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French Pages 482 [479] Year 2020
Batteries Li-ion Du présent au futur
Batteries Li-ion Du présent au futur
Didier BLOCH, Thierry PRIEM, Sébastien MARTINET et Christian NGÔ
Imprimé en France
ISBN (papier) : 978-2-7598-2392-5 – ISBN (ebook) : 978-2-7598-2410-6 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage prive du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2020
Table des matières Préface 13 Chapitre 1 • Introduction 15 Thierry Priem ; Sébastien Martinet ; Frédéric Le Cras ; Didier Bloch 1 Bref historique des piles et accumulateurs 20 2 Généralités sur les accumulateurs Li-ion 22 Bibliographie 25 Chapitre 2 • Matériaux d’électrode positive des accumulateurs « lithium-ion » 27 David Peralta ; Fréderic Le Cras ; Jean-Baptiste Ducros ; Carole Bourbon ; Jean-François Colin ; Sébastien Patoux 1 Matériaux d’électrode positive de structure « spinelle » 28 1.1 Description de la structure cristallographique spinelle 29 1.2 LiMn2O4 (LMO), un matériau d’électrode « 4 volts » à « bas-coût » pour accumulateurs de puissance 30 1.3 Les spinelles de manganèse fonctionnant à haut potentiel – spinelles « 5 volts » « LNMO » 33 2 Matériaux d’électrode positive de structure lamellaire 35 2.1 Généralités sur les oxydes lamellaires 35 2.2 Le « LCO » : LiCoO2 36 2.3 Les NMC : LiNixMnyCozO2 39 2.4 Les « NCA » : LiNixCoyAlzO2 43 2.5 Les oxydes lamellaires surlithiés 44
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Matériaux d’électrode positive de structure olivine 47 3.1 LiFePO4 : principaux avantages et inconvénients 48 3.2 État de l’art mondial 49 Bibliographie 53
Chapitre 3 • Matériaux d’électrode négative 63 C. Haon ; C. Barchasz ; P. Azaïs 1 Matériaux actifs d’électrode négative : différentes solutions 63 1.1 Intercalation 65 1.2 Conversion 65 1.3 Formation d’alliages 66 2 Carbone 67 2.1 Historique 67 2.2 Intérêt 68 2.3 Relations entre caractéristiques structurales et performances 69 3 Le silicium 72 3.1 Mécanismes de (dé)lithiation 72 3.2 Mécanismes de dégradation 73 3.3 Voies d’amélioration des matériaux 75 4 Lithium métal 76 Bibliographie 78 Chapitre 4 • Matériaux d’électrode organiques 83 P. Poizot ; S. Sadki ; T. Gutel 1 Introduction 83 2 Les différentes familles de matériaux organiques 85 2.1 Systèmes p-étendus (polymères dits « conducteurs ») 85 2.2 Les radicaux stables 87 2.3 Organodisulfures & thioéthers 88 2.4 Fonctions carbonyles incorporées à un système p-conjugué 88 2.5 Amines aromatiques 89 3 Stratégies d’amélioration à l’échelle des matériaux 90 3.1 Greffage sur support inorganique ou organique 90 3.2 Structures organiques discrètes polyanioniques 92 4 Conclusion 93 Bibliographie 94 Chapitre 5 • Électrolytes et séparateurs 101 Jean-Frédéric Martin ; Djamel Mourzagh ; Thibaut Gutel ; Hélène Rouault 1 Électrolytes liquides 102
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Table des matières
1.1 Sels de lithium et solvants organiques 102 1.2 Sels de lithium et liquides ioniques 107 2 Séparateurs 108 2.1 Les propriétés des séparateurs 108 2.2 Le marché des séparateurs 109 2.3 Coût et sécurité 110 Bibliographie 111 Chapitre 6 • Accumulateurs Na-ion : doit-on/peut-on remplacer le lithium ? 113 Loïc Simonin ; Virginie Simone ; Sébastien Martinet ; Laure Monconduit 1 Problème posé 114 1.1 Ressources en lithium et coût des batteries Li-ion 114 1.2 Vers une batterie « 100 % éléments abondants » ? 116 2 Descriptif de la technologie/points difficiles à surmonter 118 2.1 Bref historique 118 2.2 Principe de fonctionnement 118 3 État de l’art dans le monde 119 3.1 Matériaux d’électrodes négatives 119 3.2 Matériaux d’électrodes positives 123 3.3 Électrolytes et interfaces 125 4 Performances en système complet 126 5 Perspectives 127 5.1 Approche bas coût 127 5.2 Approche haute puissance 128 Bibliographie 129 Chapitre 7 • Accumulateurs métal-soufre 135 C. Barchasz ; F. Le Cras ; F. Perdu ; R. Dedryvère 1 Descriptif des technologies métal-soufre 135 1.1 Avantages et positionnement des accumulateurs métal-soufre 135 1.2 Fonctionnement des accumulateurs métal-soufre 137 1.3 Accumulateurs (Li,Na)-ion soufre 138 2 État de l’art et performances 139 2.1 Cartographie des acteurs 139 2.2 Compréhension des mécanismes mis en jeu 140 2.3 Stratégies de développement 142 2.4 Batteries métal-soufre à électrolyte solide 146 2.5 Acteurs industriels 147 3 Perspectives et applications 148 Bibliographie 149
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Chapitre 8 • Accumulateurs « tout-solide » 153 F. Le Cras ; V. Tarnopolskiy ; C. Barchasz ; R. Bouchet ; D. Devaux 1 Introduction et problématique générale 153 2 Familles des conducteurs ioniques solides 155 2.1 Électrolytes solides polymères 156 2.2 Électrolytes solides céramiques et verres 159 2.3 Électrolytes solides hybrides 163 3 Stabilité électrochimique des électrolytes solides 165 4 Systèmes complets 166 5 Acteurs académiques et industriels 167 5.1 Positionnement de la recherche française 168 Bibliographie 168 Chapitre 9 • Supercondensateurs : du matériau au composant 179 P. Azaïs 1 Introduction 179 2 Principe de fonctionnement 181 2.1 Calcul de la capacité 182 2.2 Calcul de la résistance 183 3 Le cœur de la technologie carbone/carbone 186 3.1 Design d’électrode et ses constituants 186 3.2 Électrolyte 200 3.3 Séparateurs 212 4 Systèmes hybrides 214 4.1 Technologie carbone active/MnO2 217 4.2 Technologie oxyde de plomb/carbone activé 218 4.3 Technologie hydroxyde de nickel NiOOH/carbone activé 218 4.4 Technologie graphite/carbone activé issue du Li-ion 219 Bibliographie 222 Chapitre 10 • Supercondensateurs : du composant au module 243 P. Azaïs 1 Design des composants 243 1.1 Composants de faible capacité 244 1.2 Composants de forte capacité 246 2 Design des modules et systèmes 251 2.1 Modules à base de cellules de type rigide 252 2.2 Modules de forte capacité à base de cellules souples 257 2.3 Modules de forte capacité fonctionnant en milieu aqueux 259 3 Conclusions et perspectives 260 Bibliographie 262
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Table des matières
Chapitre 11 • Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion 265 A. Delaille ; N. Guillet ; R. Tessard ; B. Pilipili Matadi 1 Caractérisation des performances électriques de cellules individuelles 266 1.1 Tests à réception 266 1.2 Tests de performances en début de vie 267 1.3 Tests de performances en vieillissement 272 2 Mesures de résistances de cellules individuelles 275 2.1 Introduction 275 2.2 Comment définir une résistance interne ? 275 2.3 Différentes méthodes de mesure de résistance interne 276 2.4 Conclusion 289 Bibliographie 290 Chapitre 12 • Caractérisation microstructurale et physico-chimique des matériaux de batterie 293 S. Genies ; A. Boulineau ; A. Benayad ; C. Chabrol ; J.F. Martin ; D. Brun-Buisson ; X. Fleury ; L. Daniel ; J.F. Colin ; M. Bardet ; S. Lyonnard ; S. Tardif ; F. Lefebvre-Joud 1 Introduction : la caractérisation pour comprendre la réponse électrochimique d’une batterie 294 2 Analyse des mécanismes associés à une perte de lithium échangeable 297 2.1 Formation de la SEI et précipitation de Li métal sur une électrode négative 297 2.2 Perte de la teneur en Li d’une électrode positive 300 3 Analyse des transformations de phase qui limitent la mobilité du lithium 303 3.1 Modification microstructurale d’une électrode positive 303 4 Blocage mécanique, obstruction, décohésion et perte du contact électrique 304 4.1 Perte de capacité d’électrodes graphite en cyclage à basse température 304 4.2 Dépôts exogènes 305 5 Dégradation de l’électrolyte 306 Bibliographie 308 Chapitre 13 • Procédés de fabrication des électrodes et des cellules 311 G. Claude ; N. Mariage ; W. Porcher ; Y. Reynier ; D. Sotta ; F. Rouillon 1 Principes généraux 311 2 Formats d’accumulateurs 313 3 Méthodes de fabrication des électrodes 317
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3.1 Formulation d’une électrode 317 3.2 Réalisation d’une encre 317 3.3 Électrodes 319 3.4 Calandrage 321 4 Méthodes de fabrication des cellules 321 4.1 Étape de refente 321 4.2 L’assemblage 321 4.3 Le remplissage 323 4.4 La formation 324 5 Composition des cellules et éléments de coût 324 6 Procédés en développement/perspectives 325 7 Conclusion 326 Bibliographie 326 Chapitre 14 • Système batterie et gestion associée - BMS 329 L. Garnier ; J. Dauchy ; D. Chatroux ; D. Gevet ; G. Despesse 1 Architecture d’un système batterie 330 2 Système batterie dans son environnement 332 2.1 Pôle « moins » du pack relié à la masse mécanique 333 2.2 Pack batterie isolé de la masse mécanique 333 2.3 Impact de l’isolation ou non du pack batterie sur le choix des chargeurs 334 3 Éléments de puissance associés au pack batterie 335 3.1 Conducteurs/fils 335 3.2 Fusibles 336 3.3 Contacteurs 336 3.4 Précharge 337 3.5 Connecteurs 337 3.6 Sectionneur 338 4 Un BMS aux multiples fonctions 338 4.1 Différentes architectures électroniques de BMS 339 4.2 Gestion de la sécurité du pack batterie 341 4.3 Gestion des états du pack batterie 342 4.4 Équilibrage du pack batterie 342 4.5 Gestion thermique du pack batterie 343 5 Conception et fabrication des packs batteries 346 5.1 Conception mécanique 346 5.2 Assemblage des modules 347 5.3 Assemblage final du pack 348 6 Exemples d’innovation sur des systèmes batteries 349 6.1 Exemple 1 : la batterie commutée 349
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Table des matières
6.2 Exemple 2 : architecture système permettant la suppression de la batterie auxiliaire 351 Bibliographie 353 Chapitre 15 • Définition des algorithmes d’état d’un système batterie et méthodes de calcul associées 355 V. Heiries ; P.-H. Michel ; A. Delaille ; F. Karoui 1 Définitions des indicateurs d’état des batteries 356 1.1 L’état de charge 356 1.2 L’état d’énergie 356 1.3 L’état de santé 357 1.4 L’état de fonction 357 1.5 L’état de sécurité 358 2 Méthodes de diagnostic des batteries 358 2.1 Estimation du SOC 359 2.2 Exploitation du filtre de Kalman pour l’estimation du SOC 364 2.3 Estimation de la capacité 366 2.4 Méthode de diagnostic alternative 367 Bibliographie 369 Chapitre 16 • Normes et sécurité 371 P. Azaïs ; P. Kuntz Introduction 371 1 Phénomènes mis en jeu en conditions abusives 372 1.1 Phénomènes mis en jeu à l’échelle de l’accumulateur 374 1.2 Phénomènes mis en jeu à l’échelle du module et du pack 378 2 La règlementation 380 3 Les normes 383 4 Essais et analyses complémentaires 390 5 Solutions pour améliorer la sécurité aux différentes échelles 391 5.1 Amélioration des composants au sein de l’accumulateur 391 5.2 Dispositifs de sécurité au niveau de l’accumulateur 397 5.3 Dispositifs de sécurité au niveau du module et du système batterie 399 6 Conclusions et perspectives 403 Bibliographie 404 Chapitre 17 • Recyclage des batteries Li-ion 411 E. Billy ; M. Chapuis ; D. Meyer 1 Les éléments de contexte 411 2 Tête de procédé 414
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Cœur de procédé (séparation – valorisation) 414 3.1 Pyrométallurgie 414 3.2 Hydrométallurgie 415 4 Conclusion 423 Bibliographie 424 Chapitre 18 • Impacts environnementaux et analyse du cycle de vie (ACV) des batteries Li-ion 431 Élise Monnier ; Fabien Perdu 1 Pourquoi s’intéresser aux impacts environnementaux des batteries ? 432 2 Comment quantifie-t-on les impacts environnementaux des accumulateurs ? 433 3 Quels sont les principaux impacts des batteries lithium-ion ? 434 3.1 …sur le changement climatique 435 3.2 …sur la consommation d’énergie 435 3.3 …sur la consommation de ressources abiotiques 437 3.4 … sur les impacts d’acidification, d’eutrophisation et de toxicité 439 4 Quelles sont les sources de ces impacts ? 441 5 Recommandations d’écoconception 444 Bibliographie 446 Chapitre 19 • Applications et marchés – coût d’usage 449 L. Garnier ; D. Chatroux ; F. Perdu ; B. Béranger ; F. Le Cras ; S. Martinet ; D. Bloch 1 Éléments généraux d’analyse de marché – Focus sur le marché des véhicules électrifiés 449 2 Problématique du coût d’usage 452 Référence 456 Conclusion 457 Sébastien Martinet ; Thierry Priem ; Frédéric le Cras ; Didier Bloch Glossaire 461 Les coordinateurs 465 Les contributeurs 467
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Préface
Afin notamment d’accompagner la transition énergétique, nécessaire et indispensable à la sauvegarde de notre planète, les besoins en stockage de l’énergie vont augmenter très fortement dans les prochaines décennies, que ce soit pour les applications stationnaires ou pour la mobilité, avec un marché mondial qui devrait passer de 80 GWh en 2016 à plus de 220 GWh en 2025. Les batteries Li-ion présentent bon nombre d’avantages qui permettent de répondre à ces besoins. Les enjeux actuels sont d’augmenter la performance (pour atteindre plus de 350 Wh/kg et 1000 Wh/L au niveau cellule), d’améliorer la durée de vie en cyclage (> 5000 cycles charges/décharges), tout en visant une sécurité accrue et un coût cible cellule de l’ordre de 100 € le kWh. Le Li-ion dit traditionnel atteint aujourd’hui ses limites en densité d’énergie massique et volumique, ce qui pousse l’ensemble des acteurs scientifiques et industriels vers l’identification de nouvelles ruptures technologiques sur les nouvelles générations de batteries. Une attention particulière est aussi fondamentale en ce qui concerne la pérennité des solutions proposées, en sécurisant les approvisionnements, en évitant les matériaux dits « critiques » en termes d’impact environnemental, en utilisant des procédés sans solvant mais aussi, plus globalement, en considérant le recyclage et l’analyse du cycle de vie complet des batteries. Cet ouvrage, en traitant le sujet des batteries sur l’ensemble de la chaîne de valeurs des matériaux au système, offre aux lecteurs des éléments de compréhension et de réflexion permettant à chacun d’avoir une meilleure connaissance des verrous et enjeux liés au développement de nouvelles générations. Le développement de ces nouvelles batteries en tant que solution de stockage, au-delà de l’intérêt d’être utile
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au développement des énergies propres pour accompagner la transition énergétique, aura un impact environnemental et sociétal certain dans les années à venir. Séverine JOUANNEAU SI LARBI, Chef du Département Électricité et Hydrogène pour les Transports au CEA/LITEN
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1 Introduction Thierry Priem ; Sébastien Martinet ; Frédéric Le Cras ; Didier Bloch
Ce chapitre constitue une introduction à l’ensemble de l’ouvrage. Après une brève entrée en matière, un court historique des technologies d’accumulateurs est présenté ainsi que les principes généraux de fonctionnement des accumulateurs Li-ion. La réduction drastique et rapide, à l’échelle de la planète, des émissions de gaz à effet de serre, est l’un des défis majeurs que l’humanité doit relever sans plus tarder. Celui-ci implique nécessairement de parvenir à réduire massivement la consommation d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). Parce qu’elle déplace la consommation de pétrole vers celle de l’électricité, et qu’elle offre simultanément un bien meilleur rendement énergétique que les motorisations thermiques (essence et diésel), la motorisation électrique devrait permettre – sous réserve que l’électricité utilisée pour recharger les véhicules soit convenablement décarbonée – de contribuer à répondre significativement à ce défi. Son développement accéléré constitue une priorité. En France, par exemple, le transport, actuellement essentiellement basé sur le pétrole (à l’exception du rail), constitue environ 1/3 de la consommation énergétique finale, et contribue à hauteur de 28 % des émissions de gaz à effet de serre. Il représente une facture annuelle d’environ 27 milliards d’euros (à un niveau de prix
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du baril de pétrole voisin de 50 $). La moitié de ces émissions est due aux véhicules particuliers. L’électrification de la moitié de ce parc de véhicules permettrait donc de réduire de 7 % les émissions de gaz à effet de serre. En réalité, compte tenu du taux de pénétration des véhicules neufs en France, voisin de 6 % par an, il est plus raisonnable de penser qu’environ 15 % du parc de véhicules particuliers français – seulement – sera électrifié vers 2030 (soit environ 5 millions de véhicules sur un parc total de 32 millions). Mais il est également raisonnable de penser que la déferlante attendue de la mobilité électrique gagnera non seulement une grande partie de la flotte de véhicules utilitaires, ainsi que celles d’autres modes de transport plus « doux », tels que trottinettes, vélos, scooters, véhicules partagés, mais aussi, sous certaines formes, celles des transports en commun et des poids lourds, ce qui en démultipliera les effets bénéfiques. Sur un autre plan, le déploiement à marche forcée actuellement observé des énergies « renouvelables » (ENR), principalement solaire photovoltaïque et éolienne, est par ailleurs avancé, à tort ou à raison [1], comme l’une des autres solutions possibles pour contribuer à relever le défi mentionné plus haut. Ces énergies sont cependant par nature non pilotables et intermittentes. Elles requièrent donc des moyens de stockage-tampon massifs de l’électricité, capables d’une part de stocker l’énergie quand celle-ci est produite en excès, et délivrer d’autre part celle-ci au réseau en période d’absence de vent ou de soleil. Un calcul simple montre que ces moyens pourraient être, dans une bonne mesure, constitués par la capacité de stockage offerte par une flotte de véhicules électrifiés, ce qui permettrait simultanément de faire d’une pierre deux coups en s’affranchissant du besoin de développer des moyens spécifiques de stockage stationnaire supplémentaires. Reprenons en effet l’hypothèse – conservatrice – évoquée ci-dessus d’un parc français de véhicules particuliers électrifiés de l’ordre de 5 millions d’unités à l’échéance 2030 (soit environ 15 % – seulement – du parc actuel). En tirant parti du fait que plus de 80 % d’un parc de véhicules est stationné à tout instant, on voit, si l’on considère qu’environ 5 kWh seront requis pour recharger chaque véhicule du fait de son kilométrage quotidien moyen, que l’on disposera, chaque jour, d’un volume de stockage-tampon pilotable de l’électricité ENR de l’ordre de 20 GWh. Il apparaît donc tout à fait envisageable de stocker massivement, grâce à l’électrification des véhicules, une partie significative de l’énergie produite par les ENR, sous réserve d’accompagner, grâce à une coordination efficace, le déploiement simultané des énergies renouvelables et des véhicules électrifiés. Il est possible de pousser plus loin la logique : le déploiement de connexions bidirectionnelles V2G/V2H (Vehicle to Grid/Vehicle to Home) permettra non seulement d’utiliser le parc de véhicules comme un moyen de stockage-tampon massif de l’électricité ENR, mais également d’utiliser celuici pour rendre des services au réseau (effacement des heures de pointe, régulation de fréquence, substitution de l’électricité aux combustibles fossiles chaque fois que cela est possible…). Ces opportunités supplémentaires permettront de limiter la construction de nouvelles centrales à énergies fossiles, qui se révèleraient sinon nécessaires pour produire l’énergie électrique nécessaire en absence de vent ou de soleil, pour des périodes allant de un à quelques jours. Au-delà de cette durée, ou pour le stockage saisonnier d’énergie, il sera nécessaire de mobiliser d’autres moyens
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1. Introduction
que les batteries de véhicule, afin de permettre à celles-ci de remplir leur fonction première, qui reste la mobilité. Ce raisonnement ne vaut bien sûr, en France, que si l’on considère comme acquis le fait que le déploiement des ENR doit nécessairement s’accompagner de la réduction de la production d’énergie électrique nucléaire. Si tel n’est pas le cas, et que le parc nucléaire reste à son niveau actuel, l’énergie électrique restera produite en quantité suffisante pour recharger l’ensemble du parc de véhicules la nuit aux heures creuses, sur les parkings des entreprises ou sur la voirie convenablement aménagée, par exemple. Le citoyen devrait de surcroit trouver rapidement de multiples avantages à s’approprier le concept : il contribuera non seulement activement, à titre personnel, à lutter efficacement contre le changement climatique, mais il pourra également amortir partiellement l’achat de la batterie de son véhicule en revendant de l’énergie au réseau. On voit ici que cette vision requiert non seulement la mise en place d’infrastructures de recharge bidirectionnelles, somme toute relativement aisées à déployer rapidement et à moindre coût, mais surtout de batteries à durée de vie en cyclage élevée, puisqu’on attendra d’elles qu’elles assurent une double fonction : mobilité électrique bien sûr, mais aussi services rendus au réseau. L’évolution attendue du cahier des charges actuel, pour lequel la batterie n’assure que la fonction « mobilité », invite dès lors à explorer de nouvelles options techniques ou à améliorer celles existantes, du matériau au système complet. Les accumulateurs au lithium se retrouvent comme catalyseur, pivot de toutes ces transformations industrielles et sociétales : initialement développés pour remplacer les accumulateurs au nickel-cadmium utilisés à l’époque pour alimenter les objets nomades (Sony, 1991), les améliorations continues de leurs performances ainsi que la forte baisse de leur coût de production ouvrent désormais la voie à leur utilisation à grande échelle comme source d’énergie embarquée dans les véhicules électrifiés, et donc, comme on vient de le voir, comme moyen de stockage massif et pilotable de l’électricité – ENR ou non –, les transformant ainsi en pourvoyeurs de services au réseau électrique. C’est pourquoi la production à très grande échelle d’accumulateurs au lithium est devenue un enjeu prioritaire, tout d’abord pour l’avenir de l’industrie automobile. À l’image de celle construite dans le Nevada par l’entreprise Tesla (Elon Musk) alliée au Japonais Panasonic, des « Gigafactories » (usines de fabrication de batteries) sortent de terre un peu partout dans le monde. Chacune d’entre elles mobilise des investissements de plusieurs milliards d’euros. Dans la majorité des cas, leur déploiement s’appuie sur le savoir-faire des leaders mondiaux, actuellement asiatiques (Japon, Corée, Chine). Ceux-ci ont en effet anticipé et préparé dès le début du 20e siècle les évolutions majeures qui se dessinent aujourd’hui dans la mobilité. Il est probable que la Chine, dont les besoins du marché intérieur sont considérables, devienne, dès 2020, le principal producteur et consommateur de batteries au lithium au monde. En Europe, la construction de plusieurs Gigafactories est également engagée ou programmée : Samsung SDI et SK Innovation (coréens) bâtissent des usines en Hongrie ; LG (coréen) en Pologne ; CATL (chinois) en Allemagne, pays dans lequel la construction de deux autres Gigafactories supplémentaires est par ailleurs en cours de négociation [2].
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Les constructeurs automobiles européens considéraient jusque-là, pour la plupart d’entre eux, que les batteries étaient un composant comme un autre (« commodity ») et tablaient sur la mise en concurrence de leurs fournisseurs asiatiques pour continuer à faire baisser les coûts et améliorer les performances. Or, plusieurs facteurs se conjuguent, qui conduisent à une prise de conscience progressive en Europe – en 2016 en Allemagne, mi-2018 en France – de l’impérieuse nécessité de maitriser le savoir-faire relatif à la fabrication des batteries. Celles-ci constituent en effet un composant-clef du véhicule électrifié, et représentent une part significative de son coût. De surcroit, la croissance attendue et souhaitée du marché mondial va très probablement faire apparaître des tensions de plus en plus fortes dans l’approvisionnement futur en batteries, et faire ainsi grandir le risque de dépendance vis-à-vis de fabricants dont les intérêts sont susceptibles d’évoluer rapidement en fonction du contexte géopolitique [3]. Si l’Europe souhaite conserver une industrie automobile forte, elle doit raisonnablement jouer sur deux tableaux : • Reconstituer une filière industrielle complète, sur l’ensemble de la chaîne de la valeur, pour fabriquer, dans des délais les plus courts possibles, des batteries performantes et compétitives au plan économique, et prendre une part significative d’un marché de la mobilité électrique en très forte croissance. Dans la mesure où les batteries doivent être fabriquées par millions dans un délai proche, il parait peu envisageable d’utiliser des technologies trop éloignées de l’état de l’art actuel. C’est l’objet du « Présent » des batteries lithium-ion présenté dans cet ouvrage, qui, nous l’espérons, permettra au lecteur de se faire une idée la plus précise possible des composants mis en œuvre aujourd’hui. • Encourager de façon volontariste la R&D nécessaire au développement de prochaines générations de batteries, puisqu’il sera nécessaire de rester compétitif dans la durée : c’est l’objet du « Futur » des batteries – Li-ion ou autres filières –, présenté dans cet ouvrage, au travers des chapitres qui leur sont consacrés. Ceux-ci permettront également au lecteur, nous l’espérons, de disposer d’une vue d’ensemble des options « R&D » explorées à ce jour. Bien que les deux types d’initiatives soient intimement liés, les premières actions paraissent plutôt relever du leadership industriel, et les secondes plutôt de l’action institutionnelle. Dans les deux cas, le jeu se jouera entre des acteurs de l’industrie et de la recherche européens, notamment français et allemands, qui sauront coordonner leurs efforts et faire les choix nécessaires, en vue de maitriser et de sécuriser l’ensemble de la chaîne de la valeur dans un contexte de compétition intense : la fabrication d’une batterie requiert, quelle que soit la filière explorée, la maitrise d’un grand nombre de savoir-faire dans des domaines très variés, depuis l’extraction des matériaux de base jusqu’à leur recyclage en fin de vie de la batterie pour les réutiliser dans de nouvelles, en passant par la synthèse de matériaux actifs, la fabrication d’électrodes, de cellules, de modules et de systèmes complets incluant l’électronique de gestion. Les pistes de progrès sont réelles. Du point de vue des matériaux utilisés comme de celui du système complet embarqué, elles dépendent largement du cahier des charges fonctionnel de l’application visée, qui exerce sur eux une influence directe.
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1. Introduction
Les performances requises, par exemple, pour des matériaux utilisés dans un véhicule « tout électrique » embarquant une batterie – coûteuse et gourmande en matériaux critiques – de 50 ou 60 kWh dont 500 cycles suffisent à assurer la durée de vie du véhicule (200 000 km correspondant à environ 500 cycles) ne sont pas identiques à celles requises pour des matériaux utilisés dans une batterie de 10 kWh embarquée dans un véhicule hybride rechargeable (PHEV = Plug In Hybrid Electric Vehicle) rechargé quotidiennement (5000 à 10 000 cycles requis) et qui sera de surcroit amené à fournir de l’énergie au réseau électrique. Dans cette perspective, la course actuellement observée d’une autonomie en mode tout électrique toujours plus grande, corrélée à un besoin de recharge rapide, est-elle l’option la plus pertinente à retenir ? Toutes les portes restent aujourd’hui ouvertes, de manière à s’adapter en temps réel aux choix qui seront, en fin de compte, effectués par les consommateurs. Si l’optimisation de l’effort consenti peut être favorisée grâce à des choix pertinents des modèles de véhicules à développer, il s’agira, quelle que soient les options retenues : • D’assurer la sécurité des utilisateurs. • De réduire au maximum, et si possible à néant, la présence de matériaux sensibles ou critiques. • De continuer à améliorer les performances : densité d’énergie et densité de puissance, bien sûr ; mais aussi cyclabilité élevée, de manière à réduire le coût de possession par cycle, et permettre au véhicule, non seulement de satisfaire les besoins de mobilité, mais également de rendre d’autres types de services au réseau électrique. • De coordonner efficacement, dans un objectif d’intérêt collectif (réduction des émissions de gaz à effet de serre), les acteurs impliqués sur l’ensemble de la chaîne de la valeur, incluant les producteurs et distributeurs d’énergie, les fabricants de matériaux ou de composants électroniques, les constructeurs automobiles, les industries du recyclage… • De fabriquer des véhicules, notamment d’entrée et de milieu de gamme, accessibles au plus grand nombre. Le succès commercial dépendra en effet de multiples paramètres : acceptation sociale du véhicule électrifié/connecté, évolution du pouvoir d’achat du consommateur, taux de renouvellement du parc de véhicules, disponibilité des systèmes de recharge, développement de solutions de mobilité alternatives…. Un travail important de pédagogie sera nécessaire afin de répondre aux interrogations, légitimes, de l’ensemble des citoyens. L’Europe détient les compétences et les atouts nécessaires pour combler le retard important pris sur l’industrie asiatique. La France détient, en particulier grâce à son mix énergétique décarboné, des atouts-clefs dans ce domaine. Des collaborations en R&D sont d’ores et déjà en place, nouées de longue date (projets européens par exemple). Des initiatives industrielles fortes se dessinent également, principalement mais pas seulement, de part et d’autre du Rhin (Daimler et Volkswagen par exemple en Allemagne ; Total/Saft en France). Les déclarations d’intention conjointe des gouvernements allemand et français du 14 février 2019, confirmées le 2 mai 2019, autorisent d’être raisonnablement optimiste [4].
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Bref historique des piles et accumulateurs
La découverte du principe de fonctionnement des piles a lieu en 1800, par Alessandro Volta avec la pile éponyme [5] utilisant deux métaux différents, des disques de zinc et du cuivre, séparés par un feutre imbibé de chlorure de sodium. Il faut ensuite attendre 1859 pour la découverte, par Gaston Planté, du fonctionnement du premier accumulateur rechargeable acide-plomb [6]. De nos jours, un peu plus de 150 ans plus tard, les technologies d’accumulateurs grand public comprennent seulement trois grandes familles, en plus des accumulateurs « plomb-acide » : les technologies alcalines nickel-cadmium (Ni-Cd), nickel-hydrure métallique (Ni-MH), et, depuis 1991, les accumulateurs lithium-ion (Li-ion). Concernant cette dernière filière, deux innovations majeures conduisent à des avancées significatives. En 1980, J. Goodenough et al. découvrent LiCoO2 comme matériau d’électrode positive à haut potentiel [7]. En parallèle, en 1983, R. Yazami et P. Touzain montrent que le lithium peut s’intercaler réversiblement dans le graphite à bas potentiel [8]. Il devient alors possible de s’affranchir de l’utilisation du lithium métallique, qui pose de sérieux problèmes de sécurité de fonctionnement. La combinaison de ces deux innovations permet le développement des accumulateurs Li-ion et leur première commercialisation, en 1991, par Sony. Depuis 1991, la densité d’énergie massique des accumulateurs Li-Ion – un de leurs points forts – a quasiment triplé, passant de 100 Wh.kg–1 à près de 270 Wh.kg–1 pour les meilleurs sur le marché. Dans le même temps, leur coût a très fortement diminué, grâce notamment à la réduction des coûts de fabrication, ce qui rend aujourd’hui possible l’essor des véhicules électrifiés. Les technologies d’accumulateurs sont généralement comparées à l’aune de leurs densités d’énergie (Wh.kg–1 ou Wh.L–1) et/ou de puissance (W.kg–1), et ce notamment pour les systèmes embarqués. Ces performances sont habituellement synthétisées en reportant la densité de puissance en fonction de la densité d’énergie massique dans un diagramme dit diagramme de Ragone tel que représenté en figure 1. Pour chaque technologie, ces performances sont décrites par un faisceau traduisant la possibilité de moduler les performances selon que l’on recherche à privilégier la densité d’énergie ou la densité de puissance, via par exemple, l’utilisation d’électrodes minces pour favoriser cette dernière. Ces notions seront abordées dans le chapitre 13 décrivant les procédés de fabrication des accumulateurs. Il faut également noter la présence des supercondensateurs sur ce diagramme, technologie basée sur des phénomènes capacitifs et l’utilisation des doubles-couches électrochimiques. Ils font l’objet des chapitres 9 et 10. Les performances des accumulateurs sont évidemment aussi mesurées en utilisation, c’est-à-dire par exemple, lors de cycles de charge et décharge. Pour les caractériser, il est fréquent de reporter l’évolution de la tension aux bornes de la cellule en fonction de la capacité déchargée, exprimée en ampère heure (Ah) (1 Ah correspond au passage d’un courant d’un ampère pendant une durée d’une heure, soit 3600 coulombs), et
20
1. Introduction
ce pour diverses valeurs du courant. Un exemple est représenté en figure 2 pour le cas d’un accumulateur cylindrique de format 18650 (18 mm de diamètre et 65 mm de hauteur) pour des courants allant de 0,2 fois le régime nominal (décharge en 5 heures) à 2 fois le régime nominal (décharge en ½ heure). Le régime nominal (ou C-Rate) est défini comme correspondant au courant permettant de décharger totalement la capacité de l’accumulateur en une heure. Cela permet d’utiliser ensuite les notations C/n ou nC qui représentent des régimes plus lents, décharge en n heures pour C/n, ou plus rapides, décharge en 1/n heure pour nC.
Figure 1 Diagramme de Ragone des différentes technologies d’accumulateurs grand public.
Concrètement, l’accumulateur cité en exemple présente une capacité de 2040 mAh, soit un régime nominal C correspondant à 2040 mA (noté « It » sur la figure). La décharge rapide à 4080 mA, ou 2C, dure quasiment 30 minutes, au cours de laquelle la quasi-totalité de la capacité nominale est récupérée. À régime plus lent de C/5, ou 408 mA, la capacité récupérée est proche de 2200 mAh. Les courbes mettent en évidence une diminution sensible de la tension moyenne lors de l’augmentation du régime de décharge. Cela provient d’une augmentation des pertes ohmiques et/ou diffusives au sein de l’accumulateur. Il faut noter que les accumulateurs sont les cellules élémentaires constituant les batteries dans lesquelles ils sont assemblés en série et/ou en parallèle afin d’augmenter la tension de fonctionnement (mise en série) et/ou la capacité embarquée (mise en parallèle). À cette association en pack, il est fréquemment ajouté une électronique
21
Batteries Li-ion
de gestion appelée BMS (Battery Management System). Le pack constituant sommairement l’ensemble cellules/BMS (ce volet sera détaillé dans le chapitre 14) est désigné comme étant le « pack batterie ».
Figure 2 Courbe de décharge d’un accumulateur Panasonic CGR18650C [9].
Comme indiqué précédemment, à l’issue de plus de 150 ans de développement, seules quatre principales technologies d’accumulateurs ont connu une large diffusion dans le domaine grand public. Les accumulateurs Li-ion prennent aujourd’hui une part de marché de plus en plus grande grâce à leur versatilité, leurs performances et leur coût qui continue à diminuer rapidement. Simultanément, face au défi constitué par le développement à grande échelle du véhicule électrique, et face à celui posé par le stockage stationnaire, de nombreuses voies de progrès continuent à être explorées, soit pour améliorer les performances de la filière Li-ion actuelle (« Tout-solide »…), soit pour développer des options alternatives – lithium-soufre, sodium-ion, matériaux organiques… – moins gourmandes en matériaux sensibles par exemple.
2
Généralités sur les accumulateurs Li-ion
Les accumulateurs Li-ion « traditionnels » sont basés sur l’utilisation de deux matériaux d’intercalation du lithium : un oxyde de métal de transition lithié à l’électrode positive (LiCoO2, NMC, NCA) et du graphite à l’électrode négative. Ces propos seront nuancés dans les chapitres 2 et 3 relatifs aux matériaux d’électrode des cellules
22
1. Introduction
Li-ion dans lesquels des composés en développement seront présentés comme alternatives à ces matériaux de référence. Le principe de fonctionnement est illustré en figure 3. L’accumulateur est fabriqué à l’état déchargé, l’électrode positive étant la source de lithium, et le graphite de l’électrode négative étant initialement vide d’ions lithium. Lors de la première charge, les ions lithium sont extraits de l’électrode positive, diffusent à travers l’électrolyte et s’insèrent dans l’électrode négative de graphite. Afin de respecter la règle d’électroneutralité, le passage de chaque ion Li+ dans le circuit interne de l’accumulateur est exactement compensé par le passage d’un électron dans le circuit électrique externe. Les phénomènes inverses se produisent lors de la décharge. Il est à noter que, lors de la première charge, une couche de passivation, dite SEI pour Solid Electrolyte Interphase, se forme sur l’électrode négative de graphite, permettant d’assurer la bonne tenue en cyclage de l’accumulateur. Elle conduit néanmoins à une perte de capacité irréversible de l’ordre de 5 à 10 %. La différence de potentiel, élevée, entre les 2 électrodes – typiquement 3,6 volts de tension nominale –, contribue grandement à la forte densité d’énergie de cette technologie d’accumulateurs. Elle est ainsi à comparer aux 2 volts des accumulateurs au plomb et 1,2 volt des accumulateurs alcalins. Cela provient du caractère fortement réducteur du lithium métal et du fait que les ions lithium s’intercalent dans le graphite à un potentiel assez proche du couple Li+/Li (-3,04 V vs. ENH) (en moyenne 100 mV au-dessus de cette valeur).
Figure 3 Principe de fonctionnement d’un accumulateur Li-ion conventionnel avec un oxyde de métal de transition lithié LiMO2 à l’électrode positive et du graphite à l’électrode négative. Reproduit à partir de [10].
23
Batteries Li-ion
La figure 4 illustre le positionnement des différents matériaux positifs ou négatifs qui sont évoqués dans les chapitres de cet ouvrage. Les matériaux d’électrode positive sont essentiellement positionnés en haut à gauche avec des capacités maximales d’insertion souvent nettement inférieures à 300 mAh.g–1 (typiquement 150 à 190 mAh.g–1), tandis que le panel des matériaux d’électrode négative est plus large avec trois familles : les matériaux conventionnels à base de carbone, les composés à base de titane (orientés vers la puissance) et les matériaux correspondant aux éléments du block-p tels que le silicium à très forte capacité spécifique. Pour favoriser la densité d’énergie, il est à la fois nécessaire de choisir des composés positifs et négatifs à forte capacité spécifique, mais aussi les plus éloignés possible sur l’échelle des potentiels.
Figure 4 Cartographie des différents matériaux pour accumulateurs Li-Ion. Reproduit à partir de [11].
24
1. Introduction
Bibliographie [1] T mas Linnemann and Guido S. Vallana “Wind Energy in Germany and Europe” VGB PowerTech 3 l 2019ho https://www.automobile-propre.com/batteries-sk-innovation-annonceconstruction-gigafactory-hongrie/ [2] https://electrek.co/2019/02/21/lg-vw-battery-cell-supply-ev-gigafactory/ [3] https://fr.reuters.com/article/technologyNews/idFRKCN1Q21XY-OFRIN [4] https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/05/02/automobile-entrecinq-et-six-milliards-d-euros-pour-creer-un-airbus-des-batteries-en-europe_ 5457434_3234.html [5]
Volta A., Philos Trans 2:430 (1800)
[6]
Planté G., The Storage of Electrical Energy, Réimprimé. Kessinger Publishing, 2008
[7] K. Mizushima, P.C. Jones, P.J. Wiseman, J.B. Goodenough, LixCoO2 (0100
C/10 2 V
TRL3 Cellule labo
NIC
[56]
Li-S
Utilisation de mousses de carbone à l’électrode positive et solution catholyte
1600 (1er) 1000 (50e)
>50
C/10 2 V
TRL3 Cellule labo
LRCS
[57]
Maturité
Acteur(s)
[RÉf ]
7. Accumulateurs métal-soufre
Performances Densité d’énergie (Wh/kgcellule) Cyclabilité Autres À défaut : capacité pratique (mAh/gSoufre)
Technologie
Approche(s)
Li-S
Composite carbone/ soufre nanostructuré
1200 (1er) 900 (40e)
>40
Li-S
Électrolyte saturé en sel de lithium
1200 (1er) 700 (50e)
>50
Li-S
Batteries Li-S tout-solide à base de thio-LISICON
2000 (1er) 500 (20e)
20
Li-S
Électrolyte polymère POE-LiTf
1000 (1er) 750 (30e)
>30
2V
Li-S
Additif de type oxide à l’électrode positive
1200 (1er) 1000 (300e)
>300
Li-S
Liant dendrimère à base de polydopamine à l’électrode positive
1200 (1er) 900 (100e)
Li-S
Électrolyte solide inorganique Li3PS4
Li-S
Maturité
Acteur(s)
[RÉf ]
C/100 2,1 V
TRL3 Prototypes (primaire)
Chinese Academic of Science
[58]
C/12 2,1 V
TRL3 Cellule labo
Yokohama National University
[59]
C/100 ? TRL3 1,5 V Cellule labo
Tokyo Institute of Technology
[60]
TRL3 Cellule labo
Univ. La Sapienza
[61]
C/10 2,1 V
TRL3 Cellule labo
Stanford
[62]
>100
C/5 2,1 V
TRL3 Cellule labo
PNNL
[63]
1300 (1er) 1200 (50e)
>50
C/60 1,5 V
TRL3 Konan Univ. Cellule labo
Électrolyte LiBH4-LiCl
1500 (1er) 600 (5e)
>5
C/33 2 V
TRL3 Tohoku Univ. [65] Cellule labo
Na-S
Utilisation de solvants glymes
1000 (1er) 800 (5e)
>40
0,5C 1,8 V
TRL3 Université Cellule labo Gyeongsang
[66]
Na-S
Carbones durs à l’électrode négative avec additifs d’électrolyte
1000 (1er) 400 (500e)
>1000
TRL3 Cellule labo
Fraunhofer
[67]
Na-S
Fibres de carbone + Na2S, membrane de protection (Nafion®)
600 (1er) 500 (100e)
>100
0,3C 1,8 V
TRL3 Cellule labo
Université Texas
[68]
Na-S
Confinement du soufre dans un carbone microporeux
1600 (1er) 1000 (20e)
>200
1,4 V
Chinese TRL3 Academy of Cellule labo Sciences
[40]
Mg-S
Modification des solvants glyme, compréhension des mécanismes en jeu
800 (1er) 200 (5e)
30
1,7 V / 1 V
TRL3 Cellule labo
US Army
[9]
Composite graphènesoufre
1000 (1er) 200 (5e)
10–3 S.cm–1 à 25 °C), une stabilité électrochimique vis-à-vis des matériaux d’électrodes utilisés, auxquelles s’ajoute une possibilité de mise en forme de membranes électrolytiques fines ( 50 °C) de ces phases présentent des conductivités de 10–1 S.cm–1 à 100 °C. Malheureusement, seule la variante sodée reste stable au retour à température ambiante (σ ~ 3.10–2 S.cm–1), il faut donc envisager des solutions pour stabiliser la phase lithiée et tenter de maintenir cet excellent niveau de conductivité.
2.2.4
Matériaux de type sulfure : céramiques et verres
Le principal avantage des électrolytes sulfures par rapport aux oxydes est leur capacité à pouvoir être densifiés à température ambiante (leur module d’Young se situe entre celui des oxydes et celui des polymères). De plus, du fait de la polarisabilité plus élevée et de la plus grande taille du soufre par rapport à l’oxygène, ces matériaux affichent généralement des conductivités ioniques supérieures à celles des oxydes [40]. A contrario, les sulfures sont a priori moins stables à potentiel élevé, sensibles à l’air et susceptibles de
161
Batteries Li-ion
former des composés toxiques (H2S) en cas de défaillance de l’accumulateur. Les deux principales familles de composés étudiées à l’heure actuelle sont les vitrocéramiques dans le système Li2S-P2S5 [61] et le composé cristallisé Li10GeP2S12. Les matériaux vitreux (xLi2S(1-x)P2S5, x = 0,7-0,8) sont préparés par fusion/trempe ou par mécanosynthèse et recristallisés vers 200-300 °C. Le matériau stœchiométrique Li7P3S11 présente une conductivité particulièrement élevée à température ambiante, qui peut être maximisée en limitant les pertes aux joints de grains par une nucléation/cristallisation [62] et une densification contrôlées [63], pour atteindre σLi+ ∼ 1,7.10–2 S.cm–1. Les processus de conduction dans ces matériaux vitrocéramiques apparaissent multiples et complexes [64]. Quant au composé cristallisé Li10GeP2S12, de composition voisine mais de structure différente de celle des thio-LISICON (Li3,25Ge0,25P0,75S4), il affiche une conductivité ionique de ~ 10–2 S.cm–1 [65]. Il est maintenant bien établi que la diffusion du lithium à température ambiante dans ce matériau se déroule dans les trois dimensions de manière relativement isotrope [66], ce qui est un point positif. On vérifie par ailleurs que la substitution de Ge par Si ou Sn, éléments isovalents mais bien meilleur marché, n’affecte que modérément la valeur de la conductivité [67]. Le domaine de stabilité électrochimique de ces différents composés est malheureusement assez restreint (2,0-2,6 V/Li+/Li) [68], ce qui exclut d’envisager une mise en contact direct avec une électrode négative de lithium ou des matériaux d’électrode positive habituels opérant à ∼ 4 V/Li+/Li tels que LiCoO2. À bas potentiel, la réduction du phosphore et du germanium conduit à la démixtion des différents constituants en Li3P, Li2S et M/LixM (M = Si, Ge, Sn) [69]. À haut potentiel, l’oxydation du S2– conduit à la formation de sulfites, sulfates et de phosphates au contact d’oxydes lamellaires [70,71]. De manière générale, les études expérimentales aussi bien que théoriques ont montré que les sulfures ont un caractère plus instable que les oxydes à l’interface avec les matériaux actifs, alors qu’ils présentent les meilleures conductivités ioniques (figure 5) [72,73,74,75].
Figure 5 Analyses XPS montrant la réactivité de l’électrolyte solide Li10GeP2S12 à l’interface avec le lithium pour former Ge ou LixGe et Li3P + Li2S [72].
162
8. Accumulateurs « tout-solide »
2.3
Électrolytes solides hybrides
Des solutions hybrides électrolyte céramique/électrolyte polymère sont par ailleurs évaluées, notamment afin de contourner les problèmes inhérents au (co-)frittage des matériaux ou à la stabilité électrochimique vis-à-vis du Li métal, et de favoriser la réalisation de composants (électrodes, électrolyte) flexibles. Celles-ci sont principalement élaborées à partir de mélanges POE:LiClO4 et LAGP [76,77] ou LLZO [78,79,80]. Il est confirmé que le transport du Li+ intervient bien au travers des particules d’électrolyte céramique [81] et non par le biais des zones interfaciales céramique/polymère, comme cela est le cas dans les électrolytes POE chargés de nano-céramiques (SiO2, Al2O3,…). La conductivité du polyacrylonitrile (PAN) a été augmentée d’un ordre de grandeur par l’addition de 3 % massique de nanofils céramiques, ainsi que d’un ordre de grandeur supplémentaire en alignant les nanofils dans la direction du transport d’ions lithium (figure 6) [82].
Figure 6 (à gauche) Orientation aléatoire et alignée de nanofils de céramique Li0,33La0,557TiO3 en mélange avec du polyacrylonitrile. (à droite) Mesures de conductivité correspondant aux différentes architectures d’électrolytes hybrides [82].
Les électrolytes solides sont non seulement supposés permettre l’augmentation de la conductivité, mais également la suppression de l’apparition de dendrites au cours du cyclage [80,83]. Comme présenté sur la figure 7, l’apparition de dendrites en cellules symétriques lithium/lithium est supprimée en présence de l’électrolyte hybride LLZO/POE. La présence d’un squelette céramique permet également de conserver l’intégrité de l’électrolyte hybride, notamment en température, et donc de maintenir la sécurité de la cellule [80].
163
Batteries Li-ion
Figure 7 Observation de la croissance dendritique [83]. (a) Schéma général de la cellule. (b) Observation du lithium à l’état initial. (c, d) Électrodépôt sur lithium brut. (e) Vue en coupe du film d’électrolyte hybride PEO-LLZO à la surface du lithium. (f) Observation du lithium protégé PEO-LLZO à l’état initial. (g, h) Électrodépôt sur lithium protégé PEO-LLZO à différentes densités de courant.
Figure 8 Fabrication et propriétés thermiques d’un électrolyte solide hybride, composé de nanofibres de LLZO préparées par électrospinning et d’un mélange de LiTFSI/PEO [80]. (a) Image MEB du réseau de nanofils de céramique de type grenat. (b) Schéma de principe de la procédure de préparation de l’électrolyte solide hybride. (c) Courbe ATG de l’électrolyte polymère LiTFSI–PEO en comparaison de l’électrolyte hybride.
Comme présenté sur la figure 8, la présence de la phase céramique ne permet pas de supprimer la dégradation en température du polymère. En revanche, le squelette céramique reste intact, empêchant le court-circuit lors de l’emballement thermique de la cellule.
164
8. Accumulateurs « tout-solide »
3
Stabilité électrochimique des électrolytes solides
La majorité des travaux dédiés aux accumulateurs « tout-solide » a visé l’obtention de conducteurs ioniques présentant les conductivités les plus élevées. Plusieurs types de matériaux présentant des conductivités comparables à celles des électrolytes liquides sont maintenant identifiés. L’intégration de ces matériaux au sein d’accumulateurs prototypes met désormais en lumière la part prépondérante du rôle des interfaces électrode/électrolyte dans la limitation du transport ionique au sein de la chaîne électrochimique [84,85]. Cette limitation peut intervenir du fait de la formation spontanée d’interphases électrode/électrolyte découlant de réactions chimiques entre les deux types de matériaux, en particulier au moment du frittage de l’électrode composite, ou de réactions électrochimiques au cours du fonctionnement de l’accumulateur. La génération d’une zone de charge d’espace entre les deux matériaux conducteurs peut également affecter le transport ionique au niveau de l’interface [86]. Par conséquent, de plus en plus d’études sont consacrées à la caractérisation de ces interfaces, à la compréhension/prédiction des phénomènes s’y déroulant et à leur élaboration contrôlée. La prédiction thermodynamique d’un large panel de réactions chimiques et électrochimiques électrolyte/électrode a pu être réalisée à partir de valeurs expérimentales et/ou par calculs DFT (Density Functional Theory) [74,87,88,89,90,91].
Figure 9 (à gauche) Stabilité électrochimique théorique des différents matériaux conducteurs Li+ déterminée par calculs DFT [74]. (à droite) Principe du contournement des limites de stabilité électrochimique d’un électrolyte donné par l’interposition de phases conductrices tampon [89].
165
Batteries Li-ion
Il en ressort notamment que, contrairement à l’idée reçue et dans la grande majorité des cas, les électrolytes identifiés ne sont pas stables thermodynamiquement vis-à-vis du lithium métallique et/ou d’une électrode positive opérant à « haut potentiel », et donc que l’interposition d’un matériau tampon (SEI/CEI) doit être envisagée pour garantir le bon fonctionnement à long terme des accumulateurs « tout-solide » (figure 9). Les mesures expérimentales réalisées sur différents systèmes, notamment par XPS [92] et STEM-EELS [93,94], confirment pour la plupart ces prédictions. Concernant la stabilité vis-à-vis du lithium, il s’avère que Li10GeP2S12 se décompose au contact du lithium en Ge, Li3P et Li2S [72], que Li7P3S11 se décompose en Li3P et Li2S [92], et qu’une interphase peu conductrice constituée de la forme « basse température » de LLZO se forme par réduction entre le c-LLZO et le lithium [95]. Ce même type d’interface t-LLZO se forme lors du frittage c-LLZO/LiCoO2 [96]. Ces résultats purement qualitatifs ne permettent pas de quantifier la variation effective de la conductivité induite par la formation de ces interphases, ni d’évaluer pour l’instant la croissance éventuelle de ces dernières. Concernant les interfaces avec les électrodes positives opérant à haut potentiel (> 4 V/Li+/Li), le principal frein au transport ionique est lié à la configuration de la zone de charge d’espace, mais celui-ci peut être en partie levé par l’interposition d’une interphase conductrice ionique [97] comme dans le cas du système Li7La3Zr2O12/LiCoO2 par une couche nanométrique de LiNbO3 [98] ou pour LiPON/LiNi0,5Mn1,5O4 par l’adjonction de nanoparticules d’un matériau ferroélectrique (BaTiO3) [99].
4
Systèmes complets
Rapporté à l’abondante littérature concernant les accumulateurs « tout-solide », le nombre d’articles décrivant la réalisation et le fonctionnement effectif de cellules complètes est assez restreint. Le sentiment de frustration s’en trouve amplifié lorsque l’on constate à la lecture de ces derniers que les données chiffrées fournies sur la composition, les dimensions et les performances de ces accumulateurs restent parcellaires, ce qui rend impossible la détermination du niveau réel de performance de chacun de ces prototypes et leur comparaison. On peut simplement constater que les exemples les plus aboutis sont issus des travaux de centres de R&D industriels ou technologiques (Samsung R&D au Japon [70,100,101], Toyota, Institut de génie des matériaux de Ningbo en Chine [102,103], KETI en Corée [104], Institut de technologie de Tokyo [105]). La conception la plus répandue utilise un électrolyte soufré de type thio-LiSicon ou Li2S-P2S5, une électrode positive de type NCA, LiCoO2 ou LiNi0,5Mn1,5O4 revêtue d’un film protecteur (Li2O-ZrO2, LiNbO3), une électrode négative métallique de Li ou de Li-ion. Le pressage uniaxial est généralement utilisé pour la mise en forme de l’accumulateur, mais des procédés différents sont explorés pour permettre la fabrication de cellules un tant soit peu souples, notamment par l’utilisation de liants [100] ou de renforts polymères [104]. Le restant concerne essentiellement la réalisation d’accumulateurs à base de LLZO, avec les problèmes de frittage afférents [103,106,107].
166
8. Accumulateurs « tout-solide »
Le comportement en cyclage de ces cellules n’est généralement étudié que sur un nombre de cycles restreint ( 2014) et conséquente des centres de recherche publics allemands sur cette thématique. Les principales entités impliquées sont notamment l’Institut de technologie de Karlsruhe (M. Fitchner, J. Janek), l’Institut Helmotz d’Ulm (procédés
167
Batteries Li-ion
céramiques, batteries ion fluorure), les universités de technologie de Munich et de Darmstadt (groupe de W. Jägermann, films minces et caractérisation XPS), le centre de recherche Jülich (électrolytes solides perovskite et NASICON), l’université de Giessen (groupe de J. Janek, électrolytes Li2S-P2S5, thio-LISICON, Na2S-P2S5), pour ne citer qu’elles. À l’examen de leurs publications, on remarque généralement un fort niveau d’imbrication et de collaboration entre ces différentes entités. En France, les travaux sur les batteries inorganiques « tout-solide » sont essentiellement menés à l’ICMCB de Bordeaux (microbatteries, électrolytes massifs et en films minces), au CEA LETI (microbatteries) et au LRCS d’Amiens (Argyrodites, Li3PO4-Li4SiO4). Enfin, en France, le groupe Bolloré, via sa filiale Blue Solutions, a développé des véhicules électriques alimentés par des batteries « LMP » (LithiumMetal-Polymer) fabriquées en Bretagne.
5.1
Positionnement de la recherche française
À la suite des principaux pays actifs en recherche sur les batteries (Chine, Japon, Corée, État-Unis, et désormais l’Allemagne), les acteurs de la recherche et du développement publics ou privés français semblent montrer un début d’intérêt pour explorer ce domaine. En France, l’expertise batteries « tout-solide » inorganiques est développée dans le cadre de travaux menés sur le long terme sur les microbatteries (ICMCB, CEA LETI). Concernant les batteries de plus forte capacité, des actions sont désormais engagées au CEA- LITEN ainsi que par des acteurs du RS2E (LRCS, ICMCB et MADIREL), ces dernières visant notamment à évaluer la fabrication des batteries Li-ion « tout-solide » par frittage flash (SPS) et des électrolytes soufrés. Elles sont également conduites au LRCS (étude d’électrolytes solides). Cette voie de développement du « tout-solide » commence à être envisagée par les fabricants de batteries nationaux, tandis que les constructeurs automobiles nationaux se positionnent comme suiveurs, plutôt que comme leaders, à la différence de Toyota, Hyundai, General Motors et vraisemblablement certains fabricants d’outre Rhin.
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168
8. Accumulateurs « tout-solide »
[4] J. C. Bachman, S. Muy, A. Grimaud, H.-H. Chang, N. Pour, S. F. Lux, O. Paschos, F. Maglia, S. Lupart, P. Lamp, L. Giordano, Y. Shao-Horn, « Inorganic solid-state electrolytes for lithium batteries: mechanisms and properties governing ion conduction », Chem. Rev., vol. 116, p. 140−162, 2016. [5] J. G. Kim, B. Son, S. Mukherjee, N. Schuppert, A. Bates, O. Kwon, M. J. Choi, H. Y. Chung, S. Park, « A review of lithium and non-lithium based solid state batteries », J. Power Sources, vol. 282, pp. 299-322, 2015. [6]
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176
8. Accumulateurs « tout-solide »
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177
9 Supercondensateurs : du matériau au composant P. Azaïs
1
Introduction
Le stockage de l’électricité via des charges stockées à l’interface métal/électrolyte a été largement étudié dès le XIXe siècle, mais son utilisation pratique via les condensateurs à double couche électrochimique (EDLC, Electric Double Layer Capacitor) a réellement commencé dans les années 50, avec les études réalisées par General Electric. Le matériau utilisé pour maximiser la surface de contact avec l’électrolyte était un carbone poreux [1]. En 1966, la Standard Oil Company, Cleveland, Ohio (SOHIO) brevette un système de stockage de l’énergie en utilisant une interface de type « double couche » [2]. Selon les auteurs de ce brevet, l’utilisation de cette « double couche » permettrait d’obtenir une « capacité spécifique relativement importante ». En 1970, SOHIO brevette un composant utilisant deux disques de carbone imprégnés d’électrolyte et tente de le commercialiser. Mais en 1971, devant l’insuccès commercial de celui-ci, il l’abandonne. NEC reprend alors cette technologie et l’exploite sous licence en se lançant dans la production de ses premiers composants connus sous le nom de « supercondensateurs ». Ces composants de faible tension fonctionnant en milieu aqueux ont une résistance interne élevée, mais trouvent tout de même des applications pour la sauvegarde de mémoire (back up memory), ouvrant ainsi la voie à cette
179
Batteries Li-ion
technologie. Dès lors, de nombreuses sociétés s’intéressent à ce nouveau composant de stockage de l’énergie, et commencent à le commercialiser. Dès 1978, Panasonic lance sa gamme « Gold Capacitor » dédiée aux applications de type « back-up », comme l’avait fait NEC auparavant. À partir de 1987, Elna lance à son tour la production de sa gamme de supercondensateurs « Dynacap ». Le succès de ce nouveau composant incite le Département à l’énergie (D.O.E.) des États-Unis à lancer une étude utilisant cette nouvelle technologie pour l’hybridation des véhicules. Dès 1992, l’« Ultracapacitor Development Program » est pris en charge par Maxwell Laboratories. Pendant près de deux décennies, la recherche industrielle propose de nombreuses solutions pour améliorer la fiabilité et la durée de vie de ces composants [3]. Comme présenté à la figure 1, le nombre de brevets concernant cette technologie ne cesse de croitre depuis la fin des années 80, démontrant son intérêt grandissant.
Figure 1 Nombre de brevets publiés dans le monde depuis 1970 concernant les supercondensateurs (EDLC et systèmes hybrides) et comparaison avec les systèmes lithium rechargeables.
Les supercondensateurs dits « carbone/carbone » fonctionnant en milieu organique rencontrent le plus grand succès commercial et sont, à l’heure actuelle, les plus développés industriellement dans le monde. Ces supercondensateurs industriels sont constitués de deux électrodes similaires (contenant le même matériau actif ) réalisées à base de carbone activé (matériau très poreux), séparées par un film poreux diélectrique (séparateur) imprégné d’électrolyte. Cet électrolyte contient une quantité importante d’ions solubilisés dans un solvant organique ou aqueux. Cet ensemble est ensuite placé dans un boitier étanche pour éviter les fuites de gaz et de liquide. Les marchés utilisant potentiellement des supercondensateurs réclament des composants à la fois peu onéreux et performants. Tous les fabricants de supercondensateurs travaillent depuis une quinzaine d’années à réduire le coût du composant, considéré
180
9. Supercondensateurs : du matériau au composant
à l’heure actuelle comme « acceptable » par les clients. Néanmoins, au niveau du système de stockage d’énergie complet, ce prix reste trop élevé, en raison du coût élevé de l’assemblage et du choix des matériaux constituant, non pas la cellule, mais le système (incluant donc le BMS et le convertisseur). Pour réduire le coût du composant, plusieurs solutions sont proposées : • Accroitre la densité d’énergie : l’accroissement de l’énergie du composant implique, soit un accroissement de sa tension (ce qui ne favorise pas une durée de vie élevée et une autodécharge acceptable), soit un accroissement de la capacité du matériau actif. • Réduire la masse et le volume des constituants passifs dans le système : la réduction des constituants passifs fait l’objet, comme dans le cas des batteries lithium-ion, de nombreux développements. Cette approche pragmatique recourt notamment à l’étude du composant dans sa globalité, pour en améliorer la densité d’énergie, la densité de puissance et la durée de vie, tout en réduisant considérablement le coût tant au niveau de la cellule électrochimique que du système de stockage d’énergie dans son ensemble. Les recherches associées à cette thématique concernent essentiellement la diminution des masses des collecteurs et du boitier. • Simplifier le procédé d’assemblage des systèmes pour les alléger : cette démarche n’est généralement pas aisée, les procédés mis en œuvre doivent être simples pour garantir un coût de fabrication faible. Enfin, l’un des axes majeurs explorés pour accroitre la densité d’énergie consiste à hybrider le supercondensateur en substituant l’une des deux électrodes de carbone par une électrode du type de celles utilisées dans les batteries au lithium, notamment pour répondre au besoin du marché des véhicules hybrides de type mild-hybrid. Dans la première partie de ce chapitre, le cœur de la technologie (électrode, séparateur, électrolyte) est décrit, ainsi que son principe de fonctionnement. Les solutions alternatives sont également présentées et comparées avec les supercondensateurs carbone/carbone. La seconde partie dresse l’inventaire des produits existant actuellement sur le marché (cellules et modules) en décrivant les performances des composants.
2
Principe de fonctionnement
Les supercondensateurs présentent une densité d’énergie 10 à 100 fois plus élevée que les condensateurs électrolytiques ou diélectriques. Leur principe de fonctionnement est proche de celui d’un condensateur électrolytique : il s’agit de stocker une quantité importante d’ions dans un matériau poreux. La différence majeure avec les condensateurs électrolytiques réside dans la présence de deux électrodes similaires séparées électriquement par un séparateur. Leur fonctionnement repose donc sur la présence de deux supercondensateurs (un par électrode) positionnés en série, la liaison intermédiaire entre eux étant réalisée par la conduction ionique entre les deux électrodes (figure 2). De ce fait, il est important de disposer d’un électrolyte conducteur pour minimiser la résistance série du système. Le matériau mis en œuvre étant très microporeux (au sens de l’IUPAC, avec des pores inférieurs à 2 nm), la
181
Batteries Li-ion
surface accessible aux ions est très élevée. Enfin, la distance entre la surface et les ions (qui ne sont théoriquement pas supposés réagir électrochimiquement avec le matériau « hôte » actif ) est de l’ordre de l’angström. Le mode de fonctionnement est le suivant : • Les matériaux actifs étant de même nature aux deux électrodes, la différence de potentiel à l’état déchargé est de 0 V. Cela signifie que les supercondensateurs au cours de la phase d’assemblage sont déchargés. • Lors de la première phase de charge, les ions présents au sein de l’électrolyte (électrolyte « libre » dans le séparateur, entre les particules de matériau actif, et confinés dans la porosité du matériau actif ) migrent sous l’effet du champ électrique imposé entre les deux électrodes (ce phénomène est confirmé, par exemple, par des expériences in situ/operando de diffusion des neutrons aux petits angles [4]). • Les ions sont accompagnés d’un cortège de molécules de solvant en milieu libre, mais ils sont partiellement désolvatés en milieu confiné. À la différence des accumulateurs métal-ion, les ions ne transitent pas entre les deux électrodes : il s’agit d’un mouvement local des ions dans la porosité. Le principe d’une double couche électrochimique, selon les définitions précisées par Helmholtz [5], Gouy [6], Chapman [7] et Stern [8] ne peut donc être réalisé au sein d’un milieu aussi confiné qu’est la porosité du carbone, les molécules de solvant étant partiellement absentes.
Figure 2 Modélisation d’un supercondensateur carbone/carbone. Dans le cas présent, l’électrolyte BMIPF6 est un liquide ionique (donc sans solvant). BMI+ en rouge, PF6– en vert. En bleu, la structure des carbones poreux (ici, un carbone excarbure CDC 1200) [9]. En dessous de la figure, le schéma électrique équivalent.
2.1
Calcul de la capacité
On obtient, par les équations standards des condensateurs, une capacité très élevée par unité de volume et de masse, d’où le nom de « supercondensateur ». Théoriquement, on devrait pouvoir calculer la capacité à partir de l’équation suivante :
182
S C = ε 0ε r d
Équation 1
9. Supercondensateurs : du matériau au composant
où ε0 est la permittivité du vide, εr la permittivité relative du matériau diélectrique, S la surface accessible aux ions et d la distance entre l’ion et la surface. Du fait de l’absence de réaction entre les ions et le matériau « hôte », le stockage de l’énergie est essentiellement piloté par la mobilité des ions dans le bulk (résistance à haute fréquence) et dans la porosité (stockage par confinement des ions dans la porosité). L’équation 1 est donc difficilement utilisable pour plusieurs raisons : • La surface S accessible aux ions est difficilement mesurable. • La distance d entre l’ion et la surface n’est pas mesurable. • Le milieu est mal défini : la définition de εr n’est pas aisée. Cependant, s’il est difficile d’anticiper la valeur de la capacité à partir des constantes des matériaux, il est possible de mesurer la valeur de capacité (en Farad), définie selon la norme IEC 62576 [10] par :
C = Idécharge
∆t ∆U
Équation 2
∆t étant le temps de décharge pour passer de 0,9Un à 0,7Un (i.e. ∆U) à un courant de décharge Idécharge défini par l’application :
Idécharge =
Un 40R
Équation 3
la valeur du courant étant celle permettant un rendement de 95 % entre la charge et la décharge.
2.2
Calcul de la résistance
La valeur R de la résistance selon l’équation 3 est une valeur sous-estimant la valeur réelle : il s’agit d’une résistance à haute fréquence ne prenant pas en compte les effets thermiques et de diffusion dans les matériaux. Aussi, on définit également une valeur de résistance appelée EDR (Equivalent Distributed Resistance) en tenant compte du profil de décharge (figure 3) linéaire à courant constant (conforme aux équations précédentes). Le courant choisi dépend de l’application, telle que défini dans la norme [11] : Applications
Courants à appliquer (mA)
Exemples d’application
Classe 1
Back-up mémoire
10C
PC/petites cellules (1 F)
Classe 2
Stockage de l’énergie
4CUn
UPS
Classe 3
Unité de puissance
40CUn
Véhicules « mild-hybrid »
Classe 4
Unité de puissance instantanée (pulse)
400CUn
Start-stop, démarrage
La résistance EDR est définie par :
EDR =
∆U (chute ohmique) I
Équation 4
le pas de mesure ne devant pas excéder 10 ms.
183
Batteries Li-ion
Figure 3 Profil de décharge selon la norme IEC 62391 à prendre en considération pour calculer l’EDR. Le temps de repos TCV est de 30 minutes selon la norme. Pour identifier la valeur de chute ohmique (∆U3 ), on applique une régression linéaire par la méthode des moindres carrés [12] pour l’intervalle défini U1 = 0,8Un et U2 = 0,4Un.
Dans le cas d’une décharge complète (entre la tension maximale et 0 V), l’énergie est caractérisée par :
1 E = CU 2max 2
Équation 5
La courbe décrivant l’évolution de la tension en fonction du temps pour une décharge à puissance constante se présente sous la forme d’une parabole « couchée » et l’énergie restituée au cours de ce même temps est linéaire (figure 4).
Figure 4 Profil de décharge à puissance constante (1000 W) pour un supercondensateur de 3000 F entre 2,7 et 0 V et profil d’énergie cumulée récupérée associé lors de la décharge.
184
9. Supercondensateurs : du matériau au composant
Une valeur importante à prendre en considération pour les applications des supercondensateurs est la constante de temps τ = RC (s). Comme pour les condensateurs, il s’agit de la constante à partir de laquelle il est possible de calculer la fréquence de coupure fc selon l’équation :
f c (Hz) =
1 2πRC
Équation 6
À cette fréquence, l’énergie accessible en décharge est définie par :
1 1 1 2 .0,865 E = CU 2max − C(e −1U max )2 = CU max 2 2 2
Équation 7
Le temps de décharge à puissance constante est calculé à partir de l’équation suivante :
1 t = C (U 2initial − U t2 ) P
Équation 8
avec P la puissance (W), C la capacité (F), Uinitial la tension initiale de décharge (V), Ut la tension à un temps t (V), R la résistance EDR (Ω) et Rappliquée la résistance appliquée pour la décharge (Ω). À résistance constante, le temps de décharge est calculé à partir de l’équation suivante :
U t t = −R appliquéeC.ln U initial
Équation 9
Enfin, à courant constant, le temps de décharge est calculé à partir de l’équation suivante :
t=
C − U t ) (U I initial
Équation 10
Cependant, l’énergie réellement utilisable est contrainte par le convertisseur associé. Aussi, l’excursion de tension généralement considérée est comprise entre Un et Un/2. L’énergie est alors au ¾ de la valeur maximale. En outre, la valeur d’énergie est à considérer à une valeur de puissance donnée. La puissance maximale est définie par :
Pmax =
U 2n 4R
Équation 11
Cependant, la puissance réellement accessible n’est pas la valeur maximale. La norme IEC 62391-2 définit la puissance accessible par :
Pcourant max accessible =
012 , U 2n R
Équation 12
Pour de plus amples détails, on peut également consulter l’article de P. Kurtweil [13]. Le principe de fabrication d’un supercondensateur est le même que celui d’une batterie lithium-ion.
185
Batteries Li-ion
On distingue plusieurs étapes : 1. la réalisation de l’électrode ; 2. le positionnement du séparateur (par bobinage ou par empilement) ; 3. l’assemblage de l’électrode avec une interface permettant la reprise de courant vers l’extérieur ; 4. le remplissage de l’électrolyte ; 5. la fermeture du composant. D’un point de vue industriel, deux classes de composants peuvent être distinguées : • Les composants dont la capacité dépasse 350 F. Ces composants sont plus particulièrement dédiés au transport urbain, aux UPS (Uninterupted Power Supply), à l’hybridation des véhicules, aux ascenseurs… Pour tous ces marchés, les composants sont assemblés en modules et/ou en système de stockage d’énergie (pack) auxquels on adjoint un système d’équilibrage électronique. • Les composants de petite capacité (typiquement 250 °C) [231] et il est relativement onéreux. Cependant, il est potentiellement intéressant pour la réalisation de supercondensateurs fonctionnant à haute température et utilisant un électrolyte sans solvant, comme les
198
9. Supercondensateurs : du matériau au composant
liquides ioniques. Récemment, on a vu apparaître d’autres liants dispersés en voie aqueuse ou soluble dans l’eau. Leur intérêt est de démontrer une très bonne stabilité électrochimique et un très bon pouvoir d’adhérence sur le collecteur. On peut citer notamment les liants de Zeon Corp. [232,233,234] présentant une stabilité électrochimique plus élevée que les PVDF homopolymères, et les liants de JSR micro de type acrylate fluoré [235,236] dont l’adhérence est particulièrement élevée par rapport aux PVDF standards. On notera également la mise sur le marché de PVDF modifiés pour améliorer l’adhérence, via le greffage de fonctions acides [237] ou encore d’anhydride de type maléique [238]. Enfin, la mouillabilité est un paramètre à prendre en compte pour améliorer l’adhésion entre le carbone et le liant utilisé pour fabriquer l’électrode [239]. Un procédé alternatif à l’enduction est l’extrusion. L’avantage de ce procédé à haute pression est l’utilisation d’une quantité de solvant réduite par rapport à l’enduction. Les polymères que nous avons décrits précédemment sont extrudables, à l’exception du PTFE et du polyimide (difficilement extrudable, car il nécessite une processabilité à haute température). Le taux de charge est généralement élevé (au moins 80 %) et permet de réaliser facilement des électrodes [240,241,242]. En conclusion, le PVDF [243] (utilisé avec un solvant organique comme la NMP, le DMSO, le THF, le PC, et plus récemment l’« Équamide » en substitution à la NMP de plus en plus controversée…) et le PTFE (en suspension alcoolique ou aqueuse) sont des alternatives performantes à la CMC ou au PVA.
3.1.4
Additifs conducteurs
Les carbones activés ne sont pas des matériaux très conducteurs. Aussi, l’ajout de noir de carbone au carbone activé dans une pâte polymérique permet d’améliorer la conductivité de l’électrode de supercondensateur, quel que soit le procédé mis en œuvre [244]. Un noir de carbone est l’additif conducteur le plus largement utilisé industriellement pour améliorer les performances des polymères (notamment dans les pneumatiques) et dans le domaine de l’électrochimie (Li-ion et autres batteries). Généralement, il est composé de particules plus ou moins sphérique (sphérules) dont le diamètre est généralement compris entre 10 et 75 nm (particule primaire). Ces sphérules forment des « chapelets » ou des agrégats dont la dimension est de l’ordre de 50 à 400 nm. Quand ce type de carbone est dispersé et mélangé avec les autres matériaux, les agrégats forment un réseau tridimensionnel conducteur. Le noir de carbone est généralement très pur (97 % à 99 % de carbone pur) et peut être considéré comme relativement amorphe (le degré d’amorphisation est très fortement piloté par la synthèse et le précurseur). Néanmoins, la microstructure est proche de celle du graphite. Généralement, les prérequis des additifs conducteurs sont : • une bonne conductivité électrique ; • une résistance à la corrosion élevée ; • une très bonne pureté ; • un bas coût ; • une bonne conductivité thermique ;
199
Batteries Li-ion
• • • •
une bonne stabilité dimensionnelle et mécanique ; une densité peu élevée et une bonne processabilité ; une disponibilité en de nombreuses variantes ; une mise en œuvre facile pour réaliser un composite.
De nombreux additifs conducteurs ont été développés : noir de carbone [245], noir de carbone mésoporeux (Ketjen Black), noir d’acétylène, whiskers de carbone, fibres de carbone, oignons de carbone [246], nanotubes de carbone, graphites naturels ou artificiels, fibres métalliques à base d’aluminium ou de nickel par exemple, poudres métalliques… Il est particulièrement avantageux d’utiliser un additif conducteur dont la taille des particules est comprise entre 1 et 100 nm, pour permettre une bonne percolation électronique au sein de l’électrode, taille qui est généralement plus faible que la taille de la majorité des particules du carbone activé [247]. Le Ketjen Black et les noirs d’acétylène sont largement utilisés, mais n’ont pas exactement les mêmes performances [248]. Certains noirs de carbone fabriqués par gazéification (par exemple Ketjen EC600, Ketjen EC300 ou Printex XE-2) présentent une mésoporosité relativement importante [249]. Une revue pertinente décrivant la taxonomie des graphites et des carbones utilisables comme additifs conducteurs a été publiée par M. Wissler en 2006 [250]. De nos jours, seuls les noirs de carbone conventionnels (ex-produit pétrolier et noirs d’acétylène) ont été industriellement utilisés par les fabricants de supercondensateurs, car ils constituent un bon compromis entre le coût et les performances [251]. Cependant, les nanotubes [252,253,254] et les nanofibres de carbone présentent des performances intéressantes [255] et pourraient être utilisés à terme à condition que leur prix baisse fortement et que leur pureté soit accrue. Néanmoins, ces additifs conducteurs présentent potentiellement un problème : leur morphologie peut générer des courts-circuits entre les électrodes à travers le séparateur.
3.2
Électrolyte
De nombreux électrolytes existent sur le marché. Le vieillissement d’un supercondensateur est fortement lié au couple solvant/sel utilisé. Le coût, la toxicité, la conductivité et la stabilité thermique sont des paramètres clefs pour faire ce choix. Les deux solvants les plus utilisés sont le carbonate de propylène (PC) et l’acétonitrile. Le sel le plus couramment utilisé est Et4NBF4 (tétraéthylammonium tétrafluoroborate ou TEABF4), de même qu’une variante utilisée dans le PC (Et3MeNBF4 - triéthylméthylammonium tétrafluoroborate ou TEMABF4).
3.2.1
Impact de l’électrolyte sur les performances
L’énergie stockée dans un supercondensateur est proportionnelle au carré de la tension appliquée. Cette tension est généralement limitée par la fenêtre de stabilité électrochimique du système. Pour les systèmes solide/liquide, ce paramètre est limité par la stabilité électrochimique du sel, du solvant, et par la dégradation de l’électrode.
200
9. Supercondensateurs : du matériau au composant
L’électrolyte a un impact élevé sur les performances des supercondensateurs, notamment parce qu’il joue un rôle central dans la résistance de celui-ci et qu’il influe donc directement sur la densité de puissance. Il influence également la valeur de capacité, et peut également être à l’origine d’émission de gaz au cours du vieillissement [256]. Généralement, l’électrolyte est le paramètre limitant si les électrodes sont stables. En outre, pour des valeurs de tension supérieures à 3 V, l’ion TEA+ n’est pas suffisamment stable. Cela explique notamment la mise au point de cations plus stables électrochimiquement pour remplacer l’ion TEA+. C’est le cas de Honeywell (TEMA+), de Japan Carlit (SBP+ ou « spiro ») [257,258,259,260] ou encore PYR14+ (Merck et Solvent Innovation).
La conductivité La conductivité d’un électrolyte est liée à la concentration des ions, à la mobilité des ions, au solvant ou mélange de solvants, et à la température. Ions et concentrations limites Le premier critère pour le choix du sel pour produire un électrolyte performant est qu’il permette d’obtenir une bonne conductivité ionique. Ainsi, dans les supercondensateurs, les cations sont souvent des ions de type alkylammonium qui ont une bonne solubilité et une bonne conductivité dans les solvants avec une constante diélectrique élevée. Ces cations sont préférables aux cations alcalins, car ils évitent l’apparition possible d’un métal alcalin à la cathode lors d’une surcharge fortuite conduisant à un dépôt métallique à l’anode. Peter et al. [261] ont démontré que l’utilisation d’un carbone vitreux comme électrode de travail pouvait permettre d’atteindre un potentiel cathodique stable pour un ion tétraéthylammonium dans le DMF à – 3 V par rapport à l’électrode au calomel à 25 °C (– 2,96 V/Ag/AgCl ; – 2,78 V/ENH ; 0,26 V/Li/Li+). De nombreuses études ont été menées au sujet de la réduction des ions alkylammonium sur différentes électrodes [262,263,264,265,266,267,268]. Quelle que soit la nature du groupe alkyle, le cation RN4+ est souvent réduit en alcanes, alcènes et trialkylamines correspondantes. Les anions le plus souvent cités dans la littérature sont BF4–, ClO4–, PF6– et SO3CF3–. Ces espèces sont caractérisées par des tailles relativement importantes (sauf pour BF4–) et leur stabilité anodique évolue dans l’ordre suivant : PF6– ≥ BF4– > SO3CF3– ≥ ClO4–. Asahi Glass [269] a étudié différents sels et proposé l’utilisation de Et3MeNBF4 à la place de Et4NBF4. TEMABF4 a une constante diélectrique plus élevée que TEABF4. Le tableau 3 résume les conductivités de différents sels dans quatre solvants différents (carbonate de propylène, diméthylformamide, gammabutyrolactone et acétonitrile). Compte tenu des valeurs particulièrement élevées des solutions à base d’acétonitrile (55 à 58 mS/cm pour 1 M TEABF4) [270] par rapport aux autres solvants, l’utilisation de TEABF4 dans l’acétonitrile comme électrolyte s’est rapidement généralisée. Seule l’industrie japonaise préfère remplacer l’acétonitrile, en raison de son inflammabilité élevée, par le PC. Actuellement, la durée de vie des supercondensateurs à base de PC est plus réduite que celle obtenue pour ceux fonctionnant avec l’acétonitrile, à tension identique [271].
201
Batteries Li-ion
Récemment, les sels de type “spiro” (figure 11) ont été développés par Japan Carlit [272] pour améliorer la concentration limite de TEABF4 (limitée à environ 1,5 mol/L à 25 °C dans l’acétonitrile). Cependant, ce sel est relativement onéreux par rapport à TEABF4, bien que ses performances semblent meilleures. Tableau 3 Conductivité d’électrolytes organiques à base de différents sels (1 M, à 25 °C) en mS/cm [273]. Électrolyte
Carbonate de propylène (PC)
γ-Butyrolactone (GBL)
Diméthylformamide Acétonitrile (DMF) (ACN)
LiBF4
3,4
7,5
22
18
Me4NBF4
2,7
2,9
7,0
10
Et4NBF4
13
18
26
56
Pr4NBF4
9,8
12
20
43
Bu4NBF4
7,4
9,4
14
32
LiPF6
5,8
11
21
50
Me4NPF6
2,2
3,7
11
12
Et4NPF6
12
16
25
55
Pr4NPF6
6,4
11
19
42
Bu4NPF6
6,1
8,6
13
31
LiClO4
5,6
11
20
32
Me4NClO4
2,9
3,9
7,8
7,7
Et4NClO4
11
16
24
50
Pr4NClO4
6,3
11
17
35
Bu4NClO4
6,0
8,1
12
27
LiCF3SO3
1,7
4,3
16
9,7
Me4NCF3SO3
9,0
14
24
46
Et4NCF3SO3
11
15
21
42
Pr4NCF3SO3
7,8
11
15
31
Bu4NCF3SO3
5,7
7,4
11
23
Et3MeNBF4
15
-
-
60
Figure 11 Exemples de sels de type « spiro ».
202
9. Supercondensateurs : du matériau au composant
Zheng et Jow [274] ont montré qu’une concentration minimale est nécessaire pour atteindre le maximum de l’énergie spécifique dans un supercondensateur (à température ambiante). Cependant, la température d’utilisation des supercondensateurs pour les applications de type transport est généralement comprise entre – 30 °C et 70 °C. Dans certains cas, une plage de température plus grande est nécessaire (typiquement – 40 °C à 80 °C). Enfin, pour des applications aéronautiques, il est parfois demandé une température extrême de – 55 °C pour le fonctionnement ou le stockage. Plus la concentration est élevée, plus la cristallisation et la précipitation du sel se font à température élevée. En outre, les températures de cristallisation et de précipitation sont fortement liées à la taille des pores dans lesquels l’électrolyte est présent. En première approche, l’électrolyte se comporte dans le séparateur et entre les grains de carbone comme dans le bulk. Dans les pores du carbone activé, le changement de phase ne se comporte plus comme le bulk : la transition a lieu à plus basse température. Ces effets de confinement sont également identifiables par résonance magnétique nucléaire [275,276]. Ce n’est donc pas à cette échelle que les problèmes de précipitation et de cristallisation se posent. La concentration limite de TEABF4 dans l’acétonitrile est relativement élevée (supérieure à 1,5 M) à température ambiante, et la précipitation du sel débute en deçà de – 40 °C si la concentration est de 1 M [277]. Cette étude montre qu’un sel asymétrique permet d’atteindre une plage de température d’utilisation plus large que pour le sel standard, et la concentration limite est également plus élevée. Bien entendu, la cristallisation est fortement liée aux interactions entre le solvant et le sel. Pour les électrolytes standards, la différence de conductivité n’est pas significative entre 1 M et 1,5 M (figure 12, combinaison des références [278,279]).
Figure 12 Conductivité de l’électrolyte PC/TEABF4 à différentes concentrations à 25 °C.
Les supercondensateurs sont des composants de puissance. Aussi, l’EDR est un paramètre particulièrement important pour les applications, en partie lié à la conductivité de l’électrolyte (tableau 4). Cependant, seule une part de la résistance est impactée par la conductivité de l’électrolyte pour un composant 3000F.
203
Batteries Li-ion
Tableau 4 Impact de la conductivité sur les densités de puissance et d’énergie à 25 °C pour un composant 3000F. Référence 100 pour l’électrolyte à base d’acétonitrile 1 M TEABF4. Électrolyte
Capacité
Densité de puissance volumique
Densité d’énergie volumique
Densité de puissance massique
Densité de puissance volumique
Conductivité
PC/TEMABF4 1 M
100
81
100
81
84
27
ACN/TEABF4 1 M
100
100
100
100
100
100
L’électrolyte est l’un des constituants majeurs du coût du composant : industriellement, l’acétonitrile est un solvant très peu onéreux et c’est un résidu issu de la synthèse de polyacrylonitrile (PAN), polymère très largement utilisé pour la réalisation de pièces plastiques en Chine. Le carbonate de propylène est un solvant largement utilisé dans l’industrie, pour le nettoyage et le décapage de pièces, ainsi que dans la chimie de synthèse. Pour toutes les raisons évoquées, la plupart des fabricants limitent la concentration du TEABF4 à 1 M dans l’acétonitrile (ou dans le PC). Solvants Les critères de choix d’un solvant dépendent des points suivants : • sa réactivité vis-à-vis des espèces électroactives et/ou matériaux d’électrode ; • sa constante diélectrique (permittivité ε du solvant) et sa polarisabilité ; • sa fenêtre de stabilité électrochimique [280] : ce paramètre dépend du sel choisi et des impuretés qui peuvent exister ou se développer dans le système. Dans ce cas, un phénomène parasite de réduction peut interférer avec le comportement purement électrochimique du système, et limiter la stabilité du système sel/solvant [281]. En prenant en compte ces différents paramètres, les solvants utilisés dans les supercondensateurs peuvent être classés en trois catégories : • les solvants polaires aprotiques avec une constante diélectrique élevée (proche de l’eau, εr = 78) comme les carbonates organiques, le carbonate d’éthylène (EC, εr = 89,1) et le carbonate de propylène (PC, εr = 69) ; • les solvants avec une constante diélectrique faible mais avec un caractère donneur fort, comme les éthers, le diméthoxyéthane (DME, εr = 7,20) et le tétrahydrofurane (THF, εr = 7,58). • les solvants aprotiques avec une constante diélectrique intermédiaire comme l’acétonitrile (ACN, εr = 36,5) ou le diméthylformamide (DMF, εr = 37).
b. Stabilité électrochimique et vieillissement L’un des paramètres le plus important de l’électrolyte est la stabilité du sel et du solvant. Comme démontré dans plusieurs études [282,283,284], le potentiel en circuit ouvert (OCV) est d’environ 3 à 3,2 V par rapport à Li/Li+. Les carbones 204
9. Supercondensateurs : du matériau au composant
activés n’ont pas le même OCV. Cet OCV dépend des groupes de surface et du type de carbone. Stabilité électrochimique des ions et des solvants La stabilité électrochimique d’un solvant est fortement liée aux impuretés et aux potentiels cathodiques et anodiques de ce solvant [285]. Par exemple, les traces d’oxygène et d’eau ont un effet néfaste sur de nombreux systèmes fonctionnant en milieu organique. En cas de présence de ces espèces, la stabilité électrochimique du système solvant/sel est limitée [286]. Pour qu’un solvant soit utilisable, les potentiels électrochimiques d’oxydation et de réduction doivent être au-delà des potentiels d’excursion du supercondensateur, et les impuretés doivent être contrôlées. L’impact de l’eau sur la stabilité électrochimique de l’électrolyte a été démontré (cas de l’électrolyte TEABF4 1 M dans l’acétonitrile [287,288]). On montre aisément que la stabilité électrochimique de l’électrolyte est fortement réduite même pour une faible quantité d’eau [289]. Cependant, il est important de ne pas tirer de conclusions hâtives sur la stabilité (ou l’instabilité) d’un électrolyte sur une électrode de platine ou de carbone vitreux. Effectivement, Kötz et al. ont démontré [290] que, dans un supercondensateur réel, la quantité d’eau n’a pas beaucoup d’influence sur la durée de vie. La stabilité électrochimique de quelques solvants est représentée à la figure 13 [291].
Figure 13 Fenêtres de potentiels de différents solvants comparées dans une échelle commune (vs. Fc+/Fc) obtenues par voltamétrie cyclique sur électrode de platine à une densité de courant de 10 µA/mm². Pour les potentiels redox mesurés par rapport à d’autres électrodes de référence, se référer à [292].
Jow et al. [293] ont publié une étude complète démontrant l’importance de la stabilité électrochimique pour de nombreux sels onium quaternaires utilisés dans un électrolyte organique à base de EC/DMC (1:1).
205
Batteries Li-ion
Raisons du vieillissement lié à l’électrolyte Si l’électrolyte est pur et sa stabilité élevée, seules des interactions avec les autres constituants peuvent le dégrader. L’une des dégradations les plus importantes est générée par l’eau adsorbée et les groupes de surface, plus spécifiquement les groupes acides du carbone activé [294]. Ces interactions sont générées exponentiellement avec l’accroissement de la tension du composant (démontré pour deux tensions : 2,3 V [295] et 2,5 V [296]). La conséquence de ces interactions est la génération de gaz et l’accroissement de la résistance, notamment via le blocage des pores du carbone activé et du séparateur [297] et/ou via la dégradation de l’électrode [298]. L’augmentation de la résistance n’est pas forcément démontrée sur tous les types de composants [285]. Le séparateur peut également être la source de problème [299]. Son séchage est une étape cruciale pour accroitre la durée de vie, améliorer la capacité et diminuer la résistance [300,301]. Dans l’électrolyte, les ions BF4– réagissent avec l’eau adsorbée dans les carbones activés à l’électrode positive pour générer du HF via un processus d’électrolyse. Ainsi, les protons se comportent comme un catalyseur de la réaction de décomposition du carbonate de propylène. Simultanément, les ions H3O+ migrent à l’électrode négative et génèrent de l’hydrogène gazeux. De cette façon, les réactions électrochimiques favorisent la génération de gaz. Ufheil et al. [302] ont démontré que le PC peut être décomposé en dioxyde de carbone et en acétone, en particulier lorsqu’il est soumis à un potentiel élevé. Kötz et al. [303] ont analysé les gaz libérés au cours du vieillissement d’un supercondensateur fonctionnant en électrolyte à base de PC (1 M TEABF4/PC). Ces études démontrent la formation de CO, CO2 et d’hydrogène pour un fonctionnement à 2,6 V. Ces données avaient déjà été mentionnées par Asahi Glass Co dès 2000 [304]. Ce travail a été confirmé par Naoi et al. [305] qui ont caractérisé séparément les gaz et l’eau générés aux électrodes négative et positive fonctionnant dans un électrolyte à base de PC. Cette étude a été menée pour une tension de fonctionnement comprise entre 2,5 et 4,0 V. En fait, l’électrode positive génère une quantité significative de propylène, d’éthylène et de CO et une petite quantité d’hydrogène, alors que l’électrode négative ne génère que du CO2 et du CO. Le CO et le CO2 trouvent leur origine dans la décomposition des groupes de surface, mais également dans l’oxydation du PC. L’hydrogène est produit par l’électrolyse de l’eau résiduelle. Un phénomène d’exfoliation du carbone activé est également observé pour une tension de 3 V et s’accompagne d’une génération d’hydrogène, de CO et de CO2. Ce phénomène d’exfoliation a été étudié également par dilatométrie par Kötz et al. [306]. Des gaz sont générés au cours du vieillissement des supercondensateurs. Le volume de gaz dépend, entre autres, du sel et du solvant utilisés [307] : H2 est le gaz majoritaire en fin de vie pour des supercondensateurs à base d’acétonitrile, il est issu d’une réaction électrochimique. Il croît continument au cours du floating. Le CO est présent à l’état initial et croît également continument avec le floating, mais sa quantité est plus faible que l’hydrogène. Kurzweil et al. [308] proposent différentes théories pour expliquer la dégradation de l’électrolyte à base d’acétonitrile : • Les auteurs suggèrent la présence d’acétonitrile gazeux, de vapeur d’eau et d’éthène au cours du vieillissement des supercondensateurs.
206
9. Supercondensateurs : du matériau au composant
• Le cation alkylammonium est dégradé à haute température par élimination d’éthène. • L’anion tétrafluoroborate est la source de fluorure, de HF et de dérivés d’acide borique. • L’hydrogène est généré par l’électrolyse de l’eau et la fluoration d’acides carboxyliques. En conclusion, les supercondensateurs fonctionnant en milieu organique doivent résister mécaniquement à un accroissement continu de la pression interne et ne pas fuir. Aussi, les acteurs industriels majeurs ont breveté des solutions pour répondre à ce problème technologique. Ces solutions peuvent être classées en 5 grandes catégories de solutions : • Évacuer le gaz de l’intérieur vers l’extérieur du composant : valve réversible [309], membrane polymère poreuse [310], membranes métalliques ou céramiques [311]. • Condenser les gaz au sein du composant en utilisant par exemple un matériau de type getter [312]. • Renforcer le composant via des surépaisseurs de couvercles et/ou du boitier. • Contrôler l’ouverture du composant via un éclatement irréversible d’une membrane ou d’un venting [313]. Cette solution a un inconvénient majeur : après la libération des gaz vers l’extérieur, la cellule ne peut plus stocker d’énergie de manière sécuritaire et l’électrolyte peut fuir du composant. • Réduire la quantité de gaz généré en mettant en œuvre des réactifs chimiques. Des espèces acides sont produites au cours du vieillissement et sont des initiatrices de gaz : la présence d’antiacides a donc pour effet de réduire la quantité de gaz généré. Honda [314,315] a développé des électrolytes contenant un « agent antiacide », par exemple un silicate, un carbonate ou un benzoate d’alcalin pour bloquer les réactions parasites produites par les acides générés au cours du vieillissement.
c. Stabilité thermique et performances Généralement, les données présentées dans les publications sont issues d’expériences réalisées à température ambiante. Cependant, pour la plupart des applications liées au transport, la température d’utilisation est comprise entre – 30 °C et 70 °C, voire entre – 40 °C et 80 °C [316]. La gamme de température [20 °C ; 70 °C] n’est généralement pas problématique (à l’état initial) car la conductivité croît avec la température. Cependant, des différences importantes apparaissent entre les électrolytes à basse température : les composants à base de PC présentent les performances les plus médiocres et sont fortement dégradés à basse température [317]. Des travaux ont donc été menés pour améliorer les performances à basse température de ces électrolytes à base de PC ou du mélange diméthylcarbonate/sulfolane, notamment par ajout de fluorobenzène [318] et l’utilisation d’un sel de type EMPyrBF4 (éthylméthylpyrrolidinium tétrafluoroborate) en substitution de TEABF4 ou TEMABF4.
207
Batteries Li-ion
Des cellules commerciales fonctionnant à base d’électrolyte aqueux revendiquent un fonctionnement à – 50 °C. Cependant, ces supercondensateurs présentent des densités d’énergie très limitées en raison de la faible tension de fonctionnement. Ainsi, pour répondre aux applications aéronautiques et spatiales dont la température limite basse en fonctionnement est de – 55 °C, des solutions électrolytiques à base de mélange de solvants ont été développées [319]. Les supercondensateurs ont été caractérisés jusqu’à – 40 °C, essentiellement pour étudier l’impact de la température sur le fonctionnement de l’électrode et caractériser les phénomènes de courant de fuite [320,321]. Ces données indiquent que les composants ont encore des performances acceptables à – 40 °C, laissant même entrevoir la possibilité de faire fonctionner le composant à des températures encore plus basses [322]. Néanmoins, en deçà de cette température limite, les performances sont dégradées en raison de la congélation des solvants largement utilisés dans les cellules commerciales (carbonate de propylène ou acétonitrile). L’une des plus grandes difficultés pour la mise au point d’électrolytes utilisables à basse température consiste notamment à choisir des solvants ou des mélanges de solvants dont le point de fusion est particulièrement bas, et, dans le même temps, maintenir une conductivité ionique élevée pour minimiser la résistance série et enfin ne pas dégrader le vieillissement des supercondensateurs. Cette augmentation de la résistance série est notamment liée à l’accroissement de la viscosité des solvants à basse température, ce qui entraine une diminution de la conductivité. Quelques solvants ont des performances physicochimiques pertinentes pour réaliser des électrolytes fonctionnant à basse température [323] : le formate de méthyle (MF), l’acétate de méthyle (MA), l’acétate d’éthyle (EA) et le dioxolane (DX). Les conductivités de mélanges ont été mesurées à différentes températures et comparées à l’électrolyte standard à base d’acétonitrile. Ces mélanges présentent de bonnes performances initiales à très basse température (– 55 °C, figure 14).
Figure 14 Conductivité vs. température pour des électrolytes fonctionnant à basse température et comparée à l’électrolyte standard à base d’acétonitrile TEABF4 1 M.
208
9. Supercondensateurs : du matériau au composant
D’autres mélanges de solvants ont également été proposés pour obtenir des électrolytes utilisables sur une plage de température plus large que l’acétonitrile [324]. À haute température, la conductivité est plus favorable pour les applications à forte puissance. Cependant, le vieillissement est généralement plus rapide car les réactions électrochimiques de dégradation suivent une loi de type Arhenius, et sont donc accélérées avec la température. L’acétonitrile peut être utilisé jusqu’à 80 °C en pic dans les applications. D’autres solvants peuvent être utilisables en tant que substituants, comme le sulfolane ou EC, si les applications visées nécessitent un fonctionnement uniquement à haute température. Pour des plages de température plus larges, les liquides ioniques peuvent constituer une solution intéressante en tant qu’électrolytes pour supercondensateurs [325]. Ces électrolytes présentent l’avantage de ne pas contenir de solvant, d’être stables dans une très large gamme de température et d’être ininflammables. En outre, ils peuvent être utilisés à haute température [326], mais ne sont généralement pas très performants à basse température (sauf pour certains eutectiques spécifiques). Malheureusement, la conductivité des liquides ioniques est généralement plus faible que les électrolytes à base de carbonate de propylène [327]. Néanmoins, quelques liquides ioniques, comme les alkylimidazolium tétrafluoroborate (excepté EMIBF4 [328]) ou le N-butyl-Nméthylpyrrolidinium-bis-(trifluorométhanesulfonyl) imide (PYR14TFSI) [329], présentent des stabilités électrochimiques élevées [330,331,332]. Cependant, ces produits sont difficiles à purifier car ils ne sont pas distillables [333,334,335]. L’obtention de produits purs passe généralement par des lavages successifs, ce qui a pour conséquence d’augmenter fortement le prix de ces électrolytes et les rend difficilement utilisables dans les supercondensateurs commerciaux, même si des produits (cellules et modules) sont désormais disponibles au Japon via une association entre Nisshinbo et Japan Radio Co. [336,337]. L’électrolyte utilisé dans ces composants est du DEME-BF4 (N,N-diéthyl-N-méthyl-N-(2méthoxyéthyl)ammonium tétrafluoroborate), dont les performances sont meilleures que l’électrolyte standard à base de carbonate de propylène [338]. En résumé, les liquides ioniques constituent de bons modèles pour confirmer les résultats de la simulation numérique et permettent notamment de démontrer que la solvatation des ions n’est pas nécessaire pour stocker l’énergie [339]. Ces électrolytes pourraient cependant trouver des applications dans des marchés de niches nécessitant un fonctionnement à haute température [340], ou dont la densité de puissance est relativement faible mais la tension unitaire élevée (si la pureté est très élevée). Les liquides ioniques ont également été testés comme sels pour les électrolytes à base de solvants organiques [341,342]. Deux études intéressantes ont été dédiées à ces mélanges et ont démontré des résultats encourageants pour accroitre la conductivité des électrolytes à base d’acétonitrile [343] et sans acétonitrile [344].
d. Toxicité La gammabutyrolactone (GBL) est un solvant intéressant pour les électrolytes de supercondensateur. Cependant, sa toxicité pose question, car elle est potentiellement un initiateur du GHB par ingestion, ce qui en fait une substance surveillée [345]. 209
Batteries Li-ion
Quelques solvants très communément utilisés et leur toxicité respective sont présentés dans le tableau 5. Tableau 5 Inflammabilité, toxicité et point d’éclair pour quelques solvants utilisables dans les électrolytes de supercondensateurs. T : toxique, Xn : nocif, Xi : irritant, - : non classé. Point d’éclair (°C)
Point d’ébullition (°C)
Toxicité
Acétonitrile (ACN)
5
81,6
Xn
3-méthoxypropionitrile (MPN)
66
165
Xi
Propionitrile (PN)
6
97
T
Butyronitrile (BN)
16
116
T
Propylène carbonate (PC)
123
242
Xi
Éthyléne carbonate (EC)
150
248
Xi
Diméthylcarbonate (DMC)
18
90
-
Diéthylcarbonate (DEC)
25
126
-
Diméthylformamide (DMF)
57
153
T
2-Pentanone (2PN)
7
102
Xi
Méthyléthylcétone (MEK)
-3
80
Xi
γ-Valérolactone (GVL)
96
207
Xi
γ-Butyrolactone (GBL)
104
206
Xn
Méthylpropylcétone (MPK)
7
102
Xi
Méthylformate (MF)
-19
32
Xn
Éthylformate (EF)
-20
54
-
Éthylacétate (EA)
-4
77,1
Xi
Méthylacétate (MA)
-10
56,9
Xi
Diéthylsulfone (DES)
246
246
-
Diméthylsulfone (DMS)
143
238
-
Sulfolane (SL)
177
285
Xn
Dioxolane (DX)
-6
78
Xi
L’inflammabilité est directement liée au point d’éclair (FP) et à la température d’ébullition (BP) : • • • •
210
extrêmement inflammable : FP 1 s), essentiellement en raison de l’utilisation de PC dans l’électrolyte. Pour le moment, ces modules sont surtout employés pour le marché d’UPS. Le principe d’assemblage de cette technologie fait que la tension unitaire de la cellule est déjà très élevée (>> 5 V). Cela revient à confondre la cellule et le module. Les électrodes sont empilées et seules les premières et dernières sont reliées électriquement vers l’extérieur. Les autres électrodes sont dites « flottantes », c’est-à-dire qu’elles s’autoéquilibrent lors de la charge ou de la décharge. L’ensemble est positionné dans un boitier rigide en aluminium. Tableau 1 Performances des modules Meidensha à 25°C. Type
600 S1 - 70 C
600 L1 - 70 C
150 S1 - 38 C
150 S2 - 32 C
Nombre de feuilles empilées
70
70
38
32
Dimensions (W x H x L) (mm)
266 x 43 x 316
266 x 43 x 316
158 x 27 x 176
158 x 30 x 176
Masse (kg)
5,7
5,7
1,1
1,3
Tension nominale (V)
160
160
85
72
Tension maximale lors de la charge (V)
175
175
95
80
Capacité (F)
4,5
3,7
2,0
4,0
ESR (Ohm)
0,58
0,45
2,0
1,9
Densité d’énergie massique (Wh/kg)
2,8
2,3
1,8
2,2
Densité d’énergie volumique (Wh/L)
4,4
3,6
2,7
3,5
Constante de temps (s)
2,6
1,7
4,0
7,6
Comme nous l’avons vu résumé à la figure 11, le principe généralement choisi pour réaliser un module de supercondensateur consiste à associer des cellules unitaires de faible tension et de forte capacité. Nous avons également vu que l’un des problèmes majeurs actuellement rencontrés n’est pas le coût de la cellule, déjà très bas (de l’ordre de 0,005 €/F pour l’automobile), mais l’assemblage des cellules entre elles qui doivent supporter des courants élevés et de fortes contraintes d’isolation électrique. Une première solution consiste à réaliser une cellule comportant plusieurs enroulements juxtaposés en utilisant une électrode commune non connectée vers l’extérieur (principe du « multipistes ») [27]. La figure 18 illustre cette situation. Une solution alternative à cette première solution, plus complexe à mettre en œuvre, consiste à réaliser un système contenant plusieurs bobines concentriques [28].
258
10. Supercondensateurs : du composant au module
Figure 18 Illustration du principe de composant bipiste remplaçant 2 cellules.
Pour aller plus loin, il est nécessaire d’appliquer une rupture et de rappeler les postulats généralement admis : • Le vieillissement est accéléré avec l’accroissement (combiné ou non) de la température et de la tension de la cellule. • L’autodécharge est liée à la tension. Plus la tension est élevée, plus la perte de charge est rapide. • L’électrolyte se dégrade totalement (transformation en gaz) si la tension entre les bornes est de 6 V environ (murs de l’électrolyte à base d’acétonitrile). • Le mode de stockage d’un supercondensateur consiste à un déplacement d’ions à l’échelle très locale. De ce dernier point, on peut conclure qu’il est possible de réaliser un empilement de type « bipolaire » sans observer de dégradation majeure, même si la tension dépasse 6 V. C’est ce principe qui est utilisé dans les deux précédentes inventions et qui confirment cette hypothèse.
2.3
Modules de forte capacité fonctionnant en milieu aqueux
Actuellement, aucune cellule unitaire symétrique carbone/carbone fonctionnant avec un électrolyte aqueux n’est industrialisée, en raison de la très faible performance du milieu aqueux. Cependant, des modules sont disponibles et fabriqués par Tavrima Canada depuis quelques années. Le design de ces modules est basé sur un empilement d’électrodes circulaires pour réaliser des modules cylindriques (figure 19). Les densités d’énergie sont de l’ordre de 0,7 Wh/kg et 1,1 Wh/L, valeurs particulièrement faibles face à celles obtenues en milieu organique. L’avantage majeur revendiqué par le fabricant est la faible résistance série de ce module, ce qui lui confère une constante de temps relativement faible (0,6 s) mais du même ordre que celle obtenue aujourd’hui pour les composants fonctionnant en milieu organique.
259
Batteries Li-ion
Figure 19 Module TavrimaESCap 90/300 (90 kJ/300 V) fonctionnant en milieu aqueux.
L’inconvénient majeur de cette technologie est sa température maximale d’utilisation : + 55 °C, ce qui n’est généralement pas suffisant pour le marché automobile. En outre, le coût des constituants passifs (collecteur en inox ou en nickel, boitier en inox…) n’est pas inférieur que celui des modules de capacité identique mais fonctionnant en milieu organique à une tension trois fois plus élevée. En conclusion, cette technologie est pour le moment peu développée, car elle est économiquement et techniquement peu performante.
3
Conclusions et perspectives
Comme nous l’avons vu dans ce chapitre, il est important de différencier les petites cellules des grandes, dont les marchés ciblés sont différents. Les petites cellules sont disponibles commercialement depuis de nombreuses années. Les degrés de liberté pour leur amélioration sont faibles : la pression exercée sur le coût des composants et les marchés concernés (électronique, jouets, portables…) n’attendent pas d’améliorations en termes de densité d’énergie ou de durabilité. Les cellules de forte capacité sont désormais disponibles commercialement depuis plus de dix ans. Le marché est en forte croissance mais l’évolution de cette technologie est fortement liée aux améliorations en termes de coût, de densité d’énergie et de durée de vie. L’industrialisation des supercondensateurs est déjà basée sur des constituants peu onéreux (aluminium, carbone activé issu de précurseurs végétaux, séparateur papier…) pour être compétitive et répondre aux marchés visés. Le coût actuellement atteint, à l’échelle de la cellule, est de l’ordre de 0,005 $/F [29] (notamment pour le marché des cellules dédiées à l’automobile). De nombreuses améliorations ont été réalisées en dix ans : le million de cycles à 20 °C est désormais dépassé par les fabricants majeurs et le fonctionnement sous très fort courant est également démontré dans diverses applications. Pour certaines applications, comme pour l’automobile, les densités d’énergie et de puissance sont des paramètres particulièrement importants, d’autant plus lorsque les supercondensateurs sont mis en association ou en concurrence avec les batteries. Nous avons vu que les modules
260
10. Supercondensateurs : du composant au module
actuellement proposés atteignent difficilement 5 Wh/L, alors que les cellules de forte capacité (> 3000 F) dépassent les 9 Wh/L. Des améliorations sont donc attendues au niveau des modules, soit via des liaisons plus compactes mais permettant de faire passer des courants élevés, soit via des ruptures de technologies. Les ruptures les plus envisagées actuellement sont axées sur les systèmes hybrides, tels que les LIC ou les systèmes aqueux améliorés, et sur les systèmes bipolaires, particulièrement applicables aux supercondensateurs carbone/carbone. Cependant, quelle que soit la technologie choisie, le coût reste le facteur clef pour la pénétration sur le marché. En regard de toutes ces technologies émergentes, il ne faut pas oublier que les technologies Li-ion avancent : les densités d’énergie croissent quasiment continument et profitent très fortement de l’effet de volume dont ne disposent pas encore les grandes cellules de supercondensateurs. À titre indicatif, le prix actuel du marché du « consumer » Li-ion à l’échelle de la cellule est de l’ordre de 150 $/kWh avec une cyclabilité de l’ordre de 500 cycles garantis à 100 % DoD. Le coût du cycle est donc de l’ordre de 0,3 $/kWh/cycle. À titre de comparaison, le prix actuellement atteint pour un bicomposant de type eHDi est de l’ordre de 5760 $/kWh mais avec 1 000 000 cycles atteignables 2, ce qui revient à 0,006 $/kWh/cycle. Ce prix est dérisoire comparé à celui des batteries, mais pour l’atteindre, il est nécessaire de disposer d’une application nécessitant un aussi grand nombre de cycles et d’un volume occupable dans l’application. Ce dernier constitue généralement le point d’achoppement : par exemple, les supercondensateurs actuels seraient très pertinents pour des applications mild-hybrid mais occuperaient une partie importante du volume du coffre du véhicule. Les applications start-stop nécessitent généralement de l’ordre de 50 000 cycles au cours de la durée de vie du véhicule 3. Les applications de transport urbain (bus hybrides, tramways, …) sont par contre très favorables pour accueillir ce type de technologie, dans lesquelles une durée de vie de l’ordre de 30 ans (en cyclage et en calendaire) est nécessaire, à condition que le surcoût initial ne soit pas trop élevé. En outre, les supercondensateurs possèdent un avantage certain par rapport à leurs concurrents directs que sont les batteries plomb acide d’une part, et les batteries Li-ion d’autre part : ils présentent des performances quasiment stables sur une large gamme de température. Par contre, ils nécessitent des convertisseurs de puissance onéreux. Des améliorations sont très attendues pour cet aspect de la technologie. En outre, la densité d’énergie volumique doit être accrue. Plusieurs solutions ont été ou sont proposées dans le cas des supercondensateurs CA/CA en adaptant tout d’abord la taille des ions à la taille des pores. Des études pertinentes ont été menées au cours de ces dix dernières années pour comprendre à la fois le mécanisme de stockage et la pertinence de cette démarche, et ensuite en augmentant la tension de fonctionnement. Nous avons vu que cette solution était complexe car elle accroissait l’autodécharge, réduisait la durée de vie et augmentait la dispersion
2. Deux cellules 1200 F à Unominale = 2,5 V/cellule à 100 % DoD (favorable), soit 7500 J, soit 2,083 Wh. En prenant 1 000 000 cycles et 0,005 $/F, on arrive au résultat proposé. 3. L’alterno-démarreur dédié à cette application est prévu pour 60 000 cycles.
261
Batteries Li-ion
en vieillissement. Une solution viable pour certaines applications de niches, en raison du surcoût, reste l’utilisation de liquides ioniques, à condition que ces derniers soient purs et que la température d’utilisation reste au-dessus de 0 °C, en raison de leur conductivité relativement faible. L’accroissement de la densité d’énergie peut également se faire en utilisant des technologies en rupture. Les LIC posent de nouveaux problèmes : durée de vie plus faible que les supercondensateurs, gamme de température d’utilisation plus faible, coût de fabrication du même ordre que celui des batteries Li-ion. Ils ne sont donc pas forcément compétitifs par rapport aux batteries Li-ion conventionnelles ni vis-à-vis des supercondensateurs CA/CA, mais ces systèmes présentent des performances intéressantes en termes de sécurité : ils peuvent être totalement déchargés, supportent les courts-circuits et passent aisément la plupart des tests de sécurité en vue d’être intégrés dans un véhicule. Des alternatives visant une plus grande pérennité sont également très fortement étudiées (NIC, KIC). Ces systèmes présentent l’intérêt de ne pas avoir potentiellement recourt à des matériaux critiques ou stratégiques. Cependant, pour être compétitifs, ils doivent présenter une très bonne cyclabilité, une densité d’énergie réellement plus élevée que les EDLC avec une densité de puissance comparable. Par ailleurs, des technologies concurrentes de type batteries Li-ion de très fortes puissances font de gros progrès en termes de durée de vie, mais présentent des densités de puissance très médiocres à basse température et posent également des problématiques différentes en termes de sécurité et de pérennité.
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[4]
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[5] W. Sarwar, M. Marinescu, N. Green, N. Taylor, G. Offer, J. Energy Stor. 5 (2016), pp. 10-24 [6] Nisshinbo a transférésonactivitévers TPR / TOC Capacitor. Le design estactuellementprismatique. [7] G. Thrap, S. Shelton, A. Schneuwly, P. Lauper, R. Soliz, US2008013253, Maxwell Technologies, 2008 [8] O. Caumont, J.-M. Depond, A.-C. Juventin, EP2198472, Blue Solutions, 2010
262
10. Supercondensateurs : du composant au module
[9]
H. Goesmann, M. Setz, DE102004039231, EPCOS, 2005
[10] T. Schmid, B. Herdeg, A. Smit, T. Riepl, H. Gschossmann, R. Zeller, F. Fenchel, M. Gilch WO2011157629, Continental Automotive GmbH, 2011. [11] O. Caumont, A.-C. Juventis-Mathes, K. Le Bras, J.-M. Depond, EP2145360, Blue Solutions, 2008 [12] G. Thrap, J.L. Borkenhagen, M. Wardas, B. Maheronnaghsh, US2007054559, Maxwell Technologies, 2007 [13] O. Caumont, P. Paillard, G. Saindrenan, WO2007147978, Blue Solutions et Ecole Polytechnique de l’Université de Nantes, 2007 [14] H. Goesmann, DE102004030801, EPCOS, 2005 [15] K. Ashino, JP3034505, Nippon Chemicon, 1991 [16] M. Setz, S. Nowak, A. Hoerger, WO2006005277, EPCOS, 2006 [17] H. Goesmann, J. Vetter, M. Mayr, S. Pint, US20090111009, BMW, 2009 [18] O. Caumont, A.-C. Juventin-Mathes, K. Le Bras, J.-M. Depond, WO2008141845, Blue Solutions, 2008 [19] J. Schiffer, D. Linzen, D. U. Sauer, J. Power Sources 160 (2006), pp. 765-772 [20] D. H. Lee, U. S. Kim, C. B. Shin, B. H. Lee, B. W. Kim, Y.-H. Kim, J. Power Sources 175 (2008), pp. 664–668 [21] P. Guillemet, Y. Scudeller, T. Brousse, J.-M. Depond, Revue internationale de génieélectrique 10 (2007), pp. 695-715 [22] P. Desprez, G. Barrailh, D. Rochard, S. Rael, F. Sharif, B. Davat, EP1274105, SAFT, 2002 [23] P. Venet, Habilitation à Diriger les Recherches, « Amélioration de la sûreté de fonctionnement des dispositifs de stockage d’énergie », 24 octobre 2007, Universite Claude Bernard – Lyon1 [24] M. Okamura, M. Yamagishi, A. Mogami, EP1033730, Advanced Capacitor Technologies, Okamura Lab. Et Powersystems, 2000 [25] R. Horikoshi, T. Asai, USD586749, Meidensha Corp., 2009 [26] EDLC brochure de Meidensha, disponible sur internet : EDLC Catalog-Enov1808.pdf, 2009 [27] P. Azaïs, J.-M. Depond, O. Caumont, FR2927728A1, Blue Solutions, 2009 [28] P. Azaïs, J.-M. Depond, O. Caumont, FR2927727A1, Blue Solutions, 2009 [29] M. J. Weighall, “The Future of Ultracapacitors - Strategic Markets and Forecasts to 2014”, Pira International Ed., 2009
263
11 Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion A. Delaille ; N. Guillet ; R. Tessard ; B. Pilipili Matadi
Ce chapitre décrit les essais usuellement réalisés pour quantifier les performances électriques de cellules Li-ion individuelles, en distinguant les tests à réception, les essais de performances initiales et les essais de performances en vieillissement. Ce chapitre se poursuit par une discussion des différentes méthodes pour mesurer la résistance des batteries, dans la mesure où celles-ci sont multiples et qu’elles impactent les valeurs de résistance considérées.
265
Batteries Li-ion
1
Caractérisation des performances électriques de cellules individuelles
1.1
Tests à réception
La qualification des performances des cellules commence invariablement par des tests à réception de l’ensemble des cellules d’un lot donné, leur nombre étant fonction des essais ultérieurs à réaliser. Un minimum de 15 cellules sont nécessaires pour disposer d’une quantité suffisante pour qualifier la dispersion d’un lot, le nombre maximum dépendant uniquement du plan de qualification associé, en particulier du nombre d’essais en endurance et en sécurité. Les tests à réception ont pour but de calculer la densité d’énergie massique et volumique dans des conditions nominales – et donc de vérifier si les valeurs nominales spécifiées par le fabricant de cellules sont respectées –, mais aussi de connaitre l’état de charge (SOC, State Of Charge) à réception, de juger de la dispersion du lot, et le cas échéant de sélectionner les cellules destinées aux essais ultérieurs (en cas de dispersion notable). Pour cela, ces essais comportent généralement la détermination des grandeurs suivantes : • • • • •
masse ; dimension ; tension à vide, dite encore tension à l’abandon (sous courant nul) ; état de charge à réception, déduite d’une décharge résiduelle suivie d’un cyclage ; capacité/énergie à un régime de charge/décharge nominal (typiquement C/2-C/2 pour les cellules Li-ion, à savoir une charge et une décharge de l’ordre de 2 heures) en respectant les seuils de tension d’arrêt/de floating (maintien de la tension en fin de charge jusqu’à atteindre une valeur du courant dite « de fin de charge », typiquement C/20) spécifiés par le constructeur, et à une température nominale (typiquement 25°C) ; • résistance interne, équivalant le plus souvent à une mesure à SOC = 50 % de la partie réelle de l’impédance à 1 kHz (se reporter au second paragraphe de ce chapitre sur les mesures de résistance pour davantage d’informations) ; • puissance disponible, calculée à partir de la valeur de résistance interne. La représentation de la capacité en fonction de la résistance interne de la cellule est généralement celle permettant de donner la meilleure visualisation de la dispersion des performances électriques d’un lot de cellules donné. La figure 1 donne un exemple de la dispersion des résultats observés sur un lot de 50 cellules d’une même référence, résultats à partir desquels sont sélectionnées les cellules soumises aux tests ultérieurs discutés ci-après.
266
11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
Figure 1 Illustration des valeurs de capacité (ici à C/2-C/2 et à 25 °C) en fonction de la résistance interne (mesures ici à 1 kHz, SOC = 50 % et à 25 °C) mesurées sur un lot de 50 cellules Li-ion.
1.2
Tests de performances en début de vie
1.2.1
Mesures de capacités, énergies, résistances et puissances
La qualification des performances électriques en début de vie (dit encore BOL pour Beginning Of Life) des cellules consiste à quantifier les grandeurs suivantes : • la capacité Q (en Ah) et l’énergie E (en Wh) en fonction de différents régimes de charge/décharge et à différentes températures ; • la résistance R (en ohms) en fonction de l’état de charge (SOC), de la température, et mesurée pendant une durée déterminée, ceci permettant de déduire la puissance P (en W) disponible en décharge/admissible en charge selon ces conditions. La détermination des valeurs de résistance étant détaillée dans le second paragraphe de ce chapitre, les équations suivantes explicitent plus particulièrement l’obtention des valeurs de capacité, d’énergie, et de puissance : • Capacité en décharge : Q déch [Ah] = ∫
fin de déch déb de déch
I (t) .dt
[Équation 1]
U (t) .I (t) .dt
[Équation 2]
avec I le courant de décharge (A) et t le temps (s). • Énergie en décharge : E déch [Wh] = ∫
fin de déch déb de déch
avec U (Volts) la tension de la cellule.
267
Batteries Li-ion
Expression que l’on peut approximer, en considérant la tension évoluant en décharge à une valeur constante moyenne Umoy_déch, tout en sachant qu’il s’agit d’une approximation : [Équation 3] E déch [Wh] = U moy _ déch .Q Les valeurs de capacité et d’énergie en charge s’obtiennent à partir des mêmes relations, adaptées à la charge. • Puissance en décharge à un SOC donné et après un temps de x secondes :
Pdéch (SOC, x sec .) [W] = U min .Imax
[Équation 4]
avec : Imax la plus petite des valeurs suivantes : Imax en décharge après x secondes spécifié par le constructeur, versus Imax =
OCV (SOC) − U min_ déch ; R déch (x sec .)
OCV (Open Circuit Voltage) la tension d’abandon au point d’état de charge considéré ; Umin_déch la valeur limite de tension à partir de laquelle la décharge est coupée ; R la résistance interne définie par : R déch (x sec .) = OCV (SOC) − U (x sec .) sur la base Idéch
d’une impulsion de courant Idéch sur une durée de x secondes (se rapporter au second paragraphe de ce chapitre pour d’autres définitions possibles de la résistance) ; U min = OCV (SOC) − R déch (x sec .) .Imax (égale à Umin_déch si Imax =
OCV (SOC) − U min_ déch ). R déch (x sec .)
• Puissance en charge à un SOC donné et après un temps de x secondes : avec :
Pch (SOC, x sec .) [W] = U max .Imax
[Équation 5]
Imax la plus petite des valeurs suivantes : Imax en charge après x secondes spécifié par le constructeur, versus Imax =
U max_ ch − OCV (SOC) ; R ch (x sec .)
OCV la tension d’abandon au point d’état de charge considéré ; Umax_ch la tension limite de charge considérée ; R la résistance interne définie par : R ch (x sec .) = U (x sec .) − OCV (SOC) sur la base Ich
d’une impulsion de courant Ich sur une durée de x sec. ; U max = OCV (SOC) + R ch (x sec .) .Imax (égale à Umax_ch si Imax =
268
U max_ ch − OCV (SOC) ) R ch (x sec .)
11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
Il est important de souligner à ce niveau que toutes ces grandeurs sont fortement dépendantes des conditions de mesure. De manière rigoureuse, il convient donc de toujours spécifier les conditions de leur obtention, à savoir les régimes de charge et de décharge, la température, mais aussi les seuils d’arrêt de charge et de décharge considérés, et également la durée considérée pour ce qui est des calculs de la résistance et de la puissance. Lors des caractérisations, l’ensemble de ces paramètres est généralement établi en fonction du cahier des charges fonctionnel de l’application visée, tout en respectant les plages spécifiées par le constructeur de cellules. Pour illustrer ces propos, la figure 2 représente la capacité disponible en décharge d’une cellule Li-ion donnée, en fonction du régime de courant de décharge, de la température environnante, et du seuil de coupure de fin de décharge. Les différents graphiques de cette figure permettent de souligner l’importance de l’influence des paramètres mentionnés sur la capacité de la cellule considérée.
a)
Capacité(Ah)
Capacité(Ah)
b)
d)
Capacité(Ah)
Capacité(Ah)
c)
Figure 2 Illustration des valeurs de capacités d’une cellule donnée, en fonction du régime de décharge, de la température, et de différents seuils de coupure en fin de décharge : (a) 2,0 V ; (b) 2,5 V ; (c) 2,8 V ; (d) 3,0 V.
269
Batteries Li-ion
De la même façon, la figure 3 représente la puissance disponible à l’issue de 10 secondes, établie à partir de la résistance interne, elle-même mesurée à partir d’une impulsion de courant d’une durée de 10 secondes. À nouveau, les différents graphiques de cette figure permettent de souligner l’influence ici du SOC, de la température, et du seuil de coupure. a)
b)
180
300
160
Puissance(W)
Puissance(W)
250
140
200
120
150 100
100 80
50
60
0 100 80
60
60
40
40
SOC(%)
20
20
40 20
0 0
-20
Température(°C)
Puissance(W)
c)
Figure 3 Illustration des valeurs de puissance disponibles en décharge sur 10 secondes d’une cellule donnée, en fonction de son état de charge (SOC), de la température, et de différents seuils de coupure : (a) 2 V ; (b) 2,5 V ; (c) 2,8 V.
1.2.2
Rendement faradique et énergétique
Les valeurs de capacités en charge et en décharge sont utilisées pour calculer le rendement faradique des cellules, et les valeurs d’énergie en charge et en décharge sont utilisées pour calculer le rendement énergétique, à partir des définitions usuelles suivantes : η _ Ah =
Capacité déchargée Energie déchargée ; η _ Wh = Capacité préalablement chargée Energie préalablement chargée
[Équation 6]
avec η _ Ah le rendement faradique et η _ Wh le rendement énergétique.
270
11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
La capacité, comme l’énergie, étant là encore très fortement dépendante des conditions de mesure, les valeurs de rendement le sont donc tout autant, de sorte que ces conditions doivent toujours être spécifiées pour leur donner un sens. La manipulation des valeurs de rendement doit, pour ces mêmes raisons, se faire avec beaucoup de précautions, puisqu’on peut rapidement aboutir à des valeurs aberrantes, telles que des valeurs de rendement supérieures à 1, simplement du fait de l’influence des conditions de mesures (exemple d’une charge faite à température plus basse que la décharge suivante par exemple, ou encore à régime bien plus élevé). En usage normal (hors conditions d’essais abusifs ou vieillissement), le rendement faradique de cellules Li-ion peut être approximé à 1, signifiant l’absence de toute réaction parasite. Le rendement énergétique est en revanche impacté par les surtensions de charge/décharge aux deux électrodes, de sorte qu’il dépend ainsi très largement du régime de charge/décharge et de la température : ce rendement énergétique diminue lorsque la température décroit et lorsque le régime de charge (ou de décharge) augmente.
1.2.3
Comparaison des performances en début de vie de différentes cellules Li-ion
Pour conclure, la figure 4 ci-dessous illustre les performances initiales de différentes références de cellules Li-ion, sur la base de nombreux essais effectués par le CEALiten, performances exprimées ici en termes de densité d’énergie massique en fonction de la densité d’énergie volumique.
Figure 4 Densités d’énergie massique et volumique mesurées sur différentes cellules Li-ion, de différentes technologies Li-ion, à C/2-C/2 et 25 °C, issues de la base de données constituée par le CEA-Liten.
271
Batteries Li-ion
Le principal élément à retenir de cette section est que toutes les grandeurs caractéristiques des performances électriques d’une batterie (capacités, énergies, résistances, puissances, rendements) sont intimement liées aux conditions dans lesquelles elles sont mesurées. Dès lors, on ne peut parler d’aucune de ces grandeurs de manière rigoureuse sans leur associer les conditions dans lesquelles elles sont déterminées (régimes de charge/décharge, température, seuils d’arrêt de charge/décharge). Nous allons voir tout au long de la section suivante qu’il est nécessaire d’y ajouter l’état de santé de la cellule, qui dépend lui-même intimement de l’ensemble des conditions d’usage.
1.3
Tests de performances en vieillissement
1.3.1
Conditions de vieillissement
La qualification des performances en vieillissement consiste à soumettre des cellules à des conditions de vieillissement données, et à mesurer leurs performances de manière régulière au cours de ce vieillissement, i.e à savoir mesurer leurs capacités, énergies, résistances, puissances, ou encore rendements (cf. section précédente). Les conditions de vieillissement peuvent être distinguées en deux types : • Calendaire : les cellules sont laissées au repos à un état de charge et une température donnés, et le plus souvent déconnectées. • Cyclage : les cellules sont soumises à des cycles répétés de charge/décharge, dans des conditions spécifiques de courant de charge/décharge, de gamme d’état de charge (de laquelle on peut extraire la profondeur de décharge, c’est-à-dire l’étendue de la plage de SOC) et de température. Le plan d’expérience établi dépend, au-delà des moyens disponibles bien évidemment, de l’application visée, permettant de borner les essais à réaliser. Si de nombreux essais sont nécessaires pour identifier des modèles d’endurance dynamiques, permettant de simuler le vieillissement des cellules dans des conditions variables, il est également possible de chercher à établir des scénarios du type pire(s) cas/meilleur(s) cas, de manière à chercher à englober les performances des cellules dans une enveloppe. Pour autant, cette approche atteint rapidement ses limites du fait des influences croisées et non linéaires des paramètres mentionnés ci-dessus, ne permettant pas de discriminer un scénario d’un autre, d’où la nécessité de faire appel à des caractérisations plus approfondies et à l’identification de modèles d’endurance pour appréhender la durée de vie de cellules dans des conditions d’usage diverses.
1.3.2
Suivi du vieillissement par analyse de capacité incrémentale (ICA) et analyse de tension différentielle (DVA)
Au-delà du suivi des performances en capacité, énergie, résistance et puissance, il est possible de suivre le vieillissement des performances de batteries Li-ion par analyse de la capacité incrémentale, dite ICA pour Incremental Capacity Analysis.
272
11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
Cette méthode revient à mesurer puis illustrer graphiquement les incréments de capacité observés lorsqu’on applique des incréments de tension dQ/dU aux bornes de l’accumulateur, en fonction de l’évolution de la charge et/ou de la décharge, à savoir la tension U, ou encore la capacité chargée/déchargée cumulée, ou encore l’état de charge. Une variante de cette approche est l’analyse de tension différentielle (dite DVA pour Differential Voltage Analysis), consistant à tracer, inversement à l’ICA, les incréments de tension ramenés aux incréments de capacité dU/dQ en fonction, à nouveau, de l’évolution de la charge et/ou de la décharge. Ces deux types d’analyse sont d’autant plus pertinents que le régime de courant de charge/décharge est faible, idéalement de l’ordre de C/25, propice à l’obtention du pseudo-OCV (approximation de la tension d’abandon), afin de distinguer finement les différents pics à analyser, et minimiser autant que possible les effets de surtension. Le principal objectif de ces méthodes est de distinguer les pertes de performances, par rapport d’une part à l’électrode négative et/ou à l’électrode positive, et par rapport d’autre part aux différents mécanismes de vieillissement (perte de matière active de l’une et/ou l’autre électrode, formation de couches de passivation sur l’une et/ou l’autre électrode, etc.). En effet, ces analyses permettent de mettre en évidence des « pics » liés aux processus électrochimiques de chaque électrode, d’intercalation/ désintercalation dans le cas des batteries Li-ion, et donc de suivre l’évolution de ces processus avec le vieillissement à partir des modifications de ces pics, à la fois en amplitude et en correspondance de taux d’insertion. À titre d’illustration, les figures ci-dessous présentent les courbes ICA obtenues respectivement sur une cellule C/LFP et sur une cellule C/NMC.
Figure 5 (a) Courbe ICA obtenue sur une cellule Li-ion C/LFP, cyclée à C/10 et à 25 °C ; (b) courbe ICA obtenue sur une cellule Li-ion C/NMC cyclée à C/25 et à 25 °C [1].
Dans le cas d’une cellule Li-ion C/LFP, chaque pic identifié sur les courbes ICA peut être attribué à l’intercalation/désintercalation des ions Li dans l’électrode de graphite, l’électrode de LFP ne présentant pas de pic. Pour d’autres chimies Li-ion telles que le C/NMC, l’attribution des pics à chacune des deux électrodes nécessite des mesures additionnelles permettant de mesurer séparément le potentiel de chaque électrode. Cela peut se faire par introduction d’une électrode de référence dans la cellule étudiée, ou encore par la réalisation de demi-piles à partir du prélèvement
273
Batteries Li-ion
d’échantillons d’électrode positive ou négative respectivement, cyclés ensuite face à du lithium métallique. Pour que l’interprétation de ces analyses ICA ou DVA soit pertinente, il est vivement recommandé de les coupler à des analyses post-mortem : l’ouverture des cellules en fin de vie et l’analyse des matériaux qu’elles contiennent permettent de compléter la compréhension des modes de vieillissement de chacune des deux électrodes, de leur attribuer chacun des pics ICA ou DVA, et de corroborer les hypothèses initiales concernant les mécanismes de vieillissement. À titre d’exemple, nous citerons ici les travaux de Dubarry et al. [2] qui ont étudié l’évolution des pics de capacité incrémentale de cellules Li-ion commerciales dans le cas de perte de matière active et de modifications chimiques. Dans un autre article [3], les auteurs ont proposé un modèle de vieillissement capable de simuler différents scénarios de mode de dégradation, dont la perte de lithium cyclable ou encore l’augmentation de la résistance ohmique et leurs impacts sur les courbes ICA. Ces impacts et caractéristiques de chaque mode de vieillissement ont été encore davantage mis en évidence dans la référence [4]. Enfin, d’autres auteurs ont également utilisé des mesures ICA pour fournir une analyse qualitative de l’identification du mécanisme de vieillissement [1,5,6,7,8,9,10].
1.3.3
Comparaison des performances en vieillissement de différentes cellules Li-ion
La figure 6 ci-dessous présente une illustration des résultats de performances en endurance de différentes références de cellules Li-ion, et de différentes technologies Li-ion, issus des essais effectués par le CEA-Liten. Les résultats présentés ici ont été obtenus pour une condition calendaire donnée et une condition de cyclage donnée.
Figure 6 (à gauche) Évolution de l’état de santé de différentes cellules Li-ion soumises à un vieillissement en cyclage à 1C-1C, entre 0 et 100 % de SOC, et à 25 °C. (à droite) Évolution de l’état de santé de différentes cellules Li-ion soumises à un vieillissement en calendaire à 65 % de SOC et à 25 °C. Valeurs issues de la base de données constituée par le CEA-Liten.
274
11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
2
Mesures de résistances de cellules individuelles
2.1
Introduction
Il est utile de porter une attention particulière à la mesure de résistance d’une cellule, tant celle-ci n’est pas triviale. Selon la méthode utilisée pour réaliser cette mesure, les résultats peuvent varier fortement. En outre, chaque méthode présente des limitations techniques et des conditions très spécifiques pour garantir la validité des résultats obtenus. Ce dernier point est bien souvent négligé, en particulier lorsque des campagnes de tests automatisés sont réalisées. Cette section vise ainsi à présenter différentes méthodes de mesure de la résistance interne d’une batterie et à identifier les avantages et les limitations de chacune. Nous prendrons également soin d’identifier les règles à observer et les sources d’erreurs possibles.
2.2
Comment définir une résistance interne ?
La différence de potentiel mesurée aux bornes d’une cellule électrochimique évolue avec le courant qui la traverse. Cette évolution est liée aux surtensions produites par différentes contributions résistives au sein de la cellule. Ainsi, au cours de la décharge d’une batterie soumise à un courant i, la tension de la cellule (Ubat) est toujours inférieure à la tension mesurée en circuit ouvert dans des conditions proches de l’équilibre thermodynamique (UOCV). De manière symétrique, au cours de la charge, les surtensions s’additionnent à la tension en circuit ouvert, et la tension aux bornes de la cellule est toujours supérieure à la tension en circuit ouvert. En première approximation, nous pouvons proposer un modèle simplifié composé de différentes surtensions présentes dans le système : Ubat = OCV +/-ηohmic +/- ηpassiv +/- ηTC +/- ηcon
[Équation 7]
avec : (+) en charge et (-) en décharge, entre parenthèses sont indiqués les paramètres influant sur la valeur du coefficient. OCV : tension à l’abandon (T, SoC, SoH). ηohmic : surtension liée à la résistance ohmique (T, SoC, SoH). ηpassiv : surtension liée à la présence de couches de passivation sur les électrodes (T, i, SoC, SoH). ηTC : surtension liée au transfert de charge des réactions (T, i). ηcon : surtension liée à la concentration des réactifs (migration, diffusion, convection…) (T, i, t, SoC, SoH).
275
Batteries Li-ion
Ces surtensions peuvent être considérées comme évoluant linéairement avec le courant qui traverse le système, c’est-à-dire évoluant selon une loi d’Ohm :
η = R x i
[Équation 8]
Avec R, une valeur de résistance associée à chaque contribution. Cette simplification nécessite cependant de considérer que les différentes contributions sont purement résistives et qu’elles n’ont donc pas (ou très peu) d’évolution temporelle. Cette hypothèse peut être plus ou moins acceptable pour certaines surtensions (résistance ohmique, passivation, transfert de charge) mais est difficilement envisageable pour la surtension de concentration. En outre, les différentes contributions identifiées peuvent dépendre de plusieurs paramètres externes tels que la température (T), le courant appliqué (i), l’état de charge (SOC) et l’état de santé (SOH). Déterminer une valeur de résistance interne d’une cellule électrochimique n’est donc pas aussi simple qu’il pourrait y paraître : les valeurs mesurées peuvent fortement varier en fonction de la méthode utilisée et des conditions expérimentales dans lesquelles sont réalisées ces mesures.
2.3
Différentes méthodes de mesure de résistance interne
Différentes méthodes de mesure de la résistance interne sont présentées ci-après. Toutes ces méthodes sont appliquées à une seule et unique cellule de batterie Li-ion, pour permettre de comparer les résultats obtenus avec chacune des méthodes appliquées. La cellule de batterie Li-ion utilisée est une cellule cylindrique de format 18650 dont la capacité nominale est de 3200 mAh. Sa plage de fonctionnement est comprise entre 2,5 et 4,2 V. Tous les essais présentés ci-après ont été réalisés à une température de 25 °C (batterie placée dans une enceinte climatique régulée à 0,1 °C près).
2.3.1
Mesures à partir de courbes de polarisation
La mesure de résistance à partir des courbes de polarisation Ubat = f(j), est une méthode utilisée de façon classique pour des systèmes électrochimiques pour lesquels il est possible de se placer dans un état stationnaire ou quasi stationnaire (piles à combustible, électrolyseurs, etc.). Dans le cas des batteries, un état stationnaire est exclu puisque les matériaux d’électrodes positive et négative évoluent lorsqu’un courant traverse le système. Toutefois, en effectuant des mesures à faible régime et/ou pendant des temps courts, nous pouvons considérer que l’état de charge de la batterie évolue de manière négligeable durant le temps de la mesure.
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11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
Le principe de la mesure consiste à réaliser un balayage en courant en charge et en décharge, entre 0 A et un courant maximal qui dépend de la capacité de la cellule. Dans notre cas, nous avons décidé de réaliser un balayage en courant à 50 mA.s–1, jusqu’à 1500 mA (approximativement C/2). Un exemple de résultat expérimental est donné ci-dessous (figure 7).
Figure 7 (à gauche) Évolution de la tension mesurée aux bornes de la cellule et du courant appliqué au cours du temps. (à droite) Évolution de la tension mesurée aux bornes de la cellule en fonction du courant appliqué.
La quantité de charges traversant le système au cours de la charge et de la décharge doit être suffisamment faible pour que l’état de charge de la batterie n’évolue pas notablement pendant la mesure. Dans cet exemple, la variation de l’état de charge est de 0,18 % (6,24 mAh). En outre, la quantité de charges imposée doit être choisie de manière à éviter de sortir de la plage de tension de cellule autorisée par le fabricant sur la fiche technique (2,5 - 4,2 V dans cet exemple). La conséquence est que cette méthode présente une limite technique évidente si l’on souhaite mesurer une résistance aux états de charge extrêmes (0 et 100 % d’état de charge). L’application d’un balayage en courant symétrique (même quantité de charges appliquée au cours de balayages successifs en charge et en décharge) est conseillé. Cela permet de vérifier si le système n’a pas été trop perturbé par la mesure, en comparant la valeur de la tension aux bornes de la cellule en circuit ouvert avant et après le balayage en courant. Ces deux valeurs doivent être très proches, sinon identiques, après un temps de stabilisation qui dépend de nombreux paramètres (cellule étudiée, température, amplitude et vitesse du balayage en courant…). La mesure de la tension aux bornes de la cellule en fonction du courant appliqué permet d’identifier une variation linéaire et de calculer une pente, définie comme la résistance électrique du système étudié. La figure suivante présente l’évolution de la résistance ainsi calculée et de la tension en circuit ouvert de la cellule étudiée.
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Figure 8 Évolution de la résistance électrique et de la tension en circuit ouvert d’une cellule.
On peut noter que la valeur de résistance ainsi mesurée évolue fortement avec l’état de charge, et augmente sensiblement lorsqu’on se rapproche des états de charge ou de décharge extrêmes. Cette méthode est simple à mettre en place et assez précise. Ces principales limitations sont la nécessité d’attendre une bonne stabilité du système avant de faire la mesure (état quasi stationnaire 1) et de réaliser le balayage en courant en conditions de pseudo-stationnarité 2. Compte tenu de l’évolution de la tension avec le courant appliqué, cette méthode ne permet théoriquement pas de mesurer des valeurs de résistance à 0 et 100 % d’état de charge, mais un ajustement de la vitesse de balayage en courant et de la valeur maximale de ce courant permet de s’en approcher.
2.3.2
Mesures par écart à la tension à l’abandon
Cette méthode est très utilisée dans le domaine des batteries. Le principe est de mesurer l’évolution de la tension de la cellule en fonction de l’état de charge à différents régimes et de mesurer l’écart à l’évolution de la tension en circuit ouvert (courant nul). L’écart de tension entre les courbes de charge - décharge de la batterie et la valeur de tension en circuit ouvert doit être proportionnel au courant appliqué : Umesuré = UOCV +/– Ri
[Équation 9]
1. Le régime est considéré comme « quasi stationnaire » si les variations de concentration des espèces réactives et des éventuels intermédiaires réactionnels sont très faibles et que ces concentrations ne varient quasiment pas avec le temps. Ceci se traduit en pratique par un fonctionnement stable sur de longues périodes de temps à courant et tension constants (variations considérées comme négligeables dans l’intervalle de temps considéré). 2. Les conditions de pseudo-stationnarités sont considérées comme vérifiées si le balayage est suffisamment lent pour qu’il n’y ait aucune accumulation d’espèces réactives ou d’éventuels intermédiaires réactionnels dans le système pendant le temps de la mesure.
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11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
Ce comportement est nettement visible sur la figure suivante qui présente les courbes de charge - décharge à différents régimes compris entre C/20 et C/2.
Figure 9 Comparaison des courbes de charge - décharge réalisées à différents régimes.
À partir de ces mesures, il est possible de calculer une valeur de résistance R en utilisant l’équation 3. Pour cela, il est cependant nécessaire de connaitre précisément l’évolution de la tension de cellule en circuit ouvert en fonction de l’état de charge. Or, la tension à l’abandon est théoriquement définie à partir des variations de deux paramètres thermodynamiques : l’enthalpie (∆H) et l’entropie (∆S) du système. Elle est très sensible à la température. Or, aux régimes les plus élevés (par exemple C/3, C/2), bien que la cellule soit placée dans une enceinte thermique régulée, la température de la batterie est loin d’être homogène. Si la température de surface est proche de la température ambiante, ce n’est pas le cas au sein de la cellule. Il peut alors en résulter une incertitude significative quant à la valeur de la tension en circuit ouvert. Les calculs de résistance en fonction de l’état de charge pour chaque régime de cyclage sont proposés ci-après. Une forte disparité de valeur de résistance apparaît, en particulier au régime le plus faible de C/20. La raison principale de cette erreur est liée, d’une part à la difficulté de définir précisément une valeur de tension en circuit ouvert, et d’autre part, au faible écart entre cette valeur théorique et la tension mesurée en cyclage (en raison de la faible résistance interne de la batterie).
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Figure 10 Calculs de valeurs de résistance en fonction de l’état de charge à partir de mesures de tension en cyclage à différents régimes (C/20 à C/2).
Pour limiter ce problème, il est possible de calculer une valeur de résistance en fonction de l’état de charge, moyennée sur plusieurs cycles de charge – décharge à différents régimes. Pour cela, il suffit de procéder à une régression linéaire des valeurs de tension mesurées à différents régimes pour un même état de charge. La pente est proportionnelle à la résistance électrique et l’ordonnée à l’origine correspond à une valeur proche de la tension en circuit ouvert. Un exemple est présenté sur la figure ci-dessous.
Figure 11 (à gauche) Évolution de la tension de cellule en fonction du courant appliqué au cours des différents cycles de charge – décharge. Valeurs présentées pour différents états de charge (10 – 100 %). (à droite) Évolution de la valeur de résistance calculée et de la valeur de tension à l’abandon calculées en fonction de l’état de charge.
On remarque que les valeurs de résistance calculées par cette méthode sont nettement supérieures à celles déterminées par la méthode précédente (comprise entre 60 et 160 mOhms ici, contre 45 à 55 mOhms précédemment). En outre, l’évolution
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11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
de la résistance est très différente, même si l’on note une augmentation de la valeur calculée aux faibles états de charge. Cette méthode est moins précise et plus longue à mettre en place que la précédente. En effet, elle nécessite plusieurs cycles de charge – décharge à différents régimes. En revanche, elle présente l’avantage de pouvoir être utilisée pour quantifier l’évolution de la résistance au cours de cycles successifs appliqués durant des essais de vieillissement des batteries.
2.3.3
Mesures par impulsions de courant
Le principe de cette méthode est de placer le système dans un état quasi stationnaire à courant nul, puis d’appliquer un courant constant pendant une durée relativement courte (typiquement quelques dizaines ou centaines de secondes). Au cours de ce créneau de courant, la tension suit généralement une évolution selon une loi résistive et capacitive (R – R//C). Les mesures peuvent être réalisées à différents intervalles de temps pour rendre compte de l’évolution de la résistance en fonction du temps.
Figure 12 Évolution de la tension de cellule au cours du temps lors de l’application d’une impulsion de courant constant.
À chaque instant, la résistance peut être calculée simplement à partir de la relation suivante :
R(t) = (U(t) – U(t=0)) / i
[Équation 10]
Avec U(t=0) la tension aux bornes de la cellule stabilisée avant l’impulsion de courant, U(t) la tension au temps t, et i la valeur du courant appliqué. La résistance R(t) croît avec le temps. Un exemple de résultat est présenté sur la figure suivante.
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Figure 13 (à gauche) Évolution de la résistance calculée au cours d’impulsions à différents courants en fonction du temps. (à droite) Représentation semilogarithmique du temps.
Nous pouvons constater que l’amplitude du courant n’a qu’un effet limité sur la valeur de la résistance mesurée. Nous pouvons également le vérifier sur la figure suivante présentant les valeurs de résistance mesurées à différents états de charge.
Figure 14 Évolution de la résistance calculée en fonction de l’état de charge. (à gauche) Mesures réalisées avec différentes impulsions de courant après 10 secondes. (à droite) Mesures effectuées à différents intervalles de temps.
La méthode est assez précise et bien reproductible. Les résultats sont assez proches de la méthode basée sur le balayage en courant. Elle permet de surcroit de prendre en compte l’aspect cinétique : l’évolution de la valeur de résistance avec le temps. La difficulté de cette méthode consiste à vérifier les conditions de quasi-stationnarité du système avant l’impulsion et à réduire au maximum la variation d’état de charge de la batterie pendant la mesure (temps de mesure courts ou courants faibles). Bien entendu, il est également possible de réaliser la mesure de résistance pendant la relaxation qui suit l’impulsion de courant. Le principe est exactement le même, si ce n’est que dans ce cas, la tension à l’abandon de référence sera celle mesurée une fois que le système sera revenu en régime quasi stationnaire.
282
11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
2.3.4
Mesures par impulsions de courant et extrapolation des valeurs de tension
Sur la base de la méthode précédente, nous pouvons proposer une solution permettant de s’affranchir des phénomènes capacitifs qui introduisent une évolution temporelle de la résistance mesurée. L’hypothèse de base de cette méthode est que la tension à l’abandon de la cellule évolue linéairement avec l’état de charge. Cette hypothèse est totalement fausse si l’on considère l’évolution de la tension en circuit ouvert sur la plage complète de fonctionnement de la cellule, mais elle peut être acceptable sur une plage réduite d’état de charge (quelques % d’état de charge par exemple). À partir de l’évolution de la tension en fonction du temps au cours d’une charge ou d’une décharge, il est possible d’identifier une évolution linéaire et d’extrapoler cette évolution pour déterminer une tension U1 correspondant au début de l’impulsion (un exemple est présenté sur la figure suivante).
Figure 15 Évolution de la tension de cellule avec le temps au cours d’une impulsion de courant. L’extrapolation de la partie linéaire permet de déterminer la valeur U1.
La résistance ainsi considérée est calculée à partir de la différence entre la tension de cellule initiale U0 et la tension U1 de la manière suivante :
R = (U0 – U1) / i
[Équation 11]
La figure suivante rassemble les valeurs de résistance ainsi calculées en fonction de l’état de charge et pour des impulsions à trois courants différents (500, 1000 et 1500 mA). Nous constatons qu’il est difficile de déterminer une résistance avec une grande précision. La source d’erreur vient du fait que l’évolution de la tension en fonction du temps n’est pas toujours linéaire. Cet écart à la linéarité est d’autant plus important que le courant appliqué est grand et que nous nous approchons des états de charge extrêmes.
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Figure 16 Valeurs de résistance calculées à partir de l’évolution linéaire de la tension pendant une impulsion de courant à différents états de charge et pour différents courants d’impulsions.
Cette méthode n’est applicable que dans des cas bien particuliers, par exemple si l’on considère des batteries de type LFP/graphite ou LFP/LTO qui présentent une évolution linéaire de la tension en circuit ouvert sur une large plage d’états de charge. Elle requiert une optimisation de la valeur du courant appliqué lors de l’impulsion et de la durée pour vérifier l’hypothèse de départ.
2.3.5
Mesures par spectroscopie d’impédance électrochimique
La spectroscopie d’impédance électrochimique est certainement la méthode la mieux adaptée pour mesurer la résistance électrique d’un dispositif électrochimique. Encore faut-il réaliser correctement les mesures. Le principe de la spectroscopie d’impédance électrochimique est d’appliquer une petite perturbation électrique au système étudié et de mesurer la réponse électrique à cette perturbation. En général, cette perturbation consiste à surimposer une variation sinusoïdale de tension (PEIS : Potentiostatic Electrochemical Impedance Spectroscopy) ou de courant (GEIS : Galvanostatic Electrochemical Impedance Spectroscopy) et de mesurer l’évolution du courant (PEIS) ou de la tension (GEIS) aux bornes de la cellule. La perturbation peut être générée à différentes fréquences, allant de plusieurs centaines de kHz jusqu’en dessous du mHz. En pratique, pour les batteries, la gamme de fréquence « f » est généralement comprise entre quelques kHz et le mHz. L’amplitude de cette perturbation doit être suffisamment importante pour que la réponse du système soit détectable, mais doit par ailleurs rester suffisamment faible pour vérifier les deux hypothèses de base de cette méthode de mesure de la résistance : • la linéarité de la réponse (évolution linéaire de la tension avec le courant appliqué) ; • l’invariance dans le temps de mesure (la quasi-stationnarité du système).
284
11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
Pour chaque mesure réalisée, il est essentiel de vérifier la validité de ces deux hypothèses. Cette vérification est très souvent (la plupart du temps) négligée et cela peut conduire à des résultats tout à fait inexploitables ! Donc, pour chaque mesure, il convient de vérifier la linéarité du système en réalisant des mesures avec différentes amplitudes de signaux perturbateurs. L’invariance des spectres d’impédance avec l’amplitude du signal est un critère de validation des mesures. Il est également essentiel de vérifier systématiquement que les grandeurs électriques du système étudié (tension ou courant) n’ont pas évolué pendant le temps de la mesure. Ceci est très important, en particulier pour les mesures réalisées à des fréquences inférieures au Hz. En effet, les longues durées de mesure accroissent d’autant plus les risques de dérive du signal pendant le temps de la mesure. L’impédance Z(f) du système calculée grâce à la réponse électrique du système en fonction de la fréquence de la perturbation générée est un nombre complexe, comportant une composante réelle Re(Z) et une composante imaginaire Im(Z). Les valeurs d’impédance calculées à partir de mesures réalisées avec des signaux électriques à différentes fréquences peuvent être représentées dans un diagramme dit de « Nyquist » (partie réelle en abscisse et imaginaire en ordonnée) ou de « Bode » (fréquence du signal appliqué en abscisse, module et phase en ordonnée). Un exemple de résultat est présenté sur les figures suivantes.
Figure 17 Exemple de résultat de mesures par spectroscopie d’impédance électrochimique. (en haut) Représentation selon un diagramme de Nyquist. (en bas) Représentation selon un diagramme de Bode. La modélisation du comportement électrique par un circuit électrique équivalent est également proposée en pointillé.
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Nous pouvons constater que le module de l’impédance évolue fortement avec la fréquence du signal appliqué. Un circuit électrique équivalent a été proposé pour modéliser le comportement électrique de cette cellule sur une plage de fréquence allant de 1 kHz à 100 mHz. Ce circuit électrique équivalent permet de rendre compte des phénomènes inductifs, capacitifs et résistifs constatés. Une fois optimisé et ajusté, il est possible de modéliser l’ensemble des spectres d’impédance enregistrés sur toute la plage d’états de charge de la cellule (0 – 100 % d’état de charge, mesures faites tous les 10 % d’état de charge) avec uniquement trois variables indépendantes qui sont les trois composantes résistives du circuit électrique équivalent (l’ensemble des autres paramètres des composantes inductives et capacitives ont été maintenus constants). La première composante résistive apparaît à haute fréquence (kHz). Elle est généralement attribuée aux phénomènes résistifs purement ohmiques (résistances de contact, de transport électronique dans les matériaux et de transport ionique dans l’électrolyte…). La seconde composante résistive est aisément identifiable sur les diagrammes de Nyquist et de Bode autour de 100 Hz. Elle serait plutôt attribuée aux phénomènes de transfert de charge. La troisième est également bien visible vers 5 Hz. Cette dernière pourrait être attribuée à des phénomènes de transport. Il n’est pas aisé de déterminer précisément l’origine de ces composantes résistives et encore moins de les identifier avec certitude. Nous nous contenterons ici de constater leur présence et d’observer leur évolution avec l’état de charge. La spectroscopie d’impédance électrique donne donc la possibilité de décomposer la valeur de résistance mesurée en différentes composantes résistives et capacitives qui se distinguent par leurs fréquences caractéristiques. Ainsi, dans le cas étudié, on peut aisément comparer l’évolution des trois composantes résistives identifiées avec l’état de charge de la cellule et apprécier leur importance relative dans la résistance électrique totale du système. Nous constatons que l’importance relative des trois composantes résistives est très variable. Ainsi, la composante R2 (correspondant à une fréquence caractéristique autour de 100 Hz) n’évolue presque pas avec l’état de charge. En revanche, R3 (fréquence caractéristique de l’ordre de 5 Hz) augmente sensiblement avec l’état de charge. Enfin, R1 (résistance haute fréquence) est la principale composante résistive du système (75 % de la résistance totale). Elle diminue globalement avec l’état de charge avec un passage par un minimum à 60 % d’état de charge. Au final, le comportement résistif total prend une forme de U avec des valeurs de résistance plus élevées aux extrémités de l’état de charge (0 et 100 %) et une valeur minimale entre 40 et 60 % d’état de charge. La spectroscopie d’impédance est une méthode à la fois facile à mettre en place, précise et très puissante pour l’analyse des comportements résistifs de systèmes complexes tels que les batteries. Cependant, ces atouts qui ont conduit à une vulgarisation de son utilisation, ont aussi bien souvent conduit à une mauvaise utilisation de cette méthode : que ce soit par de mauvaises pratiques de mesures (absence de prise en compte des hypothèses de bases) ou d’analyse des données (analyse par
286
11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
circuits électriques équivalents incohérents et/ou inutilement complexes). Ceci peut conduire à des erreurs grossières qui sont régulièrement observées dans la littérature.
Figure 18 Évolution des différentes contributions résistives identifiées avec l’état de charge de la batterie. R1 : composante résistive de haute fréquence (kHz), R2 : composante identifiée autour de 100 Hz et R3 : composante basse fréquence identifiée autour de 5 Hz. Rtot est la somme de toutes les composantes résistives.
2.3.6
Mesures par calorimétrie
Une dernière méthode de mesure de résistance, un peu plus originale que les précédentes, peut être proposée. Cette méthode est basée sur la mesure de la chaleur dissipée au cours du fonctionnement de la batterie. L’hypothèse de base de cette méthode est que le courant i qui traverse une batterie de résistance interne R produit de la chaleur par effet Joule : Ri². Si l’on mesure la quantité de chaleur dégagée pendant une durée définie et que l’on connait le courant qui a traversé la cellule pendant ce temps, il est possible de calculer une valeur moyenne de résistance électrique interne. Il est très clair que cette hypothèse ne peut pas être vérifiée pour un système électrochimique complexe tel qu’une batterie. En effet, elle ne prend en compte que la chaleur irréversible produite par le système. Or, les réactions chimiques se produisant dans la cellule donnent également lieu à des échanges de chaleur réversibles, avec des réactions exothermiques dans un sens de fonctionnement, et endothermiques dans l’autre sens.
287
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Cependant, il est possible de minimiser la part des phénomènes réversibles en appliquant des impulsions de courant élevées sur des durées courtes. Nous présentons ici un exemple de résultats obtenus avec la même cellule de batterie que celle utilisée pour les méthodes décrites précédemment. Les mesures de flux de chaleur ont été réalisées avec un capteur de flux de chaleur enroulé autour de la cellule cylindrique.
Figure 19 Exemple de mesures de flux de chaleur dégagé au cours d’impulsions de courant en charge et décharge. (à gauche) Évolution de la tension et du courant appliqués au cours du temps. (à droite) Évolution de la tension et du flux de chaleur mesuré en fonction du temps.
Nous pouvons constater que les flux de chaleur mesurés évoluent avec l’état de charge et ne sont pas identiques entre la charge et la décharge. En intégrant les flux de chaleur mesurés, nous obtenons une quantité de chaleur dissipée au cours de chaque impulsion, et il est possible de calculer une valeur moyenne de résistance électrique sur la durée de l’impulsion. Les résultats de ces mesures sont présentés sur la figure ci-après :
Figure 20 Évolution de la résistance électrique moyenne calculée à partir des mesures de flux de chaleur en fonction de l’état de charge de la batterie.
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11. Caractérisation des performances électriques des accumulateurs Li-ion
Nous pouvons constater que les valeurs calculées à partir des mesures en charge et en décharge diffèrent notablement. Cet écart est précisément lié aux réactions chimiques réversibles qui se produisent au sein de la batterie et qui sont, pour cette cellule, globalement exothermiques au cours de la charge et endothermiques au cours de la décharge. Cependant, nous pouvons observer que la résistance augmente fortement aux faibles états de charge et que, si l’on considère une valeur moyenne entre la charge et la décharge, la résistance serait à peu près stable autour de 50 mOhms sur une large plage d’états de charge avant de remonter légèrement vers la charge complète. Certes, cette méthode de mesure, quoique très simple à mettre en place, ne permet pas de définir une valeur aussi précise de la résistance électrique de la cellule que la spectroscopie d’impédance. Cependant, tout dépend de la finalité de ces mesures. À titre d’exemple, si l’objet de ces mesures est de développer un modèle électrothermique du fonctionnement des batteries, la méthode de mesure calorimétrique peut alors s’avérer plus pertinente que les autres méthodes présentées ci-dessus.
2.4
Conclusion
Nous avons présenté plusieurs méthodes de mesure de la résistance interne des batteries. À la lumière des résultats présentés, nous pouvons constater que, pour une même cellule de batterie utilisée dans des conditions exactement identiques (cellule placée dans une enceinte thermique régulée à 25 °C, fonctionnement aux mêmes régimes de courants), les résultats des mesures peuvent différer grandement selon les méthodes de mesure mises en place. Les figures suivantes, sur lesquelles nous avons représenté les valeurs de résistance obtenues par les différentes méthodes, illustrent cette situation. Si l’on exclut les méthodes par cyclage et par mesure du flux de chaleur, les autres méthodes donnent des valeurs assez proches. Il apparaît que la mesure par spectroscopie d’impédance minimise légèrement les valeurs de résistance car nous avons réalisé des mesures jusqu’à 0,1 Hz. Or, comme nous l’avons vu avec la méthode des impulsions de courant, la résistance augmente avec la durée du signal perturbateur (ce qui conduit à une résistance croissante lorsque la fréquence du signal diminue). Les méthodes par courbe de polarisation et impulsions donnent également des valeurs très proches. La principale différence apparaît aux faibles états de charge avec une augmentation sensible de la résistance calculée. Ces trois méthodes peuvent donc être utilisées assez facilement pour déterminer des valeurs de résistance électrique. Chacune d’entre elles a des avantages et des inconvénients relatifs à sa mise en place et les conditions de validité de ses résultats.
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Figure 21 Évolution des valeurs de résistance obtenues par les différentes méthodes en fonction de l’état de charge de la batterie. (en haut) Ensemble des résultats. (en bas) Focalisation sur quelques méthodes.
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12 Caractérisation microstructurale et physico-chimique des matériaux de batterie S. Genies ; A. Boulineau ; A. Benayad ; C. Chabrol ; J.F. Martin ; D. Brun-Buisson ; X. Fleury ; L. Daniel ; J.F. Colin ; M. Bardet ; S. Lyonnard ; S. Tardif ; F. Lefebvre-Joud
Ce chapitre a pour vocation de présenter quelques exemples de techniques de caractérisation couramment utilisées pour identifier les mécanismes de dégradation associés aux pertes de performances d’un élément lithium-ion. Elles renseignent sur la microstructure des matériaux d’électrodes et sur la nature physicochimique des interfaces, et permettent de mettre en lumière des évolutions, avant et après utilisation.
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Introduction : la caractérisation pour comprendre la réponse électrochimique d’une batterie
Les éléments de batteries sont des systèmes complexes constitués de composants de nature très différente (liquide, solide, minérale, organique, métallique). Leur caractérisation à tous les stades de leur fabrication vise à assurer des performances optimales à la batterie neuve. Après utilisation, la caractérisation des composants internes aide à comprendre les mécanismes de dégradation pour identifier des remèdes. Ces caractérisations sont nécessairement multi-échelles, à l’image des phénomènes pilotant la réponse électrochimique d’une batterie. Elles se font en extrayant les composants de l’élément après ouverture de la cellule électrochimique et sont regroupées en études dites ante mortem (cellule neuve, non encore testée) et post-mortem (après essais qui engendrent une dégradation des performances de la cellule). Cependant, depuis quelques années, des caractérisations en mode operando permettent de suivre, au cours du fonctionnement de la cellule électrochimique, les transformations microstructurales réversibles et non réversibles qui s’y produisent. La performance d’une batterie de type Li-ion dépend en premier lieu de la capacité des électrodes à échanger des ions lithium. Il convient donc d’une part de savoir caractériser la quantité de lithium échangée au cours d’un cycle charge/décharge, mais également d’identifier tous les phénomènes qui pourraient limiter cet échange. Il peut s’agir d’un blocage de type mécanique, tel que la contraction ou l’expansion des matériaux d’électrodes au cours des cycles de charge/décharge, pouvant conduire à une décohésion des particules de matière active et donc à une perte de contact électrique, ou bien d’une obstruction de la porosité du séparateur. Des modifications de la structure cristalline des matériaux d’électrodes en surface ou en volume peuvent également intervenir et bloquer l’insertion des ions lithium. Enfin, la dégradation des solvants de l’électrolyte peut engendrer la formation de bulles de gaz qui masquent localement le matériau actif et peuvent provoquer une isolation électrique favorisant le dépôt de lithium métallique. Plus particulièrement, la compréhension de la formation et de l’évolution de l’interface solide entre l’électrode négative et l’électrolyte (« SEI » Solid Electrolyte Interphase, produits solides générés par la décomposition électrochimique de l’électrolyte liquide à la surface de l’électrode) est primordiale afin de comprendre les performances et améliorer la durée de vie d’un accumulateur Li-ion. En fonctionnement, les mécanismes de dégradation au sein d’une batterie sont nombreux, ainsi qu’illustré sur la figure 1. Ils se produisent soit au sein même des matériaux actifs d’électrodes positive et négative, soit au niveau de leur interface avec l’électrolyte (SEI), soit encore dans l’électrolyte ou au niveau du séparateur. Un ensemble de méthodes de caractérisations électrochimique, physicochimique et structurale de tous ces matériaux et composants (électrodes positive et négative, séparateur, électrolyte) doit donc être mis en œuvre à différentes échelles pour identifier précisément les mécanismes qui interviennent et sont à l’origine d’une
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12. Caractérisation microstructurale et physico-chimique des matériaux de batterie
dégradation. La figure 2 illustre les différentes techniques de caractérisation adaptées à l’étude de chacun des composants de cœur ou en surface.
Figure 1 Phénomènes de dégradation identifiés dans un élément Li-ion [1].
Cellule Li-Ion • Mesure de la capacité • Profils de tension à courant constant, test en pulse • Perte de capacité, augmentation de la résistance interne
Check-up final
Tomographie-X • Visualisation du design interne (organes de sécurité, enroulement/empilement des électrodes) • Visualisation d’un stress mécanique interne (électrodes pliées, présence de gaz)
• Inspection visuelle des composants • Visualisation des électrodes (gonflement, dépôts de surface)
Etude ante/post-mortem
Caractérisations (Comparaison des résultats) Physico-chimique
Electrochemique Electrodes
Pile bouton (vs. Lithium) • • • •
Profils des potentiels d’insertion Capacités résiduelles et réversibles Spectres d’impédance Perte des capacités résiduelles (lithium échangeable) et réversibles (perte du volume d’insertion)
Electrodes
Séparateur
Longueur, Largeur, épaisseurs, détermination des grammages µm3
MEB, EDX, MEB-FIB • • Morphologie des particules • Stœchiométrie des particules • actives • Fracturation des particules, dépôts de surface, contaminations XPS, TOF-SIMS
Longueur, Largeur, épaisseurs, porosité µm3, nm3
DRX, MET Nature de la structure cristalline Modification des structures cristallines
• Composition chimique des interfaces • Croissance et/ou modification de la composition chimique des interfaces (surface et volume)
Electrolyte Estimation du volume
FT-IR, DSC • • •
Nature Présence de couche de surface Obstruction de la porosité
GC-MS • Composition de l’électrolyte + additifs • Identification de produits de dégradation des solvants
Li RMN • Détection de lithium métallique dans les électrodes à base de graphite
Figure 2 Schéma des techniques de caractérisation physicochimique associées aux composants internes (cf. abréviations dans le glossaire présent en fin de chapitre). Les évolutions potentiellement attendues après vieillissement sont surlignées [2].
295
Batteries Li-ion
C’est la complémentarité des informations obtenues avec ces techniques qui permet de comprendre l’origine des dégradations et des pertes de performances qui en résultent. Ces techniques sont mises en œuvre en général dans le cas d’études post-mortem. La préparation des échantillons nécessite au préalable le démontage d’une cellule Li-ion en boite à gants sous atmosphère inerte (sous argon permettant d’obtenir des teneurs en H2O et O2 inférieures à 1 ppm). Ainsi, les composants internes ne sont pas en contact avec l’air, ce qui permet de préserver leur état tel qu’il était au sein de la cellule après fonctionnement. La cellule est toujours démontée à l’état déchargé, d’une part pour des raisons de sécurité, d’autre part pour caractériser les éléments à un état de charge identique entre électrodes neuves et vieillies.
Figure 3 Test électrochimique en demi-pile bouton permettant de mesurer, après vieillissement, la capacité réversible et la capacité résiduelle des électrodes d’un élément Graphite/NCA [6].
La caractérisation microstructurale et physicochimique d’une batterie est le plus souvent couplée à une caractérisation électrochimique visant à contrôler l’état de lithiation de chaque électrode et à mesurer leur capacité d’insertion. Plusieurs configurations sont possibles, soit en pile bouton complète [3], soit en demi-pile [4], soit en pile symétrique [5]. Par exemple, pour mesurer la capacité résiduelle (initiale en lithiation pour l’électrode positive et en délithiation pour l’électrode négative) et la capacité réversible totale d’une électrode, on reconstitue des demi-piles bouton
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12. Caractérisation microstructurale et physico-chimique des matériaux de batterie
à partir des composants démontés, comme illustré sur la figure 3. Des échantillons sont prélevés sur les bandes d’électrodes négative et positive d’un élément, ici, Graphite/LiNi0,80Co0,15Al0,05O2 (NCA). Ils sont découpés sous forme de pastille puis assemblés en demi-pile bouton face à une électrode négative en lithium métallique. Sur les piles ainsi constituées, des tests électrochimiques sont réalisés afin d’obtenir les capacités résiduelle et réversible de chaque électrode. Dans l’exemple donné, la capacité résiduelle de la demi-pile bouton NCA/lithium mesurée après vieillissement peut être comparée à la capacité résiduelle obtenue à l’état neuf. La différence de capacité peut être directement reliée à la perte de capacité échangeable perdue par consommation irréversible des ions lithium. On peut donc associer une part de la perte de capacité observée dans la cellule complète à une perte d’ions lithium échangeables, consommés par des réactions parasites, associée à la croissance/reformation de la couche interfaciale en surface des particules de graphite (SEI), au dépôt de lithium métallique sur cette même électrode dans certaines conditions de fonctionnement, ou encore à la perte de connexion électronique de particules lithiées. La capacité réversible représente la capacité d’insertion complète de l’électrode qui peut avoir été dégradée après fonctionnement (déconnexion électronique de particules lithiées ou délithiées, dégradation des structures d’insertion). En fonction de l’ampleur de ces dégradations, cela peut avoir eu un impact sur la capacité de la cellule complète (en capacité ou en puissance à fort courant). Une fois la perte de performance quantifiée, il convient d’en chercher l’origine en mettant en œuvre des caractérisations à l’échelle des composants internes.
2
Analyse des mécanismes associés à une perte de lithium échangeable
2.1
Formation de la SEI et précipitation de Li métal sur une électrode négative
La microscopie électronique à balayage (MEB) ou Scanning Electron Microscopy (SEM) [7] est une technique d’observation topographique et morphologique d’un matériau en surface. Les micrographies de la figure 4 montrent les particules constitutives d’une anode en graphite [8]. L’électrode à l’état neuf est présentée sur l’image de gauche. La présence de particules de graphite de morphologie sphérique ainsi que des fibres de carbone sont bien visibles. L’image centrale correspond à la même électrode extraite d’un élément après cyclage prolongé (1300 cycles à 45 °C – 184 jours d’essai). Un « enrobage », plus particulièrement visible sur les fibres de carbone est apparu, qui peut être associé à la croissance de la SEI. L’image de droite correspond à une même électrode de graphite issue d’un élément après cyclage, la charge étant appliquée suivant un protocole particulier. Dans ce dernier cas, la présence de filaments enchevêtrés entre les particules et comblant l’espace entre les particules, caractéristiques de la formation d’un dépôt de lithium métal (Li-plating), est observée.
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Batteries Li-ion
Neuve
Cyclée
Surchargée
Li-plating
Figure 4 Images MEB d’une électrode de graphite neuve (gauche), cyclée (centre) et surchargée (droite) [8]. On observe, en comparant les différentes images, après cyclage, la croissance de la SEI, et après surcharge, un dépôt de Li métal (images obtenues en utilisant une « valise de transfert » sous vide entre la boîte à gants et la chambre du microscope).
La spectroscopie photo-électronique à rayonnement X (XPS ou ESCA), technique d’extrême surface, est un moyen d’investigation parmi les plus directs de la structure chimique et électronique des matériaux. Elle consiste en l’analyse des photo-électrons émis par un échantillon soumis à un rayonnement X [9,10,11]. Compte-tenu de la faible profondeur d’émission des électrons analysés (~ 50 Å), cette technique est particulièrement bien adaptée à l’étude de la SEI. L’XPS présente l’avantage de pouvoir sonder la plupart des pics de cœur issus de quasiment tous les atomes constituant la SEI, à l’exception des atomes d’hydrogène. En analysant finement les déplacements en énergie de ces pics, il est également possible de suivre les changements d’états chimiques des éléments au cours des cycles. Enfin, l’intensité des pics XPS est directement proportionnelle à la concentration, ce qui permet de réaliser des études quantitatives (avec des incertitudes de l’ordre de 10 à 20 %). Ainsi, la technique permet de suivre les changements des états chimiques de la SEI au cours des cycles. La figure 5 illustre l’évolution de la SEI à la surface d’une électrode de silicium au cours du cyclage. Les pics élémentaires des différents spectres présentés permettent de préciser la nature et l’évolution de la SEI et de l’interface SEI/Si (notamment avec la détection de LixSiOy). Plus spécifiquement, l’évolution du spectre du Si (qui est le matériau actif de l’électrode) permet de statuer sur l’augmentation de l’épaisseur de la SEI au cours du cyclage : après 100 cycles, le silicium n’est plus détecté, ce qui indique une épaisseur de SEI plus importante que celle observée en début de cyclage. Associée aux caractérisations électrochimiques (spectroscopie d’impédance électrochimique (EIS), voltampérométrie etc.), la spectroscopie XPS permet finalement de corréler les pertes de capacité électrochimique aux évolutions de composition de la SEI.
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12. Caractérisation microstructurale et physico-chimique des matériaux de batterie
L’analyse XPS fait partie d’une famille de techniques d’analyse spectroscopique de surface (la profondeur analysée peut être comprise entre 1 et 10 nm), au même titre que la spectroscopie Auger et la spectrométrie ToF-SIMS. Le couplage de ces techniques permet d’obtenir des informations à la fois morphologique, chimique et structurelle de la SEI [13].
Figure 5 Spectres XPS (Si 2p, C 1s, O 1s, F 1s, and Li 1s) à la surface d’électrodes Si : (A) électrode non cyclée, (B) après 10 cycles, et (C) après 100 cycles. Les trois électrodes sont analysées en fin de delithiation [13].
L’utilisation de la microscopie électronique en transmission (MET) [14] permet d’observer la croissance de la SEI sur l’électrode et la structure cristalline du graphite. Sur la figure 6, des images en MET à haute résolution de particules de graphite issues d’électrodes neuves et cyclées illustrent tout d’abord l’évolution de la SEI. À la surface du graphite neuf, une fine couche amorphe d’environ 3 nm d’épaisseur est visible, et peut être associée à la SEI. L’image est caractéristique d’un graphite très bien cristallisé, constitué de grands feuillets monocristallins ou plans de graphène. Après cyclage prolongé, la surface du graphite offre un aspect très différent, avec un empilement de couches de graphite et de couches SEI caractéristiques d’une exfoliation du bord des feuillets de graphite. Ce phénomène bien connu [15] est engendré par la co-intercalation des solvants de l’électrolyte lors de l’insertion des ions lithium, et par l’émission de gaz lors de la décomposition de ces solvants entre les plans de graphène. Les schémas associés facilitent la lecture des images MET. Si la présence d’une fine couche de SEI est bénéfique, car elle limite cette co-intercalation des solvants lors de l’insertion du lithium [15], les dilatations/rétractations répétées de la maille cristalline au gré des cycles charge/décharge entrainent une fracturation de la SEI. Sa reconstitution locale consomme des ions lithium. Ce phénomène est associé à une perte de capacité irréversible.
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Batteries Li-ion
5nm
Électrode cyclée
( )
Électrode neuve à l’issue du processus de formation
5nm
(b)
Figure 6 Images en microscopie à transmission MET – haute résolution d’une particule de graphite issue d’une électrode neuve, immédiatement après formation, et après cyclage [16]. On observe après cyclage une succession de couches de graphite et de SEI caractéristiques d’une exfoliation.
2.2
Perte de la teneur en Li d’une électrode positive
Les électrodes positives sont fréquemment constituées d’un matériau de type lamellaire, dans lequel le lithium s’insère et se désinsère en solution solide. C’est notamment le cas d’un matériau tel que LiNixMnyCozO2 (NMC), qui possède une structure rhomboédrique de groupe d’espace R-3m et voit ses paramètres de maille évoluer en fonction de son état de lithiation. La technique de diffraction des rayons X permet de mesurer ces paramètres de maille et de suivre la composition chimique de l’électrode au cours de son vieillissement. L’analyse par diffraction de rayons X (ou DRX) [17] permet de caractériser la structure cristalline d’un matériau, les symétries (groupe d’espace) et les dimensions de sa maille cristalline. Grâce au diffractogramme obtenu, les composés sont identifiés à partir de la position et de l’intensité relative des pics de diffraction à l’aide d’une
300
12. Caractérisation microstructurale et physico-chimique des matériaux de batterie
base de données regroupant l’ensemble des diffractogrammes des matériaux cristallins. L’analyse peut être effectuée sur des poudres ou sur des échantillons prélevés dans des électrodes neuves ou cyclées. Dans ce dernier cas, les échantillons sont préparés en boite à gants et protégés par un film de Kapton® pour éviter toute réaction des composés avec l’air ou l’humidité pendant l’analyse. La figure 7 présente les diffractogrammes d’une électrode NMC442 (LiNi0,4Mn0,4Co0,2O2) à l’état neuf et à l’issue d’une période de vieillissement calendaire à un état de charge de 100 % pendant une durée de 15 mois à 5 °C, 9 mois à 25 °C et 45 °C, et 4 mois à 60 °C. L’état de santé des cellules après la période de stockage est de 93 % à 45 °C et 82 % à 60 °C. Aucune perte de capacité n’est constatée après vieillissement à 5 °C et 25 °C (SOH 100 %) [18]. La structure R-3m est conservée après vieillissement, mais on observe une évolution de la raie 003 caractéristique d’une modification des paramètres de maille du matériau. Le traitement des spectres permet de quantifier les variations des paramètres de maille a et c. Le couplage de la diffraction X in situ avec un test électrochimique [19] permet d’acquérir des diffractogrammes du matériau à différents états de charge connus et d’obtenir ainsi une courbe de calibration reliant la valeur des paramètres de maille a et c à l’état de lithiation du matériau (figure 8).
Figure 7 Diffractogramme d’une électrode positive NMC442 neuve après vieillissement calendaire à un état de charge de 100 % pendant une durée de 15 mois à 5 °C, 9 mois à 25 °C et 45 °C, et 4 mois à 60 °C. On observe une évolution de la raie 003 caractéristique d’une modification des paramètres de maille du matériau.
301
Batteries Li-ion
Figure 8 Courbe de calibration obtenue en diffraction X in situ pour un matériau NMC442 [20].
Ainsi, comme le montrent les valeurs du tableau 1, la diminution du paramètre de maille a et l’augmentation du paramètre de maille c traduisent une perte de Li d’autant plus prononcée que le vieillissement calendaire a été effectué à plus haute température. La perte de Li est déterminée grâce à la courbe de calibration ci-dessus et peut être confirmée par la capacité résiduelle électrochimique mesurée en pile bouton. Tableau 1 Paramètres de maille de la phase R-3m du matériau NMC442 et teneur en Li associée [20].
302
a (Å)
c (Å)
Teneur en Li
État neuf
2,862 Å
14,274 Å
0,98
5 °C
2,862 Å
14,274 Å
0,98
25 °C
2,861 Å
14,280 Å
0,96
45 °C
2,856 Å
14,314 Å
0,92
60 °C
2,854 Å
14,325 Å
0,90
12. Caractérisation microstructurale et physico-chimique des matériaux de batterie
3
Analyse des transformations de phase qui limitent la mobilité du lithium
3.1
Modification microstructurale d’une électrode positive
La structure en couches lamellaires parfaite d’une électrode positive de type NMC (LiNi1/3Mn1/3Co1/3O2) neuve est présentée sur le cliché MET en haute résolution de la figure 9. Les clichés réalisés sur des échantillons après cyclage montrent qu’à la surface des particules primaires, la structure lamellaire est perturbée, certains cations de métaux de transition s’étant déplacés dans la couche dédiée au Li (présence d’atomes visibles en gris clair entre les alignements d’atomes de couleur plus blanche tel que schématisé). On observe la présence de ces cations qui peut gêner, voire limiter, la diffusion de Li pendant la charge et la décharge de la batterie. Cette modification structurale contribue ainsi à l’augmentation de la résistance de l’électrode positive et à la perte de capacité de la cellule. Neuve
Cyclée
1nm
( )
1nm
Figure 9 Images MET à haute résolution d’une particule de NMC issue d’une électrode neuve (figure de gauche) et à l’issue du cyclage (figure de droite) avec les schémas associés permettant d’aider à la compréhension des images MET [21].
303
Batteries Li-ion
4
Blocage mécanique, obstruction, décohésion et perte du contact électrique
4.1
Perte de capacité d’électrodes graphite en cyclage à basse température
La spectromètrie ToF-SIMS est également un outil essentiel à la compréhension des mécanismes de lithiation et de dégradation des électrodes. Dans l’exemple présenté ci-après, elle est associée à une technique de préparation in situ (dans la chambre même d’analyse du spectromètre) permettant d’observer la nature chimique dans la profondeur même de l’électrode. Il est ainsi possible de confirmer la présence d’ions lithium dans les particules de graphite, même après une délithiation électrochimique complète, démontrant ainsi que des particules lithiées sont électroniquement déconnectées et que le lithium inséré n’est donc plus utilisable. Dans cette étude, des cellules commerciales Graphite/NMC ont été vieillies dans des conditions spécifiques : cyclage électrochimique à 5 °C entre 0 et 100 % de SOC. Les performances s’effondrent après 50 cycles, alors que les mêmes systèmes peuvent subir plus de 4000 cycles a 45 °C [22]. Certaines cellules ont été également cyclées dans une plage d’état de charge plus restreinte : de 10 à 90 % SOC.
Figure 10 Imagerie FIB-ToF-SIMS d’électrodes graphite. (a) Cyclage entre 0 et 100 % SOC ; et (b) cyclage entre 10 et 90 % SOC. À noter, dans ce dernier cas, la détection de lithium associé aux particules de graphite, ainsi que celle de SEI (cartographie du fluor) dans les interstices entre les particules [23].
304
12. Caractérisation microstructurale et physico-chimique des matériaux de batterie
Les analyses ToF-SIMS sont associées à la réalisation d’une coupe transverse par FIB (Focused Ion Beam) dans la chambre d’analyse du spectromètre, ce qui permet d’observer la distribution de différents éléments, en particulier Li et F (marqueur de la SEI) dans la profondeur de l’électrode. Les résultats obtenus confirment le piégeage du lithium dans les particules de graphite lors des cyclages entre 0 et 100 % SOC, mais on met en évidence une présence excessive de SEI au sein de l’électrode étudiée autour des particules de matériau actif. Ces résultats diffèrent drastiquement de ceux obtenus pour les électrodes cyclées entre 10 et 90 % SOC, pour lesquelles le lithium n’est pas détecté dans les particules (conformément aux résultats de DRX et RMN), et la SEI (élément F) est peu détectée au sein de la particule. Ces résultats permettent de mettre en évidence une génération excessive de SEI lorsque la cellule électrochimique est cyclée entre 0 et 100 % SOC, associée à une dégradation importante de l’électrolyte (démontrée par ailleurs par spectroscopie XPS). Cette SEI favorise une déconnexion des particules de graphite du réseau percolant, piégeant le lithium intercalé.
4.2
Dépôts exogènes
La microanalyse X ou EDX (Energy Dispersive X-ray spectrometry) [24] s’avère particulièrement utile pour détecter la présence de dépôts d’origine exogène. Un détecteur de rayons X associé au dispositif MEB permet d’accéder à la microanalyse élémentaire de l’échantillon. On obtient un spectre de rayons X permettant l’identification des éléments chimiques. Une quantification de ces éléments permet de déterminer la composition chimique des composés en présence. Le volume et l’épaisseur analysés, ou poire d’interaction, dépendent de l’énergie du faisceau et de la densité du matériau. Ce volume est de l’ordre de quelques µm3 pour les matériaux d’électrodes. La figure 11 présente l’image MEB d’une électrode négative aux performances significativement dégradées. Elle est constituée de particules de graphite de forme parallélépipédique (1) auxquelles s’ajoutent des particules plus petites et de forme différente (2) visibles à plus fort grossissement sur l’image de droite. L’analyse EDX élémentaire sur les particules (1) et (2) montre que ces particules contiennent du cuivre. Par cartographie EDX, non présentée ici, il est possible d’apprécier la distribution des dépôts de cuivre. On constate que le dépôt de cuivre est riche en oxygène, ce qui tend à démontrer que l’élément a subi une surdécharge. En effet, le potentiel atteint par l’électrode négative en surdécharge entraine l’oxydation du collecteur de cuivre et la libération des ions cuivre dans l’électrolyte. À la recharge, les ions cuivre se réduisent en surface des particules de graphite, constituant des dépôts qui bloquent l’insertion du Li [26].
305
Batteries Li-ion
2
1
Figure 11 Images MEB d’une électrode négative en graphite et analyses élémentaires locales par EDX [25].
5
Dégradation de l’électrolyte
L’utilisation de la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) [27] s’avère particulièrement bien adaptée à l’étude des solvants constitutifs des électrolytes. C’est en effet une technique d’analyse et de quantification des composés organiques volatils et semi-volatils. Elle permet de séparer les solvants d’une solution au moyen d’une colonne capillaire à température contrôlée. Les petites molécules, qui présentent des températures d’ébullition basses, descendent le long de la colonne plus rapidement que les grandes molécules, qui présentent des températures d’ébullition plus élevées. La spectrométrie de masse (MS) permet d’identifier, après séparation, les divers composants grâce à leur spectre de masse. Leur identification est possible par une interprétation du spectre de masse ou par sa comparaison avec des bases de données. Il est ainsi possible de suivre l’évolution de l’électrolyte d’un élément Li-ion à l’état neuf et à différents stades de vieillissement calendaire à 100 % SOC et à 25 °C, 45 °C pendant 9 mois, et à 60 °C pendant 4 mois (figure 12). L’électrolyte est constitué de deux solvants principaux : le carbonate d’éthylène (EC) et le carbonate d’éthyle méthyle (EMC) et de quatre additifs : le biphényle (BP), le
306
12. Caractérisation microstructurale et physico-chimique des matériaux de batterie
carbonate de vinylène (VC), le carbonate de fluoroéthylène (FEC) et le 1,3-propane sultone (1,3-PS). Après vieillissement calendaire à 25 °C, aucune modification dans la composition de l’électrolyte n’est détectée. Par contre, on note, à une température de 45 °C, l’apparition du carbonate de diméthyle (DMC) et du carbonate de diéthyle (DEC) associée à la décomposition de l’EMC. Comparativement à la quantité d’EC, on constate une diminution du biphényle. À 60 °C, on retrouve ces mêmes décompositions auxquelles s’ajoute celle de l’EC, produisant trois composés supplémentaires. Lors du démontage des deux cellules stockées à 45 °C et 60 °C, l’analyse visuelle confirme la présence de bulles de gaz entre les électrodes, associée à la décomposition du biphényle. Ce composé est en effet instable dans les conditions de stockage appliquées (état de charge 100 % et température de 45 °C et plus).
Figure 12 Analyses GC-MS de l’électrolyte pour un élément neuf et vieilli en mode calendaire à 100 % de SOC suivant trois températures : 25 °C, 45 °C et 30 °C [28]. L’axe des abscisses correspond au temps de rétention des solvants dans la colonne.
307
Batteries Li-ion
Bibliographie [1] “Degradation diagnostics for lithium ion cells”, C. R. Birkl, M.R. Roberts, E. McTurk, P. G. Bruce, D. A. Howey, Journal of Power Sources 341 (2017), 373-386. [2]
Source CEA.
[3]
Pile bouton complète : système associant une électrode négative et une électrode positive telle que dans la configuration réelle d’une cellule commerciale. La quantité de lithium échangeable est contenue dans l’une ou l’autre des électrodes et conditionne la capacité de la cellule.
[4] Demi-pile bouton : système associant une électrode face à une électrode de lithium métallique. Cette source de lithium infinie permet de caractériser l’électrode sur toute sa plage de fonctionnement [5] Pile bouton symétrique : appariement de deux mêmes électrodes (soit positive soit négative) au même état de lithiation afin de faire une caractérisation par spectroscopie d’impédance électrochimique. Pour les deux autres assemblables indiqués, le spectre d’impédance comportera la contribution des deux électrodes positive et négative et complexifierait donc son analyse. [6]
Source CEA.
[7] « Microscopie électronique à balayage. Principe et équipement » par J. RUSTE, Techniques de l’ingénieur, Réf. : P865 V3. [8]
“Fast-charging of Lithium Iron Phosphate battery with ohmic-drop compensation method: Ageing study”, X. Fleury, M.H. Noh, S. Geniès, P.X. Thivel, C. Lefrou, Y. Bultel, Journal of Energy Storage 16 (2018), 21–36.
[9] « Spectroscopies de photoélectrons : XPS ou ESCA et UPS » par G. HOLLINGER, Techniques de l’ingénieur, Réf. : P2625 V1. [10] “Surface characterization of catalysts using electron spectroscopies: results of a round-robin sponsored by ASTM committee D-32 on catalysts”, T.E. Madey, C.D. Wagner, A. Joshi, J. Electron. Spectrosc. 10 (1977), 359. [11] a) “Practical Surface Analysis”, T.L. Barr, Chap. 8, Ed. D. Briggs, M.P. Seah, Wiley, New York (1983), b) “An XPS study of Si as it occurs in adsorbents, catalysts, and thin film”, T.L. Barr, Appl. Surf. Sci. 15 (1983), 1. [12] Source CEA. [13] “Failure mechanisms of nano-silicon anodes upon cycling: an electrode porosity evolution model”, E. Radvanyi, W. Porcher, E De Vito, A. Montani, S. Franger, S. Jouanneau Si Larbi, Phys. Chem. Chem. Phys. 16 (2014), 17142-17153. [14] « Étude des métaux par microscopie électronique en transmission (MET) Microscope, échantillons et diffraction » par M. KARLÍK et B. JOUFFREY, Techniques de l’Ingénieur, Réf. : M4134 V1.
308
12. Caractérisation microstructurale et physico-chimique des matériaux de batterie
[15] “Insertion Electrode Materials for Rechargeable Lithium Batteries”, M. Winter, J.O. Besenhard, M.E. Spahr, P. Novak, Advanced Materials 10 (1998), 725-763. [16] Source CEA. [17] « Caractérisation de solides cristallisés par diffraction X » par N. BROLL, Techniques de l’Ingénieur, Réf. : P1080 V2. [18] “Post-Mortem Analysis of Calendar Aged 16 Ah NMC/Graphite Pouch Cells for EV Application”, A. Iturrondobeitia, F. Aguesse, S. Genies, T. Waldmann, M. Kasper, N. Ghanbari, M. Wohlfahrt-Mehrens, E. Bekaert, J. Phys. Chem. C 121(40) (2017), 21865–21876. [19] “In situ X-ray diffraction techniques as a powerful tool to study battery electrode materials”, M. Morcrette, Y. Chabre, G. Vaughan, G. Amatucci, J.-B. Leriche, S. Patoux, C. Masquelier, J.-M. Tarascon, Electrochemica Acta 47 (2002), 3137-3149. [20] Source CEA [20] Source CEA. [21] Source CEA. [22] “Irreversible Capacity Loss of Li-Ion Batteries Cycled at Low Temperature Due to an Untypical Layer Hindering Li Diffusion into Graphite Electrode”, B. Pilipili Matadi, S. Geniès, A. Delaille, C. Chabrol, E. de Vito, M. Bardet, J.-F. Martin, L. Daniel, Y. Bultel, J. Electrochem. Soc. 164(12) (2017), A2374-A2389. [23] Source CEA [24] « Microscopie électronique à balayage. Principe et équipement » par J. RUSTE, Techniques de l’ingénieur, Réf. : P865 V3. [25] Source CEA. [26] “Failure Investigation of LiFePO4 Cells in Over-Discharge Conditions”, H. He, Y. Liu, Q. Liu, Z. Li, F. Xu, C. Dun, Y. Ren, M.-X. Wang, J. Xie, J. Electrochem.Soc. 160(6) (2013), A793-A804. [27] « Couplages chromatographiques avec la spectrométrie de masse. I et II » par P. ARPINO, Technique de l’Ingénieur, Réf. : P1490 V1 et P1491 V1. [28] Source CEA.
309
13 Procédés de fabrication des électrodes et des cellules G. Claude ; N. Mariage ; W. Porcher ; Y. Reynier ; D. Sotta ; F. Rouillon
Ce chapitre décrit les différentes étapes de fabrication des électrodes et des cellules d’accumulateur Li-ion et post Li-ion. Chaque procédé est discuté du point de vue des performances et paramètres critiques.
1
Principes généraux
Le procédé de fabrication des accumulateurs Li-ion, et d’une partie des technologies post Li-ion, dépend dans une grande mesure des propriétés de conduction de l’électrolyte utilisé. En effet, les technologies dites aqueuses utilisant l’eau comme solvant d’électrolyte (Ni-MH, plomb acide) sont limitées en tension à environ 1,5 volt (2 volts pour
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Batteries Li-ion
le plomb grâce à la surtension exceptionnelle d’oxydation de l’eau sur ce métal). Au-delà de cette tension, l’eau s’oxyde sur l’anode (formation d’oxygène) et se réduit sur la cathode (formation d’hydrogène). Pour obtenir des accumulateurs qui fonctionnent entre 3 et 4 V, on utilise des solvants dits organiques, beaucoup plus stables, mais qui présentent des capacités à solubiliser les sels de lithium (ou sodium) très faibles, de l’ordre de 1 mol/L. On aboutit à des électrolytes dont la conductivité est de l’ordre de 10 mS/cm, quand elle peut dépasser 100 mS/cm sur les systèmes aqueux [1]. Cette faible conductivité impose une épaisseur faible pour les électrodes, de 30 à 200 µm habituellement, afin de préserver la puissance délivrée à fort courant. Les systèmes aqueux peuvent a contrario utiliser des électrodes de plusieurs millimètres d’épaisseur, fabriquées par le procédé beaucoup plus rustique d’empâtage. Dans le cas des batteries Li-ion et autres systèmes fonctionnant à plus de 3 V, on est obligé, pour conserver une batterie compacte, d’empiler de multiples couches d’électrodes mises en parallèle électriquement (procédé d’empilage) ou d’enrouler les électrodes autour d’un noyau cylindrique ou prismatique (procédé de spiralage) [2], comme illustré sur la figure 1.
(-)
(+)
Figure 1 Électrodes spiralées (à gauche) ou empilées (à droite).
Les conséquences sur les procédés sont multiples : nécessité de contrôle au micron près de l’épaisseur des couches déposées, de l’alignement des électrodes à moins d’un mm, collecteurs de courant et séparateurs d’épaisseur ne dépassant pas la dizaine de microns pour préserver le rapport matériau actif/inactif dans l’accumulateur qui conditionne la densité d’énergie finale… D’autre part, les composés au lithium (ou, dans le cas des batteries sodium-ion, d’un autre métal alcalin tel que le sodium), présentent une forte réactivité avec l’eau. De ce fait, l’élimination de toute trace d’eau au cours du procédé de fabrication de la batterie est indispensable. Tous les composants de la batterie sont séchés et l’assemblage de ses constituants s’opère généralement dans une salle anhydre. Il en découle un procédé intrinsèquement plus coûteux que pour les systèmes aqueux.
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13. Procédés de fabrication des électrodes et des cellules
2
Formats d’accumulateurs
La désignation normalisée d’un accumulateur Li-ion est un nombre à cinq chiffres dont les quatre premiers définissent les dimensions de l’accumulateur et le dernier sa forme. Dans le cas d’un format 18650, le 0 final indique un accumulateur de forme cylindrique. Les deux premiers chiffres donnent le diamètre : 18 mm. Les deux suivants donnent la longueur : 65 mm. Concernant les formats d’accumulateurs, les grandes longueurs d’électrodes (comprises entre 50 cm et 1 m dans un accumulateur Li-ion spiralé standard 18650 de 3 Ah (figure 2)) constituent également un facteur limitant.
Figure 2 Accumulateur 18650 fabriqué au CEA (18 mm de diamètre pour 65 mm de hauteur).
Compte tenu des épaisseurs des collecteurs de courant, la chute ohmique devient importante au-delà de 50 cm et conduit, par exemple, à placer une connectique à chaque extrémité de l’électrode pour un design de puissance, contre une seule sur un design type énergie [3] (figure 3).
Figure 3 Design d’électrode à 2 connectiques négatives (à gauche) et une connectique (à droite) pour 18650.
Si l’on veut fabriquer un accumulateur de plus grande capacité (longueur d’électrode > 1 m), la reprise de courant devient problématique : il faut multiplier les connectiques internes, ce qui complexifie la mise en œuvre, car de multiples épargnes sur l’électrode deviennent nécessaires pour permettre leur soudure.
313
Batteries Li-ion
Un design empilé (figure 4) est à ce titre plus flexible, mais au prix d’un assemblage plus lent (procédé couche à couche alternatif, au lieu du spiralage continu).
Figure 4 Cellule CEA 16 Ah LFP-G empilée en sachet souple (16 x 90 x 140 mm).
D’autres facteurs déterminent le choix final du format, comme l’échauffement et la sécurité. Plus l’accumulateur est volumineux, plus sa température interne lors d’un passage de courant élevé est importante (Pdissipée = RI²). Il est bien connu que la plupart des batteries vieillissent plus rapidement à température élevée. D’autre part, en fonction du format, cet échauffement est plus ou moins homogène et conduit à un vieillissement lui aussi inégalement réparti, pouvant entrainer une fin de vie encore plus rapide. Ainsi, il peut être favorable pour un accumulateur de puissance de choisir un format prismatique (en emballage souple ou rigide), plutôt que cylindrique, pour limiter l’échauffement au centre de la cellule. Sur la figure 5, deux formats CEA de même capacité (16,5 Ah en LFP-G) sont présentés : le format « 50125 » cylindrique et le format « 25100125 » prismatique. Alors qu’exactement la même longueur d’électrode est embarquée dans ces deux formats, l’épaisseur de la cellule est divisée par deux pour le prismatique, réduisant fortement les gradients de température en cas de fort appel de courant. Enfin, au-delà d’une certaine température (environ 110 °C pour le Li-ion), les couches de passivation présentes sur les électrodes deviennent instables. On peut alors assister à un phénomène d’emballement thermique, au cours duquel la chaleur générée par les réactions exothermiques au sein de l’accumulateur ne peut plus se dissiper assez rapidement, et provoque une augmentation de température qui peut aller au-delà du point de fusion de l’aluminium (660 °C) [4]. Pour toutes ces raisons, une mise en parallèle d’accumulateurs de petite taille est parfois préférable à l’utilisation d’un seul accumulateur de grand volume, plus instable.
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13. Procédés de fabrication des électrodes et des cellules
Figure 5 Accumulateur CEA prismatique (25 x 100 x 125 mm) et 50125 (50 ᴓ x 125 mm) cylindrique.
Plusieurs éléments de sécurité peuvent être intégrés pour limiter ces risques (figure 6) [5,6]. En premier lieu, la plupart des cellules rigides contiennent un évent de sécurité, qui s’ouvre à une pression raisonnable (< 20 bars) en cas de dégagement de gaz, pour éviter une explosion de la cellule. Un coupe-circuit (current interrupt device, CID) peut également être ajouté, il est activé par l’augmentation de pression et permet d’arrêter une surcharge ou une décharge externe incontrôlée. On trouve aussi dans les accumulateurs 18650 un limiteur de courant activé thermiquement (rondelle PTC pour positive temperature coefficicient) : constitué d’un polymère chargé conducteur, sa résistance augmente fortement lorsqu’il chauffe au-delà de sa température de transition vitreuse (généralement environ 125 °C). D’autres éléments participent à la sécurité d’un accumulateur, hormis bien sûr la nature des matériaux actifs. On peut citer, sans être exhaustif, le séparateur (à effet « shutdown » ou recouvert d’un dépôt céramique stable thermiquement), des additifs dans l’électrolyte (par exemple à dégagement de gaz rapide en cas de surcharge pour activer les sécurités mécaniques)… Enfin, du point de vue du fabricant, la perte d’un accumulateur de grande taille en cours de fabrication (plusieurs dizaines d’Ah) entraine un coût plus élevé que la perte d’une cellule de petite taille. La fabrication d’accumulateurs volumineux requiert donc une meilleure maitrise des procédés de mise en œuvre. La fabrication des batteries Li-ion se divise en cinq principales étapes : production des électrodes, calandrage de ces électrodes, assemblage des électrodes et séparateur, addition de l’électrolyte et enfin, activation électrochimique. Pour assurer des performances optimales, toutes ces étapes doivent être réalisées dans un environnement et avec des équipements contrôlés. La cellule est principalement composée d’une électrode négative (anode), d’une électrode positive (cathode) et d’un séparateur, enfermés dans un boitier. La figure 7 décrit les principales étapes de fabrication.
315
Batteries Li-ion
Figure 6 Les éléments de sécurité d’une cellule Li-ion : (en haut) les différents éléments de sécurité au pôle positif de la batterie ; (en bas) fonctionnement de l’évent de sécurité en cas de surpression.
Figure 7 Principales étapes de fabrication d’un accumulateur Li-ion.
316
13. Procédés de fabrication des électrodes et des cellules
3
Méthodes de fabrication des électrodes
3.1
Formulation d’une électrode
Chacune des deux électrodes d’un accumulateur est un mélange composite de plusieurs composants. La matière active est le constituant principal, elle est active électrochimiquement. Elle conditionne la densité d’énergie du système final. On cherche donc à maximiser la fraction massique de matière active dans l’électrode. Un taux de particules de matière active supérieur à 90 % en masse est généralement adopté dans les électrodes produites à l’échelle industrielle. Les autres constituants sont dits « inactifs » du point de vue électrochimique, mais apportent des propriétés complémentaires à l’électrode. Un ou plusieurs conducteurs électroniques sont ajoutés pour améliorer la conduction électronique dans l’épaisseur de l’électrode. Un optimum, appelé seuil de percolation, est recherché afin de connecter l’ensemble des particules de matière active. Ces conducteurs sont généralement des matières carbonées (noirs de carbone, graphites) présents sous forme de fines particules ou de fibres. Des liants polymères sont également ajoutés pour apporter des propriétés mécaniques à l’électrode composite. Ils doivent permettre une bonne cohésion des matériaux entre eux, ainsi qu’une adhésion suffisante de l’électrode sur son collecteur de courant. Des propriétés supplémentaires de souplesse sont recherchées pour permettre le bobinage des électrodes lors de la phase d’assemblage de l’accumulateur. Enfin, ces polymères jouent un rôle important dans la mise en œuvre de l’encre en participant à la dispersion des constituants. Les polymères candidats répondant à ces critères, et étant également stables vis-à-vis de l’électrolyte, sont relativement peu nombreux. Deux principales voies ont été retenues dans l’industrie. La première consiste à utiliser des polymères fluorés, comme le polyfluorure de vinylidène (PVDF), du fait de leur excellente stabilité chimique et électrochimique. C’est la solution retenue pour fabriquer les électrodes positives car ils sont peu sensibles aux dégradations par oxydation à haut potentiel. La mise en encre avec du PVDF nécessite néanmoins l’utilisation de solvants organiques comme la N-méthylpyrrolidone (NMP) qui pose des questions en termes de coût (solvant et recyclage) et de santé (la NMP est reprotoxique). Une autre piste consiste à disperser les constituants de l’encre dans l’eau à l’aide de polymères hydrosolubles. C’est une solution retenue à l’échelle industrielle pour fabriquer des électrodes négatives à base de graphite. Dans ce cas, les liants polymères sont par exemple la carboxyméthylcellulose (CMC), pour ses excellentes propriétés de dispersion, ainsi que des polymères de type latex synthétiques, qui apportent la souplesse.
3.2
Réalisation d’une encre
La première étape, pour la réalisation d’une électrode, consiste à mélanger les différents constituants de manière homogène. La solution la plus souvent retenue est un mélange en voie liquide : la matière active, les conducteurs électroniques et les polymères sont dosés et incorporés successivement dans un solvant pour former une suspension épaisse appelée encre (figure 8). Les solvants utilisés sont ceux qui
317
Batteries Li-ion
permettent la dissolution des polymères, c’est-à-dire la NMP, ou l’eau, à l’échelle industrielle. Le ratio entre la masse de matière sèche effectivement présente dans l’encre et la masse totale de celle-ci est appelé extrait sec. Dans les procédés classiques d’enduction à l’échelle industrielle, on cherche à maximiser l’extrait sec des encres (limiter leur teneur en solvant) afin de simplifier les étapes de séchage des électrodes par la suite.
Figure 8 Principe de réalisation des encres et électrodes.
3.2.1
Procédé de mélange
Les matières actives et les conducteurs étant sous forme pulvérulente (avec une surface spécifique élevée pour les seconds), il est nécessaire d’appliquer une étape de dispersion vigoureuse à l’encre afin de mouiller l’ensemble des poudres et de briser les agglomérats [7]. Ceci est réalisé dans des mélangeurs de type « batch » constitués d’une cuve et d’un ou plusieurs axes motorisés plongeant dans l’encre. Il existe une grande variété d’axes possibles, les plus répandus étant les axes en centre de cuve avec un outil de dispersion de type défloculeur (disperseurs/homogénéisateurs), ou des axes double hélice balayant l’ensemble du volume de la cuve (mélangeurs planétaires). Des cuves double paroi avec un liquide de refroidissement sont utilisées afin de limiter l’échauffement au cours de la dispersion de l’encre. Des cuves étanches sont parfois adaptées pour des mélanges sous atmosphère contrôlée ou pour éviter l’incorporation de gaz dans le volume.
3.2.2
Contrôles de l’encre
Plusieurs paramètres critiques tels que la granulométrie de l’encre et ses propriétés rhéologiques sont suivis au cours de la fabrication et conditionnent son utilisation
318
13. Procédés de fabrication des électrodes et des cellules
ultérieure lors de la phase d’enduction. Un moyen simple de contrôle est la jauge de finesse qui permet d’estimer la taille maximale des agglomérats de particules contenus dans l’encre après dispersion. Des tailles inférieures à 50 µm sont généralement recommandées afin que l’encre puisse être utilisable au cours du procédé. Si le contrôle de finesse n’est pas satisfaisant, il est nécessaire de poursuivre la dispersion de l’encre dans le mélangeur ou bien d’utiliser des outils « d’affinage » qui brisent les agglomérats restants. Les propriétés rhéologiques de l’encre déterminent le comportement de l’encre lors de son enduction. Il est généralement nécessaire d’utiliser des encres avec un caractère rhéofluidifiant, c’est-à-dire que la viscosité diminue lorsque le taux de cisaillement augmente. Une viscosité faible à fort taux de cisaillement (par exemple de l’ordre de 2 Pa.s à 100 s–1) assure un écoulement laminaire de l’encre dans les outils d’enduction (slot dies notamment). En contrepartie, la viscosité plus élevée au repos permet de « figer » l’encre sur son collecteur après le dépôt, ce qui évite les défauts de type coulure et les inhomogénéités de grammage. En pratique, les mesures de viscosité sont réalisées avec des équipements tels que des viscosimètres ou des rhéomètres.
3.3
Électrodes
L’étape de réalisation des électrodes consiste à enduire un mélange de matière active, conducteur électronique, liant polymère et solvant, sur les deux faces d’un collecteur de courant. Pour l’électrode positive, on utilise un collecteur en aluminium, matériau bon conducteur électronique, principale propriété recherchée, relativement peu cher, et stable dans la fenêtre de potentiel de l’électrode positive [3 - 4,5 V]. Cette stabilité n’est cependant pas intrinsèque, mais due à la passivation par ALF3 produite par oxydation du sel de lithium de l’électrolyte (LIPF6) lors de la première charge de l’accumulateur [8,9]. En outre, sa faible densité (2,7 g/cm3) limite la part de masse inactive dans la cellule. L’épaisseur du collecteur est actuellement comprise entre 20 et 12 µm. Il faut en effet minimiser cette valeur pour augmenter la densité d’énergie, mais on se heurte à des limites de tenue mécanique, particulièrement au moment du calandrage (casse possible du collecteur). Un collecteur de cuivre, de 7 à 15 µm d’épaisseur est utilisé pour l’électrode négative. Il possède une très bonne conductivité électrique, mais est plus coûteux et dense (8,9 g/cm3) que l’aluminium. Si l’utilisation du cuivre est le plus souvent nécessaire en lieu et place de l’aluminium, c’est parce que l’aluminium forme un alliage avec le lithium entre 0,3 et 0 V vs. Li [10], ce qui a pour effet de rapidement dégrader l’intégrité du collecteur de courant. Tel est par exemple le cas lorsque l’électrode négative utilisée est à base de graphite, dont le potentiel est inférieur à 0,3 V vs. Li. En revanche, de l’aluminium peut être utilisé lorsque des composés actifs tels que des titanates (LTO : 1,5 V vs. Li) sont utilisés à l’anode.
319
Batteries Li-ion
Figure 9 Principe de réalisation d’une électrode depuis le mélange des différents composants.
L’enduction se fait généralement au moyen d’une filière (slot-die, figure 10), ou de transfert sur rouleau (roll to roll) qui permet un dépôt homogène et un contrôle continu de l’épaisseur enduite.
Figure 10 Procédé d’enduction par slot die.
La quantité de matière active déposée exerce une influence considérable sur les performances de la batterie ; par conséquent la maitrise de cette quantité déposée et de ses caractéristiques mécaniques est cruciale. Le séchage s’opère en faisant passer les électrodes dans un four. Celui-ci doit être effectué de façon progressive pour éliminer toute trace de solvant et ne pas générer de trop fortes contraintes au cours de son évaporation (effet de « terre craquelée »…). Historiquement, l’un des polymères les plus utilisés pour la réalisation des encres est le PVDF, reconnu pour ses bonnes propriétés de rhéologie lors de la mise en œuvre, sa stabilité dans la gamme de potentiels de fonctionnement de la batterie et son absence d’interaction avec les autres constituants de la batterie (électrolyte). Malheureusement, la solubilisation de ce polymère ne s’opère qu’avec de la NMP (N-méthylpyrrolidone), qui est un solvant classé CMR. Par conséquent, il est nécessaire de mettre en place un système de récupération et de retraitement de ce solvant lors du séchage. Pour des raisons économiques et environnementales, d’autres alternatives à ce type de solvant sont envisagées, et plus particulièrement d’autres types de liants polymères sur base aqueuse.
320
13. Procédés de fabrication des électrodes et des cellules
3.4
Calandrage
L’enduction étant faite en présence de solvant, l’élimination de ce dernier au cours du séchage génère de la porosité au sein de l’électrode. Cette porosité présente l’intérêt de faciliter l’échange entre les matières actives et les ions lithium de l’électrolyte qui remplit cette porosité, et de permettre ainsi un fonctionnement optimum de la batterie. Le calandrage a pour but de densifier l’électrode pour augmenter la quantité totale de matière active dans un volume donné, tout en permettant encore la diffusion des ions lithium au travers de la porosité ouverte résiduelle. L’étape de calandrage des électrodes se fait par passage entre deux cylindres métalliques (laminoir) pour appliquer une contrainte en compression sur l’enduction de l’ordre de plusieurs centaines de MPa. Outre l’ajustement de la porosité, cette étape apporte généralement une amélioration des caractéristiques mécaniques de l’électrode : adhésion de l’enduction sur le collecteur et souplesse. Les électrodes ainsi constituées doivent ensuite pouvoir subir les étapes d’assemblage ; celles-ci nécessitent généralement de bonnes propriétés d’adhésion de l’enduction sur le collecteur et de souplesse de l’enduction pour résister aux contraintes mécaniques d’enroulement. Un procédé répandu de mesure d’adhésion consiste à effectuer le pelage d’un ruban adhésif appliqué sur la surface du dépôt. La force d’arrachement, mesurée en N/m, fournit une indication des propriétés mécaniques : une valeur de plusieurs N/m est indispensable pour assurer une bonne mise en œuvre pendant l’assemblage. La flexibilité peut être évaluée en pliant l’électrode sur des mandrins de différents diamètres (de l’ordre de quelques millimètres).
4
Méthodes de fabrication des cellules
4.1
Étape de refente
Suivant le format et le design de la batterie, les deux électrodes (cathode et anode) sont découpées à la largeur souhaitée, très généralement, au moyen d’un équipement appelé « refendeuse » par un système de couteau et contre couteau. Cette méthode est utilisée en milieu industriel pour toutes les batteries dites spiralées. D’autres moyens de découpe existent également, tels que la découpe laser, pour des applications de type laboratoire, ou la découpe par poinçonnage, très utilisée pour la technologie d’empilage.
4.2
L’assemblage
L’empilage, ou le « stacking », est une méthode d’assemblage consistant à intercaler successivement un séparateur au milieu d’une feuille de cathode et d’une feuille d’anode.
321
Batteries Li-ion
Les feuilles d’électrodes positive et négative sont entreposées dans deux magasins distincts. Comme l’illustre la figure 11, elles sont déposées alternativement sur un poste central avec une bobine de séparateur recouvrant chaque feuille. Une fois l’empilage terminé, un poste de finition permet d’enrouler le séparateur autour du cœur électrochimique afin d’assurer un bon maintien mécanique. L’ensemble ainsi formé est envoyé à l’étape suivante via un convoyeur ou autre.
Figure 11 Machine d’empilage (Image Heddergott/TUM).
Figure 12 Principe de fonctionnement de l’assemblage par empilement [11].
322
13. Procédés de fabrication des électrodes et des cellules
La méthode d’assemblage la plus utilisée dans l’industrie reste le spiralage visant à bobiner ensemble la cathode, un séparateur, l’anode et un deuxième séparateur, comme l’illustre la figure 13.
Figure 13 Assemblage d’un cœur électrochimique par la méthode de spiralage.
Le cœur électrochimique ainsi assemblé est disposé dans un emballage souple ou rigide en fonction de l’application visée. L’emballage souple est constitué d’un feuillard d’aluminium (pour assurer l’étanchéité à l’humidité) laminé avec des polymères différents sur chacune de ses faces : en général polypropylène sur une face, et polyamide sur l’autre, le but étant que la température de fusion de l’un soit bien inférieure à celle de l’autre pour permettre le thermo-scellage. Cet emballage est préformé si besoin au format de la cellule. Le cœur électrochimique est placé entre deux feuillards en prenant soin de sortir les bornes positive et négative pour la reprise de contact. Les deux feuillards sont ensuite thermo-scellés entre eux en laissant une ouverture pour introduire l’électrolyte. L’emballage rigide est couramment fabriqué en aluminium ou en fer nickelé. Le choix est basé sur de multiples critères : la résistance chimique à l’électrolyte, la compatibilité galvanique avec les collecteurs de courant de la cellule, la masse du matériau, sa soudabilité, son coût, sa tenue mécanique… Contrairement à une enveloppe souple, un godet rigide embarque souvent des éléments de sécurité, en particulier un évent qui s’ouvre en cas d’évènement abusif pour éviter l’explosion de l’accumulateur, et un coupe-circuit qui empêche le passage du courant en cas de surpression interne.
4.3
Le remplissage
La dernière étape de fabrication d’une batterie lithium-ion, avant la formation de la cellule, est le remplissage. Elle consiste à ajouter un électrolyte au sein de la cellule avant de la fermer hermétiquement, par thermo-scellage, rivetage ou soudure. Pour faciliter la pénétration de ce liquide visqueux, cette étape est réalisée sous vide.
323
Batteries Li-ion
L’électrolyte est le liquide permettant aux ions lithium de se déplacer entre la cathode et l’anode. Il est composé usuellement d’un sel de lithium LiPF6 dissous à environ 1 mol/L dans un mélange de solvant carbonates (EC, PC, DMC…) et d’additifs (VC, FEC, LiTFSi,…).
4.4
La formation
Une fois l’assemblage effectué et la cellule fermée hermétiquement, la formation vise en particulier à contrôler la première charge électrique. Au cours de cette étape, une couche de passivation se forme à la surface de l’électrode négative, son potentiel étant inférieur au domaine de stabilité de l’électrolyte. La qualité de cette couche de passivation détermine en grande partie la durée de vie de l’accumulateur. Pour l’optimiser, des additifs sont présents dans l’électrolyte, le plus courant étant le carbonate de vinylène (VC) pour les batteries Li-ion à base de graphite [12]. Chaque fabricant ajuste les paramètres de formation (densité de courant, température, tensions, temps de repos) en fonction de l’accumulateur et de la technologie [13]. Par exemple, comme la formation de la couche de passivation génère des gaz (CO2, H2…), dans le cas d’une cellule en emballage souple, ceux-ci doivent être évacués après une première étape de formation, et l’accumulateur rescellé. Au contraire, pour une cellule rigide, le gaz reste la plupart du temps à l’intérieur du godet et génère une augmentation de pression qu’il faut prendre en compte (présence d’un volume mort approprié). À l’issue du premier cycle, on effectue généralement une caractérisation électrique (résistance interne, capacité à régime nominal), puis une caractérisation d’autodécharge (mesure de la perte de capacité en circuit ouvert) qui est d’autant plus longue que l’application visée est critique : plusieurs semaines peuvent être nécessaires pour discriminer une cellule conforme d’un rebut. Certains fabricants, sur la base de ces résultats, trient les cellules par lots en fonction de leurs qualités.
5
Composition des cellules et éléments de coût
Au sein d’un pack batterie, les matériaux constitutifs des cellules représentent environ les deux tiers de la masse globale du pack (figure14) [14]. Au niveau de la cellule, les matériaux prépondérants en masse sont d’une part, le matériau actif de cathode, et d’autre part, le cuivre et l’aluminium utilisés comme collecteurs et boitiers. Le coût d’une cellule Li-ion est compris, en 2016, entre 150 et 700 € du kWh [15]. Cet écart important est associé en premier lieu au format de la cellule, avec un coût plus faible pour les éléments standards comme les cylindriques 18650 et 21700. Les cellules typées pour les applications haute puissance comme le véhicule hybride sont plus onéreuses, car leur contenu en énergie est plus faible par unité de masse (car le ratio matière active/inactive est moins favorable).
324
13. Procédés de fabrication des électrodes et des cellules
Figure 14 Composition générique des batteries de traction : (à gauche) batterie 80 % NMC – 20 % NCA ; (à droite) batterie LFP.
Le coût d’une cellule Li-ion se distribue entre la part associée aux matériaux constituant la cellule et celle liée à sa réalisation, depuis la réalisation de l’encre jusqu’à la formation de la cellule. Pour une cellule Li-ion dédiée au véhicule électrique, avec une conception dite « énergie », la part des matériaux représente 40 à 60 % de son coût suivant la capacité de production, et même jusqu’à 75 % pour les éléments standards cylindriques produits à plusieurs dizaines de millions de pièces par mois. Le matériau actif de la cathode contribue pour la plus grande part au coût des constituants, avec un prix compris entre 25 et 30 $/kg pour les matériaux de type NMC, LCO et NCA. Pour le procédé, c’est l’étape d’enduction qui est la plus coûteuse (30 %), aussi bien en dépréciation qu’en énergie.
6
Procédés en développement/perspectives
Pour les technologies Li-ion, deux besoins poussent les évolutions de mise en œuvre : la diminution des coûts d’une part, pour alimenter les marchés de masse émergents tels que le véhicule électrique, et d’autre part, l’impact environnemental de la production intégrant la réduction des matériaux critiques tels que le cobalt, le nickel ou le graphite naturel. La tendance est donc à l’augmentation de cadence des machines, en élargissant par exemple les laizes d’électrodes acceptables (aujourd’hui produites sur feuillard allant jusqu’à 1200 mm de large). On cherche aussi à minimiser les rebuts en tirant parti du maximum d’électrodes produites. Les procédés de mise en œuvre en solvant aqueux sont privilégiés par rapport au solvant NMP utilisé avec les liants PVDF, aujourd’hui standard pour les cathodes.
325
Batteries Li-ion
Les nouvelles technologies d’accumulateurs émergentes nécessitent pour la plupart le développement de nouveaux procédés de mise en œuvre. Par exemple, pour les accumulateurs de type Li-air ou Li-soufre, et la plupart du temps pour les technologies à électrolyte tout-solide, un feuillard de lithium doit être intégré en tant qu’électrode négative. Son épaisseur ne dépassera pas la centaine de microns (10 µm de Li correspond à 2 mAh/cm²), rendant la manipulation de l’électrode délicate. En outre, la reprise de courant par soudure doit être adaptée. Dans le cas des technologies « tout-solide », de multiples verrous sur les procédés sont identifiés à ce jour, et doivent être surmontés pour permettre le développement de ces nouveaux concepts. Outre les problématiques d’interface entre les constituants, on peut citer, à titre d’exemple, la sensibilité de certains électrolytes à l’air, la nécessité de compacter les électrodes pour supprimer toute porosité, ou encore la difficulté à réaliser une membrane séparatrice à la fois homogène et fine (quelques dizaines de microns au maximum) sur de grandes surfaces [16].
7
Conclusion
La fabrication d’accumulateurs à base d’électrolyte organique nécessite une grande maitrise des procédés. Ce précieux savoir-faire est bien souvent non divulgué par les fabricants. Le contrôle de la qualité des produits est d’autant plus primordial que leur sécurité de fonctionnement en découle directement. Les nouvelles technologies à haute densité d’énergie en développement qui, pour la plupart, utilisent du lithium métallique ne feront qu’accentuer cette tendance.
Bibliographie [1]
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327
14 Système batterie et gestion associée - BMS L. Garnier ; J. Dauchy ; D. Chatroux ; D. Gevet ; G. Despesse
Un système batterie n’est pas uniquement un assemblage de cellules reliées en série/parallèle. Pour être exploité en toute sécurité, cet assemblage doit être associé à des éléments électromécaniques et à une électronique de gestion (appelée usuellement BMS). Ce BMS (Battery Management System) assure certaines fonctions de sécurité, l’équilibrage, la gestion thermique du pack batterie, mais est également capable d’estimer les états du pack batterie (état de charge, état d’énergie, état de santé). Certains systèmes batteries innovants peuvent intégrer davantage de fonctions, comme des fonctions chargeur/onduleur, ou encore des fonctions de distribution d’énergie vers un réseau auxiliaire.
329
Batteries Li-ion
1
Architecture d’un système batterie
Un besoin en énergie pour un pack batterie se traduit généralement par un profil de mission s’exprimant sous la forme d’une puissance délivrée en fonction du temps. On obtient alors le type de graphe illustré sur la figure 2, sur lequel on peut voir les phases de charge et de décharge. L’intégrale de la puissance en fonction du temps donne l’énergie consommée ou fournie par le pack batterie. Elle est usuellement exprimée en kWh ou Wh (Wh = Ah x Volts). Pour un pack présentant un niveau de tension donné, une capacité correspondante (Ah) est consommée ou fournie, ce qui se traduit par un état de charge du pack batterie (SOC pack = State of Charge du pack).
Figure 1 Association série parallèle.
Figure 2 Énergie délivrée en fonction du profil de puissance - tension, courant et SOC (State of Charge) du pack batterie.
Un pack comportant moins de cellules en série offre une tension plus faible, mais il reste possible de répondre au même besoin énergétique global en assemblant davantage de cellules en parallèle, ce qui permet de fournir un courant plus important.
330
14. Système batterie et gestion associée - BMS
Il existe donc différents types d’association série/parallèle d’accumulateurs répondant à un même besoin en énergie, identifiés par l’expression « pack batterie xSyP » (figure 1), dans laquelle x est le nombre de cellules montées en série et y le nombre de cellules montées en parallèle. Le nombre x peut être très élevé si la tension est importante, le pack batterie est alors souvent divisé en modules unitaires (figure 3) de tension réduite (inférieure à 60 V). Le principal intérêt de ce type d’assemblage est de permettre de travailler tout au long du processus de fabrication avec des modules de type TBT (Très Basse Tension) ne présentant pas de risque d’électrisation pour l’opérateur. On limite ainsi la durée de travail sous tension dangereuse, confinée à la mise en série des modules lors de l’assemblage final.
Figure 3 Assemblage cellules, modules, pack.
Une fois terminé l’assemblage des cellules en modules, puis des modules en pack, le système complet n’est pas encore achevé. Il doit encore intégrer de nombreux autres dispositifs auxiliaires tels que : • Un BMS (Battery Management System) qui a pour principale fonction la gestion de la sécurité du pack batterie. Celui-ci nécessite l’utilisation de différents types de capteurs (température, courant, tension, éventuellement pression…). • Une « Junction Box » dans laquelle on trouve des contacteurs, des fusibles et un système de précharge pour éviter les appels de courant trop importants à la fermeture des contacteurs. • Un carter ou casing qui assure le maintien mécanique, l’isolation électrique et parfois thermique du pack batterie. • Un « service plug » utilisé pour sectionner électriquement le pack avant intervention sur le véhicule. • Une prise de type IP2X permettant de se connecter vers l’extérieur. • Un système de refroidissement du pack batterie afin d’évacuer les pertes thermiques par effet Joule lors de la charge ou la décharge de la batterie. Selon les usages, la gestion thermique du pack peut être soit assurée grâce à un système de circulation d’air (exemple de la Renault ZOE), ou d’un fluide de refroidissement (exemple de la Tesla S).
331
Batteries Li-ion
L’ensemble de ces éléments, détaillés par la suite, constituent un Système Batterie (figures 4 et 5).
Figure 4 Constitution du système batterie de la Renault ZOE.
Figure 5 Exemples de modules et packs batterie.
2
Système batterie dans son environnement
Un système batterie peut être utilisé pour différents types d’application (secours, traction, groupe électrogène…). Il s’interface avec une source (souvent un chargeur) et des charges qui sont des convertisseurs, des moteurs, des résistances… Le système batterie n’est donc pas seul dans son environnement. D’un point de vue électrique, on distingue sur le système batterie deux types de liaison à la masse mécanique.
332
14. Système batterie et gestion associée - BMS
2.1
Pôle « moins » du pack relié à la masse mécanique
C’est le type d’architecture utilisé pour les batteries 12 volts du « réseau accessoire » dans les véhicules à motorisation thermique ou électrique. Le pôle « moins » de la batterie est relié au châssis du véhicule qui assure le retour du courant. Un défaut d’isolement sur le circuit conduit directement à un court-circuit.
2.2
Pack batterie isolé de la masse mécanique
Les systèmes batterie pour la traction (figure 6), qui présentent des tensions plus importantes, sont quant à eux généralement isolés du châssis. La différence est importante, puisqu’un premier défaut d’isolement ne conduit pas à un court-circuit, mais à la production d’un faible courant de fuite vers la masse, qui n’aura pas d’impact fonctionnel. La continuité de service « au premier défaut » reste assurée : un véhicule en pleine accélération, par exemple, n’est pas contraint de stopper immédiatement, et peut continuer à rouler. Le défaut est détecté grâce à un contrôleur d’isolement et l’utilisateur est averti qu’il doit amener le véhicule chez le garagiste pour corriger ce défaut.
Figure 6 Pack batterie dans son environnement.
Il existe différents types de contrôleur d’isolement. Les plus simples utilisent un pont diviseur haute impédance dont le point milieu est relié à la masse via une
333
Batteries Li-ion
mesure ou une détection de courant qui est ici un photocoupleur. Le système batterie étant isolé de la masse mécanique, c’est le contrôleur d’isolement qui référence de manière symétrique les potentiels positif et négatif par rapport à celle-ci. Pour un pack batterie 400 V par exemple, on a, en régime normal, une polarité à + 200 volts et une polarité à – 200 volts : aucun courant ne circule dans la diode du photocoupleur. Si un défaut apparaît, un courant de fuite s’établit. Celui-ci passe dans la diode du photocoupleur, qui s’allume, permettant à la carte de contrôle de détecter le défaut.
2.3
Impact de l’isolation ou non du pack batterie sur le choix des chargeurs
On trouve sur le marché deux types de chargeurs : • des chargeurs isolés avec une barrière d’isolation de quelques kV (2 à 5 kV en général) ; • des chargeurs non isolés. Les chargeurs non isolés peuvent, en fonction des gammes de tension, être moins chers et plus compacts. Il convient cependant d’être vigilant quant à leur utilisation : il n’est pas possible de les utiliser sur une batterie reliée à la masse mécanique. Sur un régime de neutre standard (TT), un courant à la terre entraine immédiatement le déclenchement du disjoncteur différentiel situé en amont. Avec un pack batterie isolé de la masse mécanique, leur utilisation est possible. Cependant, pendant la charge, il convient de noter que, d’une part, les contrôleurs d’isolement peuvent être perturbés, et que d’autre part, un premier défaut sur le circuit entraine un court-circuit. Des cas particuliers, dépendant notamment des régimes de neutre, existent, mais en régime TT (neutre standard) les principales informations peuvent être résumées dans la figure 7.
Figure 7 Conséquence d’un défaut d’isolement en fonction de l’isolation, ou non, du chargeur de batterie.
334
14. Système batterie et gestion associée - BMS
3
Éléments de puissance associés au pack batterie
Comme cela a été vu précédemment, pour assurer la gestion et la sécurité électrique d’un pack batterie, des éléments de puissance doivent être implantés au plus proche des accumulateurs. Les principaux éléments concernés sont schématisés sur la figure 8.
Figure 8 Schéma électrique d’un système batterie.
3.1
Conducteurs/fils
Les conducteurs sont les éléments qui permettent de faire transiter l’énergie électrique entre la batterie et l’extérieur du pack. Ils doivent être correctement dimensionnés par rapport au courant maximum et au courant nominal qu’ils doivent supporter. L’échauffement généré par le passage du courant électrique au travers des conducteurs doit être correctement évacué vers l’extérieur du système. En cas de surchauffe, il existe un risque de feu à cause, principalement, de l’isolant présent autour des conducteurs, qui peut s’enflammer et bruler. Les conducteurs peuvent présenter plusieurs formes : barres, câbles, circuits imprimés, clinquants… Ils peuvent également être de différentes natures en fonction des performances attendues : cuivre, aluminium…
335
Batteries Li-ion
3.2
Fusibles
Comme mentionné précédemment, un conducteur peut surchauffer s’il n’est plus capable d’évacuer suffisamment rapidement la chaleur engendrée par le courant électrique. Un fusible (figure 9) est un composant conçu pour fondre et ouvrir physiquement le circuit électrique en cas de dépassement du courant circulant dans les conducteurs par rapport à leur calibre. Il est dimensionné pour protéger les conducteurs et selon plusieurs caractéristiques : • le calibre correspond au courant que peuvent supporter les conducteurs en continu sans surchauffe. • le pouvoir de coupure : en court-circuit, du fait de sa faible résistance interne, une batterie peut délivrer plusieurs milliers d’ampères. Le fusible doit pouvoir couper l’arc électrique provoqué et stopper le courant. • la tension à ses bornes : une fois fondu, le fusible doit être capable de « tenir » à ses bornes la tension totale du pack batterie. Il est préférable de placer deux fusibles aux deux polarités du pack batterie. Ainsi on s’affranchit du risque de court-circuit pouvant se produire entre l’un des potentiels internes du pack batterie et l’un des deux potentiels « plus » et « moins » du pack batterie au sein du pack ou au niveau du circuit extérieur.
Figure 9 Fusible.
3.3
Contacteurs
Les contacteurs (figure 10) sont des composants pilotés, capables d’ouvrir et de fermer le circuit électrique. Dans la plupart des packs batterie on place deux contacteurs de puissance en série avec les polarités « plus » et « moins » du pack batterie. Cela permet de déconnecter et de découpler la source d’énergie du système. De plus, lorsque le système est au repos, il est intéressant, grâce à ces composants, de pouvoir déconnecter totalement la batterie de manière à garantir qu’il n’y ait pas de décharge anormale de celle-ci. Les contacteurs sont souvent pilotés par l’ordinateur de bord du véhicule ou directement par le « BMS ». Ils doivent être dimensionnés pour « tenir » la tension totale du pack batterie et pour pouvoir couper le courant maximal qui y transite. Du fait de la difficulté d’extinction des arcs en courant continu, les contacteurs sont classiquement étanches, la coupure s’effectuant sous vide ou dans un gaz sous une pression contrôlée. Certains contacteurs sont polarisés : ils
336
14. Système batterie et gestion associée - BMS
peuvent couper le courant spécifié uniquement dans un seul sens. Dans l’autre sens, leur pouvoir de coupure est bien inférieur.
Figure 10 Contacteurs de puissance.
3.4
Précharge
Le système de précharge est obligatoire dès lors que des capacités de fortes valeurs sont présentes dans les équipements à alimenter du véhicule. Par exemple, les capacités de filtrage de l’onduleur moteur, du chargeur, ou encore du convertisseur haute tension vers basse tension du réseau accessoire. Une connexion franche d’une batterie sur une capacité de forte valeur déchargée revient transitoirement à créer un court-circuit sur la batterie. Des milliers d’ampères circulent alors dans les conducteurs, et les contacteurs ne sont pas aptes à les supporter. Ce type de défaut se traduit la plupart du temps par une destruction des composants, et notamment par la soudure des contacts des contacteurs. Pour limiter le courant lors de la connexion de la batterie sur les capacités présentes sur le circuit, on utilise un circuit limiteur de courant qui permet de maitriser le courant de charge de ces capacités. Une fois les capacités correctement chargées, le circuit de précharge est shunté par le contacteur de puissance associé. Le limiteur de courant est souvent une résistance de puissance car c’est un composant simple et peu cher. Il est souhaitable d’associer des surveillances au circuit de précharge pour ne fermer le contacteur de puissance que si l’écart de tension résiduel est suffisamment faible, et pour ne pas détruire la résistance en cas de présence d’un court-circuit sur le réseau à alimenter. Il existe également des limiteurs de courant à base de convertisseurs.
3.5
Connecteurs
Le connecteur de puissance (figure 11) est l’interface électrique entre la batterie et le système. Sur une batterie de puissance de véhicule, il est de couleur orange pour être reconnaissable par les services de sécurité. Le connecteur doit être dimensionné pour supporter le courant maximal délivré ou absorbé par la batterie. De plus, il doit tenir la tension totale de la batterie entre ses bornes, avec toutes les marges de sécurité imposées par les normes de sécurité électrique. Pour garantir la sécurité des
337
Batteries Li-ion
personnes, il doit être d’indice de protection « 2X », c’est-à-dire qu’il doit assurer qu’il n’est pas possible de toucher les contacts électriques du connecteur avec les doigts.
Figure 11 Connecteurs IP2X.
3.6
Sectionneur
Dans la mesure du possible il est préférable d’intégrer un sectionneur dans le pack batterie. Le sectionneur (figure 12) est un équipement qui permet d’ouvrir physiquement le circuit électrique. L’ouverture est visible et permet de garantir l’absence de tension sur le connecteur de la batterie et sur le circuit extérieur. Ainsi, une opération de maintenance peut être effectuée en toute sécurité. De même que pour le connecteur, il doit être facilement accessible et de couleur orange.
Figure 12 Sectionneur.
Cette liste n’est pas exhaustive et peut varier selon les applications et les besoins.
4
Un BMS aux multiples fonctions
Le BMS (Battery Management System) est l’intelligence associée au pack batterie. Le BMS est une électronique en charge de plusieurs fonctions, dont la principale est d’assurer la sécurité du pack batterie. Après avoir présenté l’architecture électronique du BMS, ses fonctions seront décrites, à savoir : • la gestion de la sécurité pendant les différents états du pack batterie (charge et décharge) ; • la gestion des états du pack batterie (SOC, SOE, SOH) ;
338
14. Système batterie et gestion associée - BMS
• l’équilibrage des cellules pour pallier les possibles dispersions des cellules entre elles ; • la communication avec l’extérieur ; • et, s’il y a lieu, la gestion thermique du pack batterie.
4.1
Différentes architectures électroniques de BMS
On trouve deux types d’architectures électroniques BMS (figure 13) : les architectures centralisées, pour lesquelles toutes les mesures (tensions, températures…) sont rapportées sur une même carte électronique ; et les architectures décentralisées, organisées de manière modulaire. • Le BMS centralisé présente l’avantage de la simplicité – d’un point de vue électronique –, et l’inconvénient de la complexité – au niveau du câblage. Dans le cas d’un pack batterie comportant un grand nombre de cellules, toutes les mesures portées aux potentiels sont à ramener sur une même carte. Il en résulte alors un faisceau de câbles complexe et des risques associés élevés de court-circuit entre ces fils. • Le BMS modulaire est organisé de manière décentralisée. Les mesures se font au niveau de chaque module (MMU = Module Management Unit). Le câblage est alors local, et les informations sont ensuite renvoyées via un bus de communication, isolé galvaniquement, à un PMU (Pack Management Unit). Le contrôle s’étend jusqu’au niveau de la cellule grâce à un CMU (Cell Management Unit). Les risques de court-circuit entre les câbles sont limités, car ceux-ci ne sont présents qu’au sein des modules. Du fait de l’isolation galvanique, il n’existe aucun risque de court-circuit au niveau des câbles de communication entre modules.
Figure 13 Architecture électronique d’un BMS.
Bien qu’il n’existe aucune règle, dans la pratique, les BMS centralisés sont plutôt utilisés sur les packs batterie de faible tension (12, 24 ou 48 volts) et de faible puissance ; tandis que les BMS modulaires sont utilisés pour les packs batterie de haute tension (entre 300 et 700 volts) et de plus forte puissance. Dans la suite du
339
Batteries Li-ion
document, le cas du BMS modulaire est évoqué. Celui-ci est un peu plus complexe d’un point de vue architecture électronique. Sur une architecture décentralisée (figure 14), on trouve une carte MMU (Module Management Unit) associée à chaque module, et une carte centrale PMU (Pack Management Unit) associée au pack batterie. Généralement, plusieurs réseaux de communication coexistent : un premier réseau CAN interne permet la communication entre les cartes MMU et les cartes PMU ; et un second réseau CAN externe établit une communication entre le pack batterie (PMU) et l’électronique centrale du véhicule (ECU). Pour s’affranchir des défauts potentiels de communication, un signal hardware redondant appelé « Battery Enable/Disable » est fréquemment implémenté sur les différentes cartes électroniques. Il permet, à lui seul, de déclencher l’ouverture des contacteurs en cas de défaut critique non pris en compte par le bus de communication.
Figure 14 Interfaces ECU, PMU et MMU.
Les cartes PMU et MMU se répartissent les fonctions de management du pack batterie, souvent de la manière suivante. La carte PMU, généralement référencée au potentiel de la masse mécanique assure les fonctions suivantes : • mesure des tensions et des courants du pack ; • calcul des états du pack (SOC, SOE, SOH – que nous verrons plus loin) ; • calcul du courant maximum admissible en charge et décharge en fonction des états du pack, et transfert de cette information à l’électronique centrale ;
340
14. Système batterie et gestion associée - BMS
• gestion des séquences de charge et d’équilibrage ; • parfois, contrôle d’isolement, pilotage des contacteurs et gestion thermique du pack. De son côté, la carte MMU (figure 15), associée à chaque module, assure les fonctions suivantes : • • • •
isolation entre les potentiels des modules et la masse mécanique ; mesure des tensions cellules ; mesure de certaines températures au niveau module ; équilibrage des tensions cellules.
Figure 15 Représentation de la carte MMU.
Pour répondre à ces différentes fonctions, les fabricants de composants électroniques proposent différents composants dédiés au management des batteries Li-ion. Parmi eux, on trouve LinearTechnology, Texas Instruments, Analogdevice, Intersil, Toshiba… qui proposent tous des composants permettant de surveiller entre dix et seize cellules, ce qui constitue un module. L’approche modulaire est déclinée jusqu’au composant électronique de surveillance.
4.2
Gestion de la sécurité du pack batterie
La fonction principale du BMS est la gestion de la sécurité du pack batterie. Plusieurs évènements redoutés [3], classés ASIL (Automotive Safety Insurance Level) C ou D, en suivant la norme ISO 26262, sont à éviter. Ils peuvent conduire à des départs de feu. On peut noter notamment : • la surcharge d’une ou plusieurs cellules du pack batterie – noté ASIL D ; • la surchauffe d’une ou plusieurs cellules du pack batterie – noté ASIL D ; • la décharge profonde d’une ou plusieurs cellules du pack batterie – noté ASIL C. Sur ce dernier évènement redouté, c’est principalement la recharge qui suit une décharge profonde qui peut se révéler critique.
341
Batteries Li-ion
4.3
Gestion des états du pack batterie
Une autre fonction importante correspond à la gestion des états du pack batterie. Le chapitre suivant est dédié à la définition des états et aux algorithmes associés. Les plus connus sont l’état de charge (SOC), l’état d’énergie (SOE) et l’état de santé (SOH).
4.4
Équilibrage du pack batterie
Pour être en mesure de restituer la totalité de l’énergie stockée, un pack batterie doit être équilibré régulièrement. Les rendements faradiques des différentes cellules d’un pack sont tous proches de 100 %, mais présentent, selon la qualité du processus de fabrication, et selon les phénomènes de vieillissement locaux, de légères dispersions. Sans un équilibrage approprié et régulier, l’énergie utilisable du pack batterie décroit progressivement. Pour pallier ce phénomène, un système d’équilibrage des différents étages du pack batterie est mis en place. L’équilibrage consiste à positionner tous les étages de la mise en série au même état de charge. Cette fonction est principalement réalisée en fin de charge, car c’est durant cette phase, au cours de laquelle les écarts d’état de charge donnent lieu à des écarts de tensions accentués, qu’il est le plus simple, grâce aux mesures des tensions de chaque cellule, d’aligner sur la même valeur l’état de charge des différents étages. Le graphe ci-dessous (figure 16) représente les phases de charge et d’équilibrage d’un pack batterie de 320 V environ (96 étages). Les courbes de tension des deux étages présentant les tensions les plus faibles et les plus élevées sont illustrées. Ce sont les deux étages qui seront théoriquement les plus longs à équilibrer. Le séquencement est le suivant : Phase 1 : Le pack batterie est chargé jusqu’à ce que l’une des tensions des étages atteigne une valeur maximum, fixée à 3,6 V dans le cas présent. Phase 2 : Les étages présentant les tensions les plus élevées sont déchargés via des résistances sous un courant de quelques dizaines de milliampères, jusqu’à ce que l’écart de tension entre l’étage le plus chargé et celui le moins chargé soit inférieur à quelques dizaines de millivolts. Cette étape dissipe de l’énergie. On parle alors d’équilibrage dissipatif, contrairement à d’autres types d’équilibrage, appelés équilibrages non dissipatifs. Phase 3 : La recharge est renouvelée jusqu’à atteindre 3,6 V. Phase 4 : On répète la phase 2. Ensuite on répète les phases 3 et 4, jusqu’à ce que l’étage présentant la tension la plus faible présente en fin de charge une tension supérieure à 3,5 V. Le pack batterie est alors équilibré avec des tensions de cellules en fin de charge toutes comprises entre 3,5 et 3,6 V.
342
14. Système batterie et gestion associée - BMS
La durée d’équilibrage dépend principalement du déséquilibre, qui lui-même dépend de la qualité de production des cellules et de l’homogénéité en température (donc en vieillissement) dans le pack batterie. Comme indiqué précédemment, un tel équilibrage est dissipatif, mais du fait des très faibles niveaux de déséquilibre à compenser, les énergies dissipées sont négligeables. L’équilibrage dissipatif est la solution standard utilisée du fait de sa simplicité, de son coût réduit et de sa fiabilité supérieure à celle de solutions à transfert d’énergie à base d’électronique de puissance.
Figure 16 Process d’équilibrage en fin de charge d’une batterie lithium-ion.
4.5
Gestion thermique du pack batterie
Une dernière fonction attribuée au BMS est la gestion thermique du pack batterie, traitée plus précisément dans le chapitre suivant. Par rapport au stockage d’électricité dans des condensateurs, dont la plage de température d’utilisation s’étend de – 40 °C jusqu’à 85 °C, 105 °C ou 125 °C selon les technologies, ou par rapport aux supercondensateurs dont la plage d’utilisation est typiquement – 40 °C à 65 °C, les accumulateurs lithium-ion ont une plage de température de fonctionnement plus réduite, typiquement comprise entre – 20 °C et 60 °C en décharge, et entre 0 °C et 45 °C en charge.
343
Batteries Li-ion
Les températures élevées exercent un impact important sur la durée de vie des cellules, qui peut être réduite à quelques mois. Aux températures négatives, la résistance interne augmente fortement, la capacité des accumulateurs et l’énergie restituée à la décharge chutent fortement. Lors d’une recharge à température négative, la réaction électrochimique de dépôt de lithium métal entre en compétition avec la réaction principale d’insertion des ions lithium dans l’électrode négative à base de graphite. Du fait de cette réaction non réversible créant des pertes de lithium sous forme ionique, la capacité de l’accumulateur diminue. La charge à basse température, surtout si c’est une charge rapide, peut conduire à un vieillissement prématuré de l’accumulateur, c’est pourquoi elle est hors spécification chez de nombreux fabricants. D’autres fabricants commencent à spécifier l’utilisation des accumulateurs à basse température en charge, et définissent un niveau de courant de charge à ne pas dépasser aux différents niveaux de température. L’impact de la température sur les performances et sur le vieillissement est fortement dépendant de la chimie lithium-ion utilisée. Par exemple, pour l’électrode positive, l’oxyde de manganèse est la chimie la plus sensible aux températures élevées du fait d’une dissolution exarcerbée du manganèse dans l’électrolyte. Pour l’électrode négative, le titanate LiTiO2 peut être utilisé à l’anode en lieu et place d’un matériau à base de graphite : il permet d’éviter le dépôt de lithium métal sur l’électrode négative, même en charge rapide à basse température. Par contre, l’énergie stockée est dans ce cas inférieure, puisque la tension entre les électrodes est réduite d’un volt environ. Du fait de la plage de température de fonctionnement limitée des accumulateurs lithium-ion et du fort impact sur la durée de vie observée lorsque l’on se rapproche des températures extrêmes, hautes ou basses, les accumulateurs sont maintenus dans une plage de température réduite par le système dans lequel ils sont utilisés, soit par conditionnement en température du local pour les applications stationnaires ou les stockages de très grande taille, soit par un conditionnement en température du pack batterie pour les applications véhicules. Au niveau thermique, un pack batterie se caractérise par un faible niveau de perte. Par exemple, pour un rendement de 95 %, les pertes ne représentent que 5 % de l’énergie stockée, et une très forte valeur d’inertie thermique, la capacité calorifique étant le produit m.Cp, ou m est la masse et Cp la chaleur massique des constituants des accumulateurs et de la mécanique du pack. La valeur élevée du produit m.Cp donne lieu à une forte inertie du pack, qui est apte à stocker les pertes du pack batterie avec une élévation de température limitée à quelques degrés pour une charge ou une décharge lente, c’est-à-dire typiquement inférieure à un régime de 1 C (décharge ou charge en 1 heure). Ainsi, comme c’était le cas pour les premiers véhicules électriques à base de batterie lithium-ion, le pack batterie peut n’être muni d’aucun refroidissement s’il n’est rechargé qu’en charge lente.
344
14. Système batterie et gestion associée - BMS
Lors du roulage, le pack batterie s’élève en température de quelques degrés, puis il se refroidit lentement lors des phases de charge lente. Par contre, un tel pack est soumis à toutes les variations de température dues à la météorologie. Actuellement, les packs batterie de véhicules électriques sont de plus en plus souvent munis d’un conditionnement en température pour autoriser les charges rapides et augmenter la durée de vie. Les dispositifs suivants sont actuellement utilisés : • Circulation d’air conditionné, le conditionnement de la batterie étant mutualisé avec celui de l’air de l’habitacle. • Circulation d’eau glycolée dans des échangeurs fins qui serpentent entre des accumulateurs cylindriques, ou qui sont placés au contact d’accumulateurs prismatique rigides ou de cellules de type « pouch ». • Circulation de fluide frigorigène dans des échangeurs fins qui sont en contact thermique avec les accumulateurs. La pompe à chaleur du système de conditionnement en température de l’air, de l’eau glycolée ou par contact avec l’évaporateur peut également assurer un réchauffage du pack à basse température par inversion de cycle. Cette fonction peut être réalisée par une résistance électrique, pour simplifier le système et diminuer son coût. Le système de gestion de la température doit répondre à nombreuses contraintes dues au fait que le pack batterie est un équipement électrique contenant des accumulateurs portés à des potentiels différents. Il est indispensable d’assurer une isolation électrique par rapport à tous les accumulateurs fonctionnant en mode nominal, mais aussi en cas de défaut d’un accumulateur, tout en assurant une bonne conduction thermique. Cette isolation doit être robuste mécaniquement et vis-à-vis des vibrations. Dans le cas d’un refroidissement à base d’eau, il ne doit pas y avoir de fuite d’eau venant au contact de potentiels pour éviter tout risque d’explosion dû à l’hydrogène qui pourrait être généré par électrolyse de l’eau. Le refroidissement ne doit pas donner lieu à une condensation de l’humidité de l’air sur les accumulateurs, ni sur les cartes électroniques de gestion. Le pack peut être isolé thermiquement afin d’augmenter sa constante de temps thermique. Ainsi, l’échauffement est ralenti lors des journées chaudes, ainsi que les refroidissements les nuits froides de l’hiver. On limite ainsi l’excursion en température. Il est aussi possible de limiter en valeur basse ou haute la température en fournissant ou en extrayant une faible quantité de chaleur, puisque l’isolation minimise le transfert de chaleur. Par contre, pour un pack isolé, le système de gestion de température doit assurer l’intégralité du transfert de chaleur correspondant aux pertes. Le pack batterie peut aussi utiliser un fluide diélectrique isolant pour assurer à la fois un bon transfert de chaleur avec les accumulateurs, et une isolation électrique élevée, sans compromis entre isolation électrique et conduction thermique comme les isolations solides.
345
Batteries Li-ion
5
Conception et fabrication des packs batteries
Le pack doit être conçu pour répondre aux exigences de sécurité électrique, au volume disponible et aux contraintes mécaniques qu’il est susceptible de subir au cours de sa durée de vie. Deux critères sont souvent mis en avant dans la conception d’un pack batterie : • La densité d’énergie massique : quantité d’énergie par kg de batterie (exprimée en Wh.kg–1). • La densité d’énergie volumique : quantité d’énergie par litre de batterie (exprimée en Wh.L‑1) Plus ces valeurs sont élevées, meilleures sont les performances du pack batterie.
5.1
Conception mécanique
Comme vu précédemment, la division d’un pack en modules facilite la gestion : • De la modularité, en permettant, avec un seul type de module « standard », de réaliser plusieurs packs de tension et de capacité variables. • De la maintenance, car il est possible de remplacer rapidement un module défectueux. • De la sécurité, en limitant les risques de propagation d’incident Mais elle comporte aussi des inconvénients : • L’ajout de pièces supplémentaires, et donc de masse et de volume. • Des connexions électriques supplémentaires, qui impliquent plus de points chauds, c’est-à-dire reliés à un potentiel dangereux, ainsi que des risques de déconnexions et de défaillances. Le choix d’une division en modules d’un pack résulte donc d’un compromis entre la sécurité et la facilité de maintenance d’un côté, et la performance de l’autre. D’autres paramètres doivent être pris en compte lors de la conception mécanique. Une attention toute particulière doit également être portée aux variations mécaniques de certaines cellules pendant l’utilisation du pack. En effet, certaines chimies de cellules se déforment plus que d’autres, et doivent parfois être mécaniquement contraintes. La température de fonctionnement constitue également un paramètre critique. Seul un dimensionnement correct peut permettre d’obtenir les meilleures performances possible et éviter un vieillissement prématuré de la batterie. La conception d’un module ou d’un pack batterie doit également tenir compte des exigences de fabrication. Elle doit, par exemple, prendre en considération l’existence de pièces sous tension, entrainant un risque électrique élevé de court-circuit. Les outils utilisés pour l’assemblage doivent impérativement être isolés électriquement,
346
14. Système batterie et gestion associée - BMS
ce qui les rend plus encombrants que ceux habituellement utilisés en mécanique. Dans certains cas, des outillages spécifiques doivent être conçus afin de pallier le manque de place. Les distances d’isolement entre toutes les pièces conductrices reliées à des potentiels différents sont primordiales. La double isolation est conseillée dans la plupart des cas.
5.2
Assemblage des modules
Du fait du travail sous tension, tout assemblage doit être effectué dans les règles définies par la règlementation : des habilitations électriques sont requises, le port d’EPI (Équipement de Protection Individuel) et/ou d’EPC (Équipement de Protection Collectif ) est obligatoire. Durant toute la séquence d’assemblage du module et du pack, il est essentiel de prévenir tout risque de court-circuit du circuit électrique. Des mesures de tension et de résistance d’isolement sont effectuées en temps réel afin de garantir la sécurité des personnes et des matériels. L’assemblage des modules commence par un assemblage mécanique. La règle de base est qu’aucune pièce ne peut avoir à la fois un rôle de maintien mécanique et de conducteur électrique. Il existe deux techniques couramment utilisées pour l’assemblage mécanique des cellules. • Par collage : – soit les cellules sont collées entre elles ; – soit elles sont collées par l’intermédiaire de pièces en nid d’abeille, par exemple. • Par maintien mécanique : – soit les cellules sont bloquées entre deux pièces mécaniques ; – soit les cellules sont cerclées. D’autres techniques de maintien mécanique peuvent être utilisées, tout en ayant pour objectif de limiter la masse et le volume. Une fois le maintien des cellules entre elles assuré, la connexion électrique peut se faire : • avec des collecteurs soudés sur les cellules disposant de bornes plates (figure 17) ; • avec des « busbars » vissés directement sur les bornes des cellules disposant d’un trou taraudé ou d’un goujon. Les collecteurs de courant sont constitués de feuillards métalliques de 0,2 à 0,8 mm d’épaisseur, découpés de façon à correspondre à la surface des bornes à connecter. Les matériaux dont ils sont constitués facilitent la soudure sur les bornes des cellules. Afin d’augmenter la section de passage du courant, les collecteurs peuvent être doublés d’une feuille de cuivre plus épaisse, ajourée au niveau des soudures.
347
Batteries Li-ion
À l’heure actuelle, trois types de soudures peuvent être utilisés : • soudure par résistance, la plus courante ; • soudure laser ; • soudure par ultrason. Il est déconseillé d’utiliser un fer à souder directement sur les bornes. La chaleur est source de dégradation et de danger pour les cellules, pouvant aller jusqu’à provoquer un emballement thermique si cet apport de chaleur est mal maitrisé. Les « busbars » (figure 17) sont des barres conductrices, parfois isolées électriquement. Ils offrent une section importante, facilitant le passage du courant. Une fois les cellules connectées, la carte d’équilibrage peut être montée, puis le module peut ensuite être fermé (figure 17) dans le but d’isoler électriquement ou de garantir une étanchéité vis-à-vis de l’extérieur.
Figure 17 De l’assemblage des cellules à la réalisation des modules.
5.3
Assemblage final du pack
Un pack est principalement constitué de modules, d’un BMS et aussi d’un casing (emballage), ou encore d’une structure permettant de tenir le tout (figure 2). Ce casing, ou cette structure, est la colonne vertébrale du pack, l’assemblage de cette partie doit être contrôlé durant toute la fabrication. Autres points essentiels, qui garantissent le bon fonctionnement du pack, sont le câblage et la mise en place du BMS, des organes de sécurité et de pilotage. En fonction du pack et de sa séquence d’assemblage, ce câblage peut être effectué avant ou à l’issue de la mise en place des modules. L’assemblage en amont de ce câblage permet de limiter les phases de travail sous tension. Il est donc privilégié. La mise en place des modules est très spécifique aux packs. Si les modules sont fermés, et donc isolés, ce travail peut être très simple. En revanche, dans le cas de modules ouverts, le travail peut devenir très complexe. La règlementation ne permet pas d’avoir plusieurs pièces nues sous tension. Il faut alors protéger les zones de travail au fur et à mesure de l’avancement de celui-ci.
348
14. Système batterie et gestion associée - BMS
Les connexions électriques (câbles de puissance et circuits de communication) sont ensuite installées entre chaque module. Le pack est ensuite souvent intégré dans un carter (figure 18) puis testé.
Figure 18 Assemblage final d’un pack batterie.
La conception et l’assemblage d’un pack batterie relèvent d’un savoir-faire particulier, dont la maitrise conditionne la sécurité d’utilisation par le client final, tout autant que la durée de vie du système complet.
6
Exemples d’innovation sur des systèmes batteries
Le CEA a accompagné de nombreux partenaires pour la conception et réalisation de systèmes batteries, avec toujours pour objectif d’essayer d’amener une part d’innovation et de valeur ajoutée aux systèmes batteries classiques. Les deux exemples suivants en sont l’illustration. Ils ont permis le dépôt de nombreux brevets et ont été à l’origine de plusieurs publications.
6.1
Exemple 1 : la batterie commutée
Le principe de la batterie commutée [1] consiste à associer à chaque étage batterie, ou à chaque groupe d’étages batterie, une fonction d’électronique de puissance qui permette de mettre en service ou de « bypasser » l’étage en question. On retrouve
349
Batteries Li-ion
alors, grâce à un contrôle commande intelligent, une batterie à tension variable. Les niveaux de tensions commutées étant faibles (de quelques volts pour un étage à quelques dizaines de volts pour plusieurs étages), il est possible d’utiliser des transistors avec très peu de perte. L’architecture d’un tel système est représentée ci-dessous (figure 19). Une tension alternative (figure 20) est générée entre les deux pôles, ici notés ϕ1 et neutral.
Figure 19 Architecture électronique de la batterie commutée.
350
14. Système batterie et gestion associée - BMS
Figure 20 Sinusoïde reconstituée avec batterie commutée.
Par rapport à un système classique, la solution à batteries commutées permet : • • • • • • • • •
de supprimer l’onduleur ; de supprimer le chargeur ; d’assurer une continuité de service en cas de cellule défaillante ; d’exploiter au mieux chaque cellule (plus de limitation par la cellule la plus faible) d’où un gain en autonomie ; d’augmenter les rendements de conversion, aussi bien à la charge qu’à la décharge, donc moins de chaleur à évacuer ; de réduire drastiquement, voire de supprimer, les éléments de filtrage (inductance) ; de réduire drastiquement les émissions électromagnétiques (CEM) ; d’assurer la recharge rapide ; de gérer aussi bien une tension alternative que continue : par exemple recharge directe par du solaire en DC avec un fonctionnement de type MPPT (Maximum Power Point Tracking), et restitution en AC de l’énergie pour l’envoyer sur le réseau.
6.2
Exemple 2 : architecture système permettant la suppression de la batterie auxiliaire
Dans la plupart des applications de transport électrique, deux réseaux sont utilisés simultanément. Un réseau sous 400 volts ou 700 volts de forte puissance pour la traction ou la propulsion électrique, et un réseau basse tension (12, 24 ou 28 volts) qui alimente les auxiliaires. Ce second réseau sert également au démarrage du système. Une batterie basse tension est donc nécessaire pour démarrer, mais également pour pallier une défaillance potentielle du convertisseur DC/DC fournissant le 12 V à partir du 400 V ou 700 V.
351
Batteries Li-ion
Le système batterie présenté ci-dessous (figure 21) utilise un concept de batterie modulaire évolué qui intègre dans chaque module un convertisseur DC/DC basse tension [2]. Le convertisseur DC/DC principal a été remplacé par plusieurs convertisseurs plus petits montés en parallèle.
Figure 21 Modules batteries s’interfaçant au réseau auxiliaire.
Les trois principaux avantages de cette solution sont : Avantage 1 : Il est possible de supprimer la batterie auxiliaire puisque plusieurs petits convertisseurs DC/DC assurent une redondance pour l’alimentation du réseau 12 V. Avantage 2 : Le nombre de convertisseurs DC/DC utilisés pour alimenter le réseau auxiliaire peut varier en fonction de la puissance utilisée. Chaque petit convertisseur travaillant à puissance nominale, le rendement global de la solution est ainsi amélioré. Avantage 3 : Il est possible d’assurer un équilibrage intermodules puissant en priorisant le module fournissant l’énergie au réseau auxiliaire. On peut ainsi compenser les disparités de capacité intermodules, ce qui peut s’avérer très intéressant en cas de remplacement d’un module usagé par un module neuf.
352
14. Système batterie et gestion associée - BMS
Le module batterie standard devient un module évolué (figure 22) intégrant deux systèmes de distribution d’énergie : celui pour la puissance (traction par exemple) et celui pour les auxiliaires.
BORNES AUXILAIRES
BORNES PUISSANCE
Figure 22 Module batterie avec convertisseur DC/DC intégré (4 bornes de sortie).
Dans les deux exemples présentés ci-dessus, l’objectif a consisté à mener une réflexion au niveau de l’application pour mutualiser certaines fonctions et amener de la valeur ajoutée au niveau du sous-système batterie.
Bibliographie [1] G. Despesse, S. Sanjuan, S. Gery “Battery Monitoring System using switching battery cells”, Innovation for Transport Systems of the Future, Nov 2012, Paris, France, pp. 12-15 [2] L. Garnier “An innovative balancing solution used to supply the 12V auxiliary network of an electric vehicle”, PCIM 2014 [3] Everlasting H2020 project No 713771 “Electric Vehicle Enhanced Range, Lifetime And Safety Through INGenious battery management”, Deliverable 6.1
353
15 Définition des algorithmes d’état d’un système batterie et méthodes de calcul associées V. Heiries ; P.-H. Michel ; A. Delaille ; F. Karoui
Ce chapitre a pour but de présenter les différents indicateurs de l’état de la batterie et les algorithmes de contrôle (monitoring) permettant d’estimer ces indicateurs. L’ensemble des indicateurs caractérisant l’état de la batterie sont décrits, et plus particulièrement, sont présentés ici les estimateurs de charge (State of Charge, SOC) et de vieillissement (State of Health, SOH). Ces algorithmes sont basés à la fois sur une modélisation par schéma électrique équivalent des cellules Li-ion, ainsi que sur des techniques de filtrage adaptatif (filtre de Kalman). Nous détaillons dans un premier temps en quoi les techniques de filtrage adaptatif s’avèrent être des outils intéressants pour estimer le SOC et le SOH. Le filtre de Kalman est présenté dans son ensemble pour comprendre son principe de fonctionnement appliqué à l’estimation du SOC. Puis l’algorithme d’estimation de la capacité cellule est présenté.
355
Batteries Li-ion
1
Définitions des indicateurs d’état des batteries
1.1
L’état de charge
L’état de charge SOC (de l’anglais State of Charge) d’une batterie est la quantité de charge électrique stockée q(t) relative à la capacité actuelle C(t) : SOC (t) =
charge électrique stockée q (t) = capacité actuelle C (t)
L’état de charge est exprimé en % et varie usuellement entre 0 % (état vide) et 100 % (état plein), bien qu’il puisse prendre des valeurs en dehors de cette plage usuelle selon la manière de l’estimer. La charge électrique stockée d’une batterie peut ainsi être exprimée en utilisant le SOC : q (SOC) = SOC × C
Comme la valeur de capacité change au cours de la durée de vie de la batterie avec son vieillissement, un indice peut avantageusement spécifier la capacité C prise en référence de la valeur de SOC. À titre d’exemple, SOCBOL signifie que la capacité C en début de vie (de l’anglais Beginning of Life) est utilisée comme valeur de référence pour le calcul du SOC ; cette définition est issue de la référence [1].
1.2
L’état d’énergie
L’état d’énergie SOE (de l’anglais State of Energy) se distingue de l’état de charge SOC en se référant à une quantité d’énergie plutôt qu’à une quantité de charge. Il indique la quantité d’énergie électrique stockée relativement à la capacité de stockage actuelle d’énergie EC : SOE =
E stockée (t) EC
E (SOC) SOE (SOC) = stockée = EC
q (SOC)
∫q(SOC=0%)VBat,OCV (q) .dq q (SOC =100%) ∫q(SOC=0%) VBat,OCV (q) .dq
où VBat,OCV(q) est la tension en circuit ouvert de la batterie. L’état d’énergie est exprimé en pourcentage et varie pareillement à l’état de charge, usuellement entre 0 % et 100 %. Selon l’équation suivante, l’évolution de l’état d’énergie stockée Estockée peut être calculée en utilisant le SOE de début et le SOE de fin d’un processus de charge ou de décharge. ∆E stockée =
356
q (SOE fin )
∫
VBat,OCV (q) . dq =
q (SOE début )
E stockée,fin
∫
dE stockée
E stockée, début
15. Définition des algorithmes d’état d’un système batterie et méthodes de calcul associées
Enfin, de façon similaire à la charge électrique stockée et au SOC, l’énergie stockée peut être exprimée en utilisant la valeur du SOE qui relie l’énergie stockée Estockée à la capacité actuelle de stockage d’énergie EC selon : E stockée (SOE) = SOE × EC
1.3
L’état de santé
Le concept permettant de représenter la performance et la condition de santé d’une batterie comparées à une batterie neuve est appelé état de santé ou SOH (de l’anglais State of Health). Le SOH est défini comme la capacité actuelle d’une batterie pleinement chargée en pourcentage par rapport à sa capacité initiale pleinement chargée. La définition retenue selon la référence [2] est la suivante : SOH =
Capacité actuelle stockée (SOC = 100 %) Capacité initiale stockée (SOC = 100 %)
De manière analogue à l’estimation du SOC, un indice peut avantageusement spécifier la capacité totale prise comme référence, celle-ci pouvant correspondre parfois, non pas à la capacité totale de la batterie dans des conditions données, mais à la capacité nominale donnée par le constructeur, ou encore correspondre à la capacité totale disponible potentiellement limitée par la carte électronique de gestion dite BMS (de l’anglais Battery Management System). Il arrive également parfois que l’état de santé se réfère à l’énergie (Wh) plutôt qu’à la capacité (Ah), ou encore à une valeur de résistance lorsque la puissance disponible est une donnée importante liée à l’utilisation.
1.4
L’état de fonction
L’état de fonction SOF (de l’anglais State of Function) est utilisé pour définir la performance d’une batterie au cours d’une opération, opération spécifique à chaque application. Le SOF prend en considération l’influence de la plage d’état de charge, du régime de charge et de décharge, de la température ambiante et d’autres facteurs de dégradation. En effet, il est utilisé pour décrire la mesure dans laquelle la performance de la batterie répond convenablement au besoin attendu au cours de son fonctionnement. À titre d’exemple, l’état de fonction d’une batterie de démarrage correspond à la capabilité de la batterie à délivrer ou non la puissance demandée (et donc non directement lié à l’état de santé tel qu’il vient d’être défini dans la section précédente). De même, l’état de fonction d’une batterie de secours correspond à la capabilité de la batterie à délivrer une certaine puissance sur un temps prédéterminé.
357
Batteries Li-ion
1.5
L’état de sécurité
L’état de sécurité SOS (de l’anglais State of Safety) est basé sur le concept que la sécurité est étroitement liée aux conditions d’utilisation abusive de la batterie. Cet état utilise la même plage que les autres états communément utilisés pour les batteries, soit le SOC, le SOE, le SOH et le SOF, et prend des valeurs comprises entre 0 % (complètement non sûr) et 100 % (complètement sûr). Il combine les effets d’un certain nombre arbitraire de sous–fonctions. Chacune de ces sous-fonctions décrit un cas particulier d’utilisation abusive de la batterie en utilisant une ou plusieurs variables telles que la tension, la température, la déformation mécanique, etc… Sur la base d’une définition du SOS comme étant une fonction de probabilité, cette valeur caractéristique peut être calculée comme étant le produit de distribution des sous-fonctions individuelles tel que défini dans la référence [3] : SOS (x) = f1 (x) × f 2 (x) ×….f n (x) n
SOS (x) = ∏ f k (x) k =1
Il n’existe pas de corrélation unique entre un seul paramètre et un seul danger lié à la sécurité. Par exemple, l’emballement thermique est le résultat d’un échauffement extrême, et cet échauffement peut provenir de différentes sources, comme une demande importante de courant en lien par exemple avec un court-circuit, un point chaud local (court-circuit interne lié au dépôt de lithium) ou un échauffement externe (incendie). Par conséquent, pour prévenir un emballement thermique, il n’est pas suffisant, dans la plupart des cas, de se focaliser sur une seule variable, par exemple le courant. Les ingénieurs qui conçoivent ou implémentent des systèmes de gestion de batteries pour un système de stockage de l’électricité doivent décider, en se fondant sur leur expérience ou les priorités qu’ils identifient, quelles propriétés contrôler afin de décrire correctement une condition abusive qu’ils veulent éviter.
2
Méthodes de diagnostic des batteries
Différentes approches existent pour diagnostiquer l’état de charge (SOC) et l’état de santé (SOH) des batteries. Une revue de ces différentes approches est notamment disponible dans les documents [4,5,6,7,8,9]. Pour le diagnostic du SOC, on distingue usuellement l’exploitation des paramètres et des méthodes suivantes, pouvant être utilisés de manière complémentaire : la tension à vide (ou OCV, de l’anglais Open Circuit Voltage) [10], la coulométrie [11], les mesures de résistance/impédance [12], les circuits électriques équivalents [13], les algorithmes de filtrage adaptatif [14,15,16,17], ou encore les méthodes d’apprentissage [18,19].
358
15. Définition des algorithmes d’état d’un système batterie et méthodes de calcul associées
La figure ci-dessous propose une classification de ces différentes approches :
Figure 1 Classification proposée dans la référence [9] des différentes méthodes d’estimation du SOC.
Nous allons voir, dans les paragraphes suivants, les méthodes les plus classiques de l’état de l’art de l’estimation du SOC et du SOH.
2.1
Estimation du SOC
2.1.1
Équation de Coulomb – Problématique des conventions
L’équation de Coulomb définit le SOC (compris entre 0 et 100 %) par l’équation suivante (courant positif en charge et négatif en décharge par convention) : SOC (t) = SOC (t 0 ) + ∫
t t0
ηidt (Equation de Coulomb) Ct
La variable i est le courant (A) et Ct la capacité de la cellule (A.h) à l’instant t. η est le rendement de Coulomb (rendement de conversion de l’énergie chimique en énergie électrique), cette valeur tend vers 1 pour les cellules Li-ion. Sur une plage de 100 % de SOC, la totalité de la capacité d’une cellule est théoriquement utilisée. Cette équation ne permet cependant pas de déterminer précisément le SOC à l’instant t, en effet : • Le SOC à t0 n’est pas aisément connu sans mesure préalable. • Il y a un risque de biais important qui augmente avec le temps en raison du terme intégral qui peut accumuler les erreurs (courant, capacité). • La capacité à l’instant t n’est pas connue aisément, elle évolue avec le vieillissement de la cellule. • Cette modélisation par accumulation de courant n’est pas suffisante pour décrire l’évolution du SOC, puisqu’en réalité d’autres variables entrent en considération. En particulier, la température et le taux de charge/décharge jouent sur la quantité de charge réellement exploitable.
359
Batteries Li-ion
2.1.2
Modélisation d’une tension aux bornes d’une cellule
La tension aux bornes d’une cellule Li-ion est classiquement modélisée par la mise en série d’une tension à vide et d’une impédance à base de circuits RC parallèle. Nous utilisons le modèle suivant :
Figure 2 Modélisation à l’ordre 1 d’une cellule Li-ion.
Les paramètres de l’impédance R0, Rdiff et C diff sont des paramètres dynamiques dans le temps (dépendance au SOC et au SOH). Ils dépendent également du débit de courant ainsi que du mode de débit (charge ou décharge). La tension à vide (OCV pour Open Circuit Voltage) est par contre un paramètre relativement stable dans le temps. Cependant, elle dépend également du mode (charge ou décharge), et pour cela l’intégration d’un paramètre d’hystérésis peut être utile. Un exemple de cartographie OCV en fonction du SOC est donné sur la figure 3.
Figure 3 OCV cellule NMC.
360
15. Définition des algorithmes d’état d’un système batterie et méthodes de calcul associées
En considérant le montage indiqué figure 2, l’évolution de la tension cellule est la suivante : z (t ) = OCV (SOC (t )) + Vd (t ) , avec i < 0 en décharge
De cette équation, le SOC est accessible par inversion : SOC (t ) = OCV −1 (z (t ) − Vd (t ))
Cependant, des limitations existent. D’une part, la tension z n’est pas mesurable avec une précision infinie, et la tension Vd n’est pas mesurable et doit être estimée efficacement. D’autre part, la cartographie OCV −1 est très sensible aux erreurs sur sa plage centrale. Ainsi quelques mV d’erreur de tension peuvent engendrer une erreur de SOC de l’ordre de plusieurs pourcents.
2.1.3
Modélisation et inférence bayésienne
Nous avons vu dans les deux précédentes parties que deux principales modélisations de l’évolution du SOC peuvent être retenues. Mais chacune de ces modélisations a ses propres inconvénients, conduisant à des estimations insuffisamment précises du SOC. La partie qui suit introduit une définition du problème par observateur d’état afin de se rapprocher d’une estimation du SOC quasi optimale.
a. Modélisation état-espace • État SOC Le SOC, en raison de sa nature intégrale, peut se modéliser sous la forme d’une équation d’état qui exprime son évolution d’un instant k à un instant k + 1. À l’ordre 1, on établit directement l’évolution de l’état SOC. SOC k +1 = SOC k + η
I kTe = f (SOC k ,uk ,wk ) = SOC k + f (uk ,wk ) Ck
Le terme uk est appelé terme de commande et vaut ici η I kTe , où Te est la période Ck
d’échantillonnage. Ici un terme de bruit (noté wk ) entre en compte pour modéliser l’incertitude de cette équation de transition. Nous n’émettons pour le moment aucune hypothèse sur la nature de la statistique suivie par wk . Par la suite, dans le formalisme du filtrage de Kalman, nous les indiquerons. Est imagée sur la figure ci-dessous ce que la représentation statistique de l’évolution du SOC implique. À gauche, la répartition probable du SOC à l’instant k, et à droite celle du SOC à l’instant k + 1.
361
Batteries Li-ion
Figure 4 Représentation imagée de la densité de transition.
• Espace (mesure) tension L’équation de mesure (ou d’observation) s’écrit de la manière suivante : zk = OCV (SOC k ) + Vdiff k + R0ik + vk
Ici le terme vk , communément appelé bruit de mesure, est un terme de bruit additif qui représente principalement le bruit du capteur de tension ainsi que du capteur de courant, ainsi que les erreurs de modélisation. Nous observons que cette équation de mesure n’est pas linéaire en raison du terme OCV, mais également en raison du terme Vdiff k qui dépend de manière complexe du SOC. Pour résumer, le couple d’équations suivant peut être formé : IT X k +1|k = SOC k +1|k = SOC k|k + η k e + wk Ck zk +1 = g (SOC k +1,ik +1,Vdiff ) + vk +1 = OCV (SOC k +1) + Vdiff + R0ik +1 + vk +1 k +1 k +1
b. Filtre bayésien optimal Afin de trouver la valeur optimale de X k, il s’agit de trouver la valeur la plus probable de X k, connaissant l’ensemble des mesures de tension précédentes (d’où le terme bayésien de la méthode, en référence à la loi de Bayes des probabilités conditionnelles). En d’autres termes, on cherche le mode le plus probable d’apparition de X k, sachant les observations z0:k de l’instant initial à l’instant k, ce qui revient à maximiser la densité de probabilité p ( X k |z0:k ) représentant la densité a posteriori (posterior density) de l’état X k. kMAP X |k = argmax X k p ( X k |z0;k )
Équation 1 : Problème du filtrage optimal bayésien. Cette probabilité dépend à la fois de l’évolution décrite par l’équation d’état et de l’équation de mesure.
362
15. Définition des algorithmes d’état d’un système batterie et méthodes de calcul associées
Dans le cas général, il est complexe d’exprimer analytiquement p ( X k |z0:k ), en particulier quand l’état et/ou la mesure évoluent non-linéairement. De plus, on voit que le problème d’optimisation prend une dimension infinie quand k tend vers l’infini. Il s’agit donc d’exprimer la solution de ce problème sous une forme récursive. Ensuite, sous certaines hypothèses concernant l’état et la nature des perturbations, le filtre de Kalman peut être mis au point.
c. Construction du filtre de Kalman Le filtre de Kalman résout le problème de maximisation présentée sur l’équation 1. La solution analytique est connue et optimale (estimateur consistant, de biais nul et de variance minimale) sous les conditions suivantes : • Les processus sont linéaires. • Les bruits wk et vk sont blancs (pas de fréquence privilégiée) et gaussiens. Cette hypothèse est difficilement vérifiable, mais le filtre de Kalman reste robuste s’il y a un écart (contenu) au caractère gaussien. Il existe différentes variantes du filtre de Kalman. En particulier le Sigma Point Kalman Filter estime correctement les distributions jusqu’aux statistiques d’ordre 3. • Les bruits wk et vk sont centrés. Si ce n’est pas le cas, cela souligne un défaut de modélisation. Cependant, le filtre de Kalman bien calibré corrige ces biais potentiels. • Les bruits wk et vk sont indépendants. Cette condition est vérifiée si le bruit sur le capteur de courant est indépendant du bruit sur la tension. • L’état X k est de type Markov 1 : son évolution à l’instant k+1 ne dépend que de son état à l’instant k. Cette hypothèse est vérifiée selon notre modélisation du SOC. • Les équations d’état et d’observation sont linéaires. Cette hypothèse est non-vérifiée, mais la solution peut être obtenue par linéarisation (filtre de Kalman étendu) ou par estimation de l’évolution des densités de probabilité (filtre de Kalman Sigma Point). Sous vérification de ces hypothèses, la solution se met sous la forme très simple d’un k +1 est une moyenne pondérée entre la prédiction filtre récursif où l’estimation X donnée par l’équation d’état et l’erreur de mesure : k|k = X k|k −1 + K (tensions mesurée-tension calculée sachant la prédiction) X
K est le gain de Kalman et est issu du problème de maximisation posé par l’équation 1. Plus la confiance relative en l’équation d’état est forte, plus le gain de Kalman est faible, la seule prédiction est privilégiée. Inversement, si l’on émet une très grande confiance sur l’équation de mesure, alors à chaque erreur de tension observée, le filtre de Kalman corrige fortement (gain K élevé) pour rattraper la trajectoire des variables de l’état (ici le SOC).
363
Batteries Li-ion
Ce processus de filtrage de Kalman dans l’estimation du SOC peut être représenté sous forme de schéma blocs de type comparateur, avec comme entrée la tension mesurée qui est comparée à la tension estimée par le modèle d’observation appliqué à la prédiction de l’état courant.
Figure 5 Représentation en schéma blocs du filtrage de Kalman.
2.2
Exploitation du filtre de Kalman pour l’estimation du SOC
2.2.1
Intérêt du filtre de Kalman Sigma Point
Le calcul du gain de Kalman nécessite d’estimer les gaussiennes de l’erreur d’estimation et d’observation. Dans le cas de processus non-linéaires (on pense à la cartographie d’OCV), une telle estimation ne peut s’exprimer facilement. Le filtre de Kalman étendu linéarise ces processus (1er ordre), mais dans le cas de variations trop rapides, l’approximation aboutit à des erreurs qui peuvent être significatives. Le filtre de Kalman Sigma Point ne linéarise pas ces processus mais estime in situ l’évolution des gaussiennes relative aux processus de l’état et de l’observation. Comme le soulignent les auteurs dans le rapport [20], il est plus aisé d’approximer une gaussienne (c’est-à-dire trouver sa moyenne et sa variance) que d’approximer n’importe quel processus non-linéaire.
2.2.2
Application à l’estimation du SOC
Pour l’estimation du SOC, nous présentons ici une implémentation possible du filtre de Kalman Sigma Point car il est théoriquement plus robuste aux non-linéarités et s’avère équivalent du point de vue complexité calculatoire au filtre de Kalman étendu (pour de faibles dimensions). Le choix de la représentation état – mesure est le suivant (N = 2 états) : η Te 0 1 SOC C SOC + k I k + wk X k +1 = V = 0 1 − Te V diff diff k Te k +1 Rdiff C diff C diff z OCV SOC + V + R i + = ( ) k +1 k +1 diff k +1 0 k +1 vk +1
364
15. Définition des algorithmes d’état d’un système batterie et méthodes de calcul associées
L’ajout de l’état Vdiff permet de filtrer les potentielles erreurs de modélisation de cette tension et ceci est particulièrement bénéfique en raison de la formulation récursive connue de son évolution. L’algorithme SPKF (Sigma Point Kalman Filter) est formulé très clairement dans cette publication [21]. Un exemple de performance d’estimation du SOC par filtrage de Kalman EKF et SPKF est donné en figure 6. On constate que l’erreur d’estimation du SOC est déjà faible pour le filtre EKF, majoritairement en dessous de 3 % d’erreur, avec un maximum à 5 %. La précision d’estimation est encore meilleure pour le filtre SPKF, avec une erreur d’estimation ne dépassant pas les 1,5 %.
(a)
(b) Figure 6 Exemple de résultat d’estimation du SOC par filtre Extended Kalman Filter et Sigma Point Kalman Filter. (a) Estimation SOC ; (b) erreur d’estimation par rapport au SOC de référence.
365
Batteries Li-ion
2.3
Estimation de la capacité
2.3.1
Contexte
L’estimation de la capacité de la cellule et de l’évolution de cette capacité, permet d’obtenir l’état de santé (SOH). Cette capacité de la batterie, qui apparaît dans l’équation de Coulomb, est un paramètre qui varie particulièrement avec le vieillissement de la batterie, et aussi en fonction du régime du courant, de la température, des conditions de stockage. Il s’avère cependant que le couplage du filtre de Kalman avec une régression linéaire bien maitrisée donne de bons résultats pour estimer l’évolution en vieillissement de cette capacité.
2.3.2
Régression linéaire
k est le SOC estimé Reprenons l’équation de Coulomb au format numérique (SOC à l’instant k) : k +1 = SOC k + η I kTe ⇔ (SOC k +1 − SOC k ) C = η I T ⇔ C x k = y SOC k k e k k Ck
Si l’on considère la dynamique inhérente au vieillissement, alors on suppose que, pendant la durée de quelques cycles, la capacité est constante, donc l’équation précédente devient : C x k = yk
Ce problème peut se résoudre par une régression linéaire qui vise à optimiser le critère de minimisation des moindres carrés : RLS = argmin C C
N
∑ ( yi − C x i )
2
i =1
Le problème formulé ainsi conduit à une solution biaisée, car les entrées k +1 − SOC k sont des données bruitées. L’idée retenue, afin de réduire le biais x = SOC de la solution estimée sur la capacité, est d’améliorer le RSB (Rapport Signal à Bruit) des entrées x . Le problème est donc transformé sous la forme suivante : ⇔
l +M
l +M
j +1 − SOC j )C = η I T ∑ (SOC ∑ ke j =l
j =l
l +M
l +M
j =l
j =l
⇔ C ∑ x j = ηTe
∑Ij
l + M +1 − SOC l ) = ηT ⇔ C (SOC e
l +M
∑Ij j =l
l = Y ⇔C X l
On peut utiliser un algorithme de type moindres carrés récursif, ou l’une de ses variantes, afin d’obtenir une solution à ce problème.
366
15. Définition des algorithmes d’état d’un système batterie et méthodes de calcul associées
On peut noter qu’au lieu d’effectuer la régression linéaire avec des points de trop faible amplitude, on peut privilégier des niveaux de variation de SOC (et donc de courant) élevés pour améliorer la robustesse aux incertitudes de cette régression. La figure 7 illustre ce principe.
Figure 7 Principe de régression linéaire de la capacité cellule.
À droite, de dérivée plus faible, la droite parfaite donnant accès à la capacité C. À gauche, de dérivée plus forte, la droite obtenue (et donc la capacité) par régression dont les résultats sont entachés d’une erreur sur les X. En médiane, la droite obtenue par régression de la même manière avec un autre ensemble de points d’observation. On voit que l’erreur sur la capacité, à erreur de X constante, diminue à mesure que l’on travaille avec des points espacés de l’origine. À noter que ce dessin représente le pire cas puisque : • les erreurs sur les X sont opposées selon le signe de Y ; • la droite est définie avec peu de points, notre algorithme est en réalité récursif et opère continuellement afin de « s’adapter » à l’estimation la plus juste.
2.4
Méthode de diagnostic alternative
Une méthode innovante, se distinguant de toutes les précédentes, repose sur l’exploitation de mesures par ultrason. Elle consiste à utiliser deux capteurs piézoélectriques, l’un pour émettre un signal et l’autre pour le recevoir. Les modifications
367
Batteries Li-ion
multiples des ondes transmises à travers la batterie (amplitude, fréquence, temps de vol…) permettent, après traitements mathématiques, d’identifier l’état de charge, comme le montre la figure ci-dessous issue de travaux réalisés par le CEA-Liten. Dans cette figure, le niveau de gris est représentatif des caractéristiques de l’onde réceptionnée, et montre donc une excellente corrélation entre ces caractéristiques et le SOC, quel que soit ici le régime de décharge.
Figure 8 Évolution des caractéristiques des ondes ultrasons transmises au travers d’une cellule Li-ion en cours de cyclage, mise en évidence ici par une méthode de traitement colorimétrique (chaque couleur unique correspondant à un ensemble unique de caractéristiques de l’onde transmise).
Si cette méthode par ultrason reste actuellement au stade du développement et n’est donc pas encore embarquée dans des systèmes en utilisation, les résultats obtenus sont pour le moins prometteurs puisqu’ils mettent en évidence la possibilité de s’affranchir des paramètres classiques (courant/tension). Cette technique s’avère donc particulièrement prometteuse dans le cas de chimies de batterie ne présentant pas de variation significative de tension avec le SOC (exemple des chimies Li-ion LFP ou encore LTO), ainsi que dans le cas des piles primaires (non rechargeables) pour lesquelles la colorimétrie n’est pas envisageable. Les batteries Li-ion peuvent être, en fonctionnement, caractérisées par plusieurs indicateurs critiques. La connaissance précise et robuste de ces indicateurs permet de faire fonctionner la batterie dans les meilleures conditions ; en termes de sécurité en premier lieu, mais aussi en termes de performance. Ces indicateurs ne sont malheureusement pas accessibles directement, et requière donc l’implantation d’algorithmes d’estimation affichant des niveaux de précision et de robustesse variés. La mise en œuvre d’algorithmes développés au départ dans d’autres domaines scientifiques (notamment les filtres bayésiens de type filtre de Kalman) ainsi que l’augmentation de la capacité de calcul embarquée dans les systèmes batteries apportent désormais des résultats très prometteurs en ce qui concerne l’estimation en ligne des indicateurs d’état. Ces travaux permettent une caractérisation fine et en temps réel de la batterie, ouvrant la voie à un pilotage optimisé de la batterie au sein du BMS.
368
15. Définition des algorithmes d’état d’un système batterie et méthodes de calcul associées
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Batteries Li-ion
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370
16 Normes et sécurité P. Azaïs ; P. Kuntz
Introduction Le développement d’une technologie est contraint par deux types de nomenclatures : la règlementation, obligatoire, et les normes, non obligatoires, mais dont le respect est vivement conseillé pour que l’objet soit aisément commercialisé. L’analyse du cadre normatif est liée à l’application et à l’objet dans lequel il sera intégré. Les systèmes électrochimiques de stockage de l’énergie sont des objets contenant intrinsèquement de l’énergie : même en cas de décharge complète, la tension d’un accumulateur n’est généralement pas nulle et l’énergie chimique contenue de manière résiduelle est potentiellement dégradable sous certaines conditions. C’est la raison pour laquelle des normes ont été élaborées. Celles-ci distinguent, d’une part, les systèmes primaires des systèmes secondaires (rechargeables), et d’autre part, les accumulateurs unitaires des assemblages plus complexes (modules, packs). L’émergence rapide des batteries Li-ion et la multiplicité des applications a entrainé des incidents dans les années 2005-2007, notamment dans le domaine du « consumer electronic » (téléphones mobiles, ordinateurs portables…). Ces incidents (départ de feu, échauffements importants de batteries…) ont poussé les
371
Batteries Li-ion
organismes dédiés aux normes (CEI 1, ISO 2, SAE 3, …) et aux règlementations (ONU, UNECE…) à imposer un certain nombre de cadres toujours plus contraignants et mieux adaptés aux évolutions du marché. La croissance anticipée du marché du véhicule électrifié [1] a amené les constructeurs automobiles à s’impliquer très fortement dans le domaine des normes, non seulement afin de limiter les risques liés à la sécurité lors de la mise sur le marché des accumulateurs, mais aussi pour influencer les efforts destinés à améliorer la sécurité de ces produits. Ce qui distingue les systèmes électrochimiques dédiés aux véhicules électrifiés de ceux destinés aux équipements portables, c’est la grande quantité d’énergie électrochimique embarquée : tandis qu’une batterie de quelques Wattheures (typiquement moins de 30 Wh) suffit à alimenter un téléphone mobile, l’énergie contenue dans un pack de véhicule électrique est 1000 fois plus élevée. De surcroit, les contraintes d’utilisation diffèrent : on demande à un véhicule de pouvoir être utilisable entre – 30 °C et + 60 °C et d’avoir une durée de vie supérieure à sept ans a minima.
1
Phénomènes mis en jeu en conditions abusives
Dans les chapitres précédents, nous avons vu qu’un système batterie est constitué de nombreuses briques : • Les accumulateurs, c’est-à-dire les cellules unitaires de stockage électrochimique. Le cœur de ces accumulateurs constitue le lieu des réactions électrochimiques permettant le stockage réversible de l’énergie. Il existe aujourd’hui trois formats types pour ces accumulateurs : cylindrique, prismatique ou pochette (« pouchcell »). Le type de format retenu exerce un impact à la fois sur les choix d’assemblage des modules, mais également sur la sécurité. • Les modules sont constitués d’assemblages électrique et mécanique en série et/ ou en parallèle d’accumulateurs. Ces modules peuvent contenir des dispositifs complémentaires de gestion électronique, thermique, électrotechnique et mécanique. Ces dispositifs sont essentiels pour garantir la sécurité et la durée de vie des accumulateurs. Dans certains cas, le module constitue à lui seul le système et possède l’ensemble des fonctions de sécurité. • Le système batterie. Il est généralement constitué des modules avec une couche complémentaire de sécurité (également mécanique, électrique, électrotechnique et thermique).
1. CEI : Commission électrotechnique internationale ou, en anglais, IEC : International Electrotechnical Commission. 2. ISO : International Organisation for Standardisation. 3. SAE : Society of Automotive Engineers International.
372
16. Normes et sécurité
Les essais mis en œuvre dans la règlementation et les normes visent à vérifier que les barrières de sécurité proposées par les fabricants aux différentes échelles permettent de résister aux contraintes appliquées de manière abusive. Les contraintes exerçant une influence sur la sécurité, et combinables dans le cadre des essais, sont : • La température : on distingue les valeurs hautes et basses. Les valeurs hautes peuvent être générées par une surtempérature externe (four), par une surcharge (par un moyen électrique) ou par un phénomène physique interne tel qu’un court-circuit. Les essais visent à démontrer que les accumulateurs ne subissent aucun emballement thermique susceptible d’entrainer une perte d’intégrité mécanique (projection de matière, notamment). Les valeurs basses sont générées de manière externe, par exemple lors d’une recharge en environnement froid, susceptible d’entrainer un risque de court-circuit interne lié à l’apparition de dendrites de lithium. • La tension : on distingue également ici les valeurs élevées (obtenues durant une surcharge sous courant imposé par exemple) et basses (obtenues par court-circuit externe, via une résistance mise en série aux bornes de la cellule). Les essais visent à démontrer que les produits (accumulateurs, modules, système batterie) présentent un comportement cohérent avec l’application visée. L’hypothèse testée est le non-fonctionnement de l’électronique et de l’électrotechnique qui, normalement, protègent les accumulateurs. • Le régime de charge et de décharge : ces essais visent à accroitre la température par effet Joule, via la relation RI². • La mécanique : écrasement, choc, vibration, chute. Les essais mis en œuvre visent à vérifier la robustesse sous contrainte mécanique de l’accumulateur et du module/système batterie, et à démontrer que l’objet ne subit aucun court-circuit interne, ou qu’un éventuel court-circuit interne n’entraine pas d’emballement thermique. • L’environnement spécifique : des essais peuvent être pratiqués sous vide partiel (cas de l’aéronautique ou de l’aérospatial), en environnement humide, en brouillard salin, en immersion totale. L’idée de ces essais est de démontrer également la robustesse sous agression externe. La température et la tension sont les deux paramètres généralement les plus contraignants, car ils influencent directement la nature des réactions électrochimiques. Au-delà ou en deçà de certaines valeurs, les réactions électrochimiques en jeu deviennent irréversibles car elles entrainent des dégradations des matériaux, qui risquent à leur tour d’entrainer des problèmes de sécurité. La règlementation et les normes visent à vérifier le comportement en conditions normales, mais également abusives, afin de garantir prioritairement la sécurité des personnes.
373
Batteries Li-ion
1.1
Phénomènes mis en jeu à l’échelle de l’accumulateur
Pour évaluer le niveau de sécurité des batteries, on distingue clairement deux types d’utilisations : • En conditions « normales » : ce sont les conditions d’utilisation définies par le fabricant, elles sont prévues pour optimiser le fonctionnement du système (tension, courant et température). • En conditions « abusives » ou « accidentelles » : ce sont toutes les conditions d’utilisation qui sortent des limites définies par le fabricant. Hormis lors de tests abusifs réalisés dans le cadre d’études sur la sécurité des batteries ou lors d’une utilisation accidentelle, les batteries sont toujours utilisées dans les conditions préconisées par le fabricant. Deux types de vieillissement peuvent affecter le bon fonctionnement des batteries : • Le vieillissement calendaire : il s’agit d’un vieillissement dû au stockage pur, hors utilisation de la batterie. • Le vieillissement en cyclage : il s’agit d’un vieillissement dû au cyclage de la batterie, hors stockage. En réalité, dans la plupart des applications, les deux vieillissements (calendaire et cyclage) ne sont pas dissociables. Un véhicule particulier passe en effet plus de 90 % de son temps stationné sur un parking (i.e. vieillissement calendaire). La figure 1 permet de distinguer les limites de fonctionnement nominal (zone verte) et hors spécifications (zones rouges) en fonction de la température et de la tension aux bornes de la cellule, et identifie les causes principales de dégradation.
Figure 1 Schéma des zones de fonctionnement en conditions normales et en conditions anormales en fonction de la température et de la tension aux bornes de la cellule électrochimique.
374
16. Normes et sécurité
On peut distinguer plusieurs cas limites : • Sous tension élevée : les électrolytes à base de carbonates se dégradent à partir de 4,5 V vs. Li+/Li. Au-delà, on assiste à une forte dégradation qui peut entrainer en cyclage un accroissement de la SEI, une dégradation des matériaux de cathode, un dépôt de lithium métal (« lithium plating ») si le carbone est surlithié. Cela entraine une génération de chaleur et de gaz. Ces phénomènes sont irréversibles. • Sous basse tension : le collecteur de cuivre, en cas de décharge complète de l’accumulateur, peut s’oxyder et entrainer une dégradation irréversible de l’interface si la tension est maintenue. Les matériaux de cathodes peuvent également se surlithier en cas de décharge très profonde. Cette surlithiation entraine une dégradation irréversible et potentiellement des gaz au sein de l’accumulateur. • À basse température : les matériaux deviennent plus résistifs, la conductivité de l’électrolyte devient très faible. À titre d’exemple, celle de l’électrolyte LP30 (Merck®, EC/DMC 1:1 LiPF6 1 M) diminue de 11 mS/cm à 20 °C à environ 3,5 mS/cm à – 20 °C. La SEI devient également moins conductrice aux ions. Lors de la recharge, le potentiel de l’électrode négative à base de graphite atteint, du fait des multiples contributions à la chute ohmique, une valeur égale à celle du lithium métal. Cela entraine alors une réduction irréversible des ions lithium à la surface de l’électrode : le « lithium plating ». Le dépôt de lithium métal généré est ensuite très difficile à redissoudre dans les solvants : on observe alors une perte de capacité par perte de lithium réversible. À titre d’exemple, la figure 2 [2] illustre la résistance normalisée (0,1 à 90 % SOC à 20 °C) en fonction de l’état de charge et de la température pour une cellule de véhicule électrique.
Figure 2 Influence de la température et de l’état de charge (SOC) sur la valeur de résistance.
375
Batteries Li-ion
• À haute température : le sel LiPF6 dans des conditions idéales (atmosphère inerte, en l’absence de tout contact avec des matériaux actifs) [3] commence à se dégrader à partir de 107 °C. Cependant, la moindre impureté (eau, alcools…) réduit de manière importante cette température de stabilité [4]. Le séparateur peut également fondre, s’il est constitué de polyoléfines (PE, PP) à partir de 135 °C. Cela entraine une fermeture de la porosité du séparateur et, avantageusement, évite tout emballement thermique. Cependant, le séparateur peut se recroqueviller sur lui-même, ce qui peut entrainer un court-circuit entre les électrodes, notamment aux bords externes de celles-ci. La SEI peut commencer à se dégrader à partir de 60 °C mais on observe généralement une dégradation importante [5] à partir de 85 °C, qu’il s’agisse d’une anode à base de graphite ou de silicium. Les solvants de l’électrolyte sont généralement constitués de mélanges : les diagrammes de phase de ces mélanges montrent généralement une température d’ébullition [6,7] comprise entre 130 °C et 200 °C. En outre, la température de stabilité de l’électrolyte dépend de sa composition [8,9], des matériaux actifs en présence [10] et du sel utilisé [11]. Enfin, à partir de 150 °C, on observe une dégradation thermique des cathodes en présence de l’électrolyte. L’énergie dissipée et la température de réaction ont été mesurées dans plusieurs articles [12,13,14,15,16,17,18,19,20,21,22,23] dont les résultats sont compilés sur la figure 3.
Figure 3 Schématisation de l’énergie dissipée (proportionnelle à la surface des cercles) en fonction de la température de réaction entre l’électrolyte (carbonates + LiPF6 1 M) et le matériau de cathode, pour différentes variétés de matériaux de cathode offrant différentes énergies spécifiques (celles-ci étant indiquée en abscisse).
376
16. Normes et sécurité
Sur l’axe des abcisses est représentée l’énergie spécifique pour le matériau de cathode seul (vs. Li+/Li). L’axe des ordonnées représente la température de dégradation entre le matériau de cathode et un électrolyte à base d’un mélange de carbonates (généralement à base de EC/DMC) et de LiPF6 1 M. La surface de chaque cercle représente l’énergie dissipée au cours de la réaction pour une quantité donnée de matériau de cathode (J/g). Cependant, cette énergie (limitée à la réaction entre la cathode et l’électrolyte) ne représente qu’une partie de celle dissipée lors d’un emballement thermique. C’est pourquoi il ne faut pas conclure de cette figure, par exemple, que l’utilisation d’une cathode à base de LFP est forcément sécuritaire : cela reviendrait à ne pas prendre en compte l’influence du design de l’accumulateur (boitier, séparateur), ni les matériaux d’anode (avec leur SEI), ni les sécurités mises en œuvre aux échelles du module ou du système batterie (électronique, électrotechnique, thermique, mécanique). L’emballement thermique (« thermal runaway » en anglais) se produit lorsque l’énergie dégagée par les réactions exothermiques qui surviennent à l’intérieur de l’accumulateur excède celle qui peut être dissipée. Ce déséquilibre thermique conduit à une montée de température interne, qui active une cascade de réactions chimiques et diffusionnelles, provoquant un emballement thermique de la batterie [24]. Ce phénomène d’emballement correspond donc à un point de non-retour entre une situation d’équilibre thermodynamique et la perte de contrôle des phénomènes se produisant dans l’accumulateur. La figure 4 [25] présente les différents phénomènes pouvant se produire dans l’accumulateur lors de l’augmentation de sa température, ainsi que les échanges thermiques en jeu.
Figure 4 Schéma des phénomènes rencontrés au cours de l’emballement thermique d’un accumulateur Li-ion.
377
Batteries Li-ion
Pour toutes ces réactions, on définit un point d’initiation de la réaction (Tonset). À cette température, il est encore possible que la réaction s’arrête spontanément, sous réserve de ne plus fournir d’énergie au système et en l’absence de déclenchement d’une réaction chimique inattendue. C’est le cas, par exemple, pour la décomposition de la SEI. L’un des moyens les plus couramment utilisés par les fabricants pour identifier les risques de défaillances est l’AMDEC 4. On pourra par exemple se reporter à la littérature sur le sujet [26,27,28,29]. Les modes de défaillance internes à l’accumulateur [30] sont, dans les conditions normales de fonctionnement (vieillissement) : • • • •
l’accroissement de l’épaisseur de la couche de passivation (SEI) ; la fracture des particules de matériaux actifs (stress mécanique) ; la diminution de la porosité des électrodes via la décomposition de l’électrolyte ; la génération de dépôts de lithium métallique (« lithium plating ») en raison de l’accroissement de la résistance interne et par appauvrissement des ions lithium réversibles ; • la corrosion des collecteurs de courant ; • la génération de gaz. Dans le cas de conditions de stress abusif, les modes de défaillance seront exposés dans le paragraphe relatif aux normes.
1.2
Phénomènes mis en jeu à l’échelle du module et du pack
Le figure 5 représente les différents niveaux de protection d’un système batterie intégré dans un véhicule (selon la norme IEC 61511 [31]).
Figure 5 Schématisation des différents niveaux de protection dans un véhicule électrifié. 4. AMDEC : Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité (AMDEC) est un outil de sureté de fonctionnement (SdF) et de gestion de la qualité.
378
16. Normes et sécurité
L’énergie d’un module d’accumulateurs est proportionnelle au nombre de cellules associées en série ou en parallèle qui le constituent. Il faut noter que les essais abusifs réalisés à l’échelle de l’accumulateur élémentaire peuvent être tout à fait conformes aux exigences requises par les normes ou la règlementation, mais néanmoins engendrer des problèmes de sécurité aux échelles supérieures (module, pack). Une analyse de type AMDEC se révèle nécessaire à l’échelle du module ou du pack, afin d’identifier les potentielles interactions entre les cellules élémentaires [32]. L’un des risques majeurs, en cas d’emballement thermique d’un accumulateur au sein d’un module, est la propagation d’un défaut aux autres accumulateurs. Celle-ci peut en effet entrainer un effet domino sur l’ensemble du module, puis du système batterie. Des essais visant à identifier l’impact de la disposition des accumulateurs cylindriques sur la propagation ont été menés [33]. La propagation entre accumulateurs est liée à l’architecture électrique [34] et aux surfaces en vis-à-vis. Les risques liés à ces assemblages sont essentiellement : • Électriques : les phénomènes les plus couramment rencontrés sont des problèmes de dimensionnement de l’ensemble de la chaîne de liaisons électriques au sein du pack : câbles, busbar, fusibles, contacteurs. Si les protections électriques ne sont pas correctement dimensionnées, on assiste à une dégradation irréversible des éléments à protéger, ce qui entraine généralement des émissions de fumée, puis potentiellement, après dégradation des éléments isolants (gaines, boitiers plastiques…), des courts-circuits, et enfin un feu. Le boitier du module ou du pack doit également être isolé électriquement de l’architecture électrique pour éviter tout arc électrique. Par exemple, dans un véhicule électrique, la tension atteint environ 400 V. En cas de contact électrique entre le boitier métallique et le pôle positif du pack, l’arc électrique reste entretenu par le pack. Ces arcs électriques génèrent généralement des trous dans les accumulateurs et la projection de métal en fusion (et donc potentiellement un feu de batterie). Il faut noter que ces arcs peuvent apparaître même pour des basses tensions (i.e. en deçà de 48 V) [35]. • Électroniques : les accumulateurs ne sont pas tous identiques lors de la fabrication (dispersion de fabrication). Cette dispersion, même avec un équilibrage performant, s’accroit avec le vieillissement, comme le montre la figure 6 [36]. • Chimiques : en cas de dégradation d’un accumulateur (ouverture, échauffement), il est possible que certains gaz soient dissipés : CO, CO2, HF, composés organiques volatils – COV… –, ou encore des fumées (matériaux d’électrodes, COV), ou que soient projetées des matières en fusion (métaux, plastiques). Ces matériaux peuvent être inflammables (cas des gaz et des fumées). En présence d’un point chaud (par exemple matière en fusion, arc électrique…), ces matériaux prennent feu dès que la limite d’inflammabilité est atteinte. Lors de l’ouverture d’un accumulateur, le boitier, potentiellement conducteur, peut entrer en contact avec des accumulateurs adjacents dont le potentiel électrique n’est pas forcément le même. Dans ce cas, on assiste à un arc électrique. Les matières
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Batteries Li-ion
combustibles (solvants, polymères) disponibles du fait de l’ouverture de l’accumulateur, peuvent alors également prendre feu et libérer des gaz et des fumées toxiques.
Figure 6 Évolution de la dispersion des valeurs de capacité de groupes d’accumulateurs au cours du vieillissement.
• Thermiques : les réactions chimiques entrainant la dégradation irréversible des matériaux présents dans les accumulateurs et les autres constituants du module ou du pack sont généralement très exothermiques (combustion). • Mécaniques : dans le cas d’accumulateurs prismatiques et de pouchcells, les modules sont généralement constitués d’accumulateurs comprimés les uns sur les autres par des moyens de maintien (cerclage, gainage, pliage…) à une valeur de compression choisie en début de vie. La génération de gaz lors de conditions de vieillissement ou abusives entraine une contrainte mécanique au niveau de l’enveloppe de l’accumulateur et du moyen de compression. Il est possible, sous certaines conditions abusives, d’atteindre la rupture du moyen de compression et/ou d’engendrer un court-circuit interne à un ou plusieurs accumulateurs.
2
La règlementation
La règlementation s’applique au transport et au stockage de la batterie (avant intégration), puis dans sa phase de vie (liée à son application), et enfin à sa fin de vie (démantèlement, transport, recyclage). Pour ces trois phases, on définit le cadre règlementaire suivant : • Transport : UN38.3 (dans le cas des accumulateurs au lithium), stockage. • Phase de vie (véhicule électrifié : R100, incluant le cas de post-crash) [37]. • Fin de vie : comme le précise l’article R. 543-124.-I. du Code de l’environnement (CdE), la règlementation s’applique à tous les types de pile et d’accumulateur,
380
16. Normes et sécurité
quels que soient leur forme, leur volume, leur poids, leurs matériaux constitutifs ou leur utilisation. Ces dispositions ne s’appliquent pas dans le cas de deux types d’application : les piles et les accumulateurs destinés aux champs d’application d’ordre militaire (armes, munitions…) et ceux destinés à l’espace. Les articles du CdE sont en fait des transpositions de la Directive européenne lancée en 2006 puis modifiée en 2008, 2013 et 2018 : • Le démantèlement, la collecte et le recyclage sont réglementés en fonction de l’application : – pour les objets portables : article R543-128-1 et suivants du CdE. – pour l’automobile : article R543-129-1 et suivants du CdE. – pour les applications industrielles : article R543-130 du CdE. • Le transport des piles et accumulateurs est considéré comme un transport de déchets. Le transport par la route est régi par les articles R541-50 et suivants du CdE. Les principaux aspects liés à la sécurité de la R100 sont : 1. Protection contre les contacts directs • Définition de niveaux de tension (issus de la norme ISO 6469-3). On peut remarquer que ces seuils sont différents de ceux utilisés par l’UTE 18-510 et 18-550 (domaine TBT à 120 V DC ou 50 V AC). • Protection contre les chocs électriques directs : exigence de niveau de protection IP, en fonction de l’emplacement (habitacle ou extérieur). • Marquage spécifique pour les éléments dont la tension est de classe B. • Câbles pour tension de classe B isolés et de couleur orange. 2. Protection contre les contacts indirects • Toutes les parties conductrices apparentes sont reliées à la masse du véhicule (la masse du véhicule doit être reliée à la terre lors de la charge). • Circuit haute tension isolé de la masse du véhicule (résistance d’isolation = 100 X la tension de fonctionnement en DC et 500 X en AC). 3. Sécurité fonctionnelle • Il doit être impossible de déplacer un véhicule au cours de la recharge de celui-ci. • L’information du mode « drive » doit être remontée au conducteur. • Deux actions distinctes doivent être nécessaires pour passer de l’arrêt au mode drive (par exemple : pédale de frein + bouton “start” pour la Prius). • Deux actions distinctes doivent être nécessaires pour passer de la marche avant à la marche arrière et réciproquement. • Une action doit être nécessaire pour passer de la marche à l’arrêt. • Protection contre les pannes (également lié à l’ISO 6469) : une panne doit mettre le véhicule dans un état lui interdisant d’avancer.
381
Batteries Li-ion
4. Protection de la batterie (ces protections sont des transpositions des normes ISO 12405 et ISO 6469) • • • • • •
Essais de fiabilité : chocs thermiques, de vibration et d’humidité. Tenue aux courts-circuits, surcharge et sous-charge. Protection contre l’accumulation des gaz (notamment l’hydrogène). Résistance d’isolation minimum 100 Ohms/V en DC et 500 Ohms/V en AC. Résistance au crash. Protection des occupants (mouvements limités autorisés). Pas de fuite d’électrolyte. • Protection des tiers (pas d’éjection de la batterie) hors du véhicule. • Le système d’alimentation doit être protégé des courts-circuits. • Une seconde après la déconnexion de la prise de charge, la tension aux bornes doit être inférieure aux seuils de la classe A. 5. Tenue aux chocs • Suite à un accident, au moins l’un des critères suivants doit être vérifié : – entre 5 et 60 secondes après le choc, la tension du bus haute tension doit être inférieure aux seuils de la classe A. – entre 5 et 60 secondes après le choc, l’énergie totale disponible sur le bus « haute tension » doit être inférieure à 2 joules (ce qui limite les conséquences d’un court-circuit). – le câblage du véhicule doit rester protégé au niveau IP XXB après impact et les éléments de protection du bus haute tension doivent rester reliés à la masse du véhicule. – les éléments haute tension du véhicule doivent rester protégés au niveau IP XXB et la résistance d’isolation doit être au minimum de 100 Ohms/V en DC (500 si les circuits DC et AC ne sont pas protégés galvaniquement) et 500 Ohms/V en AC. À ces obligations règlementaires s’ajoutent un certain nombre d’essais décrits dans l’annexe 8 de la R100 : A. Test de vibrations selon un gabarit défini. B. Test de cyclage thermique et de choc thermique selon une procédure définie (avec rampe associée). C. Test de choc mécanique selon un gabarit. D. Test d’intégrité mécanique (écrasement). E. Test de résistance au feu. Ce test n’est pas requis si la partie la plus basse du système de stockage est positionnée à plus de 1,5 m du sol. Ce test est assez contraignant (exposition directe aux flammes pendant 70 s). F. Test des protections contre les courts-circuits externes. G. Test des protections contre la surcharge. En cas d’échec d’une fonction d’interruption automatique (ou s’il n’y en a pas), la charge doit être poursuivie jusqu’à
382
16. Normes et sécurité
ce que le système batterie testé soit chargé jusqu’à deux fois sa capacité de charge nominale (ce qui engendre très généralement un feu si les protections ne fonctionnent pas). H. Test des protections contre la surdécharge. I. Test des protections contre la surtempérature. La R100 est également complétée par la R10, qui s’applique également aux véhicules électriques [38]. La R10 concerne la règlementation liée à la compatibilité électromagnétique. La R10 est inspirée de la norme IEC 61000.
3
Les normes
Les essais abusifs visent à vérifier que les contremesures (barrières) mises en place par les fabricants répondent de manière appropriée pour éviter de mettre en danger les personnes, prioritairement, et dans une moindre mesure, les biens. On trouve de nombreux articles fournissant des résultats d’essais abusifs réalisés selon les normes. Quelques articles de revues sont pertinents et présentent en détail la succession des évènements ayant lieu au cours des essais à l’échelle de l’accumulateur [39,40,41,42], du module [43,44,45,46] ou du système batterie [47]. L’objectif des normes est d’identifier si les phénomènes décrits en début de chapitre peuvent se produire. Plusieurs types d’agression sont proposés, comme représenté sur la figure 7 : • Les agressions mécaniques. Elles visent à déformer, écraser ou pénétrer l’accumulateur au moyen de chocs, de vibrations, d’écrasement ou de perçage. L’issue de ces essais peut être un court-circuit entre les deux électrodes. Dans le meilleur des cas, on assiste alors à un échauffement local et à une chute rapide de la tension sans dégagement de gaz, de fumée ou d’ouverture. • Les agressions électriques. Il s’agit de générer : – un court-circuit franc (cas des essais de court-circuit externe) ou « mou », c’est-à-dire beaucoup plus résistif que le précédent (essai de contamination par une particule métallique positionnée entre les deux électrodes). Enfin, il peut s’agir de l’issue d’une agression mécanique précédemment décrite (court-circuit interne). Dans ce cas, on ne fournit pas d’énergie au système : il est alors possible de décharger complètement l’accumulateur et d’arriver à stopper les réactions. – une surcharge par un moyen externe. Dans ce cas, on fournit de l’énergie au système. Il est alors possible d’atteindre volontairement une tension beaucoup plus élevée que celle préconisée par le fabricant. Ce cas, particulièrement critique, génère généralement des réactions indésirables produisant des gaz, des fumées… À l’issue de ces tests, il est possible de revenir à un état de stabilité, malgré l’irréversibilité des réactions générées.
383
Batteries Li-ion
• Les agressions thermiques. Comme cela a été précisé précédemment, la température engendre des réactions irréversibles exothermiques au sein de l’accumulateur. Il est alors possible de dégrader l’accumulateur et d’atteindre l’emballement thermique. Il est possible d’éviter l’emballement thermique moyennant la mise en place de barrières performantes. L’issue de ces essais thermiques est généralement la génération de fumée (cas favorable), un feu, voire une explosion (dans le pire des cas).
Figure 7 Schéma des différents types d’essai visant à simuler un comportement en conditions abusives et liens entre les essais [47].
Les tableaux ci-après regroupent les normes les plus utilisées dans le domaine des batteries Li-ion. Un gros travail bibliographique est réalisé de manière continuelle en Europe par le centre de recherche privé VITO [48] localisé en Belgique. Comme précisé tout au long de ce chapitre, il est nécessaire de distinguer l’échelle à laquelle est réalisé l’essai : accumulateur, module, système, véhicule. Les références des normes sont les suivantes : • IEC 62660-1 : 2018, « Éléments d’accumulateurs lithium-ion pour la propulsion des véhicules routiers électriques – Partie 1 : Essais de performance ». • IEC 62660-2 : 2018, « Éléments d’accumulateurs lithium-ion pour la propulsion des véhicules routiers électriques – Partie 2 : Essais de fiabilité et de traitement abusif ».
384
16. Normes et sécurité
• IEC 62660-3 : 2016, « Éléments d’accumulateurs lithium-ion pour la propulsion des véhicules routiers électriques – Partie 3 : Exigences de sécurité ». • ISO 12405-4 : 2018, « Véhicules routiers à propulsion électrique – Spécifications d’essai pour packs et systèmes de batterie de traction aux ions lithium – Partie 4 : Essais de performance ». • ISO 6469-1 : 2019, « Véhicules routiers électriques – Spécifications de sécurité – Partie 1 : Système de stockage d’énergie rechargeable (RESS) » (remplace ISO 6469-1:2009 et ISO 12405-3 : 2014). • SAE J2929 : 2013, « Safety standard for electric and hybrid vehicle propulsion battery systems utilizing lithium-based rechargeable cells ». • SAE J2464 : 2009, « Electric and hybrid electric vehicle rechargeable energy storage system (RESS) safety and abuse testing ». • SAE J1798 : 2008, « Recommended practice for performance rating of electric vehicle battery modules ». • SAE J2380 : 2013, « Vibration testing of electric vehicle batteries ». Commentaires : se référer à J.M. Hooper, J Marco, EVS29 Symposium, World Electric Vehicle Journal 8 (2016). • UL 2580 : 2013, « Outline of investigation for batteries for use in electric vehicles ». • QC/T 743-2006, « Lithium-ion Batteries for Electric Vehicles ». • IEC 62281 : 2019, « Sécurité des piles et des accumulateurs au lithium pendant le transport ». • UL 1642 : 2013, « Safety of Lithium-Ion Batteries – Testing ». • IEC 62619 : 2017, « Accumulateurs alcalins et autres accumulateurs à électrolyte non acide – Exigences de sécurité pour les accumulateurs au lithium pour utilisation dans des applications industrielles ». • IEC 62620 : 2014, « Accumulateurs alcalins et autres accumulateurs à électrolyte non acide – Éléments et batteries d’accumulateurs au lithium pour utilisation dans les applications industrielles ». • IEC 62133-2 : 2017, « Accumulateurs alcalins et autres accumulateurs à électrolyte non acide – Exigences de sécurité pour les accumulateurs portables étanches, et pour les batteries qui en sont constituées, destinés à l’utilisation dans des applications portables – Partie 2 : Systèmes au lithium ». • IEC 62960-3 : 2017, « Accumulateurs alcalins et autres accumulateurs à électrolyte non acide – Accumulateurs au lithium pour applications portables – Partie 3 : Éléments et batteries d’accumulateurs au lithium, parallélépipédiques et cylindriques ».
385
Batteries Li-ion
Type de test:
IEC 62660-1:2018 BEV & HEV
IEC 62660-2:2018 BEV & HEV
IEC 62660-3:2016 BEV & HEV
ISO 12405-4:2018 BEV & HEV
ISO
386
6469-1:2019 BEV & HEV
7.3 7.5 7.6 7.7.2 7.7.3 7.8.2 7.8.3 7.9 6.2.1 6.2.2 6.2.3 6.3.1 6.3.2 6.4.1 6.4.2 6.4.3 6.2.1 6.2.2 6.2.3 6.3.1 6.3.2 6.4.1 6.4.2 6.4.3 6.4.4 7.1 7.2 7.3 7.4 7.5 7.6 7.7 7.8 7.9 7.10 6.2.2 6.2.3 6.3.1 6.4.1.1 6.4.1.2 6.4.2 6.4.3 6.5.1 6.6.2 6.6.3 6.6.4
X X X X X X X X X X
X X X X X X X X X X X X X X
véhicule
N° test
module
Application
système
N°
échelle accumulateur
Norme
Essai de performance Essai de vieillissement Essai abusif Certification capacité puissance énergie stockage - rétention de charge stockage - durée de vie calendaire durée de vie en cyclage (BEV) durée de vie en cyclage (HEV) rendement énergétique Vibrations Chocs mécaniques Compression Endurance à haute température Cycles de température Court-circuit externe Surcharge Décharge forcée Vibrations Choc mécanique Compression Endurance à haute température Cycles de température Court-circuit externe Surcharge Décharge forcée Essai de court-circuit interne Energie et capacité à RT Energie et capacité à ≠T et ≠ régimes puissance et résistance interne stockage - rétention de charge stockage - durée de vie calendaire puissance pic à basse température puissance pic à haute température rendement énergétique rendement énergétique en charge rapide durée de vie en cyclage Vibrations Chocs mécaniques Cycles de température simulation de test de crash véhicule: échelle du système simulation de test de crash véhicule: échelle du véhicule immersion dans l'eau exposition au feu court-circuit protection contre la surcharge protection contre la surdécharge protection contre la surtempérature interne
X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X
X X X X X X
X
16. Normes et sécurité
Type de test:
SAE
SAE
SAE SAE
UL
4.2.2.1 4.2.2.2 4.2.3 4.2.4 4.2.5 4.3 4.4 4.5 J2929:2013 BEV & HEV 4.6 4.7 4.8 4.9 4.10 4.11 4.13 4.3.1 4.3.2 4.3.3 4.3.4 4.3.5 4.3.6 4.4.1 J2464:2009 BEV & HEV 4.4.2 4.4.3 4.4.4 4.4.5 4.5.1 4.5.2 4.5.3 4.5.4 J2380:2013 BEV & HEV J1798:2008
2580:2013
BEV
BEV & HEV
17 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43
X
X X X X X X
X X X X X
X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X
X X X X X
X X X X X
X
véhicule
N° test
module
Application
système
N°
échelle accumulateur
Norme
Essai de performance Essai de vieillissement Essai abusif Certification Vibration Alternative 1. Complete battery system vibration test Vibration Alternative 2. Battery Subsystem Vibration test. Thermal shock Humidity/Moisture Exposure Electromagnetic Susceptibility Drop Test Immersion Test Mechanical Shock Battery Enclosure Intergrity Exposure to Simulated Vehicle fire Electrical Short Circuit Single Point Overcharge Protection System Failure Single Point Over Discharge Protection System Failure Single Point Thermal Control System Failure Protection against High Voltage Exposure Shock tests Drop test Penetration test Roll-over test Immersion test Crush test High temperature hazard test Thermal stability test Cycling without thermal management Thermal shock cycling Passive propagation resistance test Short circuit test Overcharge test Overdischarge (Forced Discharge) test Separator shutdown integrity test vibrations capacité énergie puissance résistance Manufacturing and Production Line Testing and Production Quality Overcharge Test Short Circuit Test Overdischarge Protection Test Temperature Test Imbalanced Charging Test Dielectric Voltage Whitstand Test Isolation Resistance Test Continuity Test Failure of Cooling/Thermal Stability System Test Rotation Test Vibration Endurance Test Shock Test Drop Test Crush Test Thermal Cycling Salt Spray Test Immersion Test External Fire Exposure Test Internal Fire Exposure Test
X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X
387
Batteries Li-ion
Type de test:
IEC
UL
388
6.2.5 6.2.6 6.2.7 6.2.8.1 6.2.8.2 6.2.9.1 6.2.9.2 6.2.10 6.2.11 6.2.12.1 6.2.12.2 6.2.12.3 743-2006 BEV & HEV 6.2.12.4 6.2.12.5 6.2.12.6 6.2.12.7 6.3.5 6.3.6 6.3.7 6.3.8.1 6.3.8.2 6.3.8.3 6.3.8.4 6.3.8.5 6.3.8.6 T1 T2 T3 Transport T4 38.3:2015 (v6) Matières T5 Dangereuses T6 T7 T8 T1 T2 T3 Transport T4 Matières 62281:2019 T5 Dangereuses T6 T7 T8 10 11 12 13 14 1642:2013 Général 15 16 17 18 19 20
X X X X X
X X X X X X X X X X X X X X
X X X X X X X X X X X X X X X X
X X X X X X X X X X X X X X X X
X X X X X X X X X X
X X X X X X X X X X X X X X X X X X X
véhicule
N° test
module
UN
Application
système
QC/T
N°
échelle accumulateur
Norme
Essai de performance Essai de vieillissement Essai abusif Certification Discharge Capacity at 20°C Discharge Capacity at -20°C Discharge Capacity at 55°C Rate Discharge Capacity at 20°C, High energy density battery Rate Discharge Capacity at 20°C, High power density battery Charge holding and recovery characteristics at normal temperature Charge holding and recovery characteristics at high temperature Storage Cycle Life Overdischarge Overcharge Short Circuit Fall Heat Crush Prick Discharge Performance at 20°C Simplified loaded mode Resistance to vibration Overdischarge Overcharge Short circuit Heat Crush Prick Simulation d'altitude Test thermique Vibration Chocs mécaniques court-circuit externe Impact / écrasement surcharge Décharge forcée Simulation d'altitude Test thermique Vibration Chocs mécaniques court-circuit externe Impact / écrasement surcharge Décharge forcée Short-Circuit Test Abnormal Charging Test Forced Discharge Test Crush Test Impact Test Shock Test Vibration Test Heating Test Temperature Cycling Test Low Pressure (Altitude Simulation)Test Projectile Test
16. Normes et sécurité
Type de test:
IEC
IEC
62619:2017
62620:2014
IEC 62133-2:2017
IEC 61960-3:2017
Industrielle
Industrielle
Portable
Portable
7.2.1 7.2.2 7.2.3 7.2.4 7.2.5 7.2.6 7.3.2 7.3.3 8.2.2 8.2.3 8.2.4 6.3.1 6.3.2 6.3.3 6.4 6.5.2 6.5.3 6.6.1 6.6.2 7.2.1 7.2.2 7.3.1 7.3.2 7.3.3 7.3.4 7.3.5 7.3.6 7.3.7 7.3.8 7.3.9 7.3.1 7.3.2 7.3.3 7.4 7.5 7.6.2 7.6.3 7.7.2 7.7.3 7.8 8
X X X X X X X
X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X
véhicule
N° test
module
Application
système
N°
échelle accumulateur
Norme
Essai de performance Essai de vieillissement Essai abusif Certification Court-circuit externe Impact Chute Température abusive Surcharge Décharge forcée Court-circuit interne Propagation Contrôle de surcharge de tension Contrôle de surcharge du courant Contrôle de surchauffe Caractéristiques de décharge à +25 °C Caractéristiques de décharge à basse température Courant autorisé à régime élevé Conservation de charge et récupération de capacité Mesure de la résistance interne en courant alternatif Mesure de la résistance interne en courant continu Endurance en cycles Endurance en stockage à tension constante Charge continue à tension constante Contrainte de moulage du boîtier à température Court-circuit externe Court-circuit externe Chute libre Température abusive Ecrasement Surcharge de la batterie Décharge forcée Essais mécaniques Court-circuit interne forcé Caractéristiques de décharge à 20 °C (capacité assignée) Caractéristiques de décharge à –20 °C Caractéristiques de décharge à fort régime à 20 °C Conservation de charge et récupération de capacité Récupération de charge (capacité) après stockage de longue durée Endurance en cycles à un courant de 0,2 It A Endurance en cycles à un courant de 0,5 It A (essai accéléré) Résistance interne en courant alternatif Résistance interne en courant continu Décharge électrostatique (ESD) Procédures d'essai et conditions d'homologation
X X X X X X X X X X X X X X X X X X X
X X
X X X X X X X X X X X X X X X
X X X X X X X X X X X
389
Batteries Li-ion
4
Essais et analyses complémentaires
Les essais prévus dans les normes consistent à être le plus représentatif possible des usages. L’élément déclencheur de l’emballement thermique au sein d’un accumulateur est la température. C’est pourquoi, dans la littérature, certains essais sont réalisés pour comprendre, identifier et quantifier les échanges thermiques ayant lieu lors d’un emballement thermique. Trois types d’essais sont réalisés : • Les essais à l’ARC (Accelerating Rate Calorimeter), à l’échelle de l’accumulateur [49,50] et des matériaux [51]. • Les essais de DSC (à l’échelle des matériaux ou mélange des matériaux) [52,53]. • Les essais en ATG (à l’échelle des matériaux). Cette méthode ne donne que des informations de perte de masse et ne présente donc que peu d’intérêt. L’ARC consiste à appliquer, par paliers de température (par exemple 1 °C/palier), dans une enceinte adiabatique, un moyen de chauffe contrôlé. Pour toute augmentation de température, on examine si le système observé (un accumulateur, par exemple) ne s’échauffe pas par lui-même (caractéristique d’un emballement thermique). Les phénomènes observés étant contrôlés par la thermodynamique et la cinétique, il est indispensable de laisser le système un temps suffisamment long à chaque palier de température. La figure 8 représente une courbe caractéristique standard obtenue pour un accumulateur Li-ion testé dans un ARC [54].
Figure 8 Essai ARC, différentes étapes de la courbe d’échauffement pour un accumulateur Li-ion. En vert foncé, aucune réaction n’est observée. En vert clair, la cellule s’échauffe par elle-même (auto-emballement) mais avec possibilité de réaction réversible, compte tenu de la cinétique lente. En rouge, point de non-retour (avec ouverture de l’accumulateur et dégagement gazeux). En gris, refroidissement de l’accumulateur après évacuation des éléments énergétiques.
390
16. Normes et sécurité
5
Solutions pour améliorer la sécurité aux différentes échelles
Afin de garantir la sécurité des utilisateurs de batteries, il existe plusieurs niveaux d’actions possibles (figure 9). Tous les dispositifs de sécurité mis au point ont pour rôle de réduire les risques de défaillance de la batterie.
Figure 9 « Oignon de sécurité », montrant les différents niveaux d’action possible [55].
5.1
Amélioration des composants au sein de l’accumulateur
5.1.1
Séparateur
Comme cela a été mentionné précédemment, le séparateur assure la séparation physique des deux électrodes. Cependant, lorsque la température monte excessivement, celui-ci entre en fusion et n’assure plus la séparation physique des électrodes, ce qui provoque un court-circuit interne. Dans le cas d’un séparateur tricouche PP/PE/PP, appelé aussi séparateur à effet « shutdown », lorsque la température dépasse 135 °C, le PE entre en fusion (figure 10). Le film de PE, qui était poreux, devient alors un film plein, empêchant le séparateur de transporter les ions entre les deux électrodes. À partir de 135 °C, ce séparateur devient donc une barrière, ce qui rend difficile les processus électrochimiques à l’intérieur de la batterie [56]. Théoriquement, ce séparateur peut donc arrêter totalement le fonctionnement de la cellule et freiner l’emballement thermique de celle-ci lorsque la température monte à plus de 135 °C. Néanmoins, si la température augmente trop rapidement et dépasse 165 °C, le PP entre à son tour en fusion. Le film polymère se recroqueville alors sur lui-même (dans toutes les directions), ce qui met par endroits (aux extrémités généralement) les électrodes en contact sans aucune séparation physique. Un courtcircuit peut alors apparaître, surtout dans le cas de modification dimensionnelle des électrodes (expansion volumique en cas de surcharge par exemple).
391
Batteries Li-ion
Figure 10 Mesure DSC sur deux séparateurs différents : un séparateur shutdown PE-PP et un séparateur classique PP [56].
5.1.2
Électrode négative
La SEI formée à la surface de l’électrode négative est primordiale pour le fonctionnement de la cellule, que ce soit en termes de performance ou de sécurité [57]. C’est pourquoi des procédés ont été étudiés afin de favoriser sa formation, de la protéger et de la stabiliser [51,58] : • Oxydation modérée du graphite [53] Cette technique consiste à oxyder légèrement la surface des particules de graphite afin de favoriser la formation de la SEI après la première lithiation et de stabiliser la SEI formée. L’oxydation peut se faire à partir de différentes solutions : (NH4 )2 S2O8, HNO3,Ce (SO4 )2 , H2O2 .
• Dépôt de métaux et d’oxydes métalliques Dans le cas d’un électrolyte contenant du PC, la décomposition du PC est défavorable à la bonne formation de la SEI. Si la SEI n’est pas suffisamment formée, les molécules de solvant peuvent s’intercaler dans le graphite et causer l’exfoliation. Le dépôt de métaux et d’oxydes métalliques (du nickel par exemple) à la surface du graphite permet de créer une couche imperméable aux molécules de solvant, tout en étant perméable aux ions lithium. Cette technique permet d’éviter l’exfoliation du graphite et de favoriser la formation de la SEI. • Revêtements polymères ou autres types de carbones [53] Des revêtements en polymères conducteurs ou en carbone permettent également la protection du graphite, l’amélioration des performances électrochimiques de l’électrode négative et la stabilisation de la SEI. Ce type de revêtement n’est pas encore très utilisé et nécessite des recherches approfondies.
392
16. Normes et sécurité
5.1.3
Électrode positive
Comme précisé plus haut, la stabilité électrochimique et thermique de l’électrode positive dépend fortement du matériau actif qui la constitue. Une méthode souvent utilisée pour améliorer la stabilité de ces matériaux consiste à réaliser un dépôt d’oxyde à leur surface [52,53]. Une couche barrière de MgO, Al2O3, SiO2 , TiO2, ZnO, SnO2 ou ZrO2 peut par exemple être déposée sur le matériau actif pour éviter le contact direct avec l’électrolyte. Cela permet de limiter les réactions avec l’électrolyte, les transitions de phase cristallographique en surface des particules, la dissolution des métaux de transition et le désordre des cations dans les sites cristallins. Ce type de dépôt améliore donc la stabilité structurale du matériau.
5.1.4
Électrolyte
Les électrolytes conventionnels liquides sont composés d’un ou plusieurs sels de lithium (LiPF6, LiTFSI…) dissous dans un mélange de solvants (EC, DEC, DMC…). Des additifs sont généralement ajoutés en petite quantité ( 40 $/lb en 2018.
3.4
… sur les impacts d’acidification, d’eutrophisation et de toxicité
La nature des matériaux mis en œuvre et les procédés pour fabriquer et utiliser une batterie impliquent des impacts environnementaux sur l’acidification 2 des sols et des eaux, sur l’eutrophisation 3 des eaux et sur la toxicité 4 humaine.
Figure 5 Pollution d’un littoral par les algues vertes.
2. Pollution globale résultant de certaines émissions locales de gaz qui, en se recombinant avec l’eau de l’atmosphère, vont précipiter une eau à pH très acide : les pluies acides. Ces émissions locales, émises dans les sols ou dans l’eau, peuvent aussi contribuer à l’acidification des sols et des océans. 3. Pollution locale résultant d’émissions locales d’effluents contenant une grande quantité de nutriments. Ces nutriments nourrissent des plantes à croissance rapide (type algue), ce qui provoque une asphyxie du milieu aquatique touché et menace la survie des autres espèces végétales et des animaux. 4. Indicateur mesurant la pollution locale due à l’émission par les airs, les eaux ou les sols de substances pouvant être toxiques pour l’être humain.
439
Batteries Li-ion
Une substance, un produit ou un procédé contribue fortement à l’acidification lorsque son cycle de vie émet une grande quantité de produits azotés ou soufrés. Ces émissions peuvent être réalisées dans l’eau, dans l’air ou dans les sols et contribuer à ce phénomène. L’eutrophisation peut être provoquée par une substance, un produit ou un procédé lorsque son cycle de vie émet une grande quantité de produits phosphatés ou azotés. Ces émissions doivent être réalisées dans l’eau ou dans les sols pour y contribuer. Ces impacts pouvant être produits pendant le cycle de vie d’une batterie proviennent principalement • soit de la mise en œuvre de substances contribuant directement à ces impacts : nous pouvons mentionner les besoins spécifiques pour la synthèse des matériaux actifs, par exemple le besoin d’utiliser de l’ammoniac (NH3) ou de passer par une étape de calcination, qui peuvent avoir un effet d’acidification et d’eutrophisation. L’utilisation de N-méthyl-2-pyrrolidone (NMP) et de solvant CMR (cancérogène, mutagène ou toxique) pour le dépôt des matériaux actifs sur les électrodes des cellules Li-ion peut également poser un problème d’eutrophisation et de toxicité humaine. • soit de l’utilisation de matériaux énergivores : l’extraction et la purification de métaux et de ressources énergétiques génèrent des impacts en termes de toxicité et d’acidification. Sont en particulier concernés le cuivre et l’aluminium nécessaires pour les électrodes, pour l’architecture électronique du pack (câbles, système de management de la batterie ou BMS…) et parfois, pour le packaging. Pour leur fabrication, les batteries Li-ion ont également besoin de produits chimiques avec de très hauts niveaux de pureté, ou des additifs carbonés, comme des fibres de carbone, dont la synthèse exige une grande quantité d’énergie, obtenue souvent par combustion d’énergies. Elles peuvent émettre beaucoup d’oxydes d’azote et de soufre et ainsi contribuer aussi à l’acidification et à l’eutrophisation.
Figure 6 Coulée d’un métal en fusion.
• ou encore, d’un besoin d’énergie électrique : une batterie Li-ion requiert une grande quantité d’énergie électrique pour sa fabrication et pour son utilisation.
440
18. Impacts environnementaux et analyse du cycle de vie (ACV) des batteries Li-ion
Plus le mix électrique consommé est constitué d’énergies obtenues par combustion, plus les émissions d’oxyde de soufre et d’oxyde d’azote contribuant à l’acidification – et pour le dernier à l’eutrophisation – seront importantes. D’autre part, la production du cuivre contenu dans les infrastructures du réseau de distribution rejette beaucoup d’émissions atmosphériques azotées et soufrées par la combustion d’énergies fossiles pour ses fours, et par l’alimentation de ceux-ci en minerais de cuivre majoritairement soufrés. Cependant, il est aujourd’hui encore difficile de conclure quant au niveau de contribution de la fabrication des batteries sur ces impacts par rapport aux autres secteurs d’activité. De plus, ces typologies de pollution sont très liées à la capacité de l’environnement local des sites d’implantation des usines de fabrication d’absorber ou non ces pollutions. Par exemple, une usine de fabrication d’un matériau actif de batterie riche en phosphate sur le littoral breton pourrait accentuer le problème d’eutrophisation qu’ils connaissent déjà à cause de leurs pratiques agricoles. En revanche, une implantation dans une autre localité peu touchée par ce problème pourrait n’avoir aucune conséquence majeure pour la stabilité des milieux aquatiques environnants.
4
Quelles sont les sources de ces impacts ?
Les impacts environnementaux d’un véhicule électrique à batterie, par exemple, trouvent leurs sources dans : • La phase de fabrication du véhicule. • La phase de fabrication de sa batterie : – matériaux pour les composants, notamment la cellule ; – mise en œuvre des procédés, par leur intensité énergétique. • La phase d’usage via la performance environnementale du mix électrique consommé. Sur des indicateurs comme la toxicité humaine, l’écotoxicité ou la consommation de ressources minérales non énergétiques, la phase de fabrication génère le plus d’impacts environnementaux. Sur les autres indicateurs, l’électricité nécessaire à la fabrication de la batterie, ou consommée par l’application en phase d’usage, peut avoir un impact fortement dépendant du mix électrique utilisé pour la fabrication et l’usage. Dans le cas d’un mix électrique très impactant sur l’indicateur considéré, la phase d’usage sera prépondérante. Dans le cas inverse, la phase de fabrication sera à l’origine de la plupart des impacts environnementaux. Par exemple, diverses ACV de véhicules électriques évaluent les émissions de gaz à effet de serre en permettant de séparer la phase de fabrication – notamment celle de la fabrication des batteries – et la phase d’usage, soit les GES contenus dans l’électricité nécessaire au roulage. La figure 7, inspirée de [18], permet de discerner
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l’impact de ces deux phases en fonction du contenu en gaz à effet de serre (GES) de l’électricité utilisée pour le roulage.
Figure 7 Répartition des émissions de GES d’un véhicule électrique imputables à la fabrication et au roulage (inspiré de [18]). Un véhicule thermique équivalent émet en ACV autour de 150-200 g CO2éq./km. Le mix électrique utilisé pour la fabrication est généralement proche de 500 g CO2éq/kWh.
Comparé au véhicule thermique, le véhicule électrique est donc globalement moins émetteur, quel que soit le mix électrique, sauf en cas de recours massif au charbon. La performance environnementale en termes d’émission de gaz à effet de serre d’un véhicule électrique est en effet très dépendante de cette même performance du mix électrique consommé à la fabrication et à l’usage. Pour un mix européen moyen (ou un mix allemand dont le contenu CO2 est proche), les phases de fabrication (batterie et véhicule) et d’usage (électricité consommée) sont comparables. Enfin, un mix très faiblement carboné, comme en France, est très favorable au véhicule électrique, et dans ce cas, la phase de fabrication devient nettement prépondérante. En d’autres termes, la transition vers une mobilité moins carbonée ne pourra se faire qu’en parallèle d’une transition énergétique vers des énergies moins carbonées pour être efficiente. Elle sera également dépendante de la taille des véhicules et de leur allègement : un véhicule avec une petite batterie sera sensiblement plus vertueux qu’un véhicule avec une grosse batterie. La plupart des sources s’accordent sur le fait que lors de la fabrication d’un pack de véhicule électrique, l’essentiel des impacts environnementaux provient de la fabrication de la cellule (l’accumulateur élémentaire), en particulier de sa cathode, l’intégration en pack et l’électronique n’ajoutant qu’une contribution mineure.
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18. Impacts environnementaux et analyse du cycle de vie (ACV) des batteries Li-ion
Par exemple, concernant l’impact environnemental lié à l’épuisement de ressources minérales, la variation de la formulation du matériau actif de cathode impacte fortement. La figure 4, en utilisant la capacité théorique du matériau NMC, montre une limite de 36 TWh liée aux réserves de cobalt (évaluées par l’USGS). Cependant, la capacité pratique du matériau est de l’ordre de 40 % inférieure, ce qui réduit le potentiel à 20 TWh de batteries (figure 8). Les travaux menés par les industriels visent aujourd’hui à réduire progressivement la quantité de cobalt dans le matériau pour passer de 33 % (NMC111) à 20 % (NMC622), puis 10 % (NMC811). La figure 8 montre l’impact de ces évolutions sur le potentiel de déploiement, en utilisant les performances pratiques obtenues avec ces matériaux. Le matériau « NMC811 », qui est très proche en composition (pour ce qui concerne le cobalt et le nickel) du matériau « NCA » utilisé dans les véhicules Tesla, permet d’espérer 80 TWh de batteries avec les mêmes réserves de matériau. Dans ce cas, on voit que les limites liées au cobalt ne sont plus très éloignées de celles liées au nickel.
Figure 8 Énergie stockable en pratique dans des batteries réalisées en utilisant l’ensemble des réserves (couleurs foncées) ou des ressources (couleurs claires) de matériaux constitutifs, pour différentes variantes de NMC. Les valeurs de réserves et de ressources proviennent des données USGS 2017. (Attention l’axe des ordonnées est en échelle logarithmique.)
En revanche, pour la fabrication de batteries pour des applications stationnaires [12], trois composants sont d’une importance comparable : les cellules, l’électronique (convertisseurs notamment) et le bâtiment autour des batteries stationnaires.
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Recommandations d’écoconception
Cette section de recommandations d’écoconception est notamment inspirée de [4,14,15,23,24]. Elle est principalement centrée sur la diminution des impacts de la fabrication des batteries, et quelques éléments donnent des pistes pour réduire les impacts pour la phase d’usage. Concernant le pack batterie : • Une longue durée de vie calendaire et une bonne tenue en cyclage permettent de limiter les effets négatifs de la fabrication des batteries, en les rentabilisant sur un usage plus long et plus intensif. • Les impacts de la fabrication et du transport étant souvent proportionnels à la masse de matière utilisée et transformée, une bonne densité d’énergie est souhaitable dans une démarche d’écoconception. • Un bon rendement permet enfin de limiter l’énergie perdue lors du fonctionnement de la batterie. Ce dernier point devient réellement important pour les longues durées de vie et lorsque le mix électrique est fortement carboné. D’autre part, en considérant fixes les paramètres ci-dessus, deux axes d’égale importance sont à privilégier pour réduire les impacts initiaux liés à la fabrication : • L’usage de matériaux abondants et le recyclage permettent de réduire l’énergie et les externalités liées à l’extraction des minéraux. • L’usage de procédés peu énergivores réduit l’impact de la transformation des matériaux et de la fabrication des cellules. Pour avoir un effet positif sur le cycle de vie de la batterie, ces substitutions de matériaux et de procédés ne doivent pas dégrader significativement la durée de vie, la densité d’énergie ou le rendement. Il est intéressant de noter que tous ces développements conduisent à une consommation d’énergie réduite pour la fabrication des batteries. Ils devraient donc également permettre d’en réduire les coûts, et être ainsi attractifs pour les industriels. Concernant les procédés, deux grandes étapes sont à optimiser. La première est la synthèse des matériaux actifs, et la deuxième la fabrication des cellules. L’axe de développement à poursuivre pour la synthèse des matériaux est la recherche de procédés à plus basse température. Larcher et Tarascon [23] citent notamment, et par température décroissante, les synthèses solvothermale, hydrothermale, ionothermale, et idéalement la biominéralisation. La fabrication des cellules est aujourd’hui grevée par l’étape d’enduction et de séchage des électrodes. L’enduction utilise un solvant toxique (NMP 5) pour sa
5. N-Méthyl-2-pyrrolidone.
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18. Impacts environnementaux et analyse du cycle de vie (ACV) des batteries Li-ion
compatibilité avec le liant polymère utilisé (PVDF 6). Outre les impacts du solvant lui-même, l’enduction doit être suivie d’un séchage qui est très consommateur de chaleur. Il est donc souhaitable de remplacer la NMP par un solvant bénin tel que l’eau (c’est déjà le cas à l’électrode négative), voire idéalement de développer des procédés en voie sèche ou avec très peu de solvant. On peut mentionner deux autres axes d’amélioration : restreindre le besoin d’un environnement anhydre dans les dernières étapes de fabrication (besoin lié aujourd’hui à l’électrolyte), et identifier les défauts très en amont dans la chaîne de fabrication pour réduire les rebuts, ce qui est également permis par une fabrication à plus grande échelle. Dans tous les cas, eu égard à leur consommation, il est souhaitable de positionner les usines de synthèse de matériaux et de fabrication de cellules sur des sites ou dans des pays où l’électricité est très faiblement carbonée, ce qui est le cas de la France. La recherche de matériaux abondants doit se focaliser sur la substitution du cobalt bien sûr, mais également du nickel à l’électrode positive. Les candidats les plus prometteurs sont le soufre et l’oxygène de l’air qui, de plus, pourraient permettre d’atteindre de fortes densités d’énergie (de l’ordre de 500 Wh/kg en pratique). Cependant, des progrès importants sont encore nécessaires, à la fois en termes de cyclabilité, de puissance, et de rendement énergétique (voir chapitre 7). À l’électrode négative, il est souhaitable, bien que moins urgent, de remplacer le lithium. D’autres cations sont envisageables, comme bien sûr le sodium pour lequel les recherches sont relativement avancées (voir chapitre 6), mais aussi le potassium, des cations divalents (calcium, magnésium), voire des anions (chlore notamment), pour lesquels les résultats sont encore embryonnaires. Il est également possible d’améliorer la densité d’énergie en réduisant la masse de l’électrode négative (ajout de silicium au graphite, voir chapitre 3), voire en la supprimant totalement pour travailler avec une anode de lithium métallique. Cette dernière option nécessite de développer des électrolytes solides empêchant la formation de dendrites, sans que ceux-ci n’utilisent de nouveaux matériaux critiques (voir chapitre 8). Enfin, on peut envisager de concevoir des batteries n’utilisant que des matériaux organiques (voir chapitre 4). Il faut également rester attentif à l’usage d’additifs qui, même en faible quantité, pourraient avoir un impact significatif sur le bilan global de la cellule (par exemple, des fibres ou des nanotubes de carbone).
6. Polyfluorure de vinylidène.
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18. Impacts environnementaux et analyse du cycle de vie (ACV) des batteries Li-ion
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19 Applications et marchés – coût d’usage L. Garnier ; D. Chatroux ; F. Perdu ; B. Béranger ; F. Le Cras ; S. Martinet ; D. Bloch
Ce chapitre présente quelques éléments d’analyse de marché avec un focus sur le marché des véhicules électrifiés et sur la problématique du coût d’usage.
1
Éléments généraux d’analyse de marché – Focus sur le marché des véhicules électrifiés
La figure 1 montre qu’aujourd’hui encore, le marché des accumulateurs reste dominé par les accumulateurs au plomb en termes de volume, avec près de 300 GWh en 2010. Ce n’est qu’au début des années 2010 que la part des accumulateurs Li-ion s’est mise à augmenter de manière significative, du fait du décollage du marché des véhicules électriques et hybrides. Avec l’interdiction progressive de l’utilisation du plomb, et le développement des motorisations électriques, le marché actuel des accumulateurs au plomb (350 GWh) devrait se réduire et être rattrapé, puis dépassé avant 2025-2030, par le marché des accumulateurs au lithium, en croissance rapide.
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Figure 1 Évolution des ventes des différentes technologies d’accumulateurs par énergie stockée (MWh) [1].
La figure 2 montre que, accumulateurs au plomb mis à part, les systèmes Li-ion ont, dès le début des années 2000, supplanté les technologies alcalines. La technologie Ni-Cd est en net repli, ce phénomène étant accentué par son bannissement progressif des applications grand public en raison de la présence de cadmium, toxique. La technologie Ni-MH se maintient pour l’instant grâce à son utilisation dans certains véhicules hybrides (les accumulateurs Ni-MH équipent encore les Toyota Prius hybrides). La figure 2 de droite montre que la très forte croissance observée pour le marché du Li-ion, 160 GWh en 2018 contre seulement 2 GWh en 2000, est presque totalement due au développement de la mobilité électrique. Celle-ci représente 64 % du marché des accumulateurs Li-ion en 2018, avec un fort leadership de la Chine qui représente, à elle seule, les 2/3 du marché du véhicule électrifié. Le marché est totalement dominé par les acteurs asiatiques (Corée, Chine et Japon) qui fournissent quasiment 100 % de la demande. Les principaux fabricants d’accumulateurs au lithium sont Samsung SDI, LG Chem, Panasonic, Lishen, CATL, BYD (acteur intégré), BAK, Coslight.
Figure 2 (à gauche) Évolution du marché des technologies d’accumulateurs au niveau cellule, hors plomb-acide. (à droite) : Segmentation par applications du marché des accumulateurs Li-ion en 2000 puis en 2018 [1]. On observe une croissance annuelle de 24 % en volume sur 10 ans, entre 2008 et 2018.
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19. Applications et marchés – coût d’usage
Si l’on s’attache aux détails des marchés du véhicule électrifié, la figure 3 montre la croissance du marché des véhicules hybrides (hors micro-hybrides) tandis que la figure 4 montre celle du véhicule hybride rechargeable (PHEV, pour Plug-In Hybrid Electric Vehicle) ainsi que celle du véhicule tout électrique. On voit (figure 3) que le marché du véhicule hybride a connu une phase de croissance de 1997 à 2010, portée par la croissance des ventes de la Toyota Prius équipée de batteries Ni-MH. Le Japon représente ainsi plus de la moitié de ce marché, loin devant les États-Unis et l’Europe. Cependant, ce marché plafonne maintenant à environ 1,8 million de véhicules (2016). Il marque le pas au détriment des véhicules présentant des niveaux d’électrification plus importants, et donc des gains en consommation escomptés supérieurs. La figure 4 montre, quant à elle, une très forte croissance observée depuis 2011-2012 des ventes de véhicules hybrides rechargeables (PHEV) et tout électriques (VE). Cette croissance est de l’ordre de 15 % par an, hors marché chinois, avec des valeurs nettement supérieures pour la Chine en 2016 (+ 26 % pour le PHEV et + 68 % pour le VE), en raison de la mise en place de mesures incitatives très fortes à l’achat de véhicules propres. En 2018, le marché mondial PHEV + VE a même, pour la première fois, dépassé le million d’unités.
Figure 3 Évolution du marché du véhicule hybride (micro-hybride exclu). [1].
Figure 4 (à gauche) Évolution du marché mondial du véhicule hybride rechargeable. (à droite) : Évolution du marché mondial du véhicule électrique. [1].
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Ce développement très rapide est rendu possible via une baisse significative des coûts de production des accumulateurs Li-ion (figure 5). Alors que le coût des cellules Li-ion atteignait encore près de 400 $/kWh en 2010 (et plus de 2000 $/kWh en 1991), celui-ci a diminué jusqu’à atteindre un peu moins de 250 $/kWh en 2015. Les prévisions pour 2025 se situent aux alentours de 100 à 150 $/kWh. Une grande partie de la réduction des coûts observée est due à la mise en place d’usines de fabrication en très grande série. Néanmoins, la structure de coût des cellules comprend une part très importante liée aux matières premières (de 40 % à 70 %), avec notamment la contribution de l’électrode positive le plus souvent à base de cobalt. Un axe important de recherche est donc consacré à réduire cette contribution via l’optimisation de la composition du matériau d’électrode, en limitant voire en supprimant la présence de matériaux sensibles à la cathode ; ou encore en développant des technologies telles que le lithium-soufre ou le sodium-ion, qui tentent de s’affranchir de l’utilisation de tels matériaux.
Figure 5 Éléments concernant l’évolution des coûts des accumulateurs Li-ion entre 2018 et 2025 [1].
2
Problématique du coût d’usage
Bien que les accumulateurs au lithium aient été commercialisés dès 1991, leur éventuelle utilisation pour la mobilité électrique ne commence à être envisagée que quelques années plus tard, vers 1997. C’est pourquoi, vers 1995, lorsque, par exemple, PSA et Renault en France, en avance de phase sur la plupart de leurs concurrents, commercialisent quelques véhicules électriques issus de concepts imaginés en 1990, ceux-ci utilisent naturellement une batterie constituée de cellules « nickel-cadmium », fabriquées par la société SAFT. Le prix d’une Citroën Saxo électrique berline 4 places est, en 1996, de 91 500 francs TTC (environ 14 000 € hors inflation), auquel il est nécessaire de rajouter 605 francs TTC/mois pour la
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19. Applications et marchés – coût d’usage
location de la batterie. Par comparaison, le modèle Citroën Saxo essence 1.0iX neuve coûte, à l’achat la même année, 60 800 francs TTC (9300 € hors inflation). Quelques années plus tard (2005), un véhicule Renault Kangoo Electro-road 5 places (modèle avec prolongateur d’autonomie) coûte 30 000 € TTC environ batterie incluse, tandis que le coût de remplacement de cette dernière est d’environ 7000 € TTC (batterie neuve en 2008). Les performances de ces véhicules révèlent cependant leurs limites : avec une masse de 1100 kg – dont 260 kg de batteries –, les Citroën Saxo électriques, ou leur jumelle Peugeot 106, malgré un couple correct au démarrage sur les premiers tours de roues, gravissent difficilement les côtes. Leur vitesse maximale est limitée à 90 km/h du fait de leur motorisation électrique qui offre une puissance maximale de 20 kW. L’énergie de la batterie, affichée à 12 kWh, n’est en pratique jamais disponible. Les mesures montrent qu’environ 8,5 à 10 kWh sont en réalité utilisables, et ne permettent de parcourir que 80 km dans les meilleures conditions, plus généralement 60 km. De surcroit, les batteries présentent des durées de vie extrêmement variables, qui dépendent de l’usage fait des véhicules (état de charge des batteries lors du stockage, température, fréquence des recharges, etc.). Certains modes d’utilisation entrainent des défaillances des batteries avant cinq ans et un kilométrage de 30 000 km, tandis que d’autres permettent de parcourir 100 000 km sur une période de 10 ans. Cette fiabilité aléatoire se traduit par une élévation continue des prix de location de batteries. En 2010, ils atteignent près de 200 €/mois, si bien que le coût d’usage d’un véhicule se révèle fortement dépendant du coût de location des batteries (tableau 1), avec un facteur de 4 observé entre l’option « sans location » ou « avec location » (dans le cas de la Saxo électrique). Tableau 1 Comparaison des coûts d’usage entre véhicule électrique et thermique en 2008 (entretien spécifique et consommation d’énergie électrique inclus, prix du gazole retenu à 1,15 €/L, véhicule diésel à 5,5 L/100 km en cycle urbain). Coût moyen kilométrique (c€TTC/km) SAXO Electrique Véhicule Diesel Sans location Avec Location 3,5 15 6,3
L’ensemble de ces inconvénients finit par constituer un frein considérable à l’achat de ces véhicules par les particuliers. Au bilan, environ 10 000 véhicules électriques seulement ont été fabriqués entre 1995 et 2006. La décision de l’arrêt de leur commercialisation, en 2005, conclut cette nouvelle expérience de développement d’un véhicule électrique par un constat d’échec, douloureusement ressenti chez bon nombre de constructeurs automobiles, notamment européens et nord-américains. Cette situation conduit ces pays à réduire considérablement la voilure sur la mobilité électrique, au moment même où l’industrie asiatique, pressentant les progrès à venir des accumulateurs au lithium, fourbissait ses armes.
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Dès 2011 sont commercialisés en France de nouveaux modèles de véhicules électriques tels que la Mitsubishi « i-Miev » et la Nissan « Leaf », dont les principales caractéristiques sont données en tableau 2. Les prix initialement élevés de ces deux véhicules, alimentés par des accumulateurs lithium-ion, sont rapidement revus à la baisse, et des aides d’état sont mises en place pour encourager l’achat de véhicules électriques neufs et la mise au rebut des voitures diesel anciennes. Les modèles « Ion » pour Peugeot et « C-Zéro » pour Citroën sont en fait des clones du véhicule Mitsubishi i-Miev, rebadgé par PSA. Au mois d’aout 2012, PSA propose en promotion ces mini-citadines à 12 000 €, aides de l’État incluses, sans nécessité de céder pour destruction une voiture diesel ancienne. Tableau 2 Principales caractéristiques des véhicules électriques Mitsubishi i-Miev et Nissan Leaf en 2011. Nissan Leaf 1ère génération Prix batterie incluse (€) 35000 35000 Energie Batterie (kWh) 16 24 Autonomie annoncée (km) 130 150 Garantie Batterie 5 ans / 100000km 5 ans / 100000km Mitsubishi i-Miev
Depuis 2013, le rythme de mise sur le marché de nouveaux modèles s’accélère : on peut citer de manière non-exhaustive la Renault Zoé, les Volkswagen E-UP et E-Golf, la BMW i3, la Kia Soul EV, la Hyundai Ioniq électrique, les Tesla S et X, La Smart ForTwo electric drive, etc. Actuellement, la très grande majorité des véhicules électriques est vendue avec le pack batterie inclus. Quelques marques offrent la possibilité de louer la batterie ou de l’acheter. La plupart des constructeurs proposent également des solutions de location longue durée, avec parfois des tarifs promotionnels attractifs. Le prix des voitures électriques modernes, batteries incluses, s’échelonnent entre 26 000 € et 40 000 € hors aides de l’état. Les voitures haut de gamme de Tesla se distinguent avec des tarifs compris entre 75 000 € et 95 000 € environ. La Renault Zoé, initialement disponible en France uniquement avec la batterie en location, est désormais proposée avec un tarif incluant la batterie. Le calcul du coût d’usage doit donc être effectué différemment selon que la batterie est incluse ou non. Le tableau 3 permet de comparer l’ensemble des informations relatives aux deux véhicules électriques Renault « Zoé » (batterie en location) et Volkswagen « E-Up » à celles d’une citadine essence de même catégorie. Le coût d’usage des voitures électriques reste à première vue plus élevé (10,8 c€/km pour la Renault Zoé et 15,4 pour la Volkswagen E-Up) que celui des voitures thermiques (estimé à 9,2 c€/km). Toutefois, le calcul du coût d’usure du moteur thermique n’est jamais pris en compte, ni considéré dans les frais d’entretien. Sa durée de vie est considérée comme étant équivalente à celle du véhicule dans son ensemble.
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19. Applications et marchés – coût d’usage
Le coût d’usage d’une voiture électrique avec batterie en location reste stable dans le temps, à condition que le prix du contrat le soit aussi. L’utilisateur a intérêt à optimiser le choix de son contrat de location en fonction du kilométrage annuel qu’il effectue. Le coût d’usage d’une voiture électrique vendue avec sa batterie de traction est très faible si l’on ne tient pas compte du coût d’usure des batteries (estimé ici à 2,4 c€/km). Ce coût reste difficile à évaluer dans la mesure où les constructeurs ne communiquent quasiment jamais sur le tarif d’un échange standard d’une batterie de traction. Cette situation est logique puisque la batterie bénéficie d’une garantie de longue durée, généralement entre 5 et 8 ans, ou entre 100 000 et 160 000 km, le premier des deux termes étant atteints. La durée de vie calendaire est estimée à 10 ans. Le prix des batteries lithium ion étant actuellement orienté à la baisse, l’évaluation du prix de vente d’une batterie dans cinq ou dix ans est délicate. Le coût d’usage, incluant l’usure des batteries, n’est pas fiable et est susceptible de varier fortement en fonction de la politique commerciale des différents constructeurs. Par exemple, le coût de remplacement de la batterie de la Volkswagen « E UP » est très défavorable, puisque estimé à 13 000 € TTC pour 18,7 kWh, tandis que Nissan annonce que le prix d’une batterie de remplacement pour la « Leaf », de capacité de 24 kWh, est de 6000 € TTC. Tableau 3 Évaluation du coût kilométrique global complet pour différents véhicules. Comparaison entre les véhicules (12500km par an, 5,5L/100km et 1,45€/L pour la citadine essence) Renault Zoé (1ère Citadine Essence de Volkswagen E-Up génération 2013) même catégorie Prix d'achat (hors aide) €TTC Consommation à la prise Coût annuel lié à la consommation Location des batteries
22000
26000
17000
180Wh/km
130Wh/km
N/A
337 €
244 €
997 €
79€TTC/mois
N/A
N/A
Garantie Batterie
N/A
8 ans
N/A
Prix Echange Batterie
N/A
13 000 €
N/A
Coût d'entretien
60€/an
60€/an
150€/an
Coût kilométrique global
10,8c€/km
2,4c€/km (hors usure)
9,2c€/km
Coût Usure Batterie
N/A
13c€/km
N/A
Coût kilométrique global complet
10,8c€/km
15,4c€/km
9,2c€/km
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Batteries Li-ion
En estimant un prix raisonnable pour le remplacement de la batterie traction du véhicule Volkswagen« E Up », son coût d’usure serait d’environ 6 c€/km et le coût kilométrique global pour 12 500 km/an atteindrait 8,4 c€, valeur légèrement inférieure à celle estimée pour le véhicule thermique équivalent. Le coût kilométrique des voitures électriques actuelles est similaire à celui des premières générations, lorsque les batteries étaient utilisées dans des conditions optimales. Toutefois, les véhicules électriques modernes offrent des performances sans commune mesure avec leurs ainés et les batteries lithium-ion ne présentent pas de restrictions ou de contraintes d’usage, contrairement à celles de technologie nickel-cadmium. Les progrès considérables effectués sur les batteries lithium ion conduiront sous peu à rendre les véhicules électriques globalement plus économiques que les véhicules thermiques. L’agrément de conduite d’une voiture électrique est supérieur à son homologue thermique et le service rendu sera bientôt équivalent pour les déplacements de courte à moyenne distance (