du temps de Huzziya Ier et de son successeur Labarna Ier, cette répartition correspond à une répartition linguistique (nésite, louvite, palaïte). Dans la liste des dieux du KBo 4.13 (I 20’-33’)40 aucune des villes de la rive gauche de l’Halys, à l’exception de Turmitta, n’est mentionnée ; je me réfère par exemple aux villes qui donnent leurs noms à certaines provinces occupées par le Ka kas sous Arnuwanda Ier, comme Hurna, Tarukka, Ilaluha, Zihhana, ibittuwa et Wa haya41. Toute la région devait être comprise dans le Palâ à l’époque de Labarna et apparaître sous ce nom dans la liste de KBo 4. 13 (I 46’). Le pays de Palâ devait être assez grand, s’il définissait l’une des grandes répartitions géographiques et linguistiques de l’Anatolie hittite, il est donc possible qu’il eût atteint au nord la mer Noire et qu’une zone limité de ce vaste territoire eût conservé son nom sous la forme de Blaène (B ), qui nous est connue par Strabon, quelle que soit la position exacte de ce pays à la fin du premier siècle av. J.-C. Cette identification remonte à Forrer et il est possible que sous la graphie cunéiforme Pa-la-a se cachait déjà une « prononciation » /Blâ/. On a rapproché (à partir de W. Tomaschek) la Blaène du toponyme 38

La description des frontières de Timmuhala est contenue dans la narration de la campagne de la dix-septième année de Mur ili II (cf. DEL MONTE, L’annalistica ittita, p. 120-122). 39 Ce fragment historique devait décrire en quelques lignes plusieurs événements divers, concernant I uwa et Zazzi a (territoire du Haut Pays), la ville de Zullaba en Syrie, et, à la fin, la région du Palâ ; dans ce dernier paragraphe conservé, les lignes 11’-12’ semblent avoir contenu une liste de territoires, dont Palâ et Kaz[zaba] ; les deux signes qui précèdent (à la ligne 11’) KUR URUPa-la-a sont donc à interpréter comme la fin d’un toponyme (très probablement [Laa]l-ha) plutôt que comme a]r-ha (GRODDEK, Hethitische Texte in Transkription KBo 22, p. 30), qui serait mieux à sa place dans un itinéraire oraculaire. 40 Cf. FORLANINI, « Offering List of KBo 4. 13 (I 17’-48’) », p. 266-267. 41 Dans la première liste des provinces occupées par les ka kas de la Prière d’Arnuwanda Ier (CTH 375, A II 21’-25’; LEBRUN, Hymnes et prières, p. 136, 144-145), les toponymes à partir de Hurna soit appartiennent à la partie la plus occidentale de la zone occupée, soit sont inconnus ou non localisables (Tanku na, Taba awa, Padalliya) ; aucune de ces provinces n’est nommée dans la deuxième liste (C III 7’-10’; LEBRUN, op. cit., p. 139, 146), celle des pays « innocents » (niwalla). Pour ces listes et leur valeur historique, cf. FREU, « L’affirmation du nouvel empire hittite », p. 139-141.

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moderne Eflâni, et l’évolution phonétique qui en découle serait irréprochable42, mais cette solution est contestée à cause d’une interprétation du col concerné de Strabon (Geogr. XII 3, 40)43 — selon laquelle elle aurait été sur le haut Amnias — qui n’est pas la seule possible. En effet le texte dit à propos du mont Olgassys : « Tout autour (de l’Olgassys) s’étend une contrée très fertile, la Blaène et la Domanitis, par laquelle coule le fleuve Amnias » et on peut bien comprendre que le fleuve Amnias coule à travers la contrée formée par la Blaène et la Domanitis, qui se trouvaient toutes deux dans son bassin, mais les mots « par laquelle » ( ’) pourraient renvoyer non à la contrée” () mais à la seule Domanitis ; à la contrée formée par les deux régions se réfère plutôt le verbe    , « tout autour (de l’Olgassys) s’étend », qui n’aurait pas de sens si les deux régions étaient alignées dans la même vallée, d’un seul côté au nord de la chaîne ; la Blaène pourrait donc se trouver au sud ou, mieux, à l’ouest de l’Ilgaz, où nous pouvons localiser le Palâ des hittites. Le toponyme Eflâni reste effectivement trop au nord, mais pourrait avoir gardé localement, lui aussi comme la Blaène plus au sud, le nom d’une région originairement très grande. ADDENDUM Le nom du Palâ peut avoir laissé une autre trace dans le haut bassin du Billaios (noms modernes de la rivière : Gerede Çay, Soanlı Çay et Yenice Irmak). Une inscription de Çardak dans le Dörtdivan (12 km au sud-ouest de Gerede) témoigne du culte d’un Zeus « B  ». Voir : Christian Marek, Stadt, Ära und Territorium in Pontus-Bithynia und Nord-Galatia (Istanbuler Forschungen 39, Tübingen 1993) p. 193 (inscr. 18). BIBLIOGRAPHIE BELKE, Klaus, Paphlagonien und Honorias (TIB 9), Vienne, 1996. DEL MONTE, Giuseppe F., Die Orts- und Gewässernamen der hethitischen Texte (Supplement, RGTC 6/2, TAVO Beiheft 7/6), Wiesbaden, 1992. ———, L’annalistica ittita, Brescia, 1993. ———, Le gesta di Suppliluliuma. L’opera storica di Mursili II re di Hattusa, Vol. I, Pisa, 2008. DEL MONTE, G.F., & J. TISCHLER, Die Orts- und Gewässernamen der hethitischen Texte, (RGTC 6, TAVO Beiheft 7/6), Wiesbaden, 1978.

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Pour l’évolution b >f il suffit de comparer celle du nom du fleuve Billaios, le moderne Filyos Çay (aujourd’hui Yenice Irmaı), dans le bassin duquel se trouve Eflâni ; la voyelle prothétique est obligatoire en turc dans le cas de deux consonnes au début d’un nom. 43 LASSÈRE, Strabon, Géographie, p. 108, 191.

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ZUR LAGE DES HETHITISCHEN VASALLENSTAATES WILU A IM SÜDWESTEN KLEINASIENS Susanne HEINHOLD-KRAHMER

Nach der im Jahr 1988 erfolgten Wiederaufnahme der Troia-Grabungen in Hisarlık (griech. Ilion) unweit vom Ostufer der Dardanellen, zog die schon im frühen 20. Jahrhundert von Paul Kretschmer1 aufgestellte und anschließend heftig diskutierte sprachliche Gleichung von homerisch Ilios (*Wilios) mit hethitisch Wilu a2 erneut das Interesse von Forschern unterschiedlicher fachlicher Provenienz auf sich.3 Dies geschah nicht zuletzt aufgrund der so genannten „anatolischen Einbindung“ der spätbronzezeitlichen Siedlung (Schicht VI und/oder VII a) von Hisarlık. Hierbei handelte es sich um eine Vermutung, die das Grabungsteam unter der Leitung von Manfred Korfmann mehr und mehr einer breiten Öffentlichkeit als Faktum zu vermitteln bemüht war.4 Gleichzeitig schien die besonders von Friedrich Cornelius5 sowie von den englischen Forschern John Garstang und Oliver Gurney6 seit Ende der 1950er Jahre befürwortete Lokalisierung 1

KRETSCHMER, „Alak andu , König von Vilu a“, 209–210 ; im selben Jahr hatte auch GÖTZE, „Kleinasien zur Hethiterzeit“, 26 Anm.6, im Rahmen einer geographischen Untersuchung mit aller Vorsicht auf den Anklang von Wilu a an Ilion und Ileús hingewiesen. Beide Forscher plädierten allerdings nicht für eine geographische Identität. 2 Ausführlicher hierzu bereits HEINHOLD-KRAHMER, „Ilios-Wilu a und Troia-Tarui a“, 146– 147 und „Ist die Identität von Ilios mit Wilu a endgültig erwiesen?“, 32–33. 3 Auf die VON FORRER („Vorhomerische Griechen, 3 und 7) aufgestellte Gleichung Troia=Tarui a kann in diesem Aufsatz nicht näher eingegangen werden; s. hierzu jedoch schon HEINHOLD-KRAHMER, „Ilios-Wilu a und Troia-Tarui a“, 146–148 und „Ist die Identität von Ilios …”, 29-32. 4 S. Literaturhinweise hierzu bei HEINHOLD-KRAHMER, „Ist die Identität von Ilios…“, 29–31 und „Zur Festlegung und Bedeutung der Heerfolge im Vertrag Muwatallis II.“, 53–54. 5 CORNELIUS, „Zur hethitischen Geographie“, 10–11. 6 GARSTANG und GURNEY, The Geography of the Hittite Empire, 101–105 und Karte (Map I).

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des hethitischen Vasallenstaates Wilu a im äußersten Nordwesten der kleinasiatischen Halbinsel, in der Troas, neue Nahrung zu erhalten. Es waren — einmal abgesehen von dem großen Interesse an den Korfmannschen Grabungen — Fortschritte im Bereich der Altanatolistik, wie Neuinterpretationen von Stellen in bereits bekannten keilschriftlichen Texten7 und von hieroglyphenluwischen Inschriften8, aber auch Erkenntnisse aufgrund von eindrucksvollen Funden und Entdeckungen in neuerer Zeit — erwähnt seien hier nur die berühmte Bronzetafel9 und das mit hieroglyphenluwischer Inschrift versehene Felsmonument von Hatip in der Nähe von Konya10, die namhafte Wissenschaftler wie F. Starke11 und J.D. Hawkins12 dazu motiviert haben dürften, das Wagnis einer geographischen Rekonstruktion des spätbronzezeitlichen Westkleinasien13 einzugehen. Ihre Ergebnisse, insbesondere die Lokalisierung des hethitischen Vasallenstaates Wilu a in der Troas, fanden in der Fachwelt große Zustimmung und gelten vielen als definitiv erwiesen. Zu denjenigen Forschern jedoch, die sowohl der sprachlichen Identifizierung Wilu a = Ilios (*Wilios) als auch einer Lokalisierung jenes Landes in der Troas, stets mit gewisser Skepsis, wenn nicht sogar mit Ablehnung, begegnet sind, zählt der Jubilar.14 Professor Freu sei daher dieser kleine Aufsatz — verbunden mit den besten Glückwünschen – als Beitrag zu seiner Festschrift gewidmet. Während einige der Gegner oder Skeptiker der oben genannten Hypothese das hethitisch bezeugte Land Wilu a ebenfalls noch innerhalb des

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GÜTERBOCK, „Troy in Hittite Texts?“, 33–34 mit Literaturhinweisen; HOUWINK TEN CATE „Sidelights on the Ahhiyawa Question from Hittite Vassal and Royal Correspondence“, 38–64. 8 HAWKINS, „Tarkasnawa King of Mira“, 1–10. 9 OTTEN, „Zusätzliche Lesungen zum Alak andu-Vertrag“. 10 DINÇOL, „Die Entdeckung des Felsmonuments in Hatip“. 11 STARKE, „Troia“, 448–456. 12 HAWKINS, „Tarkasnawa King of Mira“, 21–31. 13 Zu grundsätzlichen Problemen, die sich bei einer Rekonstruktion der politischen Geographie Altanatoliens ergeben, s. HEINHOLD-KRAHMER, „Zur Gleichsetzung der Namen Ilios-Wilu a und Troia-Tarui a“, 156–158 ; „Ist die Identität von Ilios mit Wilu a endgültig erwiesen?“, 43–44; auf manche dieser Probleme wiesen in neuerer Zeit auch SEEHER, „Überlegungen zur Beziehung“, 34 und BRYCE, „The Geopolitical Layout of Late Bronze Age Anatolia´s Coastlands“, 126–128 hin. 14 FREU, „Luwiya“, 178 (Karte) u. 323–329; „Hittites et Achéens“, 54 u. 69 (Karte); „Les relations entre Troie et le monde hittite“, 108–109 ; „Les îles de la mer Égée“, 317–318 ; FREU und MAZOYER, L´apogée du Nouvel Empire Hittite, 98–102.

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nordwestlichen Teils von Kleinasien positionieren möchten,15 gehört Jacques Freu mit seiner Lokalisierung von Wilu a im südlichen Lydien16 zu jenen, die den hethitischen Vasallenstaat im südlichen Bereich von Westkleinasien suchten und suchen17 oder zumindest eine dortige Lokalisierung ebenfalls näher ins Auge fassen18. Schon 1980 setzte er hinter die Gleichung Wilu (y)a = Ilios ein Fragezeichen und stellte nach eingehender Behandlung der einschlägigen Quellen fest : « Le Wilusa ne peut se situer au nord-ouest de l´Anatolie. Il est ancré au sud19 ouest avec les pays d´Arzawa et de Lukka. »

Seine Auffassung beruhte damals wie auch noch heute neben weiteren Argumenten, auf die hier nicht eingegangen werden soll, vor allem auf zwei Voraussetzungen, nämlich: 15

HAIDER, „Troia“, 118–119 (südlich der Troas zwischen Edremit und Bergama) ; ÜNAL, „Two Peoples“, 27 (“in the Eski ehir plain“); nach den anscheinend unpublizierten Arbeiten des dänischen Forschers N.P. Skøtt Jørgensen, die ich freundlicher Weise von ihm erhalten habe (z.B. „Testimonies to the Position of Wilusa“, 12. Dez. 2001; „A Note on Hitt. Wilusa and Hom. Ilios“, Okt. 2003; eine Karte vom August 2006), wäre Wilu a im westlichen Bithynien zu suchen. 16 FREU, „Luwiya“, 178, (wobei nach der hier abgebildeten Karte auch noch ein Streifen des nördlichen Karien zu Wilu a gehört haben könnte); „Hittites et Achéens“, 69 (auf dieser Karte wird gegenüber der erstgenannten Wilu a geringfügig nach Norden verschoben, und damit anscheinend nur noch in Lydien angesetzt); „Les relations entre Troie et le monde hittite“, 115 (nach Auswertung der einschlägigen Quellen erfolgt die präzise Angabe zur versuchten Lokalisierung im südl. Lydien: „dans la vallée du Caystre et dans l’isthme qui s’étend d’Éphèse à Smyrne“); „Les îles de la mer Égée”, 318 („à proximité de Milawanda/Milawatta et du Lukka“, wobei ersteres gleichsetzt ist mit Milet (Karien), letzteres sowohl in Karien als auch Lykien plaziert wird); FREU und MAZOYER, L´apogée du Nouvel Empire Hittite, 98–102 (obgleich Wilu a nicht auf der Karte von S. 433 berücksichtig wird, wird nach wie vor einer südwestlichen Lokalisierung der Vorzug gegeben gegenüber einer Verortung in der Troas). 17 Nach KRETSCHMER, „Alak andu , König von Vilu a“, 208–209 (in Karien), GOETZE, Kleinasien, Karte (nördlich von Lykien) und SCHACHERMEYR „Troia in hethitischen Texten?“, 14 (im Bereich von Karien) sind vor allem folgende Forscher zu nennen : FORLANINI u. MARAZZI, „Anatolia: L´Impero Hittita“, (Tafel XVI: in Lydien); STEINER, „The Case of Wilu a and Ahhiyawa“, 594–596 („A country in the interior of south-western Anatolia“) u. 608; PANTAZIS, „Wilusa“, 305–307 (in Südphrygien; mit dem Versuch einer sprachlichen Identifikation mit Ilouza und einer Lokalisierung im Bereich der mittelbronzezeitlichen Stadt von Beycesultan); sowohl die sprachliche Gleichung in letztgenannter Arbeit als auch eine Verortung von Wilu a in Südphrygien befürwortet überdies der Althistoriker F. Kolb in seinem Buch: Tatort „ Troia“, 89–102 (s. noch unten S. 50 Anm. 55). 18 HEINHOLD-KRAHMER, „Ist die Identität von Ilios mit Wilu a endgültig erwiesen?“, 53. 19 FREU, „Luwiya“, 328.

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1. auf der Annahme, dass das von Mur ili II. im späten 14. Jh. v. Chr. (wenige Jahre nach 1320) vernichtete Königreich Arzawa, dessen Küstennähe bezeugt ist,20 an der Südküste Kleinasiens, und zwar hauptsächlich im Bereich der klassischen Landschaften Pamphylien und Pisidien, gelegen habe.21 2. auf der Lokalisierung von Lukka an der Südküste Kleinasiens, und zwar in deren westlichem Bereich (in Lykien und Teilen von Karien).22 Zu 1. Diese Annahme führte Freu, wie auch andere Verfechter einer Lokalisierung an der Südküste23 zu dem Schluss, die drei Länder Mira/Kuwaliya, ea/Appawiya sowie apalla, die Mur ili nach seinem siegreichen Feldzug im Arzawa-Bereich als hethitische Vasallenstaaten installierte, hätten nördlich des Königreiches Arzawa gelegen, aber jedenfalls noch innerhalb des südwestlichen Teils der kleinasiatischen Halbinsel. Gleiches konnte — wenn auch nicht unbedingt — für Wilu a gelten, das zur Zeit von Mur ilis Sohn Muwatalli II. im frühen 13. Jh. unter hethitische Botmäßigkeit gelangt war und von diesem zu den nun insgesamt vier « Arzawa-Ländern » gerechnet wurde.24 Auch wenn man heute einer Lokalisierung des einst sehr mächtigen Königreiches Arzawa mit seiner Hauptstadt Apa a an der Südküste nicht mehr ohne weiteres folgen möchte und eher einer Lage in Lydien zuneigt,25 wie sie zumeist seitens der Befürworter der oben genannten Hypothese eines in der Troas befindlichen Landes Wilu a26 vertreten wird, jedoch auch von einzelnen Gegnern dieser These27, so ergibt sich dadurch keine Notwendigkeit, Wilu a ausschließlich im Nordwesten der anatolischen Halbinsel zu suchen. Zu 2. Die geographische Einordnung von Lukka ist heute — zumindest für das 13. Jh. v. Chr. — kaum mehr in Frage zu stellen. Nur über die 20

HEINHOLD-KRAHMER, Arzawa, 113–116, 329 et passim. S. zuletzt FREU und MAZOYER, L´apogée du Nouvel Empire Hittite, 433 (Karte); früher rechnete FREU, „Les relations entre Troie et le monde hittite“, 178 (Karte) auch noch das östliche Lykien dazu. 22 FREU, „Les relations…“, 112; FREU und MAZOYER, L’apogée…,100. 23 S. z.B. GOETZE, Kleinasien, 179 u. Karte am Ende des Buches; ihm schloss sich auch die Verfasserin dieser Zeilen in ihrer Dissertation (HEINHOLD-KRAHMER, Arzawa, 334 et passim) an. 24 Ibid., 152–157. 25 S. schon die Argumentation von Garstang/Gurney (The Geography of the Hittite Empire, 84-88) zugunsten einer Lokalisierung des Königreiches Arzawa in Lydien, wobei Hinweise auf die Prosperität und Fruchtbarkeit der Landschaft eine wesentliche Rolle spielten. 26 S. z.B. STARKE, „Troia“, 450–451; HAWKINS, „Tarkasnawa King of Mira“, 21–23. 27 ÜNAL, „Two Peoples“, 26–27; STEINER, „The Case of Wilu a and Ahhiyawa“, 595. 21

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genauere Ausdehnung des Gesamtgebietes sind die Meinungen noch divergierend. Während manche Forscher Lukka bzw. die Lukka-Länder im Raum von Lykien verorten,28 halten andere diesen Bereich noch „für viel weitläufiger“29. So rechnet auch Freu neben Lykien noch das klassische Karien bzw. Teile desselben dazu.30 Die Tatsache nun, dass dieses im Südwesten gelegene Lukka – neben Karki a, Ma a und War ialla — innerhalb der Heerfolgebestimmungen auftrat, die der hethitische Großkönig Muwatalli II. für König Alak andu, seinen Vasallen in Wilu a, vertraglich festgelegt hatte (s. unten), schien ihm ebenfalls für eine Lokalisierung von Wilu a im Südwesten Kleinasiens zu sprechen.31 Für eine Nähe der hier genannten Gebiete zueinander, ja sogar für eine unmittelbar benachbarte Lage, haben sich neben Freu auch weitere Wissenschaftler32, insbesondere der Erstbearbeiter des Alak andu-Vertrages, Johannes Friedrich,33 ausgesprochen, und dies teilweise schon bevor die Lage von Lukka im Süden nach der communis opinio als gesichert gelten konnte, und Lukka noch von manchen unter ihnen fälschlich im Nordwesten Anatoliens gesucht wurde34. Dagegen haben aber Fachleute, die zwar die Lokalisierung von Lukka im Südwesten schon immer für richtig hielten, Wilu a, Ma a und vereinzelt auch Karki a jedoch in das nördliche Westkleinasien platzieren möchten, Einwände vorgebracht (s. unten S. 70). Ferner herrscht kein allgemeiner Konsens hinsichtlich der Übersetzung und Interpretation des betreffenden Abschnitts im Alak andu-Vertrag, die Friedrich (1930, 66-69: §14 Z. 3-9) in seiner Erstbearbeitung geboten hatte, und der sich auch Beckman (1999, 89-90: §11 Z. 3-9) weitgehend anschloss. Es scheint daher sinnvoll, im Folgenden zunächst diesen Abschnitt näher zu betrachten. Die Zeilenzählung richtet sich aus praktischen Gründen nach 28

S. z.B. HAWKINS, „Tarkasnawa King of Mira“, 29. Nach STARKE („Troia“, 450) hätte das Gebiet des hethiterzeitlichen Lukka neben Lykien auch den Westen von Pisidien und Pamphylien, sowie den Süden Kariens umfasst. 30 FREU und MAZOYER, L´apogée du Nouvel Empire Hittite, 100 unter Verweis auf die Hieroglypheninschrift von Yalburt (POETTO, L´Iscrizione Luvio-Geroglifica di Yalburt). 31 FREU, „Luwiya“, 323 ; „Les relations entre Troie et le monde hittite“, 100 u. 115 ; „Les îles de la mer Égée“, 318 ; FREU & MAZOYER, L’apogée…, 100. 32 S. ferner z.B. FORRER, „Vorhomerische Griechen“, 4 ; MACQUEEN, „Geography and History“, 173 u. 176 (Karte) ; MELLAART, „Anatolian Trade“, 192–193, 197: Fig. I (Karte) ; HEINHOLD-KRAHMER, Arzawa, 163, 172, 194, 351 et passim; STEINER, „The Case of Wilu a and Ahhiyawa“, 594–595. 33 FRIEDRICH, Staatsverträge des atti-Reiches, 67 Anm. 4, 95. 34 So z.B. MACQUEEN, wie oben Anm. 32; MELLAART, wie oben Anm. 32; HEINHOLDKRAHMER, wie oben Anm. 32. 29

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Friedrichs Erstbearbeitung, die sich auf das gegenüber den anderen Fassungen am vollständigsten überlieferte Textexemplar A (KUB 21.1 Kol.III) stützt, obgleich dieses recht fehlerhaft ist, und daher nicht selten der Korrektur durch die übrigen Exemplare — soweit erhalten — bedarf.35 Transliteration KUB 21.1 III 3-9 (// KUB 21.5 III 18-23 // KUB 21.4

I 23-31)36:

3 [( A KARA )]-ma-at-ta AN E.KUR.RAME i -i-ú-u[(l ki-i - a-an)] 37 4 [(i-ia-an e-e)] -du ma-a-an dUTU I a-pé-ez! KUR-e-a[(z)] 38 URU URU URU K)]ar-ki- a-az   Lu-uk-ka4-a-az < Ma-a- a-az> na5 [(na-a - u a -[(ma URU Wa-ar- i-ia-al-la-az)] 6 [(la-a-i-ia-m)]i nu-mu zi-ik-ka4 QA-DU ÉRINME AN E. KUR.(RAME )] 7 [(kat-ta-an la-a-)]i-ia- i na-a -ma ma-a-an BE-LU ku-in-ki k[(e-e-ez)] 8 [(KUR-az)] la-a-i-ia-u-wa-an-zi u-i-ia-mi nu a-pé-[(e-da-ni-ia)] 9 [(kat-ta-an la-a-)]e-e -ki- i …

Übersetzung bei Friedrich (III 3-9, §14): Betreffs Heeresfolge (und) Wagenkämpfern aber soll dir die Vertragsbestimmung folgendermaßen festgesetzt sein Wenn ich, die Sonne, von der dortigen Gegend aus — entweder von Karki a, , Lukka oder War ijalla aus — ins Feld ziehe, so ziehst du mit Fußtruppen (und) Wagenkämpfern an meiner Seite ins Feld. Oder wenn ich irgendeinen Befehlshaber von diesem (meinem) Lande aus sende, um Krieg zu führen, so ziehst du auch an dessen Seite regelmäßig ins Feld. 35

Dies geht bereits aus den Anmerkungen und dem Kommentar in Friedrichs Bearbeitung (Staatsverträge des atti-Reiches) hervor; hierzu ferner HEINHOLD-KRAHMER, Arzawa, 156 Anm.182. 36 Glücklicherweise ist im behandelten Abschnitt auch Fassung B (KUB 21.5 III 18–23) relativ gut und Fassung C2 (KUB 21.4 I 23–31) jeweils in der linken Zeilenhälfte erhalten. B und C2 werden hier ergänzend zu Fassung A in runder Klammer (wie bei Friedrich) oder zur Korrektur (mit !) berücksichtigt. 37 Bei a-pí-ma in KUB 21.1.III 4 handelt es sich aller Wahrscheinlichkeit nach um eine Verschreibung der letzten Silbe von a-pé-ez (Ablativ von ap-), wie auch das nachfolgende Nomen KUR-e-a[z] annehmen lässt (so auch schon FRIEDRICH, Staatsverträge des attiReiches, 67 Anm.16) und zudem auch k[(e-e-ez KUR-az)] parallel hierzu in KUB 21.1 III 7 (ergänzt nach Fassung B = KUB 21.5 III 22 in III 7-8). 38 Der in KUB 21.1 III 5 fehlende Ortsname Ma a wird hier in die Transliteration und ebenso in Friedrichs Übersetzung derselben eingeschoben, und zwar wegen seines Auftretens innerhalb der übrigen Ortsnamen sowohl in Fassung B (KUB 21.5 III 20: URUMa-a-  a-az) als auch in Fassung C2 (KUB 21.4 I 25: URUM[a-a- a-az), da es sich offenkundig um einen Auslassungsfehler in KUB 21.1 III 5 handelt.

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Übersetzung bei Beckman (III 3-9, s. §11): Your regulation concerning the army and chariotry shall be established as follows: If I, My Majesty, go on campaign from that land – either from the city of Karkisa, the city of Masa, the city of Lukka, or the city of Warsiyalla, then you too must go on campaign with me, together with infantry and chariotry. Or if I send some nobleman to go on campaign from this land, then you must go on campaign with him also.

Ohne hier auf die geringfügigen Abweichungen dieser Übersetzungen voneinander eingehen zu wollen, soll eine wichtige Gemeinsamkeit herausgestellt werden: Von beiden Hethitologen wurden die Ablative apez KUR-eaz (III 4) und Karki az, Ma az, Lukkaz sowie War iyallaz (III 5) jeweils im Sinne eines ablativus separativus gedeutet, das heißt, sie wurden hier als Ausgangsbasis betrachtet, von wo aus der hethitische Großkönig kriegerische Unternehmungen starten konnte. Dies wurde in obigen Übersetzungen mit den Formulierungen: « von dem dortigen Land aus » (Friedrich), « from that land » (Beckman) wiedergegeben. Nach neueren sprachwissenschaftlichen Untersuchungsergebnissen wäre allerdings zu übersetzen « vom Land dort bei dir aus ».39 Mit KUR-eaz (utneaz) konnte aber kaum Wilu a selbst, das Land des Vertragspartners von Muwatalli II., gemeint worden sein, denn in der Apposition wurde KUR-eaz ja durch die Nennung von vier Territorien genauer definiert, die hier nur mit dem Determinativ für Stadt (URU)40 versehen wurden. Allein dies lässt schon den Schluss zu, dass hiermit Gebiete in der unmittelbaren Umgebung von Wilu a als Ausgangspunkte für die hethitischen Feldzüge betrachtet wurden. Friedrichs Wiedergabe von KUR mit « Gegend » erscheint also durchaus angemessen. Auch hat er in seinem Kommentar (Staatsverträge des attiReiches, 94-95) zu Recht auf das parallele ke-e-ez KUR-az in III 7-8 hingewiesen, was er schon im Sinne der heutigen Einschätzung einer personenbezogenen Deixis deutete. Demnach wurde Alak andu verpflichtet, 39

Wie E. RIEKEN („Hethitisch k a, k ma, k at(t)a“, 267) — vor allem unter Berufung auf Arbeiten von P. Goedegebuure (z.B. „The Hittite 3rd person/distal demonstrative a i (uni, eni etc.“) — feststellt, zeichnet sich ap- ebenso wie k- nicht durch entfernungsbezogene, sondern durch personenbezogene Deixis aus. Dies bedeutet nach ihrer Definition: „k- heißt also nicht lokal ´der hier in der Nähe` sondern ´der hier bei mir, dem Sprecher`; ap- bedeutet nicht ´der dort in Entfernung`, sondern ´der dort bei dir, dem Adressaten`.“ S. hierzu auch HOFFNER und MELCHERT, A Grammar of the Hittite Language, 142 u. 147. 40 Dies ist möglicherweise darauf zurückzuführen, dass das zu erwartende Determinativ für Land (KUR) schon durch das vorausgehende apz KUR-eaz vorweggenommen war. Es ist anhand des übrigen Belegstandes der betreffenden Ortsnamen kaum davon auszugehen, dass gleichnamige Städte innerhalb dieser Länder existierten.

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einerseits seinem Oberherrn persönlich mit seinen Truppen und Wagenkämpfern beizustehen, wenn dieser vom Karki a, Ma a, Lukka oder War iyalla aus einen Feldzug unternahm, andererseits aber auch einen von Muwatalli aus Hatti (kz KUR-az „von diesem Land bei mir“) dorthin entsandten Feldherrn in gleicher Weise zu unterstützen. Anschließend an diese Regelung der zu leistenden Hilfe bei hethitischen Feldzügen in Westkleinasien, deren Anmarschroute in der Umgebung von Wilu a einsetzen sollte, wurden dann weitere Bestimmungen zur Heerfolge für Alak andu festgelegt, die bei einem von Hattu a aus (URUa-ad-du- a-az-…; s. KUB 21.1 III 9) erfolgenden Aufbruch in einen Krieg Geltung hatten, sei es bei kriegerischen Auseinandersetzungen Muwatallis mit gleichgestellten Herrschern, sei es mit Aufrührern im Landesinneren (KUB 21.1 III 9-15). Wie bereits erwähnt herrscht jedoch noch keine Einigkeit bezüglich dieser Deutung der in KUB 21.1 III 4-5 enthaltenen Ortsangaben als Ausgangsbasis für kriegerische Unternehmungen der Hethiter im Westen. Vielmehr wurde schon in dem 1959 erschienenen Standardwerk zur hethitischen Geographie von John Garstang und Oliver Gurney die Auffassung vertreten, die im Ablativ stehenden Ortsnamen seien als die Ziele möglicher hethitischer Kampagnen genannt worden. Die dortige Übersetzung (Garstang und Gurney, The Geography of the Hittite Empire, 102) lautete daher: § 14 If I, the Sun, am called to the field from your direction, either towards Karkisa, Masa, Lukka, or Warsiyalla, then you must march out on my side with infantry and chariotry. Or if I send any commander from this country to make war, then too you must take the field regularly by his side. Diese Auffassung, die Ortsnamen Karki az, Ma az, Lukkaz und War iyallaz seien an der eben zitieren Stelle als Ablative der Richtung zu deuten, wird nach wie vor von einigen Forschern vertreten,41 obgleich Craig Melchert in seiner ausführlichen Untersuchung über Ablativ and Instrumental im Hethitischen sie unter den Beispielen für den Ablativ der Trennung in Verbindung mit intransitiven Verben der Bewegung (sub laiya- [laiyai-]), aufführt.42 Auch gingen Garstang und Gurney (The Geography of the Hittite Empire, 104) im Gegensatz zu Friedrich, Beckman, Freu und weiteren Forschern (s. oben S. 63 mit Anm. 32) davon aus, dass die in diesem Abschnitt namentlich aufgeführten Gebiete nicht in unmittelbarer Nachbarschaft von Wilu a, welches sie in der Troas suchten, gelegen hätten, mit Ausnahme von Karki a 41

S. z.B. FREU, „Luwiya“, 323; „Les relations entre Troie et le monde hittite”, 100; STEINER, „The Case of Wilu a and Ahhiyawa“, 595. 42 MELCHERT, Ablative and Instrumental in Hittite, 349.

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vielleicht, das sie (mit Fragezeichen versahen) im südwestlichen Mysien platzierten (ibid., 108). Lukka und Ma a suchten sie hingegen damals im Südwesten Kleinasiens, ersteres in Karien und Lykien (ibid., 81-82), letzteres in Pisidien (ibid., 108). Allerdings ergibt sich aufgrund einer kleinen Texterweiterung der fragmentarischen Historischen Einleitung im Alak andu-Vertrag, die sich mit Hilfe einer frühen Kopie des Exemplars KUB 21.1 I 43´-56´(Fassung A) von H. Winckler — bei offenbar noch besserem Erhaltungszustand der Tafel — herstellen ließ,43 ein Anhaltspunkt dafür, dass das Land Ma a in der Nähe von Wilu a gelegen hat. Dieses Land (KUB 21.1 I 48´), wohl identisch mit dem in I 73´ genannten Feind des Alak andu, wurde von Muwatalli besiegt, und zwar anscheinend bevor der besagte Vasallenvertrag abgeschlossen wurde.44 Wollte man Wilu a im Bereich von Hisarlık lokalisieren, so lag es folglich nahe, Ma a ebenfalls im Norden zu suchen. Selbst Gurney (« Hittite Geography », 221) musste später einräumen, dass bei einer Lokalisierung von Wilu a in der Troas auch Ma a im nordwestlichen Kleinasien gelegen haben müsse, da es Beziehungen nach dorthin gehabt habe. Um jedoch die Hypothese von einem im äußersten Nordwesten gelegenen Lande Wilu a aufrecht zu erhalten und dabei gleichzeitig der heutigen communis opinio von einer Lokalisierung des Lukka-Bereiches an der westlichen Südküste Kleinasiens entsprechen zu können, mussten und müssen deren Befürworter Friedrichs Interpretation der oben (S. 40) zitierten Stelle in §14 des Alak andu-Vertrags ablehnen. Während zwar War iyalla in dieser Form nur hier bezeugt ist, werden die Ortsnamen Karki a, Ma a und Lukka – teils zu dritt, teils auch nur in Zweierkombinationen – noch in weiteren Texten gemeinsam erwähnt, und zwar in keilschriftlichen Dokumenten aus Bo azköy, in hieroglyphischen Inschriften aus Bo azköy und Südanatolien und sogar in ägyptischen Quellen.45 Für dieses mehrfach belegte gemeinsame Auftreten der genannten Länder oder Gebiete wurden daher andere Ursachen als eine enge geographische Verflechtung in Erwägung gezogen, ohne freilich zu einer einigermaßen gesicherten Lösung gelangen zu können. Es handelte sich dabei um mögliche Gemeinsamkeiten wie einen ganz bestimmten politischen Status gegenüber atti, eine jeweils gleichartige geographische Situation (wie z.B. eine maritime Lage oder eine Binnenlage in einer Gebirgsgegend) oder auch um ähnliche Eigenschaften in ethnischer oder 43

OTTEN, „Zusätzliche Lesungen zum Alak andu-Vertrag“, 27. Näheres hierzu bei HEINHOLD-KRAHMER, Arzawa, 161–163 ; s. auch FREU, „Les relations entre Troie et le monde hittite“, 102 ; HAWKINS, „Tarkasnawa King of Mira“, 29 mit Anm.191. 45 Zu den Belegen HAWKINS, „Tarkasnawa King of Mira“, 29–30 (mit Literatur). 44

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soziologischer Hinsicht (etwa Halbnomadentum). Ohne näher auf diese Einzelheiten und damit verbundene Probleme eingehen zu können,46 ist festzustellen, dass die Frage, ob Karki a, Ma a und Lukka geographisch eng untereinander und gleichzeitig jeweils auch mit Wilu a verbunden waren oder ob dies nicht der Fall war, bislang nicht definitiv geklärt werden konnte. Diese Frage lässt sich aber meines Erachtens beantworten, wenn man hinsichtlich der Verwendung von Ortsangaben einen Vergleich vornimmt zwischen Paragraph 14 des Alak andu-Vertrags (mit seinen Bestimmungen zur Heerfolge) und Paragraph 22 des Vertrags von Tutaliyas IV. mit Kurunta von Tarunta

a auf der berühmten Bronzetafel (mit den Verpflichtungen zur Truppenstellung). Die sich daraus ergebende Lösung ist gleichzeitig für das Problem der Lokalisierung von Wilu a im Norden oder Süden Westkleinasiens von nicht geringer Relevanz. Der zum Vergleich herangezogene Abschnitt aus der Bronzetafel (Bo 86/299 III 39-42) wird im Folgenden in Transliteration und Übersetzung nach der Bearbeitung von Otten (1988, §22 III 39-42) und der Übersetzung von Beckman (Hittite Diplomatic Texts, Nr.18C §22 III 39-42) Zitiert : Transliteration (Otten): 39 ma-a-an-ma A-NA LUGAL KUR URUHA-AT-TI an-na-ú-li-i ku-i -ki a-raa-i 40 na-a -ma DUTU I ke-e-ez-za I -TU KUR URU AP-LI-TI la-a-i-ia-iz-zi 41 nu-u - i II ME KARA ni-ni-in-kán-du 42 a- a-an-du-la-an-zi-ma-at le-e

Übersetzung (Otten): 39 Wenn sich aber gegen den König von atti irgendein gleichrangiger (Herrscher) erhebt 40 oder meine Sonne auch vom dortigen Unteren Lande aus Krieg führt, 41 so soll man ihm (ein Kontingent von) 200 Soldaten aufbieten. 42 Als Garnison sollen sie aber nicht dienen.

Übersetzung (Beckman) : III 39-42: But if someone of equal rank rises up against the King of Hatti, or if My Majesty goes on campaign out of the Lower Land on this side, then they shall raise 200 soldiers from him. But they shall not do garrison duty.

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S. z.B. SMIT, „KUB XIV 3 and Hittite History“, 89–90 mit Literatur.

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Geht man von dem schon oben (S. 43 Anm. 39) herangezogenen Ergebnis aus neuerer Zeit bezüglich einer personenbezogenen Deixis bei ap- und k- aus, so ist Ottens Übersetzung von III 40 zu korrigieren: ke-eez-za I -TU KUR URU AP-LI-TI bedeutet dann nicht „vom dortigen Unteren Land aus“, sondern vielmehr „von hier bei mir, vom Unteren Land aus“ (also vom Standpunkt des hethitischen Oberherrn aus gesagt). Es kann ja auch kaum bestritten werden, dass das Untere Land — ebenso wie das Obere Land — zum Kerngebiet des Hethiterreiches zählte.47 Gesucht wird dieses Untere Land allgemein südlich des Halys in der Konya-Ebene im Bereich von Lykaonien, wobei hinsichtlich der genaueren Ausdehnung nach Osten und Westen hin noch gewisse Abweichungen bei der Einschätzung der Fachleute zu konstatieren sind. Dass jedoch dieses zu atti gehörende Untere Land (III 40), das hier im Zusammenhang mit möglichen künftigen Feldzügen des Königs von Hatti genannt wird und ebenfalls wie das vorausgehende kzza im Ablativ steht,48 nicht als Ziel dieser Kampagnen verstanden werden darf, sondern als Ausgangsbasis, wo sich vermutlich die verschiedenen Hilfstruppen mit dem Hauptheer des Großkönigs zu verbinden hatten, ist kaum zu leugnen. Ein Vergleich der oben behandelten und unterschiedlich interpretierten Stelle aus dem Vertrag mit Alak andu von Wilu a (§14 III 3-7) mit Paragraph 22 (Z.39-42) der Bronzetafel scheint nun durchaus gerechtfertigt. In letztgenannter Textstelle ist zwar nicht wie im Alak andu-Vertrag von einer persönlichen Teilnahme des dem hethitischen Großkönig untergeordneten Vertragskontrahenten die Rede – eine solche wurde vielleicht bei einem Sekundogenitur-Fürsten ohnehin vorausgesetzt, sondern nur von der Stellung einer aus 200 Mann bestehenden Truppe.49 Auch wird hier (§22 Z.39) – anders als im Wilu a-Vertrag (§ 14 Z.9-13), und zwar umgekehrt – schon an erster Stelle und in stark verkürzter Form von einem Krieg mit einem dem König von atti gleichrangigen Herrscher gesprochen. Dabei hatte der Aufbruch des Gesamtheeres vermutlich wie im Abkommen 47

Hierzu STARKE, „Troia“, 450. Beispiele für die Verwendung der akkadischen Präposition I -TU zum Ausdruck des ablativus separativus finden sich bei MELCHERT, Ablative and Instrumental in Hittite; s. z.B. 348, 352 et passim. 49 Müller und Sakuma (Listen und Tabellen, 336–337 mit Anm.31) wenden auf diesen Paragraphen (§22) der Bronzetafel in ihrer Übersicht der Vertragsbestimmungen hethitischer Staatsverträge dennoch den Begriff Heeresfolge an, wobei sie auch darauf hinweisen, dass 200 Soldaten nur im Falle eines Großangriffes ebenbürtiger Herrscher (§ 22 Z. 39) oder eben bei einem von dieser Region aus stattfindenden hethitischen Feldzug gefordert wurden, während ansonsten die Stellung von 100 Soldaten die Regel gewesen sei (s. OTTEN, Die Bronzetafel aus Bo azköy, § 22 Z. 37–38). 48

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mit Wilu a (§14 Z. 9) von attu a aus zu erfolgen und nicht vom Unteren Land aus. Die zweite Bestimmung im Tarunta

a-Vertrag bezüglich eines Feldzuges mit Ausgangsbasis im Unteren Land wird jedenfalls durch na ma „oder“ in § 22 Z.40 an die erste bezüglich eines Krieges mit einem ebenbürtigen Gegner angeschlossen. Trotz dieser — für unsere Frage unerheblichen — Abweichungen wird jedenfalls eines deutlich: In beiden Verträgen wurde zwischen zwei verschiedenen Ausgangspunkten bei kriegerischen Unternehmungen des Königs von atti differenziert, nämlich zwischen einer Kampagne gegen einen dem Hethiterkönig gleichgestellten Großkönig, die — im Falle des Vertrages mit Wilu a sicher, im Falle des Abkommens mit Tarunta

a wahrscheinlich — von attu a aus starten musste, und einem Feldzug oder Eroberungszug gegen nicht genannte Feinde, als dessen Ausgangsbasis jeweils ein anderes Gebiet genannt wurde: Im Vertrag mit Kurunta (Bronzetafel) war dies das unter hethitischer Verwaltung stehende Untere Land (kzza I -TU KUR URU AP-LI-TI „von hier bei mir, vom Unteren Land aus). Im Vertrag mit Alak andu waren es Karki a, Ma a, Lukka oder War ialla (apez KUR-eaz na u URUKarki az URUM az URULukkz na ma URU War iyallaz „von dort bei dir, entweder von Karki a, Ma a, Lukka oder von War iyalla aus“). Da nun die im südlichen Pamphylien ans Meer reichende hethitische Sekundogenitur Tarunta

a zumindest während ihrer Bezeugung im 13. Jahrhundert v. Chr. nach allgemeiner Auffassung mit ihrem nordöstlichen Teil an das Territorium des Königs von atti und somit auch an das Untere Land anschloss,50 bestand folglich eine gemeinsame Grenze zwischen dem Land von Tutaliyas IV. Vertragspartner Kurunta und dem im Ablativ auftretenden Unteren Land. Dieser Ausgangspunkt für mögliche hethitische Kampagnen, bei denen Kurunta zur Truppenstellung verpflichtet wurde, war also seinem Land Tarhunta

a direkt benachbart. Gleiches oder zumindest eine geographische Nähe lässt sich daher auch aufgrund der gezeigten Entsprechungen für Karki a, Ma a, Lukka und War iyalla im Hinblick auf das Land des Alak andu, auf Wilu a, annehmen. Allein aufgrund dieses Sachverhalts in Verbindung mit der Tatsache, dass die Lokalisierung von Lukka im Südwesten der kleinasiatischen Halbinsel allgemein als gesichert gilt, scheint es problematisch Karki a und/oder Ma a

50

S. z.B. STARKE, „Troia“, 450; HAWKINS, „Tarkasnawa King of Mira“, 31 (Karte) ; BRYCE, „The Secession of Tarunta

a“, 123.

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ZUR LAGE DES HETHETISCHEN VASALLENSTAATES WILU A

in den Nordwesten Kleinasiens verlegen zu wollen, nur um an einer Lokalisierung von Wilu a in der Troas festhalten zu können.51 Nun hat Hawkins („Tarkasnawa King of Mira“, 29–30) zu Recht betont, dass die Hinweise auf Ma a in der schriftlichen Überlieferung zu sich widersprechenden Lokalisierungen führten. Während nämlich die Belegstellen im sog. Tawagalawa-Brief (KUB 14.3 III 53 u. IV 6) sowie zwei Hieroglypheninschriften (die Südburginschrift von Bo azköy und die Inschrift Kzlda 4)52 für einen geographischen Ansatz im Süden sprächen, schienen ihm vor allem Fragment 13 aus dem Bericht Mur ilis II. über die Taten von uppiluliuma I. (Güterbock, The Deeds, Fragment 13: Fassung E 9) und der Alak andu-Vertrag eine nördliche Lokalisierung erforderlich zu machen. Dass dies für den letztgenannten Text kaum zutrifft, wurde oben ausführlich behandelt. So bliebe als einziger für eine nördliche Lokalisierung von Ma a in Betracht kommender Beleg die genannte Stelle in dem Bericht über die Taten des Großreichsbegründers bestehen. Doch falls die nach dortigen Angaben von Ma a und Kammala angegriffenen Länder, nämlich das ulana-Flussland und Ka

iya, wirklich korrekt im Nordwesten lokalisiert werden können, und Ma a dann dort eingefallen wäre, so muss man hier doch auch folgendes bedenken: Der Text bezieht sich eindeutig auf die Zeit vor uppiluliumas I. Regierungsantritt, eine Phase großer Schwäche, in der das Hethiterreich kurz vor einem Zusammenbruch gestanden sein dürfte. Damals noch als Prinz versuchte dieser – teils alleine, teils gemeinsam mit seinem häufig erkrankten und anscheinend nicht in attu a, sondern in amua residierenden Vater — die an verschiedene Feinde verlorenen Gebiete des Hethiterreiches zurück zu erobern. Es wäre nun durchaus denkbar, dass die Bevölkerung eines im Südwesten gelegenen Ma a kurzfristig Richtung Norden ausweichen musste, da sie von Arzawa, das damals vom Westen her bis in Gebiete südlich des Halys vorstoßen konnte, verdrängt worden war. Über diesen Einfall von Arzawa in hethitisches Territorium wird bekanntlich rückblickend in einem Erlass von attu ili III. (KBo 6.28 Vs. 8-9)53 berichtet, und zwar im Rahmen einer Schilderung über das Eindringen von Feinden aus allen Richtungen. Es ist dies der Bericht über die so genannte konzentrische Invasion, die das Hethiterreich in einen äußerst desolaten Zustand gebracht hatte.

51

Vgl. STEINER, „The Case of Wilu a and Ahhiyawa“, 595, der ohne die Stütze durch § 22 der Bronzetafel und trotz einer meines Erachtens unrichtigen Interpretation von § 14 Z.3–9 zu einer ähnlichen Einschätzung gelangte. 52 Zur Literatur s. HAWKINS, „Tarkasnawa King of Mira“, 30 mit Anm. 194–195. 53 GOETZE, Kizzuwatna, 21–23 ; HEINHOLD-KRAHMER, Arzawa, 40–43.

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S. HEINHOLD-KRAHMER

Nachdem nun eine Lokalisierung von Wilu a im südwestlichen Anatolien aufgrund von §14 des Alak andu-Vertrags als wahrscheinlich gelten darf, und auch eine solche des benachbarten Ma a kein Problem – zumindest für das 13. Jahrhundert – darstellen dürfte, soll hier nicht mehr auf weitere, aus den Texten zu erschließende politische Beziehungen und bereits erarbeitete geographische Verknüpfungen dieses hethitischen Vasallenstaates mit anderen Arzawa-Ländern sowie mit dem maritimen Milawa(n)da (= Milet?) eingegangen werden. Es bleibt freilich zu vermuten, dass die Hypothese von einer sprachlichen Identität des hethitisch bezeugten Wilu a mit der homerischen Ilios, die sich gleichsam als Faktum in den Köpfen vieler festgesetzt hat, weiterhin einen Einfluss auf die Lokalisierung dieses Landes in der Troas ausüben wird. Sie wird kaum an Attraktivität einbüßen, sondern vielleicht sogar eine zweite Hypothese in den Hintergrund drängen, die in jüngster Zeit von Vangelis Pantazis54 geäußert wurde. Dieser möchte Wilu a mit dem vorgriechischen Ortsnamen , den ein bezeugter frühchristlicher Bischofssitz in Phrygien trug, gleichsetzen.55 Bedauerlich ist dabei, dass dieser wohl nicht unbedeutende Ort noch gar nicht archäologisch nachgewiesen werden konnte, wenngleich Pantazis ihn mit dem prähistorischen Beycesultan identifizieren möchte.56 So gilt es weiterhin auf Grabungsergebnisse zu hoffen, die zu einer genaueren textlich abgesicherten Lokalisierung von Wilu a führen können.

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54

PANTAZIS, „Wilusa”, 305–307. Diese Gleichsetzung wird von F. KOLB: Tatort „Troia“, Kapitel VI, befürwortet. 56 Hier sei zusätzlich noch angemerkt, dass einige historische Schlussfolgerungen von PANTAZIS, „Wilusa“ (z.B. 295–296), die er aus hethitischen Dokumenten oder deren Übersetzungen zieht, nicht immer von einer guten Kenntnis der textlichen Quellen zeugen. 55

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ZUR LAGE DES HETHETISCHEN VASALLENSTAATES WILU A

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57

Goetze identisch mit Götze.

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À PROPOS DE LA MUSIQUE DES HITTITES Cyril LACHEZE

L’étude de la musique des peuples antiques d’Europe et du Proche-Orient est restée longtemps confinée aux peuples grecs et romains, sur lesquels les connaissances sont à la fois les plus nombreuses et les plus accessibles. Quoique des représentations de musiciens aient été trouvées dès les premières fouilles au Proche-Orient et quelques publications parues dès la première moitié du XIXe siècle1, la première étude sur la musique des Hittites ne date que de 1944, avec un article d’une dizaine de pages paru dans la Revue de Musicologie2. Il a toutefois fallu attendre les décennies 1960, et surtout 1970, pour voir paraître régulièrement des articles et ouvrages sur l’archéomusicologie du Proche-Orient, y compris pour les Hittites, et en général en langue allemande pour ces derniers. Il n’existe cependant que deux ouvrages réellement généraux et synthétiques sur la question. Le premier, publié en 1991, découle d’une thèse soutenue par Enrico Badalì, et devait se présenter en deux volumes : le premier référençant l’ensemble des textes connus traitant de la musique, et le second les analysant3. Or, seul le premier de ces volumes est paru, ce qui ne fournit que le corpus de départ et non la synthèse que l’on pouvait en attendre. Le second ouvrage fait actuellement référence sur la question : il s’agit de l’étude de Monika Schuol, parue en 20044. Celle-ci reprend les textes les plus importants, déjà présents en grande majorité dans la

1 Notons en particulier un ouvrage allemand de 1837 présentant la musique de divers peuples de l’Antiquité, sur quelques pages chacun : dans l’ordre Chinois, Indiens, Phéniciens, Perses et Arabes, Éthiopiens, Babyloniens et Chaldéens, Égyptiens, Hébreux, Grecs, Romains (HENNIGK, Kurzer Grundriß der Geschichte der Musik). 2 MACHABEY, « La musique des Hittites ». 3 BADALÌ, Strumenti musicali. 4 SCHUOL, Hethitische Kultmusik.

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publication d’Enrico Badalì, en y ajoutant les principaux documents iconographiques et archéologiques, et fournissant enfin une synthèse sur la question. Toutefois, il apparaît clairement que l’étude se base avant tout sur les données textuelles, auxquelles les sources iconographiques ne viennent que se rattacher sans vraiment dialoguer. Nous nous proposons ainsi de reprendre ces données et de les ré-analyser dans cette optique, afin de préciser certains points d’organologie et de technique de jeu ; une étude de la place de la musique dans le culte hittite et de celle des musiciens dans la société devra compléter cette synthèse en français, dont nous donnons un premier aperçu ici. Les sources disponibles sur la musique hittite, comme sur la musique antique en général, sont de trois types : archéologiques, textuelles5 et iconographiques. L’archéologie se révèle cependant vite limitée, puisque les matériaux d’origine organique ne sont habituellement pas conservés ; seuls les instruments en métal, à savoir uniquement des percussions, sont susceptibles d’être retrouvés archéologiquement. L’utilité des sources textuelles est liée aux thèmes abordés par celles-ci. Au IIe millénaire, les documents hittites ne traitant globalement que des domaines politiques ou religieux, et la musique n’apparaissant que dans les seconds (dans quelques centaines de textes), notre vision sera conditionnée par ce contexte et pourra donc difficilement aborder la question de la musique quotidienne ; de plus, ce type de textes ayant tendance à être recopiés sur de longues périodes, il est souvent difficile de dater précisément les scènes décrites et donc les instruments utilisés. Quant à la période néo-hittite du Ier millénaire, les inscriptions qui nous sont parvenues n’abordent jamais la question de la musique, et nous perdons donc cette source d’informations. Enfin, l’iconographie prend place principalement sur des décors de céramiques et des statuettes à l’époque impériale, d’une précision souvent limitée, mais gagnent en qualité au Ier millénaire à travers les orthostates des palais néohittites. Ainsi, un certain décalage apparaît entre la couverture chronologique des textes, exclusivement au IIe millénaire, et celle de l’iconographie, plus intéressante au Ier. Si les trois types de sources se complètent, il peut alors être périlleux de tenter des rapprochements trop poussés entre elles.

5 Aucune « partition » de musique hittite n’a été retrouvée à l’heure actuelle, bien que les plus anciennes connues, portant des hymnes hourrites et retrouvées à Ugarit, ainsi que la découverte de tablettes de théorie musicale babyloniennes, ne permettent pas d’écarter l’hypothèse de leur existence.

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À PROPOS DE LA MUSIQUE DES HITTITES

Les grandes périodisations que l’on peut dégager d’une sériation des sources iconographiques et archéologiques (les seules à couvrir toutes les époques, cf. fig. 1) permettent de dégager trois grandes périodes, correspondant aux trois grandes époques de la civilisation hittite : sa mise en place progressive encore non-historique au IIIe millénaire, l’époque impériale au IIe millénaire, et les royaumes néo-hittites aux premiers siècles du Ier. Nous ne connaissons que des sources archéologiques pour le IIIe millénaire, autrement dit uniquement des percussions : des sistres à décors plastiques semblant propres au monde hittite, de nombreuses petites cymbales dont on retrouve des équivalents sur des orthostates néoassyriennes du Ier millénaire, ainsi que des « étendards », plaques de bronze ouvragées portant des éléments mobiles, lesquelles étaient probablement placées au bout d’un bâton lors de processions, auquel cas ils pourraient correspondre à ce que les textes désignent sous le nom de GImukar (utilisés en présence du dieu de l’orage de Nérik en particulier). Notre connaissance du IIe millénaire est en grande partie tributaire des processions représentées sur les vases d’Inandık (XVIIe ou XVIe siècle) et d’Huseyindede (XVIe-XVe siècles) : des cymbales plus grandes font massivement leur apparition, plus quelques tambourins tardivement, et ce qui pourrait être (sans vraiment de certitude), un BALAG, à savoir une sorte de tambour géant, joué par deux hommes, parfaitement connu dans le monde mésopotamien6. Quelques harpes sont représentées ainsi que des luths, mais surtout de nombreuses lyres extrêmement décorées, en particulier sur le vase d’Inandık qui en montre un modèle géant. Les vents ne sont quasiment pas attestés. Les textes du IIe millénaire (fig. 2) nous décrivent souvent des ensembles comprenant semble-t-il trois niveaux d’importance : des instruments « solistes » (lyres notamment) sont accompagnés par une batterie de percussions, le tout entraînant du chant ou de la danse, qui apparaissent comme l’élément le plus important. Si la lyre, désignée par le terme GI DINANNA7, semble effectivement prééminente, les cymbales sont presque toujours associées aux tambourins (qui ne seraient alors pas représentés car moins prestigieux ?) ; quant aux vents, ils sont effectivement peu mentionnés. Enfin, le Ier millénaire montre certaines évolutions dans les instruments employés, alors que ce canevas organisationnel reste semblable (fig. 3). Le tambourin semble clairement prendre le pas sur les cymbales dans le registre des percussions, signe peut-être de la recherche d’une sonorité plus douce

6 7

DUMBRILL, The Archaeomusicology of the Ancient Near East, p. 370-373. SCHUOL, Hethitische Kultmusik, p. 97-102.

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(un tel mouvement, dans le sens inverse, s’observe entre les mondes minoen et mycénien8) ; d’autre part, le BALAG est cette fois-ci clairement attesté. Les lyres extrêmement décorées disparaissent, alors que l’on observe à la fois des lyres de forme plus simple mais présentant un enroulement des cordes sur la traverse extrêmement soigné, typique d’un jeu de qualité chez les grecs ; et des instruments à cordes très proches typologiquement des phorminx et kithara développées par les mycéniens à la fin du IIe millénaire et ensuite répandues dans le monde grec9. Alors que les luths semblent représentés dans des proportions comparables à celles du IIe millénaire, les vents sont un peu plus présents, en particulier l’aulos, connu des égyptiens mais surtout emblématique de la musique grecque ; parallèlement, des instruments dédiés aux sonneries (cors naturels) sont attestés, en particulier en duo avec le BALAG. Ainsi, l’instrumentarium hittite reste à toutes les époques très organisé, mettant en valeur le chant ou la danse qui constituent l’élément central des rituels. Cependant, tout en restant intégrés dans les logiques musicales des autres civilisations environnantes, les instruments hittites comportent plusieurs singularités, en particulier au IIIe millénaire, alors que ceux du Ier présentent plusieurs analogies avec les pratiques grecques. Cette évolution des instruments peut être complétée par l’étude des interactions entre la musique, les rituels dans lesquelles elle intervient, et les musiciens qui en sont à l’origine. On peut identifier à partir des textes dont nous disposons trois situations principales dans lesquelles peut intervenir la musique lors des rituels : le plus souvent, elle apparaît lorsque le roi se trouve seul devant le dieu, avec généralement une seule catégorie d’instrument qui varie probablement selon le dieu concerné. Lorsque le souverain se déplace d’un temple à l’autre dans la ville lors d’un rituel, l’orchestre se rassemble alors au complet pour l’accompagner, en se plaçant devant et derrière lui. Enfin, la musique est présente lors des sacrifices, permettant d’attirer l’attention du dieu10, et peut-être également de couvrir les cris de l’animal sacrifié. Il faut noter que l’entrée des musiciens est souvent commandée par le roi lui-même, et semble indispensable à la réalisation de certaines actions, élément symptomatique de son importance

8

YOUNGER, Music in the Aegean Bronze Age, p. 45. Ibid., p. 18-28. 10 MAZOYER, La vie cultuelle du dieu hittite Telipinu, p. 71. 9

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À PROPOS DE LA MUSIQUE DES HITTITES

au sein des rituels. Ces différents éléments peuvent être particulièrement bien appréhendés à travers les rituels de la fête d’automne de Telipinu, comme l’a indiqué Michel Mazoyer11, et il conviendra d’en mener une étude approfondie de ce point de vue. Par ailleurs, certains instruments semblent directement associés à des dieux, autant que la documentation puisse en rendre compte. La déesse Kubaba est ainsi associée à la lyre, ce qui peut se retrouver sur certaines représentations iconographiques. La lyre est apparemment nommée du nom de la déesse Inanna, ou Itar ; or, dans le sanctuaire de Yazılıkaya, ses servantes Ninatta et Kulitta, connues comme musiciennes12, tiennent des objets difficilement identifiables, dont l’un pourrait être un cor. Enfin, on trouve des mentions de « cor de la déesse Maliya »13 et de « luth du dieu » (probablement Tarualliya d’après le contexte)14 : un lien assez fort semble donc exister entre les instruments et les divinités. Enfin, certains instruments n’interviennent que dans des cultes bien précis d’après les documents connus : on ne connaît ainsi le GImukar que dans le cadre du culte du dieu de l’orage de Nérik, et l’aulos paraît étroitement associé à aameli et ulla. Dans une moindre mesure, Taurit ne semble réceptif qu’à la grande lyre, même si celle-ci est présente également dans d’autres cultes. Enfin, si la grande majorité de nos sources concernant la musique nous renvoient à des rituels, la musique peut également apparaître dans des domaines plus profanes : médecine puisque le joueur de GImukar est toujours un LÙA.ZU, soit un « guérisseur » ou un « médecin », mais également érotisme15 (il est d’ailleurs possible que la scène du vase d’Inandık représente un « mariage sacré » ayant lieu en musique sur le toit d’un temple). De même, outre le jeu avec des hochets en céramique pour le e 16 III millénaire et des mentions de musique peut-être récréative , le domaine militaire est sans surprise concerné : il existe des attestations de combats rituels réalisés en musique17, ainsi que de chants guerriers18. Quoique la musique soit essentiellement documentée dans un contexte religieux, elle semble donc apparaître dans la plupart des aspects de la vie hittite ; pour les

11

MAZOYER, « Le code oral dans la Fête d’automne de Télipinu », 67-81 ; ID., La vie cultuelle du dieu hittite Telipin, p. 71-72. 12 LEICK, A Dictionary of Ancient Near Eastern Mythology, p. 150. 13 KUB 35, 135 Rs. IV 15’. 14 KUB 55, 65 Rs. IV 5. 15 SCHUOL, Hethitische Kultmusik, p. 209. 16 Ibid., p. 208-209. 17 KBo 15, 52 + KUB 34, 116 Rs. V 2’-6’. 18 KUB 31, 4 + KBo 3, 40 + KBo 3, 41 Rs. 12’-15’.

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aspects les mieux assurés, elle occupe en tout cas une place particulièrement importante dans les grands rituels, étant jouée en présence du roi et sur son ordre lors des moments clés. Elle paraît également être reliée de différentes manières aux divinités, en tant que telle ou au travers des instruments. Il reste encore à caractériser les musiciens susceptibles de prendre part à l’exécution de cette musique, là encore dans la mesure où nos sources nous le permettent : dans un contexte rituel, il ne peut à l’évidence pas s’agir de musiciens médiocres mais de personnes un minimum sélectionnées pour leurs capacités19. Certains d’entre eux sont explicitement désignés, notamment les cymbaliers qui jouent également du tambourin (LÚarkamiyala)20, tout comme les joueurs de BALAG qui ne sont mentionnés qu’une fois. Il est probable qu’il s’agisse avant tout de personnes liées au culte, qui peuvent aussi bien jouer de leur instrument de prédilection que chanter, jouer du cor ou effectuer des combats rituels. Ainsi, le musicien ne semble pas attaché exclusivement à un instrument, même si d’après son nom il semble avoir une spécialité (on note également ceci pour les aulètes : LÚGI.GÍD21). De même, les attributions des chanteurs sont souvent vagues : les solistes, tous masculins, peuvent être désignés par deux termes (LÚGALA et LÚ alliyari), mais on rencontre également ceux-ci en groupes, voire jouant respectivement des percussions et des instruments à cordes22. On trouve d’autre part des musiciens, hommes ou femmes cette fois, chantant toujours en chorale, avec là encore différentes désignations et une polyvalence incluant le jeu d’instruments de musique, voire la danse. Comme pour les instrumentistes, il semble donc que les chanteurs soient avant tout à considérer comme un personnel religieux maîtrisant une certaine base commune en matière de musique, et simplement spécialisé dans un domaine. Certains personnages, comme le LÚNAR également connu en Mésopotamie23, ne peuvent même pas être rattachés à une spécialité donnée d’après les documents dont nous disposons. Compte tenu de cette observation d’une compétence dans un grand nombre de domaines liés à la musique, de l’extrême importance de leur rôle au sein des rituels, et du fait qu’il est nécessaire de posséder l’entraînement

19 20 21 22 23

MAZOYER, La vie cultuelle du dieu hittite Telipinu, p. 71-72. SCHUOL, Hethitische Kultmusik, p. 160-161. Ibid., p. 162. Ibid., p. 161-162. Ibid., p.163-172.

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À PROPOS DE LA MUSIQUE DES HITTITES

pour jouer correctement en ensemble (notamment pour les instruments comme le BALAG ou la grande lyre joués par deux personnes en même temps), il devient évident que ces musiciens suivaient une formation relativement longue, très certainement au sein des temples étant donné leur statut religieux. D’ailleurs, les gros instruments, parfois très décorés, ne pouvaient sans doute être acquis que par des structures disposant de fonds importants. Ce niveau élevé des musiciens et le rôle crucial de la musique dans les rituels implique que leurs interventions se devaient d’être parfaites : ainsi, le fait d’échouer dans une prestation est associé à un hurkel, un « crime abominable », théoriquement passible de mort. De ces différentes observations, on peut déduire que les musiciens hittites, particulièrement compétents et bien formés, ne devaient rien avoir à envier à ceux des civilisations voisines. Leurs performances semblent effectivement reconnues : ainsi, des musiciennes hittites sont présentes dans les harems assyriens et mentionnées dans des traités internationaux comme cadeaux diplomatiques, notamment au IXe siècle24. On pourrait peut-être trouver une trace de cela dans une représentation de musiciens jouant d’une lyre géante ressemblant à la grande lyre hittite dans l’Égypte de la période d’Amarna, au e 25 XIV siècle . Ainsi, ces hommes et femmes, ayant un statut religieux et formés de manière poussée dans les temples, peuvent être en quelque sorte considérés comme des artistes « complets », susceptibles de mettre toute une gamme de savoirs au service des divinités quoique ayant peut-être chacun une spécialité. Manifestement, ils réussissaient suffisamment bien cette synthèse pour être réputés au moins jusqu’en Assyrie, et être demandés à la cour de souverains étrangers de puissance bien supérieure à celle des royaumes néo-hittites. La musique de la civilisation hittite s’intègre finalement assez bien dans l’univers musical qui l’entoure, notamment de part les civilisations mésopotamiennes et égéennes contemporaines : les instruments et la conception de la musique (autant que l’on puisse en juger) sont globalement les mêmes, et la place de la musique et des musiciens, proches des dieux et extrêmement importants dans les rituels, n’est pas fondamentalement très différente. Toutefois, il ne s’agit pas ici d’une simple copie de ce que les peuples mésopotamiens ont pu mettre en place, mais bien d’un monde musical propre. Ainsi, les instruments anatoliens du IIIe millénaire, notamment les sistres, sont parfaitement différenciables de ceux des autres 24

MACHABEY, « La musique des Hittites », p. 10. Ces musiciens, s’ils sont probablement étrangers, sont peut-être plutôt mitanniens que hittites : cet élément est donc à prendre avec prudence ; MANNICHE, « Musical Practices at the Court of Akhnaten and Nefertiti », p. 234. 25

81

C. LACHEZE

civilisations, les instruments de l’époque impériale peuvent se présenter sous des formes quasi inconnues par ailleurs (la lyre géante notamment), et les formes du Ier millénaire, si elles restent conceptuellement dans la lignée de celles du IIe millénaire, n’en évoluent pas moins en présentant des similarités troublantes avec les réalisations mycéniennes puis grecques, sans qu’il soit possible, du moins pour l’instant, de se prononcer plus avant sur les éventuelles relations entre les deux côtés de la mer Égée, de ce point de vue. De même, l’interaction entre la musique et le monde des divinités semble extrême chez les Hittites, ce qui en fait un art pris particulièrement au sérieux et dans lequel la médiocrité n’aurait pu être tolérée. Le statut des musiciens, formés directement dans les temples et reconnus sur la scène internationale, en est ainsi un éclatant exemple.

BIBLIOGRAPHIE BADALÌ, Enrico, Strumenti musicali, musici e musica nella celebrazione delle feste ittite, C. Winter, Heidelberg, 1991. DUMBRILL, Richard J., The Archaeomusicology of the Ancient Near East, Trafford Publishing, Victoria, 2005. HENNIGK, Heinrich J., Kurzer Grundriß der Geschichte der Musik bei den Völkern des Alterthums, Dresden, 1837. LEICK, Gwendolyn, A Dictionary of Ancient Near Eastern Mythology, Routledge, Londres, 1988. MACHABEY, Armand, « La musique des Hittites », Revue de musicologie, 23 (1944), p. 1-11. MANNICHE, Luise, « Musical Practices at the Court of Akhnaten and Nefertiti », OrientArchäologie 7 (2000), p. 233-238. MAZOYER, Michel, La vie cultuelle du dieu hittite Telipinu, L’Harmattan, Paris, 2011, 222 p. ———, « Le code oral dans la Fête d’automne de Télipinu », IVe Colloque international d’Anthropologie du monde indo-européen et de mythologie comparée, Paris, ENS, 2002, Actes du Colloque, Ollodagos XVIII, 2003, p. 67-81. SCHUOL, Monika, Hethitische Kultmusik, Deutsches Archäologisches Institut, Rahden, 2004. YOUNGER, John G., Music in the Aegean Bronze Age, Jonsered, Paul Åströms Förlag, 1998.

82

À PROPOS DE LA MUSIQUE DES HITTITES

Naturels

A trous

Syrinx

Luths

Vents Egéennes

Décorées

Simples

Cordes Lyres Harpe

94

Autres

> XXe XXe XIXe XVIIIe XVIIe XVIe XVe XIVe XIIIe XIIe XIe Xe IXe VIIIe VIIe VIe

Tambours

Siècles

Métal

Percussions

45

1 6 8 1

1

3

1 2 1 1

2 1 1

1 2 7 1

6 1

1 5

2 2

2 1 5

4 2

1

1 4

1 1

1

1

Total

139 0 0 1 1 14 21 4 1 5 0 0 11 20 1 2

1

3

1 8 2

3

7

Total

Cor

1 1 11 6

Aulos

1

Luth

2

Grande lyre

8 5

2 2 8 3

Petite lyre

5 4

Lyre

3

Harpe

1

BALAG

Tambourin

mukar 2 4

Cymbales

1 2 3 4

GI

Périodes

Fig. 1. Sériation simplifiée des sources archéologiques et iconographiques.

9 (5) 5 (4) 57 (54) 23 (14)

Fig. 2. Sériation des sources textuelles. Les périodes correspondent aux différentes phases chronologiques des textes hittites, à savoir ancien (1), moyen (2), récent (3) et tardif (4). La colonne « total » indique le nombre d'instruments documentés pour chaque période, et, entre parenthèses, le nombre de textes disponibles pour la période.

83

C. LACHEZE

Fig. 3. Orthostate néo-hittite. Karatepe, VIIIe siècle. (Dessin Claudine Lacheze.)

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À PROPOS DE LA CIVILISATION HITTITE

2. CROYANCES ET IDÉOLOGIE

De Hattua à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2013, p. 87-91. ————————————————————————————————————————

À PROPOS DES CHANTEUSES SACRÉES À L’ÉPOQUE HITTITE

Shihong DAI Université de Paris I Sorbonne

Il existe à l’époque hittite plusieurs catégories de chanteuses. Nous voudrions nous arrêter quelques instants sur une de ces catégories que les textes désignent communément par le terme MUNUS.KI.SIKIL. Le terme utilisé semble en relation avec l’âge des personnes qui le portent. On a souvent pensé qu’il faisait référence à la jeunesse des personnes désignées et on traduisait le terme littéralement par « jeune fille, vierge »1. Mais on sait que les Hittites ont utilisé des sumérogrammes en relation avec l’âge pour désigner des fonctions sociales et religieuses sans lien avec l’âge effectif de la personne désignée. Ainsi le terme MUNUS.U.GI littéralement la « vieille » désigne en fait une « magicienne » ; il s’agit sans doute d’une personne dotée d’une grande expérience dans l’art de la magie, sans qu’on établisse une relation avec son âge réel. DUMUS.LUGAL littéralement le « fils du palais » peut désigner le fils de sang du Grand Roi, mais aussi représenter simplement la désignation officielle d’un personnage important de la cour royale2. Dès lors la traduction de MUNUS.KI.SIKIL littéralement « la jeune fille » peut désigner une fonction sociale ou religieuse3.

1

NEU et RÜSTER, Hethitische Keilschrift-Paläographie II, p. 247-248. Pour DUMU.LUGAL, voir notamment LAROCHE, Annuaire du Collège de France, 1977 ; IMPARATI, « DUMU.LUGAL » ; MAZOYER, « L’exercice du pouvoir dans la ville de Hanhana ». 3 PECCHIOLI DADDI, Mestieri, professioni e dignita nell’Anatolia ittita, p. 418-419. 2

S. DAI

De fait on constate que les activités des MUNUS.KI SIKIL peuvent se dérouler dans le bâtiment arzana « auberge »4. Or l’arzana semble être parfois être destiné au culte, un endroit où on se livre à la prostitution sacrée. Selon le texte IBoT I 29 le prince s’assied et mange avec des « jeunes filles » (MUNUS.KI.SIKIL). Plus tard dans la même nuit les prêtres le purifient, le font coucher, placent autour de lui du pain et versent de la bière en cercle. Quand il est prêt, on amène des « jeunes filles » (MUNUS. KI.SIKIL). Il se livre alors à des activités sexuelles. Le texte a une signification religieuse. Il décrit un rituel visant à redonner sa virilité au prince et à assurer une descendance à la lignée royale. Cette fête a été interprétée comme une fête d’initiation sexuelle5. Dans la Fête d’automne de Télipinu, le Prince royal se rend dans une auberge et pourrait accomplir des rites sexuels destinés à conforter sa virilité. Selon H. A Hoffner6, qui a étudié les textes se déroulant dans l’arzana, toutes les femmes mentionnées dans l’arzana sont des prostituées ; les MUNUS.KI.SIKIL seraient donc des prostituées au même titre que les MUNUS.KAR.DIG. Or il apparaît que les MUNUS.KI.SIKIL sont mentionnées comme des chanteuses dans d’autres rituels. Il s’agit de chanteuses sacrées. Ainsi dans la Fête d’automne de Télipinu les MUNUS.KI.SIKIL jouent un rôle non négligeable7. Texte 1 Le quatrième jour Ro VIII No I Ils placent la statue du dieu dans le char ; son prêtre se tient debout avec son [co]mpagnon et tient la statue à sa place. Les objets cultuels du dieu et [les dieux] ils les tiennent en arrière. Le tambour (?) et les cymbales (?) devant le

4 Le terme est ambigu. Pour nous il s’agit d’établissement où on pratiquait à l’époque ancienne la prostitution sacrée. Ces établissements par la suite sont devenus de simples auberges où on se livrait à la prostitution. 5 GÜTERBOCK, « An Initiation Rite for Hittite Prince ». 6 HOFFNER, « The arzana House ». Voir MAZOYER, « L’auberge au cœur de la vie cultuelle chez les Hittites ». 7 Le sens général de la Fête d’automne de Télipinu et les traductions sont empruntés à MAZOYER, art. cité.

88

À PROPOS DES CHANTEUSES SACRÉES À L’ÉPOQUE HITITE

dieu on frappe. Les « jeunes filles » (MUNUS.KI.SIKIL) chantent derrière (le dieu). Devant le dieu les hommes, 3 (?) bœuf[s], [des moutons] se trouvent, et de même que les taureaux les p[ieds] on répand. De même on fait [ ], on place. Et 9 (moutons) d’un an, les hunepis[sa, les prêt[res chan]teurs devant le dieu courent. [On] pla[ce] le hunepissa. Pendant qu’on ramène le dieu.

Les « jeunes filles » sont placées à l’arrière du dieu, associées aux objets cultuels et séparées des autres personnages placés lui et les animaux de sacrifices. On note la présence des prêtres « coureurs ». Le cinquième jour no 6 Vo V Elles chantent derrière le dieu placé dans un char. Texte 2 Les « jeunes filles de Kasha » montent sur le toit du temple et chantent. Et seules elles adressent des chants au dieu Télipinu, le matin. Comme dans la fête de l’arzana, le rituel est associé au repas du Prince. Le fait qu’un banquet soit associé aux chants des jeunes filles, l’emplacement des chanteuses situées sur le toit du temple souligne l’existence d’un rituel. Le 5e jour No 6, Vo V 9-13 Le prince, quatre prêtres de Ka a la prêtresse (de) Ammamma (et) le Seigneur de la maison de anhana à la porte, (chacun) dans son manteau, avec une pelle, avec une pioche en argent, de la glaise ils versent et dans le temple, sur le toit, en haut neuf fois. Ils emportent. (Pour) le toit de Télipinu ils prennent la glaise. Les jeunes filles de Ka a (MUNUS.KI.SIKIL) se tiennent sur le toit et le ma[tin] elles chantent. Ce qui à eux/à elles [ ] Quand elles ont fini, le prince devant le dieu (s’assied) pour manger. L’assemblée [appelée] par son nom [s’assied également.

Le rituel exécuté sur le toit par les MUNUS.KI.SIKIL fait suite à la restauration du toit du temple par les officiels (le Prince, quatre prêtres de Kasha, la prêtresse de Ammamma, le Seigneur de Hanhana). On retrouve dans la Fête d’automne de Télipinu le contexte de la Fête de hassuma, la présence des MUNUS.KI.SIKIL, le repas sacré pris en compagnie du Prince. Cependant dans la Fête de Télipinu, l’emplacement est différent, les activités des « jeunes filles » concernent le dieu Télipinu et non pas le Prince, même 89

S. DAI

si ce dernier est associé au banquet sacré, qui suit l’intervention des « jeunes filles ». On rapprochera cette scène de la Fête d’autommne de Télipinu des deux bandeaux supérieurs du vase d’Inandik. Ceux-ci évoquent un rituel se déroulant sur le toit d’un temple en présence des musiciens et d’acrobates qui accompagnent l’union mystique réunissant sans doute une divinité et une prostituée. La scène se déroule sur le toit d’un temple. On voit à la fois les éléments communs et les différences avec la scène évoquée dans La Fête d’automne de Télipinu. Dans les deux cas, le rituel se déroule sur le toit d’un temple. La musique joue un rôle prépondérant. Sur le vase d’Inandik on évoque deux scènes. Au niveau supérieur la scène d’union proprement dite ; au niveau inférieur le lit de mariage, promesse d’une union à venir et la scène du toit mentionnée dans La Fête d’automne. La partie supérieure semble représenter la réalisation de la scène inférieure, évoquée dans la Fête d’automne (chants sur le toit). Les personnages représentés sont au nombre de trois, nombre magique lié à la fécondité. On peut voir dans les personnages représentés sur le toit du temple des chanteuses et une femme se livrant à un accouplement. Le vase d’Inandik datant de la même époque que La Fête d’automne de Télipinu, peut constituer une illustration de cette fête.

On retrouve dans la Fête d’automne de Télipinu le contexte de la Fête de hassuma, avec la présence des MUNUS.KI.SIKIL, du repas sacré et du Prince. Les activités des jeunes filles concernent le dieu Télipinu et non pas le Prince, même si ce dernier est associé au rituel au cours du banquet. Comme dans le texte n° 1 de la Fête d’automne de Télipinu leurs chants sont adressés au dieu. Connaissant le rôle qu’elles jouent dans les rituels exécutés dans l’arzana, la présence des « jeunes filles » rappelle la scène du vase

90

À PROPOS DES CHANTEUSES SACRÉES À L’ÉPOQUE HITITE

d’Inandik qui annonce une union mystique avec le dieu Télipinu8. Les « jeunes filles » ici présentes sont associées à la ville de Kasha. Le toponyme ne semble pas indiquer leur origine, mais laisse supposer l’existence d’un collège de chanteuses sacrées dans cette ville. La cérémonie a but de provoquer le retour du dieu et la régénérescence du royaume. Aussi peut-on penser que les « jeunes filles » étaient honorées et considérées comme sacrées. Elles sont à la fois les épouses humaines du dieu et du prince. Une communauté qui souligne bien l’ambiguïté du roi hittite, intermédiaire entre les dieux et les hommes.

CONCLUSION Il résulte de l’examen de ces quelques textes que les MUNUS.KI.SIKIL, qui sont des « chanteuses sacrées » peuvent remplir les fonctions de prostituées sacrées. L’examen de la Fête de hassuma, d’un passage de la Fête d’automne de Télipinu et de certaines scènes représentées sur le vase d’Inandik permet de relever des éléments communs qui entrent dans le cadre de rituels destinés à régénérer le royaume.

BIBLIOGRAPHIE PECCHIOLI DADDI, Franca, Mestieri, professioni e dignita nell’Anatolia ittita (Incunabula Graeca LXXIX), Rome, 1982, p. 418-419. GÜTERBOCK, Hans-Gustav, « An Initiation Rite for Hittite Prince », dans D. Sinor (éd.), American Oriental Society Middle West Branch Semi-Centennial Volume, 1970, p. 99-103. HOFFNER, Harry A., « The arzana House », dans K. Bittel, Ph. H. J. Houwink ten Cate, & E. Reiner (éd.), Studies Presented to H. G. Güterbock, Istambul, 1973, p. 113-121. IMPARATI, Fiorella, « DUMU.LUGAL », Orientalia, commentarii Periodici Pontificii Instituti Biblici, nova serie (OrNS) XLIV (1975), p. 80-95. LAROCHE, Emmanuel, Annuaire du Collège de France (1977), p. 518-519. MAZOYER, Michel, « L’exercice du pouvoir dans la ville de Hanhana », dans Panthéons locaux de l’Asie Mineure orientale, mai 2000 (Hethitica XV), Peeters, Louvain, 2003, p. 183-194. ———, « L’auberge au cœur de la vie cultuelle chez les Hittites », dans S.H. Aufrère et M. Mazoyer (éd.), Le Banquet à travers les âges (coll. Kubaba), L’Harmattan, Paris, 2011, p. 207-212. ———, La vie cultuelle de Télipinu (coll. Kubaba, série Antiquité), L’Harmattan, Paris, 2011. NEU, Erich, et RÜSTER, Christel, Hethitische Keilschrift-Paläographie II (StBoT 21), Wiesbaden, 1975. 8

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Museum_of_Anatolian_

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De Hattua à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2013, p. 93-103. ————————————————————————————————————————

THE TOWN OF ZITHARA Magdalena KAPEU

University of Warsaw

Among different Hittite towns which have been the subject of larger or shorter studies, Zithara has not yet attracted the attention of scholars. The town is mentioned in the texts dating from the Middle Hittite period till the end of the Hittite cuneiform sources from Hattusa. The etymology of the name is still unknown. It could, however, be noted that the graphic form Zi-it-ha-ra remains unchanged during both Middle Hittite and New Hittite periods. Geographical and historical remarks According to the data gathered in RGTC the town was situated probably inside the Halys bend, not far away from Hattusa.1 The indication given by Mursili II in the Deeds of Suppiluliuma places Zithara somewhere on the way from the Upper Land to the Hittite capital. According to this text the grandfather of Mursili II, Tuthaliya III entered Zithara going from the Upper Land to meet his army.2 The town should be therefore localised at the border or nearby the territory occupied by the enemy and could have been just regained by the Hittites at the time of Tuthaliya III. Thus it was situated to the region north or northeast of Hattusa. The closer geographical position in relation to some other cities can be deduced from several inventory lists dated to the New Hittite time. An inventory of goods destined for zawalli of Mursili (cf. below) mentions supplies which are brought to Zithara from palaces of the following towns, presumably not very distant: Kasaya, Sulupasiya, Kuwarna, Hanhana and 1 2

RGTC, 513–514. KBo 14.3 iii 12’ 26’. GÜTERBOCK, The Deeds of Suppilulliuma, 67.

M. KAPEU

Katapa (from the last one the governor himself was responsible for the delivery).3 The neighbourhood of the region of Hanhana (cf. Zithara A Hanhana) can be concluded from KBo 23.26 + KBo 16.83.4 In this inventory-delivery list also other northern towns, as Kastama, Katapa and Tummana are present. In another list,5 the images of divinities from Zithara are enumerated at the beginning of one paragraph with (its?) tells/ruins as well as three other cities Taskuriya, Wastissa and Zillimuna. The list of divinities given by Muwatallis II in his prayer to the assembly of gods seems not to follow the geographical order. Although he places the divinities from Zithara just after those of Zipplanda and followed by the gods from Urauna, we are not allowed to situate Zithara geographically on the way between these two cities.6 The rulers of the Imperial period sometimes spent the winter with their army out of Hattusa, often in Katapa or Ankuwa.7 Zithara was also taken into consideration as one of the convenient places for wintering but the respective oracle taken for this town was not favourable.8 The king Tudhaliya III, however, spends the winter in Zithara, since the itkalzi ritual was performed there for him as stated in the colophon: “Tenth tablet. Finished. The purification ritual, we extract it from the mouth of His Majesty during the harvest time in Zithara.”9 Thus the existence of a king’s residence (a palace) should be assumed there at least in the early Empire period.10 Religious life Several texts mention temples in Zithara. A temple without a relation to a specific divinity is referred to in the oracle KBo 23.114 obv.? 7, 12 according to which some deities from this town were ascertained to be culprits for the king’s illness. Also the fourteen statues, according to the 3

KBo 13.234 +. The context in KBo 23.26 + KBo 16.83 (CTH 242) ii 3 would not necessarily presume the existence of a second Zithara. MASCHERONI, Un'interpretazione dell'inventario KBo XVI 83 + XXIII 26, 353–371; SIEGELOVÁ, Hethitische Verwaltungspraxis, 259–260. 5 HT 4 (CTH 237) 8’–13’, HAZENBOS, The Organization of the Anatolian Local Cults During the Thirteenth Century B.C., 107–109. 6 Contra RGTC 514. 7 CRASSO, Ankuwa in Hittite Written Sources, 148–149 and n. 19. 8 KUB 5.3 + KUB 18.52 (CTH 563) iv 13’–15’. BEAL, Gleanings from Hittite Oracle Questions, 29–31 translates: Zitharama (!). BEAL, Assuring the Safety, 211. 9 KUB 29.8 (CTH 777) iv 38. 10 RGTC, p. 514. 4

94

THE TOWN OF ZITHARA

inventory HT 4, which were carried to Zithara were presumably destined to be displayed in some cult place.11 The festivals in general (EZEN4ME) to be performed by the king in Zithara are specified already in the large Middle Hittite fragment of the oracle.12 Further texts mentioning the festivals in Zithara come from the New Hittite period. In the small fragment of a prayer a “festival of the army” (EZEN4 KARA-ya-at-) in Zithara is referred to. For this purpose some utensils inlaid with gold for the “god, my lord” (DINGIR EN-YA) are prepared.13 There are not many divinities related to the town. As one of significant names we can remind Zithariya14 belonging to the group of holy fleeces (KUkursa) (beside Kantipuitti and Kappariyamu) known by their proper name. It is noteworthy that Zithariya could be in fact the only divinity (and not only among the holy fleeces), whose name is etymologically related to the name of a town. Zithariya had also its place in the “house of fleeces” on Büyükkale in Hattusa. Although Mursili II considered this deity to be venerated in Hat/lenzuwa,15 Muwatalli II in his prayer for the assembly of gods listed Zithariya as the main deity of Zithara. He enumerated the deities from Zithara in a separate paragraph. Zithariya, who occupies the first position, is followed by the local Storm-god (Teshub) of the Camp characterised as a son of the Storm-god, then the Tutelary Deity of kursa, and finally the Mountains and the Rivers of Zithara. These deities occupied a rather high position, since they are enumerated immediately after the gods of Arinna, Samuha (with Tiwa), Katapa, Hattusa (with Sahpina) and Zippalanda. The gods of Zithara are followed by those from Urauna, Kummani, Sanahuitta, Kastama, Takupsa, Sarissa and many others.16 Apart from Zithariya, Zithara, as many towns, had a goddess called Queen (MUNUS.LUGAL) who received the regular cult in this town. In a fragment of inventory for Queen-goddesses of different cities dated in the late period, regular deliveries were ordered and two festivals in honour of this deity were established. Those two festivals were to be performed during 11

HT 4 (CTH 237) 8’–13’, HAZENBOS, The Organization of the Anatolian Local Cults, 107–

109. 12

KBo 16.97 (CTH 571) rev. 46–48. The town is also mentioned in obv. 9 of the same text. Cf. DE MARTINO, Personaggi, 40; SCHUOL, Die Terminologie des hethitischen SU-Orakels, 105. 13 VS NF 12.103 x+1–6’; D. GRODDEK, Fragmenta Hethitica dispersa XIII, 147. 14 Cf. MCMAHON, The Hittite State Cult of the Tutelary Deities, 19–23. 15 AM 162–165; during his 22? year’s campaign, he went to Hat/lenzuwa after the conquest of Tapapanuwa. 16 KUB 6.45 (CTH 381) i 59–60 = KUB 6.46 ii 24–25; SINGER, Hittite Prayers, 85–95, esp. 88.

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M. KAPEU

the spring and autumn period, as usual for such divinities. Beside the Queen the presence of the god Pallanula is to be noted who had also his own temple in Hattusa17 and has been worshiped on the 11th day of AN.TAH.UMfestival.18 KUB 42.105 + KUB 54.45 (CTH 525) ii 15’ (-)]ap?-[ ] 3 URUDIDLI.HI.A a-ni-ya-an 16’ ] na- u-u-wa-ta 17’ -]a 2 EZEN4ME dMUNUS. LUGAL URU Zi-it- a-ra 18’ ]x dPal-la-nu-l[a iv 12’ 13’ 14’ 15’ 16’ 17’ 18’ URU Zi-it- a-ra

URU

Zi-it- ]a-ra A-NA EZEN4 e-na- A]R-ZA-AN-NU 1 wa-ak-ur GA -]x-an-na SUM-kán-zi -]di-ni 1 UP-NU AR-ZA-AN-NU ]URUTu-ma-an-na SUM-kán-zi UP-]NU AR-ZA-AN-NU -] ya -ni A-NA dMUNUS.LUGAL

ii “Three towns ...[ …] there was concern.[...]...two festivals for the Queen of Zithara [ ] god Palanul[a ]” iv “Zith]ara, for the autumn-festival. [… A]RZANNU, one waksur of milk […] … they bring. […] …one UPNU of ARZANNU. […] … the town of Tumanna they bring. […UP]NU of ARZANNU […] for the Queen of Zithara.” The simple circle of the local Sun-goddess of Zithara, including four deities: the Sun-goddess herself, Tappinu, Zintuhisu and the Tutelary Deity is venerated during the festival lead by BELU—probably some local functionary. It is described shortly on the damaged reverse of the tablet concerning the festivals related to Zippalanda.19 The sacrificial round for

17 18 19

KBo 43.61+KUB 22.40, GRODDEK, Fragmenta Hethitica dispersa XIII, 78. An outline-tablet VS NF 12,1 obv. 12. KBo 45.61 (CTH 635) rev. V 1–9, ROSZKOWSKA-MUTSCHLER, Hethitische Texte, 82–83.

96

THE TOWN OF ZITHARA

those four deities comprises the music of the lyre (small Inanna instrument) as well as usual actions of palwatalla and kita-functionaries. During the imperial period in Zithara were preserved and worshipped the zawallis of the members of the royal family. The concept of zawalli, already touched upon by A. Archi in 1979 which he translates correctly as “spirit, deceased”,20 can also be considered in some contexts as signifying the “representation of a deceased ancestor.” There are some allusions to these divinities in connection with Zithara, especially in omen-texts. In an inventory tablet found in Hattusa in the area of the Haus am Hang’s rubble, the name of Zithara is written on the left edge. The list concerns exclusively the zawalli of Mursili (most probably that of Mursili II). The detailed prescriptions prove its importance for the royal family. The rich supplies were brought from several palaces of cities presumably not very distant. The autumn-festival (zeni) and the lala[tta-festival were performed.21 It could be presumed that zawalli of Mursili was kept in one of the temples or even had its own in Zithara where all those numerous goods had to be gathered. There is no evidence to prove that the place of preservation of zawalli could be identified with the place of burial of a specific individual. Most probably only a place of worship existed there, dedicated to him as well as to others particular ancestors of the royal family. The large oracle investigation (KUB 5.6+) made at the time of co-regency of Hattusili III and his son Tuthaliya IV concerned the health of the king. Many deities from various towns from all across the empire and from abroad were suspected to be responsible for the sickness. Among all those deities, the Zitharaean zawallis of the members of the royal family were suspected to be angry with His Majesty: the zawalli of Urhi-Teshub and the one of Danuheba besides the zawalli of the “Mother of His Majesty.”22 It was discovered that the festival of sixth year should have been performed for the zawalli of Urhi-Teshub, but because it was neglected in the first and the second year the divinity became angry.23 A place in which those zawallis representations were preserved seems to be situated in the town. It is not to be excluded that the same temple which dammara-women were supposed to 20

ARCHI, Il dio Zawalli, 81–94. KBo 13.234+. 22 It is not certain whether Danuheba could be here the « Mother of His Majesty », but the fact that her case is treated together with that of Urhi-Teshub could prove a close familial relation of both individuals (ex. mother and son). These two zawallis are investigated also in KUB 16.16 –VAN DEN HOUT, Purity, 139–145. Cf. SINGER, Danu epa and Kurunta. 23 KBo 23.114 (CTH 570) obv. 25–28. VAN DEN HOUT, Purity, 146–151; ARCHI, Il dio Zawalli, 84–86; BEAL, Gleanings, 25 and n. 61. 21

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purify for reconciling an angry zawalli, was in Zithara as well.24 It was important that the relations with all royal ancestors from all branches of the family were correct in order to maintain the health and prosperity of the descendants, especially the king and the crown prince. Apart from the regular cult, some rituals were performed in Zithara. Already in the time of Tuthaliya III the itkalzi purification ritual was performed for this king and his wife Daduheba. It is not to be excluded that when the king arrived from Upper Land to meet his army he was ill and spent the winter in Zithara. A middle Hittite fragment of itkalzi-ritual is one of the oldest attestations of this performance.25 At that time the king would have been supposed to perform there a festival as indicated in KBo 16. 97 obv. 46-47. In the imperial period the queen went from Hattusa to Zithara especially for performing rituals for the family ancestors. The oracle KUB 31.77 shows that she practiced there an incubation dream in which her father appeared “as he was still alive” and gave her an enigmatic message which is not completely clear, partially because of lacunas. The ritual of the mourning (SISKUR ishahruwas) was performed on this occasion with the participation of the queen.26 It can be presumed that the queen in question was Puduheba, well known for her familiarity with dreams and prayers. It would be interesting to know whether it was her natural father Bentipsarri or perhaps rather her father-in-law, Hattusili’s father. If it was the latter, it would be then an additional evidence for the existence of the place of cult of Mursili’s zawalli in Zithara. Oracles Zithara was the place related to the royal family ancestors who were often suspected to be responsible for His Majesty’s pains. The oldest attestation of Zithara in the oracle texts seems to be a small Middle Hittite(?) bird-oracle KBo 41.181 (CTH 573) related to the city of Nerik.27 More oracles come from the New Hittite period. In the text from the time of co-regency of 24

KUB 5.6 ii 45–47. KUB 29.8 (CTH 777) iv 38. There are also two fragments of this ritual from the New Hittite period : KBo 21.43 (CTH 777) iv 3’; KBo 21.44 (CTH 777) rev. 8’. The tablet KBo 21.43 was fourth of the description of this ritual and of 22nd among tablets brought from Sapinuwa: V. HAAS, ChS I/1, 78–79. 26 KUB 31.77 (CTH 584) ; MOUTON, Rêves hittites, 267–270. 27 KBo 41.181 rev. 12’, 14’. 25

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Hattusili III and his son, all deities from Zithara were suspected of causing His Majesty’s illness and the investigations were performed in order to establish which of them could have been the culprit: KUB 5.6 ii 38’ DUTUI ku-it GIG-an-za pa-ra-a ta-ma-a-ta na-an x x[ 39’ pa-ra-a ta-ma-a-ki-iz-zi nu SIxSÁ-at na-a GAM a- ri -x[ -l]i-i 40’ nu-kán I-NA URUZi-it- a-ra ma-i-i-e-e DINGIRME À x[ ]u-u-ma-an-du-u-pát 41’ SIxSÁ-an-ta-at Because the illness oppressed His Majesty, [...]...still oppresses [...] him. It was stated by oracle. He came down [...] How many deities in Zithara in ...[…] all of them were stated by oracle. And especially zawallis: KUB 5.6 ii 45’ DZa-wa-al-li-i-i ku-it A URUZi-it- a-ra A-NA GIG! DUTUI e-er TUKU.TUKU-at-ti SIxSÁ-at 46’ nu-kán MUNUS.MEdam-ma-ra-an-za I-NA URUZi-it- a-ra pa-ra-a ne-an-zi 47’ nu pa-a-an-zi EMEME EGIR-pa a-ni-ya-an-zi É DINIGIRLÌ-ya pár-ku-nu-wa-an-zi.28 Since it was stated by the oracle that the zawalli of the town of Zithara is angry with His Majesty, they send the dammaranza-women to Zithara. They (should) go (and) they should undo the curses (languages) and purify the temple.

After the dammara-women purified in Zithara the temple, the new possibility was to be examined, the case related to His Majesty and certain D Tarawa.29 In this case the matter of the moving of the deity (sara uda-) and the rituals for some gods (KUB 5.6 ii 50-52) are foreseen.

28 29

SOMMER, Die A ijav -Urkunden, 280–283 ; ARCHI, Il dio Zawalli, 88–89. The lecture « DTarawa » seems more probable than « Antarawa ».

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48’ za-an-ki-la-tar

HI.A

-ya ku-e A DUTUI A

mD

Ta-ra-wa[-y]a SIxSÁ-

at 49’ na-at pí-an-zi al-lu-wa-ir-ra ku-i-e-e na-a PA-NI DINGIRLÌ a?ri? 50’ ku-it-ma-an-ma a-pú-u-u I-NA URUZi-it- a-ra DUTUI-ma ka-a x[ 51’ I-NA UD 3KAM a-a-li-i-kat-ta-ri nam-ma-kán DINGIRLU4 a-ra-a ú-da-an-[z]i 52’ nu A-NA DINGIRME Ù A-NA DUTUI a-ni-ú-ur GIM-an na-at QATAM-MA a-ni-[ya]-an-zi 53’ nam-ma DUTUI a-ak-nu-wa-an-ta-a A-NA GIBANUR pár-kuwa-ya-a-a[ 54’ A-NA GIBANURHI.A EGIR-an i-in-ik-zi DUTUI-ma-kán 55’ URUKÙ.BABBAR-a i-wa-ar ar- a-ya-an a-pa-i-la i-ip-pa-an-ti KI.MIN nu SUME SIG5-ru 56’ ni si zi GAR-ri 10 TE-RA-A-NU SIG5 They gave the compensations of His Majesty and of DTarawa, which were stated by the oracle. And those who were angry, came before the god. But as long as those (are not) in Zithara, but His Majesty this ... [...] On the third day they bow, then they take up the god and as for the gods and for His Majesty, they perform the ritual in the same manner. Then His Majesty bows in front of the impure table and in front of the pure table. But His Majesty himself makes an offering in Hattusian way separately. Let the exta be favorable, ni si zi lies, 10 coils are favorable.

The case of His Majesty and DTarawa in relation with Zithara is further treated in the oracle KUB 22.8 (CTH 582). The text KUB 5.6 states further : 70’ nu DINGIRLU4 a-ku-wa-a-ar-ra-an A-NA EN-U EGIR-pa pí-ie-er (ras.) DINGIRLU4-ma-kán 71’ ku-i ar-ha ar-ru-ma-[an-z]i SIxSÁ-at na-a I-NA URUZi-it- a-ra 72’ pé-e-du-ma-an-z[i30 -a]-i (ras.) É À-a LÚ a-an-ta-an-tiya-li-kán 73’ -]ya-al-li ku-e-da-ni EGIR-an nu-u-i a-a-a-x

30

ARCHI, Il dio Zawalli, 88–89 ll. 65–72 transliterates till this word.

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They gave back the image of the god, to his Lord. But the god who was stated by the oracle for the dividing, to bring [...] it to Zithara. The inner room to him […] the craftsman [...] behind this. To him …

We can presume that installing the new hypostasis of a divinity in Zithara in the inner chamber of a building, together with its equipment had to be made properly. There should have been some misdeeds in this matter and that is why the divinity was angry. The town of Zithara is also mentioned with the town of Marassantiya in an oracle fragment concerning the investigation in regard to His Majesty’s illness.31 Another or the same zawalli from Zithara is mentioned in a prophetic text as one of the potential culprits of the king’s illness. Although this deity is not mentioned by the name, it should be one of the zawallis venerated in this city discussed just above. The method of appeasement of the angry god was clearly defined and executed. The culprit of the royal sickness could have been the zawalli from Zithara or that from Urikina. If it was none of them separately, the prophecy took into consideration the possibility that those both zawallis were guilty.32 The text KUB 15.28 + IBoT 3.12533 (CTH 590) informs of an auli of the king which perhaps was sick and became healthy in Zithara. The queen (most probably Puduheba) made a vow on this occasion for Ishtar of Samuha and promised her the silver statue. In KUB 48.123 the queen evoked Ishtar of Lawazantiya and promised her some donations. Probably some places of cult of both those Ishtars were to be found in Zithara. Some objects inlaid of gold for one of the divinities in Zithara were promised also in VS NF 12.103 4’. Two further fragments of oracles are too fragmentary to be properly analyzed. In KBo 46.134 some actions related perhaps to the health of His Majesty in the town of Zithara are mentioned. In the fragment KUB 50.61 (CTH 574) l. col. 1’ an investigation using HURRI-birds in Zithara is in use.

31

KUB 18.3 (CTH 582) Rev.? 18’, 20’, VAN DEN HOUT, Purity, 22–24. KUB 6.6 + KUB 50.94 (CTH 578), cf. ARCHI, Il dio Zawalli, 89 ; BEAL, The Organisation of the Hittite Military, 340 n. 1297. 33 The join with KUB 48.123 suggested by OTTEN & RÜSTER, Textanschlüsse und Duplikate, 156 was rejected by DE ROOS, Hittite Votive Texts, 192 n. 447. He treated both texts separately: DE ROOS, Hittite Votive Texts, 192–196, 215–224. BURDE, Hethitische Medizinische Texte, 5; LEBRUN, Studia ad Civitates Samuha, 57–61. 32

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CONCLUSION Zithara was one of the northern towns of the Hittite realm, situated in the north, northeast of Hattusa. It was presumably not very far from Hattusa, in the border region on the way to the Upper Land. In its vicinity Katapa, Hanhana, Kasha, and Kastama should be localised. Occasionally it was an object of the Ga gaean attacks. At the end of the Old Kingdom it was perhaps under the enemy control. The town lay in the region where fights with the Ga gaeans took place at the time of Tudhaliya III, however, afterwards it returned to the Hittite realm. The Hittite kings used the town (or intended to do so) to spend the winter. The cult of divinities worshipped in Zithara is attested in the Hattusian texts. The indigenous god seems to be Zithariya, one of the holy fleeces. Interestingly it is the only one whose name is related to a name of a town. Among other deities venerated there we find the local Queen-goddess appearing together with the deity Pallanula, and the Sun-goddess with her daughter and grand daughter. Presumably the places of the cult of Ishtar of Samuha and that of Lawazantiya were situated in the town as well. Moreover, in the imperial period the royal family placed in Zithara the cult of some of its ancestors. The zawallis of Mursili, Urhi-Teshub and Danuheba were worshiped there that could mean that all three individuals were closely related. Hittite queen went from Hattusa to Zithara to perform an incubation in case of the king’s illness. Her intention was also to perform the ritual of mourning (SISKUR ishahruwas) there. As for the exact geographical identification, Zithara, as many of Anatolian « cuneiform towns » is still waiting for its chance to be discovered by archaeologists. BIBLIOGRAPHY ARCHI, Alfonso. “Il dio Zawalli. Sul culto dei morti presso gli Ittiti.” AoF 6 (1979): 81–94. BEAL, Richard H. “Gleanings from Hittite Oracle Questions on Religion, Society, Psychology and Decision Making.” In P. Taracha, ed. Silva Anatolica: Anatolian Studies Presented to Maciej Popko on the Occasion of His 65th Birthday. Warsaw 2002, 11–37. ———. “Assuring the Safety of the King during the Winter (KUB 5.4 + KUB 18.53 and KUB 5.3 + KUB 18.52).” In The Context of Scripture, Vol. I, Canonical Compositions from the Biblical World, edited by W.W. Hallo, 207-211. Leiden – New York – Köln 2003. ———. The Organization of the Hittite Military (THeth 20). Heidelberg 1992. BURDE, Cornelia, Hethitische medizinische Texte (StBoT 19). Wiesbaden 1974.

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De Hattua à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2013, p. 105-112. ————————————————————————————————————————

LE VOYAGE DE L’ÉGIDE DANS LA MYTHOLOGIE HITTITE Michel MAZOYER Université de Paris 1

L’égide est un symbole cultuel1 fabriqué en différents matériaux, notamment en peau d’animal ou en cuivre2. Elle appartient au monde sauvage, comme Güterbock l’a montré, puisque c’est à l’origine un sac de chasseur3. Mais elle est devenue l’un des symboles du royaume hittite, un objet sacré4, auquel sont consacrés un temple et un personnel cultuel. L’égide présente une double nature : par ses origines, elle appartient à la nature ; par ses fonctions et son contenu, elle relève de la civilisation. Objet essentiellement mobile, l’égide est apportée par Télipinu lors de la fondation du royaume ; elle contient tous les biens nécessaires au royaume. Elle est périodiquement transportée aux « quatre coins » du territoire, dont elle assure la protection et la fécondité. Notre propos est ici d’examiner les déplacements de l’égide. Trois sortes de textes seront étudiées : les textes mythologiques, les cérémonies, les rituels de renouvellement de l’égide. La Mythologie Dans la Mythologie, l’égide est apportée par Télipinu, quand il fonde le royaume hittite. Elle provient de la gimra (la steppe) où il séjourne avant de procéder à la fondation. Elle contient, ainsi qu’on vient de le voir, tous les biens nécessaires au royaume : les biens agraires, les biens politiques et la 1

POPKO, « Zum hethitischen (KU)kura ». Souvent kursa présente le déterminatif KU » cuir », rarement le déterminatif GI « bois » ou GI « roseau » (PUHVEL, Hittite Etymological Dictionary 4, p. 270-275). On peut suggérer que kursa qui étati à l’origne en peau d’animal a été ensuite fabriqué en différents matériaux. 3 GÜTERBOCK, « Hittite Kursa “Hunting Bag” ». 4 Il peut être associé au déterminant DINGIR (PUHVEL, op. cit., 4, 270-25). 2

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prospérité qui en découle. Il semble normal que Télipinu qui a vécu dans la gimra à l’instar d’un berger, dormant à même le sol, rapporte l’égide qui constitue un des éléments de la vie pastorale. C’est lui aussi sans doute qui a rapporté le lituus, le bâton de berger devenu ensuite le symbole de la fonction royale. Il apparaît donc que deux des symboles de la royauté, — l’égide et le lituus, — sont isssus de la nature sauvage. Ainsi la situation de l’égide peut sembler paradoxale : associée à la nature sauvage, elle constitue l’élément déterminant de la fondation du royaume. Son importance découle de ce rôle de sorte qu’elle est dotée d’un clergé, de sanctuaires et peut être divinisée. À ce titre, comme les autres divinités liées à la fondation, elle risque toujours de disparaître, comme on le voit dans le texte mythologie KUB XXX 38. On fera les remarques suivantes à propos de ce Mythe. L’Abeille va ici jusqu’au bout de sa mission puisqu’elle rapporte l’égide. À son retour, elle est associée au cep de vigne dont une des fonctions magiques est d’assurer la pérennité de la lignée royale selon CTH 414 et aux divinités Hannahanna et Miyatanzipa, qui veillent sur la fécondité des hommes, des animaux et des plantes. Le Mythe est sans doute intégré dans un rituel de fécondité. L’égide dans les rituels L’égide est honorée dans les grandes cérémonies royales comme dans la fête du KI.LAM, la fête AN.TAH.SUM, et la fête Nuntharriya. Dans la fête d’AN.TAH.SUM et dans la fête de Nunthariya, le couple royal ou le roi se rend dans le sanctuaire de l’égide où des cérémonies sont effectuées. Dans la fête d’AN.TAH.SUM, le roi se rend sur la Montagne Puskurunuwa où se trouve le sanctuaire de l’égide. Ainsi dans la fête Nunthariya, on mentionnera par exemple le 9e jour qui se déroule dans le temple de l’égide où on célèbre la divinité Zithariya, le dieu à l’égide. L’égide dans la fête du KI.LAM5 Au cours d’un rituel, l’homme de la maison du hesti qui tient une égide reçoit un vêtement ordinaire ; les cérémonies se déroulent à la porte asusa dans laquelle sont exposées des égides. Le couple se rend à l’huwasi du dieu de l’Orage en passant par la porte asusa. 5

SINGER, The Hittite KI.LAM Festival I et II.

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Les divinités viennent de la « maison de l’égide ». Lors de la grande assemblée, le roi entre dans la porte asusa où il boit les Salawanes. À l’intérieur sont placées des égides destinées à protéger les remparts de la ville et à garantir la prospérité de celle-ci. On mentionnera plus précisément la cérémonie de la procession où l’égide tient une place importante. Dans cette cérémonie, l’égide semble venir de la montagne où un temple lui était consacré. Voici les principales étapes de cette cérémonie. Le roi vient du palais jusqu’à la maison Ékatapusna. Les fonctionnaires du palais prennent place dans le vestibule de la porte du palais. Des comédiens accueillent le roi à la porte de la maison du trésorier de la reine. Le roi passe en revue le défilé assis dans le Ékatapusna. Tandis que le roi est assis, les animaux des dieux et les « maîtres des mots » défilent. Les comédiens dansent et jouent de la musique. Le texte évoque la présence de bœufs décorés. Ils sont attelés à un char. Des danseurs suivent le char, dont l’un est nu. La nudité pourrait être l’expression de la fécondité. Le prêtre de KAL ouvre la procession avec un psalmodiste ; le prêtre tient un vase rempli de vin. Suivent : 1. les Montagnes sur lesquelles sont placées des lances EGIR-U=ma GI SUKUR. I.A HUR.SAG. I.A=an kuwapi er arantari ; 2. 10 ou 20 égides de cuivre ; 3. les « animaux des dieux ». Trois listes sont mentionnées 6. Les « animaux des dieux » sont constitués d’une panthère/léopard en argent, d’un lion en or, d’un sanglier, en argent, d’un autre sanglier en lapis lazuli, d’un ours en argent. Il s’agit d’animaux de la nature sauvage. On ne mentionne aucun animal agricole. 4. les hommes-chiens sans doute en relation avec la chasse et donc liés à la nature sauvage ; 5. les chanteurs de KAL ; les hommes d’Annuwa ; 6. les cerfs sont placés l’écart des autres animaux ; ils sont au nombre de quatre, avec des ramures ou non en matériaux précieux. Le cerf, qui est l’animal du dieu KAL, se rattache à la deuxième fonction (fonction économique). Ils sont tirés par différentes sortes d’hommes : les hommes de la grande maison, les hommes Zizzirama, etc.

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La liste la plus courte — et la plus claire — contient ces renseignements.

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Un dernier groupe obscur est constitué des aliayanzena. Les différentes fonctions royales sont représentées symboliquement : la souveraineté (la montagne), la guerre (l’épée, le lion), la fonction économique (le cerf, la lance, l’égide). La cérémonie unit la nature sauvage et la nature civilisée (les cerfs sont tirés par les hommes de la grande maison et les hommes de Zizzirama, expression du pouvoir royal sur les deux aspects complémentaire du pays hittite). Le fait que tous ces éléments défilent devant le roi tend à consolider le pouvoir royal. On rapprochera cette cérémonie de la fête du mois où on demande aux Montagnes d’enraciner le roi, ou encore du rituel de fondation CTH 414 où on fabrique une statue royale avec des éléments empruntés aux animaux des dieux. Dans la Fête d’AN.TAH.SUM la situation est inverse de celle du KI.LAM. L’égide ne se rend pas auprès du roi, mais celui-ci se rend auprès de l’égide, placée dans son temple situé sur la montagne. On retrouve l’association de l’égide et de la montagne, déjà observée dans la le KI.LAM, qui est l’expression de la souveraineté. La Montagne est le siège du dieu de l’Orage, duquel le roi hittite détient le pouvoir et la source de la fécondité. Ce déplacement du roi se déroule lors des 33e et 34e jours7. Auparavant l’égide a été acheminée dans différentes villes, Arinna, Tawiniya, iyana, a été déposée dans le temple d’Halki à Hattusa. (6e jour de la Fête d’AN.TA .UMSAR CTH 604 : KBo X 20, Ro I 32-358). Ces déplacements ont pour effet d’enraciner différentes localités, qui quadrillent le royaume hittite en leur apportant les biens utiles à leur prospérité et notamment la fertilité agraire9. On souligne aussi l’unité du royaume. Le fait que l’égide soit déposée dans le temple d’Halki à Hattusa à la fin du périple, confirme que Hattusa est la capitale du royaume et que Halki est l’expression concrète de la fondation. On sait que la production des céréales est une attribution royale. Le roi hittite assure la fertilité de la terre et la

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Les 6e et 30e jours sont des jours symboliques, le trois étant l’expression de l’éternité. La Fête d’automne de Télipinu est célébrée tous les neuf ans et dure six jours. 8 GÜTERBOCK, « Hittite Kursa “Hunting Bag” », p. 81 ; HAAS, Geschichte der hethitischen Religion, p. 786. 9 Le voyage de l’égide dans la ville de Tawiniya, qui est la ville sanctuaire de Télipinu, et dans celle de Hiyasna, qui est la ville de la divinité de l’égide, semble avoir pour fonction de renforcer ces villes qui protègent le royaume. La présence à Arinna et à Hattusa a pour effet d’enraciner ces villes dans le royaume.

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production du vin et des céréales. Cette thématique se retrouve à l’époque néo-hitttite où le dieu Tarhunzas donne la gerbe d’orge au roi Warpaluwas10. On mentionnera à présent plus en détail la fête sur la Montagne de Puskurunuwa. La fête de la Montagne Pukuranuwa est composée des séquences suivantes. L’ascension du roi sur la Montagne Pukuranuwa (Rituel 1)11 Le roi monte en char sur la Montagne. L’ascension du roi se termine par une offrande de nourriture à la porte d’entrée du sanctuaire de l’égide. On rapprochera ce texte de CTH 414 et de la scène de Yazılıkaya. Dans CTH 414 le roi avant de bâtir un palais royal monte sur la Montagne où il reçoit l’adoubement du dieu de l’Orage et du soleil. À Yazılıkaya, les dieux se rendent sur la Montagne où siègent les dieux souverains, qui confortent l’autorité du roi Tudhaliya12. Le rituel des cerfs Le roi s’approche des cerfs ; un « acteur » tient un untapian d’or et le roi fait des libations aux cerfs. Puis on donne à manger aux cerfs du pain. Les cerfs, images zoomorphes des dieux KAL, sont en relation avec la protection. Après une importante lacune, le texte décrit des sacrifices. La cérémonie se déroule dans le sanctuaire de l’égide : on fait une offrande de pain, honorant des divinités, des emplacements et des objets sacrés : Puskuranuwa, uwaliyat, Kiki (divinité inconnue), le feu, la source Weriyatu. Puis le roi place du pain sur l’autel, à l’endroit du foyer, près de l’égide, à l’endroit du Trône, de la fenêtre, près du bois de aamili, à l’endroit du bois de verrou et près de la source. Le fait que le roi lui-même exécute les sacrifices met en évidence les liens qu’il entretient avec l’organisation de l’espace sacré. Les sacrifices de pain traduisent ses relations spécifiques avec les céréales, déjà observées précédemment. Les éléments et les points honorés quadrillent l’espace sacré du temple. Ils sont l’objet de fondation spécifique au cours des rituels de fondations. La présence du trône et le rôle essentiel du roi au cours de la cérémonie 10

MAZOYER, dans FREU & MAZOYER, Les royaumes néo-hittites à l’Âge de Fer, p. 327-338, p. 241-245. 11 Les titres des rituels sont empruntés à HAAS, Geschichte der hethitischen Religion, p. 818820 avec quelques modifications. Pour les références, nous renvoyons également à cet ouvrage. MAZOYER, Telipinu. Le dieu au marécage, p. 261-270. 12 Selon notre interprétation. Voir MAZOYER, dans FREU & MAZOYER, Les royaumes néohittites à l’Âge de Fer, p. 327-338.

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confirment la finalité du royaume qui est d’enraciner le pouvoir royal. On rapprochera ce rituel du rite de fondation CTH 414 au cours duquel on renforce l’autorité royale. Suit un rituel de l’apaisement Il est destiné à retenir les dieux en apaisant un courroux potentiel. De cette façon on écarte ce qui pourrait être le facteur déclenchant du départ du dieu. On rapprochera ce rituel du Mythe de Télipinu, qui retrace le départ d’un dieu gagné par la colère. Le renouvellement de l’égide On renouvelle périodiquement l’égide, de façon que les biens qu’elle contient soient constamment jeunes. Il s’agit des biens nécessaires au royaume et énumérés dans le Mythe de Télipinu. Ce renouvellement périodique est comparable à ce qu’on observe pour l’égide. De nombreux textes datant de l’époque Moyen-Hittite sont consacrés au renouvellement de l’égide. Dans la Fête du purulli, il est effectué lors d’une cérémonie à Télipinu et s’accompagne de la manipulation du chêne vert. Au cours cette cérémonie, on brûle la vieille égide qu’on remplace par la nouvelle. Plusieurs textes décrivant le renouvellement de l’égide ont été écrits dès la fin de l’époque Vieil-Hittite, d’autres textes, plus nombreux, semblent dater de l’époque Moyen-Hittite. Voici par exemple un extrait de KUB 55.43, qui date de l’époque VieilHittite13 : § 1. Quand ils renouvellent les [deux] égides [de] Zithariya et de la divinité tutélaire de Hatenzuwa la neuvième année, ou quand ils les renouvellent, la date n’est pas indiquée. § 2. On place les deux nouvelles égides à l’intérieur du temple de l’égide et on enlève les deux vieilles égides. À la place du dieu, des clous de fondation sont déjà placés. Et les égides sont suspendues à cet endroit. Quand les fêtes (à Hattua) sont achevées, ils envoient les deux vieilles égides en province de la même manière. On envoie les anciennes égides à Tuhu[piyya] et à Durmitta, la ville de Télipinu en les faisant passer par la porte de asusa. Les deux villes sont situées à proximité de la frontières gasgas ; on peut penser qu’elles sont acheminées vers ces deux villes placées à la frontière pour écarter la menace que font peser les Gasgas.

13

Traduction empruntée à MACQUEEN, The Hittites, p. 145.

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LE VOYAGE DE L’ÉGIDE

Le départ des anciennes égides vers la frontière évoqué dans ce texte doit être rapproché du texte mythologique évoquant la disparition de l’égide. Selon ce texte l’égide quitte son temple, sans doute à la suite d’une faute commise à son égard et provoque une situation dramatique dans le royaume14. Les hommes n’ont aucun moyen de la retrouver, c’est l’Abeille envoyée par les dieux qui la retrouvera et qui sauvera ainsi le royaume hittite. L’Abeille, à son retour, dépose l’égide dans une écuelle. Une vigne à côté de laquelle est assise Miyatanzipa, la déesse de la croissance, remplace le chêne vert de la première version du Mythe de Télipinu. anna anna construit trois sources. Dans le Mythe de Télipinu c’est le dieu fondateur qui apporte l’égide. Dans le rituel du renouvellement c’est le prêtre de Télipinu qui est chargé de se substituer à celui-ci. Le départ de l’égide est dû à l’initiative des humains. La substitution de la nouvelle égide à l’ancienne permet d’éviter son absence aux effets tragiques. CONCLUSION L’égide est essentiellement mobile, et cela dès l’origine, car quittant la gimra, Télipinu l’apporte et permet, grâce à elle, de fonder le royaume. L’égide assure la transition entre les deux parties contradictoires du territoire hittite : la partie sauvage et la partie civilisée, dont la complémentarité est la garantie de la pérennité du royaume. L’égide contient tous les biens nécessaires à la prospérité du royaume et relevant de la civilisation, notamment les biens agraires et les biens politiques, dont elle assure la pérennité. Par ailleurs, associée à la deuxième fonction, l’égide a pour effet d’écarter les menaces qui pèsent sur le royaume. Dès lors on comprend que le voyage de l’égide occupe une place si importante dans les grandes cérémonies où elle assure la consolidation du pouvoir royal. D’où la place qu’elle joue dans l’enceinte de Hattusa et à la frontière du royaume. D’une part, on s’assure qu’elle est elle-même hors du temps en procédant régulièrement à sa régénérescence, d’autre part le déplacement de l’égide a pour effet de consolider l’enracinement du royaume et la prospérité des grandes villes. L’idée que l’on dégage de la mythologie est que le monde sauvage est un facteur essentiel de la consolidation du monde civilisé, comme le montrent aussi les rituels. 14

Il semble que le départ de l’égide ait pour effet de provoquer l’interruption de la fertilité du couple royal, ainsi que le laisse penser la présence de la vigne qui se substitue au chêne vert. On sait que le cep de vigne est l’image de la dynastie royale (CTH 414).

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M. MAZOYER

BIBLIOGRAPHIE FREU, Jacques, et Michel MAZOYER, Les royaumes néo-hittites à l’Âge de Fer. Les Hittites et leur histoire 5 (coll. Kubaba, série Antiquité), L’Harmattan, Paris, 2012. GÜTERBORK, Hans Gustav, « Hittite Kursa “Hunting Bag” », FsKantor, 1989, p. 113-123. HAAS, Volkert, Geschichte der hethitischen Religion (HdO 1. Abteilung, Bd 15), Leiden-New York-Köln, 1994. MACQUEEN, James G., The Hittites, London (4e éd.), 1996. MAZOYER, Michel, VOIR FREU, Jacques, et Michel MAZOYER. MAZOYER, Michel, Telipinu. Le dieu au marécage (coll. Kubaba, Série Antiquité), L’Harmattan, Paris, 2003. ———, « Quand la montagne se rend à la ville », RANT III, 2006, p. 261-270. POPKO, Maciej, « Zum hethitischen (KU)kura- », AoF II, 1975, p. 65-70. PUHVEL, Jaan, Hittite Etymological Dictionary, Berlin-New York Amsterdam, 1984 s. SINGER, Itamar, The Hittite KI.LAM Festival, Part one (StBoT 27), 1983. ———, The Hittite KI.LAM Festival, Part two (StBoT 28), 1984.

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De Hattua à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2013, p. 113-117. ————————————————————————————————————————

À PROPOS DE LA MENTION DU DIEU DE L’ORAGE DANS CTH 726.1 Raphaël NICOLLE Université Paris 10

Le rituel bien connu CTH 726.1 (KBo XXXVII.1) est une inscription bilingue hittite-hatti. Dans le cadre de la construction d’un nouveau palais par le roi, on retrace la fondation du bâtiment par les dieux. L’introduction du rituel précise les circonstances de sa mise en place (I.1 et 2). Celle-ci est écrite uniquement en hittite. I.1 et 2 ma-a-an-za LUGAL-u ÉI.A GIBILTIM ku-wa-pí-ik-ki [ ] ú-et-te-ez-zi nana-a-ta a-a-ma-a-nu-u u-uh- ha-an-zi nu LÚ a-ku-ut-tar-a a-ni-e[-ez-zi] ta ke-e ud-da-ar me-ma-i « Quand le roi pour lui à un endroit quelconque construit de nouveaux bâtiments, quand on jette les fondations, l’échanson (?) exécute le rituel et il dit les paroles suivantes. »

Le document CTH 726.1 a été récemment étudié par J. Klinger et M. Mazoyer1. Nous reprendrons les traductions et certaines analyses de ces deux auteurs. Mais nous attacherons particulièrement à un passage qui nous semble intéressant pour la compréhension de la personnalité du dieu de l’Orage. Nous lisons aux lignes aux lignes 4-6 : le hatti : 3a et 8a e-ta-a-an URU La-ah-za-an le-e-wee-e-el

1

KLINGER, Untersuschungen, p. 615-680, MAZOYER, « Défense et illustration du Hatti ». De nombreux auteurs se sont intéressés aux rituels de fondation (voir en particulier KELLERMAN, Recherche, p. 127-128).

R. NICOLLE

a-an-te-eh pa-la a-a-tah-hi-il-ma e-mu-na-a-mu-na da-ru ka-a-at-te d Le-e-lu-wa-ni ka-a-at-te e-ta-an- hu le-e-wee-e-el a-an-te-eh pa-la a-an-za-ar-a-ma d Ka-tah-zi-uwu-ri-e u

Auquel correspond le hittite : 3b et 7b d UTU-u-wa-az URULi-ih-zi-ni ú-e-te-et [nu]-wa-ru-u i-hu-wa-a a-ma-a-nu-u d IM-a LUGAL-u Le-e-el-wa-ni-a LUGAL-u nu-za dUTU-u É-ir-e-et ú-e-te-et nu-w[a-a]z kal-le-e-ta dKam-ru-e-pa-an « Le dieu Soleil construisit un bâtiment à Lihzina Et le dieu de l’Orage, le roi, et Lelwani, le roi, placèrent les fondations dans le sol Et le dieu Soleil construisit son bâtiment Et il invoqua Kamruepa. »

Nous nous intéresserons ici à la divinité cachée dans le texte hittite sous le sumérogramme dIM et désigné par le hatti aru. La question est de savoir quel est le dieu de l’Orage caché derrière le logogramme dIM. On voit que dans ce passage aru/Taru/dIM est associé à Lelwani, la divinité du monde souterrain2. Les deux divinités travaillent sous les ordres du Soleil (Etan/dUTU-u) et ont pour mission de placer les fondations dans le sol. La coexistence de trois éléments fait difficulté. 1. Il peut sembler surprenant qu’un dieu de l’Orage du ciel soit subordonné au dieu Soleil, alors que ces deux dieux partagent une dyarchie. Les rituels de fondations ne font jamais du dieu de l’Orage du ciel le commanditaire ou le fondateur d’un bâtiment ; il s’agit plutôt du dieu Soleil. Le dieu de l’Orage participe à la construction par le don de matériaux, comme le bois, comme l’a démontre G. Kellerman3 dans son étude du rituel de fondation CTH 414. 2. La fonction chthonienne du dieu de l’Orage dans ce texte est étonnante Selon le texte il enfonce les pierres de fondations dans le sol. Il est associé avec Lelwani, la divinité du monde souterrain. 2 3

TORRI, Lelwani. KELLERMAN, Recherche, p. 114-116.

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LA MENTION DU DIEU DE L’ORAGE

3. On relèvera également la spécificité du terme utilisé pour désigner le dieu de l’Orage : aru au lieu de Taru attendu. On peut se demander si la différenciation aru/Taru est seulement d’ordre philologique et si elle ne correspond pas à la volonté de différencier des divinités de l’Orage4. Dans le texte CTH 726.1 on constate une division des fonctions, différentes des autres textes de fondation. 1. Haamili, le dieu forgeron, ouvre le sol il enfouit dedans un certains nombreux d’éléments (dans la cassure) destiné à Lelwani 2. Le dieu de l’Orage et Lelwani placent dans le sol les fondations. 3. On comparera avec CTH 413 et CTH 4145 Dans ces deux textes Télipinu jette les fondations que Lelwani a pour fonction de stabiliser. Ainsi dans CTH 413 Recto 32 nous lisons : « Mais c’est Télipinu qui dessous a posé les fondations » ; dans CTH 414 III 1-5 Télipinu ouvre le sol et fait des libations en l’honneur des divinités souterraines : « Que Télipinu vienne! Qu’il ouvre [le sol]. Qu’il apporte du vin, neuf fois sept fois! » La répartition des fonctions est différente dans CTH 726. 1. Dans CTH 726 11b-20b nous lisons : « Et elle (la déesse solaire de la terre) appela le vigoureux forgeron : “Ohé! Prends-les, les chevilles de fer, le marteau de cuivre ! Prends-le, le x-kam de fer ! Et ouvre la terre.” Et, dedans, il vint Haamili. Et il enfouit (?) des dieux pour leur intérieur. Que cela devienne un fils de l’humanité Le pays et nous les dieux exclusivement font ». (Traduction M. Mazoyer6)

2. Dans CTH 726 5b. il est précisé que le dieu de l’Orage (aru), le roi, et Lelwani, le roi, placèrent les fondations dans le sol. Ces différents éléments suggèrent que aru est ici l’équivalent de Télipinu. On rappellera la double fonction de Télipinu, dieu céleste et dieu 4

KLINGER (ibid.) corrige aru en !Taru (note 92). L’hypothèse de Klinger est possible mais on peut supposer que dans la langue aru est distinct de Taru et désigne un autre dieu, considéré comme un dieu de l’Orage par les Hittites. Voir également 35a, plutôt Saru que Taru restitué par Klinger et Vs 52a (p. 644). Dans 38a on a bien Taru, le texte hatti distingue bien aru de Taru. 5 KELLERMAN , Recherche, p. 127-128. 6 MAZOYER, « Défense et illustration du Hatti », p. 53-66.

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chthonien qui s’accorde très bien avec le rôle joué le dieu de l’Orage dans le texte. En tant que dieu de l’Orage il manipule la foudre et maîtrise les eaux du ciel comme on le voit par exemple dans le Mythe de Télipinu. Le terme utilisé pour le désigner (aru/DU) ici renvoie à la nature céleste du dieu. Par ailleurs il a une fonction chthonienne et se trouve à ce titre en relation avec le monde souterrain. Télipinu par sa fonction de dieu des techniques agraires possède le pouvoir de faire rentrer un élément dans le sol. De la graine enfoncée, nous passons à une pierre introduite dans le sol. Dans le texte étudié le dieu de l’Orage place les fondations dans le sol. Enfin les liens entre Télipinu, Haamili et Lelwani qu’on observe dans CTH 726 1 sont constants à l’époque hittite. Rappelons que Haamili et Lelwani sont rangés couramment dans le cercle de Télipinu fondateur. La désignation de Télipinu par le terme désigant le dieu de l’Orage pourrait faire difficulté. Il semble toutefois qu’à l’époque néo-hittite Télipinu7 ait pu être désigné par le hiéroglyphe TONITRUS. On peut se demander par exemple si le dieu de l’Orage d’Ivriz désigné comme un dieu de l’Orage ne serait pas Télipinu. Il semble en avoir en effet toutes les caractéristiques. Il tient dans sa main un épi qu’il semble tendre au roi, scène qui n’est pas sans rappeler Télipinu à la fin de son Mythe. Il n’est pas exclu qu’au deuxième millénaire que le Télipinu soit désigné comme un dieu de l’Orage. L’énigmatique dieu de l’Orage de la terre présent dans le rituel KUB XII 2 pourrait renvoyer à Télipinu8. CONCLUSION Il paraît vraisemblable que aru /dIM mentionné dans la bilingue désigne non pas un dieu de l’Orage du ciel mais une divinité orageuse célestochthonienne9, Télipinu. Nous pouvons constater que Télipinu adhère aux trois critères pré-cités sans remettre en cause les fonctions propres aux divinités et la cohérence du panthéon. Il est subordonné au dieu solaire, c’est un dieu de l’Orage, et il a des fonctions chthoniennes. De plus celui-ci est couramment employé dans 7

MAZOYER, « Telipinu au Tabal » ; FREU & MAZOYER, Les Hittites et leur histoire, V, p. 241-245. 8 Pour plus d’information sur ce rituel, voir COLLINS, « A note of some local Cults ». 9 Il existe également des divinités orageuses de la famille du dieu de l’Orage du Ciel, comme le dieu de l’Orage de Nérik qui possède des caractères célesto-chthoniens. Il est associé au monde souterrain, est orageux, mais il n’est pas associé à des rituels de fondation. De plus il est classé parmi les dieux de première fonction dans les traités hittites, à la différence de Télipinu qui est un dieu KAL.

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LA MENTION DU DIEU DE L’ORAGE

les rituels de fondation. Le choix d’un dieu de l’Orage du ciel rendait cette option hypothétique de par ses fonctions et sa place dans la hiérarchie divine. Il est donc probable que, dans CTH 726 5a/5b, nous soyons face à un Télipinu et non un dieu de l’Orage du ciel comme le pense J. Klinger. Télipinu était déjà bâtisseur à cette époque et pas seulement un dieu agraire. Les fonctions de Télipinu tendent à faire penser que ce rituel est hittite et fut créé avant la réforme du dieu par le roi homonyme. Il deviendra dieu fondateur dans le Mythe de Télipinu, fonction qu’il partagera avec le dieu Soleil. BIBLIOGRAPHIE COLLINS, Billie Jean, « A note of some local Cults in the times of Tudhaliya IV », dans T. van den Hout (éd.), The Life and Times of Hattusili III and Tudhaliya IV.: Proceedings of a Symposium Held in Honor of J. de Roos, 12-13 December 2003, Leiden, Nederlands Instituut voor het Nabije Oosten, Leyde, 2006, p. 39-48. FREU, Jacques, & Michel MAZOYER, Les royaumes néo-hittites à l’âge du fer, Les Hittites et leur histoire, V, L’Harmattan, Paris, 2012, p. 241-245. KELLERMAN, Galina, Recherche sur les rituels de fondation hittites, Thèse présentée à l’Université Paris 1, Paris, 1980. KLINGER, Jörg, Untersuschungen zur Rekonstruction der hattischen Kultschicht (StBoT 37), Wiesbaden, 1996. MAZOYER, Michel, « Défense et illustration du Hatti », dans Colloquium Anatolicum III, Istanbul, 2004, p. 53-66. ———, « Telipinu au Tabal », RANT 2 (2005), p. 427-438. TORRI, Giulia, Lelwani il culto di una dea ittita, Roma, 1999.

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De Hattu a à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2013, p. 119-129. ————————————————————————————————————————

HOW MANY GRAIN-DEITIES ALKI/NISABA? Piotr TARACHA University of Warsaw

Hittite textual evidence for the cult to the grain-deity alki in second millennium Anatolia was competently discussed by Annelies Kammenhuber twenty years ago.1 Alfonso Archi expanded recently the issue of translatability of deities belonging to different cultural realms, pointing out the relation between Enlil, Dagan, Kumarbi and alki, with reference to the logogram NISABA that is sometimes used in Hittite texts to denote the names of both alki and Kumarbi.2 This paper aims to show, however, that in some of the contexts the logogram refers indeed to Nisaba herself. Concerning the gender of alki, some scholars deliberately call her a deity, although the opinion of her being a goddess, at least in the Old Hittite period, prevails.3 A Hattian invocation addressed to the goddess alki, KUB 1

KAMMENHUBER, “Getreidegottheit alki/NISABA.” For attestations, see VAN GESSEL, Onomasticon, 72ff. (alki), 743f. (NISABA). I would like to thank Theo van den Hout for his comments on earlier versions of this paper and for enabling me to consult the files of the Chicago Hittite Dictionary. Needless to say, I alone am responsible for the opinions expressed here. My research in Chicago in June 2011 was funded by a grant from Polish National Centre of Science. Abbreviations follow the Chicago Hittite Dictionary. 2 ARCHI, “Translation of Gods”; on alki, see esp. 332–336. His argument goes back to the observations made already by Heinrich Otten and Emmanuel Laroche in the 1940s: H. Otten apud EHELOLF, Keilschrifturkunden, II; LAROCHE, “Recherches,” 103; “Te

up, ebat et leur cour,” 113ff., 117 with n. 24; “Le ‘panthéon’ hourrite de Ras Shamra,” 524. 3 See the discussion by KAMMENHUBER, op. cit., 144f., 151. She rejects, though, the description of the goddess’s statue(tte) in KUB 38.30 rev. 3. On p. 151 she states: “Nach Zeichenspuren und vor allem nach der Komplementierung als -a-Stamm, der nicht zu alki paßt, entfällt auch das von Jakob-Rost fragend vermutete [DNISA]BA-an ALAM SAL (Statue einer Frau) KUB 38.30 Rs. 3.” ARCHI (“Translation of Gods,” 336) agrees with the suggestion of Liane Jakob-Rost, omitting the -an ending in his quotation of the passage.

P. TARACHA

28.75 (OS) rev. iii 26’f., mentions her Hattian equivalent Kait, known thus to mortals, but who appears as “goddess yamma the queen” among the gods.4 Another text, KBo 20.101 rev. iv 3’, written in the Middle Script from the very beginning of the New Kingdom,5 calls alki “the maiden:” [namm]a? Dal-ki-in DUMU.MUNUS-la-an Dal-ki-in [(TU )-a ] (4’) [I -T(U)] GAL e-ku-zi ‘[The]n the maiden alki (and) alki he drinks [fro]m a cup while seat[ed].’6 KBo 41.16 (NS) rev. iv x+1 (-y]a-a MUNUSSANGA Dalki-ya-a u-up-pé-e - a-ra-a[ ), a fragmentary colophon of a festival text,7 which refers to the SANGA-priestess of the maiden alki,8 was hitherto never put in the discussion. Both epithets, DUMU.MUNUS-la- (“girl, young woman”) and supessara- (/KI.SIKIL) (“virgin, young woman”), must be regarded as synonyms.9 They match with Akk. ardatu (/KI.SIKIL), which in Mesopotamia refers to a number of goddesses, including Nisaba (see below),10 and with Ugar. btlt, an epithet of ‘Anatu, goddess of war, love and 4

NEU, Althethitische Ritualtexte, 195 (no. 113). See now also WEEDEN, “The Akkadian Words for ‘Grain’,” 94, who connects this epithet with Mesopotamian grain-god aya and suggests (p. 94 n. 100) that a-a-ya-am-ma might contain “an unexplained Hattic element, possibly an epithet (H ya amma, “mother aya”?).” Yet, the Hattian word for “mother” is most likely emu or mu(/wuu), see SOYSAL, Hattischer Wortschatz, 295; BRAUN & TARACHA, rev. of Soysal, Hattischer Wortschatz, 199. 5 Cf. TARACHA, Religions, 45 n. 225. 6 Restored after parallel texts KBo 43.217 rev.? iv? 6’f. and KBo 25.186 (+) KBo 34.191 iv 11’. All the texts belong to the description of a festival celebrated by the prince (CTH 647), to be published in my forthcoming monograph A Hittite Festival Celebrated by the Prince (CTH 647). For a preliminary arrangement of the texts, see TARACHA, “Hethitische Rituale,” 708f. Heinrich Otten (OTTEN & RÜSTER-WERNER, Keilschrifttexte, IX n. 22) noticed the apposition DUMU.MUNUS-la- as proof of youthfulness and female gender of alki, but he did not comment on the second alki. Cf. also KAMMENHUBER,“Getreidegottheit alki/NISABA,” 151; YOSHIDA, Untersuchungen, 145 with n. 91. HAAS (Geschichte der hethitischen Religion, 306 with n. 88, 447 with n. 42) interpreted this passage as referring to a dyad, the grain-goddess alki and her daughter and namesake, a deity of newly sprouted crops (“junge Saat”). KBo 24.85+ i 6’: D al-ki-ya-a DUMU MUNUSSA[NGA ‘the son of the SA[NGA]-priestess of alki’ (cf. TAGGAR-COHEN, Hittite Priesthood, 216, 333), cannot be seen as another attestation of alki’s daughter (pace HAAS, op. cit., 447 n. 42). 7 DARDANO, Hethitische Tontafelkataloge, 263. 8 Or: to the SANGA-priestess of [alk]i [and?] the maiden of alki. Note the SANGApriestess and the maiden (DUMU.MUNUS suppisaras) of Titiwatti, who both participated in the festival for the goddess (KBo 23.97+ i 7, 9, 12, 15), see TAGGAR-COHEN, op. cit., 317f. 9 See also BAWANYPECK, Rituale der Auguren, 66. The Hattian word for “maiden” is zintui (cf. SOYSAL, Hattischer Wortschatz, 328). For MUNUSzintues (/MUNUSKI.SIKILME ) as cult singers, see RUTHERFORD, “Songs of the Zintuis.” 10 CAD A/2: 243; TALLQUIST, Akkadische Gtterepitheta, 32.

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HOW MANY GRAIN-DEITIES ALKI/NISABA?

fertility, in the Ugaritic corpus.11 Note also the epithet of au ka, MUNUS KI.SIKIL, in the Hittite version of the Song of edammu.12 Admittedly, these epithets refer to “not virginity but the youth, health and desirability of a woman.”13 What is of relevance here is the presence of two deities named alki in a local pantheon the prince (DUMU.LUGAL) drinks a cult toast to in KBo 20.101 iv 3’ff., which apparently required the scribe to differentiate them by giving the appellation “maiden” to the former one. The question is what we are able to say about the other (possibly male?) alki. We should ask, moreover, about the criteria of differentiating both deities in the surviving texts. Gernot Wilhelm has recently given a new incentive to the discussion by publishing a Middle Hittite text KBo 52.20 + E 780 (dupl. Bo 5863), that describes family relations of a god alki.14 This fragmentary text reflects not only theological speculations but probably also gives insight into the structure of local pantheons of North Anatolia. It mentions, among others, the goddesses DNIN.É.GAL of arpi a (l. 5)15 and atepinu (l. 8) as alki’s spouses16 and, respectively, the Tutelary God (DInar) of Zitara (l. 3) and the Stormgod of Nerik (l. 7) as his brother and son (?).17 A deity of I taara (her name is not preserved due to a break at the end of l. 4, maybe the Stormgod or the Sun deity, as Wilhelm suggests), the Stormgod of arpanda (l. 6),18 ] (l. 8) are also sumand another goddess atepinu from the city of [ moned. If my interpretation of the text is correct, the god alki was one of the prominent gods in the local pantheons of all the mentioned cities above.

11

GORDON, Ugaritic Textbook, 377f.; RAHMOUNI, Divine Epithets, 139–141. Fragments 15, l. 4’, and 16, l. 26, see SIEGELOVÁ, Appu-Märchen und edammu-Mythus, 56f., 60f.; cf. also HOFFNER, Hittite Myths, 54. Both authors translate MUNUSKI.SIKIL with “girl (/Mädchen).” 13 Quotation from GORDON, “Poetic Legends and Myths,” 125. 14 WILHELM, “Eine Anrufung.” 15 For the category of goddesses referred to by the logogram DNIN.É.GAL in the local cults of North Anatolia, see TARACHA, Religions, 56. 16 In Ka a, atepinu/atepuna was the spouse of the god Telipinu (KUB 9.3 i 19’), who stood at the head of the local pantheon along with the Stormgod and the Sungoddess. See HAAS & JAKOB-ROST, “Festritual des Gottes Telipinu,” 60, 62. In other cult centers of central and North Anatolia, however, she may have been connected with other gods. 17 Another local tradition has the Stormgod of Nerik as the son of ulinkatte and the Sungoddess of the Earth. 18 The deities of arpanda are also found on a tablet from Kayalıpınar, Kp 05/260 obv. 7’f.:  ? 1 IM.GÍD.DA A D[U?] (8’) [DI TAR-]li URUar-pa-an-da, see RIEKEN, “Hethitische Inschriftenfunde,” 229. For I TAR-li, possibly Anzili, see WILHELM, “Name der Göttin I TAR-li.” 12

121

P. TARACHA

The parental relation to the Stormgod of Nerik, allegedly attributed to

alki in the aforementioned text, brings to mind a cult inventory, KUB

42.100, from the reign of Tudaliya IV, which informs us about the ancient cult to alki in this northern city.19 A statue(tte) of alki, made to order of Muwattalli II, is said to have been standing opposite the stormgod’s in his temple. Moreover, when the prince arrived to Nerik, he went at first immediately into the temple of alki, which points to a prominent role alki played in the local cult. As a point of fact, it is difficult to find in the texts any decisive criteria that would enable us to distinguish the god alki from a goddess bearing the same appellation. As we know, both a SANGA-priest and SANGA-priestess could have served in a cult to a goddess.20 Nonetheless, some texts most likely refer to the male alki, as, for instance, KUB 20.99 iii 1’ff. (the festival for the Stormgod of ari

a) where the king drinks: [the Stormgod?, uwaliyatt], (2’) a amili, [x], (3’) alki, the Male Gods (DINGIR LÚME e ), Hearth (and) ila

i.21 Consequently, alki, who received offerings together with a amili and the LAMMA-god (along with the Sungoddess of the Earth, the Propitious Day (DUD.SIG5) and “holy places”) during the festival for the Stormgod of Ziplanda (KUB 58.6 ii 3’-11’),22 might be a male deity, too. The question is, however, how far these offering lists may have been rearranged under the influence of Hurrian-Kizzuwatnean cult traditions that affected considerably local cults of central and North Anatolia during the New Kingdom. The issue requires further research. In other cult centers, including attu a itself, it was the goddess alki who was worshiped as one of the main deities. She had her own temple in the complex of the royal residence on Büyükkale already in the Old Hittite period, close to the temples (or chapels) of Parga and Miyatanzipa (DGÌR), who are both mentioned together with her in festival and mythological texts.23 An AMA.DINGIR(/siwanzanna-)-priestess was probably the head of the cult personnel in alki’s temple,24 which would confirm the female 19

KUB 42.100 iv 33’ff., HAZENBOS, Anatolian Local Cults, 20f., 24. Cf. also TARACHA, Religions, 104. 20 For attestations of the SANGA-priests of alki and NISABA, see TAGGAR-COHEN, Hittite Priesthood, 157, 162. 21 KAMMENHUBER, “Getreidegottheit alki/NISABA,” 151; GRODDEK, Hethitische Texte (2004a), 173. 22 GARCÍA TRABAZO & GRODDEK, Hethitische Texte, 17f. HT 79 r. col. (l. 2’-5’) has a similar sequence of deities, to whom offerings are made, see KAMMENHUBER, op. cit., 158. 23 POPKO, “Topographie von attu a,” 318, 322. For Miyatanzipa (/GÌR) and Parga in Hittite texts, see VAN GESSEL, Onomasticon, 308f., 350f., 636f. 24 TAGGAR-COHEN, Hittite Priesthood, 342, 366.

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HOW MANY GRAIN-DEITIES ALKI/NISABA?

gender of the deity. The priestess participated in the “great assembly” during the KI.LAM festival (KBo 27.42 ii 51)25 and on the 16th day of the AN.TA. UM festival (KBo 4.9 v 26, KUB 25.1 i 24f.).26 A similar description in KBo 30.56 iv 38ff. belongs to a cult ceremony that also took place in the capital.27 According to the outline tablet, KBo 10.20 i 32-35, on the 6th day of the AN.TA. UM festival the kur a goes from the palace to the temple of Nisaba (É DNISABA), where a festival is celebrated.28 This temple is probably identical with the old temple of alki on Büyükkale, although, in this late period, it likely became a place of worship of Mesopotamian graingoddess Nisaba, too, whose cult was introduced in Anatolia during the Empire period, together with other deities from the circle of the god Ea.29 Nisaba may have had just a chapel in the complex of alki’s temple, assuming that ABoT 1.14++ iii refers to both, the temple of alki (ll. 8-19) and the chapel (?) of Nisaba (ll. 20-29).30 In the former, on the first day of the KI.LAM (coinciding, in the late period, with day 25 [31] of the nuntarriya a ) festival, the chief of the king’s table-men performed the festival for Telipinu and alki,31 whereas in the latter, the feast for Nisaba was celebrated by the queen’s table-men on the second day of the KI.LAM (= day 26 [32] of the nuntarriya a ) festival. Two oxen and 40 sheep, provided for the first feast, respectively, from the palace and the table-men’s own houses, correspond with one ox from the palace and 20 sheep from the table-men’s houses for the second feast. Significantly, the god Zulumma/i (perhaps one of the manifestations of Ea), who had his sacred precinct in the

25 26

SINGER, The Hittite KI.LAM Festival II, 58; TAGGAR-COHEN, op. cit., 340. BADALÌ & ZINKO, Der 16. Tag des AN.TA. UM-Festes, 50f.; TAGGAR-COHEN, op. cit.,

341. 27

Cf. GRODDEK, Hethitische Texte (2002), 74. Groddek’s transliteration of ll. 39f. must be corrected accordingly: (39) nu LÚ.ME SANGA [ u-u]p-pa-u[ (40) MUNUSAMA.DINGIRLI[M D al]-ki-a pé-r[a-an. 28 GÜTERBOCK, “AN.TA. UM Festival,” 92, 96. Cf. HAAS, Geschichte, 786. 29 In documents of Assyrian traders from Kanesh (e.g., Kt 87/k 460: 16ff.), Nisaba is invoked to act as a divine witness in accordance with her role of the mistress of scribal arts, see K.R. Veenhof apud VEENHOF & EIDEM, Mesopotamia, 103. There is, however, no evidence for continuity of her cult in Anatolia after the Old Assyrian Colony period. 30 SINGER, The Hittite KI.LAM Festival I, 134f., 136; LEBRUN, “Questions oraculaires,” 49f., 64. Cf. also NAKAMURA, Das hethitische nuntarriya a-Fest, 80. 31 This festival is also mentioned in an outline tablet of the nuntarriya a festival, IBoT 2.8 (+) KUB 59.2 (+) Bo 3893 + KBo 51.130 rev. iii 26’f., see CORTI, “Notes,” 167f., 170f.

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P. TARACHA 32

Lower City of attu a, came only to the celebrations in the chapel(?) of Nisaba.33 As a consequence, the name of the goddess alki34 is sometimes written in Hittite texts with the logogram NISABA (and vice versa). But we cannot claim, as Archi does, that this logogram denotes but the names of alki or Kumarbi. In some contexts it apparently refers to the Mesopotamian goddess herself. Ceremonies in the temple of Ea on the 29th day of the AN.TA. UM festival were addressed to the Mesopotamian god of wisdom and his circle: Ea, Damkina, Nabû (DAG), Nisaba, followed by Hurrian attributes of Ea – Mdi (“Wisdom”) and azzizzi (“Intelligence”) – and other deities.35 We encounter the same group of gods in texts belonging to the description of the festival for the tutelary god of the river36 and in KUB 58.45 + KUB 59.42 rev. iii? 21”, a text ascribed by Mitsuo Nakamura to the nuntarriya a corpus.37 Although the Ea circle is admittedly Hurrianized in these texts, Nisaba must not be mistaken for Kumarbi.38 Nabû, the god of scribes and, generally, of ritual wisdom and intelligence, was introduced together with his spouse Ta mtu into the circle of Enki-Ea from Eridu already in the Ur III period, but in an Old Babylonian god list, VAT 7759, he occurs without Ta mtu, just before the Sumerian goddess of writing Nisaba and her spouse aya, the god of seals.39 In the 32

TARACHA, Religions, 132. KUB 25.27 ii 26’-29’. See NAKAMURA, Das hethitische nuntarriya a-Fest, 76. 34 But, seemingly, not the name of the god alki. 35 KUB 20.59 i 23’-26’ (POPKO & TARACHA, “Der 28. und der 29. Tag der AN.TA. UMFestes,” 88f., 90; GRODDEK, Hethitische Texte [2004a], 103), KBo 9.140 i 5’–7’, 8’–10’, 14’– 15’, 18’–20’ (POPKO & TARACHA, op. cit., 96, 98), KUB 58.43 i 2’-4’ (ibid., 101, 105; GARCÍA TRABAZO & GRODDEK, Hethitische Texte, 113), KBo 13.151, 5’ (POPKO & TARACHA, op. cit., 109f.). 36 KUB 51.79 obv.! iii 15’-17’ (POPKO & TARACHA, op. cit., 102, 106f.; GRODDEK, Hethitische Texte [2004c], 127f.), KBo 13.128 iv 13’-14’ (POPKO & TARACHA, op. cit., 104, 108). 37 NAKAMURA (op. cit., 284f.) translates correctly: Ea, Damkina, Nabû, Nisaba. Cf. GRODDEK, Hethitische Texte (2004b), 75; GARCÍA TRABAZO & GRODDEK, op. cit., 121. 38 See KAMMENHUBER, “Getreidegottheit alki/NISABA,” 148f.; ARCHI, “Translation of Gods.” 335: “DNISABA = Kumarbi(/Dagan), because the other gods are of Hurrian origin.” 39 POMPONIO, Nabû, 20f.; “Nabû,” 17. For aya, see now WEEDEN, “The Akkadian Word for ‘Grain’,” 90ff. The cult of aya and Nisaba in the Eki ungal of Nanna at Ur is well illustrated by a hymn to aya, composed most likely for the occasion of a visit by Rm-Sîn: (2) ‘aya, who holds all the great tablets, who is outstanding in wisdom(?). (..) (30) O aya, I want to proclaim your magnitude for eternity! (…) (32) Your beloved spouse is the maiden Nisaba, the great queen among the queens. (…) (38) Enki, in the shrine, in(?) the Abzu, bestows his 33

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Kassite period, Nisaba was commonly considered Nabû’s spouse. In Ugarit and Emar, their cult is attested by colophons of Akkadian texts, in which a scribe describes himself as “servant of Nabû and Nisaba.”40 It is probably Nisaba, not Kumarbi, who occurs in a list of daily breadofferings for Te

ub of Aleppo and his circle, KBo 14.142 i 1ff.: Stormgod of Aleppo, Stormgod of Life (eelibi), Stormgod of Torch, Stormgod of Calling, all Stormgods, Ta mi u (DNIN.URTA), Ea, Nisaba, Moongod, Sungod, Sungoddess of Arinna, Mountaingod ulla, Mezzulla, etc.41 This would also explain the occurrence of the SANGA-priest of the Stormgod of Aleppo and the AMA.DINGIR-priestess of alki in KBo 11.46 v 16’f.42 Both apparently arrived from their temples to participate in a cult banquet on the 29th day of the AN.TA. UM festival. Perhaps, Nisaba did not have her own priestess, her cult having been presided over by the AMA.DINGIRpriestess of alki. In a vow related to his oncoming campaign against Assyria, Tudaliya IV addresses to a group of deities including, among others (the context is fragmentary), au ka (DI TAR), Ea, Nisaba and the East wind, KBo 33.216 rev. iv 2f.: DI TAR DÉ.A DNI[SABA ] (3) Ù A-NA IM UGU.43 What Piotr Michalowski states on Nisaba in Mesopotamian sources – “Some of the references to her are hard to explain with our current state of

incantations of life upon you.’ See BRISCH, Tradition, 188f. (Rm-Sîn B), with modifications. The North Semitic ay(y)a is, in fact, identical with Ea, which may explain the occurence of Ea together with Nisaba in some of the texts cited below. ay(y)a was worshiped in Ebla already in the third millennium BC, see ARCHI, “The God ay(y)a.” According to Archi (15f.), ay(y)a (/Ea) may have been originally the god of freshwater springs and spring-fed pools. In Mesopotamia, even before the Old Akkadian period, there was already a marked syncretism between the Sumerian Enki and the Semitic Ea. The Eblaite bilingual list D has: DEn-ki = ’à-u9 /ay(y)u(m)/ (from the root *yy “to live”). The epithet “maiden” is referred to Nisaba already in a Mesopotamian “zami hymn” found at Ebla (ARET 5, 7 XIV.3), see POMPONIO & XELLA, Les dieux d’Ebla, 296; MICHALOWSKI, “Nisaba,” 577. It occurs also in the OB Sumerian hymn Nisaba A (A = YBC 13523 iii 25 // K1 7’), see now FELIU, “New Fragment of Nisaba A,” 29 (who translates KI.SIKIL as “virgin”). 40 POMPONIO, Nabû, 59 with n. 73. 41 WEGNER, Hurritische Opferlisten, 63, 273ff. (no. 147). The beginning of this list resembles kalutis of other manifestations of Te

ub, in which the sequence Kumarbi and Ea occurs (ibid., passim), but only here, in all surviving versions, Ea precedes the logogram NISABA. 42 Cf. TAGGAR-COHEN, Hittite Priesthood, 145, 343. 43 Reading of the last sign in l. 2 is based on a photograph kept in the archives of the Chicago Hittite Dictionary and on H.G. Güterbock’s transliteration of the text. DE ROOS (“KBo 33-216,” 45) reads DTap-[ki-in-na.

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P. TARACHA 44

knowledge” – applies widely to some of her attestations in Hittite texts, too. He pointed out, for example, that in the incantation series Utukk lemntu she is invoked as the “throne-bearer of Sîn.”45 Nisaba’s relation to the Moongod might go back to ED traditions of Enlil’s divine family and to her old cult in the Nanna temple at Ur. This can hardly explain, however, the appearance of alki in the following offering list from the Hittite festival for the Heptad, KUB 9.28 i 3’-5’ (dupl. KBo 27.49, 3’-5’): D]UTU-u DU-a nepi a (4’) [DI KU(R-a KUR-a 1 L M DINGIRM)]E -mu nepi tekan (5’) [ -]u DZUEN46 Dalki DNIN.É.GAL ‘Sundeity, Stormgod, [Stor]mgod of Heaven, Thousand Gods of the land, Heaven (and) Earth, [ ], Moongod, alki, Ninegal.’47 In this context, too, alki is most likely to be identified with Nisaba.48 In the debate ‘Nisaba and Wheat’ the former is called the Mistress of the Netherworld, and is associated with Ere kigal.49 Moreover, in an esoteric colophon from Emar, a scribe calls himself a servant of Nabû and Nisaba, as well as of Aya, PAP.PAP (= Nisaba),50 Nindubgalgal (most likely Nisaba’s epithet), and Ere kigal.51 Both references remind us of a Hittite text, IBoT 2.80 rev. 1f., which mentions offering pits (attessar) of the Sungoddess of the Earth (Anatolian counterpart of Ere kigal)52 and of alki.53 In other contexts, such as the standard kaluti list of Te

ub54 and similar lists related to his various manifestations,55 the writings Dalki and D NISABA certainly denote the Hurrian god Kumarbi, according to the

44

MICHALOWSKI, “Nisaba,” 579. Ibid. 46 The text has DZUEN-an alki . Emendation after KBo 27.49, 4’. 47 Ninegal is here probably an epithet of Inanna(/I tar), going back to the tradition of her OB cult at Larsa and Ur. Cf., e.g., a royal inscription from Larsa (Rm-Sîn I 17: 15f.), in which Ninegal is referred to as “the great daughter of Sîn, who gathers all instructions of heaven and earth.” See BEHRENS & KLEIN, “Ninegalla,” 344. 48 For different opinions, see KAMMENHUBER, “Getreidegottheit alki/NISABA,” 149 (Kumarbi); ARCHI, “Translation of Gods,” 335 n. 86 (Hittite Grain-goddess). 49 LAMBERT, Babylonian Wisdom Literature, 171. 50 KREBERNIK, “(D)PAP.PAP,” 328. 51 Cf. MICHALOWSKI, “Nisaba,” 579. 52 TARACHA, Religions, 109. 53 Cf. KAMMENHUBER, op. cit., 156. In this context, HW2 III/17: 506a, regards alki as a god. 54 See, e.g., KUB 34.102 ii 5’ (Dalki) // iii 19’ (DNISABA), WEGNER, Hurritische Opferlisten, 24, 27, 68, 70 (no. 1). 55 LAROCHE, “Te

up, ebat et leur cour,”115f ; “Le panthéon de Yazılıkaya,” 118; GÜTERBOCK, “ uwaliyat,” 3ff.; OTTEN, Festritual, 33f.; WEGNER, op. cit., passim. 45

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explanation given by Archi.56 Kumarbi occurs also among Hurrian gods, to whom the king makes offerings during some festivals, including the AN.TA. UM festival at Ankuwa, KUB 11.27(+)KUB 41.55 i 34’f.: Ta mi u/ uwaliyatt (DURA ), Kumarbi (Dalki), Ea, Sungod, [ ], gods of Nikkal (DNIN.GAL).57

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LES HITTITES ET LES RÉGIONS PÉRIPHÉRIQUES : ÉGYPTE, UGARIT ET CHYPRE

De Hattu a à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2013, p. 133-141. ————————————————————————————————————————

LES TABLETTES ALPHABÉTIQUES DE LA MAISON D’OURTENOU : LIEU DE RENCONTRE DES ARCHIVES DE L’ACROPOLE, DES PALAIS D’OUGARIT ET DE LA RÉSIDENCE DE RAS IBN HANI Pierre BORDREUIL Directeur de recherche émérite au CNRS UMR 8167 Orient et Méditerranée Mondes sémitiques

Quatre vingts-ans après la découverte du site archéologique de Ras Shamra, les quelque trois mille textes alphabétiques mis au jour depuis lors donnent une image, encore incomplète, de ce que furent les dernières décennies de la capitale éponyme du royaume d’Ougarit. On note en même temps que les textes mis au jour pendant les trois grandes étapes de l’exploration archéologique à savoir : la bibliothèque du Grand Prêtre, le complexe palatial et la maison d’Ourtenou, ont fait connaître tour à tour ces trois domaines essentiels : la religion, l’État, la société. De 1929 à 1939, les mythes et les légendes de « la bibliothèque du Grand Prêtre » rédigés dans la langue locale, en dépit de leur caractère d’extrême nouveauté et de leur immense intérêt littéraire, permettaient tout au plus de considérer Ougarit comme une ville royale puisque les premiers textes mentionnaient un roi. L’installation portuaire de Minet el-Beida et la renommée du palais royal, exaltée dans une lettre d’El-Amarna, pouvaient d’autre part donner une idée du rayonnement international de la cité. Toutefois, lors de la reprise des fouilles archéologiques en 1948, on pouvait encore imaginer une cité dont les intérêts premiers semblaient être les lettres et les arts, et dont l’assise territoriale relativement exiguë était comparable à celle des cités phéniciennes du premier millénaire, comme Arwad et Goubal. Bien entendu, on avait reconnu d’emblée l’immense intérêt que présentaient les mythes du combat de Balou contre Môtou et contre Yammou, de même que les légendes d’Aqhatou et de Kirta puisqu’ils avaient permis de redécouvrir une langue sémitique de l’Ouest du IIe millénaire, notée au

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moyen du plus ancien alphabet pleinement opérationnel connu jusqu’à présent. En résumé, les découvertes des années 30 révélaient la civilisation d’une ville royale illustrée par une langue et une littérature nouvelles. De 1948 à 1968, l’effort a porté sur la mise au jour du principal monument de la ville : « le Palais royal » et de ses archives riches de près de mille textes. Comme on l’a déjà dit, l’existence de ce monument est connue depuis la fin du XIXe siècle, bien avant la découverte d’Ougarit, grâce à la publication d’une lettre du roi de Goubal/Byblos au pharaon Amenhotep IV/Akhenaton qui le compare au palais de Tyr : « …extrêmement grande est la richesse entre ses murs… »1. Ces tablettes2 ont fait connaître, à travers l’akkadien de Syrie occidentale, l’activité d’une administration étatique gérant son territoire propre et entretenant des relations avec des états voisins ou plus éloignés comme Chypre, le Hatti, l’Égypte ainsi que les royaumes de Goubal, de Tyr etc. En même temps, l’assise territoriale du royaume était établie grâce au traité international passé entre le royaume d’Ougarit et l’empire hittite pour délimiter la frontière septentrionale séparant l’Ougarit du Moukish3. Le tracé en arc de cercle de cette frontière entre vallée de l’Oronte et Méditerranée a pu être identifié depuis Birzié, l’actuel piton du château croisé de Bourzé, jusqu’à imoulli « qui est en mer », l’îlot Pigeon situé un peu au nord de Ras el-Bassit. La frontière orientale était marquée par la chaîne côtière au couvert forestier touffu, voire impénétrable. En l’absence de traité jalonnant la frontière méridionale du royaume, celle-ci paraît avoir été localisée au seuil situé au nord de l’actuelle ville de Banias, là où coule le Nahr al Sinn, au cours bref mais abondant4. Les listes d’agglomérations des archives du palais royal confirment d’autre part que l’Ougarit constituait bien un ensemble territorial allant depuis la baie de Kassab jusqu’aux confins de Banias et depuis la mer jusqu’à la chaîne côtière. Ce n’était donc pas une cité-état comme les découvertes des années 30 auraient pu le laisser entendre et comme on peut encore le lire ici ou là. Les archives du palais royal permettent de définir plutôt l’Ougarit comme un royaume syrien de la fin de l’âge du Bronze. De 1973 à 2002, une troisième composante de la civilisation ougaritaine est apparue grâce à la mise au jour du lot d’archives de la maison d’Ourtenou qui se révèle être le second par ordre d’importance après celui du palais royal. Ces tablettes sont issues de la découverte fortuite, en un lieu inattendu situé au sud du tell, de plusieurs centaines de textes des plus divers 1 2 3 4

MORAN, Lettres d’El Amarna, p. 278 (EA 89, l. 51). NOUGAYROL, Palais royal d’Ugarit III et Palais royal d’Ugarit IV. RS 17. 62 etc : NOUGAYROL, Palais royal d’Ugarit IV : les frontières du royaume, p. 10-18. BORDREUIL, « Topographie économique de l’Ougarit », p. 265.

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dont une partie, hélas! a disparu par l’action intempestive d’un engin mécanique à la fin des années 605. Non seulement elles permettent de mieux comprendre le fonctionnement de la société d’Ougarit, mais elles constituent une sorte de plaque tournante, d’interface : 1) avec les archives du palais royal mises au jour dans les années 50. 2) avec les œuvres littéraires de la bibliothèque du Grand Prêtre mises au jour dans les années 30. 3) Avec celles du Ras Ibn Hani mises au jour dans les années 70 et 80. Les relations de l’archive d’Ourtenou avec celles du palais royal Le premier document important découvert dès le début du dégagement en 1973 fut le rituel funéraire de Niqmaddou III (selon la numérotation traditionnelle, Niqmaddou IV d’après les dernières recherches6), avantdernier roi d’Ougarit7. Il donne la liste de ses prédécesseurs défunts énumérés à partir des plus récents appelés les « rapa’uma de la terre » en remontant jusqu’aux « rapa’uma anciens », et l’on doit alors se poser la question de la présence de ce document à l’extérieur du palais, bien loin des tombes royales. Celles-ci sont très endommagées, mais une coïncidence heureuse a permis de retrouver le décor de cette cérémonie tel qu’il a été conservé en Syrie centrale dans une tombe de Mishirfé-Qatna8. L’identité du propriétaire de la maison nous est apparue à partir d’un texte de conjuration contre les morsures de serpents et de scorpions au bénéfice d’Ourtenou mise au jour en 19929. Un document aussi personnel devait certainement être conservé à proximité de la résidence d’Ourtenou et vraisemblablement dans sa propre maison. Par ailleurs, plusieurs tablettes akkadiennes présentent un certain nombre de personnages déjà connus par les textes du palais, dont Ourtenou. Nous verrons un peu plus tard que tous semblent avoir été à l’évidence des familiers de l’entourage royal. La proximité du propriétaire de cette archive avec la cour royale a été présumée par une lettre10 qui mentionne Yabninou en déplacement pour aller verser de 5

Résumé de la découverte dans BORDREUIL, « Les circonstances de la découverte épigraphique de 1973 ». 6 ARNAUD, « Prolégomènes II », p. 163. 7 RS 34. 126 = CAT 1. 161. 8 Voir BORDREUIL & AL-MAQDISSI, « Le cercle des monarques disparus », p. 46-49. 9 RS 1992. 2014 : BORDREUIL & PARDEE, « Épigraphie ougaritique 1973-1993 », p. 3 ; IID., « Textes ougaritiques », no 52, p. 387-391. 10 RS 34. 124 (= CAT 2.72) : BORDREUIL et PARDEE, « Les textes ougaritiques », no 88, p. 142150.

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l’huile sur la tête de la fille du roi d’Amourrou et par un document juridique lui accordant des garanties sur un territoire qu’il a récemment acquis et mis en valeur11. Or, Yabninou est connu comme l’important dignitaire dont la résidence était vraisemblablement le petit palais ou plus exactement le palais sud12. Les relations de l’archive d’Ourtenou avec la Bibliothèque du Grand Prêtre La mise au jour d’un fragment de texte mythologique en 199213 allait élargir le cercle jusqu’à la Bibliothèque du Grand prêtre et aux premiers textes littéraires du début des années 30. Son colophon mentionne en effet Ilimilkou, scribe dont le nom et la titulature figurent sur les textes mythologiques et légendaires du début des années 30. Contrairement à ces derniers où il se présente comme copiste, voire comme collaborateur de son maître, il se définit ici comme l’auteur de ce nouveau texte mythologique. L’élément le plus surprenant était pourtant la présence de ce document, seul de son espèce, dans la maison d’Ourtenou, éloignée de plusieurs centaines de mètres de la bibliothèque du Grand Prêtre. De plus, aussi bien les textes de la maison d’Ourtenou que l’ensemble des témoins matériels concorde vers une datation au XIIIe siècle, alors que la bibliothèque du Grand prêtre a été précédemment datée du XIVe siècle. La question reste alors posée: s’agit-il d’une tablette du XIVe siècle dont Ourtenou aurait pu hériter, ou la datation des premiers textes telle qu’elle a été proposée dès les années 30 doit-elle abaissée au XIIIe siècle, comme l’avait d’abord pensé Claude Schaeffer? Rappelons que la datation au XIVe siècle avait été fixée par Charles Virolleaud à partir des textes d’El-Amarna, à l’époque seuls témoins de l’akkadien de la côte du Levant qui étaient datés eux-mêmes du XIVe siècle. À partir d’autres arguments qui ne seront pas développés ici, la tendance actuelle est de pencher pour une datation des textes mythologiques, voire de l’alphabet cunéiforme lui-même, au XIIIe siècle plutôt qu’au XIVe siècle14.

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RS 94. 2965 : RSO XVIII, no 57, p. 141-145. NOUGAYROL, Palais royal d’Ugarit VI. 13 RS 1992. 2016 : CAQUOT & DALIX, « Texte mythico-magique ». 14 DALIX, « uppiluliuma (II ?) dans un texte alphabétique d’Ugarit », p. 14-15 ; PARDEE, « Le traité d’alliance RS 11.722+ , p. 24 et n. 69. 12

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Les relations de l’archive d’Ourtenou avec les textes du Ras Ibn Hani Le cap d’Ibn Hani recouvre une implantation urbaine du Bronze récent, fouillée depuis 1975 par Adnan Bounni, Jacques, Élisabeth Lagarce et Nassib Saliby à quelques kilomètres à l’ouest de Ras Shamra. Ce site archéologique a livré plusieurs dizaines de tablettes cunéiformes alphabétiques et, en 1983, une bulle15 frappée du cachet d’Ammishtamrou16, dont l’empreinte était déjà connue depuis 1952 sur une tablette akkadienne17. Cette bulle a constitué un premier indice de l’activité de ce roi sur ce site. Son règne, long de plusieurs décennies, a embrassé en effet une bonne partie du XIIIe siècle. Or, une lettre provenant de ce site a été adressée « à la reine ma mère »18. Son en-tête ayant disparu, l’identité de l’expéditeur, apparemment de lignée royale, demeurait incertaine. Tout récemment, le regretté Adnan Bounni, Jacques et Élisabeth Lagarce, ont noté sur cette tablette la présence, qui avait échappé aux épigraphistes de service, d’une empreinte de cachet au nom de Ammishtamrou, issue de la même matrice que les deux empreintes précédentes19. Le personnage d’Abdimilkou Dans cette lettre, le fils, qui s’avère être Ammishtamrou (III), d’une reine, qui s’avère être Ahatmilkou, s’inquiète de l’état de santé précaire de Abdimilkou, vraisemblablement à la suite d’une blessure reçue au combat. Ammishtamrou l’a remplaçé depuis six jours pour conduire des opérations militaires qui devaient se dérouler sur le territoire du Moukish. La raison de la sollicitude du roi envers Abdimilkou dans cette lettre de Ras Ibn Hani peut trouver son explication dans une tablette de l’archive d’Ourtenou20. Ce document juridique, daté «des jours de Ammishtamrou roi d’Ougarit, fils de Niqmepa roi d’Ougarit», désigne en effet Abdimilkou comme le gendre ou le beau-frère de Ammishtamrou. Les relations mutuelles entre les deux hommes devaient être assez fortes pour que le roi donne le droit à Abdimilkou de transmettre l’ensemble de son héritage à son fils préféré, dût15

RIH 83/21 (= CAT 6. 75) : BORDREUIL & PARDEE, « Sceau nominal de Amm yitamru, roi d’Ougarit », p. 11. 16 Deuxième du nom selon l’ordre dynastique traditionnel et troisième d’après les dernières recherches mentionnées plus haut. 17 RS 16. 270 : NOUGAYROL, Palais royal d’Ugarit III, p. 44 n. 2 et pl. LXXXVIII = CAT 6. 23. 18 RIH 78/12 (= CAT 2. 82), BORDREUIL & CAQUOT, « Textes en cunéiformes alphabétiques découverts en 1978 à Ras Ibn Hani », p. 359. 19 BOUNNI & LAGARCE (É. & J.), « Tablette RIH 78/12 », p. 157 fig. 3. 20 RS 94. 2168 : RSO XVIII no 56, p. 135-141.

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il pour cela déshériter «le fils de la fille du roi», c’est à dire le petit-fils (ou le neveu) de Ammishtamrou au profit d’un fils né d’une autre des quatre épouses de Abdimilkou. Ce seul exemple suffit à montrer combien les textes de Ras Ibn Hani et ceux de l’archive d’Ourtenou peuvent s’éclairer mutuellement. On notera d’autre part que l’agglomération du Bronze récent sur le Ras Ibn Hani, qui remonte au milieu du XIIIe siècle, fut certainement une fondation voulue par Ammishtamrou, ce dont témoigne son quadrillage orthogonal (bien antérieur au quadrillage dit hippodamien). En revanche, l’archive d’Ourtenou d’Ougarit contient plusieurs témoignages plus récents d’au moins une génération21. Le passe-droit obtenu par Abdimilkou pourrait donc être antérieur de quelques décennies à l’ensemble des textes de l’archive d’Ourtenou. Quelles autres informations pouvons-nous tirer des textes de la maison d’Ourtenou ? Rappelons le fragment de lettre de l’Égyptien Beya adressé à Ammourapi22 et qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. D’autres personnages apparaissent dans des lettres d’affaires : Shiptiba lou qui fait des affaires avec l’Égypte et qui pour cela est peut-être surnommé « l’Égyptien »23. D’après un autre texte émanant de Dagan-bêlou, partenaire commercial d’Ourtenou et responsable du comptoir d’Emar, ipi-baal24 n’est rien moins que gendre du couple royal d’Ougarit25. Son cachet, gravé en hiéroglyphes égyptiens sur un acte de vente à la reine, rédigé en akkadien, de 4 arpents de terrain pour 180 sicles d’argent, le présente comme «porte parole de la reine »26. Il est également chef du quai, important transitaire du port d’Ougarit et responsable de l’ensemble du trafic portuaire. Ce Shiptibaal est aussi un affairiste qui s’est rendu coupable de grivèlerie en exportant de Tyr des portes en bois et en omettant de les payer. Son indélicatesse

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En particulier le rituel funéraire RS 34. 126, cité plus haut, qui souhaite le bonheur à Ammourapi, dernier roi d’Ougarit aux environs de 1200. 22 RS 86.2230 : ARNAUD, « Lettres (nos 5-21) », no 18, p. 278-279. 23 VITA & GALAN « ipi-ba alu, un « Égyptien » à Ougarit ». 24 La vocalisation exacte de ce nom était ipi-ba alu en akkadien, ipîba lu en ougaritique. 25 ARNAUD, « Correspondance d’affaires entre Ougaritains et Emariotes (nos 30-36) », no 30, p. 66-67 : « …Dis à ipi-ba al, mon grand frère : ainsi parle Dagan-bêlu, ton frère : Que les dieux du pays d’Ougarit, Ea, le seigneur imposant, et les dieux du pays d’Emar protègent très soigneusement ta vie et la vie de la fille du roi, ton épouse… » 26 Dans ce texte RS 17. 86+241, RS 17.102 et RS 17. 325, il est cité comme témoin : voir NOUGAYROL, « Textes suméro-akkadiens », nos 159-161, p. 261-264. Sur le cachet lui-même, cf. SCHAEFFER, Ugaritica III, p. 81-82 et fig. 106 et le commentaire de NOUGAYROL, art. cité, p. 261.

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entraînera d’ailleurs une plainte adressée par le roi de Tyr au roi d’Ougarit27. On retrouve aussi Yabninou, grand personnage de la fin du XIIIe siècle, dont on a déjà parlé, acquéreur d’un domaine qu’il a défriché dans la montagne28. Les activités de l’entourage d’Ourtenou évoquent celles d’une firme commerciale d’import-export. On peut considérer que le président non exécutif de cette association était le roi lui-même qui peut être décrit, selon l’heureuse formule de Jean Nougayrol, comme « une sorte de marchand magnifié »29. L’image que nous livre l’archive d’Ourtenou est donc celle d’un milieu social au niveau de vie élevé, lettré, ouvert au monde extérieur et qui était, à n’en pas douter, une composante essentielle de la cour royale. Ourtenou luimême semble avoir été en relation avec le milieu littéraire: en témoignent le fragment d’un mythe écrit par Ilimilkou30 et la page de dictionnaire trilingue suméro-akkado-hourrite31, sans parler d’une séquence de vingt-sept lettres cunéiformes reproduisant l’ordre hl“m…32. On note aussi des relations avec le milieu clérical : la conjuration contre les morsures de serpents et de scorpions, avec la maison royale, ses secrets d’alcôve et ses anecdotes les plus « people » : les fiançailles33, puis les démêlés conjugaux de Ammishtamrou II34, l’information d’un voyage confidentiel de la reine en Anatolie dont il doit garder le secret sous peine de mort35. En conclusion, l’élément le plus nouveau révélé par l’archive d’Ourtenou est certainement cette image de la société dirigeante du royaume que l’on définira, faute de mieux, comme une sorte d’oligarchie marchande. En même temps, cette documentation évoque celle de la bibliothèque du Grand Prêtre avec l’homme de lettres Iloumilkou, celle de l’ensemble palatial avec l’homme d’affaires Yabninou et celle de la résidence de Ras Ibn Hani avec le militaire Abdimilkou.

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ARNAUD, « Une lettre du roi de Tyr au roi d’Ougarit ». RS 94. 2965 : RSO XVIII no 57, p. 141-145. 29 NOUGAYROL, « Guerre et paix à Ugarit », p. 111, n. 11. 30 CAQUOT & DALIX, « Texte mythico-magique ». 31 RS 94. 2048 : ANDRÉ-SALVINI & SALVINI, Nouveau vocabulaire trilingue sumérienakkadien-hourrite de Ras Shamra. 32 RS 88. 2215 : BORDREUIL & PARDEE, « Textes ougaritiques » (2001), no 32, p. 341-348. 33 RS 34.124 : BORDREUIL & PARDEE, « Textes ougaritiques » (1991), no 88, p. 142-150. 34 NOUGAYROL, Palais royal d’Ugarit I, p. 113-148 ; LACKENBACHER, Textes akkadiens d’Ugarit, p. 125 et n. 380, SINGER, « Political History of Ugarit », p. 681 ; voir la pénétrante analyse de FREU, Histoire politique du royaume d’Ugarit, p. 106-114 : les « scandales » de la fin du règne. 35 RS 94. 2406, l. 30 : RSO XVIII no 60, p. 156-162 (p. 158) : w r . lq : « et ta tête est partie… » 28

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Quatre décennies après la redécouverte d’Ougarit, bien des lacunes subsistent, sans doute pour longtemps, dans notre connaissance de cette civilisation. La documentation livrée par l’archive d’Ourtenou a permis toutefois d’ouvrir un troisième dossier : après celui de la religion et celui de l’État, le dossier de la société d’Ougarit.

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De Hattu a à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2012, p. 143-163. ————————————————————————————————————————

DEUX TÉMOINS DOUTEUX Robert HAWLEY

Dennis PARDEE

CNRS, Paris

Université de Chicago

Au cours du réexamen des tablettes où sont censés être consignés les textes juridiques en langue ougaritique, nous avons rencontré deux textes où les signes {yp}, signifiant « témoin », soulèvent des doutes. Dans un cas, RS 31.043, il s’agit tout simplement d’une mauvaise lecture. En revanche, la lecture des signes {yp} ne présente aucun problème dans RS 17.[468]+ mais l’interprétation des signes comme désignant le nom commun, interprétation qui a sans doute motivé l’inclusion de ce texte dans la section de KTU/CAT où sont rassemblés les textes juridiques, n’est pas certaine car, pout les raisons que nous exposerons, il pourrait s’agir du second élément d’un anthroponyme composé. En outre, il nous est apparu que les diverses questions épigraphiques et philologiques que ces deux textes soulèvent méritent d’être examinées. D’ailleurs, jusqu’ici ces textes n’étant publiés qu’en transcription, nous profitons de l’occasion pour fournir des photographies et copies des deux textes aussi bien que notre transcription. RS 17.[468]+ : texte juridique ou économique ? La tablette et son texte RS 17.468 + ? = DO s.n. = KTU/CAT 3.6 + ? Dimensions : hauteur 28 mm ; largeur 32 mm ; épaisseur 15 mm. État : deux fragments recollés depuis 2002 (nous avons des photographies de RS 17.[468] exécutées en juin 2002, et le fragment de gauche n’y figurait pas) qui constituent la partie inférieure d’une petite tablette, brûlée et en assez mauvais état. Le recollage du petit fragment à l’angle inférieur gauche est tout à fait mystérieux puisque son inventeur ne s’est pas identifié en signant la boîte où se trouve RS 17.[468] et n’y a pas porté non plus le numéro du petit fragment recollé au grand fragment. La

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présence de ce fragment n’est pas moins précieuse pour cela, car elle permet de mieux comprendre le texte et son fonctionnement. Caractéristiques épigraphiques : ductus administratif avec {#} à six branches. Les clous supérieurs du {s}, l. 5', sont anormalement étirés vers la droite et, par conséquent, ils ressemblent à des clous horizontaux. On ne trouve aucun clou séparateur dans ce texte, bien que, même dans un texte si court, il ait existé plusieurs possibilités de l’utiliser, en particulier entre les noms de nombre et les noms communs. Lieu de trouvaille : RS 17.[468] : Palais Royal, pièce 66 (Archives Centrales), p.t. 796 à 3,10. + un fragment dont le numéro, et par conséquent son lieu de trouvaille, nous sont inconnus. Editio princeps : aucune (édition préliminaire dans KTU [1976], p. 169, no 3.6, transcription seule, reprise avec changements mineurs dans CAT [1995], p. 202, no 3.6). Texte Recto ............................... 1') [ ]---- 2') [--]blyp 3') #n mrm 4') #- #nm —— Tranche inférieure 5') #n mqpm ———————— 6') spl Verso ———————— 7') m ym ———————— 8') [m] d 9') [-]r n —— Tranche gauche 10') [ ]##

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Remarques textuelles 1') Les signes conservés de cette ligne commencent au côté droit du recto et continuent sur la tranche droite pour se terminer au verso (ces restes se trouvant au verso sont indiqués soit en pointillé soit en gris sur les facsimilés). Cet agencement des signes fait planer un doute sur la longueur du texte original et sa disposition sur la tablette, car, normalement, les scribes d’Ougarit n’inscrivaient de texte sur la tranche gauche qu’après avoir rempli l’espace disponible sur le verso et sur la tranche supérieure. Ainsi, la présence d’écriture sur la marge gauche fait penser que le texte au verso a dû continuer après cette fin de la ligne 1', même si on ignore comment. 2') La forme des premiers clous visibles laisse peu de doute sur la lecture de {b/d}, {} et {l} (les auteurs de KTU/CAT ont proposé {kx}) : on voit le dernier clou horizontal de {b/d}, le clou de gauche et le dernier clou vertical sont partiellement conservés comme l’est le {} suivant et les trois pointes du {l}. 3') Les bords des fragments à l’endroit du recollement sont abîmés et la partie centrale du deuxième signe a disparu. À cause de l’étroitesse des deux pointes de clous qui subsistent de la partie gauche de ce signe, l’un de nous a d’abord pensé qu’il s’agissait d’un {l} et que les traces à droite seraient des restes d’un {#}. Deux arguments vont pourtant à l’encontre de la lecture ici de {#l#} : (1) l’angle de pose des pointes de clous visibles à gauche privilégie l’identification comme des clous horizontaux ; (2) pour admettre la lecture d’un {l}, il faudrait accepter qu’il soit très étroit, le plus étroit de ce texte, et que le {#} ait aussi été plus étroit que les autres exemples mieux conservés de ce signe. Il paraît donc préférable de prendre les traces à gauche pour les restes d’un {n} — dont les deux premières têtes de clou auraient été étroites — et les traces à droite pour la fin de ce signe. 4') Bien que la partie droite du deuxième signe ait disparu, la longueur de la partie conservée aussi bien que sa hauteur au bord gauche font d’abord penser à la lecture d’un {t} ; mais celle de {n} est aussi possible, car le {n} qui se voit plus loin à cette même ligne manifeste un premier clou long, comme ce serait le cas ici. Le signe se trouvant à droite de la cassure est un {#} certain (dans KTU, on trouve « x », dans CAT {}). 9') Le premier signe partiellement conservé est à lire {r} plutôt que {k} (la lecture de KTU/CAT) car la partie droite d’un clou horizontal qui touche ce signe semble en faire partie. Comme nous l’avons signalé à propos de la ligne 1', les traces de clous situées au-dessous de la ligne 9' appartiennent à la fin de la première ligne (les auteurs de KTU/CAT indiquent un « x » ici).

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10') Habituellement l’écriture se trouvant sur la tranche gauche commence en haut de la tablette, de sorte que le premier signe du texte sur la tranche est situé au niveau du premier signe du texte au recto — mais il existe des cas contraires et, par conséquent, on ne sait s’il s’agit ici du début ou du fin de la ligne. Pourtant la forme de {#} semble se prêter beaucoup mieux à l’orientation habituelle de l’écriture sur la tranche gauche d’une tablette, car la forme des deux clous du {#} à six branches est telle que la branche en haut à gauche du signe n’est presque jamais de taille plus grande que les autres branches (en générale, c’est le contraire : cette branche est d’habitude la plus petite). Cet argument prend encore plus de poids dans un ductus — comme celui-ci — où certains types de clous sont étirés vers la droite. Fac-similés et photographies

Fig. 1. Fac-similé de RS 17.468+ (Pardee).

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Fig. 2. Fac-similé de RS 17.468+ (Hawley).

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Fig. 3. Photographies de RS 17.468+ (cliché Projet « PhoTÉO »).

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Traduction Recto ............................... 1') 2') [ ]BLYP 3') deux ânes, 4') deux (pièces de tissu teint en) écarlate, Tranche inférieure 5') deux marteaux, ———————— 6') un chaudron, Verso ———————— 7') ? ———————— 8') [une h]oue, 9') [un ? ]RN. Tranche gauche 10') [ si]x Commentaire Ligne 2'. La largeur de la lacune permettant la restitution de deux signes, il pourrait s’agir des deux premiers signes d’un anthroponyme se terminant par bl (plusieurs sont attestés, tels dbl, lbl, etc.) et suivi du nom commun « témoin ». La difficulté de cette première interprétation est le fait qu’ailleurs dans le corpus juridique, le mot yp, « témoin » se place avant l’anthroponyme, et jamais après, comme ce serait le cas ici. En revanche, si les signes {blyp} constituent un nom propre, on pense à la restitution de {bd}, « aux bons soins de ». La difficulté de cette seconde interprétation réside dans le fait qu’il n’existe aucun cas certain de l’emploi du mot yp en ougaritique comme élément d’anthroponyme. G. del Olmo Lete et J. Sanmartín posent la question de savoir si ces signes dans certains contextes abîmés n’appartiendraient pas à des anthroponymes 1, mais nous n’en possédons aucune preuve à ce jour. 1

DEL OLMO LETE & SANMARTÍN, Diccionario de la Lengua Ugarítica II, p. 533.

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Ligne 4'. Le nom commun {#nm} est sûrement au duel, mais la question demeure de savoir quel est son genre grammatical car la lecture du deuxième signe du nom de nombre n’est pas certaine : si la lecture/restitution de deuxième signe est bien {t}, le mot suivant serait de genre féminin, alors que si le premier mot était {#n}, le suivant serait de genre masculin (voir la remarque textuel). Pour G. del Olmo Lete et J. Sanmartín, il existerait en ougaritique un mot n apparenté à n en hébreu, signifiant « écarlate » (soit le produit teinturier, soit le tissu teint), et un autre mot nt apparenté à inintu en accadien, qui signifie « cuir » (soit une variété de cuir, soit un objet fabriqué en cuir)2. Les textes ne sont pourtant pas assez précis pour interdire deux autres hypothèses : selon la première, il s’agirait de formes masculine et féminine ayant une dérivation identique et désignant deux formes d’un même produit, par exemple la teinture et le tissu teint ; selon la seconde, il s’agirait d’un seul et même mot, n au singulier, nt au pluriel. Il existe une seule formule qui ne se prête à aucune des trois hypothèses : {#t . #nt . d lp} en RS 16.001:13 (PRU II 130 = KTU 4.203). La présence du pronom déterminatif d indique que {#nt} n’est pas à l’état construit, et il s’agit donc soit du singulier, soit du pluriel, soit d’une erreur pour {#nm} ou {#ntm} 3. Admettant que le premier mot de cette ligne était bien t, c’est la dernière de ces hypothèses qui explique le mieux ces données : il s’agirait d’un des mots dont le singulier et le pluriel n’affichent pas la même forme et, dans ce cas, le schème du duel correspond à celui du singulier 4. En effet, le sens de « tissu teint en rouge » convient à toutes les attestations de n(t)5, comme certains l’ont proposé 6. 2

Ibid. I, p. 500, 501. Parce qu’il s’agit du seul exemple clair du nom de nombre n suivi d’un nom commun qui n’est pas au duel, PARDEE a suggéré qu’il pourrait s’agir d’une erreur de scribe (AfO 50 [20032004] online version, http://orientalistik.univie.ac.at/en/publikationen/archiv-fuer-orientforschung-engl/, p. 209). 4 VITA, « Bemerkungen zum ugaritischen Dual ». 5 Dans RS 16.001:9-13, l’interprétation des formules consistant en « d + nom de nombre » proposée avec hésitation par l’éditeur comme indication de prix (« valant ou pesant » … « Noter l’emploi de d, au lieu de b » [PRU II, p. 166]) et retenue encore récemment (DEL OLMO LETE & SANMARTÍN, Diccionario II, p. 501 ; TROPPER, Ugaritische Grammatik, p. 237 [§ 43.2d], p. 405 [§ 69.173.2], p. 757 [§81.11]) va à l’encontre de tout le reste du texte (aucun prix n’y est indiqué, uniquement des quantités) et elle aboutit à des prix insensés (les prix beaucoup plus modiques pour la laine teinte en pourpre, le tissu de luxe de l’époque — selon RS 18.028:3-4 = PRU V 100, on pouvait acheter trois talents de cette laine teinte pour seize sicles d’argent—, indiquent que le prix de cents sicles la pièce de n est inconcevable). Le deuxième terme envisagé par l’éditeur du texte (« pesant ») est donc à préférer : il s’agit du poids des pièces de tissu. Le passage est à traduire : « Cinq pièces de tissu teint en écarlate faisant cinq cents (sicles), 3

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Ligne 5'. Avec raison, J. Tropper pose la question de savoir si les deux mots mqb et mqp sont en fait des allomorphes d’un seul et même mot ou si le premier ne signifierait pas « foret » (< NQB, « forer un trou ») le second « marteau » (< NQP, « frapper »)7. Un trait horizontal sépare cette ligne (l. 5') de la ligne suivante. Des traits comparables 8 se trouvent également entre les lignes 6' et 7' (où il s’agit peutêtre même d’un double trait — cf. les fac-similés), ainsi qu’entre les lignes 7' et 8'. Pris dans l’ensemble, on constate d’abord une distribution très restreinte de ces traits : ils sont limités aux quelques lignes de texte qui se trouvent sur la tranche inférieure et au début du verso. Étant donné qu’il s’agit ici d’une simple liste d’objets (voir plus bas, sous la rubrique « Conclusions »), une telle distribution si limitée des traits suggère que leur emploi entre les lignes 5' et 8' était plutôt ad hoc et non pas systématique tout au long du texte : c’est-à-dire, pour une raison qui nous échappe, le scribe n’aurait commencé à utiliser de tels traits horizontaux qu’à partir de la tranche inférieure. Si on admet ce dernier argument, mais si on cherche néanmoins à trouver une explication cohérente pour l’emplacement de ces quelques traits horizontaux, on pourrait éventuellement songer à y voir une distinction des origines artisanales différentes des objets énumérés entre les lignes 5' et 8', mais le fait que les marteaux (mqbm) et le chaudron (spl) énumérés aux lignes 5' et 6' étaient sans doute fabriqués en métal, tout comme les objets énumérés aux lignes 8' et 9' ([m]qb et []rn), n’appuie pas cette hypothèse. Une autre possibilité qui vient à l’esprit est que l’emploi des traits dans cette liste est tout simplement du à la proximité de la tranche cinq pièces faisant cent (sicles), cinq pièces faisant trois cents (sicles), deux pièces faisant mille (sicles) ». Nous préférons interpréter d ici comme l’indice du poids total, au lieu du poids de la pièce, pour deux raisons : (1) il n’y a pas d’indice dans le texte qu’il s’agissait du poids unitaire et (2) la dernière interprétation oblige à admettre l’existence de très grandes pièces de tissu (si les deux dernières pesaient mille sicles chacune, ce poids correspondrait à environ 10 kg, une grosse pièce de tissu pour l’époque). 6 RIBICHINI & XELLA (La terminologia dei tessili nei testi di Ugarit, p. 68-69) n’abordent pas la question morphologique, mais ils présentent toutes les données sous la seule entrée « "N » et ils interprètent les formules introduites par d que nous venons de discuter dans la note précédente comme désignant des quantités plutôt que des prix. 7 TROPPER, Ugaritische Grammatik, p. 138 (§ 33.112.33). DEL OLMO LETE & SANMARTÍN, Diccionario II, p. 285, prennent aussi en considération ces deux sens, mais sous une seule entrée du dictionnaire, comme s’il s’agissait en fait d’allomorphes. 8 On distinguera ces traits (dont la fonction est de séparer des sections de texte) des traces d’autres traits horizontaux visibles à la toute fin des lignes 4' et 9' (qui sont des vestiges de traces inscrits au préalable et qui auraient servi de « guide » pour l’emplacement des signes). Cf. aussi la tablette suivante, RS 31.043.

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inférieure : le scribe n’aurait senti le besoin d’employer des traits pour séparer les lignes les unes des autres que sur la tranche inférieure où la lecture aurait été moins aisée que sur les deux faces. Le seul élément qui résiste à cette explication est le trait avant la ligne 7', qui présente une forme presque double et qui serait peut-être plus apte à marquer une véritable coupure – si le mot mym est bel et bien un terme général pour les deux objets qui le suivent (voir plus bas, commentaire à la ligne 7'). Ligne 7' {m ym}. La lecture du { } n’est pas certaine, mais on est obligé de la qualifier de bien supérieure aux deux autres possibilités : d’un {b} on devrait voir la pointe droite du second clou horizontal et d’un {l} on devrait trouver trace de la tête du troisième clou, mais ici le bord supérieur de la silhouette présentant la forme d’un clou vertical paraît uni. Ce mot étant un hapax et le contexte textuel étant peu clair, les diverses interprétations du mot venant à l’esprit doivent toutes être qualifiées de très incertaines. Nous avons songé en particulier à deux possibilités qui méritent une mention ici. Selon la première, le mot serait bâti sur une racine Y, ce qui serait nouveau en ougaritique, et ne trouverait pas non plus d’explication étymologique dans les autres langues nord-ouest sémitiques. En arabe, en revanche, on trouve le mot ma tun, très rare, mais auquel les lexicographes attribuent le sens de « coupe ». La deuxième solution y verrait une racine N, attestée en poésie ougaritique, mais de sens incertain, suivie du suffixe adjectivale -iyy. Du point de vue étymologique, la racine N semble être liée aux états de « pur » et « brillant », et s’appliquerait ainsi particulièrement bien aux objets métalliques, comme ce serait le cas ici. Dans les deux cas, le -m final du mot se comprend mieux au pluriel qu’au duel (on remarque la différence par rapport à l’usage syntaxique suivi aux lignes 4'-5', où le nom de nombre précédait le nom commun qui était au duel). La présence de la double ligne horizontale qui précède cette ligne semble favoriser la deuxième interprétation, et on verrait dans ce mot un terme général pour les deux objets qui suivent. Ligne 8'. Si, selon les dictionnaires, un mot md présente le sens de « faucille » 9 dans certaines langues sémitiques, dans les langues nord-ouest sémitiques il s’agit plutôt d’un instrument dont on se sert pour travailler le bois (dans la bible hébraïque, cf. Jer. 10:3, probablement aussi Isa. 44:12, malgré les objections de certains interprètes 10) et les tiges ligneuses du lin (selon le Calendrier de Gézer, l’un des moments de l’année est caractérisé 9

C’est ce sens qui est indiqué pour l’ougaritique, avec point d’interrogation, dans le Diccionario de la Lengua Ugarítica de DEL OLMO LETE & SANMARTÍN, tome I, p. 259. 10 Traduire : « et il fabrique de fer un outil-maa d » (dont la fonction sera de travailler le bois dont l’idole est fabriqué).

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par l’acte D exécuté sur des PTM). Nous sommes donc de l’avis11 qu’il s’agit vraisemblablement d’un outil dont le tranchant est à 180° par rapport au manche (l’orientation contraire, donc, du tranchant de la hache) et probablement aussi un peu plus large que celui des « pics » dont la tranche présentait la même orientation et qui s’employaient pour tailler la pierre. On ne trouve pas en français de meilleur mot que « houe », bien que l’outil en question fût vraisemblablement plus costaud que la houe du jardinier moderne. Ligne 9'. P. Bordreuil a démontré que le mot rn que portent les célèbres pics 12 découvertes en 1929 dans la Maison du Grand Prêtre désignait le donateur de ces objets plutôt que le nom de l’outil 13. Tout en citant un texte qui est ambigu en raison de l’état de conservation de la tablette, RIH 84/29, il a aussi démontré qu’aucun texte ne fournit la preuve dirimante de l’existence d’un nom commun rn en ougaritique qui désignerait un outil. On pourrait lire/restituer les deux premières lignes du texte nommé ci-devant pour aboutir à l’interprétation de « ving[t]-cinq rn au compte débiteur de B[…] » pour la deuxième ligne. Mais toute la partie droite de la tablette a disparu, et une restitution plus longue à la fin de la première ligne est envisageable — en fait, rien n’interdit l’interprétation de rn dans le texte de Ras Ibn Hani comme anthroponyme. Ligne 10'. Le texte se trouvant sur la tranche gauche peut s’expliquer selon deux cas de figure : il s’agirait soit de la continuation du texte principal, et, dans ce cas, on s’attend à ce que tout le verso et la tranche supérieure aient été remplis avant que le scribe ait poursuivi le texte sur la tranche gauche, soit d’un colophon ou épigraphe. En faveur de la deuxième explication on peut invoquer le fait que l’on ne voit aucune trace d’écriture au-dessous de la ligne 9' sauf la continuation de la ligne 1', et cela malgré le fait que l’espace paraît suffisant pour une ligne d’écriture entre la ligne 9' et cette suite de la ligne 1' (mais, vu l’état de la tablette, on doit éviter de nier catégoriquement que le texte ait pu se poursuivre au-dessous de cette continuation de la ligne 1'). Si on favorise l’hypothèse d’un colophon ou épigraphe, il faut néanmoins reconnaître que sa fonction n’était pas d’indiquer le total des objets nommés aux lignes 3'-9', car ceux-ci sont au 11

Cf. GREENFIELD, « Ugaritic Lexicographical Notes », p. 92 ; HUEHNERGARD, Ugaritic Vocabulary in Syllabic Transcription, p. 162. 12 Il s’agit bien de « pics » à tranchant étroit (la largeur du tranchant de ces objets fait environ le tiers de la longueur de l’objet) et orienté à 180° par rapport au manche et non pas d’« herminettes » (terme traditionnel repris dans la TEO), car l’herminette n’est qu’une hachette à tranchant étroit. 13 BORDREUIL, « Le premier mot de l’herminette inscrite découverte à Ras Shamra en 1929 ».

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nombre de douze. S’agirait-il d’une sous-catégorie de ces objets, par exemple les outils au sens étroit du terme ?

CONCLUSIONS Puisqu’il ne s’agit pas ici d’objets de très grande valeur, l’interprétation la plus banale verrait dans ce texte une simple liste d’objets confiés à un personnage portant le nom de Baluy piu, nom qui signifierait « (le dieu) Balu est le témoin (c’est-à-dire, se porte garant du nouveau-né) ». Pourtant, l’absence de donnée prouvant clairement l’usage de yp dans l’onomastique ougaritaine pose problème. Serait-ce préférable de prendre ce mot pour un nom commun, « témoin », mais placé – contre toute attente structurelle – après et non pas avant le nom de la personne qui sert de témoin ? Dans le doute il nous semble plus prudent de maintenir la classification de ce texte comme juridique. RS 31.043 comporte-t-il le mot yp, « témoin » ? La tablette et son texte RS 31.043 = M 8572 = KTU/CAT 4.754 Dimensions : hauteur 68 mm ; largeur 82 mm ; épaisseur 25 mm. État : partie supérieure de tablette, écornée aux deux angles conservés. À part les deux angles disparus, la surface du recto est assez bien conservée alors qu’au verso la plupart de la surface est illisible, quelques signes étant pourtant conservés le long des bords gauche et inférieur aussi bien que quelques traces du côté droit. La fin des deux lignes inscrites sur la tranche supérieure est conservée comme l’est le début de l’épigraphe logo-syllabique sur la tranche gauche14. Même aux endroits conservés, la surface est érodée de sorte que l’on voit des inclusions au ras de la surface, des grains de sable assez petits mais montrant une multitude de tailles, de formes et de couleurs. Caractéristiques épigraphiques : ductus administratif classique sans formes particulièrement remarquables : la pose des signes à multiples clous horizontaux s’effectue de bas en haut ; aucun exemple de signe à clous surmultipliés ; la pointe droite des {} est bien relevée ; les clous latéraux du {} se ressemblent, le bord inférieur du clou de gauche étant pourtant un peu penché vers le bas alors que le clou de droite est penché vers le haut, mais moins que le {} ; le {#} est à six branches. 14

Sur la fonction d’un tel emplacement de l’épigraphe en écriture mésopotamienne, cf. ROCHE, « Classification de l’utilisation du cunéiforme mésopotamien », p. 158.

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Lieu de trouvaille : Palais Nord, p.t. 4991. Editio princeps : aucune (édition préliminaire dans KTU [1976], p. 39798, no 4.754, transcription seule ; cette transcription est retenue sans modification dans CAT [1995], p. 473, sous le même numéro de texte). Texte Recto —————————— 1) [-]-gym———[ ] 2) krwn —————— 3) mtnbl ———— 4) mtn . bn . lbl —— 5) nmn . bn . bdy —— 6) bdrp . bn . tr 7) ly . bn . b y ——— —————————— 8) bd . b . #tr-[…] —————————— 9) bn . spyy[…] [———]—[————] ............................... Verso ............................... 10') [-]-[…] 11') k#[…] 12') dq[…] 13') tlg[…] 14') ypb[l ]-y —————————— 15') r[…] 16') dn[ ]y—— 17') bn . [ ]———— 18') [ ]———— 19') [ ]- . qrn— —————————— Tranche supérieure 20') [---]dl . hzpy— 21') [-]y[-]- . mgy— Tranche gauche 22') U.NIGIN2 30[…] 155

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Remarques textuelles L’orientation recto-verso indiquée dans KTU est à inverser : aussi bien la forme de la tablette (plus plate du côté que nous désignons comme étant le recto) que l’orientation du texte inscrit sur la tranche gauche (début de la ligne au haut de la tablette selon la nouvelle ordre de lecture) parlent dans ce sens. Chaque ligne du texte principal était posée sur un trait horizontal inscrit au préalable. Cela se voit le plus clairement là où la partie droite de la tablette est bien conservée ; mais on retrouve aussi les restes de ce trait entre les signes là où la partie droite de la tablette a disparu et la surface conservée n’est pas trop érodée (par ex., aux lignes 13', 14' et 17'). 1) Les restes du premier signe partiellement conservé sont épigraphiquement ambigus : on voit à droite deux pointes dont la forme conviendrait le mieux à la lecture d’un {#} et, un peu à gauche, un forme triangulaire qui semble être le fond d’un clou vertical dont la couche supérieure a disparu par érosion. On croit voir encore plus vaguement la pointe inférieure de ce clou. Il est difficile d’admettre que les deux pointes à droite puissent refléter le côté droit d’un clou oblique (qui appartiendrait à {} ou {!}) car la surface entre les deux restes visibles devrait être plus plate s’il s’agissait d’un clou oblique — en l’occurrence, cet espace présente la forme d’un « V », pointe à droite. Nous avons pensé à un {m} posé sur un {#} mal effacé (il s’agirait du même mot qu’à la ligne 21') ; mais ce qui ressemble à la partie droite d’un {#} ne montre aucune trace d’érasure. Nous n’avons trouvé aucune autre donnée philologique pour venir en aide à l’ambiguïté épigraphique. Il paraît nécessaire de conclure que, si ce qui ressemble au fond d’un clou vertical constitue en fait un reste d’écriture, il s’agissait à l’origine d’un {#} à trois clous, forme rare mais attestée 15. Aucune trace d’écriture n’est visible à gauche de ce signe (cf. KTU « xxt*(?) »). 10') Sont visibles des traces du deuxième signe de cette ligne, probablement un {k} (nouvelle lecture). 13') Le bord gauche d’un clou vertical se voit sur le côté droit de la lacune. 14') Le troisième signe n’est pas {} (KTU) : il s’agit sans aucun doute d’un {} suivi du bord gauche de {b,d,}. 15

ELLISON (Paleographic Study, p. 356, fig. 1482, 1483) ne présente que la forme très exagérée attestée sur la tablette RS 23.032 (KTU 4.722) où le signe consiste en trois clous longs. Il existe pourtant des cas de {#} de formation plus traditionnelle consistant en trois clous obliques et avec peu de séparation entre les neuf angles.

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Devant les restes d’un {y} près de la tranche droite, on voit les traces d’un autre signe, probablement un {d}. 16') Le premier signe est un {d} parfaitement conservé (un {b} est indiqué dans KTU) et le {n} est le dernier signe conservé (les auteurs de KTU font suivre ce {n} d’un séparateur). Il n’y a pas de trait séparateur après cette ligne (contre le lecture de KTU). 18'-19') Dans KTU, ces deux lignes sont présentées comme une seule. Le scribe a serré un peu l’espace entre les lignes ici au bas du verso ; mais la présence de la partie droite des traits horizontaux sur lesquels ces lignes d’écriture étaient posées permet de répartir en deux lignes les signes se trouvant à gauche. 19') Devant le clou séparateur, on voit le bord inférieur de la pointe d’un clou horizontal (les auteurs de KTU on restitué un {n} ici dans leur lecture composite des lignes 18'-19'). 20') La lecture du premier signe comme un {d} est certaine, car la première rangée de clous est partiellement conservée (on trouve {d} dans KTU). À gauche, l’espace disponible ne permet la restitution que de trois signes ; les auteurs de KTU proposent de restituer {[bn . b]dl} – il faut peut-être préférer {[bn . b]dl} ? 21') Si le premier signe partiellement visible est un {y} certain, car l’amorce des clous supérieurs est visible (dans KTU, on trouve « x »), le second est à enregistrer comme {b,d}, car la partie gauche du signe a disparu (dans KTU, la lecture d’un {b} est indiquée comme étant certaine). Ainsi du point de vue purement épigraphique, il s’agissait d’un anthroponyme comportant quatre consonnes dont la deuxième était {y} et la quatrième {b} ou {d} ; la restitution de l’anthroponyme a$ya$b vient à l’esprit, mais ce n’est qu’une possibilité parmi d’autres. 22') La lecture de {30} pour les dizaines est certaine, car la disposition des « Winkelhaken » serait différente s’il s’agissait d’un chiffre supérieur à celuici.

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Fac-similés et photographies

Fig. 4. Fac-similé de RS 31.043 (Pardee).

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DEUX TÉMOINS DOUTEUX

Fig. 5. Fac-similé de RS 31.043 (Hawley).

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Fig. 6. Photographies de RS 31.043 (cliché Projet « PhoTÉO »).

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DEUX TÉMOINS DOUTEUX

Traduction Recto 1) Personnes de la catégorie [-]-G : 2) Kurw nu, 3) Mattanibalu, 4) Matt nu, fils de Ilîbalu, 5) Num nu, fils de Abdiya, 6) Abdira ap, fils de TR, 7) Laiya, fils de BY ; —————————— 8) Abdu à I"TR[…] ; —————————— 9) Binu-SPYY[…] —————————— ............................... 10') [-]- […], 11') K"[…], 12') idq[i…], 13') Atallig [iyyu…] 14') Yapaba [lu ]de [telle ville] ; —————————— 15') AR[…] ; 16') DN[ ]de [telle ville], 17') Binu-[…], 18') A[i …], 19') [ ]- Qur nu ; —————————— 20') [Binu-Ba]dîilu, de (la ville de) Hizpu, 21') [-]Y[-]-, de (la ville de) ammigâ. Tranche gauche 22') Total : 30[…]. Commentaire Parce que la partie droite de la tablette, là où elle est conservée, ne comporte aucun enregistrement de telle ou telle donnée en face des entrées inscrites à partir de la marge gauche, on est forcé de conclure que le total a été calculé par rapport à ces entrées et, vu qu’aucune ligne n’indique un facteur quelconque de multiplication, que la tablette devait à l’origine comporter à la suite de l’intitulé trente enregistrements de données. D’autre 161

R. HAWLEY ET D. PARDEE

part, puisque aucune entrée ne peut être analysée avec certitude comme comportant une donnée qui ne consisterait pas en un anthroponyme (ceux-ci paraissent sous trois formes : simple, anthroponyme + patronyme, bn + patronyme), on conclura que ce texte consiste fondamentalement en une liste de personnes. Enfin, puisque les anthroponymes sont dans certains cas suivis d’un gentilice et qu’aucun indice clair n’indique de passage à un nouveau sujet, on en conclura que le mot partiellement conservé à la première ligne comportant le morphème {-y-} n’était pas formé sur un toponyme mais sur un autre type de nom. Ce nom, que le deuxième signe ait été {}, {!} ou {#}, semble être non attesté jusqu’ici en ougaritique. Ligne 8. Les auteurs de KTU ont proposé que le {b} serait fautif, erreur (haplographie) pour bn, « fils de ». Pourtant, puisque la suite de signes {#tr– […]} est nouveau, de sorte qu’on n’est pas en mesure d’identifier à quelle catégorie lexicale ce mot appartient, on est obligé de laisser en suspens l’analyse syntaxique de la formule telle qu’elle est attestée ici. Ligne 13'. Il paraît nécessaire, d’après la structure du texte tel qu’il est conservé, d’analyser cette suite de signes comme un anthroponyme tiré du toponyme tlg, bien que ce nom ne soit pas connu. Théoriquement, l’analyse ne présente pas de difficulté, car le toponyme est bien connu, comme l’est la formation d’anthroponymes à partir d’un toponyme16. Ligne 14'. La lecture du {} étant certaine et l’anthroponyme ypbl étant bien attesté, on n’hésitera pas devant la restitution du nom ici. Ligne 15'. Il s’agit sans doute d’un des anthroponymes commençant par les signes {r} ; l’élément /ari/, apparemment d’origine hourrite, est bien connu17. Conclusions D’après les données épigraphiques, l’entrée à la ligne 14' consiste en un anthroponyme suivi d’un gentilice. Le mot yp ne paraît donc pas dans ce texte, qui sera classé par conséquent comme un simple texte économique, sans valeur juridique explicite. La structure du texte semble être celle d’une liste de personnes, avec intitulé où celles-ci sont identifiées d’après une catégorie familière aux administrateurs du royaume d’Ougarit et suivie d’un total enregistré sur la marge gauche de la tablette. Fâcheusement, l’intitulé et le total ne sont pas conservés intégralement, ce qui nous empêche de savoir de quoi il s’agissait précisément. 16

VAN SOLDT, « Studies in the Topography of Ugarit (1) » ; GRÖNDAHL, Personennamen der Texte aus Ugarit, p. 26-27. 17 Ibid., p. 220.

162

DEUX TÉMOINS DOUTEUX

CONCLUSIONS GÉNÉRALES Sur les deux exemples du mot yp examinés ici, nous avons pu confirmer la lecture dans un cas, celui de RS 17.[468]+, mais l’infirmer dans le second ; RS 31.043 se révèle alors être un texte de genre purement économique.

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163

De Hattua à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2013, p. 165-168. ————————————————————————————————————————

TWO NOTES ON THE SEA LINKS BETWEEN EGYPT AND THE HITTITE EMPIRE Itamar SINGER† University of Tel-Aviv

I offer this petite contribution to Jacques Freu, with whom I share a keen interest in the political history of the ancient Near East. The extensive diplomatic and trade contacts between Hatti and Egypt after the Silver Treaty of 1258 B.C. were covered by land and sea. The ca. 1300 km distance between Hattusa and Piramesse took more than a month for caravans to traverse and the voyage entailed many logistic and security problems (EDEL 1953: 54). The sea route from Ugarit or from Ura in Cilicia to the Delta, with several stopovers in Levantine harbours, was faster and preferable in case of urgent missions (VIDAL 2006). The Hittites had plenty to learn from the age-old naval skills of the Egyptians, and indeed, in one of his letters Ramses instructs his Hittite peer how to construct a copy of a waterproof Egyptian ship (KUB III 82 = ÄHK 79; cf. KLENGEL 2002: 150). What was the Egyptian port of call for the ships coming from the north? Recently, Manfred Bietak has presented convincing new arguments, both archaeological and environmental, for locating the principal New Kingdom naval base of Perunefer at Avaris/Piramesse, contrary to the common view which locates it at Memphis (BIETAK 2005; 2009a-b). The large Harbor 1 identified by geomagnetic surveys had an access canal to the Nile and could accommodate hundreds of ships. This port was navigable throughout the year, whereas the port of Memphis was, according to various sources, practically inaccessible for seagoing ships in the dry season from January to June (2009a, 3). I would like to call attention to two cuneiform letters sent from Egypt which may be relevant to this issue. The first is a Ramses letter from the Hittite-Egyptian correspondence, KUB 3, 34 = ÄHK 78. The Egyptian monarch announces the return to Hatti

I. SINGER

of a high-ranking expedition on board of ships laden with barley and wheat (EDEL 1994 I: 184f.; 1994 II: 281f.; cf. SINGER 1999: 715; DIVON 2008: 102f.). The Hittite expedition, headed by prince Himi-arruma, arrived to « the place where the King resides » (obv. 6') “in the months of winter and left when the year brought the spring” (obv. 9' f.: i-na ITI.KAM.ME [a k]u-u - [i] ù ki MU.KAM pa-ni-a it-ta-i). Both references can best be associated with the residency of Ramses II at Piramesse, which indeed yielded evidence for visits of Hittite expeditions (PUSCH & JAKOB 2003; cf. also SINGER 2006: 28). The second reference is in a fascinating letter of Merneptah to the king of Ugarit announcing the dispatch of a ship laden with an extraordinarily rich shipment of luxury items (RS 88.2158; LACKENBACHER 1995; 2001: 239– 48; cf. SINGER 1999: 708–710). This is Merneptah’s response to a letter in which the king of Ugarit (either Niqmaddu III or Ammurapi) announced the sending to Egypt of “my ship that went to the land of Turha” (obv. 29': GI.MÁ-ia an-ni-i a a-na KUR Tu-ur- a il-la-ak). The same place-name, spelled KUR Tu-ur- i, appears in yet another (unpublished) letter from the Urtenu archive, also there in connection with maritime transportation (LACKENBACHER 2001: 244).1 In deliberating the possible identification of this place, accessed by large ships, Lackenbacher suggested Tjaru (rw) in northwestern Sinai. This important fortress, the starting point on the ancient military Road of Horus, has recently been identified with Tell Heboua (Qantara West) located on the dune ridge along the ancient shoreline (ABD EL-MAKSOUD 1998a-b). I would like to put forward another possible identification, which seems to be more in-line with the phonetical features of Turha/i. The « Land of Djahi » (t hy) is a loose geographical term for the Levant, partly overlapping with other terms referring to Egypt’s Asiatic possessions, Retjenu, Hurru and Canaan (GARDINER 1947: 145*; HELCK 1971: 268f.). Its northern limits stretched as far as Amurru, but how far did it extend towards the south? In the praise to Piramesse in Papyrus Anastasi II (I, 2; IV, 6, 2) the city is described as lying at “the limit of Egypt, between Djahi and Tameri” (CAMINOS 1954: 37; BIETAK 1984: 133). Djahi is often associated with naval transportation, e.g., in Pap. Harris 48, 6, which describes the building and furnishing of ships “in order to transport things of the 'God'sland' and levies of the land of Djahy to your treasury,” or in pHarris 7, 8: “in 1

The alleged toponym UR]UTu-u-ur- a in VBoT 130, 4',5' (DEL MONTE & TISCHLER 1978: 442) should rather be restored as URUMi-i]-tu-u-ur- a (cf. FORLANINI 1984, 256). The fragment belongs to the text CTH 667*, “Celebrations in the Land of Zalpuwa,” which will be treated in a separate monograph by Carlo Corti, to whom I owe this information.

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TWO NOTES

order to transport the goods of the land of Djahy, the mountain-ranges and the harbor, to your treasury” (GOEDICKE 1979: 15). Such a vague geographical term with naval associations seems to me better suited for an equation with Turha, the final terminal of the ships sailing from Ugarit to Egypt. If the suggestion proves valid, I leave it to specialists to work out the exact phonetic correspondence between the hieroglyphic and the cuneiform renderings of the name.

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167

I. SINGER

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168

De Hattua à Memphis. Jacques Freu in honorem. Édité par Michel Mazoyer et Sydney Hervé Aufrère Cahiers Kubaba, Paris, 2013, p. 169-191. ————————————————————————————————————————

LA POLYSÉMIE DU COPTE S ##(' (< ég. wt) De l’infamie ou de l’abjection à la dépravation et de la réprobation à l’inaptitude Sydney H. AUFRÈRE Centre Paul-Albert Février (UMR 7297 du CNRS)

En dépit des spécificités des aires culturelles, il est des problématiques dans lesquelles un chercheur se retrouve toujours en terrain de connaissance, notamment lorsqu’il rencontre les difficultés à définir l’acception exacte d’un terme dans la pensée d’une civilisation, d’une culture disparue. C’est là la réflexion que je souhaiterais offrir à Jacques Freu, qui, au cours de sa longue carrière de hittitologue, s’est penché sur les relations tumultueuses entre le atti et l’Égypte et a montré, dans son uppiluliama et la veuve du Pharaon (Paris 2004), comment ces deux cultures présentent des différences inconciliables qui se sont apaisées avec le temps. Je m’intéresse ici au mot ##(', un de ces termes coptes qui s’inscrivent dans la perspective d’un continuum sémantique depuis l’Ancien Empire jusque dans l’expression tardive1. Bien des années s’écoulent avant qu’il ne soit pris en compte par les lexicographes qui se sont attelés à la tâche de recenser les mots des langues et des dialectes coptes. Attesté ni dans le Lexicon Ægyptio-Latinum resté à l’état de manuscrit de Guillaume Bonjour (1698)2 ni dans le Lexicon Ægyptiaco-Latinum de Mathurin Veyssière de Lacroze, paru en 1775, il n’est référencé, pour la première fois dans un 1

On renverra à CRUM, Coptic Dictionary, 794b ; ERN , Coptic Etymological Dictionary, p. 322 et à VICYCHL, Dictionnaire étymologique, p. 33. Pour mémoire, voir SPIEGELBERG, Koptisches Hanwörterbuch, p. 280 : « Unrein, verworfen » (sans étymologie). 2 AUFRÈRE & BOSSON, « Remarques au sujet du Lexicon Ægyptio-Latinum F. Guillelmi Bonjour Tolosani Augustiniani ».

S.H. AUFRÈRE

dictionnaire scientifique, qu’au Lexicon Copticon d’Amédée Peyron3, paru en 1835. Mais on doit à Eugène Révilloux4, en 1885, d’établir un premier lien étymologique entre w que l’on traduit, faute de mieux, par « mauvais, être mauvais » (> w.t « mal »5), et ##(' terme dont le rendu exact est encore délicat à définir. L’hypothèse a été suivie par Richard Parker, en 19406, par Jaroslav ern , dans son Coptic Etymological Dictionary (1976)7, par Verner Vicychl8 et enfin dans le Koptisches Handwörterbuch (Heidelberg, 1977) de Wolfhart Westendorff. Si cette étymologie est acceptée par ern , Vicychl ne l’admet en revanche que comme probable. Le fil directeur de cette étude consiste dans la façon dont on peut, à partir de textes coptes — dans la Bible ou d’autres textes — et de leurs équivalents grecs, remonter du sens d’un mot copte vers l’égyptien en mettant en relief la difficulté, à partir du premier, d’induire une étymologie récurrente de son prétendu modèle. On se propose donc ici de revenir sur les différents sens de ce mot en copte dans les différentes structures morphologiques qui en autorisent l’enrichissement sémantique et démontrent un usage vivant. I. LE COPTE, L’ÉGYPTIEN ET LE DÉMOTIQUE En premier lieu il convient de considérer la structure du mot. Le vocable

##(', terme masculin, est composé de trois consonnes (indiquées en gras) # (' . D’ailleurs, l’emploi nominal de et d’une voyelle (en maigre) : ## ##(', à savoir $ ##(', recourt à la forme réduite de l’article défini : $-. La finale ', quant à elle, ne peut s’avérer l’ancienne marque d’un féminin, en , égyptien classique, correspondant à la forme féminine du substantif wt. Cette marque est d’autant plus improbable qu’elle a 3

PEYRON, Lexicon Copticun, p. 397. RÉVILLOUT, Un poème satirique, p. 1 et pl. I. 5 Les choses ont beaucoup évolué depuis RÉVILLOUT. Les occurrences et le sens du mot w ont été traités en profondeur dans sa thèse par Jérôme RIZZO (Le terme djou dans les textes de l’ancienne Égypte, novembre 2003, Université Paul Valéry). C’est à l’occasion de cette soutenance que je me suis penché en particulier sur le terme copte étudié ici. Mais on verra avec le plus grand intérêt les articles suivants de J. RIZZO qui font maintenant référence sur ce terme lié à l’impureté : « L’exclusion de w de l’espace sacré du temple » ; « Le terme w comme superlatif de l’impur. L’exemple de bw w » ; « Une mesure d’hygiène relative à quelques statues-cubes déposées dans le temple d’Amon à Karnak ». On y renverra donc le lecteur, qui y trouvera toutes les informations utiles sur ce terme et de son utilisation dans les textes hiéroglyphiques. Voir aussi, sur le déterminatif de l’oiseau du mal, DAVID, De l'infériorité à la perturbation ; ainsi que RIZZO, « Bjn : de mal en pis ». 6 JEA 26, 1940, p. 102. 7 Loc. cit. 8 Loc. cit. 4

170

LE COPTE ##(' : DE L’INFAMIE À LA RÉPROBATION

phonétiquement disparu au profit, en copte, d’un  final. C’est probablement cette constatation qui a poussé Vicychl à voir plutôt en ##(' un nom de , w9. Un relation (forme nisbé) « * w.t-y » formé sur le vocable semblable nom de relation n’est attesté, en égyptien, que dans une épiclèse du w.tj (Wb V, 549, 21). Cependant, dieu Seth, celui qui incarne le mal : les termes w, wt et ##(' sont tellement spécifiques respectivement dans les contextes égyptiens et coptes, en ce qui concerne le sens, qu’on ne peut nier une parenté sémantique entre eux renforcée du fait qu’en égyptien on distingue une forme nominale et une forme adjectivale, et en copte un emploi nominal et un emploi adjectival, comme dans le tableau suivant : ##(' emploi adjectival :  ##('

w(t) adj.-verbe w

Wb V, 545, 9547, 9

substantif wt ) (

Wb V, 547, 11548, 17

emploi nominal : $ ##( *$% ##('

C 794b ibid.

'!' ##(' '!'% ##('

nom w (

) Wb V, 548, 18549, 20.

w.t (AEL’examen des notices du Wb laisse croire qu’à la forme (NE-BE). Cependant la situation est plus NE) aurait succédé la forme confuse que ne laissent croire les auteurs du Wb, car la graphie perdure au Nouvel Empire dans de nombreux documents. Retrouve-t-on l’équivalent du vocable égyptien w / wt en démotique ? Plusieurs termes dans cette écriture cursive méritent un examen approfondi, ici reproduits en translittération hiéroglyphique, plus commode : 1.

wô.t

pmag. de Londres et de Leyde v° 19, 11 (E 676)

2.

w/e

pInsinger 5, 23 ; ibid. 13, 18 ; 29, 2 ; édition LEXA n° 605 (E 676)

3.

w

pInsinger 28, 19

4.

w.

pVienne 31, I, 3

5.

w.

oMéd. Habou 4038, C, 6

9

SELON Jérôme Rizzo une « pseudo-désinence du féminin en .t demeure très improbable dans les phases tardives du mot ».

171

S.H. AUFRÈRE

On notera que les exemples ne sont plus graphiés à l’aide du bilitère w ( ), la vallée encadrée par deux sections de colline10. Le démotique lui substitue la combinaison du bilitère () > () ( ), le bâton à feu, et le bilitère du lasso w > w() ( ). Toutefois Erichsen11 (E 676) souligne bien l’équivalence entre le mot égyptien wt et le démotique wô.t (« Böses »). GRAPHIE 1 (pmag. de Londres et de Leyde v° 19, 11). — Ce nom est invoqué dans une formule destinée à éliminer le venin du cœur d’un homme. Ce dernier n’est pas traduit dans l’édition de Francis Llelewyn Griffith et Herbert Thompson12 qui le considèrent comme « subst. meaning unknown »13. Ainsi que dans la graphie de mots apparaissant dans des gloses, le terme (équivalent copte *, cf. comporte un élément vocalique, l’épine dorsale « dos » *-, **-) qui se translittère ô14. Ici, le terme est considéré comme un nom magique par les traducteurs du pmag. de Londres et de Leyde. L’emploi de la voyelle permettait de le prononcer correctement. Il s’agit du titre de la formule intitulée : « Formule pour extraire le venin (mt.t) du cœur d’un homme ayant absorbé une drogue (pxr.t), à savoir (nge- ; cf. S" -) quelque chose d’infâme ( wô.t). » Le contexte plaide pour un empoisonnement et la traduction « infâme » est conjecturale, puisque l’on pourrait tout aussi bien traduire par « abominable, abjecte, impure ». Dans un tel contexte, dans le cadre du pmag., qui reflète des textes classiques, il y a de très grandes chances que le mot wô.t ne soit rien d’autre qu’une graphie déjà vocalisée de l’égyptien wt. La graphie du deuxième exemple présente un aleph qui marque une terminaison féminine, à la place du e démotique15, ce qui permet de rapprocher cet exemple de wô.t. Erichsen (E 676) translittère cependant l’exemple 2) ainsi : w.t. GRAPHIES 2 et 3 (pInsinger 5, 23 ; ibid. 13, 18 ; 28, 19 ; 29, 2). — Elles présentent également, après le alef vocalique, le signe . Au pInsinger, dans certaines graphies où est employé le déterminatif de l’ennemi se portant un , ce dernier est doublé par 16. Ce signe ne fait coup à l’aide d’une hache, aucun doute17. Ce dernier joue à peu de chose près le même rôle que l’oiseau 10

Ce signe a évolué vers le son tw, ce qui est le cas pour le mot « montagne, colline » en démotique tw (ERICHSEN, Demotisches Glossar, 611) ; cf. copte '##(. 11 ERICHSEN, Demotisches Glossar. 12 GRIFFITH et THOMPSON, The Demotic Magical Papyrus of London and Leiden, p. 124-125. 13 Ibid. III, p. 98. 14 Ibid. III, p. 106, signe xi ; LEXA, Grammaire démotique I, p. 43 ; SPIEGELBERG, Koptisches Hanwörterbuch, § 4, p. 6. 15 SPIEGELBERG, Koptisches Hanwörterbuch, § 24, p. 21. 16 LEXA, Papyrus Insinger II, p. 23, n° 83 ; p. 107, nos 446-447. 17 Ibid., p. 20, n° 64.

172

LE COPTE ##(' : DE L’INFAMIE À LA RÉPROBATION

18 du malheur : . Il se peut qu’il se confonde avec le signe du lambeau de chair qui semble jouer un rôle analogue19. Les deuxième et troisième exemples entrent dans plusieurs contextes avec un sens commun : Xn- w.t « dans la dépravation / l’infamie / l’abjection/ la souillure » (pInsinger 5, 23)20. En effet, l’auteur, dans la 8e instruction, tente de convaincre son lecteur de ne pas s’abandonner à la débauche et à l’excès de nourriture ou de boisson ; dans le contexte, la traduction de Xn- wa/e.t vient naturellement sous la plume. En outre, il convient de ne pas prononcer le nom de dieu lorsque l’on vit : Xn- wt « dans la dépravation / l’infamie / l’abjection/ la souillure » (29, 2)21. Parfois, c’est une autre forme, dans l’expression Ty t- wa/e(.t) (13, 18), « commettre l’infamie / l’abjection/ le crime/ l’impureté »22. Dans ce cas, il n’est pas graphié de la même façon, car la désinence du féminin n’est pas consignée23, mais on notera que dans ce cas est employé l’article défini, t.

GRAPHIE 4 (pVienne 31, I, 3)24. — Par la présence du « t » aspiré (Ç), cette graphie rejoint la problématique de l’anthroponyme P-Dw.Ç (cf. infra). Toutefois, son déterminatif montre que ce mot appartient à la même famille que les vocables 1-3. GRAPHIE 5 (oMéd. Habou 4038, C, 6)25. — Figurant dans un contrat d’entretien d’un jardin passé entre Talamès, fille d’Imouthès et Peftoumont, elle apparaît comme un adjectif aux yeux de Parker, malgré l’absence de la terminaison féminine. Le contexte est le suivant : « je te les donnerai (il s’agit de pièces d’or) en or de la reine Djoukhel (Infâme-Vieille) (n nb t-Pr-.t 18

Voir DAVID, De l’infériorité à la perturbation. LEXA, Papyrus Insinger, passim. 20 L’affaire n’est pas claire et les traductions divergent selon le contexte et les auteurs. AGUT-LABORDÈRE & CHAUVEAU (Héros, magiciens et sages, p. 220) choisissent de traduire deux des trois exemples mentionnés par « souillure » ou « crime ». En revanche HOFFMANN et QUACK (Anthologie der Demotischen Literatur), optent, conjecturalement semble-t-il, pour l’idée de « vol » ou de « larcin », en se fondant sur le verbe wj « voler » (E 676) : 5, 23: « Mancher nimmt sein Ende beim Diebstahl aufgrund von Gier » ; 13, 18 : « Der Dieb is es, der die Diebesbeute nimmt ; seine Gefährten sind es, die die Prügel empfangen » ; 28, 19: « Der Ortsfremde is est, der allerorts Dienst als Abdecker tun muß » ; 29, 2 : « wer seinen Namen bei Diebstahl in den mund nimmt, wird dadurch gerettet. » 21 AGUT-LABORDÈRE & CHAUVEAU, op. cit., p. 262. Les auteurs choisissent une autre solution : « Celui qui, dans le péril, conserve le nom (du dieu) dans sa bouche, il s’en sortira toujours. » Au regard des autres contextes, le sens de « péril » est à vérifier. 22 Ibid., p. 241. 23 LEXA, Papyus Insinger II, p. 13. 24 REVILLOUT et KRALL, « La vie d’artiste ou de Bohème en Égypte » ; SOTTAS, « Remarques sur le “Poème satirique », spécialement p. 144 (« le laisser-aller inconvenant ») ; cf. p. 130, mais sans explication. 25 PARKER, « Late Demotic Gardening Agreement », et spécialement p. 88 et 102. 19

173

S.H. AUFRÈRE

w.t-xl). » La façon dont est tourné le texte fait penser à Isis, qui revêt les traits d’une vieille femme qui, dans le Roman d’Horus et de Seth, a corrompu le passeur Nemty. Ce dernier la fait passer dans « l’Île du milieu » contre un anneau d’or26. Le texte rappellerait le caractère sacrilège de cet or, et l’aspect infâme d’Isis, très souvent comparée à une reine, notamment à la reine de Nubie, Aso, dame de l’or nubien27. Quoi qu’il en soit, il est vraisemblable que l’on ait affaire, dans les cinq cas, à des vocables qui gravitent autour de l’idée de dépravation, d’abjection et d’infamie. Ajoutons une remarque au sujet de la vocalisation. Le pInsinger provient de la région d’Akhmîm28, tandis que le pmag. de Londres et de Leyde est d’origine thébaine29. Il se pourrait que les attestations de ce vocable dans les deux papyrus véhiculent des spécificités dialectales, propres aux régions d’Akhmîm et de Thèbes. Il ressort de l’examen de ces différents documents et de leurs contextes, que l’on peut rapprocher les termes non seulement les termes Dwt, Dwôt et DwAt de Dw, Dwt, mais également de ##(' et de #('. II. L’ANTHROPONYME P-DwÇ > "N En revanche, il apparaît dans l’onomastique démotique un anthroponyme P-DwÇ. En effet, ern ( 322) renvoie à un article de Richard PARKER, JEA 26, 1940, p. 102, qui, pour cet anthroponyme, signale la translittération grecque "'" , d’ailleurs de façon erronée puisqu’il s’agit de la forme génitive d’après la graphie du pdém. Berlin pl. 43 (UPZ II, 1809, 8, 4). L’anthroponyme, en démotique, s’écrit de façon alphabétique, à l’aide de trois unilitères : transl.

transl. hiérogl.

P()-DwÇ

grec

"N , gén. "'"

26

LEFEBVRE, Romans et contes égyptiens, p. 189. Dans le roman de Setné II (voir AGUT-LABORDÈRE & CHAUVEAU, Héros, magiciens et sages, p. 41-65) on notera l’existence de deux formes de magiciens nommés respectivement Hor fils de la Nubienne et Hor fils de Pnesh, lesquels correspondent aux aspects négatifs et positifs de la magie, attachés aux pratiques nubiennes et égyptiennes. La « Nubienne » de ce roman de Setné ne serait-elle pas associée à l’aspect négatif d’Isis, la reine Djoukhel ? 28 LEXA, Papyrus Insinger II, p. 3. 29 GRIFFITH &THOMPSON, The Demotic Magical Papyrus of London and Leiden, p. 1. 27

174

LE COPTE ##(' : DE L’INFAMIE À LA RÉPROBATION

La dernière consonne, Ç, est un « t » aspiré, qui rend l’élément final . On trouve ce groupement de deux signes dans des formes suffixales des noms (tr.t > tr.Ç f ; cf. '*% > '##', ) ou des verbes30, mais il est présent dans d’anciennes formes du nom de relation (nisbé) de l’égyptien, ainsi que comme marque du qualitatif (E 596). En position médiane ou initiale, le dém. t peut être rendu, en copte, par ou '. Par exemple, ztnj > &# " (E 480) ; tk > **  (E 659) ; trrj > '%% « four » (E 648) ; trp > '*%$ « lier » (E 648), jmnt.t > !"' « ouest » (E 31). En finale, en ne choisissant que des substantifs, le dém. t est généralement rendu par un ' : zxt

E 458

#('

C 603b

zt

E 11

&'

C 60a

jbt (< jb.tj)

E 17

'

C 76b

w.t (< wtj)

E 81

#(*'

C 494a

wrt

E 95

#(%'

C 490a

bznt

E 122

&"'

C 44b

mnt

E 165

!!#('

C 176b

mXt

E 177

!'

C 211b

hjt

E 270

'

C 718a

rx.t

E 253

%'

C 311a

Ht.t

E 287

'

C 718a

H.t

E 288

#('

C 738a.

H.t

E 289

'

C 714a

Hwt

E 297

##('

C 738b

Ht

E 337

*'

C 718b

xrt

E 367

#%'

C 588b

zjwt

E 408

&##('

30

J. JOHNSON, op. cit., § 5.

175

S.H. AUFRÈRE

SSt

E 523

#('

E 523

zt

E 472

&'

C 359a

zt (< ZtS)

E 472

&'

E 472

Sw.t (< Sw.tj)

E 495-6

*'

C 590a ; C 253

tbt

E 625

''

C 401b

tHw.tj

, ##(' ; * ; '##('

Beaucoup plus rarement, en finale, ce dernier est rendu par l’élément ', comme dans pH.t > $' (E 138 ; C 284b), ou rzt > %&' (E 255 ; C 302a), nHt > "' (E 225, C 246a), qHt > ' (E 547, C 134a), grt > #%' (E 537, C 829b). En P-DwÇ, l’idée d’un ancien nom de relation (nisbé) P-Dw.tj, semble la plus probable. En égyptien, le nom de * relation est construit par l’adjonction du suffixe ou à un vocable ou à une préposition soit féminin, soit masculin31. Ainsi, l’anthroponyme P-DwÇ fournit une preuve, en démotique, d’une nominalisation de Dw(t) ; cf. ég. *P-Dw.tj, qui aurait son équivalent en copte $ ##('. En fait, l’équivalent de P-DwÇ serait un nom dont on connaît plusieurs occurrences en grec, graphiées "N (pBon. 11 (IIIa), "N (pPar 5, 84.5.41,2), avec le génitif "N" . Il est encore attesté au pLond. IV 1419, 1229 [VIII], sous la forme "'H 32. Bien entendu, avec le , le  est le compromis phonétique le plus proche, en grec, du djendja33, puisque le grec ne comporte pas d’occlusives sourdes. Cela signifie, en conséquence, qu’on ne devait pas prononcer ptaüs, gen. ptaütos, mais en réalité pdjaüs, gén. pdjaütos. D’ailleurs, la graphie grecque montre que l’article employé est l’article abrégé, - (=$-), et non l’article plein p- ($-) qu’aurait nécessité la présence d’une double consonne. En outre "N trahit plutôt hypothétiquement la forme fayoumique #(' que la forme sahidique ##(', les deux seules formes attestées par Crum, et, probablement la forme mésokémique, *M4 #('. L’emploi du tréma en grec indique que le #( du mot source est un son en soi et qu’il n’entre pas dans le cadre de la diphtongaison. (voir Gignac). Il peut paraître curieux de découvrir dans l’anthroponymie égypto-grecque d’Égypte un terme tel que le nom qu’il sert à définir pourrait signifier quelque-chose comme « Le-Dépravé », ou « Le31

GRANDET & MATHIEU, Cours d’égyptien hiéroglyphique, § 8.1. On retrouve ces références dans le PREISIGKE, Namenbuch, 347b et dans le FORABOSCHI, Onomasticon, 270a. 33 Voir SPIEGELBERG, Demotische Grammatik, p. 13. 32

176

LE COPTE ##(' : DE L’INFAMIE À LA RÉPROBATION

Réprouvé », voire encore comme « L’Infâme » ou « L’Abject ». (Si les noms négatifs en égyptien ne sont pas rares, il se peut que le nom en question ait perdu son sens étymologique.)

III. LES SCALAE COPTO-ARABES L’histoire de ##(' est aussi intéressante dans le domaine des études coptes et égyptologiques. Elle commence lorsque les Coptes, conscients de leur patrimoine lexical, ont eux-mêmes recensé le vocabulaire copte avec leur traduction en arabe. C’est le cas, pour le lemme ##(', de la Scala 44, publiée par Henri Munier34, qui reflète un état de la langue copte entre les XIe et XIVe siècles. Les ouvrages anciens révèlent, pour ainsi dire, un caractère incertain. Dans le catalogue des manuscrits coptes de la bibliothèque Borgia, rédigé en 1810, Georg Zoëga35, donne à ##(' le sens de otiosus (« oisif »), piger (« fainéant »)36, voire morari (moror) (« s’attarder »)37. Quant aux dérivés !' ##(', il y voit l’équivalent de ignavia (« apathie, mollesse ») ; et dans % ##(' il devine le sens de praevaricari (« s’écarter de la ligne droite, prévariquer ») ; pour ce qui concerne !'% ##(' c’est praevaricatio (« prévarication, intelligence avec la partie adverse, collusion »), toutes significations confondues qui s’éloignent de la signification originelle dès que l’on considère le problème avec acuité. Je reviendrai plus tard sur ces différents dérivés. Ce qui est sûr, c’est que ##(', dans la gamme des mauvais penchants et des défauts, offre autant de difficulté à se laisser cerner que le terme Dwt dont il serait l’héritier. Et la question qu’il conviendra de se poser est la suivante : les deux termes revêtent-ils la même signification entre la première attestation de Dwt des Textes des Pyramides, et la dernière de ##(' dans la Scala 44 de la Bibliothèque nationale ? S’inscrivent-ils toujours dans la même gamme sémantique ? Quant à l’emploi du vocable F #(', S ##(', il entraîne dans une problématique tout à fait passionnante, dès que l’on aborde le problème sous un angle de critique textuelle. Les réponses que l’on obtient au niveau du sens font écho aux multiples contextes dans lesquels figure les vocables Dw ou Dwt, en disant que le copte ##(' est une survivance de la forme Dwt.

34 35 36 37

MUNIER, La scala copte 44. ZOEGA, Catalogus codicum copticorum manuscriptorum. Ibid., p. 597, n. 81. Ibid., p. 491, n. 41.

177

S.H. AUFRÈRE

Il faut bien distinguer en la matière l’emploi nominal et l’emploi adjectival de ##(', car le terme pose les mêmes problèmes de polysémie en copte qu’en égyptien. Il faut se hâter de dire que si son emploi est attesté en fayoumique (F #(') et en sahidique (S ##(') dans les textes néotestamentaires, il ne l’est pas, en revanche, dans le corpus vétérotestamentaire d’après les confirmations que j’ai obtenues auprès du Professeur Rodolphe Kasser, du moins dans le corpus vétérotestamentaire rédigé, dans la langue source, en hébreu. Et cela est fort dommage, mais s’explique aussi du fait que la LXX fait écran au texte hébraïque, de sorte qu’il n’existe aucun exemple où ##(' servirait à rendre de façon directe un vocable hébreu, ce qui aurait permis de voir quel était son équivalent dans une autre langue sémitique. Avant de poursuivre un raisonnement en critique textuelle, j’ai souligné que les philologues coptes ont eux-mêmes recensé, en sahidique, S ##(' dans la Scala 44, publiée par Munier38 : — au fol. LXXVI v°, ligne 33-34, sous la forme nominative du grécopte qui 39 rend le nom commun, #!#&, et le mot autochtone $ ##(' (avec l’article défini copte $-), comme équivalents absolus, avec traduction commune40 : al gher mokharab, « le non détruit, celui qui n’est pas en ruine, etc. »41. On reviendra plus loin sur le grécopte #!#&, qui est l’équivalent grec du copte ##('. — au fol. LXXIIIr°, ligne 46-47, par l’abstraction rendue par le neutre en grécopte sur deux lignes42, #!#" et $ ##(' (sans l’article défini en copte), avec une traduction al gher moharab, « le non belliqueux, le non guerrier, etc. »43 #!#" et l’expression « idem » en arabe pour ##('. Naturellement, les vocables #!#&, $ ##(' et #!#", $ ##(' figurent parmi les défauts et les vices (entre les fol. LXXIIIr°LXXVIIIv°) et, au passage, ajoutons que défauts et vices, qui n’occupent pas moins de douze folios, suivent immédiatement (fol. LXXII v°) les femmes et leurs particularités, ce qui n’est pas totalement innocent, du moins si l’on en croit les propos des Coptes sur les personnes du sexe féminin. Dans cette liste, il y a autant de vocables autochtones que grécoptes et assez souvent avec des équivalences entre les mots grécoptes et autochtones. Malheureusement, comme Munier n’a jamais donné le second volume de traduction, on reste en panne concernant les traductions arabes. Cependant, le sens s’éclaire, qui 38

MUNIER, La scala copte 44. Il a déjà été remarqué par PEYRON, Lexicon Copticun, p. 397. # Le petit correspond simplement à une correction supralinéaire du mot. 40 MUNIER, La scala copte 44, p. 155. 41 Voir KHOUZAM, La langue égyptienne au Moyen Âge, vol. Iia, p. 120 : « le méprisé ». Cependant, la traduction est conjecturale et l’arabe est accompagné d’un point d’interrogation. 42 MUNIER, La scala copte 44, p. 148. 43 KHOUZAM, op. cit. p. 107. 39

178

LE COPTE ##(' : DE L’INFAMIE À LA RÉPROBATION

diffère, dans les deux cas, par une vocalisation différente. Cela est important car, la scala 44 est le seul point de convergence, pour le cas qui nous intéresse, entre le copte et une autre langue sémitique. Ni al gher mokharab, ni al gher moharab et leurs traductions respectives ne conviennent au contexte des défauts et des vices, car elles correspondraient plutôt à des qualités. Aussi, le cas d’une inversion de lettres s’avère tout à fait possible, à l’occasion d’une copie. En envisageant cette possibilité, on aboutit à une traduction al gher (privatif) mohabar, qui signifie, à l’emploi nominal « l’impur, l’inexact, l’incorrect, l’impoli, le mal fait », et à l’abstrait « ce qui est impur, inexact, incorrect, etc… »44, ce qui semble plus en accord avec le contexte. IV. EMPLOI DU TERME EN TANT QUE SUBSTANTIF DANS LA BIBLE ET LES AUTRES TEXTES COPTES

Nous venons de voir que la Scala 44 donne à deux reprises ##(' et #!#& comme équivalents. En effet, dans le Nouveau Testament, ##(' est mentionné en tant que substantif à quatre reprises pour rendre le

grec +(μ :

– 1 Cor 9, 27 – 2 Cor 13, 5 SF (B#!#&) – 2 Tim 3, 8 (B#!#&) – Tit 1, 16 (B'(, inutile, sans valeur) Dans ces différents contextes, +(μ , - signifie « non mis à l’essai, qui n’a pas fait ses preuves, reconnu inapte, réprouvé, disqualifié »45, ou encore, en patristique, d’après le Lexicon de Lampe (A Patristic Lexikon, 7e éd., 1984, p. 36) : « falsifié, sans valeur », pour des métaux ou des objets ; mais « discrédité, réprouvé » en ce qui concerne des personnes. C’est ce sens, appliqué aux personnes, que le copte rend spécifiquement par ##('. Amédée Peyron traduit +(μ par reprobus (« réprouvé ») (1Cor 9, 27 ; Z 597), impuritas, insinceritas46 (« impureté, intention impure ») (Z 491). L’antonyme naturel de +(μ , - est (μ , -, c’est-à-dire « éprouvé 44

BOCTHOR, Dictionnaire français / arabe ; BLACHÈRE, PELLAT, Dictionnaire Arabe / Français / Anglais, Paris, 1976 ; REIG, Dictionnaire français-arabe. Je remercie Fadi BESSADA, que j’ai sollicité, et Moënis-Hubert WISSA qui m’a fait la suggestion d’une métathèse graphique. 45 CARREZ & MOREL, Dictionnaire grec français du Nouveau Testament, p. 17. 46 Il n’est pas mentionné dans GAFFIOT 839, qui recense simplement insincerus, « gâté, vicié, de mauvaise qualité, impur d’intention, non sincère ».

179

S.H. AUFRÈRE 47

(reconnu) » , mais aussi « estimé ». Il est attesté par dans les textes néotestamentaires (cf. Ro 14, 18 ; 16, 10 [(μ] ; 2 Cor 10, 18 ; 13, 7), mais pas dans les textes patristiques, puisqu’il ne figure pas dans le Lexicon de Lampe48. En patristique, le verbe μ & a l’acception courante de « estimer, éprouver, mettre à l’épreuve, approuver après essai », mais aussi « décider, résoudre ». De là une autre question se posera. Si ##(' rend +(μ , -, quel terme copte restitue-il, en contexte néotestamentaire, (μ ? Voyons tout d’abord +(μ , -. Attestation I (1 Cor 9, 27)49 +A