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French Pages 140 [134] Year 2008
Hervé Coutau-Bégarie
2030, la fin de la mondialisation ?
TEMPORA, PERPIGNAN
INITIATION À LA GÉOPOLITIQUE
Collection dirigée par Olivier Zajec Déjà paru: La stratlgit dt l'Iran, mire p11issanrt tl mlmoire, Matthieu Anquez,
décembre 2008 ùs umts de la glopolitiqut, Olivier Zajec, décembre 2008
© Décembre 2008, ISBN 978 2916 0533 70 Éditions Tempora - 11, rue du Bastion Saine-François 66000 PERPIGNAN - www.editionstempora.fr
A ma femme
SOMMAIRE AVANT-PROPOS ......................... 13 INTRODUCTION •.......•..••....•••..•••••.15
I - De la prospective ....................... 15 Des aléas de la prospective .... ..... ........ 15 De la nécessité de la prospective ............. 19 De la méthode de l'étude .................. 20 Des facteurs, des acteurs, des événements ....... 25 II - Les termes du débat .................... 27 De la définition de la sécurité ............... 27 De l'avenir de l'entité France ................30 CHAPITRE 1 - QUELLES TENDANCES LOURDES? •••.• 33
I - Le facteur démographique ............. : .33 La révolution démographique ...............33 L'envolée des flux migratoires ................34 De la transition à l'implosion démographique ...36 II - Le facteur écologique ...............•....38 Vrais et faux problèmes d'environnement .......39 Le vrai problème de l'eau ..................40
2030. la fin dt la mo11.Jialisatio11?
Le problème des ressources .................41 III - Le facteur économique .................44 L'absence de remise en cause du modèle ........ 45 L'hypothèque des finances publiques ..........48 IV - Le facteur idéologique et religieux ........ 49 L'irrésistible déclin des religions séculières ...... 49 L'effervescence religieuse .............: ......50 La dlcomposition d,, chriJtianisme . . . . . . . . . . . . 51 L'avenir de l'islam . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 La perte de repères .......................55 V - Le système et le chaos .................. 5 5 II - QUELLE MONDIALISATION? ••.....• 59 I - L'affaiblissement des États ................ 59 II - Le nouveau système mondial ............. 61 Les composantes du système ................61 Tous contre l'État ........................62 III - La fin de l'ordre westphalien? ........... 64 La grande transformation ..................64 La résistance de l'ordre ancien ............•...66 IV - La fin de l'ordre territorial? ............. 67 La multiplication des réseaux ...............68 La persistance de l'instinct du territoire ........ • 69 V - Conclusion ...........................70 Un monde pacifié? ................. ; ..... 70 CHAPITRE
III - QUELLES MENACES? .•••..•••.... 73 I - La menace terroriste ....................73 L'avenir du terrorisme .....................73 C HAPITRE
Srm,mairt
Les facteurs du terrorisme .................. 75 Le problème spécifique du monde arabe ........ • 78 Une menace récurrence et marginale .. .........79 II - La menace des crises ...................80 La guerre asymétrique .....................80 Le problème de la technoguérilla .............81 Il ! - La menace de la guerre .................82 Une g_uerre majeure est-elle concevable? .......82 Le problème des ADM .....................83 IV - QUELLES RIPOSTES? ........••.•.85 I - Ordre public ou sécurité internationale? ....85 II - Les instruments ............. . ......... 86 • Les doctrines de la « Transformation » .........89 III - Le triptyque stratégique ................90 Dissuasion .............................91 Projection ............................. 92 Protection ..... : .......................93
CHAPITRE
V - QUEI.J.E DISTRIBUTION DE LA PUISSANCE? 95 I - !:évolution au xx:e siècle .................95 II - Les modèles concevables ................97 1. Le système hégémonique ou impérial ........97 2. Le système bipolaire ................... 103 La Russie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 La Chine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Le japon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 Les pays émergents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 L'Er,rope . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
CHAPITRE
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3. Le système à directoire .................115 4. Le système des blocs régionaux ...........116 S. Le système de l'équilibre ................ 120 6. Le système anarchique ..................120 III - Essai de bilan .......................122 VI - QUELLE PLACE POUR LA FRANCE? •.12 5 1 - Les contraintes ....................·.....12 5 Contrainte financière ....................126 Contrainte médiatique ........... ........127 Contrainte européenne ...................127 II - Le défi .............................128
C HAPITRE
Conclusion .......... ........... .. .. ... .133
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Avant-propos En 2003, la Délégation aux Affaires Stratégiques (DAS) du Ministère de la défense lançait une enquête sur les archi tectures de sécurité à l'horizon 2030, dans la perspective d'une refonte du Livre blanc sur la Défense. L'Institut de Stratégie Comparée répondit avec une étude dont le présent ouvrage constitue une version revue et entièrement mise à jour, le ministère ayant accordé l'autorisation de • publication. Cette origine explique la forme très synthé tique et le parti-pris d'absence de références en bas de pages. Surcout, elle souligne que le propos est centré sur la sécurité politico-militaire. Il ne s'agit pas d'une « pesée globale » du monde, comme les affectionne Pierre Chaunu. Les conclusions proposées ne sont valables que dans cette perspective et à l'horizon considéré: 2030.
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Introduction I - De la prospective Des aléas de la prospective
. En 1960, le Commissariat au plan commandait à un groupe de jeunes experts et fonctionnaires promis à un brillant avenir un rapport prospectif sur l'état de la France en 1985. A l'échéance fixée, le même groupe se retrouvait, quelque peu vieilli, pour un déjeuner à l'issue duquel le Commissariat au plan proposa à ses membres, pour la plupart en retraite, de se réunir à nouveau pour procéder à l'évaluation critique de leur rapport. Sportivement, ils acceptèrent. Ils avaient bien vu un certain nombre de tendances qui s'étaient révélées exactes: le doublement du niveau de vie des Français, la réduction drastique du nombre des agriculteurs, le déclin des industries lourdes traditionnelles, la montée des services, l'ouverture crois sante sur l'Europe et sur le monde ... En revanche, au moins trois faits majeurs leur avaient échappé: la révolution informatique (les circuits intégrés datent de 1969), les chocs pétroliers, l'affirmation du Japon comme deuxième exportateur mondial.
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Cet exemple confirme les aléas de ln prospective qui est, par définition, un exercice extrêmement dangereux dans lequel on a beaucoup plus de chances de se tromper que de tomber juste. Bernard Cazes a écrit une passionnante Hi.rtoire desfi,11m dont il ressort que des deux grandes caté gories d'auteurs se consacrant à la prévision ou à la prédic tion du futur, les prospectivistes, tenus par une certaine rigueur scientifique, et les romanciers, qui peuvent laisser libre cours à leur imagination, ce sont paradoxalement les romanciers qui ont tendance à faire les prévisions les plus exactes. Pire, les prospeccivisces ec les romanciers sont souvent les mêmes, beaucoup d'experts se défoulant des contraintes auxquelles ils sont soumis dans leur métier en s'abandonnant à des visions futuristes plus ou moins déli rantes: or leurs romans sont souvent plus justes que leurs travaux sérieux. Voilà qui devrait mettre en garde contre la tentation de la prospective, cimetière parsemé d'épaves au dépare clinquantes et vice lamentables. Cette assertion générale trouve une confirmation particulière dans le domaine politico-stratégique. Faut-il seulement rappeler que l'événement majeur de la fin du � siècle, l'effondrement de l'Union soviétique, n'avait été prédit par aucun expert sérieux? Le livre d'Hélène Carrère d'Encausse, L'Empire édaté(1980), malgré son titre (imposé par l'éditeur), n'annonçait aucunement l'éclatement prochain de l'Union soviétique, contrairement à ce que son auteur a ultérieurement laissé dire: il se bornait sim plement à souligner la montée relative des populations non slaves et à dire que ce phénomène poserait à terme (terme non précisé) des problèmes à la direction de l'Union sovié tique. Au même moment, l'un des sociologues français les
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plus éminents, Michel Crozier, publiait un livre cout à fait expressif: Le Mal américain, qui tendait à accréditer la thèse d'un déclin irrémédiable des États-Unis. En 1984, Raymond Aron, l'analyste le plus brillant de la société industrielle, est more sinon désespéré, du moins sceptique sur les chances de survie de l'Europe occidentale comme l'accesce l'un de ses derniers livres, Plaidoyer po11r l'E11rope décadente (1977). En 1981, Cornélius Cascoriadis, l'ancien fondateur de Socialisme ec barbarie, pourfendeur au temps de la guerre du Vietnam de l'impérialisme américain, publie Devant la g11erre, dénonciation virulence de la scaco cracie soviétique: sous le choc du coup de Kaboul, comme la plupart des observateurs, il ne voie plus dans l'Union soviétique qu'une puissance impérialiste donc l'appareil militaire colossal est en train de surclasser définitivement une alliance occidentale de plus en plus passive ec résignée. Les erreurs d'analyse sonè d'ailleurs rellemenc flagrances qu'elles sonc aussitôt dénoncées ec qu'elles aboucironc à une impasse, le corne deux annoncé ne voyant jamais le jour. Il esc vrai que l'on pourrait cirer quelques auteurs qui affirmaient l'effondrement inévitable de l'Union sovié tique: Soljénicsine, Arnalrik ou en France Michel Garder, dès 1965, puis Emmanuel Todd, à partir d'une analyse démographique. Mais la plupart de ces prévisions ou plutôt prédictions écaienc d'abord fondées sur un jugement philo sophique ou moral, ec aucun ne se hasardait à fixer d'échéance, sauf Andrei Amalrik (mais le titre de son livre I.!Union soviétiq11e mrvivra-t-elle à 1984? n'étaie qu'un clin d'œil au livre célèbre d'Orwell). On ne peut guère citer qu'une seule exception: Raymond Abellio a annoncé, dans le Manifeste po11r une no11velle gnose (1986), la fin de l'Union
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soviétique pour là fin de 1991. Mais sa prédiction pose un problème épistémologique majeur, puisqu'il parvenait à ce résultat à partir d'une conjonction astrologique entre Uranus et Neptune, particulièrement néfaste pour le communisme international. Il serait imprudent de pré tendre l'imiter. On pourrait multiplier les exemples, dans tous les domaines, de prévisions trop optimistes ou à l'inverse exagérément pessimistes. Durant la Seconde Guerre mondiale, le géopoliticien Alexandre de Severski annonçait l'avènement d'avions d'un rayon d'action équivalant au tour de la terre pour la décennie suivante. En 1976 encore, Raymond Aron estimait à une sur deux la probabilité d'une guerre nucléaire majeure avant la fin du siècle. Il vaudrait mieux reconnaître que nous ne disposons pas d'ins trument de prévision fiable, sauf dans quelques secteurs particuliers, notamment la démogr aphie. Les discours de la prospective se sont raffinés, ont mis en œuvre des indicateurs de plus en plus complexes, de plus en plus sophistiqués, mais pour des résultats toujours aussi incer tains. Dans les années 1960, la prospective connaissait un brillant essor, aussi bien aux États-Unis, sous l'impulsion d'Herman Kahn, qu'en France sous l'impulsion de Gaston Berger et de Bertrand de Jouvenel (fondateur de F11turibles, auteur de l'un des essais de prospective les plus réussis: ArCttdie, essais s11r le mie11x-11i11re, 1968), et l'on ne doutait point de sa rapide accession au statut de science sociale présentant le même degré de fiabilité que la sociologie. Il a fallu constater que ce n'était qu'une illusion. Herman Kahn s'est ridiculisé en 1972 avec sa prévision d'un avenir économique radieux, quelques mois seulement avant les
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chocs pétroliers qui ont plongé le monde dans une crise profonde et durable. En 198 1 , une étude offi cielle concluait qu'en 2000, le solaire représenterait plus de 20 % du bilan énergétique de la France 1 ; dans la réalité, l'éner gie solaire ne représente pas 1 % de la consommation. Quant aux nodules polymétalliques, qui devaient représen ter en 2000 un tiers et plus de la production de certains minerais, d'après les prévisions des années 1970, leur part se monte à... 0 % et l'on ne prévoit plus d'exploitation industrielle avant 2040 au mieux.
• De la nécessité de la prospective Un tel constat est plutôt décourageant. Il n'infirme pas pour autant la nécessité d'une réflexion prospective. Nous avons besoin de savoir où nous allons et l'instrument prospectif le plus imparfait vaut quand même mieux que l'absence de toute réflexion prospective. Aussi insuffi sants que soient nos instruments de prévision, il est vital d'essayer de savoir quel sera l'environnement de la France dans les prochaines décennies, à quels défis et quelles menaces elle sera confrontée, de quels moyens elle pourra éventuellement disposer pour y faire face. La définition d'une politique et d'une stratégie passe nécessairement par l'identification de lignes de forces qui vont structurer le paysage politico-stratégique à court, moyen et si possible long terme. En effet, la politique, comme la stratégie, impose des choix et ceux-ci ne peuvent se faire qu'en fonction d'une certaine idée de l'avenir.
1. Comité d'action pour le solaire, Politique l11trgltiq11t. Lt.J voies du solaire, La Documentation française , 1981.
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Même si celui-ci est, par nature, imprévisible, il est pos sible de raisonner en termes de probabilités afin de réduire l'éventail des possibilités et ainsi d'identifier les axes d'une politique et d'une stratégie. Le retard français dans le domaine de la prospective contraste avec le caractère foisonnant des études aux Êtats Unis. Le Pentagone consomme beaucoup de travaux sur ce thème, la RAND Corporation s'en est fait une spécialité. D'autres organismes y travaillent, nombreux, souvent orientés, mais très imaginatifs.
De la méthode de l'ét11de La prospective est, par définition, un exercice subtil et incertain. Cette incertitude se retrouve dans la pluralité des méthodes qui ont pu être employées, avec des succès ou souvent des insuccès divers. La première méthode consiste à faire le bilan de l'exis tant pour le comparer avec la situation celle qu'elle pour rait se présenter à l'échéance considérée. C'est la démarche la plus souvent employée, la plus risquée aussi et fina lement la moins scientifique. Comment imaginer le inonde en 2030 alors que nous ignorons tout de quelques-unes de ses caractéristiques majeures ? Il suffit de se reporter trente ans en arrière pour constater la futilité d'un tel exercice : en 1970, Internet n'existait pas encore et presque personne ne mesurait vraiment les potentialités de la révolution électro nique ; personne, on l'a dit, ne se risquait à pronostiquer l'écroulement avant l'échéance de trente ans de l'Union soviétique ; le SIDA n'existait pas et l'on n'imaginait guère le retour des grandes pandémies à l'heure où la médecine semblait triomphante. On pourrait multiplier les inconnues.
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