Archeologie, patrimoine et archives: Les fouilles anciennes a Ras Shamra et a Minet el-Beida II [1 ed.] 904293994X, 9789042939943


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French Pages 296 [305] Year 2019

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Archeologie, patrimoine et archives: Les fouilles anciennes a Ras Shamra et a Minet el-Beida II [1 ed.]
 904293994X, 9789042939943

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ARCHÉOLOGIE, PATRIMOINE ET ARCHIVES

LES FOUILLES ANCIENNES ET

À RAS SHAMRA

À MINET EL- BEIDA II Sous la direction de

Valérie Matoïan

PEETERS

ARCHÉOLOGIE, PATRIMOINE ET ARCHIVES LES FOUILLES ANCIENNES À RAS SHAMRA ET À MINET EL-BEIDA II

Publications de la Mission archéologique syro-française de Ras Shamra-Ougarit Sous la direction de Valérie Matoïan (depuis 2009) Ouvrages parus dans la série Ras Shamra-Ougarit

aux éditions Recherche sur les Civilisations RSO 1 : O. CALLOT, Une maison à Ougarit, Études d'architecture domestique, Paris, 1983. RSO II: D. PARDEE, Les textes hippiatriques, Paris, 1986. RSO III: M. YON et al., Le Centre de la ville, 38e-44e campagnes (1978-1984), Paris, 1987. RSO IV : D. PARDEE, Les textes para-mythologiques de la 24e campagne (1961), Paris, 1988. RSO V : La Trouvaille épigraphique de l'Ougarit ( TEO), 2 vol., Paris, 1989-1990. RSO VI: M. YON et al., Arts et industries de la pierre, Paris, 1991. RSO VII: P. BORDREUIL et al., Une bibliothèque au sud de la ville, Les textes de la 34e campagne (1973), Paris, 1991. RSO VIII: H. de CONTENSON, Préhistoire de Ras Shamra. Les sondages stratigraphiques de 1955 à 1976, 2 vol. (texte et illustrations), Paris, 1992. RSO IX : P. AMIET, Corpus des cylindres de Ras Shamra-Ougarit, II: Sceaux-cylindres en hématite et pierres diverses, Paris, 1992. RSO X : O. CALLOT, La tranchée" Ville Sud " , Paris, 1994. RSO XI: M. YON, M. SZNYCER, P. BORDREUIL (éds), Le pays d'Ougarit autour de 1200 av. J.-C., Actes du Colloque (Paris 1993), Paris, 1995. RSO XII: D. PARDEE, Les textes rituels, 2 vol., Paris, 2000. RSO XIII: M. YON, V. KARAGEORGHIS, N. HIRSCHFELD, Céramiques mycéniennes, coédition Fondation A.G. Leventis, Nicosie (Chypre), Paris, 2000. RSO XIV: M. YON, D. ARNAUD (dir.), Études ougaritiques, 1: Travaux 1985-1995, Paris, 2001. RSO XV : J.-Y. MONCHAMBERT,La céramique d'Ougarit. Campagnes defouilles 1975 et 1976, Paris, 2004. RSO XVI: J. GACHET-BIZOLLON, Les ivoires d'Ougarit, Paris, 2007. =

aux Publications de la Maison de l'Orient et de la Méditerranée, avec le concours du Ministère des Affaires étrangères et européennes RSO XVII: V. MATOÏAN (dir.), Le mobilier du Palais royal d'Ougarit, Lyon, 2008. RSO XVIII: P. BORDREUIL, D. PARDEE et R. HAWLEY, Une bibliothèque au sud de la ville'" : Textes 19942002 en cunéiforme alphabétique de la Maison d'Ourtenou, Lyon, 2012. RSO XIX: O. CALLOT, Les sanctuaires de l'acropole d'Ougarit, les temples de Baal et de Dagan, Lyon, 2011. aux Éditions Peeters, avec le concours du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères RSO XX : V.

MATOÏAN, M. AL-MAQDISSI et Y. CALVET (éds), Études ougaritiques II, Leuven, 2012.

RSO XXI: V. RSO XXII:

MATOÏAN et M. AL-MAQDISSI (éds), Études ougaritiques III, Leuven,

B. GEYER, V. MATOÏAN et M. AL-MAQDISSI (éds), De l'île d'Aphrodite au Paradis perdu,

itinéraire d'un gentilhomme lyonnais. En hommage à Yves Calvet, Leuven,

RSO XXIII:

2013.

2015.

S. LACKENBACHER et F. MALBRAN-LABAT, Lettres en akkadien de la

Fouilles de 1994, Leuven,

RSO XXIV: V. RSO XXV: V.

«

Maison d'Urtenu

».

2016.

MATOÏAN et M. AL-MAQDISSI (éds), Études ougaritiques IV, Leuven, 2016.

MATOÏAN (dir.), Archéologie, patrimoine et archives. Les fouilles anciennes à Ras Shamra

et à Minet el-Beida 1, Leuven, 2017.

RSO XXVI: V.

MATOÏAN (dir.), Archéologie, patrimoine et archives. Lesfouilles anciennes à Ras Shamra

et à Minet el-Beida II, Leuven,

2019.

RAS SHAMRA - OUGARIT XXVI

ARCHÉOLOGIE, PATRIMOINE ET ARCHIVES

LES FOUILLES ANCIENNES ET

À RAS SHAMRA

À MINET EL-BEIDA II

Sous la direction de Valérie Matoïan

PEETERS LEUVEN - PARIS - BRISTOL, CT 2019

Illustration de couverture: Dessin au crayon de Jean de Jaegher : couverture de la Tombe IV [ 1 1 9] de l'Acropole de Ras Shamra (Mission de Ras Shamra, fonds Schaeffer du Collège de France, infographie G. Devilder et V. Matoïan). A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. ISBN 978-90-429-3994-3 eISBN 978-90-429-3995-0 D/201 9/0602/54 ©

2019, Peeters, Bondgenotenlaan 1 53, B-3000 Leuven, Belgium

No part of this book may be reproduced in any form or by any electronic or mechanical means, inc1uding information storage or retrieval devices or systems, without the prior written permission from the publisher, except the quotation of brief passages for review purposes.

AVANT-PROPOS

Depuis 2011, les directions privilégiées par la Mission archéologique syro-française de Ras Shamra - Ougarit ont été la politique éditoriale, la numérisation et l'exploitation scientifique des archives de fouille, la fOlmation et le partage des connaissances 1 . Huit volumes de la série Ras Shamra - Ougarit sont ainsi parus au cours des six dernières années. Trois monographies (RSO XVIII, XIX, XXIII) et cinq ouvrages collectifs (RSO XX, XXI, XXII, XXN, XXV) regroupant cent six contributions avec la collaboration de plus de soixante-dix auteurs. Le présent volume est le neuvième. Le soutien du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a été essentiel dans ce domaine. Et grâce notamment aux Éditions Paul Peeters qui publient ici leur septième ouvrage de la série Ras Shamra - Ougarit, les résultats des travaux des membres de la Mission de Ras Shamra sont largement diffusés à l'international. Le volume Ras Shamra - Ougarit XXVI est la seconde livraison de l'opération consacrée à Archéologie, patrimoine, archives, dont l'objectif est de rassembler des études portant plus spécifiquement sur l'exploitation scientifique des archives des fouilles anciennes de la Mission archéologique de Ras Shamra. Il s'inscrit à la suite du Ras Shamra - Ougarit XXV (Archéologie, patrimoine, archives I) paru en 2017 et livre à la communauté scientifique les résultats des recherches en cours dont le but est de publier l'ensemble de la matière inédite, en établissant notamment des corpus exhaustifs, tout en mettant en avant des thématiques qui répondent à plusieurs des enjeux actuels de la recherche dans le domaine des études ougaritiques (analyse de la géographie urbaine et sociale de la cité d'Ougarit au Bronze récent, étude du fait religieux à Ougarit, iconographie ougaritique ...) . L'ouvrage comporte quatorze articles auxquels ont contribué douze membres de la mission, rejoints par une collaboratrice extérieure. Ces recherches sont fondées sur l'édition d'une riche documentation pour une grande part inédite. Les documents d'archives analysés sont de nature variée : notes de fouille, cahiers d'inventaires, plans, dessins, photographies, moulages d'objets, lettres . . Les fouilles conduites sous la direction de Claude Schaeffer sont de loin les mieux représentées et nombre de documents font partie du « Fonds C. Schaeffer » du Collège de France. D'autres fonds ont aussi été exploités par lesquels les sources documentaires gérées par la mission et les archives du Département des Antiquités orientales du musée du Louvre. L'éventail des thématiques traitées est large. Plusieurs études abordent l 'histoire des recherches à Ras Shamra et à Minet el-Beida, avec des éclairages plus spécifiques sur le début des fouilles ou encore sur des pièces de la correspondance scientifique du fonds C. Schaeffer. D'autres articles, rédigés par des spécialistes de plusieurs disciplines, analysent des témoins de la civilisation ougaritique, objets, inscriptions en louvite

1.

Matoïan V. 2016, « La mission de Ras Shamra Ougarit aujomd'hui ,>, Les Nouvelles de l'archéologie 144 Uuin 2016), p. 38-42. Voir le site web de la mission : \VWW.mission-ougarit.fr

VI

AVANT-PROPOS

hiéroglyphique ou en hiéroglyphes égyptiens, productions locales ou importations datant en majorité de la période du Bronze récent. Ils livrent une documentation neuve sur des constructions, sur des objets inédits (poids, scarabée, bulle étiquette, harpè), apportent des données permettant une meilleure contextualisation de ces œuvres, ou sur d'autres déjà connues par les publications. Un troisième dossier, consacré aux études géographiques, livre la seconde contribution du programme en cours d'analyse diachronique des paysages (xvrre_XXIe s.), ainsi que trois nouvelles cartes numériques thématiques et une étude sur le climat de la région de Lattaquié. Au-delà des publications scientifiques, la valorisation de ces archives, dont la valeur patrimoniale est augmentée dans le contexte actuel, passe aussi par leur numérisation et par la diffusion après du grand public. Deux expositions ont eu lieu au cours des douze derniers mois, à la Bibliothèque universitaire de l'Université de Lille et au Musée L de Louvain-la-Neuve dans le cadre d'une collaboration avec l'Université catholique de Louvain. L'armée 2019, qui correspond au quatre-vingt dixième armiversaire du début de l'exploration sur le site de Minet el-Beida et sur le tell de Ras Shamra où les fouilles se poursuivent sous la responsabilité de Khozama al-Bahloul (Direction des Antiquités de la région de Lattaquié), a aussi vu la publication des actes du colloque « Société et religion à Ougarit », co-organisé par la mission et le Collège de France (Collège de France, 2016) dans le volume 48 de la revue Ugarit-Forschungen. Valérie MArOÏAN, le 25 mars 2019

REMERCIEMENTS

Le volume Ras Shamra - Ougarit XXVI est le septième ouvrage publié par la mission archéologique syro-française de Ras Shamra - Ougarit aux Éditions Paul Peeters, que je remercie à nouveau pour leur efficacité et pour la qualité de l'édition. J'adresse toute ma gratitude au Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE) qui assure un soutien constant aux activités de la mission de Ras Shamra - Ougarit (recherches, publications, expositions, rencontres scientifiques . . . ), examinées chaque armée par la Commission consultative des recherches archéologiques à l'étranger. Au cours des dernières années, l'intérêt réaffinné par le MEAE aux publications et aux opérations de numérisation des archives en vue de leur exploitation scientifique et de leur préservation a été essentiel et contribue largement à la réalisation des ouvrages de la série Ras Shamra - Ougarit, dont le présent volume. Toute ma reconnaissance va également aux principaux organismes et institutions français qui, en plus du MEAE, soutiennent les activités de la mission de Ras Shamra et les recherches menées par les membres de l'équipe : l'Unité Mixte de Recherche 7192 - Proc1ac (CNRS - Collège de France), l'Unité Mixte de Recherche 5133 - Archéorient (CNRS - Université de Lyon), l'Unité Mixte de Recherche 8 167 - Orient et Méditerranée (CNRS - Université Paris Sorbonne), le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France, l'Institut français du Proche-Orient, l'Institut national d'archéologique préventive dans le cadre du programme des Projets d'Activités Scientifiques (PAS) internationaux 1 . J'adresse toute ma gratitude au musée du Louvre qui accueille en 2019 une exposition sur Ougarit dans la salle des actualités du Département des Antiquités orientales. Ce département, que je remercie chaleureusement, accueille aussi régulièrement des membres de la mission qui viennent étudier les œuvres conservées au Louvre ou consulter la documentation les concernant. Que Jean-Luc Martinez, Marielle Pic, Sophie Cluzan, Nora Balkebla, Norbeil Aouci, Caroline Florimont, Mahmoud Alassi, Jorge Vasquez, Nicolas Benoit trouvent ici l'expression de ma profonde reconnaissance. Je remercie aussi le Collège de France, qui avait offert un cadre prestigieux à l'exposition « Ougarit entre Orient et Occident » (septembre 2016) 2, et soutient, au travers d'un prêt exceptionnel de documents d'archive, l'exposition sur Ougarit au musée du Louvre (2019). Ma reconnaissance va également au Service des archives du Collège de France pour l'accueil fourni au cours des dernières armées aux membres de la mission venant travailler sur les archives du fonds C. Schaeffer. Qu'AIme Chatellier, Claire Guttinger et Christophe Labaune soient ici remerciés.

1.

Le projet d'étude et de publication, intitulé « Archéologie, archives etpatrimoine de Syrie. Ougarit, une cité cosmopolite de MéditelTanée orientale. Projet de publication et de valorisation de la Mlssion archéologique syro-française de Ras Shamra dans le cadre d'une collaboration avec l 'Inrap " a été qualifié en 20 18 et en 2019.

2.

Matoïan V. et Romer T. (dir.) 2016, Catalogue d'exposition : Ougarit, entre Orient et Occident, Collège de France­ Mission archéologique syro-française de Ras Shamra - Ougarit (Paris, 15-23 septembre 2016), 120 p.

VIII

V.:MAWlAN

Au cours des derniers mois, les opérations de valorisation de la mission ont été accueillies en province et à l'étranger dans le cadre de fructueuses collaborations avec l'Université de Lille et avec l'Université catholique de Louvain. Que Denis Lacambre et Camille De Vissher, Jan Tavernier, Emmanuelle Druart et Quentin Moors trouvent ici l'expression de mes sincères remerciements. La valorisation et la diffusion sur la Toile sont soutenues par le Ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre du portail multimédia des « Grands sites archéologiques » et j 'adresse ici mes remerciements à son responsable, Thomas Sagory. Je remercie aussi chaleureusement la société Border Top qui a réalisé la maquette du nouveau site web de la mission (\VWW.mission-ougarit.fr) et a assuré sa mise en ligne à l'autonme 2018. J'adresse tous mes remerciements à Emma Croidieu, Gauthier Devilder et Carole Cheval pour les travaux d'infographie de belle qualité qu'ils réalisent tout au long de l'année et à Marie-Laure Chambrade qui a contribué à la réalisation des cartes. Je remercie enfin chaleureusement Michel al-Maqdissi, Mohamed al-Dbiyat et Eva Ishak pour les traductions en arabe, Bernard Geyer pour ses relectures, et Christiane Gallo, en charge de la maquette de l'ouvrage, pour son efficacité et sa compétence. Valérie MArotAN, le 25 mars 2019

HISTORIOGRAPHIE

Archéologie, patrimoine et archilles II RSO XXVI, 2019, p. 3-16

ÉVOCATION DES FOUILLES À OUGARIT VUES ET DESSINS INÉDITS

Valérie :MATo1AN '"

Les archives en lien avec les fouilles anciennes de la mission archéologique d'Ougarit sont de nature très variée comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner. Les notes de fouille complètent les inventaires d'emegistrement des trouvailles, les plans, relevés, schémas et croquis côtoient les tirages photographiques, les plaques de verre et les dessins d'objets, la correspondance scientifique renseigne sur les avancées de la recherche, tandis que les archives administratives documentent le fonctiormement de la mission. . . Dans l'introduction au volume l de la série Archéologie, patrimoine, archives \ j'avais déjà attiré l'attention sur des productions graphiques qui témoignent des qualités techniques et artistiques de membres de la mission, dessinateurs, archéologues et architectes 2. À nouveau, mon propos est ici de mettre en lumière plusieurs documents inédits identifiés au cours des , dernières années.

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Fig. 1 -Dessin du cratère enforme de cloche Louvre 83 AG 752, Tombe VI de Minet el-Rdda extrait du carnet de dessins de Georges Chenet, 1932 (Mission de Ras Shamra, fonds Schaeffer du Collège de France, infographie E. Croidieu et V Matoi"an).



L

Ce sont tout d'abord deux dessins au crayon, de la main de Georges Chenet, montrant des céramiques mycéniermes issues des premières campagnes de fouille à Minet el-Beida 3. Proche collaborateur de Claude Schaeffer, G. Chenet (1881-1951) participa aux fouilles jusqu'en 1937 et on lui doit 1Ul grand nombre de dessins d'objets et de relevés 4. Le premier document présente le décor d'lUl fragment de cratère en forme de cloche de style pastoral (Early pastoral Style) de l'Helladique récent IIIB (Louvre 83 AO 752) (fig. 1), mis au jour dans la tombe VI de Minet el-Beida en

lTh1R 7192 Proclac, CNRS - Collège de France. Matoïan (dir.) 2017.

2.

Matoïan 2017a.

3.

D'autres dessins de céramiques mycénielllles ont déjà été publiés dans le volmne RSO XXV (Blanc 2017, fig. 1 ; Pic 2017, fig. 26b et 27b ; MatoYan 2017b, fig. 22).

4.

Sm G. Chenet, voir Méchin 2018.

4

v. :MAWlAN

1932 5• Le trait sûr et nerveux du dessinateur s'exprime parfaitement dans la figure du capriné en mouvement qui occupe toute la hauteur du registre principal et la silhouette très allongée de l'animal capte le regard. Le second vase est un rhyton ovoïde (RS 3.013), daté l'Helladique récent IlIA: 2 - IIIB:1, mis au jour en 1931 à Minet el-Beida. Publié dès sa découverte, sa fonne exceptiOlmelle (le rhyton ovoïde contient un rhyton conique) a souvent été reproduite dans les études portant sur la céramique mycénienne 6 et le mode d'utilisation de l'objet continue de faire débat 7. La figure 2 associe le très beau dessin au crayon du vase à une vignette reproduisant la figure publiée dans Ugaritica II. Le dessin de la figure 3 appartient encore au registre de la céramique, mais nous changeons d'auteur. Le croquis au crayon, réalisé sur une feuille de papier volante conservée dans les archives de la mission, est de Liliane Courtois. Céramologue et dessinatrice, elle participa à plusieurs campagnes sur le terrain à partir de 1959 et collabora avec Jacques-Claude Courtois à l'établissement du Corpus céramique de Ras Shamra - Ugarit publié en 1978 dans Ugaritica VII 8. L'œuvre montre quelques vases retrouvés in situ, en 1963, dans l'angle sud-est d'une tombe de la « tranchée Sud-acropole » (fig. 3). Il s'agit de la Tombe 4253 [642], dont L. Courtois a étudié et publié la céramique dans le volume Ugaritica VI 9 et à laquelle nous avons récemment consacré un article 1 0. Le dessin complète deux relevés au crayon, également de la main de L. Courtois, montrant l'ensemble du matériel in situ (fig. 4) . L e document suivant est un dessin à l'encre qui illustre l a découverte de jarres de stockage. Dans le volume RSO XXV, j 'ai déjà présenté un dessin d'ambiance - réalisé dans les années 1960 par Maya Kron-Forrer pour le livre des visiteurs de la mission (XXXe campagne de fouille) - montrant une porteuse de couffin à côté de trois pithoï in situ 11 . La figure 5 fait référence quant à elle à l'une des premières trouvailles d'un ensemble de jarres de stockage dans un édifice du site de Minet el-Beida. L'œuvre inédite est datée du 22 avril 1930. Les annotations au crayon - « Jarres au nord de cella A » - pelTIlettent de localiser la découverte faite au cours de la seconde campagne. « CellaA » est la dénomination attribuée par le fouilleur à l'une des pièces du bâtiment, probablement une maison d'habitation, connu sous l'appellation de « construction aux 13 chambres et couloirs » de Minet el-Beida 12 . Un plan schématique en est foumi par C. Schaeffer dans le rapport de fouille publié en 1931 dans Syria 1 3. Cette illustration a probablement été établie à partir du plan dessiné dans le carnet de relevés de la seconde campagne conservé dans le fonds Schaeffer du Collège de France (fig. 6) . Dans son commentaire, l e fouilleur précise que deux « chambres dans la partie Nord du monument contenaient une douzaine de très grandes jarres déposées à deux niveaux et dont plusieurs étaient encore intactes » 14. Des photographies en sont données àla planche II de l'article. La vue de la figure 5, probablement dessinée par G. Chenet, complète ainsi utilement les infolTIlations publiées par C. Schaeffer 1 5 .

5. 6. 7. 8. 9. 10. Il. 12. 13. 14. 15.

Schaeffer 1949, fig. 61B ; Yon, Karageorghis et Hirschfeld 2000, cat. 47= cat. 424. Schaeffer 1932, p. 5, fig. 4, à droite ; Schaeffer 1949, fig. 93A, à droite et fig. 93 : 1 ; Yon 1985, p. 277-278, fig. 5b ; Leonard 1994, p. 93, n° 1413 ; Koeh1 2006, p. 134, n° *392. Blanc 2017, p. 304. Dans Matoïan 2017a, fig. 37 et 38 : dessins par L. Courtois de bronzes découverts au cours de la campagne de 1968 et réalisés dans le livre des visiteurs de la XXX" campagne. Courtois 1969. Matoïan et Marchegay 2015 : voir les fig. 20 et 24 pour un parallèle avec le dessin présenté dans cet article à la figure 3. Matoïan2017a, fig. 37. Marchegay 2001, fig. 10-11, p. 17-18. Voir aussi Matoïan (à paraître) pour l'attribution d'une lampe en bronze aux fouilles de ce secteur. Schaeffer 1931, p. 3, fig.!.

Schaeffer 1931, p. 4, pl. II, 3 et 4. On doit aussi à G. Chenet lUl relevé inédit localisant les découvertes céramiques avec plus de précision que ne le propose le plan de la figure 6.

ÉVOCATION DES RlUlLLES À OUGARIT VUES ET DESSINS lNÉDITS

5

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Fig. 2 -Dessin du rhyton RS 3.013 (H 23 cm) de Minet el-Beida : extrait du carnet de dessins de Georges Chenet, 1931 (Mission de Ras Shamra, fonds Schaeffer du Collège de France, infographie G. Devi/der et V Mntoïan).

Y. MArûlAN

6

Fig. 3 - Vases in situ dans la Tombe 4253 [642J de la « tranchée Sud-acropole » dessin au crayon de Liliane Courtois (Mission de Ras Shamra, infographie V Mntoïan),

ÉVOCATIOO DES FOUIllES À OUGARIT: VUES ET DESSINS INÉDITS

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Fig. 4 - Matériel du niveau supérieur de la Tombe 4253 [642] de la (( tranchée Sud-acropole)} : relevé au crayon de Liliane Courtois sur papier millimétré, 20 novembre 1963 (Mission de Ras Shamra).

8

Y. MArûlAN

Fig. 5 -JaTTes de stockage trouvées dans la « construction aux 13 chambres et couloirs » de Minet el-Rdda : dessin à { 'encre daté du 22 avril 1930, probablement de la main de G, Chenet (Mission de Ras Shamra, fonds Schaeffer du Collège de France, infographie V Matoian).

9

ÉVOCATION DES RlUlLLES À OUGARIT VUES ET DESSINS lNÉDITS

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\ 0 1\' d. R.";;b.m... R.I ..... loi. " 1_.

Fig. 9 - Plan et coupe de la Tombe IV[119] de l'Acropole de Ras Shamra (Schaeffer 1934),

Au pied du tell, on lit de gauche à droite : ({ pt. [petite] butte », ({ butte néol. [néolithique] obsidienne », ({ nahr l, (= nahr Chbayyeb qui coule au nord du tell), ({ château d'eau l, auquel est reliée lllle ({ conduite d'eau l,. Pour ces aménagements hydrauliques, lUle intéressante mise en perspective peut être faite avec l 'tUle des plaques de verre réalisées par l'Armée du Levant conservée dans le fonds Schaeffer et récemment analysée par Nicolas Jacob-Rousseau et Bernard Geyer à J'occasion de leurs travaux portant sur l'apport de la photographie aérienne et satellitaire à J'étude des paysages anciens on y identifie en effet très distinctement le ({ château d'eau l, et la ({ conduite If 24. L'indication ({ butte néoL obsidienne If questionne. En effet, elle n'est relayée par aucun commentaire dans les publications de C. Schaeffer et cette mention succincte est peu explicite. On aimerait savoir sur quels éléments précis reposent la référence au Néolithique. En 1929, les niveaux d'occupation néolithiques sur le tell ne sont pas encore connus. Ils seront reconnus par la suite dans plusieurs sondages profonds réalisés. Toutefois, dans son bref commentaire sur des prospections alentour menées au cours de la première campagne, le fouilleur indique: ({ Nous profitions des journées de Pâques pour installer notre camp et pour prospecter le site, où nous avions bientôt recueilli sur un rayon de plusieurs kilomètres des traces d'occupation depuis l'âge néolithique (en particulier plusieurs haches polies, meules et lames de silex) jusqu'à l'époque romaine (tronçons de colonnes, poteries en terre sigillée provenant de plusieurs villae rusticae ou d'établissements agricoles) »25. Il n'y est pas fait mention d'obsidienne. Est-ce la présence de cette roche (sous quelles fonnes 7) qui conduisit C. Schaeffer à cette interprétation 7 Nous ne le saurons probablement jamais. Rappelons que les recherches menées dans le cadre de la mission ont montré que cette roche volcanique importée fut utilisée sur le site dès le niveau néolithique le plus ancien (VC) 26 et jusqu'au Bronze récent final 27. Au second plan de cette vue de C. Schaeffer, ce sont : le ({ village Ibn Rani " (fig. 11), le ({ far (sic) Ibn Rani If, ({ nos fouilles If, la ({ tente If (jig. 12), ({ Minet el Beida If et. . l' ({ horizon d e la mer If . .

24.

Jacob-Rousseau et Geyer 2017, fig. 8 «château d'eau l, = n° 2 et i{ condUIte " = n° 3 ; vOIr aussi la fig. 9, n° 1.

25.

Schaeffer 1929, p. 286.

26.

Contenson 1992, p. 53.

27.

Coqueugniot 1991,p. 131.

13

ÉVOCATION DES RlUlLLES À OUGARIT VUES ET DESSINS lNÉDITS



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, in V Matoïan (dir.), Archéologie, patrimoine et archives, Les fouilles anciennes à Ras Shamra et à Minet el-Beida, I, Ras Shamra Ougarit XXV, Éditions Peeters, Louvain, p. 301-33 1 . CALLOT O. 1994, La tranchée «Ville sud». Études d'architecture domestique, Ras Shamra Ougarit X, ERC-ADPF, Paris, 420 p.

:MARCHEGAY S. 2001, « Un plan des fouilles 1929-1935 à Minet el-Beida, le port d'Ougarit ;>, in M. Yon et D. Arnaud (dir.), Études ougaritiques I. Travaux 1985-1995, Ras Shamra Ougarit XIV, p. 1 1 -40. MATOfAN V (dit.), 2017, Archéologie, patrimoine et archives, Lesfouilles anciennes à Ras Shamra et à Minet el-Beida, I, Ras Shamra Ougarit XXV, Éd. Peeters, Leuven, 428 p.

CONTENSON H. de, avec la collab. de 1 BLOT, L. COURTOIS, A. LEROI-GOURHAN et M. DUPEYRON 1992, Préhistoire de Ras Shamra. Les sondages stratigraphiques de 1955 à 1976, Ras Shamra Ougarit VIII, ERC-ADPF, Paris.

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NOTES D' ARCHÉOLOGIE LE VANTINE LXIII OUGARIT ET MINET EL-BEIDA AVANT SCHAEFFER DOCUMENTS CONSERVÉS AU DÉPARTEMENT DES ANTIQUITÉS ORIENTALES (MUSÉE DU LOUVRE) 1

Michel AL-MAQDISSI

*

RÉsUMÉ Présentation d'lUle série de documents conservés au Département des Antiquités Orientales (Musée du Louvre) en relation avec le premier tombeau fouillé à Minet el-Beida en 1928 par Léon Albanèse. La documentation regroupée dans cette note constitue la base sur laquelle René Dussaud va prendre la décision d'envoyer en 1929 une mission archéologique sous la responsabilité de Claude Schaeffer et Georges Chenet pOlIT mener lUle première campagne sur le terrain.

ABS1RACT A collection of documents will be presented in the Department of Oriental Antiquities (Louvre Museum) concerning the discovery ofthefirst tomb at Minet el-Beida in 1928 during the excavations led by Inspector ofAntiquities Léon Albanèse. For René Dussaud, the documents published in this note were sufficient to support the decision to fonn an archaeological expedition in 1929 and to take the necessary measures to start thefirst exploration and archeology campaign in thefield led by (Claude Schaeffer) and (Georges Chenet).

J)l;. Ù" � J,> �\ :u,.J w,,).i-JI 63):i..,!y:.. t,';1 w\.!;"..)L.," : (,,, Syria IX, p. 1 3 1 -150. DUSSAUD R. 1 929a, « Note additionnelle p. 20-21 .

;>,

DUSSAUD R. 1929b, « Note additionnelle p. 297-303.

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Archéologie, patrimoine et archives II

RSO XXVI, 2019, p. 35-56

QUATRE LETTRES DU FONDS CLAUDE SCHAEFFER AU COLLÈGE DE FRANCE

À PROPOS DE QUELQUES TABLETTES DES ARCHIVES RETROU VÉES DANS LE PALAIS ROYAL D'UGARIT (XVI' ET XVII' CAMPAGNES 1952-1953)

Béatrice ANDRÉ-SALVlJ'.IT *

RÉsUMÉ

La correspondance échangée entre Claude Schaeffer et les épigraphistes-philologues qui déchiffrèrent les premiers textes découverts à Ras Shamra, livre, dans de nombreux cas, les premières lectures des tablettes exhmnées lors de chaque campagne. Un choix de trois lettres, écrites à Schaeffer entre décembre 1952 et mai 1953 par Charles Virolleaud et Emmanuel Laroche et concernant des tablettes et scellements exhumés lors des fouilles des « Archives Centrales ;} du Palais royal dmant l'autonme 1952, lors de la seizième campagne de fouilles, illustrent bien les modalités de leur recherche, fondée sur une coopération complète et complémentaire entre les membres de la mission. Dans une lettre datée de septembre 1 954, Jean Nougayrol souligne le travail accompli et l'importance de la découverte des archives palatiales pom la connaissance de l'histoire du royamne d'Ugarit, complétant ainsi lUl premier aperçu du travail fondatem de ces trois savants. ABS1RACT

The correspondence between Claude Schaeffer and the epigraphists/philologists who deciphered thefirst texts discovered at Ras Shamra often delivers thefirst readings ofthe tablets unearthed. A choice of three letters written between December 1952 and May 1953 by Charles Virolleaud and Emmanuel Laroche ta Claude Schaeffer refers ta tablets and sealings dug up in the Central Archives of the Royal Palace during the 16th archaeological campaign of 1952. These documents illustrate their methodology ofresearch based on afull cooperation between all members ofthe mission. In a letter ofSeptember 1954 Jean Nougayrol underlines the impressive work already done and the significance ofthepalatial archives s discovery for our knowledge of the History of the kingdom of Ugarit allowing us a first insight into the work ofthese three scholars.

,

Conservateur général honoraire du Patrimoine (Musée du Louvre).

36

B. ANDRÉ-SALVINI

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Panni les papiers de Claude Schaeffer, l'échange de correspondance entre le premier Directeur de la mission de Ras Shamra et les principaux épigraphistes-philologues travaillant sur les textes en plusieurs langues et écritures, mis au j our sur le site, illustre l'enthousiasme engendré par la moisson de découvertes, et leur collaboration efficace motivée par l'envie de livrer rapidement à la science les résultats d'une recherche partagée. Ces documents sont essentiellement les réponses à des demandes émanant de Schaeffer, depuis la Syrie ou Chypre, ou après son retour en France. Elles livrent, dans de nombreux cas, les premières lectures des tablettes exhumées lors de chaque campagne et elles constituent le prélude aux communications ammelles données par leurs auteurs à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - souvent quelques semaines seulement après la fin des fouilles - puis à une première élaboration dans la revue Syria. Très actif pour faciliter l'étude rapide d'un matériel épigraphique d'une importance exceptionnelle, Schaeffer n'hésitait pas à participer à la recherche et à proposer des interprétations historiques. Cette implication empressée, dans un domaine d'études qui n'était pas le sien, est démontrée par ces missives comme dans les volumes de synthèse consacrés aux textes de Ras Shamra, où son nom est omniprésent. S'il reconnaissait à sa juste valeur le rôle des déchiffreurs, citant toujours scrupuleusement les sources de ses infOlmations et faisant lui-même preuve de remarques et d'intuitions intéressantes, fondées notamment sur la répartition archéologique des textes, on peut regretter que cette ardeur nous ait parfois privés du développement de certains commentaires esquissés dans les rapports préliminaires et dans les lettres de ses correspondants, ce qui rend celles-ci d'autant plus précieuses 1 . La correspondance échangée entre Charles Virolleaud et Claude Schaeffer, concernant les inscriptions découvertes jusqu'en 1968, est la plus longue. Elle révèle la rapidité de pensée et de compréhension des textes, intuitive mais scrupuleusement scientifique, démontrée par C. Virolleaud 2 . Après la découverte des premières tablettes, en 1929, alors qu'il allait quitter Beyrouth et son poste de Directeur du Service archéologique des Antiquités près le Haut-Commissariat de France en Syrie et au Liban, sans jamais renier son premier domaine d'intérêt, l'Assyriologie, il consacra ses études aux textes alphabétiques ougaritiques. En 1951, après l'apparition des grandes archives qui commençaient à sortir des fouilles du Palais royal, il laissa à des collègues spécialistes reconnus la charge d'étudier et de publier les autres catégories de textes, confiant, notamment, tout le cunéifOlme syllabique suméro-akkadien à Jean Nougayrol, tandis qu'Emmanuel Laroche se voyait attribuer par Schaeffer les textes relevant de la sphère anatolienne en

1. 2.

Voir particulièrement, Ugaritica V 1968, chap. IV, où le commentaire des textes des bibliothèques et archives privées, publiés par J. Nougayrol, est fait par C. Schaeffer au chapitre N, p. 606-768. André-Salvini 2016.

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QUATRE LETTRES DU FONDS CLAUDE SCHAEFFER AU COLLÈGE DE FRANCE

hittite, en louvite et en hourrite. Ces deux chercheurs ont alors régulièrement engagé des discussions écrites avec l'archéologue qui dirigeait la mission, au gré des archives qu'ils avaient à étudier. Dans cette documentation épistolaire d'une grande richesse, un choix préliminaire de trois lettres, écrites à C. Schaeffer entre décembre 1952 et mai 1953 par C. Virolleaud et Emmanuel Laroche concernant des tablettes et scellements exhumés dans les « Archives Centrales » du Palais royal entre septembre et novembre 1952, lors de la seizième campagne de fouilles, illustre bien ces modalités de la recherche, fondée sur une coopération complète et complémentaire entre les membres de l'équipe. Des commentaires de Jean Nougayrol, exprimés dans une lettre datée de septembre 1954, insistant sur le travail accompli et sur l'importance des découvertes de la dix-septième campagne pour la connaissance de l'histoire du royaume d'Ugarit à travers les archives palatiales, complètent un premier aperçu du travail fondateur de ces trois savants, sur les textes de Ras Shamra. Quelques propos personnels, nouvelles familiales, ou sujets professionnels divers concernant des échanges de publications, des rendez-vous et autres réunions de savants, y sont évoqués 3. Cette étroite et fidèle collaboration épistolaire facilita une édition très rapide de ce matériel, tout à fait nouveau et considérable, dans les premiers recueils de synthèse consacrés aux travaux de la Mission de Ras Shamra 4. Le fait que J. Nougayrol ait pu se rendre en Syrie, en octobre 1952 et en novembre 1953, pour examiner plusieurs centaines de textes et fragments et que le Gouvernement de Damas ait autorisé le voyage des tablettes vers Paris, pour qu'elles soient déposées au Musée du Louvre le temps de leur étude, fut un atout majeur pour la recherche et la publication. E. Laroche et C. Virolleaud y font allusion dans leurs lettres. Une partie de cette marme inscrite sera reprise ultérieurement, par les mêmes auteurs, avec l'édition du complément des textes découverts lors les fouilles ultérieures menées dans les ruines du palais royal et dans ses alentours 5. L'apparat critique des lettres, ici reproduites et transcrites, a pour seul but d'expliciter leur contenu, en replaçant les textes qu'elles commentent dans le contexte de leur découverte, tout en éclairant le travail accompli par leurs auteurs 6.

Lettre d'Emmanuel Laroche à Claude Schaeffer, datée du 15 décembre 1952 (fig.

1

et 2)

Strasbourg, le 15 décembre 1952 Cher Monsieur, Je vous remercie pour l 'envoi de l'article de P Meriggi. Ci-inclus un article récent qui pourra vous rappeler votre promenade à Yazilikaya en 1948. J'ai eu le plaisir de trouver au Louvre le sceau hiéroglyphique étudié par M Nougayrol sur une tablette cunéiforme de RS. Après le deuxième examen, je suis en mesure de le lire entièrement : il s 'agit bien

3. 4. 5.

6.

Je remercie V Matoïan, directrice de la Mission de Ras Shamra, de m'avoir proposé de publier ces lettres.

J. Nougayrol, Palais Royal d'Ugarit III, 1955 ; E. Laroche, avec des commentaires de C. Schaeffer, Ugaritica III, 1956 ; C. Virolleaud, Palais Royal d'Ugarit II, 1957. L'exploration des Archives Centrales, Sud et Sud-Est du palais sera achevée lors de la dix-huitième campagne en 1955. Les trouvailles épigraphiques des campagnes précédentes seront étudiées dans leur ensemble, à la lumière de nouvelles découvertes, dans la suite de la série consacrée au Palais Royal d'Ugarit : J. Nougayrol 1956 (PRU IV) et 1970 (PRU VI). C. Virolleaud 1965 (PRUV) ; J. Nougayrol, E. Laroche, C. Virolleaud et C. Schaeffer, Ugaritica V, 1968. La présentation originale des manuscrits est scrupuleusement respectée, afin de préserver le mode d'écriture de chaque auteur, qui est le reflet de sa personnalité.

38

B. ANDRÉ-SALVINI

du personnage nommé plus bas en cunéiforme et qui s 'appelle Takubli. Le nom lui-même est très intéres­ sant et pose plusieurs problèmes connexes. Je pense que cette découverte venant après le sceau « de Mursili » sera encore suivie d'autres trouvailles du même ordre. J'ai confié à J Nougayrol le manuscrit définitif de ma contribution aux Textes épigraphiques de RS. Avec mes meilleurs vœux de fin d'année, croyez à mon bon souvenir E. Laroche

Le sujet principal de cette lettre, envoyée par Emmanuel Laroche, alors Professeur à l'université de Strasbourg, est le sceau de Takb-ulinu, dont le nom est écrit en louvite hiéroglyphique, imprimé deux fois sur la face de la tablette syllabique fragmentaire RS 16.273, provenant des Archives Centrales du Palais Royal d'Ugarit et découverte en automne 1952, lors de la seizième campagne de fouilles à Ras Shamra. J. Nougayrol avait immédiatement étudié la tablette, comme le rappelle E. Laroche, et noté que « le sceau personnel de Takb-ulinu est inscrit en hiéroglyphes "hittites" 7 ». Sa communication à l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres du 6 février 1953 démontre, en effet, qu'il avait déjà lu toutes les tablettes qu'il avait pu voir en Syrie au mois d'octobre précédent, et qu'il en avait une connaissance suffisante pour élaborer un essai de reconstruction historique à partir des découvertes épigraphiques des deux premières campagnes de fouilles dans les grandes archives du palais royal. « ( . . . ) J'ai pu voir sortir de terre, en octobre dernier, plus de tablettes "babyloniennes" que le site n'en avait fourni jusque-là, c'est-à-dire : quelque 110 inscriptions complètes, ou à peu près, et une soixantaine de fragments, dont aucun n'est négligeable. Nous pouvons, dès maintenant, entamer des recherches plus profondes, embrasser des ensembles, par exemple : reconstituer les dossiers juridiques de quelques puissantes familles ou retracer l'ascension de certains personnages, à l'aide de documents qui se regroupent d'eux-mêmes ( . . . ). On pourrait évoquer ( . . .) le personnage inquiétant de Tak))ulinu, auquel Armnistamar accorda tant de biens et de titres, mais dont il ne cessait de se méfier 8 ». La tablette RS 16.273, fragmentaire, brûlée dans l'incendie du palais, est intéressante, ainsi que Laroche le note. Elle sera publiée par J. Nougayrol comme « acte international » dans sa synthèse Palais Royal d'Ugarit III, ainsi que d'autres textes juridiques impliquant le personnage de Takl].ulinu, qui fut un haut fonctionnaire (Mudû sarrati : conseiller de la reine d'Ugarit, puis kartappu du roi de Karkemish). Le roi Armnistaru/Armnittarnru II lui permit d'acheter des terres et des villages dans l'Ugarit, ces propriétés étant cependant liées à sa loyauté et à celle de ses descendants envers la couronne d'Ugarit 9. E. Laroche livra l'étude des signes hiéroglyphiques de l'empreinte du sceau-bague de Tak))ulinu (fig. 2), dans son étude des « Documents hiéroglyphiques et hittites provenant du palais d'Ugarit » parue dans Ugaritica III en 1956, parmi les « fonctionnaires impériaux », tandis que Schaeffer s'exerçait à en faire un commentaire historique 10.

7. 8. 9.

10.

Nougayrol 1953, note 2 p. 44. Nougayrol 1953, p. 40 et44. Nougayrol 1955 (PRU III), p. 44-45 et dossier TaklJ.ulinu dans les « textes juridiques '>'>, p. 111-1 16, auquel il faut ajouter deux lettres trouvées au palais lors de la dix-septième campagne, publiées dans Nougayrol 1956 (PRU IV), p. 221 sq. . RS 17.383, 17.422. La carrière de Tak1J.ulinu, qui se déroula probablement, également à Bogazk6y et à Tel Aphek, où ce nom est attesté, a été étudiée ensuite, notamment par Singer 1983, p. 457-458 ; Vita 1999, p. 457-458 ; Lackenbacher 2002 p. 91-92 eI311-315. Ugaritica III, 1956 : C. Schaeffer, chap. 1 : « Recueil des sceaux et cylindres hittites imprimés sur les tablettes des Archives-Sud du palais de Ras Shamra '>'>, p. 39 n° 14, p. 44, fig. 61 (copie du sceau par W. Forrer) ; p. 45, fig. 62 (photo agrandie du recto de la tablette, avec ses scellements) ; E. Laroche, p. 134sq. : « fonctionnaires impériaux '>'> n° IV, p. 140. On peut regarder Kabatiarova 2006, p. 67-68 et fig. 25.

QUA'IJ.E L..E1TI.ES DU FONDS a.AUOE SOIAEffEIt AUcoui:cE DE f«ANCE

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STRASBOURG,

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ÉTUDES ARCHÉOLOGIQUES ET ÉPIGRAPHIQUES

Archéologie, patrimoine et archives II

RSO XXVI, 2019, p. 59-62

NOTE SUR UNE BULLE SCELLÉE DE RAS SHAMRA (RS 19.160)

BéatriceANDRÉ-SALVINI * Mirjo SALVINI **

RÉsUMÉ Une bu1le fragmentaire retrouvée en 1955 à Ras Shamra, lors des fouilles du Palais royal d'Ugarit porte la représentation d'un personnage tenant une anne et une inscription en louvite hiéroglyphique, donnant son nom. Le décor géométrique de la bordme du sceau est un motif bien connu dans la glyptique hittite ou syro-hittite.

ABS"IRACT A sealed fragmentary clay bulla found in 1955 during excavations in the Royal Palace of Ugarit represents a male figure carrying a weapon. A hieroglyphic Luwian inscription gives his name. The seal impression is framed by a geometrical decorative pattern well known in the Hittite or Syro-hittite glyptic.

, "

Conservatem général honoraire du Patrimoine (Musée du Louvre). Directeur de recherche émérite au Consiglio Nazionale delle Ricerche (Rome).

60

B. ANDRÉ-SALVlJ'.il, M. SALVlJ'.il

La bulle, cassée et portant des traces de natte et de bitume sur le revers et sur le bord supérieur, arrondi et encore intact !figs. 1, 3, 4 et 5), fut retrouvée en 1955, lors des fouilles du Palais royal d'Ugarit. L'inventaire des trouvailles de la 1ge campagne précise : « étiquette avec sceau hittite ; hauteur 30, largeur 22, épaisseur 24,5 ; pièce 81 du Palais royal ». Elle est conservée au Musée national de Damas (lnv. 5162). La TEO (1989) précise que l'étiquette appartient aux « Archives Sud-Ouest » et indique la présence d'une empreinte de sceau. Toutefois, elle est donnée comme anépigraphe et inédite 1 . L'empreinte a été partiellement publiée par Emilia Masson, dans Syria en 1975 2, parmi « quelques sceaux hittites hiéroglyphiques » et sur la foi d'une photographie et de notes préliminaires qui lui avaient été confiées par Emmanuel Laroche, mais ne portant aucune mention de localisation ou de provenance, excepté celle de Ras Shamra. Grâce à une nouvelle documentation photographique, nous sommes en mesure de mieux voir certains détails et d'améliorer la lectine de l'image et de l'inscription en louvite hiéroglyphique 3 !fig. 2). La partie gauche de l'empreinte est occupée par la représentation d'un personnage masculin qui se tient debout, tourné vers la droite, en marche. Il est coiffé d'un casque ou d'un bonnet enserrant la tête et porte une aime - harpè ou masse d'aimes - dans la main droite, serrée contre son flanc 4. Son bras gauche est tendu et de sa main levée émerge un triangle équilatéral posé sur une tige verticale. C'est une variante pointillée du signe qui signifie « bien, santé » (HH370) 5. À droite de la figure de l 'homme, sous son coude gauche, deux signes superposés - le triangle (HH370) et le « crampon » (HH386) signifient BONUS, VIR, 6. Sur la partie droite de l'empreinte, cinq signes syllabiques sont disposés verticalement, devant le personnage figuré. Ils forment un nom propre qui se lit, de haut en bas : wa/wi ? 7 - pi 8 - a 9 - na 1 0 - ni 11 . Le même signe ni (HH 411), inversé, est répété à l'intérieur du signe précédent (na). À la hauteur du premier signe, sur le bord droit de l'empreinte, on devine la répétition du groupe BONUS, VIR, Plus petit et presque effacé. , La répartition de l'image et de l'écriture dans le champ est équilibrée. Près du bord supérieur de la bulle et, au-dessus du premier signe d'écriture, il reste des traces d'un bandeau décoratif qui formait la bordure supérieure du sceau. Des traces plus effacées de cette ligne de délimitation du champ, sont discernables à la partie basse de l'empreinte. Ce type de motifs d'encadrement géométriques, dont les triangles constituent une des variantes, est bien connu dans la glyptique hittite ou syro-hittite 12 .

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. Il. 12.

Bordreuil, Pardee 1989, TEO, p . 212. Dimensions : 32 x 24 x 25 (mm), également légèrement sous-estimées d'après l'échelle apparaissant sur l'une des photographies. Masson 1975, p. 227, n° 16, pl. III, 2 (photographie) et p. 236, fig. 16 (dessin). Une vérification sur l'objet lui-même, au musée de Damas, sera pollliant nécessaire, lorsque cela s'avèrera possible. Les irrégularités de l'argile empêchent d'être plus précis à partir de la photographie. HH Laroche 1960. La formule augurale liée au propriétaire du sceau. Voir Hawkins 1979, p. 156. Variante deHH 439 ? HH 66. HH 209 couché horizontalement. HH 35. Variante deHH 411. Voir par exemple Beyer 2001, p. 413-417 et particulièrement, fig. 105, p. 414. =

NOTE SUR UNE BŒLE SCELLÉE DE RAS SHAMRA (RS 19.160)

o

61

1 cm

', -"

Fig. 1 -Bulle étiquette scellée RS 19,160, face (ID Photographie Mission de Ras Shamra),

Fig. 2 -Dessin et autographie de la bulle RS 19, 160 (ID Mirjo Salvini, 2018),

Fig. 3 - Bulle étiquette scellée RS 19,16(), revers, (ID Photographie Mission de Ras Shamra),

62

B.

ANDRE-SALVINI, M. SALVINI

Fig. 4 - Bulle étiquette scellée RS 19.160, tranche supérieure. (0 Photographie Mission de Ras Shamra).

Fig. 5 - Bulle étiquette scellée RS 19. 160, tranche droite. (ID Photographie Mission de Ras Shamra).

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Archéologie, patrimoine et archives II

RSO XXVI, 2019, p. 63-80

DEUX PETITS OBJETS AU NOM D'HATCHEPSOUT À OUGARIT

Bérénice LAGARCE-OTIIMAN *

RÉsUMÉ Un scarabée et un poids inscrits d'hiéroglyphes nommant Hatchepsout, cinquième monarque de la XVIII" dynastie (env. 1479-1458 av. I-C.), ont été exhumés à deux endroits du site de Ras Shamra lors des campagnes de fouilles de 1961 et 1963. N'ayant pas fait l'objet jusqu'à présent d'lUle publication complète, ils étaient passés lUl peu inaperçus alors qu'il s'agit des seules attestations de cette souveraine à Ougarit, et que les documents d'Hatchepsout sont rares au Levant. Les poids de ce règne sont même, hors celui de Ras Shamra, totalement inconnus en dehors d' Égypte comme en Égypte. Après lUle présentation détaillée de chaque objet, à partir de documents d'archives (les pièces, conservées en Syrie, n'étant pas accessibles), l'article s'interroge particulièrement sur la place de ce poids égyptien dans le contexte des transactions commerciales entre les ressortissants de différents territoires qui entraient en contact sm cette côte orientale de la Méditerranée à l'âge du Bronze récent, et dans la nécessaire cohabitation de systèmes de poids et mesmes hétérogènes. Il envisage la possibilité que l'objet ait pu servir à exprimer une valem se rattachant à lUl système pondéral non égyptien.

ABS1RACT A scarab and a stone weight inscribed with hieroglyphs naming Hatshepsut, the fifth monarch of the 18th Egyptian dynasty (ca. 1479-1458 BC), werefound in two different places during the excavation campaigns of 1961 and 1963 at the site of Ras Shamra. As they have not beenfully published sa far, they have remained largely overlooked in academic studies, although they are the only attestations ofthe Egyptian queen in Ugarit. Overall, Hatshepsut s evidence is rare throughout the Levant, andweightsfrom her reign were even unknown out ofEgypt as well as inEgypt, until now. First cames a detailedpresentation of each abject, based on archive material (the documents themselves are presently not accessible due ta their storage in Syria). The paper then reflects especially on the place that the Egyptian stone weight under study once held within the network of commercial transactions that brought together natives of different territories on this eastern coast of the Mediterranean, during the Late Bronze Age, and on the part it played in the necessary cohabitation ofdiverse weight and measure systems. Thepossibility that it may have actually been used ta embody a value belonging in a non Egyptian weight system is considered

,

lTh1R 8 1 67, Sorbonne - Paris IV ; chercheuse associée à l 'Ifpo (Archéologie et histoire de l'Antiquité).

64

B. LAGARCE-OTHMAN

\:."�IÇ} éy l; ""� �I J,i 1479-1458 JI,>-) � lc..W I ul 'lj ,,,-"� IÇ} l; ""� "ril lSJ..lJ o�)1 -"'!,.!JI u *-' LJI �) I c? . 1963 i �) 1 9 6 1 i � c.I'

""� 'Jo. l; �>c

,l..k; j5J � ci'r ""' . 4!>-I> l; cS>") "ril l.0.l1 ",, �WI ci,"" l; "ril "rJ-1 �j)1 � 15:,. lJL.. ,-",1>. � J W.I IlA iZl., , ( LAI... LJ � t) "Jr" l; � JrJl j>-UI IlA c? j.P1,i) ;115&.1 d;� �j ,,-, IS' ",lJl l..ili, in M.E. Alberti, E. Ascalone and L. Peyronel (e(1s.), Weights in Context Bronze Age Weighing Systems of Eastern Mediterranean. Proceedings ofthe International Colloquium, Rome 22nd-24th November 2004, Studi e materiali 13, Roma, Istituto italiano di numismatica, p. 9-45.

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Archéologie, patrimoine et archives II

RSO XXVI, 2019, p. 81-112

LA TÊTE DE MASSE DÉCORÉE D'UN SCORPION RS 24.57 DÉCOUVERTE EN 1961 LA

«

:

UN DOCUMENT INÉDIT DE

TRANCHÉE SUD-ACROPOLE » D'OUGARIT

Anne-Sophie DALIX * , VALÉRIE MATOïAN * *

RÉsUMÉ

La poursuite du programme d'étude des archives inédites de la Mission archéologique de Ras Shamra Ougarit concernant les fouilles anciennes a permis l'identification d'lUle tête de masse en pierre exceptionnelle (RS 24.57). Découvert en 1961 dans le secteur du tell de Ras Shamra appelé « Tranchée Sud-acropole », l'objet se distingue des autres têtes de masse mises au jour à Ougarit par la présence d'un décor figuratif gravé. L'lUlique motif montre lUl scorpion. L'étude de ce document inédit, menée selon lUle approche pluridisciplinaire, est l'occasion de s'intéresser aux somces textuelles et iconographiques concernant cet arachnide et de s'interroger sm l'utilisation fonctionnelle et symbolique de cette arme. L'article présente les premiers résultats d'une enquête plus large dont les prolongations seront notamment l'étude du corpus des têtes de masse découvertes à Ougarit et l'analyse iconologique de plusieurs pièces remarquables, déjà publiées ou inédites, portant l'image d'un scorpion. ABS1RACT

The continuation of the program of study of the unpublished archives of the Ras Shamra Ugarit Archaeological Mission concerning the ancient excavations led to the identification of an exceptional stone mace (RS 24.57). Discovered in 1961 in the so-called area "Tranchée Sud-acropole " of the tell of Ras Shamra, the object is distinguishedfrom other maces uncovered in Ugarit by the presence of a figurative decoration engraved The unique pattern shows a scorpion. The study of this new document, conducted using a multidisciplinary approach, is an opportunity to look at the textual and iconographic sources concerning this arachnid and to question the functional and symbolic use of this weapon. The article presents the first results of a broader investigation whose extensions will include the study of the corpus ofmaces discovered at Ugarit and the iconological analysis ofseveral remarkable pieces, already published or unpublished, bearing the image ofa scorpion.

, "

Sorbonne Université, Faculté des Lettres.

lTh1R 7192 Proclac, CNRS - Collège de France.

A.-S. DAUX, V. :MAWlAN

82

RS 24.57 yy,., ùy..yJI yy.ll 4..!.;ho U"I)' : Ùt,u.1.... ($..;olI..!.J 0'4lj u-Î.J'o" Ù1 . " w,.)b.;l � "J.,u..fi':ll y� J.ili.." Ù" ',)� ...JJC �., :1961 rI... � �I., 1 4...6.] ...0 4..,Y':i 1 w,.)b.;l I� U"I.) 4 ,.)y:.wI ...JJC wl..l;,�1 :\...1. .)0 i::"'\.ly )y:;..1 LSol -'il Cô'.il :\...o.,,.lill d...willL i_ ù..J"-" .L' '"'�I '-?� U"1.) csw r1... �I (RS 2457) . . ..?- 4..!j='" ùC �I ,0., �., ,"Jy'.,..fo':i l y� J.ili.." �I tl..bll � I� U"I.) J; � 1961 . 0J'?"y. ,w,.)b.;l � �I 'LS.?':i1 yy.ll J}_b., U".,j.) Jw., .4...:.foo 4..,..>.!y--o:; 4..!y.j 4..,.)\:i.o � w.o:; �I 4..!.,�1 ...JJC 4.if;)1 ,0., :\....1.)0 UlIS., .�..;c '",..;.ill 4..!y.j . ll ,0., . _'il." �I .)o�L. rt..:;,, )l\ 4.....r ·> sans forcément tuer. Elle peut toutefois asséner le coup de grâce, comme le montre l'issue du combat entre Ba'al et Yam. Nous y apprenons également que Kothar-Ijasis est l'artisan habile qui a fabriqué les annes smdm pour Ba'al et qu'à deux d'entres elles, il a donné pour nom respectifygrs et 'aymr (CAT 1.2 N 12, 13). Divers commentateurs 91 en ont déduit logiquement qu'il s'agissait du nom divin de ces deux aimes. A l'instar des noms portés par les personnes, ils révèlent leurs essences. Le premier est construit sur le verbe grs que nous avons précédemment évoqué ; quant au second, l'analyse en est plus délicate, même si son sens général est intelligible. Généralement, le nom de cette arme est décomposé en 'ay, une interjection, et en mr(r), une racine verbale au sens discuté 92 que le contexte pelTIlet d'éclairer. Ce combat opposant Ba'al à Yam

84.

Par ex. Del Olmo Lete et Sanmartin 2003, p. 784-785.

85.

Par ex. Pardee 1985, p. 442 ; Dietrich et Loretz 2009, p. 173-177.

86.

Le dictionnaire de Del Olmo Lete et Sanmartin (2003, p. 145) mentionne un autre terme très peu assuré : 'b$. Quant au terme $md, il peut également avoir les sens suivants : « pair '>'>, « yoke of animals '>'> et « team '>'>, cf. Del Olmo Lete et Sanmartin 2003, s.v.

87.

Sur ce sujet, la littérature est particulièrement abondante et ne peut être indiquée in extenso dans le cadre de cet article (voir entre autres : Olmo Lete 1992 ; Wyatt 1998). Pour la traduction des divers passages, voir en dernier lieu Niehr 2015, respectivement p. 201 etn. 113-115 et p. 234. A ces attestations, on peut adjoindre CAT 1.2 1 4-8, même si le passage est en partie restitué.

88.

Del Olmo Lete et Sanmartin 2003, p. 469 ; le sens de ktp « harpè '>'> n'est pas totalement assuré et pourrait aussi désigner « l'épaule '>'>, voir Vita 2002. Le terme pourrait être d'origine hounite (voir aussi Masetti-Rouault 2008). Pour la traduction du passage, en dernier lieu, Niehr 2015, p. 201 et n. 114-116. On connaît depuis peu une représentation de Ba'al tenant une harpé sur la stèle RS 010/1 découverte par Khozama al-Bahloul dans le chantier dit du « rempart '>'> (Matoïan et al. 2013, fig. 7 ; Al-Bahlou1 2019, fig. 8).

89.

TO l, p. 132, n.z. Le sens retenu par les auteurs est celui de l'hébreu biblique « transpercer '>'>.

90.

Généralement, les traductions rendent nsr par « aigle '>'>, voir Del Olmo Lete et Sanmartin 2003, p. 650, mais le sens paraît plus générique et celui de « faucon ,>,> conviendrait tout aussi bien. C'est également l'opinion de Niehr 2015 p. 284, n.436.

91.

Par ex. Del Olmo Lete 1984, p . 197-198.

92.

Del Olmo Lete et Sanmartin 2003, p. 577-578.

A.-S. DAUX, V. :MAWlAN

102

se déroule en deux temps qui correspondent à deux paragraphes consacrés au nom de chacun des smdm 93. Les fOlTIlules employées sont strictement parallèles, ce qui a conduit dernièrement H. Niehr 94 à conclure que mr(r) est synonyme de grs. L'identité de la fonction de ces deux « masses d'almes » pourrait-elle alors expliquer la présence d'une seule masse sur la stèle « du Ba'al au foudre » ? Contrairement à ce que pourrait laisser entendre ce seul extrait, la victoire de Ba'al n'est pas exclusivement imputable à ces deux « massues » car, comme l'indique le passage CAT 1.2 1 4-8 95, 'Altart sm b'l 96 intervient aussi indirectement en étant associée à l'invocation magique lors de la dénomination des deux armes. Son omission dans CAT 1.2 rv 12, 13 est intéressante à relever, alors que pour le reste, les deux passages sont strictement parallèles. Elle peut s'expliquer par le rôle prédominant accordé à Ba'al dans ce cycle et elle laisse aussi entrevoir la complexité de la structure du panthéon ougaritain de la fin du Bronze récent où les divinités occupent des fonctions complémentaires les unes des autres 97. Une autre attestation est peut-être à verser à ce dossier, celle de RS 4.474 (� CAT 1.65), 14 : b �md 'il. Ce texte qui a fait l'objet de nombreuses interprétations reste pourtant bien énigmatique 98 . Il est composé de deux sections : la première sur le recto et sur la tranche inférieure consiste, semble-t-il, en une liste de divinités et de « qualités » qui concernent certaines d'entre elles : la seconde sur le verso (1. 12-18) est individualisée de la précédente par une phraséologie récurrente, b+substantif+'il. Pour Dennis Pardee 99, le texte a pour sujet central le dieu 'El. Ainsi comprend-il l'expression b smd 'il par « by 'Ilu's yoke ». Mais son interprétation soulève un problème dont l'auteur a bien conscience, puisqu'il choisit pour smd le sens de « joug » et non celui de « masse d'annes ». Pourtant, smd vient à la suite de deux teffiles qui désignent des armes (mrb et n 'il). Comme nous l'avons précédemment vu, smd est une anne qui fait partie de l'attirail de Ba'al 100 et qui contribue à le caractériser en tant que dieu guerrier. Or le dieu 'El n'est connu ni par les textes ni par l'iconographie pour entrer dans cette catégorie divine 101 . C'est d'ailleurs l'un des points qui le distinguent de Ba'al I 02• En outre, la seconde section s'insère juste à la suite des noms de Ba'al du Saphon et de Ba'al d'Ougarit. Aussi serait-il plus logique de considérer qu'à l'instar des 1. 6-9 qui paraissent s'appliquer à 'El, les 1. 12-18 sont consacrées à Ba'al qui, lui, est connu pour posséder des annes divines 103. Si l'on retient cette hypothèse, le teffile de 'il serait à traduire par « du dieu 104 » (renvoyant à Ba'al mentionné

93.

Le duel entre les deux dieux est assuré par la suite du récit qui comporte un passage pour chacune des deux annes. Compte tenu des deux paragraphes développés sur les noms, on aurait pu s'attendre à l'emploi du duel mais comme ce dernier s'applique généralement à des tennes fonctionnant par paire (ex. yeux, mains etc), il aurait induit l'emploi simultané de ces deux annes, alors qu'il est successif.

94.

Niehr 2015, p. 201.

95. En dernier lieu, Niebr 2015, p. 195-196. 96.

Il faut probablement y adjoindre l;Ioron. Les avis sur ce point sont partagés en raison de divergences portant sur la restitution de ces lignes. Certains auteurs, comme ceux de TO l, p. 127, choisissent de restituer totalement la fonnulation de CAT 1 . 1 6 VI 54-57 ; d'autres comme H. Niebr (2015, p. 201, n. 1 1 6) n'en retiennent qu'une partie ou comme M. Dietrich et O. Loretz (CAT 1.2, p. 6) n'en envisagent que la possibilité. Restituer la totalité de CAT 1 . 16 VI 54-57 est effectivement trop long pour combler la laclUle. Toutefois, le parallélisme inviterait à songer à lUle fonnulation proche pouvant inclure la figure de l;Ioron. Mais cela reste hypothétique.

97.

Voir l'étude de P. Xella (2007) qui dépasse ce simple point et qui synthétise ses travaux sur la question.

98.

En dernier lieu, Pardee 2002, p. 21-23 et p. 24, n. 18 et 19.

99. Pardee 2002, p. 21-23. 100.

Cornelius 1994, p. 250-253.

lOI.

Muller 2007, p. 503-505, pl. 1.

102.

Pour l'iconographie de Ba'al, Muller 2007, p. 505-512 : pl. II-IV.

103.

Bordreuil et Pardee 1993 ; Durand 1993.

104.

Nous préférons retenir ce sens plus précis que celui plus générique de « divin " qui pourrait également convenir. Ce choix nous semble mieux respecter le contexte.

LA TÊTE DE MASSE DÉCORÉE D'UN SCORPION RS 24.57 DÉCOUVERTE EN 1961

103

juste avant sous deux de ses formes). Le texte comporterait donc une section consacrée à chacune des deux figures majeures 1 05 du panthéon ougaritain, 'El et Ba'al, et inclurait pour chacune d'elles certains traits de caractères et/ou attributs, des numina (7). Dans cette perspective, la dernière ligne bn 'il, en partie restituée, pourrait également se rapporter à Ba'al. Cette épithète lui est d'ailleurs connue par CAT 1.17 VI 29 ws . Si le parallélisme poétique avec ktp, l'emploi de verbes exprimant l'hostilité envers un ennemi et l'iconographie de Ba'al 1 01, en particulier la fameuse stèle du « Ba'al au foudre », ne s'opposent pas à la traduction de smd par « massue », elles ne la confitment pas non plus de manière irréfutable. Le seul élément qui caractérise vraiment smd est l'emploi du verbe grs 1 08. Ce verbe se rencontre aussi bien dans les textes mythologiques et légendaires que dans quelques incantations, CAT 1.82, 12 et CAT 1.169, 9, avec pour sujet J:Ioron. Il y a donc une correspondance entre le mythe, la légende et l'incantation qui s'établit par le biais de l'action de smd, « chasser, expulser » quel que soit le maniement effectué, rapproché ou à distance. L'ensemble des données met aussi en exergue le rôle de J:Ioron comme « incantateur des dieux » 1 09. 'qrb « scorpion »

En ougaritique, la désignation du « scorpion » n'est connue, à ce jour, que par un seul teffile 'qrb, lequel est commun à de nombreuses langues sémitiques anciennes, modernes et contemporaines 11 0. Si le vocabulaire akkadien comporte bien aqrabu 111 , -probablement en raison d'une influence ouest-sémitique-, son emploi est très limité, contrairement à celui de zuqaqîpu 112 qui est le plus couramment utilisé et écrit sous une forme soit syllabique soit logographique GÎR.TAB. Sous cette dernière graphie, c'est l'aiguillon venimeux du scorpion qui retient l'attention 11 3. Il est probable qu'à la fin du Bronze récent, cet arachnide était tout aussi présent sur le site qu'aujourd'hui. Pourtant, le terme 'qrb n'est attesté avec assurance qu'une seule fois 11 4 sur la tablette RS 92.2014 ( CAT 1.178) provenant des archives de la Maison dite « d'Ourtenou » . Ce texte est particulièrement complexe à saisir en raison des nombreux hapax qu'il comporte et il a été diversement interprété par les ougaritologues 11 5. Mais la diversité de ces interprétations n'a pas d'incidence directe �

105.

Xella2007, spéc. p. 463-464.

106.

RahrnOlll1i 2008, p. 88-89.

107.

La figmation attribuée à cette divinité est large, si bien qu'il est vain de tenter d'en dresser lUle liste exhaustive. Il est intéressant de noter qu'elle ne se limite pas à lUl type de matériau spécifique ou à lUl type de support particulier.

108.

Sur cette racine, il existe deux substantifs grs et grst qui sont en parallèle avec ycry et ydt, respectivement dans CAT 1 . 1 6 V 12 et CAT 1 . 1 6 V 27. En outre, ce verbe grs est assez souvent employé parallèlement à mr(r). Mais comme ce terme connaît des racines homographes (Pardee 1978) et est sujet à controverse, nous préférons l'écarter du raisonnement.

109.

Pour d'autres aspects de la personnalité de cette divinité, Matoïan 2015, p. 235-240.

110.

Toutefois, son étymologie résiste aux investigations et ne semble pas sémitique, puisqu'il est quadrilittère.

111.

CAD A/2, S.Y. « Aqrabu '>'>, p . 207. Il n'apparaît que dans les listes dites Malku. Pardee (1985) signale qu'il est présent dans les listes lexicographiques du Levant et, pour Cohen et Sivan (1983), à Ougarit. Ce point est contesté par Van Soldt (1991, p. 392).

112.

CAD Z, s.v. « Zuqaqîpu '>'>, p. 163-166.

113.

Labat 1988, p. 47, n° 10 : QîR.TAB.

114.

Il est en partie restitué dans le texte hippiatrique CAT 1.71, 22 : les deux lettres initiales sur les quatre qui constituent le terme. Par ailleurs, le parallélisme établi parPardee (1985) entre RS 5.300 ( CAT 1.71) découvert dans la« Maison dite du Grand Prêtre '>'> etRS 17. 120 ( CAT 1.85) dans laMaison dite « de Rashapabou '>'>, s'il a bien lieu d'être, invite à supposer, à la suite de cet auteur, qu' ['q]rb vaut ici pour 'qrbn. Toutefois, en Mésopotamie, le scorpion est connu pour entrer dans la composition de certaines « recettes ,>,> médicales et, à Mari, il est utilisé comme ingrédient, après avoir été broyé dans son entier. =

=

115.

Dietrich et Loretz 2009 et, en dernier lieu, Del Olmo Lete 2014, p. 173-187.

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pour notre exploitation du texte : chacun le classe parmi les rares incantations découvertes à Ougarit et s'accorde à reconnaître que son contenu était destiné à préserver Ourtenou ( 'urtn) d'une piqûre de scorpion ou d'une morsure de serpent sur l'une des parties de son corps. Si le sens de '1y « monter » est bien assuré, en revanche, celui de qnn est plus problématique et résistait à l'analyse lexicographique jusqu'à l'article récent de I.N. Ford : il n'était déduit que de son parallélisme avec '1y. Dans cette étude 116, l'auteur a proposé de rapprocher qnn du teffile akkadien kaniinu et de traduire ainsi qnn par « curl ». Ses arguments nous paraissent convaincants et que la « queue » du scorpion ne soit pas explicitement mentionnée n'est pas un obstacle sérieux à opposer à sa proposition, dans la mesure où, comme nous l'avons précédemment 7 souligné, le scorpion se caractérise d'abord par cet appendice 1 1 . En outre, lorsque le scorpion se dresse, ce sont les trois quarts de son corps qui se trouvent hors sol. L'intérêt de l'étude de I.N. Ford est aussi d'attirer implicitement l'attention sur un aspect peu étudié, celui des qualités d'observations portées par les Ougaritains sur leur milieu environnemental et tout particulièrement dans le domaine animalier. RS 92.2014 ne cite pas de divinité, contrairement à l'incantation de Shapash (RS 24.244) 118, mais un 'sr qelS « bois sacré » capable de repousser les scorpions de manière préventive. En fait, la puissance magique de cet objet est bien plus grande, puisqu'aux scorpions 9 sont associés les serpents 11 . Le caractère chtonien du scorpion est ainsi mis en exergue (comme sur certains sceaux, voir supra). Le texte laisse entendre que leur association ne repose pas sur leur caractère venimeux 120 mais sur leur comportement juste avant l'attaque. Dans les deux cas, ils « se (re)dressent » suivant deux mouvements en quelque sorte inverses : le serpent prend appui sur sa queue, alors que le scorpion se sert de ses pinces pour se (re)dresser tout en emoulant sa queue, ce qui explique les emplois respectifs de 'iy et de qnn. Panni les autres difficultés soulevées par ce texte, l'une d'elles semble résolue. Dans un article récent, Robert Hawley 121 a montré que la lecture proposée par les premiers éditeurs Ju zb engendrait une série de problèmes grammaticaux. Selon lui, la succession de ces trois lettres n'est pas à couper car le telTIle Juzb est parallèle à 'sr qelS, argument qui sert aussi sa proposition d'identification de Juzb à l'hysope. Sans entrer dans la discussion sur cette identification 122, nous ajoutons en faveur de sa proposition de lecture Juzb au lieu de Ju zb un argument de logique interne au texte. En effet, si nous suivons la traduction de 3 Pierre Bordreuil et Dennis Pardee 12 , à la 1. 1 du texte, la personne « se met à écumer » (zb), autrement dit le poison inoculé par le serpent ou le scorpion est déjà en train de faire son effet, ce qui implique que cette personne ait été préalablement mordue ou piquée. Or, nous l'avons vu dans le paragraphe précédent, les 1. 3-5 ne décrivent pas les deux animaux venimeux lors de l'attaque, mais dans la phase qui la précède ; la personne ne peut donc pas avoir été victime d'une morsure ou d'une piqûre. La proposition de lecture des deux premiers éditeurs nous paraît donc devoir être définitivement abandonnée. Assez curieusement, nous ne disposons donc à Ougarit d'aucun texte destiné à guérir d'une piqûre de scorpion, contrairement à l' Égypte ou à la Mésopotamie. Peut-être les channes ougaritains étaient plus efficaces 1 . . .

116.

Ford 200 1 .

117.

C'est une constante quelle que soit l'époque ou l'aire géographique considérée, par ex. Cavigneaux 1995 ; Bulard 1935, p. 59-62.

118.

Il s'agit d'un texte exceptionnellement bien conservé et particulièrement intéressant pour notre propos. Dans ce bref récit mythico-magique, I;Ioron est la seule des douze divinités « convoquées " par Shapash à la demande de la Cavale, capable de neutraliser les effets du venin de serpent.

119.

Le tenne ici employé est bln, alors que dans l'incantation CAT 1 . 100, c'est celui de n.(ls. Néanmoins, ces deux mots sont considérés comme synonymes.

120.

Pourtant, leur association pourrait s'expliquer par les effets neurotoxiques similaires que provoquent leurs venins respectifs.

121. Hawley 2004, p. 29-70. 122.

L'identification des plantes de l'Antiquité à partir du vocabulaire est toujours extrêmement délicate.

123.

Bordreuil et Pardee 2001, p. 387-392 : fig. 34 (fac-similé).

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Bien que ce texte, RS 92.2014 (� CAT 1.178), soit unanimement classé comme incantation, il s'en distingue sur deux points essentiels. Le premier a été souligné depuis l'editio princeps : il est nominatif. Son propriétaire en est Ourtenou ( 'urtn). Le second est relatif à la finalité de ce texte : l'efficience requise n'est pas de guérir Ourtenou d'une maladie - ce serait ici d'une morsure de serpent ou d'une piqûre de scorpion -, mais de l'en prémunir, de l'en préserver, en bref d'avoir une fonction prophylactique. Cette tablette avait-elle valeur de talisman et l'objet relevait-il de la magie blanclie ? Son efficience résidait-elle dans le seul contenu du texte prononcé et peut-être à la valeur magique de l'écriture, puisque la tablette est aniconique 124, ou nécessitait-elle la mise en œuvre d'autres moyens ? Aussi dans ce texte, tout comme dans la Sagesse d'Uruk 125, écrit sapiential de tradition mésopotamienne documenté à Ougarit par des découvertes de la Maison dite « d'Ourtenou », c'est le caractère négatif de l'animal qui a été retenu dans le seul texte en ougaritique mentionnant le scorpion.

Un composé/dérivé de 'qrb Il existe également en ougaritique un dérivé ou composé du teffile 'qrb servant à désigner le scorpion : 'qrbn, qui n'apparaît que dans les textes hippiatriques. Depuis l'étude de Dennis Pardee 126, ce teffile est considéré comme désignant une plante qui entre dans la composition des remèdes destinés à rétablir un cheval. Son identification est problématique et a été l'objet de plusieurs propositions 127. Mais aucune n'emporte la conviction générale. Bien qu'ils soulèvent d'autres problèmes, les recours à l'étymologie et au comparatisme linguistique ouvrent la voie à d'autres pistes de réflexion sur le sens de ce terme et sur la perception de l'arachnide. Pour la plupart des auteurs, le teffile est considéré comme construit sur 'qrb avec adjonction du suffixe -no Suivant les diverses fonctions données à ce suffixe qui entre dans la composition de plusieurs substantifs, il peut avoir ici l'une des valeurs suivantes : - comme marque du diminutif, il s'agirait alors d'un petit scorpion ; - comme marque d'un élargissement. Dans ce cas, cela pourrait désigner quelque chose d'apparenté au scorpion par un trait caractéristique de sa morphologie qui tiendrait soit de sa fOffile générale soit de l'une de ses parties spécifiques, probablement le dard, ou un produit dérivé du scorpion, qui l'utiliserait dans sa totalité ou qui en emploierait une partie spécifique, comme par exemple la glande à venin. W.G.E. Watson 128, lui, n'y voit pas une fOffile étymologique propre à la langue ougaritique mais un décalque de l'akkadien. De fait, il existe un terme construit sur zuqaqîpu et relevant de la catégorie des végétaux, comme l'indique l'idéogramme GIS : GItlzuqaqîpânu, lequel apparaît dans divers textes médicaux s'appliquant à des humains. Si la similitude de construction entre ces deux termes est notable, pourquoi pourrait-elle ne découler que d'une influence de l'akkadien sur l'ougaritique ? Cette hypothèse serait plus convaincante s'il existait en akkadien la forme *GItlaqrabanu ? La similitude structurelle entre ces deux formes peut être expliquée de manière plus simple en se tournant vers l'appartenance linguistique commune de l'ougaritique et de l'akkadien au groupe ouest-sémitique.

124.

Elle pourraitjouer le même rôle d'amulette que RS 25.457 (Del Olmo Lete 2014, p. 29). Del Olmo Lete suggère qu'elle protégeait les archives dans lesquelles elle se trouvait. Mais le fait que cette tablette soit nominative incite plutôt à penser qu'Ourtenou l'avait sur lui et la portait dans un étui en cuir ou en tissu.

125.

Voir Arnaud 2007, n° 49, p. 148 sq, en particulier le paragraphe 6.

126.

Pardee 1985.

127. D. Pardee 1985, (p. 47-48) ne propose pas à proprement parler une identification du terme avec une plante mais il le rapproche des différents noms de plantes mentionnés pour le traitement destiné à guérir les chevaux ; Del Olmo Lete et Sanmartin 2003, p. 177 : Salsola tragus ( 7) ; Garfinke1 1987, p. 432 : Héliotropium. 128.

Watson 2012, p. 193.

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Par ailleurs, il est également à noter que l'existence d'un nom de plante associée au scorpion n'est pas une spécificité d'Ougarit ou de la Mésopotamie 129. Toutes les régions infestées par les scorpions semblent connaître une telle correspondance entre l'arachnide et une (ou des) plantees) 130. Cette dernière (ou ces dernières) semble être sélectionnée tout autant pour leur vertu curative 131 que pour leur apparence physique dont un élément (fleur, tige, etc.) pelTIlet un rapprochement avec le scorpion 132. Pour autant, leur parenté morphologique ne doit pas conduire à les confondre. Ces diverses mentions ne servent pas forcément à nommer la même « plantelherbe-scorpion » ou « plantelherbe à scorpion », même si elles ont toutes, semble-t-il, pour finalité de guérir des êtres vivants, très souvent des humains, d'une piqûre de scorpion ou, comme dans le cas d'Ougarit, des chevaux qui paraissent être atteints d'une maladie des voies respiratoires 133. Ici, le processus sous-tendu et commun à ces divers exemples relève de la magie mimétique ; dans ce cadre, la perception du scorpion devient positive.

Uneforme métaphorique du scorpion ? Outre ces désignations directes du scorpion, il en existe peut-être une autre à Ougarit le nommant de façon métaphorique 134 : celle de bby qui est mentionnée à la ligne 19 de RS 24.258 (� CAT 1.114). Kevin J. Cathcart 135 fonde principalement cette identification, qui nous semble pouvoir être retenue 136, sur la description du bby qui est qualifié de b '1 qrnm w gnb 137 et qu'i! traduit « the one with two homs and a tail ». Cette description trouve de bons parallèles dans quelques incantations akkadiennes ayant pour thème l'arachnide. En effet, ces deux éléments, pinces assimilées à des cornes 138 et queue, correspondent

129. 130.

CAD Z, s.v. « Zuqiqîpânu '>'>, p. 166.

r'\�,r.� � : smw wlJ 't (Von Kanel 1984, p. 342). Elle est mentionnée dans plusieurs conjurations (Van Kanel 1984, p. 115-118 : documents n° 82-84) et selonF. Von Kanel (1984, p. 343), qui s'appuie aussi sur les attestations en copte et en grec, tel Dioscures, De materia medica, 4,51), est-elle à identifier à la Valeriana saxatilis ou « nard puant '>'>. Sur le scorpion dans l'Égypte ancienne, voir aussi Vemus et Yoyotte 2005, p. 449-445 (notice de J. Yoyotte).

131.

Si, panni ces plantes, il faut bien reconnaître la Valeriana saxatilis. Selon l'étymologie, les valérianacées sont censées « guérir tout '>'>. Elles sont connues pour leurs vertus apaisantes, et pour jouer lUl rôle anti-inflammatoire, antalgique et hypotenseur.

132.

Une autre piste d'identification pourrait consister à prendre en considération l'emploi du scorpion dans la réalisation d'une« recette médicale ,>,> cf. CAD Z, S.Y. « Zuqaqîpu '>'>, p. 165 : 2' used as medication Qv1ari, tablette 25 2/7 "Scorpion"). Le texte mentionne la« préparation d'une huile de scorpion ou de poudre ,>,> à base de scorpions femelles gravides, huile qui semble faire l'objet d'un commerce. Delaunay (1929) et J.W. Frembgen (2004, p. 108-109) signalent l'emploi de scorpions dans des remèdes de médecine populaire destinés àrevigorer. Dans cette perspective, nous nous demandons si les textes hippiatriques ne feraient pas état de l'utilisation du scorpion à l'instar des recettes susmentionnées et non une plante lui ressemblant. Cela expliquerait plus facilement la variante 'qrb/'qrbn qui apparaît dans les différentes versions des textes hippiatriques. En arabe, cette variante sert à discriminer le scorpion du scorpion mâle (De Bibenstein Kazimirski 1860, vol. 2, p. 3 1 7-318).

133.

Si telle est bien l'interprétation que l'on peut faire de ces textes hippiatriques, peut-être faudrait-il y voir un lien avec Serket qui, initialement, avait pour symbole la nèpe et dont le nom signifie « celle qui fait respirer la gorge '>'>. Voir la fonction guérisseuse de Setket définie par Von Kanel (1984, p. 341).

134.

A Ougarit, d'autres espèces sont connues pour être désignées de manière commune et métaphorique. L'exemple le plus éloquent est fourni par les sangliers, cf Dalix Meier 2006, p. 35-68.

135.

Cathcart 1996, p. 5 ; Spronk 1999, p. 284 ; contra Pardee (2002, p. 186, n. 10), qui semble hésiter entre la lecture lJby et lJpy. Pour l'ensemble des propositions, voir Dietrich et Loretz 2000, p. 468-469. Quant à Noegel (2006), il Y voit une épithète d'El.

136.

Matoïan et Dalix, à paraître.

137.

CAT 1 . 1 14, 19-20.

138.

L'évocation métonymique du scorpion n'est pas rare : le CAD (Z, S.Y. « Zuqaqîpu '>'>, p. 164 1) b) mentionne dans des incantations divers exemples où l'arachnide est comparé au taureau pour les cornes ( pinces) et au lion pour la queue ( aiguillon venimeux). Les textes les plus explicites sur ce point ont été publiés par Cavigneaux 1994 et 1995 ainsi que Guichard 2010, p. 29-33. =

=

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107

à deux caractéristiques morphologiques du scorpion. De fait, ce dernier est un animal étrange dont l'aspect a frappé les Anciens en raison de sa paire de pinces portées en avant et de son aiguillon venimeux, parfois mortel, et qu'ils ont comparé à une véritable machine de guerre ambulante 139. Il s'agirait ici de la seule association directe de l'arachnide à une divinité, 'El, dont la fonction de démiurge peffilet de souligner les rapports du scorpion avec le cosmos et les forces primordiales.

INTERPRÉTATION FONCTIONNELLE ET SYMBOLIQUE DE RS

24.57

L'interprétation de RS 24.57 est rendue délicate par le fait que cet objet est un unicum et qu'aucune des données fournies par l'étude du contexte de découverte, de la documentation textuelle et du répertoire iconographique d'Ougarit ne puisse être associée de manière directe à cet artefact. L'œuvre est d'autant remarquable qu'elle est ornée d'un motif de scorpion. Comme nous l'avons souligné, le corpus des têtes de massue en pierre est relativement réduit et aucun spécimen n'a été retrouvé en situation fonctionnelle. Seule l'iconographie documente le mode d'utilisation de cette anne de choc. Bien que le sens de smd comme « massue » ne soit pas assuré et qu'il ne soit pas attesté conjointement à 'qrb « scorpion », les deux teffiles apparaissent dans un domaine commun, celui de la magie. En effet, peut-être plus qu'une affile, la fonction de l'objet smd relève du domaine magique, capable de tenir éloignées, de « chasser, expulser, repousser » (gd) les forces perturbant l'ordre du cosmos et assimilées à la mort. D'après les mythes composés par Jllmlk, elle paraît plus spécifiquement associée à Ba'al, ce qu'atteste aussi une partie des représentations figurées. Quant au motif du scorpion, sa présence sur la tête de masse pourrait en spécifier la fonction : une arme contre les scorpions. L'objet portait ainsi l'indication de sa fonction magique. L'arme a-t-elle été utilisée à l'occasion d'actions directes contre ces arachnides ou bien sommes-nous en présence d'une anne rituelle servant dans le cadre de pratiques magico-religieuses, l'image du scorpion protégeant par magie sympathique ? La caractéristique iconographique du scorpion, représenté avec les pinces ouvertes, conforterait cette interprétation : l'animal en action a pour vocation de protéger de l'attaque. Un parallèle pourrait être proposé avec la seule incantation contre les scorpions connue à Ougarit qui est nominative et a pour vocation de prémunir d'une piqûre. Dans l'incantation RS 92.2014, il n'y a pas de mention de massue au registre de la materia magica, mais emploi de « bois sacré » (ligne 3), qui est agité, et le verbe grs n'est pas employé. C'est une action similaire qui est visée avec le 's qds dont la traduction couramment retenue est celle de « bois sacré ». Un rapprochement ne pourrait-il être proposé entre le pouvoir du 's qelS et celui de la massue ? Concernant le scorpion, sa présence fréquente dans la glyptique pourrait également s'expliquer par la valeur souvent attribuée aux sceaux-cylindres et aux cachets d'Ougarit considérés comme des amulettes 140. Définir le champ d'action prophylactique n'est toutefois pas aisé. Le champ sémantique du scorpion est large. Cet arachnide est plus qu'un simple animal venimeux susceptible de mettre en péril la vie des êtres humains ou animaux. Par sa physionomie, il est unique. Son comportement, notamment sexuel, a intrigué les Anciens. De nature chtonienne, il entretient aussi des relations privilégiées avec le monde divin. Pour autant, il est difficile, à ce stade de l'enquête, de déteffiliner s'il est lui-même considéré comme une divinité oulet comme animal acolyte d'une divinité 141.

=

139.

Cette comparaison est connue par divers auteurs classiques, tel Tertullien, Œuvres, T. III, 1 (http://www.tertullian.orglfrenchlg3 05 scorniace.htrn).

p. 137.

140.

Beyer 2013, p. 439. Pour P. Amiet 1992, p. 33 : « l'originalité d'Ougarit s'est exprimée dans une énorme production de type populaire, qui n'était pratiquement pas destinée à sceller " . Sur l'utilisation des sceaux comme amulettes, voir aussi Nam 2008, p. 529, qui privilégie toutefois la valeur décorative de ces documents.

141.

Dalix, étude en cours. Voir aussi l'interprétation du sceau RS 2009.9019 : Matoïan, sous presse.

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108

Pour conclure, on rappellera la présence à Ougarit d'autres aimes dont le décor fait référence au monde animal sauvage qui sont interprétées comme des realia ayant pu jouer un rôle en contexte cultuel ou rituel (RS 8. 247 142 ; RS 9.250 143). Ces pièces, remarquables, sont des productions métalliques témoignant d'une très haute qualité technique (avec parfois l'emploi de plusieurs métaux) et esthétique. Plusieurs caractéristiques les distinguent de RS 24.57 : leur matériau, l'emplacement du décor zoomorphe qui ne porte pas sur la partie active de ces annes métalliques et les animaux figurés qui sont ici des mammifères, le lion et le sanglier 144 Ces figurations animales ont pu être le support d'une diversité de messages qu'il est difficile de décrypter : mise en valeur des vertus du chasseur, renforcement de l'efficacité de l'mme par référence à la force des animaux ou par magie persuasive, images des animaux sauvages vaincus par l 'homme, symboles divins . . •

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LES HARPÈS D'OUGARIT

Valérie MATOÏAN *, Juan-Pablo VITA **

RÉsUMÉ La harpè en bronze RS 7 . 1 87 (Alep 41 80), découverte en 1935 dans le sectem de la « Ville Basse est ;} fut publiée dès l'année suivante par Claude Schaeffer (Syria 17, 1936) et, dès lors, commentée et reproduite dans les nombreuses études et synthèses portant sur cette catégorie d'annes ainsi que sm les armes divines du dieu de l'Orage. L'étude contextuelle de RS 7 . 1 87 n'a toutefois jamais été réalisée. L'identification d'archives de fouille inédites (fonds Schaeffer du Collège de France) et leur analyse apportent des données précisant le lieu de sa découverte et ont permis de reconnaître un second spécimen (RS 6.392) provenant de Minet el-Beida, d'un type plus petit et d'lUl travail de moindre qualité. Le présent article a pour objectifde présenter le dossier des harpès à Ougarit (données archéologiques, iconographiques et textuelles) à la lumière de cette nouvelle documentation et de découvertes récentes, sans toutefois reprendre de manière approfondie l'étude des annes divines de Ba'al qui fera l'objet d'lUle autre étude.

ABS1RACT The bronze harpè inRS 7.187 (Alep 4180), discoveredin 1935 in the "Ville Basse est" of Ugarit, was published thefollowing year by Claude Schaeffer (Syria 1 7, 1936) and, since then, has been discussed and reproduced in many studies and summary accounts regarding this class ofweapon as well as the divine weapons ofthe Stonn Gad. However, sa far there has never been a study of the context ofRS 7. 187. Unpublished archives of the excavation (jonds Schaeffer, Collège de France) and the analysis ofit now provides details specifYing where the swordwasfound. This has enabled a second example (RS 6.392),from Minet el-Beida, which is smaller and ofinferior workmanship, ta be identified. The aim ofthis article is ta examine the dossier on the harpès in Ugarit (archaeological, iconographic and textualfacts) in the light ofthis new evidence and ofrecent discoveries, but without making a thorough study ofBa 'al s divine weapons, which will be the subject ofanother study.

, "

lTh1R 7 1 92 Proclac, CNRS - Collège de France. CSIC-ILC (Consejo Superior de Investigaciones Cientificas-Instituto de Lenguas Oriente Pr6ximo), Madrid.

y

Culturas deI Mediterraneo

y

114

v . :MAWIAN, J.-P. VITA

INTRODUCTION

Presque quinze armées après la présentation par Charles Virolleaud, dans Syria 1922, de la découverte à Byblos d'un hypogée royal du Bronze moyen dont le mobilier comprenait, entre autres, une splendide harpè décorée du motif de l'uraeus 1, Claude Schaeffer publie dans la même revue la harpè en bronze RS 7.187 (Alep 4180), mise au jour au printemps 1935 à Ras Shamra. L'importance de cette découverte à Ougarit, lors de la fouille du secteur de la « Ville Basse est », conduisit le fouilleur à nonnner un axe de circulation voisin du lieu de la trouvaille « rue de la harpé », dénomination qui apparaît sur les plans à partir de 1936 2 (fig. 1). Toutefois, comme nous le verrons, l'mme n'a pas été mise au jour dans la « rue de la harpé », mais dans un bâtiment la bordant. Célèbre depuis sa découverte, l'œuvre a été maintes fois reproduite dans les études portant sur cette catégorie de realia. L'étude contextuelle de l'anne n'a toutefois jamais été réalisée. La découverte de documents d'archive inédits (fonds Schaeffer du Collège de France) et leur analyse nous ont permis de localiser avec une relative précision le lieu de sa découverte. Cette recherche a par ailleurs permis d'identifier un second spécimen (RS 6.392), d'un type plus petit et d'un travail de moindre qualité, provenant de Minet el-Beida. Le présent article a pour objectif de reprendre le dossier des harpès à Ougarit (données archéologiques, iconographiques et textuelles) à la lumière de cette nouvelle documentation et des découvertes récentes. Le tenne harpè est utilisé dans la littérature archéologique pour désigner une anne à lame courbe pourvue d'un tranchant à l'extérieur 3, en parallèle à un autre tenne, « cimeterre » (.

54.

À la ligne 42 du texte littéraire connu comme « Les Noces de la Lune ,>,> (RS 5. 194

=

KTU 1 .24), le dieu Baal porte connne épithète le mot gbl. Caquot, Sznycer et Herdner 1974, p. 396, traduisent b '1 gml comme « seigneur à la faucille '>'>, car « En accadien, gamlu désigne un instrument courbe. Il doit s'agir d'une image pour le croissant de la hme '>'> (cf. id., ibid. note b) ; dans les textes de Mari, le gamlum était en effet une sorte d'anne courbe, « l'anne par excellence du dieuAmum.un '>'> (Durand 1998, p. 392). Cf. aussi del Olmo Lete 1998, p. 164 : « se:ilor del Cuarto Creciente '>'>, avec comme connnentaire (ibid. p. 165 note 11) : « 1: "de lahoz" . . . en posible referencia a su forma '>'>. Pour d'autres nuances et interprétations de cet épithète voir par exemple Wyatt 1998, p. 340, avec note 27 (, avec connnentaire aux pages 103-105) ; Pardee 20 lOb, p. 26 (, avec connnentaire aux pages 35-36). =

55.

Sur les reliefs de Yazilikaya, on voit un défilé de personnages divins portant une anne courbe (cf. Gemez 2007b, fig. 6 : 4).

56.

Cf. del Olmo et Sanmartin 2015, p. 465.

57.

Il s'agit du passage RS 2.[009]+:V:I-3 (KTIP 1 .6).

58.

Del Olmo et Sanmartin 2015, p. 773 : « mace '>'> , mais peut-être aussi « double axe '>'> ; Tropper 2008, p. 1 14 : « Keule '>'>.

59.

En comprenant dkym comme d k ym, cf. del Olmo et Sanmartin 2015, p. 952 : « those who were like DN '>'>. D'après Pardee 1997, p. 272 n. 267 : « crushers '>'> (dkym déikiyüma). Voir une histoire de la recherche de cette expression ou mot dans Wyatt 1998, 140 n. 103 (auteur qui traduit « the brilliant ones ,>,» . =

60.

Del Olmo et Sanmartin 2015, p. 465 sub 3) « scimitar, "harpè" '>'>.

61.

Del Olmo 1998, p . 118.

62.

Caquot, Sznycer et Herdner 1974, p. 265, avec note a : « Le nom est apparenté à l'arabe katif, "lame tranchante" '>'>.

63.

Pardee 1997, p. 272 : « sword '>'>.

64.

Bordreuil et Pardee 1993, p. 68.

65.

Dérivé d'une racine hourrite *kâd-, de sens néanmoins inconnu ; voir en détail Watson et Vita 2002, repris dans Richter 2012, p. 197 (sub kad- II).

LES HARPÈS D'OUGARIT

131

hittite 66 ou sémitique, avec le sens de« lame (de sabre) » 67. L'origine sémitique semble être la plus plausible ; dans l'analyse la plus récente du teffile, W.G.E. Watson traduit ktp comme « couperet » (, avec la dérivation kaltu « arme '>'> ; voir Vita et Watson 2014.

67.

D'après l'arabe katftn, cf. Bordreuil et Pardee 1993, p. 68. Voir aussi Cohen 2012, p. 1295 : « AR. kataffa "couper la viande en morceaux" '>'>.

68.

Watson, sous presse. Nous remercions l'auteur de nous avoir permis de citer ce travail encore inédit. Voir aussi Cohen 2012, p. 1295 : « ETH. . . . "couper en petits morceaux" . . "hacher la viande" '>'>.

69.

Emar VI n° 44 ; Emar VI n° 45 ; Emar VI n° 46 ; Emar VI n° 47.

70.

Emar VI no44.

71.

Durand 1998, p . 392.

72.

D'après CAD K p. 303, le terme serait attesté aussi àAlalalJ., à la ligne I l du texte administratifpaléobabylonienAIT 413: 6 ka-ta-[pu] "UD.KA.BAR' ; par contre, d'après l'édition du texte de Dietrich et Loretz 2006, p. 92 (texte 40.04), la ligne serait à lire : 6 ka-ta-"mu' "zabar'. Pour des références dans des textes paléo-assyriens voir CAD K ibid.

73.

Durand 1983, ARM XXI 321 :6-9 ; 1998, p. 392 ; Arkhipov 2012, p. 113-114 ; Charpin 2008, p. 77-78 ; sous presse.

74.

Cette caractéristique a conduit J.-M. Durand à proposer d'« y reconnaître la "hache ansée" Contra Bordreuil et Pardee 1993, p. 68.

75.

Arkhipov 2012, p. 1 1 3 : « L'identification plus concrète de l'objet pose problème '>'>.

76.

Sur l'anne offerte par Zimrî-Lûn pour le tombeau de Yarûn-Lûn, voir aussi Charpin 2008, p. 77-78 ; Charpin sous presse.

'>'>

(Durand 1998, p. 392).

Y. MATûÏAN, J.-P. YITA

132

RS 2S.J5J RS 25.54

RS 25.353

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o RS 2�.7J

RS 20.261

RS 20.262

Fig. 19 -Dessins de sixfaucilles en bronze d'Ougarit (Mission de Ras Shamra, infographie G, Devi/der et V Matoian).

133

Fig. 10 Photographie regroupant cinqfaucilles en bronze d'Ougarit (Mission de Ras Shamra, fonds Schaeffer du Collège de Frallce, illfographie V Matoian). -

Fig. 21

-

Éléments defaucille en silex, chantier ({ Grand-rue », Ougarit (Mission de Ras Shamra, cliché É. Coqueugnlot).

v. :MAWIAN, J.-P. VITA

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RSO XXVI, 2019, p. 137-166

ÉTUDE DES STÈLES RS 3.487 (LOUVRE AO 14919) ET RS 9.226 (LOUVRE 20.382) D'OUGARIT

Jean-Claude BESSAC *, Valérie MATOÏAN **

RÉsUMÉ Découvertes au cours des premières campagnes de fouille sur le site de Ras Shamra, les stèles d'Ougarit conservées au musée du Louvre se répartissent en deux ensembles distincts : les œuvres produites localement (Louvre AO 1 3 1 74, Louvre AO 14919, Louvre AO 15775, Louvre AO 19931, Louvre AO 203 82) et les sculptures en provenance d' Égypte (Louvre AO 13 179 et Louvre AO 3 1 1 3 1). Les premières ont été réexaminées récemment et les résultats de l'étude de deux d'entre elles sont présentés ici (RS 3.487 et RS 9.226). L'exposé est organisé en deux parties. La première s'intéresse à l'iconographie et aux contextes de découverte des stèles grâce à l'identification de nouveaux docmnents d'archive inédits. La stèle à décor astral RS 3.487 est maintenant rattachée à l'édifice connu sous le nom de « maison du Grand-prêtre ;}. La seconde partie s'attache aux aspects techniques et économiques de ces deux œuvres. Les deux stèles, taillées dans la calcarénite (ramleh) pom RS 3.487 et dans lUl calcaire blanc pour RS 9.226, appartiennent au groupe des monmnents de petite taille et présentent toutes deux une base élargie vers l'avant formant socle. Contrairement aux grandes stèles, lem production semble plutôt liée à des récupérations de chutes ou de pièces cassées. Le processus de réalisation des décors sculptés est par ailleurs bien docmnenté par la stèle RS 9.226 qui est inachevée.

ABS1RACT Discoveredduring thefirst excavation campaigns on the site ofRas Shamra, the Ugarit stelaepreserved in the Louvre Museum are divided into two distinct groups: the works produced locally (Louvre AO 13174, Louvre AO 14919, LouvreAO 15775, LouvreAO 19931, LouvreAO 20382) and the sculpturesfrom Egypt (Louvre AO 13179 and Louvre AO 31131). Theformer have been reviewed recently and the resuIts oftwo ofthem are presented here (RS 3.487 and RS 9.226). The presentation is organized in two parts. Thefirst is interested in iconography and discovery contexts through the identification of new unpublished archive documents. TheRS3.487 astralstela is now attachedto the building known as the "Maison du Grand-Prêtre ". The second part focuses on the technical and economic aspects of these two works. The two steles, carved in calcarenite (ramleh) for RS 3.487 and in white limestonefor RS 9.226, belong to the group of small monuments and both have an enlargedforward base forming a pedestal. Unlike large stelae, their production seems rather linked to recoveries offalls or broken specimens. The process of making the carved decoration is also well documented by the unfinished stela RS 9.226. ,

lTh1R 5140 Archéologie des sociétés méditerranéennes, CNRS - Université Paul-Valéry 3, Montpellier.

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lTh1R 7192 Proclac, CNRS - Collège de France.

138

J.-C. BESSAC, V. :MAWlAN

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Fig. 15 -Dessins de la stèle RS 9.226, (( Ville Basse ouest N, Ougarit (Mission de Ras Shamra, fonds Schaeffer du Collège de France).

Fig. 16 -Dessins de la stèle RS 9.226, (( Ville Basse ouest N, Ougarit (Yon 1991).

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153

154

J.-C. BESSAC, Y. MArûlAN

La numérisation du tirage argentique a permis d'augmenter les contrastes de la photographie en noir et blanc et de faire apparaître des détails du décor en relief, en particulier ce que nous interprétons comme la ligne externe du bras droit fléchi vers l'avant ifig. 17). Le personnage masculin serait donc représenté les deux bras fléchis. L'orientation vers la gauche du personnage est lUle caractéristique peu fréquente dans le corpus des stèles d'Ougarit, comme l'a souligné Marguerite Yon. D'autres spécificités méritent d'être mises en exergue. Il en est ainsi de la pose du persormage, les deux bras fléchis si nous retenons notre proposition ; elle est rare à Ougarit et d'une manière générale dans l'iconographie levantine du second millénaire avant notre ère 53. L'attitude peut être mise en parallèle avec celle du persormage de la stèle RS 4.429+ (Alep 4624) provenant de l'Acropole, le bras positiormé devant le personnage étant toutefois nettement moins fléchi que pour la figure de la stèle RS 9.226.

-

Fig. 17 Vue de la stèle RS 9,226 avec indication du contour extérieur du bras droit dupersonnage (Mission de Ras Shamra, fonds Schaeffer du Collège de France, infographie G, Devi/der et V Matoïan),

53.

Cf. Cornelius 1994.

ÉTUDE DES STÈLES RS 3.487 (LOUVRE AO 14919) ET RS 9.226 (LOUVRE 20.382) D'OUGARIT

155

On peut supposer que le personnage de la stèle RS 9.226 tenait de son bras gauche une arme, peut-être une hache ou une massue (7). L'état de la surface de la stèle ne pelTIlet pas de savoir s'il tenait quelque chose de sa main droite. Une lance semble être exclue car on ne voit pas de hampe placée devant le personnage ; toutefois le creusement du fond étant inachevé on ne peut pas totalement l'exclure. Les comparaisons avec le répertoire iconographique proche-oriental, pelTIlettent de proposer un bouclier, un animal (oiseau 7) ou un symbole (foudre 7) 54. Il est aussi possible que l'artisan n'avait pas encore achevé cette partie de l'œuvre (voir infra). Une autre spécificité du décor doit être soulignée. Elle concerne la place du fourreau de l'arme portée par le personnage à la ceinture de son pagne. La partie conservée du fourreau est placée à l'arrière de la figure. Cette position dif:fere de ce que l'on peut observer sur les autres stèles d'Ougarit où un personnage porte une arme à sa ceinture (cf. la stèle du Ba'al au foudre RS 4.427 ou les stèles RS 1.[089] et RS 4.429+) 55 : dans ces cas, l'arme (un poignard) est positionnée à l'avant de la figure 56. Sur la stèle RS 9.226, il est possible que le personnage ne soit pas armé d'un poignard, mais d'une épée ; les meilleurs parallèles sont à rechercher dans la glyptique hittite ou syro-hittite, comme le montrent notamment de nombreuses représentations (divinité, roi, prince, fonctionnaire, personnage) sur les empreintes d'Emar 57. À Ougarit, on pense aussi à l'empreinte du sceau du roi hittite Tudhaliya rv sur la tablette RS 17.159 (figures du roi et du dieu) 58. La diversité de ces figures et l'état lacunaire de la stèle rendent particulièrement délicate l'identification de la représentation de la stèle : figure divine ou personnage (?).

Le contexte de découverte D'après les notes de fouille de 1937, l'œuvre a été retrouvée dans une ruelle panni les pierrailles provenant « d'ancien remblai » 59. L'indication fournie par les archives est : « BO 323, 2m70 » ( « Ville Basse ouest » , point topographique 323, trouvaille faite à la profondeur de 2,70 ml. Marguerite Yon avaot proposé, à titre d'hypothèse, d'établir une correspondance entre le point 323 et le point topographique 1570 indiqué le plan de la« Ville Basse ouest » montré l'état des fouilles en 1937 (Schaeffer 1938). L'identification d'un plan inédit et son analyse nous pelTIlettent de préciser la localisation du lieu de découverte de la stèle (fig. 18). Le point 323 équivaut au point 1543, qui se trouve entre 5 et 6 m à l'est du point 1570. RS 9.226 a donc été mise au j our juste avant l'intersection entre la « rue du rempart » et l'impasse qui part en direction du sud-est (fig. 13). Dans la documentation archivistique retrouvée, rien ne vient étayer l'hypothèse de M. Yon suggérant que ce petit monument puisse provenir de la zone du Temple de Ba'al située au-dessus de la zone de la Ville Basse ouest 60. Si nous avons proposé un parallèle iconographique avec l'une des stèles du secteur du Temple de Ba'al (supra, RS 4.429+), on notera toutefois que le secteur du Temple de Ba'al n'a livré aucune stèle de petites dimensions du type à base prolongée vers l'avant. =

54.

Cf. Cornelius 1994 ; Beyer 2001.

55.

Voir Yon 1991.

56.

Le positionnement est le même sur les représentations du dieu de l'Orage dans la glyptique du Bronze moyen (cf. Amiet 1992, n° 39 et 42).

57.

Beyer 2001, fig. 29 et 31 (figure du dieu de l'Orage, Tesub), fig. 52 (personnages hittites à l'oiseau), fig. 63 (rois, princes ou fonctionnaires 7), fig. 66 (rois ou princes à l'oiseau 7).

58.

Schaeffer 1956, pl. III, IV, fig. 24-26.

59.

Cf. aussi Yon 1991, p. 307.

60.

Yon 1991, p. 276.

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Archéologie, patrimoine et archives II

RSO XXVI, 2019, p. 167-187

À PROPOS DE LA TOMBE 1 [67] DE LA « VILLE BASSE OUEST » DES ARCHIVES INÉDITES DOCUMENTANT L'UNE DES TOMBES À CHAMBRE CONSTRUITE VOÛTÉE EN ENCORBELLEMENT D'OUGARIT

Sophie MARCHEGAY *, Valérie MATOïAN **

RÉsUMÉ Le sectem dénommé « Ville Basse ouest ,} fut dégagé sous la direction de Claude Schaeffer de 1932 à 1950. L'exploration révéla lUl quartier d'habitation de la ville d'Ougarit dont des descriptions très générales furent données mais qui ne fit pas l'objet d'lUle publication détaillée par les fouillems. L'étude des tombes constnùtes d'Ougarit permit à Sophie Marchegay d'identifier dix-neuf sépultures panni lesquelles la Tombe 1 [67] localisée en bordure ouest de la « Ville Basse ,>, dans une maison dont toutes les limites n'ont pas été reconnues. La Tombe 1 [67], pillée anciennement, est décrite à la lumière de documents d'archives inédits (tirages photographiques, relevés architecturaux, relevés du matériel) faisant partie du fonds Schaeffer du Collège de France 1. Elle appartient à la catégorie bien connue des tombes à chambre construite en pierres de taille, en encorbellement et couverte de dalles régulières qui témoignent d'une grande qualité architecturale. L'analyse des rares archives docmnentant le matériel retrouvé in situ et l'étude des caractéristiques architecturales de la tombe permettent de proposer des rapprochements avec d'autres sépultures de ce secteur de Ras Shamra (Tombes LXXVIII [66], LVI [61], LIV[65]).

ABS1RACT The area called «Ville Basse ouest» was excavated under the direction of Claude Schaeffer from 1932 ta 1950. The exploration revealed a residential area of the city of Ugarit whose very general descriptions were given but whieh did no! make the subject of a detailed publication by the diggers. The study ofthe tombs built at Ugarit allowedSophie Marchegay ta identifY nineteen burials, among whieh the Tomb 1 [67J located on the western edge ofthe «Lower Town», in a house whose boundaries did not been recognized The Tomb 1 [67], lootedformerly, is described in the light ofunpublished archivaI documents (photographie prints, architectural surveys, material records) forming part of the Schaeffer 's archives of

,

Musée départemental de Préhistoire des Gorges du Verdon (04) et Université de Lyon, lTh1R 5133 - Archéorient, Maison de l'Orient et de la Méditerranée.

"

lTh1R 7192 Proclac, CNRS - Collège de France.

1.

Le travail d'exploitation scientifique des archives des fouilles anciennes de Ras Shamra et de Minet el-Beida a déjà permis de s'intéresser à d'autres découvertes faites dans ce sectem. Récemment, nous avons ainsi pu préciser le contexte de trouvaille du miroir RS 7.033 conservé au musée du Louvre (AO 25061) (Matoïan et Carbillet 2014, fig. 1).

s. MARCHEGAY, V. :MAWlAN

168

the Collège de France. It belongs ta the well-known category of chamber tomhs built in stone, corhelled and covered with regular slabs that reflect a high architectural quality. The analysis of the rare archives documenting the materialfound in situ and the study ofthe architectural characteristics ofthe tomb make il possible ta propose parallels with other burials of this sector of Ras Shamra (Tombs LXXVIII [66], LVI [61], LIV [65]).

LE SECTEUR DE LA « VILLE BASSE OUEST »

Après nous être attachées au réexamen de la tombe 4253 [642] découverte intacte dans la « Tranchée Sud-acropole » 2, l'identification de documents inédits dans les archives de la mission de Ras Shamra (fonds C. Schaeffer du Collège de France) nous offre l'occasion de publier plus en détail l'une des tombes construites en pierre de taille et voûtées en encorbellement d'Ougarit : la Tombe 1 [67] 3. Dégagée en 1950 dans le secteur dit « Ville basse ouest », cette sépulture multiple n'a fait l'objet que d'une courte mention par le fouilleur dans le rapport publié, l'année suivante, dans la revue Syria. Claude Schaeffer décrit ainsi les découvertes faites dans cette partie du tell au cours de la quatorzième campagne : « Plus bas, une rangée d'habitations ont commencé à apparaître. L'une d'elles comportait l'atelier d'un bijoutier qui fabriquait des colliers en perles de verre, de cornaline et même d'ambre. [ . . . ] Nous avons dégagé ici aussi, un caveau de famille installé dans le sous-sol d'une habitation qui, quoique pillé dans l'antiquité, nous a livré encore un mobilier funéraire instructif » 4. La même année, il publie une illustration de l'entrée de la chambre funéraire de cette tombe dans son rapport préliminaire de fouille joint au premier volume des Annales Archéologiques de Syrie. La légende de la figure - « Entrée d'une tombe de particulier de la ville basse découverte en 1950 » 5 - ne fournit aucune infOlmation complémentaire.

2.

Dans le volume RSO XXII : Matoïan et Marchegay 2015. Sur cette sépulture, voir aussi Bérénice Lagarce-Othmandans ce volume.

3.

La tombe porte le numéro 1 dans la nomenclature de C. Schaeffer et le numéro 67 dans celle établie par S. Marchegay en 1999.

4.

Schaeffer 1951a, p. 20.

5.

Schaeffer 1951b, pl. II, 2. Dans le commentaire, C. Schaeffer (1951b, p. 16-17) ne fait aucune référence à la tombe illustrée sur la planche II.

À PROPOS DE LA TOMBE 1 [67] DE LA (( VIllE BASSE OUEST »

169

Le secteur d 'habitations connu sous l'appellation de ({ Ville Basse ouest Il a été fouillé principalement avant-guerre, de 1932 à 1939. Après la reprise des travaux sur le terrain en 1948, une seule campagne de fouille s'y est déroulée, en 1950, avec pour objectifl'extension de la fouille vers l'ouest. Les fouilleurs n'ont pas consacré de publication détaillée aux résultats de cette fouille et les synthèses livrent peu d'informations sur les habitations du Bronzerécent révélées par l'exploration. Les plans publiés ne montrent pas d'états du dégagement postérieurs à la campagne de 1937 (fig. 1) et les commentaires portent principalement sur quelques tombes mises au jour en 1935 et de 1937 à 1939. Parmi les sépultures ayant fait l'objet d'une attention particulière dans les rapports, la construction de plusieurs remonte au Bronze moyen 2/3 (LIV [65J, LV [63J, LVI [61J, LVII [62]) 6. Ces dernières, aménagées dans un secteur d'habitat séparé par llile impasse de l'îlot auquel appartient la Tombe 1 [67J, ont fait l'objet d'analyses plus détaillées, ceci pour deux raisons principales : elles furent retrouvées intactes et l'architecture de l'llile d'elles (la Tombe LVI [61]) montre que la tradition des tombes à chambre construite en pierre de taille et en encorbellement remonte au Bronze moyen 2 7. La Tombe XIII [51J est l'llilique sépulture datée du Bronze récent ayant fait l'objet d'llil commentaire développé de la part des fouilleurs. !ID

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182

Les jambages de la porte sont constitués des blocs de la paroi orientale de la chambre funéraire. Une première marche précède le seuil, elle est faite d'un bloc posé de champ (L. 0,50 m, l. 0,22 m, haut. visible 0,35 ml. Le seuil est fait d'un des blocs de la première assise de la paroi est (L. 0,75 m, 1. 0,25 m, haut. 0,35 ml. Le linteau de la porte est formé d'un grand bloc rectangulaire (L. l,10 m, haut. 0,25 à 0,30 m, 1. max. 0,65 ml. Du côté extérieur (est), le linteau a été taillé d'une large feuillure (L. 0,60 m, haut. 8 cm, prof. 8 cm) qui se poursuit de chaque côté de la porte. La porte était probablement fermée d'une dalle, posée verticalement et s'encastrant dans ces feuillures. Les dimensions restituées de cette dalle sont : hauteur 1,05 m, largeur 0,65 m et épaisseur 0,10 ffi.

LA CHAMBRE FUNÉRAffiE Sur le terrain, en 1996, la couverture de la tombe et des blocs des assises supérieures n'étaient plus en place et la chambre funéraire était encombrée de pierres. Celle-ci, de plan rectangulaire (2,35 m x 1,85 m), est orientée nord-sud. Sa hauteur est de 1,70 m depuis le sol jusqu'au sommet de la voûte. Les parois 17 sont entièrement construites en pierres de taille (la première assise reposant sur des moellons 18) et elles sont toutes en encorbellement. L'encorbellement est moins prononcé à l'est. Les blocs sont de tailles inégales et sont disposés sur sept assises irrégulières. L'ensemble a été très bien ravalé. Comme dans la majorité des tombes construites en pierres de taille, le sol était en terre battue 19. Sur la coupe de la figure 14, on peut lire l'indication suivante : « sol béton pisé ». Il se trouve à 10/15 cm au-dessus de la base de la première assise en pierres de taille. En 1996, il était encore conservé par endroits. La chambre funéraire présente plusieurs aménagements intérieurs : un puits et des niches murales. Le puits est placé dans l'angle au sud-ouest de la chambre funéraire !fig. 14 et 15). Ses parois sont construites en moellons et en pierres de taille. À l'ouverture, il mesure 0,55 m de diamètre. Sur 0,35 m de hauteur ses parois sont en moellons et en pierres de taille, sur 0,70 m de diamètre ; puis il marque un décrochement avec une assise de pierres de taille haute de 0,22 m ; enfin ses parois sont entièrement en petits moellons et sont larges de 0,55 m. Le puits a été fouillé jusqu'à 1,10 m de profondeur, mais le relevé indique que le fond n'a pas été atteint. En 1996, il était en partie comblé (prof. visible 0,80 ml. La fonction des puits aménagés dans les sépultures est difficile à interpréter en raison du manque d'infOlmations sur leur fouille et des pillages. Il semble qu'ils aient généralement servi de zone de rebut pour accueillir les restes des inhumations antérieures, comme c'est probablement le cas ici, tandis que dans d'autres cas (moins fréquents) où ils étaient placés au centre de chambres funéraires construites en pierres de taille, ils avaient une destination rituelle (dépôts votifs et libations) 20. Sept niches ont été ménagées dans les quatre parois de la chambre funéraire. Le plan schématique de la figure 15 n'en indique que trois. Les niches sont de différentes tailles et placées à différentes hauteurs : - dans la paroi Nord : 3 niches fermées au fond par une dalle. Niche Ouest (haut. 0,18 m, 1. 0,25 m, prof. 0,25 m) ; niche Est (haut. 0,19 m, 1. 0,22 m) ; niche supérieure (haut. 0,24 m, 1. 0,15 m, prof. 0,20 m) ; - dans la paroi Ouest : 2 niches fermées au fond par une dalle. Niche dans la se assise (1. 0,30 m, haut. 0,25 m, prof. 0,30 m) ; niche dans la 6' assise (haut. 0,28 m, 1. 0,23 m, prof. 0,20 m) ;

17.

Dimensions prises en 1996 : paroi nord (longueur à la base : 1,85 m ; hauteur conservée depuis le sol : 1,50 m) ; paroi est (longueur à la base : 2,85 m, hauteur conservée depuis le sol : 1,70 m) ; paroi ouest (longueur à la base : 2,85 m ; hauteur conservée depuis le sol : 1,70 m) ; paroi sud (longueur à la base 2,35 m ; hauteur conservée depuis le sol :1,70 m).

18.

On retrouve cette caractéristique dans la chambre funéraire de la Tombe LVI [61] de la « Ville Basse ouest " (Marchegay 1999).

19.

Marchegay 1999, p. 117.

20.

Margueron 1983 ; Matoïan 2013.

À PROPOS DE LA TOMBE 1 [67] DE LA (( VIllE BASSE OUEST »

183

dans la paroi Sud : 1 niche ménagée dans la 4< assise, fermée au fond par une dalle (haut. 0,25 m, L 0,30 m, prof. 0,25 m) ; la paroi Est, au nord de la porte, présente lUle large ouverture ménagée dans la 2< assise (haut. 0,35 m, L 0,35 m, prof. 0,30 m). Elle est particulièrement bien visible sur la photographie de la figure 9 et sur le relevé de la figure 13. L'architecte a noté ({ petite fenêtre Il (fig. 15), mais il pourrait s'agir d'lUle grande niche, peut-être ({ détruite Il au cours de la fouille. Aucun matériel n'est signalé comme provenant de 1'llile des niches de cette tombe. Nombreuses sont les tombes construites dont la chambre funéraire comporte des niches. Leur nombre et leur disposition sont très variables 21. Dans les caveaux construits en pierres de taille on en dénombre en moyenne entre 2 et 6 ; avec ses 7 niches, la tombe l [67J se situe ainsi au dessus de cette moyenne. De plus, il est peu fréquent, comme c'est le cas dans cette sépulture, que leur emplacement soit à des hauteurs différentes.

LES RESTES HUMAINS ET LE MOBILIER RETROUVÉS IN SITU Sur le relevé du matériel funéraire in situ, six crânes d'adultes sont dessinés, ainsi que quelques os longs mêlés aux vases et aux autres objets du mobilier funéraire (fig. 17). Aucun squelette n'a visiblement été découvert en position anatomique. Sur un autre relevé, qui indique la numérotation donnée par les fouilleurs en vue de l'identification du matériel in situ (fig. 16), huit crânes sont indiqués (voir aussifig. 18). La chambre funéraire contenait ainsi les restes d'au moins huit individus.

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Fig. 17 - Relevés des vestiges osseux et des objets retrouvés in situ dans la tombe 1 [67], relevé de PaulAle:wndre Pironin (Mission de Ras Shamra, fonds Schaeffer, Collège de France, infographie E. Croidieu). 21.

Callot 1994, p. 170-171.

184

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Fig. 18 - Juxtaposition des deux relevés des vestiges osseux et des objets retrouvés in situ dans la tombe 1 [67}.

Sur J'inventaire des trouvailles de 1950, un seul objet a été inscrit comme provenant de cette tombe. Son numéro d'inventaire est RS 14.124 : ({ Poids en pierre brun-gris, forme olive irrég. L 4,8. D. 2,2. 46,26 g, Tombe 1 (1950) dans la chambre funéraire sur le sol )J. L'objet a été identifié dans les collections

À PROPOS DE LA TOMBE 1 [67] DE LA « VILLE BASSE OUEST "

185

du Musée national de Damas par Étienne Bordreuil, qui le décrit comme un poids en stéatite/chloritite en forme d'olive, d'une masse de 45,2 g 22 . Les autres objets mis au jour lors de la fouille de la chambre funéraire n'ont pas été reportés sur les inventaires de la mission. Seuls les relevés des figures 16 et 17 apportent des informations complémentaires. Le relevé de la figure 16 localise des découvertes numérotées de 1 à 20, avec un numéro double (17 + 17 A), ce qui suggère la mise au jour d'un minimum de 21 items (en plus des crânes et des os longs) : vases en céramique, deux poignards, une tête de lance, un hameçon et un objet en or (non identifié). Le caractère schématique des relevés ne nous autorise pas à conclure sur la datation du matériel. Les fOlmes céramiques reconnues pourraient orienter vers le début du Bronze récent 23. Ainsi, comme la couche supérieure de la Tombe LN de la « Ville Basse ouest » 24, le mobilier Tombe 1 [67] semble comporter des spindle-bottles (le relevé pennet d'identifier trois spécimens), des bi/bi/s et un fragment de bol à anse ogival, probablement de provenance chypriote.

CONCLUSION

La Tombe 1 [67], outre le fait que l'étude sur le terrain et l'analyse des documents d'archive montrent la « destruction » inexpliquée de dromos, présente des particularités que nous souhaitons souligner en conclusion. L'absence d'une publication détaillée par les fouilleurs ne pennet pas de connaître le contexte chrono-stratigraphique précis de cette sépulture. Si son lien avec l'édifice du Bronze récent sous lequel elle est aménagée est avéré, alors on notera son installation sous un locus de relativement grandes dimensions muni de nombreuses ouvertures soulignant son rôle clé dans le bâtiment. La tombe se distingue par un nombre de niches supérieur à la moyenne, surtout si l'on considère les dimensions modestes de la chambre funéraire, et par la position du « puits funéraire » dans un des angles de la chambre funéraire. Cet emplacement est inhabituel pour une tombe construite en pierres de taille, car les puits ménagés dans les tombes de ce type à Ougarit sont habituellement placés au centre de la chambre funéraire. En revanche, il est plus fréquent dans les caveaux construits en moellons. Certaines caractéristiques architecturales pourraient pennettre un rapprochement avec la Tombe LVI [61] du Bronze moyen 2 de la « Ville Basse ouest », outre le fait que nous soyons en présence de deux sépultures à chambre construites en pierre de taille et voûtée en encorbellement : - le positionnement du dromos perpendiculairement à l'un des longs côtés de la chambre funéraire. Seules seize tombes d'Ougarit possèdent un dromos de ce type. Pour dix d'entre elles, ces tombes (du Bronze moyen et du Bronze récent) sont construites en moellons et couvertes de dalles. Les six autres sont caractérisées par l'emploi de la pierre de taille et la moitié est localisée dans le secteur de la « Ville Basse ouest » 25. Il s'agit de la Tombe LVI [61], découverte intacte et datée du Bronze moyen 2, de la Tombe LXXVIII [66], retrouvée pillée et pour laquelle l'étude de l'ensemble du matériel reste à faire, et de la Tombe 1 [67] ; - le positionnement des assises de pierres de taille des parois de la chambre funéraire sur une assise de moellons ; - la forme trapézoïdale de la porte de la chambre fiméraire. Elle est en effet plutôt atypique dans la typologie des portes des tombes construites en pierres de taille. Claude Schaeffer a défini trois types de portes pour les tombes de cette catégorie (fig. 19). Cette typologie a été complétée par S. Marchegay (1999) avec deux autres types correspondant aux portes non voûtées : certaines sont en encorbellement tenniné

22.

Bordreuil 2004, cat. 153 ; Bordreuil2019, tome II, cat. 175 (la provenance doit être corrigée).

23.

Cette datation diffère de celle proposée dans Marchegay 1999, à savoir Bronze Récent 2 et/ou 3.

24.

Schaeffer 1938.

25.

Marchegay 1999, tome 1, p. 96.

186

par linteau droit tandis que d'autres ont des jambages verticaux et un linteau droit. La porte de la tombe l [67J en est lUle variante, avec des jambages en pierres de taille disposées en léger encorbellement et retaillés de manière rectiligne depuis la base jusqu'au linteau droit, donnant ainsi une forme trapézoïdale à l'ouverture La Tombe l [67J fut pillée dans l'antiquité et les données sur le matériel qui y fut retrouvé sont succinctes. Nous avons proposé le début du Bronze récent (xvr"-xv" s.), mais l'hypothèse d'lUle utilisation dès la fin du Bronze moyen n'est pas à exclure et permettrait alors de rapprocher cette sépulture d'autres tombes du même secteur, telles la Tombe LIVet la Tombe LVI déjà citées.

• Fig. S I .

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Fig. 19 - Typologie des porles d'entrée de la chambrefunéraire des tombes à chambre construite d'Ougarit établie par Claude Schaeffer (d'après Schaeffer 1939, infographie G. Devi/der).

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APERÇU SUR LE CLIMAT DU LITTORAL SYRIEN

Myriam TRABOULSI *

RÉsUMÉ Le littoral syrien, grâce àses caractéristiques géographiques, enserré entre lamer etleDjebelAnsariyé, bénéficie de la doucem du climat méditerranéen et a constitué lUl cadre favorable au développement du royamne d'Ougarit. Ce travail se propose d'étudier le climat actuel de la région, afin de fixer des bases solides pour des reconstitutions du climat passé, de réaffirmer ses fondamentaux méditerranéens et ainsi de mieux approcher les conditions de vie de la population, notamment à l'âge du Bronze récent. Pom cette étude inédite, les données thermiques et pluviométriques quotidiennes de la station de Lattaquié sont utilisées pour la période 1 970-7112009-10, ainsi que les données disponibles de la station montagnarde de Slenfa. Des tendances significatives à la hausse des températures maximales et minimales, notamment aux échelles annuelle et saisonnière (autonme et été pour les premières et été seulement pom les deuxièmes), sont mises en évidence. Les précipitations affichent une tendance significative à la baisse à l'échelle annuelle et au printemps, confirmée par la tendance au raccomcissement de la saison pluvieuse qui connaît une fin plus précoce. Ces tendances sont associées à une évolution de la circulation atmosphérique qui tend vers des conditions inhibitrices des précipitations, et qui se matérialise par des corrélations significatives positives entre les températures de smface et les paramètres d'altitude à 500 hPa et négatives entre les précipitations et ces derniers. Les caractères fondamentaux du climat méditerranéen seront remis en cause si les tendances actuelles se confirment sm le long terme.

ABS1RACT The Syrian coast, thanks to ils geographical characteristics, sandwiched between the sea and Jebel Ansariyé, benefitsfrom the mildness ofthe Mediterranean climate andwas afavorableframeworkfor the development ofthe kingdom of Ugarit. This work aims to study the current climate ofthe region, in order to lay a solidfoundation for reconstructions ofthe past climate, to reaffirm its Mediterranean fundamentals and thus to better approach the living conditions of the population, especially at the Late Bronze Age. For this unpublished study, daily thennal and rainfall data from the Latakia station are used for the period 1970-71/2009-10, as well as data availablefrom the Slenfa mountain station. Significant upward trends in maximum and minimum temperatures, particularly at annual and seasonal scales (autumn and summerfor theformer and summer onlyfor the second), are highlighted Precipitation shows a significant downward trend on an annual and spring basis, confirmed by the tendency to shorten the rainy season to an earlier end These trends are associated with an evolution of the atmospheric circulation that tends towards precipitation inhibiting conditions, and which is materialized by significant positive correlations between surface temperatures and altitudeparameters at 500 hPa and negative between precipitation and these latter. The basic characteristics ofthe Mediterranean climate will be challenged ifcurrent trends are confirmed in the long term.

,

Université libanaise, Beyrouth et lTh1R 5 133 - Archéorient, Maison de l'Orient et de la Méditerranée, Université Lumière-Lyon 2 - CNRS.

224

M. TRABOULSI

Étant donnée sa position en latitude, entre les déserts subtropicaux et la zone tempérée, le littoral syrien, comme toute la région proche-orientale 1, connait un climat méditerranéen caractérisé par des précipitations hivernales et une sécheresse estivale. Les températures élevées de la saison sèche (même si elles restent plus clémentes que celles des régions intérieures), et la douceur de l'hiver, saison de pluie, donnent au climat méditerranéen son originalité 2. Durant la saison pluvieuse (l'hiver particulièrement), la zone tempérée fait sentir son influence qui apparaît par la circulation atmosphérique d'ouest matérialisée par le Jet Stream subtropical, amenant sur la région des vents humides et par conséquent des précipitations. Cette humidité atmosphérique est accompagnée par un maximum de nébulosité, une baisse des températures et un minimum d'évaporation. L'été, cette circulation perturbée est remplacée par des hautes pressions subtropicales en altitude empêchant tout mouvement d'ascendance qui pourrait engendrer des précipitations : la sécheresse sévit alors avec un maximum d'insolation, une hausse des températures et par conséquent une intense évaporation qui dessèche le sol et la végétation même si l'humidité atmosphérique élevée dans la région littorale durant cette saison atténue ces conditions. En se basant sur les précipitations, élément climatique fondamental dans les régions méditerranéennes, cette région est considérée comme typiquement méditerranéenne (elle reçoit une moyenne ammelle supérieure à 600 mm) par rapport aux régions intérieures, au climat méditerranéen dégradé, qualifié de semi-aride quand la pluie moyenne ammelle est comprise entre 600 et 400 mm, aride supérieur entre 400 et 300 mm, aride moyen entre 300 et 200 mm, aride inférieur entre 200 et 100 mm et désertique si cette moyenne est inférieure à 100 mm 3. Subissant directement les influences maritimes, c'est la région la plus arrosée de la Syrie (fig. 1).

1.

Traboulsi 2004.

2.

Bolle 2002.

3.

D'après Le Houèrou 1995.

APERçu SUR LE CLIMAT DU UITûRAL SYRIEN

Moyenne annuelle

(1960-61/1989-90) • Station météo

Précipitations (mm)

D'après Traboulsi-Makké 2004

400 - 600

If----I 600 - 800 1r------1 800 - 1000 1r------1 1000 - 1200 > 1200



.;.

Ville moder'ne\ Point coté Fig. 1 - Carle des précipitations (période 1960-61/1989-90) et localisation des stations (d'après Geyer; RSO xxv, 2017, sur des données de M Traboulsi).

225

M. TRABOULSI

226

La région littorale est une bande étroite enserrée entre la mer et la montagne et ouvrant sur la Méditerranée orientale. C'est la seule fenêtre de la Syrie sur la Méditerranée. Elle s'étend sur 175 km de longueur et s'élargit aux extrémités nord (plaine de Lattaquié) et sud (plaine d'Akkar). Au centre, la montagne domine directement la mer. Cette position en latitude (entre 34°45' et 36° N), conjuguée aux facteurs géographiques (enserré entre la mer Méditerranée et la montagne littorale), donne au climat du littoral syrien ses caractéristiques, qui apparaissent surtout dans les deux éléments principaux qui sont les températures et les précipitations. La douceur de son climat et sa richesse en eau liée à la présence de la chaine littorale culminant à 1583 m, la fertilité de sa terre, ont fait de cette région une terre d'accueil et le siège du royaume d'Ougarit. Malgré les fluctuations climatiques qu'a connues le Moyen-Orient durant l'Holocène 4 le climat méditerranéen aurait toujours été une réalité, assurant à la région sa richesse 5. D'après G. Blanchet, P. Sanlaville et M. Traboulsi 6, c'est autour de 5000 ans BP que se serait établi le climat que connaît actuellement le Moyen-Orient. Dès lors, la région a certes connu encore des oscillations mais qui eurent une amplitude moindre qu'au Néolithique. Rappelons que la quête et la maitrise de l'eau ont toujours été et continuent à être, avec la sécurité, parmi les problèmes majeurs de cette région, au cœur des préoccupations humaines 7. La présente étude concerne le climat actuel dont la « méditerranéité » règle largement la vie des habitants, aujourd'hui comme hier 8. Une meilleure connaissance de ce climat nous pelTIlet de mieux appréhender ses caractéristiques dans le passé et de mieux comprendre ainsi les conditions de vie de la population locale, notamment à l'époque d'Ougarit.

LES TEMP ÉRATURES

La position en latitude dételTIline le régime thermique de la zone d'étude qui est caractérisé par un maximum estival situé au mois d'août : la température moyenne de ce mois est de 27,3°C, alors que le minimum, intervenant au mois de janvier, est de 12°C. La proximité de la mer dételTIline la douceur du climat du littoral syrien, la température moyenne annuelle est autour de 19,6°C (période de référence : 1970-7112009-10). Cette moyenne décroit en altitude, elle est autour de 12,5°C à Slenfa 9 (1100 m) avec une moyenne de janvier qui se tient autour de 3,8°C. La région est protégée par la montagne, la chaîne côtière du Djebel Ansariyé, des vents froids continentaux soufflant en hiver (en provenance de Russie) et la moyenne des températures minimales est toujours supérieure à 8°C. Elle est inférieure à 10°C seulement aux mois de décembre, janvier et février (successivement 9,9, 8,3 et 9,FC). Le gel est très rare, le minimum absolu pour la période 1970-7112009-10 étant de O°C alors que ce minimum était de _3,I°C pour la période 1960-61/1973-74 w. Ces influences maritimes s'atténuent à mesure que l'on va vers l'est ; l'éloignement de la mer conjugué avec l'altitude apparaît dans les températures basses emegistrées dans la montagne où l'on note une moyenne de l,SoC enjanvier pour les températures minimales. Le gel y est un phénomène habituel, qui se produit entre les mois de novembre et avril (16,4 jours par an à Slenfa pour la période 1960-61/1973-74).

4.

Rognon 1982, 1987 ; Finné et al. 201 1 .

5.

Neumann et al. 2007 ; Riehl 2009 ; Sorrel et al. 2016.

6.

Blanchet et al. 1997.

7.

Sanlaville 1981.

8.

Geyer 2017.

9.

Slenfa est la seule station de montagne pour laquelle nous disposons de données suffisantes pour les intégrer à nos analyses.

10.

Traboulsi 1981.

APERçu SUR LE CLIMAT DU LITTORAL SYJUEN

227

La région est aussi abritée des vents chauds et les températmes maximales ne sont pas excessives. La moye1ll1e des températures maximales est supérieme à 20°C pendant 8 mois, d'avril à novembre. Elle reste supérieure à 15°C pendant les autres mois, décembre,janvier, février et mars. Le maximtun moyen se tient autour de 30°C au mois d'août malgré des sautes de température importantes qui se produisent pendant les saisons intennédiaires lors des types de temps de khamsin 11 qui affectent beaucoup plus le sud du Levant. Le maximum absolu à Lattaquié, 39,6°C (39°C pour la période 1955-1974), a été enregistré en juin (période 1970-71/2009-10), alors que celui de Beyrouth se place en avril (43°C) 12. La fraichem de la montagne, notamment estivale, est un atout pour la région côtière car elle favorisait et favorise toujoms l'installation des hommes : les températures maximales dépassent les 20°C seulement durant les mois de juin, juillet, août et septembre, tout en restant inférieures à 27°C. Grâce aux influences maritimes, les contrastes thenniques ne sont pas grands. L'amplitude diurne est située autour de 7°C (7,5°C pour la période 1955-1974). Son minimum se place en été (4,8°C en août) alors que le maximtun intervient pendant les saisons intennédiaires et particulièrement en autonme (8,5°C en octobre et novembre). Ceci reflète l'alternance des masses d'air froid ou chaud qui se succèdent sur la région lors des types de temps perturbés ou anticycloniques. L'amplitude annuelle se tient autour de 15,3 oC (fig. 2). Notons que les contrastes thenniques s'accentuent avec l'altitude et l'éloignement de la mer ; l'amplitude annuelle à Slenfa est de 16,1 oc.

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Fig. 2

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A

5

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Le régime thermique à Lattaquié (1970-71/2009-10), avec TX température maximale et IN température minimale (© M. Traboulsi). =

=

Il.

Le khamsin est un type de temps caractéristique du Moyen-Orient qui se manifeste par une température élevée, une humidité relative très faible (généralement inférieure à 20 % et même 1 0 %), un vent plus ou moins violent et une atmosphère chargée de sable ou de poussière réduisant fortement la visibilité. Le phénomène est dû généralement au passage sur la Méditerranée orientale d'une dépression originaire du sud de la Méditerranée occidentale, le plus souvent du Sahara.

12.

Blanchet et Traboulsi 1999.

228

M. TRABOULSI

À l'échelle annuelle, les températures maximales et minimales montrent lUle tendance à la hausse qui est significative statistiquement au seuil de 5 % selon le test Mann Kendall 13 comme le montre la figure 3. Les températures annuelles moyennes connaissent elles aussi cette tendance à la hausse qui est également significative au seuil de 5 % (Ktest 3,1923) (non illustré). =

.. Kteil � l.33l1

V.0,0161. , Il.'�I

.. "

Fig. 3

-

Évolution des températures annuelles minimales ( à gauche) et J/Ullimales ( à droite) à Lattaquié (période 1970-71/2009-10) (0 M Traboulsi).

À J'échelle saisonnière, la hausse est généralisée que ce soit pour les températures maximales ou minimales mais la tendance n'est significative qu'en autonme et en été (successivement Ktest 2,0272 et 3,4487) pour les températures maximales, et en été seulement pour les minimales (Ktest 4,9633). La région montagneuse devrait connaître la même tendance (nous ne possédons pas de séries complètes pour cette région) puisque l'étude que nous avons menée sur l'évolution des températures dans la région proche-orientale durant la période 1970-7112009-10 14 a montré une hausse presque généralisée aux échelles spatiale et temporelle et significative au seuil de 5 % (selon le test Mann Kendall). Malgré les influences maritimes matérialisées par la brise de mer, les fortes chaleurs 15 ne sont pas absentes. La moyerme annuelle des jours de forte chaleur (toutes chaleurs confondues) se situe autour de 3,1 jours à Lattaquié (contre 5,3 jours à Beyrouth). La moyenne armuelle des jours de très forte chaleur, de 0,4 jours, est faible. Cette faible fréquence ainsi que l'absence des jours torrides sont expliquées par le rôle modérateur joué par la mer Méditerranée. Les jours de forte chaleur se répartissent sur les mois de la saison chaude au sens large. Le maximum d'août est doublé par deux maximums secondaires situés en mai et octobre (fig. 4). Cette distribution reflète à la fois les mécanismes de la circulation atmosphérique régionale et les facteurs géographiques. Durant l'été, la région est sous l'influence des advections 10 des masses d'air chaud associées à la présence des hautes pressions subtropicales en altitude, niveau 500 hPa (branche subsidente de la cellule de Hadley). En revanche, c'est au cours des saisons intermédiaires que le khamsin, générateur des flux chauds, est le plus actif dans les régions littorales 17. =

=

13.

Le test Mann Kendall est lUl test non paramétrique sm les rangs prunettant de détecter la signification d'lUle tendance. La tendance est significative au seuil de 5 % si Ktest est> I l,96 1 . Sneyers 1990.

14.

Trabouls1 2014.

15.

Les jOlrs de forte chalem correspondent à lIte semme TX +TN> 53°C, avec TX> 33°C etTN> 20°C. Les jours de très forte chalem ccrrespondent à lUle sommeTX +TN comprise entre 60°C et 66°C. Enfin, lesjoms torrides correspondent à lUle somme des TX + TN supériel.u ou égale à 67°C.

16.

Déplacement d'lUle masse d'air danll le sens horizontaL

17.

Blanchet 1976 ; TrabOlllsi 1981 ; Blanchet et Traboulsi 1999.

APERçu SUR LE CLIMAT DU LITTORAL SYJUEN

Fig. 4

229

Fréquence moyenne mensuelle desjours deforte chaleur à Lattaquié (1970-71/2009-10).

Les chaleurs très intenses ne sont donc que peu commes sur le littoral levantin grâce à la présence de la Méditerranée. Comme le montre la figme 5, la durée des fortes chaleurs n'excède pas 5 j ours sur la côte si l'on exclut l'année 2010 où la station de Lattaquié a enregistré un épisode de sept jours consécutifs pour une intensité cumulée 18 de 40,8°C.

8 7

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2 1 o

Fig. 5

Intensité des épisodes defortes chaleurs (durée 2: 3jours) observées à Lattaquié durant la période 1970-71/2009-10 19(© M Traboulsi}.

18.

Intensité cumulée : cumul des surplus journaliers au seuil de chaleur choisi (TX + TN > 53°C, avec TX > 33°C et TN 2: 20°C).

19.

D'après Traboulsi 2014.

230

M. TRAOOULSI

Ces forles chaleurs constituent un vrai risque pour la région. Leur tendance diminution des précipitations

(cf.

à la hausse associée à la

ci-dessous) pose la question du manque des ressources en eau et de la

forte demande en consommation d'énergie pour une démographie galopante. Tout plan d'aménagement devrait prendre en compte cette réalité. Les effectifs de forte chaleur accusent une nette augmentation vers la fin de la déce=ie

2000 (fig. 6).

à la hausse qui est significative au seuil de 5 % selon le test Mann Kendall. à une humidité relative forte particulièrement en été. La moyenne a=uelle de 1'humidité relative se tient autour de 67 % à Lattaquié. Cette moye=e ne descend guère au-dessous de 60 % grâce aux influences maritimes sachant que le maximum (73 %) est placé au cœur de

Ils présentent une tendance

Ces forles chaleurs sont associées

l'été, conjugué au maximum des températures ce qui rend l'atmosphère très lourde pendant cette saison même si cette humidité est bénéfique

à la vie végétative.

Le Djebel Ansariyé reste le refuge des habitants

de la côte en été, grâce non seulement à la fraicheur de ses températures mais aussi

à 1'humidité relative 65 % alors

qui est moins forte que sur la côte, particulièrement durant cette saison ; elle se situe autour de qu'elle dépasse les

80 % en hiver. " "

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y. O.18S1x. 0,801•

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Fig. 6 - Évolution du nombre dejours deforte chaleur à Lattaquié (0 M Traboulsi).

LES PRÉCIPITATIONS

La proximité de la mer détennine non seulement la douceur des températures mais représente aussi une source d'humidité pour la région littorale. Cette influence maritime, conjuguée de la chaîne côtière frappée en plein fouet par les vents humides d'ouest cirrulant

à

à

la présence

cette latitude,

se manifeste par des totaux pluviométriques annuels relativement élevés en comparaison avec le reste du pays. En dehors de la région montagneuse (ici, l'ensemble de la chaîne côtière) qui enregistre une moye=e annuelle dépassant

1200

mm, c'est la région la plus arrosée de la Syrie ; avec une moye=e annuelle

des précipitations qui se tient autour de

800

mm (la station de Lattaquié enregistre

702,5

mm pour

la période allant de 1970-71 à 2009-1 0 contre une moye=e de 752,2 mm pour la période allant de 1 %8-69 à 2003-2004 et 813,5 mm pour la période 1960-6111973-74). Donc, le littoral s)Tienjouit d'un climat franchement méditerranéen. La saison des pluies va d'octobre

à mai avec une concentration sur les trois mois d'hiver (décembre, janvier et février) qui représentent 54 % du total annuel alors que les pluies automnales représentent 23,4 %. Les pluies printanières n'entrent que pour 21 % dans la dotation glooale. La part de ces dernières prend de l'importance à mesure que l'on

va

vers l'est du pays au détriment des pluies d'hiver comme c'est le cas de Slenfa, station de

montagne. L'été est la saison sèche, mais des orages éclatent pour perturber cette sécheresse. Juin, juillet et août ne totalisent toutefois que

1,6 % du total annuel.

Al'ERçu SUR LE CLIMAT DU LITTORAL SYJUEN

231

La pluie conunence au mois de septembre, mais de fait ce n'est qu'à partir du mois de novembre qu'elles deviennent significatives (CPR>l) 2û. Janvier enregistre le maximum de l'année avec 20,5 % du total annuel à Lattaquié. Les précipitations conunencent à diminuer à partir du mois de mars (11,9 % du total annuel), diminution qui devient plus marquée en avril (6,3 %). Le mois de mai marque pratiquement la fin de la saison pluvieuse. Les précipitations sont caractérisées par une grande variabilité interannuelle qui est de l'ordre de 27 % 21 alors qu'elle est de l'ordre de 1 9 % en montagne. Bien que la région montagneuse cOlll1aisse les totaux pluviométriques les plus élevés et les précipitations les plus régulières, elle apparait conune une région « sèche ", quasi dépourvue d'écoulement superficiel du fait de sa géologie 22. Cette eau ressort sur les piémonts de la montagne, du côté de la mer à l'ouest, alimentant les nahrs de la plaine littorale, et de la plaine du Ghab à l'est 23. La variabilité mensuelle est beaucoup plus importante, particulièrement durant les mois des saisons intennédiaires, automne et printemps où elle dépasse les 100 % : un mois pluvieux une année peut être complétement sec l'année suivante. Or ce sont les mois les plus utiles pom la vie végétative. Cette grande variabilité des précipitations est l'une des caractéristiques du climat méditerranéen qui voit se succéder des années « pluvieuses " et d'autres « moins pluvieuses " 24. Mais conune le montre la figme 7, les années « sèches " sont devenues très fréquentes depuis 2004 (indice de variabilité 2: I l 1 ) 25.

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Fig. 7

20. 21.

Variabilité interannuelle des précipitations à Lattaquié (1070-71/2009-10) (© M Traboulsi).

Le CPR ou coefficient pluviométrique relatif correspond au rapport de la moye=e pluviométrique mensuelle réelle à la moye=e pluviométrique mensuelle fictive. La variabilité annuelle et mensuelle est exprimée par le coefficient de variation représenté par la formule suivante : écart

type/moye=e et multiplié par 100. 22.

Voir la carte Une lithologie simplifiée de la région de Ras Shamra - Ougarit, dans ce volume, p. 255-263.

23.

Traboulsi 1981.

24.

La variabilité interannuelle est exprimée par l'indice standardisé des précipitations SPI, représentée par la formule suivante : SPI (P, p ) où Pi Précipitation de l'année i (en mm), Pm précipitation moye=e historique de la période (en mm), ,/ écart-type historique des précipitations de la période (en mm). -

25.

...

Mckee et al. 1993 ; 011M 2012.

232

M. TRAllOULSI

Cette grande variabilité des précipitations est associée à une tendance à la baisse à l'échelle amlUelle, qui est significative au seuil de 5 % selon le test Mann Kendall (non illustré). Les précipitations saisorulières présentent elles aussi Me tendance à la baisse mais elle n'est significative que durant le printemps (fig. 8). Nous avons trouvé le même résultat pour la station de Beyrouth-AIB au Liban 26.

350

300

y = -2,3428x + 194,51

Ktest =-2,4467

250

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100

Fig. 8

Tendance des précipitations printanières à Lattaquié (1970-71/2009-10) (© M Traboulsi).

Cette variabilité apparaît aussi dans la durée de la saison pluvieuse qui est théoriquement de 7 mois en moye1ll1e, d'octobre à avril, si l'on adopte la méthode de Gaussen (P 2T) (fig. 9). =

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160

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140

70

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Fig. 9

26.



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Diagramme ombra-thermique de la station de Lattaquié (période 1970-71/2009-10) (© M Traboulsi).

Traboulsi et al., sous presse.

Al'ERçu SUR LE CLIMAT DU LITTORAL SYJUEN

233

La durée de la saison pluvieuse, selon cet indice, varie aussi selon les années. Elle présente une tendance à la baisse durant la période étudiée (fig. 10) qui est significative statistiquement. Cette tendance à la baisse de la durée de la saison pluvieuse engendre parallèlement une tendance à la hausse de la durée de la saison sèche qui a varié entre 5 et 9 mois durant la période étudiée (non illustré). 8

Ktest

=

-4,3807

v

=

-O,029x+ 6,2192

2 1

Fig. 10 Variabilité de la durée de la saison pluvieuse à Lattaquié selon l'indice de Gaussen (1970-71/2009-10) (© M Traboulsi).

La durée de la saison pluvieuse est beaucoup moins longue si on se base sur la méthode des cumuls des données pluviométriques quotidiennes standardisées (SPI, cité plus haut). Elle est de 109 jours en moye1ll1e (soit un peu plus de 3 mois et demi), et est aussi caractérisée par me grande variabilité, liée à la variabilité des dates de démarrage et de fin de cette saison (fig. 11 et 12). La date moyenne du début de la saison pluvieuse pour la période étudiée se situe autour du 15 novembre, alors que la date moyelll1e de fin de cette saison est placée vers le 4 mars. Ces dates varient d'une année à l'autre tout en montrant une tendance « à la hausse " pour la date de démarrage de la saison des pluies (le début de la saison a tendance à se produire plus tard) et une tendance « à la baisse " pour la date de sa fin (tendance à se produire plus précocement) mais cette tendance est significative statistiquement au seuil de 10 % seulement pour la date de fin de cette saison. La tendance de ces dates apparaît dans la tendance de la durée de la saison pluvieuse qui se raccourcit (non illustré) et qui est significative également au seuil de 10 %. Ces précipitations tombent en un petit nombre dejours, 74,8 jours en moyenne par an (contre 84,2jours par an en moyenne pour la période 1960-61/1973-74, et 89,8 jours à Slenfa pour la même période). Les jours qui totalisent me quantité supérieure ou égale à 1 0 mm sont de l'ordre de 22,3 jours par an en moyenne (contre une moyenne de 24 jours pour la période 1960-61/1973-74, 48 jours à Slenfa) tandis que les pluies intenses, 2: 25 mm ou 2: 50 mm, tombent respectivement 7,6 et 1,5 jours en moyenne. Ces pluies intenses se produisent dans la plupart de cas au cœur de la saison pluvieuse sans être absentes durant les autres saisons, particulièrement pour les jours recevant une quantité supérieure ou égale à 50 mm. Le nombre de jours des précipitations (2: 0,1 mm) présente aussi une tendance à la baisse, comme pour les totaux annuels, significative au seuil de 5 % (fig. 13). Les jours de pluie « intense " recevant une quantité 2: 10 et 2: 25 mm présentent aussi une tendance à la baisse qui est significative au seuil de 5 % selon le test Malll1 Kendall (successivement ktest -2,9593 et -2,9127). Les jours recevant une quantité 2: 50 mm ne présentent aucune tendance durant la période étudiée. Cette tendance à la baisse du nombre de jours de pluie va de pair avec la diminution des totaux alll1uels et l'augmentation des températures annuelles qu'elles soient maximales, minimales ou moyennes. L'explication résiderait en grande partie dans la circulation atmosphérique régionale. =

234

M. TRABOULSI

160

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140

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y = O,38S2x+67,704

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Fig. 11

-

Dates de démarrage de la saison pluvieuse à Lattaquié (de septembre 1970 àjuin 2010) (© M Traboulsi).

280

,



y = -O,3936x+ 192,67 240

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ro � �

" . 'C.. ..Ci

200

E E 160 • 8 "-

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" � , " .2, � • �

120

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"



E

4U

0 Z

Fig. 12 Dates defin de la saison pluvieuse à Lattaquié (de septembre 1970 àjuin 2010) (© M Traboulsi). -

100 90 80

" , .2. • �

"



E

0 Z

70 &0 50 40 30 20

Ktest = -2,4467

y = -0,4066x+83,135

10 0

Fig. 13

-

Évolution du nombre dejours de pluie t:- 0,1 mm) à Lattaquié pour la période 1970-71/2009-10 (© M Traboulsi).

APERÇU SUR LE CLIMAT DU LITlDRAL SYRlEN

235

RELATION ENTRE LES ÉLÉMENTS CLIMATIQUES ET LA CIRCULATION ATMOSPHÉRIQUE RÉGIONALE

Les études antérieures, basées sur les données de réanalyses NCEPINCAR 27, que nous avons menées sur l'évolution de la circulation atmosphérique 28, ont montré une tendance à la hausse des températures et des hauteurs du géopotentiel 500 hPa à l'échelle annuelle (saison pluvieuse : de septembre à mai) et à l'échelle saisonnière (automne, hiver, printemps et été) sur la Méditerranée orientale et le Proche-Orient. Cette tendance positive, significative au seuil de 5 % selon le test Marm Kendall, au-dessus de la Méditerranée orientale et de la région proche-orientale, n'est que l'expression d'une évolution de la circulation atmosphérique régionale vers des conditions de stabilité atmosphérique matérialisée par une persistance de la branche subsidente de la cellule de Hadley 29 et la diminution de fréquence des vallées planétaires d'air froid générant la cyc10genèse (fonnation des dépressions) au-dessus de la Méditerranée orientale. En effet, l'évolution des éléments climatiques tels que les températures et les précipitations ne sont que les conséquences de ces nouvelles conditions atmosphériques. L'examen des corrélations entre ces éléments (à tendance significative) d'une part et les hauteurs et températures d'altitude d'autre part nous donne une image réelle de l'évolution du climat du littoral syrien qui fait partie intégrante de la région proche-orientale. Les corrélations entre les températures du géopotentiel 500 hPa et les minimales et maximales de surface (à tendance significative à la hausse) durant la saison pluvieuse sont fortes (successivement r 0,7 et 0,6), matérialisées par un pôle positif sur la Méditerranée orientale et le Proche-Orient (fig. 14). Nous obtenons presque la même configuration des corrélations avec les hauteurs du géopotentiel 500 hPa (non illustré). À l'échelle saisonnière, les corrélations entre les paramètres d'altitude (hauteurs et températures du géopotentiel 500 hPa) et les températures maximales d'automne et d'été (à tendance significative) sont positives (r 0,5), formant un pôle positif couvrant la Méditerranée orientale et le Proche-Orient en automne et s'étendant jusqu'à la Russie en été (non illustré). Ces corrélations sont plus fortes pour les températures minimales que ce soit avec les températures ou les hauteurs du géopotentiel 500 hPa (fig. 15). Les corrélations entre les précipitations annuelles à tendance significative et les températures du géopotentiel 500 hPa sont négatives mais très faibles, alors qu'elles sont relativement plus fortes avec les hauteurs de ce géopotentiel. Les précipitations diminuent dans le sens inverse des hauteurs du géopotentiel 500 hPa (fig. 16). Dans tous les cas de figures, l'évolution des températures et des précipitations reste confonne à la modification de la circulation atmosphérique régionale où toute tendance à la hausse des paramètres d'altitude engendre une tendance à la hausse des températures et à la baisse des précipitations. La faible corrélation entre les précipitations et les paramètres d'altitude en comparaison avec celles des températures de surface est liée surtout à la nature des précipitations qui sont très variables dans le temps en relation surtout avec la fréquence des types de temps perturbés méridionaux notamment (types de nord direct, nord-ouest et gouttes froides) 30. Mais pour le même type de circulation, on peut avoir des totaux pluviométriques quotidiens très contrastés, qui peuvent varier du simple au double et davantage même. L'explication réside dans la nature des propriétés thenniques, hygrométriques et thennodynamiques de la masse d'air en place et dans l'environnement de la station 31. �

=

27.

Kalnay et al. 1996.

28.

Traboulsi 2016b.

29.

Les hautes pressions subtropicales.

30.

Traboulsi et al. 2018.

31.

El Melki 2014 ; Traboulsi et El Melki 2018.

236

M. TRAllOULSI

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Fig. 14

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Corrélation entre les températures du géopotentiel 500 hPa et les températures de surface à Lattaquié (minimales en haut et maximales en bas durant la saisonpluvieuse (septembre à mai) pour la période 1970-71/2009-10. Lignes continues : corrélation positive; lignes discontinues : corrélation négative; les valeurs négatives sont en gras (Cl M Traboulsi, jond des cartes C Narrant 2004).

AJ'ERçu SUR LE CLIMAT DU LITTORAL SYRIEN

237

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Fig. 15

Corrélation entre les températures minimales à Lattaquié en été et les paramètres d'altitude (températures du géopotentiel 500 hPa en haut et hauteurs en bas). Lignes continues :corrélation positive; lignes discontinues : corrélation négative ; les valeurs négatives sont en gras (Cl M Traboulsi, jond des cartes C Norrant 2004).

238

M. TRAllOULSI

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Fig. 16 Corrélation entre les précipitations (annuelles en haut et printanières en bas) et les hauteurs du géopotentiel 500 hPa. Lignes continues : corrélation positive; lignes discontinues : corrélation négative ; les valeurs négatives sont en gras (Cl M. TraboulsiJond des cartes C Narrant 2004).

239

APERÇU SUR LE CLIMAT DU LITlDRAL SYRlEN

CONCLUSION

Le littoral syrien, comme toute la régIOn proche-orientale, subit l'évolution des conditions atmosphériques qui tendent vers la stabilité, engendrant une tendance à la hausse significative des températures maximales et minimales notamment aux échelles ammelle et saisonnière (automne et été pour les premières et été seulement pour les deuxièmes). En se basant sur les données de la station de Lattaquié, on constate que la tendance des températures à la hausse est généralisée à toutes les échelles temporelles même si elle n'est pas toujours significative, ce qui est confOlme aux résultats obtenus à l'échelle de la région proche-orientale, où la tendance est significative même à l'échelle mensuelle 32. Quant aux précipitations, les totaux annuels diminuent significativement alors que les totaux saisonniers diminuent significativement seulement au printemps. La diminution de ces derniers apparaît dans la tendance à la baisse de la durée de la saison pluvieuse durant la période 1970-7112009- 10. Cette dernière constatation corrobore le résultat d'une étude sur la durée de la saison pluvieuse pour une période plus courte, 1970-2002 33• Ce résultat mitigé pour la tendance des précipitations corrobore aussi la tendance des précipitations à l'échelle régionale 34. Les « faibles » corrélations entre les précipitations et les paramètres d'altitude à l'échelle de la station (Lattaquié) connne à l'échelle régionale supposent l'exploration d'autres pistes de recherches comme les températures de la Méditerranée, la nature des propriétés dynamiques, hygrométriques et themlOdynamiques de la masse d'air en place sans oublier les caractéristiques géographiques de la station en question. Les conséquences du réchauffement climatique actuel qui se manifestent par une tendance à la hausse des températures et à la baisse des précipitations nous aident à mieux comprendre les fluctuations climatiques dans le passé, sachant que le Proche-Orient a connu (cf. ci-dessus) de nombreux changements climatiques depuis le dernier maximum glaciaire et que ce serait autour de 5000 ans BP que se serait établi le climat actuel, lorsque la Zone de Convergence Intertropicale a pris une position plus méridionale, proche de sa place actuelle. Les tendances actuelles décelées sont associées à une modification dans la circulation atmosphérique régionale qui se manifeste par la diminution des fréquences des types de temps perturbés générateurs des précipitations. Il est vrai que la région proche-orientale est sous l'influence de la circulation zonale d'ouest (Jet Stream subtropical) en hiver mais elle n'est zonale en fait qu'en moyenne et les précipitations sont liées plutôt à la circulation méridienne matérialisée par des vallées planétaires froides amenant l'air polaire froid continental qui, lors de son passage au-dessus de la Méditerranée orientale se réchauffe par la base ce qui provoque une forte instabilité. C'est donc la fréquence de ces vallées qui est mise en cause et qui est liée à la dynamique des masses d'air froid en provenance des hautes latitudes. Si cette tendance à la baisse se poursuit, elle pourrait entraîner une persistance des crêtes chaudes et par la suite une subsidence atmosphérique et des conditions inhibitrices des précipitations. Sur le long terme ce sont les caractères méditerranéens du climat qui pourraient être remis en cause. Cette dernière hypothèse doit cependant être considérée avec prudence, la période étudiée étant courte.

32.

Traboulsi

33.

Traboulsi 2012.

et al. 2017.

34.

Traboulsi 2016a.

M. TRABOULSI

240

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243-252

LA RÉGION DE RAS SHAMRA EN CARTES -

11

-

LES PARTICULARITÉS D'UNE RÉGION

Bernard GEYER *, Valérie MATOÏAN **, Marie-Laure CHAMBRADE *

Avec cette deuxième livraison, ce sont six cartes ou ensembles de cartes, accompagnées de leurs commentaires (voir la liste ci-dessous) qui auront été publiées, dans le dessein de préciser les réalités composites qui font la particularité de la région de Ras Shamra-Ougarit. Hormis celle qui porte sur « Ougarit et le Croissant fertile », conçue pour présenter le contexte que constituent les deux grands domaines bioclimatiques du Proche-Orient, le domaine euméditerranéen auquel appartient le royaume d'Ougarit et le domaine aride au-delà des montagnes levantines, les cartes présentées se rapportent à des composantes dites « statiques » ou« dynamiques » du milieu naturel de la région étudiée. Sont considérées comme « statiques », les composantes qui n'ont guère subi que des changements mineurs durant l 'Holocène, sauf exceptions très localisées 1. Situation, relief, lithologie, zone climatique, hydrographie, héritages paléoclimatiques pléistocènes en font partie. N'ayant pas ou peu évolué, elles correspondent aujourd'hui encore, à peu de choses près, à ce qu'elles étaient dans le passé, du moins à l'échelle de temps dans laquelle nous nous plaçons. À l'opposé, les composantes dynamiques (régime thenno-pluviométrique, hydrologie, support édaphique, couvert végétal, héritages paléoc1imatiques holocènes, fonnes d'anthropisation, etc.) peuvent connaître, sur le long ou moyen tenne mais parfois également sur le court tenne, des transformations notables, éventuellement cycliques, dont les réalités passées sont donc plus difficiles à cerner. L'analyse de ces composantes nous pennet cependant de souligner différentes particularités qui fondent la spécificité géographique de la région de Ras Shamra. - La carte hypsométrique, qui traduit le caractère fondamentalement statique de la composante topographique, fait ressortir l'important développement des divers étages altitudinaux - plaine littorale, collines et plateau aux pentes douces de Bahlouliyé -, domaines agricoles adossés aux montagnes autrefois

,

Université de Lyon, CNRS,Archéorient, lTh1R 5133, Maison de l'Orient et de la Méditerranée.

"

lTh1R 7 1 92 - Proclac - Proche-Orient, Caucase : langues, archéologie, cultures (CNRS, Collège de France).

1.

Ces exceptions peuvent par exemple être le fait d'épandages basaltiques, de rej eux de failles, de phénomènes érosifs ou

d'interventions particulièrement perturbatrices de l'homme, comme c'est le cas lors de l'érection des barrages.

244

B . GEYER, V. MATOÏAN, M.-L. CHAMBRADE

boisées qui les ceinturent. Seule la région de Lattaquié - Ras Shamra profite ainsi de la complémentarité d'aussi vastes espaces aux vocations diverses, céréaliculture, arboriculture, élevage, exploitation du bois, etc. Ailleurs, l'absence de plaine littorale ou la transition abrupte entre cette plaine et la montagne limite la variété des milieux. - La carte relative au climat et à sa variabilité révèle, outre l'appartenance de la région à la zone climatique méditerranéenne, fait attesté dès l'âge du Bronze, l'importance des précipitations (plus de 800 mm en moyenne par an sur le littoral) et, surtout, leur variabilité interammelle relativement faible (avec un coefficient de variation de moins de 25 %, pour 25 à 30 % sur le littoral de manière générale, de 35 à 45 % à l'intérieur des terres, de plus de 50 % aux confins des déserts), offrant ainsi à la région des conditions particulièrement favorables à la pérennité de l'implantation humaine et à la mise en valeur agricole. - La carte lithologique fait ressortir la particularité de la région de Ras Shamra, seule à disposer de l'affleurement d'un ensemble de roches aussi diversifiées et imbriquées, qui génèrent une variété de sols propre à la richesse agricole, mais aussi la variété des matières premières qui vont être utilisées dans la construction ou pour la réalisation de mobilier. - Les cartes de 1'hydrographie et des bassins-versants permettent de comprendre comment et pourquoi Ras Shamra bénéficie d'un contexte hydrologique spécifique. Des bassins-versants de taille réduite, des cours d'eau peu pentus limitent les risques de crues brutales, si fréquentes et dévastatrices dans la région, et évitent le développement d'espaces d'eaux stagnantes, foyers endémiques de maladies, tout en assurant des apports suffisants pour entretenir les sources et alimenter les nappes. - La carte des sources montre l'importance de ces dernières dans l'approvisionnement en eau de la région, mais aussi leur répartition très inégale. Autour de Ras Shamra, c'est à une péripétie géologique - l'affleurement de marnes imperméables - que l'on doit la présence de trois sources, qui étaient encore naguère abondantes et pérennes et venaient compléter l'offre de la nappe phréatique. Malgré la longueur de la saison sèche, les ressources hydriques locales pelTIlettent donc que soient minimisés les effets de la sécheresse estivale. Il convient également de rappeler ici un fait déjà souligné maintes fois, à savoir la position très particulière d'Ougarit dans le contexte régional. Idéalement placée au carrefour des grandes routes commerciales de l'époque, la cité bénéficiait de deux avantages dételTIlinants. Côté terre, la longue vallée du Nahr el-Kébir septentrional, qui débouche peu au sud de Lattaquié, pelTIlettait de rejoindre sans grande difficulté l'intérieur des terres 2, le Croissant fertile, les axes de communication majeurs qui empruntent les plaines et les plateaux menant vers la Mésopotamie, l' Égypte et l'Anatolie. Côté mer, c'est la proximité de Chypre qui fut probablement l'atout dételTIlinant. L'île n'est en effet qu'à un peu plus de 100 km de la presqu'île de Ras Ibn Hani, au plus proche donc des côtes levantines 3, favorisant grandement la navigation. Celle-ci était par ailleurs facilitée, côté continent, par la présence du cône majestueux du Djebel Akra, point d'amer remarquable pour les marins qui, approchant de la côte, avaient, pour les guider vers Minet el-Beida, la blancheur des falaises qui enserrent la baie, l'une des plus vastes du Levant nord, où était implanté le port principal de la métropole. Ras Shamra et sa proche région se révèlent donc être particulièrement favorables à l'implantation humaine, tant du fait de leur localisation, que des ressources disponibles et du potentiel agricole, soulignés par nos cartes thématiques. Si ce constat ne peut pas, évidemment, expliquer à lui seui l' extraordinaire développement et le rayonnement de la cité d'Ougarit à l'âge du Bronze, il apparaît clairement que les composantes du milieu fondent, du fait de leur combinaison originale, la personnalité géographique de son territoire et qu'elles ont favorisé l'émergence, à cet endroit particulier, d'une capitale prospère.

2.

Rappelons qu'il n'existe, au Levant nord, que trois passages vers l'intérieur des terres : la trouée de Homs, le couloir du Nahr el-Kébir septentrional et le fossé de l'Oronte inférieur ouvrant vers la vallée de l'Afrin.

3.

À titre de comparaison, la distance séparant Byblos de Chypre est d'un peu plus de 1 7 0 km .

LA RÉGION DE RAS SHAMRA EN CARTES - II - LES PARTICULARITÉS D'UNE RÉGION

245

Cartes ou ensembles de cartes parus, avec leurs commentaires, dans le volume .x::rv de la série Ras Shamra - Ougarit 4 : Le royaume d'Ougarit, entre mer et montagne Climat et variabilité dans la région de Ras Shamra - Ougarit Ougarit et le Croissant fertile

Cartes ou ensembles de cartes et commentaires publiés dans le présent volume : Une lithologie simplifiée de la région de Ras Shamra - Ougarit Hydrographie et bassins-versants dans la région de Ras Shamra - Ougarit Les sources dans la région de Ras Shamra - Ougarit

4.

Matoïan

V. (dir.), Archéologie, patrimoine et archives, Les fouilles anciennes à Ras Shamra et à Minet el-Beida, l,

Ras Shamra - Ougarit XXV, Éditions Peeters, Louvain.

Archéologie, patrimoine et archives II

RSO XXVI, 2019, p. 247-249

THE REGION OF RAS SHAMRA IN MAPS -

11

-

THE PARTICULARITIES OF A REGION

Bernard GEYER*, Valérie MATOÏAN**, Marie-Laure CHAMBRADE*

With this second part, there are six maps or assemblages of maps published with their commentaries (see the list below), with the intention of defining the composite realities that make up the particularity of the region of Ras Shamra-Ugarit. Except for the map concerning "Ugarit and the Fertile Crescent", which presents the context of the two great bioclimatic regions of the Near East, the "Eu-Mediterranean" zone to which the kingdom of Ugarit belongs and the arid region beyond the Levantine mountains, the maps concern components referred to as "static" or "dynamic" in the natural environment of the region studied. Considered as "static" are those components that underwent only minor changes during the Holocene, except for very local situations.! Location, relief, lithology, climatic zone, hydrography and components inherited from the Pleistocene palaeo-climate are part of this. Having evolved very little or not at all, they still correspond today, more or less, to what they were in the past, at least on the time scale with which we are concerned. In contrast, the "dynamic" components (thelTIlo-pluviometric regime, hydrology, edaphic base, plant coyer, components inherited from the Holocene palaeo-climate, fOlTIls of human impact, etc.) could have undergone large, possibly cyclic, transfolTIlations which are more difficult to detelTIline. The analysis of these components allows us however to highlight different particularities which make up the geographic specificity of the region of Ras Shamra. -The hypsometric map, which expresses the fundamentally static nature ofthe topographie component, reveals the considerable development of the various altitudinal stages-coastal plain, hills and plateau to the gentle slopes of Bahlouliye-agricultural zones backed up against previously forested mountains

,

Université de Lyon, CNRS,Archéorient, lTh1R 5133, Maison de l'Orient et de la Méditerranée.

"

lTh1R 7 1 92 - Proclac - Proche-Orient, Caucase : langues, archéologie, cultures (CNRS, Collège de France).

1.

These exceptions can be, for example, basalt spread, replay of faults, erosion phenomena or particularly disruptive interventions by humans, such

as the construction of dams.

248

B. GEYER, V. MATOÏAN, M.-L. CHAMBRADE

that enclose them. Only the region of Lattakia-Ras Shamra benefits thus from the complementarity of such vast spaces with various uses-cereal crops, arboriculture, animal husbandry, wood exploitation, etc. Elsewhere, the absence of a coastal plain and an abrupt transition between this plain and the mountains limits the variety of environments. The map relating to climate and ils variability reveals, besides tlie fact tliat the region belongs to tlie Mediterranean climate zone, documented since the Bronze Age, the high degree of precipitation (more than an average of 800 mm per year on the coast) and in particular its relatively low inter-annual variability (with a variation coefficient of less than 25%, 25 to 30% generally on the coast, 35 to 45% inland, more than 50% in the deserts), showing that conditions in this region are particularly favourable to long-term human settlement and agricultinal developmen!. -The lithological map highlights the particularity of the region of Ras Shamra, which contains outcrops of an assemblage of rocks that are diversified and interlinked, which generate a variety of soils good for agriculture as weIl as a variety of raw materials that were to be used in construction or for the production of objects. -The maps ofthe hydrography and the watersheds enable understanding ofhow and why Ras Shamra benefits from a specifie hydrological contex!. Small watersheds and watercourses of lesser slope limit the risks of abrupt fiooding, very frequent and destructive in the region, and avoid the development of areas of stagnant water, endemic sources of disease, at the same time ensuring sufficient water supply to maintain the springs and feed the water tables. -The map of the springs shows their importance in the supply of water in the region, as weIl as their very unequal distribution. Around Ras Shamra, it is to a geological occurrence-the outcropping of impelTIleable marls-that we owe the presence of three springs, which were even recently abundant and perennial and complemented the contribution ofthe water table. ln spite ofthe lengtli of the dry season, the local water resources limit the effects of summer drought. A fact should be pointed out here that has already been emphasized many times, that is, the very particular position of Ugarit in the regional contex!. Ideally placed at the crossroad of great commercial routes of the period, the city benefitted from two decisive advantages. On tlie land side, tlie long valley ofthe northem Nahi el-Kebir, which emerges a little soutli of Lattakia, enabled easy access to the hinterland,2 the Fertile Crescent, the major routes of communication that follow the plains and tlie plateaus leading to Mesopotamia, Egypt and Anatolia. On the sea side, it is the proximity of Cyprus that was probably the determining asse!. The island is only a little more than 100 km from the peninsula of Ras Ibn Rani, the nearest of the Levantine coasts,3 which highly favours navigation. This was facilitated by the presence of the majestic cone of Jebel Akra on the continental side, a high point readily seen by sailors who, approaching the coast, were guided to the Minet el-Beida by tlie whiteness ofthe cliffs tliat encirc1e the bay, one of the largest of the northem Levant, where the principal port of tlie city was established. Ras Shamra and its close region were thus particularly favourable to human settlement, as much in location as in the resources available and the agricultural potential, highlighted by our thematic maps. Although this statement obviously carmot alone explain the extraordinary development and influence of the city of Ugarit in the Bronze Age, it clearly appears that the components of the environment, because of their unusual combination, fOlTIl the geographic personality of its territory and favoured the emergence of a prosperous capital in this particular place.

2.

We must remember that in the northem Levant there exist only three passages leading inland: the gap of Homs, the corridor of the northem Nahr el-Kebir and the channel of the lower Orontes opening towards the valley ofAfrin.

3.

For comparison, the distance separating Byblos from Cyprus is a little more than 1 7 0 km .

LA RÉGION DE RAS SHAMRA EN CARTES - II - LES PARTICULARITÉS D'UNE RÉGION

249

Maps or assemblages of maps published, with their commentaries, in volume .x::rv of the series Ras Shamra- Ugarit:4 The kingdom of Ugarit, between sea and mountain Climate and variability in tlie region of Ras Sliamra-Ugarit Ugarit and tlie Fertile Crescent

Maps or assemblages ofmaps and commentaries published in the present volume: A simplified litliology oftlie region of Ras Slianna-Ugarit Hydrograpliy and catchment areas in tlie region of Ras Sliamra-Ugarit Tlie springs in tlie region of Ras Slianna-Ugarit

4.

Matoïan

V. (dir.), Archéologie, patrimoine et archives, Les fouilles anciennes à Ras Shamra et à Minet el-Eeida, l,

Ras Shamra - Ougarit XXV, Éditions Peeters, Louvain.

Archéologie, patrimoine et archives II RSO XXVI, 2019, p.

251-252

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B. GEYER, V. MATOÏAN, M.-L. CHAMBRADE

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